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HISTOIRE DU PACTE AVEC LES DIEUX.
Tome I.
CAUSES ET CONSÉQUENCES
DES GRANDES BATAILLES
DE LA MÉTA-HISTOIRE.
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« Petit à petit nous oublions nos mythes et nos légendes.
En les oubliant, nous nous coupons de nos racines
Et nous perdons ainsi une partie de notre identité.
Les mythes et les légendes,
Pour peu que nous soyons dans l’attitude qui convient
En les découvrant sous les voiles de la poésie,
Expliquent le monde, la vie, la nature humaine,
Ses troubles et ses immenses possibilités.
Chante harpe du cœur !
Raconte les frémissements des eaux virginales,
La gloire de la Déesse, mère des ondes
Et les convulsions de la naissance du monde ».
Pierre Duchêne.
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ODE AUX TRÈS-SACHANTS.
La moitié du malheur de l’Humanité vient du fait que, il y a plusieurs milliers d’années, quelque part au Moyen-Orient, des peuples de par leur langue ont conçu la spiritualité ou la mystique…
— Non comme une quête de sens, d’espoir ou de libération avec les concepts qui s’y rattachent (distinction opposition ou différence entre matière et esprit, éthique, discipline personnelle, philanthropie, vie après la vie, méditation, quête du Graal, pratiques…).
— Mais comme une loi (DIN) gigantesque et protéiforme devant régir la vie quotidienne des hommes avec tout ce que cela implique.
Des obligations ou des interdits que tout un chacun doit respecter jour et nuit.
Des infractions ou des contraventions à cette multitude d’interdits quand ils ne sont pas suivis à la lettre.
Des jugements quand une ou plusieurs de ces lois sont violées.
Des condamnations. Pour les coupables.
Des non-lieux ou des relaxes pour les innocents APPELÉS JUSTES…
CETTE CONFUSION ENTRE LE NUMINEUX ET LE RELIGIEUX PUIS ENTRE LE SACRE ET LE PROFANE NOUS POURRIT LA VIE DEPUIS 4000 ANS VIA ISRAËL ET SURTOUT LES NOUVEAUX ISRAËL QUE VEULENT ÊTRE LE CHRISTIANISME ET L’ISLAM.
Le principe de base de notre Ollotouta nous a été donné, il y a longtemps déjà, par notre maître à tous en ce domaine ; le grand barde gaélique fondateur de la Libre-pensée moderne, que l’on évoque habituellement sous le nom anglicisé de John Toland. Il ne peut pas y avoir par définition de choses contraires à la Raison dans de Saintes Écritures émanant vraiment du Divin.
S’il y en a, il s’agit alors, soit d’erreurs, soit de mensonges !
Ou il n’y a aucun mystère, ou alors il ne s’agit en aucune façon d’une révélation divine !
Il n’y a aucun moyen terme…
Nous ne reconnaissons pas d’autre orthodoxie que celle de la Vérité, car, où qu’elle soit en ce monde, doit également se tenir, nous en sommes totalement convaincus, l’Église de Dieu, et pas celle de telle ou telle faction humaine…
Nous sommes par conséquent partisans de ne faire aucun quartier à l’erreur sous quelque prétexte que ce soit, chaque fois que nous aurons la possibilité ou l’occasion de l’exposer sous ses vraies couleurs.
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1696. Le christianisme sans mystère.
1702. Vindicius Liberus. Réponse de John Toland aux détracteurs de son « christianisme sans mystère ».
1703. Lettres à Serena contenant l’origine de l’idolâtrie et les raisons du paganisme, l’histoire de la doctrine de l’immortalité de l’âme chez les païens, etc. (Version baron d’Holbach, un philosophe allemand).
1705. Le vrai socinianisme * en tant qu’exemple de débat courtois en matière de théologie *.
Précédé de l’Indifférence dans les disputes, recommandée par un panthéiste à un ami orthodoxe.
1709. Adeisidaemon ou l’homme sans superstition. Les origines juives.
1712. Lettre contre le papisme, et en particulier contre le fait d’admettre l’autorité des Pères ou des Conciles dans les controverses religieuses, par Sophie Charlotte de Prusse.
1714. Défense des juifs, victimes des préjugés antisémites, et plaidoyer pour leur naturalisation.
1718. Le destin de Rome, des papes, et la fameuse prophétie de saint Malachie, archevêque d’Armagh au treizième siècle.
Nazarenus ou le christianisme juif, goy, et mahométan (version d’Holbach), contenant :
I.L’histoire de l’ancien évangile de Barnabé, ainsi que le moderne évangile apocryphe des mahométans, attribué à ce même apôtre.
II. Le projet original du christianisme expliqué par l’histoire des Nazaréens, résolvant du même coup diverses polémiques à propos de cette divine (mais si hautement pervertie) institution.
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III. L’analyse d’un manuscrit des quatre Évangiles irlandais avec un résumé de l’ancien christianisme d’Irlande et de ce que fut la réalité des culdées (un ordre mi-laïc, mi-religieux, opposé aux deux derniers évêques de Worcester).
1720. Pantheisticon, sive formula celebrandae sodalitatis socraticae.
Tetradymus.
I. Hodegus. La colonne de feu et de nuée qui a guidé les israélites dans le désert n’était pas un miracle, mais, comme le relate précisément l’Exode, une pratique également connue des autres nations ; et dans ces contrées non seulement utile, mais même nécessaire.
Il. Clidophorus.
III. Hypatie ou l’histoire de la plus belle, de la plus vertueuse, de la plus instruite, de la plus accomplie des femmes ; qui fut lapidée par le clergé d’Alexandrie, afin de satisfaire l’orgueil, l’ambition, voire la cruauté, de l’archevêque Cyrille, communément, mais très improprement, appelé saint Cyrille.
1726. Histoire critique de la religion celte, contenant un aperçu sur les druides, ou les prêtres et les juges, sur les vates, ou les devins et médecins, et enfin sur les bardes, ou les poètes ; des anciens Bretons, Irlandais ou Écossais. Avec en plus l’histoire d’Abaris l’Hyperboréen, prêtre du soleil.
Un spécimen de la langue armoricaine (dictionnaire breton, irlandais, latin).
1726. Compte-rendu du livre de Giordano Bruno, sur l’infini de l’univers et la pluralité des mondes, traduit de l’édition italienne.
1751. Le Panthéisticon ou le mode de célébration de la société socratique. S. Paterson Londres. Traduction du livre publié en 1720.
« Le Druidisme » est une revue indépendante (indépendante de toute association religieuse ou politique) et qui n’a qu’un seul but : la recherche théorique ou fondamentale en matière de néopaganisme. La double question à laquelle essaie de répondre cette revue d’études théoriques pourrait se résumer ainsi :« Que pourrait être ou que devrait être, un néo-druidisme actuel, moderne et contemporain ? » Le « Druidisme » est une revue néopaïenne, strictement néopaïenne, héritière de tous les mouvements authentiques (c’est-à-dire non chrétiens) qui se sont succédé depuis deux mille ans, l’héritière indirecte, mais l’héritière, quand même !
À propos de notre tradition de référence ou de notre filiation intellectuelle soulignons que si les « poètes » du royaume de Domnall mac Muirchertach Ua Néill avaient toujours les imbas forosnai, les teimn laegda ainsi que les dichetal do chennaib 1) à leur répertoire (cf. la conclusion de l’histoire du pillage du château de Maelmilscothach, d’Urard Mac Coisé, un poète mort au XIe siècle), ils étaient peut-être déjà chrétiens quand même depuis plusieurs générations. Il est vrai que ces pratiques (imbas forosnai, teimn…) étaient formellement interdites par l’Église, mais qui sait, il y a eu peut-être des accommodements analogues à ceux des astrologues ou alchimistes du Moyen-Âge.
Quoi qu’il en soit notre « Druidisme » est aussi une volonté, la volonté de se rapprocher, au maximum, du druidisme antique, tel qu’il fut (scientifiquement parlant). La volonté aussi néanmoins de moderniser ce druidisme, un retour total au druidisme antique étant exclu (il serait de toute façon impossible).
Exemples de modernisation de ce druidisme païen.
Abandon aux associations laïques du côté culturel (médecine, poésie, mathématique, etc.). Principe de séparation de l’Église et de l’État.
Spécialisation par contre dans la spiritualité celtique, ou païenne en général, l’histoire de la religion, la philosophie et la métapsychique (dite aujourd’hui parapsychologie).
Utilisation dans certains cas du vocabulaire actuel (Église, religion, baptême, et ainsi de suite).
Un juste milieu est évidemment à trouver entre un retour total au druidisme antique (fondamentalisme ou intégrisme) et une modernisation radicale trop révolutionnaire (plus de saie).
L’AAP (athée agnostique panthéiste) celte ayant accepté de cosigner cette petite bibliothèque **, dont il n’est que le rassembleur, le druide Hesunertus (Pierre de La Crau), ne se considère pas comme l’auteur de cet ouvrage collectif. Mais comme le simple porte-parole de l’équipe l’ayant composé. Pour ce qui est des autres sources de cet essai sur le druidisme, voir les remerciements de la bibliographie.
* Les sociniens, puisque c’est ainsi qu’ils furent appelés par la suite, désiraient plus que tout restaurer le vrai christianisme qu’enseigne la Bible. Ils considéraient que la Réforme n’avait fait disparaître qu’une partie de la corruption et du formalisme, présents dans les Églises, tout en laissant subsister le mauvais fond : les enseignements non bibliques (ce qui est très discutable d’ailleurs).
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** Ce petit camminus est néanmoins important aussi pour les jeunes… de 7 à 77 ans ! Mantalon siron esi.
1) Do ratath tra do Mael Milscothach iartain cech ni dobrethaigsid suide sin etir ecnaide 7 fileda 7 brithemna la taeb ogaisic a crech 7 is amlaidsin ro ordaigset do tabairt a cach ollamain ina einech 7 ina sa[ru]gad acht cotissad de imus forosnad [di]chetal do chollaib cend 7 tenm laida .i. comenclainn fri rig Temrach do acht co ti de intreide sin FINIT.
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CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE LA LITTÉRATURE CELTIQUE.
Il ne saurait exister d’Histoire neutre et objective, car toute Histoire procède nécessairement d’une sélection de faits dans la vie quotidienne des peuples ou des individus. Il n’existe nulle part dans le monde d’Histoire neutre et objective. L’objectivité ou la neutralité d’un récit se voulant historique est au mieux une illusion au pire une escroquerie intellectuelle, car il procède toujours d’une idéologie dominante et ce y compris dans sa volonté affichée de ne soi-disant pas choisir. La réalité est qu’il y a toujours des choix ou des non-choix, d’opérés, donc une idéologie dominante à l’œuvre. Les sociétés où règnent le plus certaines idéologies sont justement celles où il existe une idéologie tellement dominante que ses acteurs y compris de bonne foi ont l’impression qu’il n’y en a pas, et où la propagande n’a plus besoin d’être soutenue, car son message a été intériorisé, s’est hissé au rang des évidences allant de soi. Et en ce domaine toute publicité est une propagande. Nous appellerons par conséquent mytho-histoire ou plus exactement méta-histoire dans ce qui suit l’Histoire rêvée ou fantasmatique des Celtes, qui n’a qu’un rapport plus ou moins lointain avec la réalité historique ; mais qui a néanmoins été aussi lourd de conséquences dans leur psychisme que les mythes bibliques.
Au cours d’une enquête effectuée en 1883, le grand spécialiste français d’Arbois de Jubainville a répertorié neuf cent cinquante-trois manuscrits conservés dans des bibliothèques de Grande-Bretagne et d’Irlande. Mais d’après ses propres évaluations, c’est plus du double que l’on devrait compter dans les îles Britanniques [ce qui nous fait donc en gros et si nous comptons bien, environ 2 000. N.D.L.R.] Une quarantaine date d’une époque antérieure au XVe siècle, sept datent du Xle siècle. Les autres se répartissent entre le XVe et le XVIlle siècle. De nombreux manuscrits continentaux nous livrent aussi des gloses irlandaises, écrites sur des textes latins. Les gloses de Saint-Gall, Würzburg et Milan, qui sont parmi les plus abondantes, datent du VIIIe au IXe siècle. Elles font partie des documents auxquels la philologie celtique fait très souvent appel. Mais, hormis quelques exceptions, toutes les légendes sont contenues dans des manuscrits qui n’ont jamais quitté les îles. Il est même possible de dire que la majeure partie en a été transcrite dans quelques grands manuscrits, le Lebor Laignech (Livre du Leinster), le Lebor na hUidre (Livre de la Vache brune), le Leabhar Buidhe Leacáin (Livre jaune de Lecan), le Leabhar Bhaile an Mhóta (Livre de Ballymote), le Livre de Fermoy. Des compilations faites à toutes les époques du Moyen-âge et que les hasards de l’Histoire ont sauvées de la destruction.
Le cas des manuscrits gallois est un peu différent, car il ne s’en trouve pas sur le continent. Et, s’il en est plusieurs qui atteignent l’âge vénérable des plus vieux manuscrits d’Irlande, la plupart sont récents et ne remontent pas au-delà du XVIle siècle. Un petit nombre seulement contiennent des récits de légendes ou des allusions à la mythologie : le Livre noir de Carmarthen, le Livre rouge de Hergest, le Livre blanc de Rhydderch (qui datent tous les trois du XlVe siècle). Les grands récits des Mabinogion sont semblables, à quelques variantes près, dans le Livre rouge et dans le Livre blanc. Les textes gallois qui forment ce qu’il est convenu d’appeler les quatre branches du Mabinogi, s’ils ne sont pas beaucoup plus tardifs que les récits d’Irlande (les deux principaux manuscrits datent du XlVe siècle) sont de facture beaucoup plus affinée. Le style est clair, élégant, la langue est très châtiée, en même temps que très souple. On sent une élaboration et une composition très poussée, perfectionnée même, au contraire de ce qui s’est produit dans les transcriptions de légendes irlandaises. En outre, le contexte est christianisé. Ce n’est plus du mythe presque à l’état pur comme en Irlande, ce sont des thèmes mythologiques remployés dans des œuvres littéraires, et cela constitue donc une différence fondamentale. Il manque en particulier toute la cohérence religieuse préchrétienne des thèmes et des personnages. Les anciennes divinités celtiques y sont évhémèrisées ou héroïsées. Le grand dieu-ou-démon irlandais Manannan a pour équivalent Manawyddan qui n’est plus qu’un artisan, les druides n’apparaissent plus jamais, les trois fonctions de base indo-européennes n’y sont plus consciemment organisées. Tout laisse à penser que l’émergence de cette brillante littérature galloise médiévale est due à l’influence continentale qui prédominera durant tout le Moyen-âge grâce aux barons normands et à leurs descendants. On a même pensé que, compte tenu des dates respectives des manuscrits, les œuvres de Chrétien de Troyes auraient pu servir de modèle ou de base aux romans gallois, dont certains ne seraient que des traductions. Mais l’influence continentale n’a guère pu s’exercer que sur la forme, non sur le fond et, dans le domaine celtique au moins, la date de transcription d’un récit est toujours beaucoup plus récente que celle de sa conception. Ce qui fait la différence essentielle entre le mythe celtique et la légende arthurienne, c’est avant tout que le mythe, non christianisé, a survécu dans des récits que l’Irlande n’a pas exportés. Alors que la légende arthurienne, christianisée à outrance, et qui n’avait, de par les textes gallois eux-mêmes, aucune chance de grande diffusion, a été transmise à toute l’Europe médiévale.
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Il y a en effet un mythe irlandais, qui s’exprime dans des récits dont les origines sont indo-européennes et antérieures au christianisme. C’est le cas en particulier de tous les récits mythologiques ou épiques recopiés par les moines après la christianisation de l’Irlande. Ces vieux récits gaéliques, dont les transcriptions sont contenues dans des manuscrits datant du Xle au XVe siècle, racontent les aventures, les exploits, et souvent même la mort, des dieu-ou-démons et des grands héros de l’antique tradition préchrétienne. Malgré la transmission écrite, ils sont marqués par l’oralité : la langue est archaïque, le vocabulaire est riche, mais la phrase est rude, sans apprêt, ni recherche. Les personnages sont, eux aussi, des « silhouettes » aux traits fortement marqués, purement païens. Le style des récits légendaires fait apparaître la transmission écrite comme un état tardif et anormal de la Tradition. Ces récits étaient destinés à la récitation et non à la lecture. Et s’ils ont été transcrits, c’est parce qu’ils n’avaient plus aucune importance religieuse, après la facile conversion de l’Irlande au christianisme. Ils n’étaient plus que des figmentica poetica, des « fictions poétiques » selon le mot d’un transcripteur. Mais ils racontaient aussi les faits et gestes de personnages qui appartenaient à l’histoire d’Irlande. Peu importait qu’elle fût authentique ou mythique, et c’est bien ainsi que les moines les ont vus et traités, occultant, pour la bonne réputation même de leurs héros, tout ce qui leur apparaissait comme inconciliable avec les préceptes de l’Évangile. Mais ils ont omis de biffer ou de transformer quantité de détails et d’épisodes qui leur semblaient anodins. À partir du Moyen-âge les Irlandais ont donc assuré, dans leurs scriptoria, la transmission écrite d’un fonds légendaire important. Cependant, il est fréquent et inévitable que l’on ait, d’un même récit, plusieurs versions, remontant chacune à une époque différente – ou donnant un aspect différent du récit – et plusieurs rédactions de chaque version. Ajoutons que beaucoup de thèmes mythiques ont survécu dans le folklore, et nous aurons donné une idée assez exacte de la richesse de la littérature insulaire ainsi que des difficultés de son étude.
On peut dire que, actuellement, la plupart des légendes irlandaises ont été publiées. Au début du XlXe siècle, nonobstant l’usage de l’imprimerie, des érudits traditionalistes recopiaient encore des manuscrits, et il n’y a pour ainsi dire aucun hiatus entre la tradition manuscrite et les premiers travaux philologiques sérieux du XlXe siècle. Il est des textes archaïques comme l’Oidhe Chloinne Tuireann « La Mort des Enfants de Tuireann », qui ne sont connus que par des manuscrits du XVIlle siècle et du XIXe siècle. La langue et les graphies ont été rajeunies. Elles ne dissimulent pas l’ancienneté du fond.
Les problèmes posés par les textes arthuriens sont moins graves en ce sens qu’ils sont rédigés dans des langues de grande extension, allemand, français, voire italien. Mais la difficulté ici est de savoir pourquoi les thèmes ont été repris et développés dans une œuvre littéraire, comment ils ont été empruntés ou transmis, et quelle signification ou importance leur est attribuée. Le thème central des romans arthuriens est en effet la quête du saint Graal, et il est beaucoup de chercheurs qui ne pensent guère à en envisager l’origine celtique ou qui, souvent, ne l’envisagent qu’à titre d’hypothèse secondaire. Les textes arthuriens ne s’expliquent cependant pas en dehors de la transformation de thèmes mythologiques celtiques en thèmes littéraires européens, et le symbolisme du Graal a été annexé par l’ésotérisme chrétien. Il est permis de supposer que l’influence des conteurs bretons et gallois a été déterminante. À une époque où la cour ducale de Bretagne, de langue française, était en relations suivies avec les principales cours d’Europe, de l’Anjou à la Champagne et de l’Angleterre à l’Allemagne. Il faut supposer aussi que la transmission a été antérieure à la décadence des bardes bretons, qui était un fait accompli depuis longtemps vers le milieu du XVe siècle. Cela nous ramène vers les Xle-Xlle siècles. Les noms de Marie de Champagne, de Chrétien de Troyes, et de Wolfram von Eschenbach, donnent à eux seuls une idée de ce que l’influence celtique a pu être. Du fait de leurs origines, les textes arthuriens constitueront un jour une mine inépuisable de renseignements précieux qui compléteront ou confirmeront les informations insulaires.
Il n’en va pas de même des fameuses triades de l’Île de [Grande] Bretagne dont certains collèges néo-druidiques (pour ne pas dire tous) font en quelque sorte leur catéchisme. Il s’agit d’un recueil à intention dogmatique élaboré au début du XIXe siècle par Edward Williams, sous le pseudonyme de lolo Morgannwg, et publié sous le titre gallois de Cyfrinach Beird Ynis Prydain, puis de Trioedd Barddas Ynys Prydain.
Ces triades prétendument traditionnelles sont le résultat d’un ahurissant syncrétisme de christianisme catholique, presbytérien et méthodiste, de franc-maçonnerie écossaise, de croyances populaires invérifiables, de notions primaires empruntées à l’hindouisme et au bouddhisme ; du moins ce que l’on en connaissait vers 1800 ; et de spéculations du genre « ésotérique » à la mode à l’époque. Il n’y a dans ces Triades absolument aucune base sérieuse, aucune référence quelconque à une authentique tradition druidique.
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Quels sont, dans l’ensemble, les traits les plus caractéristiques des littératures si variées que nous venons d’étudier ? Essayer de les déterminer, c’est chercher la formule qui résume, du VIIIe au XlXe siècle, les états successifs de l’âme celte. Cette tentative est donc, d’avance, vouée à l’échec. Si la formule devient assez générale pour contenir toutes les idées ou les modes d’expression des Celtes, elle n’a plus rien ou presque rien, alors, qui la distingue de formules analogues caractérisant, à leur manière, d’autres peuples et d’autres cultures ; elle ressemble à ces textes de loi, qui après avoir été successivement amendés pour donner satisfaction à des intervenants divers, ne signifient plus guère que des choses vagues et indifférentes. Si la formule est, au contraire, précise au point d’opposer nettement les Celtes à tous les autres peuples de l’Europe, on peut alors être sûr qu’elle est fausse. Ou qu’elle ne résume qu’un genre ou qu’un aspect de ce tout infiniment varié qu’est l’expression d’une âme.
Pour le Français Ernest Renan, la race celtique était caractérisée par son penchant vers l’idéal, la tristesse, la fidélité, la bonne foi, la délicatesse. Matthew Arnold, lui, définit l’esprit celtique en disant qu’il est toujours prêt à réagir contre le despotisme du fait, que la littérature celtique se distingue par le style, la mélancolie, et le sentiment de la nature. Ces jugements célèbres sont d’un temps (1860-1867) où l’Ossian de Macpherson ; et les poèmes des anciens bardes gallois qui pleurent plus de défaites qu’ils ne chantent de victoires ; étaient les seuls monuments littéraires authentiques ou « contrefaits » (des supercheries forgées de toutes pièces) que les traductions avaient rendus accessibles. Il faudrait y ajouter maintenant la masse énorme des sagas gaéliques, ainsi que les interprétations et les commentaires qui ont renouvelé l’étude des littératures celtiques.
Dès lors, on mettrait peut-être au premier plan la vigueur et l’éclat de ce cycle de batailleurs « plus occupés » comme l’écrivait le Français J. Loth « à envoyer leurs ennemis dans l’autre monde, qu’à y rêver ». En outre on ne laisserait sans doute pas de côté l’un des éléments essentiels de l’épopée irlandaise, à savoir ce singulier oubli de la condition humaine et de ses destinées, que l’on appelle la gaieté. La valeur des littératures celtiques, surtout de la littérature irlandaise, a été très discutée. La satire de la société irlandaise à la fin du XVllIe siècle a d’ailleurs été faite non sans passion par Brian Merriman dans « le Tribunal de Minuit ».
On peut dire, à la décharge de R. Atkinson, qu’il ne connaissait pas, en 1896, les restes de la poésie populaire du IXe au Xle siècle, que Kuno Meyer a mis en lumière au commencement du XXe siècle. Et l’on peut ajouter, à la décharge de J. P. Mahaffy, que la littérature irlandaise ne peut être mise en parallèle avec la littérature grecque. Mais ni l’un ni l’autre n’a pris en compte le fait qu’à l’époque où l’Irlande offrait déjà une littérature épique et lyrique, la France par exemple en était encore à la « Cantilène de sainte Eulalie » et à la « Vie de saint Léger ». Et que, seule, la littérature scandinave pouvait, pour la date, être mise en parallèle avec la littérature irlandaise. La littérature bretonne a eu plus de bonheur ; nul n’a jamais nié l’influence que, par les cycles de la Table Ronde et de Tristan, elle a exercée sur la littérature européenne.
On commence seulement d’autre part, à soupçonner que la littérature des « Visions » (Aislingi) dont au Moyen-âge la diffusion fut si grande eut son origine en Irlande. [Cette littérature des aislingi ou visions étant truffée de fragments de mythes celtes relatifs aux voyages ou aventures dans l’autre monde, plus ou moins déformés par l’idéologie dominante d’alors, le christianisme, elle est du plus grand intérêt pour l’historien des religions. N.D.L.R.].
Il semble donc que la race celtique ait apporté sa part à cet ensemble complexe de sentiments et d’idées dont s’est formée, au cours des siècles, la civilisation européenne. Je serais donc heureux si ce petit livre pouvait susciter quelques travailleurs pour défricher le champ, sur tant de points encore inculte, de l’étude de la spiritualité celtique préchrétienne.
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CAUSES ET CONSÉQUENCES DES GRANDES BATAILLES
DE LA MÉTA-HISTOIRE CELTE.
Ce qui a beaucoup frappé les érudits de naguère c’est l’existence dans les légendes irlandaises de deux grandes batailles impliquant les dieux, et s’étant déroulées non loin l’une de l’autre, à quelques années d’intervalle. Certains auteurs ont donc été jusqu’à penser qu’il y avait eu dédoublement d’une même bataille initiale, historique ou mythique. TELLE N’EST PAS NOTRE OPINION. NOUS PENSONS EN EFFET QU’IL Y A BIEN EU DEUX GRANDES BATAILLES DIFFÉRENTES DANS LA MÉTA-HISTOIRE CELTIQUE et que l’impression qu’il s’est agi du dédoublement d’une même bataille initiale n’est que le résultat des évolutions que les bardes irlandais médiévaux on fait subir au mythe panceltique originel.
Il y a bien eu dans la méta-histoire celte deux batailles, l’une étant d’ailleurs la conséquence de l’autre. Un séisme est toujours suivi de répliques destinées à parfaire le rééquilibrage des plaques tectoniques. Les trois plaques tectoniques en jeu étant les humains les dieux les démons (pour faire court).
L’OCCULTATION DES DIEUX.
Chacune de ces trois plaques en mouvement devait bien trouver sa place.
La première de ces grandes batailles mythiques est donc celle qui a opposé les hommes et les dieux (dont les victoires gaéliques de Tailtiu et Druim Ligen sur les Tuatha Dé ne sont qu’une pâle copie d’ailleurs) et qui a eu pour effet que les dieux, pour le meilleur comme pour le pire se sont repliés dans un autre monde en abandonnant celui-ci aux êtres humains. Cette première bataille est appelée Cét-Chath Maige Tuired (« Première bataille de la plaine des piliers de pierre ») ou Cath Maighe Tuireadh Cunga (« bataille de la plaine des piliers de pierre à Cong ») voire Cath Maighe Tuireadh Theas (« La bataille de la plaine des piliers de pierre du Sud »). Elle oppose les Gaulois Fir Bolg aux dieux de la Déesse (Toutai Devas).
LA MISE EN PLACE D’UN CERTAIN DUALISME (RELATIF).
La seconde bataille de Mag Tured est aussi connue sous le nom Cath Dédenach Maige Tuired (« Dernière bataille de la plaine des piliers de pierre »), ou Cath Tánaiste Maige Tuired (« Seconde bataille de la plaine des piliers de pierre »), voire Cath Maighe Tuireadh Thúaidh (« La bataille de la plaine des piliers de pierre du Nord »).
Cette seconde bataille ne peut qu’être une réplique, mais une réplique au sens séismologique du terme, de la première. Due au fait que les Toutai Devas connus sous le nom de Tuatha Dé en gaélique s’étant retrouvés relégués ou exilés dans un autre monde… DÉJÀ OCCUPÉ PAR LES VOUIVRES ANGUIPÈDES GIGANTESQUES que l’on connaît sous le nom de Fomoire en Irlande ; ILS ONT DÛ LES AFFRONTER POUR S’Y FAIRE UNE PLACE « SOUS LE SOLEIL ».
Ce processus méta-historique a été particulièrement souligné par le folklore irlandais qui le traduit de façon assez imagée sous la forme d’un gigantesque conflit ayant eu lieu entre dieux et démons.
Il appartient à chacun néanmoins de se faire sa propre opinion, notre seule religion étant celle de la vérité ! Ci-dessous par conséquent, un rapide survol de ces deux célèbres batailles telles qu’elles ont été transposées dans leur histoire par les incorrigibles, mais sympathiques bardes de la verte Érin.
N.B. Le même phénomène intellectuel a d’ailleurs eu lieu un peu partout en Europe de l’Ouest quand les Celtes ont découvert de grands sites mégalithiques comme à Carnac en Bretagne : leurs bardes de l’époque y ont vu des vestiges de grandes et titanesques batailles de jadis, impliquant une (ou plusieurs) forces surnaturelles (des dieux des démons).
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LES GAULOIS FIR BOLG.
« Novissime venit Damhoctor et ibi habitavit cum omni genere suo usque hodie in Brittannia » écrit le Nennius breton. Ensuite les Viri Bullorum, autrement dit les Fir Bolg, et les Viri Armorum, autrement dit les Fir Gaileoin, ainsi que les Viri Dominiorum, autrement dit les Fir Domnann » précise le Nennius irlandais.
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Contre-lai (commentaire néo druidique) N° 1.
La chronologie adoptée ici sera, comme nous l’avons déjà précisé, celle de la version non irlandaise de Nennius : Partholon, Nemet, les trois fils d’un roi d’Espagne (les Milésiens ancêtres des Gaëls), et Dom Hoctor.
La version irlandaise de Nennius a supprimé le peuplement de Dom Hoctor et l’a remplacé par celui des Gaulois Fir Bolg (Viri Bullorum, Viri Armorum, Viri Dominiorum).
Ce qui donne chez nos amis d’Irlande :
a) Occupation par les Gaulois Fir Bolg.
b) Occupation par les dieux de la déesse Danu (bia) après leur victoire sur les Gaulois Fir Bolg.
c) Invasion, repoussée, des vouivres anguipèdes gigantesques appelées Fomoire.
d) Invasion victorieuse des Gaëls qui repoussent les dieux.
Bien que minoritaires nous retiendrons pour nos ouvrages postérieurs les chronologies non irlandaises, CAR ELLES NOUS SEMBLENT PLUS LOGIQUES ET PLUS CONFORMES À L’HISTOIRE CLASSIQUE : les invasions de langue gaélique sont en effet ANTÉRIEURES à celles des Gaulois belges (des Fir Bolg). Encore que……
LIVRE DES CONQUÊTES DE L’IRLANDE.
Ainsi que nous aurons l’occasion de le voir plus longuement dans une prochaine leçon, le livre des conquêtes de l’Irlande ou Lebor Gabala Erenn est une compilation apocryphe faite de bric et de broc, en prose et en vers, que nous ne conseillons aucunement à nos fidèles lecteurs ; mais dont deux éléments semblent plus authentiques : les deux batailles de Mag Tuired.
Le tout se trouve dispersé sur une vingtaine de manuscrits allant du XIIe au XVIIIe siècle recueillis dans le Lebor Laignech (livre du Leinster), le Leabhar (Mór) Leacain (grand livre de Lecan), le Leabhar Bhaile an Mhóta (livre de Ballymote)… Sans oublier la version due à la plume du moine franciscain Micheal O Cleirigh (Michel O’Clery) qui fait un peu bande à part, mais que l’on ne peut écarter, car il semble bien avoir eu accès à des sources aujourd’hui disparues.
Cette histoire d’invasions successives ayant contribué à façonner l’Irlande d’aujourd’hui peut sembler a priori suspecte (et elle l’est), mais on retrouve néanmoins assez curieusement, ne l’oublions pas, la même chose sur le Continent.
« Drasidae (sic) memorant re vera fuisse populi partem indigenam, sed alios quoque ab insulis extimis confluxisse et tractibus transrenanis, crebritate bellorum et adluvione fervidi maris sedibus suis expulsos » (Timagène, cité par Ammien Marcellin, Rerum Gestarum Libri ou Res Gestae « Histoire de Rome », livre XV, chapitre IX, 4).
« Les druides affirment qu’une partie du peuple est réellement indigène, mais que les autres ont afflué d’îles très lointaines, et de régions situées au-delà du Rhin, chassés de leurs précédentes demeures par des guerres trop fréquentes, et aussi quelquefois par des raz-de-marée » [littéralement : par l’inondation d’une mer démontée].
« Les Cynètes habitaient la forêt des Tartessiens, dans laquelle dit-on les Titans firent la guerre aux dieux. Le plus ancien de leurs rois fut un dénommé Gargorix, il fut le premier homme à récolter le miel. Ce prince ayant eu un petit-fils, né d’une intrigue amoureuse de sa fille, il essaya de le faire périr de diverses façons, car il était la preuve vivante de l’infamie de sa conduite et de sa non-chasteté. Mais ce dernier parvint néanmoins à monter un jour sur le trône après avoir, grâce à sa bonne fortune, put échapper à tous ces dangers. Le roi son grand-père, touché par tous ces périls qu’il avait dû affronter, finit en effet un jour par y consentir.
Il avait d’abord ordonné qu’on l’abandonne afin qu’il meure de faim ; mais quand il envoya quelques jours plus tard des hommes pour ramener son corps, ces derniers découvrirent alors que l’enfant avait été allaité par diverses bêtes sauvages et le ramenèrent donc toujours vivant. Le roi ordonna donc
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cette fois-ci qu’on le dépose sur un chemin étroit emprunté chaque jour par des troupeaux de bétail, car dans sa cruauté il voulait que le malheureux meure foulé aux pieds ou réduit en pièces par ces animaux plutôt que d’un facile et rapide trépas. Comme l’enfant là encore en sortit miraculeusement indemne et sans même être affamé, il le fit jeter aux chiens, préalablement affamés depuis plusieurs jours, ensuite à des porcs ; mais comme il était toujours bien en vie, et qu’il avait même été allaité par certaines truies, alors il ordonna pour finir qu’on le jette à la mer. Mais suite à l’intervention manifeste de quelque déité, il fut porté par la marée montante au milieu du flux et du reflux des eaux, comme s’il avait été à bord d’un grand vaisseau et non ballotté par les flots, puis déposé en douceur par l’océan, sur une plage, où une biche arriva et allaita aussitôt l’enfant. Le malheureux garçon finit par avoir le pied si léger en suivant partout sa nourrice animale qu’il parcourait donc les montagnes et les forêts au milieu des hardes de cerfs avec autant de rapidité qu’eux. Pris un jour au piège dans des filets, il fut offert au roi qui, au vu des traits de son visage, ainsi qu’à certaines marques faites sur son corps alors qu’il n’était encore qu’un nourrisson, le reconnut comme son petit-fils. Après quoi, en raison de l’admiration que le roi ne pouvait s’empêcher d’éprouver pour tous ces heureux hasards qui lui avaient permis de survivre ainsi à tant de périls, il fut choisi par lui pour lui succéder sur le trône. On lui donna le nom d’Habis et, dès qu’il devint roi, il manifesta tant de grandeur qu’il sembla bien vite évident qu’il n’avait pas été sauvé en vain de tant d’épreuves mortelles par l’entremise des dieux. Il parvint à réunir sous de mêmes lois tous ces peuples barbares, leur apprit comment atteler des bœufs à une charrue et faire lever du blé de leurs sillons ; enfin, à cause peut-être des malheureux souvenirs de son enfance en ce domaine, il les contraignit aussi à ne plus se nourrir comme des bêtes…
Le travail servile fut aboli et la communauté répartie en sept cités. Après la mort d’Habis, la royauté de ce pays resta pendant de nombreuses générations entre les mains de ses descendants » (Justin, épitomé ou résumé des histoires philippiques et universelles de Trogue Pompée. Livre XLIV, chapitre IV).
« Les Celtes qui demeurent le long des côtes de l’Océan adorent les Dioscures plus que tous les autres dieux, puisqu’il existe chez eux une tradition remontant à la plus haute antiquité comme quoi ces dieux seraient apparus dans leur pays venant de l’océan. La contrée qui borde l’Océan regorge de noms évoquant les Argonautes et les Dioscures… » (Timée, historien grec cité par Diodore de Sicile. La Bibliothèque de l’Histoire. Livre IV, chapitre LVI).
Avant de passer à l’étude des textes proprement dits, encore quelques notes pour en éclairer les difficultés.
Rappel des abréviations.
Première bataille de Mag Tured ou Cath Maighe Tuireadh I = CMT I.
Première version de la seconde bataille de Mag Tured ou Cath Maighe Tuireadh II = CMT II.
Deuxième version de la seconde bataille de Mag Tured ou Cath Maighe Tuireadh III = CMT III.
Mais revenons à nos moutons. Si l’on en croit tous ces textes apocryphes, après le départ des enfants du Nemet/Cornunnos, le pays resta désert et inhabité pendant au moins deux cents ans.
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Henri Lizeray/ Mícheál Ó’Cléirigh (c. 1590 – 1643). Auteur principal des annales des quatre maîtres. Une copie de sa version en gaélique presque moderne (1631) du Lebor Gabála Érennn, le manuscrit référencé 23K32 se trouve toujours à l’Académie royale d’Irlande de Dublin.
Leabhar Gabahála. Le livre des conquêtes de l’Irlande.
Recension de Mícheál Ó Cléirigh. Manuscrit 23K32, ARI.
Traduction en français Henri Lizeray et William O’Dwyer.
Traduction en anglais RAS. Macalister et Eoin Mac Neill (Dublin, Hodges, Figgis & compagnie – 1916).
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DES CONQUÊTES DE L’IRLANDE COMME SUIT.
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CHAPITRE V.
LA CONQUÊTE DES FIR BOLG.
Deux cents ans s’écoulèrent entre le départ des trente hommes mentionnés précédemment et le retour au pays des descendants d’une dizaine de ces chefs, les Gaulois Fir-bolgs.
Quant à leur généalogie, ce que l’on peut dire c’est que ce fut de la famille du Nemet/Cornunnos, qu’ils descendirent, car Semivisos, fils d’Ercolanos, fils de Bivanos, fils de Stannos, fils du Nemet/Cornunnos, et chef de la troisième compagnie de neuf hommes du clan du Német, put s’échapper de la verte Érin, après la destruction de la Tour de Cunanos et arriva en Grèce. Ils y restèrent de sorte que leurs clans et leurs enfants augmentèrent beaucoup en nombre. Ils connurent un tel accroissement que les Grecs ne voulurent plus les laisser là parmi leur peuple. Ils furent alors si sévèrement opprimés, qu’ils furent quasiment réduits en esclavage et forcés de changer en champs fleuris, gazonnés, les montagnes aux rudes sommets pierreux, avec de la terre des autres lieux, après l’avoir apportée des plaines environnantes à la place où il leur fut ordonné de la mettre.
Ils se lassèrent de ces fatigues intolérables, de sorte que, lors d’une réunion, ils convinrent entre eux d’échapper à cet esclavage insupportable dans lequel ils se retrouvaient enfermés. Ils fabriquèrent alors des bateaux garnis de cuir, et de beaux vaisseaux avec les peaux et les sacs de peau dans lesquels ils transportaient la terre, de sorte qu’ils furent prêts à naviguer. Ils s’embarquèrent alors à la recherche de la patrie dont leurs ancêtres étaient partis. On ne sait rien de leur voyage, si ce n’est qu’ils atteignirent la patrie de leurs ancêtres en une semaine.
-- ------------------------------------------------------ ------------------------------------------------ ----------------------------- Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 2.
Bien peu d’éléments vraiment historiques dans toutes ces considérations si l’on veut bien se rappeler que le berceau initial des Celtes, la Litavia, se trouvait quelque part en Europe centrale.
Le fait de fertiliser une terre en répandant dessus pour cela une autre terre comme la marne, en guise d’engrais, semble bien par contre une technique agricole découverte en effet par les Grecs les Gaulois et les Grands Bretons si l’on en croit Pline. Se pourrait-il donc que ce détail sur les Fir Bolg lui ait été emprunté???
Pline. Histoire naturelle. Livre XVII. Chapitre IV.
Des huit espèces de terres qu’en Grèce et en Gaule on étale sur les champs.
« Il existe une autre méthode inventée à la fois en Gaule et en [Grande] Bretagne, pour apporter de l’engrais à la terre par elle-même* * * * cette sorte de terre est appelée marne. Cette terre est considérée comme contenant une plus grande quantité de principes fécondants, et agit comme une sorte de graisse vis-à-vis de la terre, exactement de la même façon qu’il existe des glandes dans le corps formées par une concentration en noyaux des particules graisseuses. Cette façon de procéder n’est pas non plus inconnue des Grecs ; et d’ailleurs de quoi n’ont-ils jamais parlé ? Ils appellent du nom de leucargile une terre argileuse blanche utilisée dans la région de Mégare, mais seulement pour les sols trop humides et froids.
C’est à juste titre que je vais m’appliquer à traiter de cette marne qui tend à enrichir les sols des provinces gauloises et des îles Britanniques. On n’en connaissait jadis que deux variétés, mais récemment, le progrès de l’agriculture aidant, d’autres ont commencé à être employées, ce sont, en fait, la blanche, la rouge, la colombine, l’argileuse, la tophacée, la sablonneuse. Elles ont l’une ou l’autre de ces deux particularités, elles sont soit rugueuses soit grasses ; le moyen de le savoir étant le
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toucher de la main. Ses usages aussi sont doubles – on s’en sert pour la production de céréales seulement, ou également pour enrichir les pâtures. La marne tophacée nourrit les céréales, de même que la blanche ; trouvée dans le voisinage de sources elle s’avère d’une fécondité infinie, mais elle est rugueuse au toucher, si on en répand sur le sol en trop grande quantité, elle peut le brûler.
L’autre variété de marne est la marne rouge connue sous le nom d’acaunumarga, et qui consiste en pierres mêlées à une terre fine et sablonneuse. Ces pierres sont broyées sur la terre elle-même, et pendant les premières années il s’avère très difficile de couper le blé à cause de la présence desdites pierres ; mais comme elle est très légère, elle coûte moitié moins cher que les autres à transporter. On en saupoudre la surface du sol et l’on pense communément qu’elle contient du sel. Ces deux variétés, une fois répandues sur une terre, la fertilisent pour cinquante ans, que ce soit pour les céréales ou pour le fourrage.
Des marnes qui sont grasses au toucher, la meilleure est la blanche. Il y en a plusieurs sortes : la plus forte et la plus mordante étant celle déjà mentionnée. Une autre variété de marne est la craie blanche que l’on utilise pour nettoyer l’argenterie. On la prélève à grande profondeur, les puits étant creusés la plupart du temps jusqu’à plus de cent pieds. Ces puits ont une ouverture étroite, mais le filon à l’intérieur est considérablement élargi, comme dans le cas des mines ; c’est en [Grande] Bretagne plus particulièrement que l’on emploie cette craie. Ses effets bénéfiques durent au moins quatre-vingts ans ; et il n’existe pas d’exemple d’agriculteurs en ayant mis deux fois dans sa vie sur le même sol.
Une troisième variété de marne blanche est appelée glisomarga ; il s’agit de craie à foulon mélangée à de la terre grasse, elle est meilleure pour le fourrage que pour les céréales, de sorte que, entre la moisson et les semailles suivantes on peut y récolter un fourrage abondant.
De toute façon quand le blé pousse, elle ne laisse pousser aucune autre plante. Ses effets durent trente ans ; mais si on n’en répand pas assez sur le sol, elle étouffe la terre comme si elle était couverte de ciment [en latin signinum]. Les Gaulois donnent à la marne de type colombine le nom d’églécopala ; on l’extrait du sol sous forme de blocs entiers comme de la pierre, après quoi elle est tellement attaquée par le soleil ou le gel, qu’elle se fragmente en très fines lamelles ; cette espèce de marne est aussi bonne pour le fourrage que pour les céréales. On n’utilise la marne sablonneuse que si l’on n’en a pas d’autres sous la main, mais c’est celle que l’on met sur les sols humides quand bien même on en aurait une autre à disposition. Les Ubiens sont à ma connaissance le seul peuple qui, ayant un sol très fertile à cultiver, le bonifie dans tous les cas en creusant à trois pieds de profondeur et, après en avoir extrait la terre, en la répandant un peu partout ailleurs sur une épaisseur d’un pied ; cette méthode néanmoins, afin d’être efficace, nécessite qu’on la renouvelle tous les dix ans. Les Éduens et les Pictons aussi ont rendu leurs champs remarquablement fertiles en se servant de chaux, ce qui est aussi particulièrement bénéfique pour les oliviers ainsi que pour les vignes.
Toutes ces espèces de marne néanmoins, nécessitent d’être répandues sur la terre immédiatement après les labours, afin que le sol puisse bien s’imprégner de leurs propriétés ; mais en même temps il faut y mettre un peu de fumier, car elles sont susceptibles d’être trop acides au début, du moins si ce n’est pas sur des prairies que l’on en répand ; ajoutées sans cette précaution elles pourraient nuire au terrain à cause de leurs radicales nouveautés, de quelque nature qu’elles puissent être ; de sorte qu’il n’est jamais fertile la première année de toute façon. Il faut donc prendre aussi en considération à quel type de sol on destine cette marne ; si le sol est humide, une marne sèche lui convient mieux ; et s’il est sec, une marne grasse. Si par contre cette terre est entre les deux, les marnes de type craie ou colombine sont ce qu’il lui faut ».
Peu importent en fait les localisations du point de départ de la migration, situé en Grèce par les transcripteurs médiévaux puisqu’elles sont fictives et aussi non historiques que la Bible. La plupart des érudits en quête de documentation ne semblent pas avoir lu le livre des Conquêtes avec une attention suffisante puisqu’ils ont donné tête baissée dans le piège.
Ainsi que nous avons eu l’occasion de le voir déjà, certains bardes gaéliques (les dieux aient pitié de leur âme) ont cru bon de se raccrocher à tout prix aux mythes hébraïques et ont donc ajouté que c’est à la même époque que les Gaëls, les enfants de Goidelos Glastos, fils de Neleus, fils de Fenius
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Farsaid, quittèrent l’Égypte, pour s’installer plus au nord, en Scythie ; et que les fils d’Israël partirent à la recherche de la Terre promise.
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Une bonne entente régnait entre toutes ces tribus, c’est-à-dire les Gaulois Gailéoins, les Fir-Bolgs et les Fir Domnans, bien qu’ils eussent diverses et différentes dénominations ; car ils étaient tous issus d’une même tribu et avaient la même origine. Cinq chefs furent désignés à leur tête : Slanicos, Roudiorix, Gannos, Genaunos, Senoganos, les cinq fils de Dallos, fils de Lottios, fils de Vortextos, fils de Trebatios… fils de Semiviso, fils d’Ercolanos, fils de Bivannos, fils de Stannos, fils du Nemet/Cornunnos, fils d’Acnomanos, etc.
Gaulois fut le surnom de Slanicos et de son peuple ; le tiers qui surpassait les deux autres tiers en courage et en équipement, de sorte que ce fut à cause de leur valeur (gal) qu’ils reçurent cette appellation. Fir-bolg fut le nom donné à Gannos, à Senogannos et à leurs peuples. La raison pour laquelle on les appela Fir-bolg fut que ce sont eux qui avaient transporté la terre dans des sacs (bolg). Et Fir-Domnans parce qu’ils « bêchaient la terre », comme il a été mentionné, ce qui veut dire : les hommes qui creusaient (doim-nighim) la terre. Tel fut le nom donné à Roudiorix, à Genaunos et à leurs peuples. Ils accostèrent dans la baie de Domnan. On les appela aussi tous collectivement Fir-bolg, pour la raison qu’ils vinrent dans la Verte Érin à bord des sacs qui leur avaient servi à transporter la terre ; et qu’ils ne formèrent qu’une seule et même immigration, une seule et même ethnie, un seul et même royaume, bien qu’ils soient en fait arrivés des jours différents et qu’ils aient débarqué dans des estuaires différents. Voici quels furent ces estuaires. Slanicos avec ses principaux chefs et ses anciens accosta dans Imberon Slanici (le havre de Slanicos), le samedi des Calendes d’août pour ce qui est du jour de la semaine, de sorte que la baie tire son nom de lui. Un millier de personnes l’accompagnait. Senogannos et Gannos débarquèrent un mardi à Imberon Dubiglasti (dans le havre de la Dubglas), avec deux mille personnes. Roudiorix ainsi que Genaunos atteignirent Imberon Dumnonas (la baie de Domnan), comme nous l’avons dit, le vendredi suivant, également avec deux mille personnes. Ils firent route tous ensemble jusqu’à Uxonabelcos en Midé, et ils divisèrent le pays en cinq.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 3.
Là encore bien peu d’éléments vraiment historiques dans tout cela, exception faite de l’organisation en quatre parties (+ une : le centre) du territoire. Les peuples celtes ont peut-être en effet toujours rêvé d’organiser leur territoire de cette façon : une province centrale dominant quatre provinces périphériques.
Mais l’Irlande historique n’a jamais connu dans les faits sur le terrain une telle division du territoire en quatre provinces plus une, qui a l’air beaucoup plus mythique qu’autre chose. À aucun moment dans la verte Érin il n’y a eu vraiment cinq royaumes simultanément. À aucun moment l’Irlande n’a été vraiment de fait bien divisée en cinq royaumes. Et il est possible que la région centrale ne se soit constituée en royaume séparé autour de la colline d’Uxonabelcon (Uisneach) dans le comté de Westmeath (actuellement IarMidhe) que grâce à l’action de Niall aux neuf otages (Niall Noigiallach). Le premier ard ri ou roi des rois authentiquement historique, dont les Ui Néill sont les descendants.
Par contre on retrouve exactement le même genre de division quadripartite du pays à l’autre bout du monde, en Asie (actuelle Turquie) avec les Galates. Tout y est, y compris le rôle du druide (dikaste en grec ou grand prêtre de Cybèle comme le frère d’Aiorix en -163).
Strabon. Livre XII. Chapitre V. « Les trois tribus parlaient la même langue et ne différaient en rien les unes des autres. Chacune était divisée en quatre parties appelées tétrarchies, chaque tétrarchie ayant son tétrarque, et aussi un druide [grec dikaste] ainsi qu’un chef militaire [grec stratophylaks], tous les deux sujets du tétrarque, et flanqués de deux commandants adjoints [en grec hypo-stratophylaks]. Le Conseil des douze tétrarques comptait trois cents membres, qui se réunissaient au Drunemeton, ainsi qu’ils appelaient ce lieu. Ce Conseil jugeait les affaires de meurtre, mais les tétrarques et les druides [grec dikastes] s’occupaient des autres. Telle était du moins la constitution de la Galatie jadis, car de mon temps le pouvoir passa entre les mains de trois chefs uniquement, puis de deux, et enfin d’un seul, Déjotarus, à qui Amyntas succéda ».
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La notion d’une division en cinq, avec quatre quarts et un centre (le fameux moyeu ou nabelcon. N.D.L.R.) peut néanmoins être indépendante des frontières réelles. Pour les druides en effet, le monde était défini par cinq points cardinaux et non quatre : le nord, l’est, le sud et l’ouest, mais aussi… le centre.
Comme on peut le voir dans ce texte, chez les Celtes d’Asie le centre du territoire, comme chez les Carnutes au sud de Paris, était marqué par un grand sanctuaire dans la forêt, une conception dont on trouve un lointain écho dans les légendes traitant de Vindosenos/Fintan et nous parlant de l’arbre branchu d’Uisneach (en fait un frêne apparemment et pas un chêne comme chez les Celtes du Continent ou d’Asie).
La seule différence c’est qu’en Irlande il y avait aussi sur la colline d’Uisneach en plus de cette formation végétale, un monument mégalithique appelé Aill na Mireann. C’est d’ailleurs là, selon les légendes ayant cours en Irlande, que siégeait la deuxième personne de la triade des fées protectrices du pays. Par la suite cette pierre passa pour être la tombe de la déesse-ou-démone Iveriu.
Ne pas oublier en effet que jadis pour nos ancêtres la terre était considérée comme la matérialisation physique du corps d’une déesse (il serait temps de s’en souvenir après Tchernobyl et Fukushima) ; les rochers étaient ses os, la terre sa chair et les rivières ses veines. Et les deux feux de Beltène qui brillaient comme des phares dans la nuit étaient ses yeux.
Notons pour finir que si nous traduisons le terme gaélique coiced par province, il désigne aussi en fait l’armée de la province en question. Les quatre provinces par exemple est une expression signifiant les quatre armées provinciales, la coalition formée par la mobilisation conjointe de chacune des armées des quatre grandes provinces d’Irlande, en général unies contre une cinquième, l’UIster, qui dans nos légendes fait toujours un peu bande à part. Sans doute à cause de sa forte composante celtique toujours non gaélique, et parlant peut-être une langue celtique en p, du moins à l’origine. Les Ulates ne se considèrent pas vraiment irlandais. Pour eux les Irlandais, ce sont les autres. Eux sont Ulates un point c’est tout.
Retenons donc de tout ceci que les noms de certaines unités territoriales, comme le corios celtique ou le pagus gallo-romain, sont également des noms de formations militaires.
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La part de Slanicos s’étendit depuis Imberon Colptas (l’estuaire de Colpta) jusqu’à Comberon trion nuscion (le Confluent des Trois eaux). Gannos obtint le pays compris depuis ce Confluent jusqu’à Belca Cunogelastis (le chemin de Conglas) ; Senogannos depuis le chemin de Conglas jusqu’à Lomenacon (Luimnéac), Genaunos depuis Luimnéac jusqu’à la Drobaois, Rudiorix depuis la Drobaois jusqu’à la Boinne.
C’est à propos des choses ci-dessus mentionnées que Tanaidhe Ua Maoil-Chonaire, l’érudit a écrit le poème suivant :
Érin, terre d’héroïques conflits…
Note de la rédaction. Ici est inséré un long poème difficile à traduire et qui ne nous apprend rien de nouveau…
Voici le nom des femmes des chefs ci-dessus mentionnés. Vatua, femme de Slanicos, Andera femme de Gannos, Aiuista femme de Senogannos, Cnouca femme de Genaunos et Livabena, femme de Rudiorix. Ce fut en souvenir d’elles qu’il fut dit :
Vatua, femme de Slanicos ne fut pas difforme ;
Andera fut la femme de Gannos le courageux ;
Aiuista, la femme de Senogannos des lances ;
Cnouca la femme du beau Genaunos.
Livabena femme de Roudiorix après avoir été humiliée,
Emmena tous ses parents avec elle.
Rudiorix, le roi des rusés
Eut Vatua pour femme, telle est mon opinion.
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Des rois Fir-bolgs, de la durée de leur règne et de leur mort.
Il n’y eut personne pour prendre le titre de « roi », ni la royauté ou le commandement suprême dans la verte Érin, avant l’arrivée des Gaulois Fir-bolgs. Ils confièrent la souveraineté à leur frère aîné, c’est-à-dire à Slanicos qui fut donc le premier roi exerçant l’autorité suprême dans le pays. Il régna pendant un an et mourut dans sa résidence. Ce fut le premier mort d’Irlande parmi les Gaulois Fir-Bolgs.
Roudiorix, son frère, régna pendant deux ans et mourut dans le Brug sur la Boinne.
Gannos et Genaunos régnèrent quatre ans, puis moururent de la peste à Fréman en Midé.
Senogannos régna cinq ans, puis fut tué par Fiaca aux Têtes-grises, fils de Stanos, fils de Dallos, fils de Lottios.
Fiaca des Têtes-grises régna cinq autres années, puis fut tué par Rional, fils de Géanan. Les vaches eurent la tête grisonnante (cend-fhionna) sous le règne de ce Fiaca.
Rindalis, fils de Genaunos fils de Dallos, régna six années, puis fut tué par Odbogenos, fils de Senogannos, lors d’une bataille livrée près la rivière Crappon. Ce fut à époque de Rindalis qu’on mit des pointes en fer sur les hampes des lances, car celles qu’ils avaient en main jusqu’alors étaient de simples épieux [durcis au feu].
Odbogenos régna quatre ans, puis fut tué par Ivocatuos, fils d’Ercos, fils de Rindalis, fils de Genaunos, dans la plaine de Moritamna. Du temps de cet Odbogenos des nœuds et des bourgeons apparurent sur les arbres, car lisses et tout droits étaient alors les bois.
Ivocatuos, fils d’Ercos, régna dix ans, après lesquels il fut tué par les trois fils de Nemet, fils de Badra des enfants de la déesse Danu bia (Tuata Dé Danan) à savoir Céasairb, Luam et Luacra, comme expliqué ci-dessous.
Ivocatuos, fils d’Ercos, fut un bon roi. Il n’y eut pas d’autre humidité durant son règne que celle de la rosée. Il n’y eut pas une année sans fruits. Il expulsa du pays les menteurs. Ce fut le premier roi qui fit des règlements convenables, c’est-à-dire des lois justes.
Sur les règnes et les morts de ces rois, il a été dit par Tanaidhe Ua Maoil-Chonaire [qui l’a écrit] :
Les Gaulois Fir-bolgs furent heureux pour un temps,
Dans la grande île des fils de Miléad.
Ils emmenèrent avec eux cinq chefs de chez eux,
Dont je sais les noms.
Slanicos régna un an, c’est la vérité
Il mourut dans son beau tumulus.
Ce fut le premier roi des Gaulois Fir-bolgs aux grandes lances
Qui mourut dans l’île.
Roudiorix le Rouge régna deux ans
Il mourut dans l’agréable Brug bien situé.
Après il y eut quatre ans de règne pour Genaunos et Gannos
Ils moururent de la peste à Fréman.
Cinq ans pour Senogannos le tranquille,
Il fut tué par Fiaca, fils de Stannos.
Fiaca des Têtes-grises régna
Cinq autres années, grâce à ses combats.
Fiaca des Têtes-grises, plus que tous les autres
Vivra son nom à jamais.
Car sous son règne les vaches
Eurent toutes la tête grisonnante.
Ce roi fut tué par Rindalis le Rouge,
Qui régna six ans à la tête d’une troupe libre :
Le petit-fils de Dallos fut tué
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Près de la rivière Crappon, par Odbogenos.
Quatre ans pour le noble Odbogenos
Jusqu’à la bataille de Moritamna livrée par les champions,
Où il fut tué sans gloire
Par le fils d’Ercos, par le noble Ivocatuos.
Du temps d’Odbogenos
Apparurent de gros bourgeons sur les arbres.
Les bois jusque-là
Étaient nus et tout droits.
Dix ans pour Ivocatuos, fils d’Ercos
Qui ne reçut aucun coup mortel,
Jusqu’à ce qu’il soit tué dans la plaine
Par les trois fils de Nemet fils de Badra.
Voici les noms de ces trois fils de Nemet maintenant
Céasair, Luam et Luacra ;
C’est par eux que fut tué d’un coup de javelot le roi régnant,
Ivocatuos, fils d’Ercos, dont je viens de parler.
Après cela se levèrent les enfants de la déesse Danu (bia),
Contre les Gaulois Fir-bolgs qui étaient la tribu ayant survécu.
Par leur druidisme, sur le champ, ils enlevèrent
La souveraineté aux Gaulois Fir-bolgs.
Rien ne mentionne que des forts furent creusés, des plaines défrichées ou que des lacs apparurent du temps des Gaulois Fir-bolgs. Il est rapporté par contre dans des livres que des survivants des Gaulois Fir-bolgs sont issus les Gabraidé de Suc dans le Connaught, les Ui Tairsi de Leinster, chez les Ui Failgé ainsi que les Gailéoin du Leinster, etc.
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Contre-lai (commentaire néo druidique) Nº 4.
Cette cinquième « conquête » de l’Irlande, la conquête des Gaulois Fir Bolg, est-elle aussi mythique que les quatre premières ? Telle est la question que l’on peut se poser ?
L’épisode de la fuite hors de Grèce sur des outres (les fameux sacs) est une fausse explication, due à la ressemblance de mot entre Bolg < Bulga (sac, poche) et Bolg (Les Belges, à moins que ce ne soient les Volcai, les Volques).
Le même procédé littéraire est appliqué aux Gaulois Fir Domnann et aux Fir Gaileoin, et bien entendu ce n’est pas ça ! Constatons enfin que c’est moins une invasion qu’un retour, car les Gaulois Fir Bolg sont les descendants des enfants du Nemet/Cornunnos, exilés en Grèce [d’après les moines ayant retranscrit ce mythe].
Les Gaulois Fir Bolg constituent apparemment une transition entre le sacré du Nemet/Cornunnos et le divin des Toutai Deuas (des Tuatha Dé). Avec eux finit la partie création proprement dite, et l’on en arrive aux problèmes d’organisation militaire ou politique. Le partage du pays en cinq provinces, chacune gouvernée par un roi, celle du centre étant le fief du roi suprême, du roi des rois. Il s’agit là sans doute d’une conception druidique traditionnelle de l’organisation des territoires.
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L’INVASION DES ENFANTS DE LA DÉESSE DANU (BIA).
Henri Lizeray/Micheal O Cleirigh.
Nous en avons sorti tout ce qui concerne l’origine des Toutai Devas et le mode de fonctionnement de leur société ; qui seront étudiés ultérieurement. Que nos lecteurs sachent seulement qu’en ce qui concerne cette origine des Toutai Devas, elle est rigoureusement conforme dans ce manuscrit à l’idéologie dominante et quelque peu compliquée, du temps, c’est-à-dire une origine hyperboréenne au sens large du terme : des îles au nord du monde.
« Les enfants de la déesse Danu (bia) étaient dans les îles au nord du monde, apprenant les traditions la magie le druidisme la sorcellerie et les ruses, jusqu’à en devenir plus forts que tous les spécialistes du paganisme. Les quatre cités dans lesquelles ils apprenaient les traditions la science les diableries étaient Falias, Gorias, Murias et Findias » (Cath Maige Tuired) ».
N.B. Le Cath Maige Tuired, ou plus exactement Cath Maige Tuired an scel so sis ocus Genemain Bres meic Elathain 7 a righe, est un manuscrit du 16e siècle qui, d’après l’état de la langue, semble être une compilation de matériaux remontant au IXe siècle, réalisée au XIIe, et contenant de nombreux passages strictement incompréhensibles.
ET
« En ce qui concerne les enfants de la déesse Danu (bia) ils prospérèrent jusqu’à en devenir célèbre par tous les pays de la terre. Ils avaient leur propre dieu de la sorcellerie, Ivocatuo Ollater, surnommé le Dagodevos(Dagda), car c’était un dieu bon à tout faire. Ils avaient des chefs hardis et téméraires, des experts dans tous les arts, et ils décidèrent un jour de se rendre dans la verte Érin. Ces chefs audacieux dignes représentants de tous les preux du monde, des arts et savoirs d’Europe, se mirent alors en route. Ils partirent des îles du Septentrion pour aller à Dobur et Indobur, au Sid de… ?… et à la fontaine de Genaunos. Là ils restèrent quatre ans. Lors de leur arrivée dans le pays Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd, fils d’Echtach, était le prince qui régnait sur eux » (Cath Maige Tuired Cunga).
N.B. Le Cath Maige Tuired Cunga est un manuscrit dont une partie remonte au XIVe siècle, d’autres du XVe siècle.
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Des voyages d’Ivatos, fils de Biuotacos, fils de Iariponalis, fils du Nemet/Cornunnos et de sa descendance, depuis qu’ils partirent du pays, après la destruction de la Tour de Conan, jusqu’à la conquête de l’île par les enfants de la déesse Danu-bia (Tuata Dé Danan) sur les Gaulois Fir-bolgs. Du nombre de leurs rois et de leur gouvernement ; de leurs morts, avec la généalogie de quelques-uns d’entre eux.
Ivatos fils de Biuotacos fils de Iariponalis fils du Nemet/Cornunnos après son départ et après la conquête de la Tour ci-dessus mentionnée occupa les îles au nord de la Grèce avec son peuple. Ils y restèrent jusqu’à ce que se multiplient leurs enfants et leurs parents. Ils apprirent le druidisme et de nombreux arts divers dans ces îles où ils demeurèrent, entre autres la sorcellerie, la magie, les enchantements et toutes les sciences du paganisme en général, de sorte qu’ils devinrent savants, instruits et versés, dans chacune de leurs branches. Ils furent appelés Toutai Devas, parce que chez eux les dieux étaient leurs hommes de science ; les non-dieux le peuple de leurs agriculteurs ??? à cause de leur génie dans chaque science et dans chaque secrète connaissance du druidisme, et ce fut pour cette raison que leur fut donné le nom de Toutai Devas (Tuatha Dé).
Voici les cités dans lesquelles ils furent instruits : Falias, Gorias, Findias, Murias. Ils eurent des professeurs dans chacune de ces cités, voici leurs noms : Morfésa, à Falias, Esras à Gorias, Uscias à Findias, et Sémias à Murias.
De Falias ils rapportèrent Lia Fail, la Pierre de la destinée (ensuite détenue à Téamair ou Tara par Lug). C’est cette pierre qui rugissait sous chaque roi gouvernant la Verte Érin, depuis le temps de Lug au long bras jusqu’au temps de la naissance du Christ, et qui ne résonna plus après sous aucun roi,
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car un démon demeurait en elle et les pouvoirs des idoles disparurent avec l’avènement du seigneur qui naquit de la Vierge Marie.
C’est de cette pierre que vient le nom d’Île de la Destinée pour notre patrie, comme l’a dit Cionaed O' Artagain, dans ces vers :
La pierre qu’ont foulée mes talons
D’elle vient le nom d’Île de la Destinée.
Entre deux rivages battus par les flots
Plaine de la Destinée désigne toute la Verte Érin.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 5.
Non-dieux le peuple de leurs agriculteurs. Qu’est-ce à dire ?? Le texte gaélique semble formel à cet égard. Sans doute une trace de vieilles gloses plus ou moins bien comprises.
Le Christ et la Sainte Vierge. Tout ce passage est passablement hostile aux dieux du paganisme ainsi évoqués : sorcellerie magie enchantements. Est-il besoin de préciser qu’il s’agit d’une évidente interpolation chrétienne ? Un cas typique de remplacement d’une religion par une autre, de remplacement d’une superstition par une autre (la Sainte Vierge, etc.).
Île de la destinée. On ne saurait mieux dire que le dieu suprême de l’ancienne Irlande était le destin et ses auxiliaires ou causes secondes les gessa.
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De Gorias fut ramenée la lance qui appartint à Lug. Une bataille ne pouvait être perdue quand on l’avait en main. De Findias fut ramenée l’épée de Nuadat dont personne ne pouvait survivre aux coups. De Murias fut ramené le chaudron du Suqellos Dagda Gurgunt : nulle compagnie ne le quittait sans être rassasiée.
Après l’achèvement de leurs études ils allèrent s’installer entrer les Athéniens et les Philistins et habitèrent entre ces deux peuples. Des conflits et des guerres s’élevèrent ensuite entre ces deux tribus haineuses ou ennemies l’une de l’autre. Elles livrèrent bataille de toutes leurs forces et la victoire échappa aux Athéniens de sorte que l’ensemble de leurs troupes furent mises hors de combat excepté un petit nombre d’entre elles. Alors les Enfants de la déesse (Toutai Devas) se mirent à aider les Athéniens et par leur sorcellerie (par leur druidisme) ils firent entrer des démons dans le corps des héros athéniens tués, qui furent ainsi de nouveau prêts à livrer bataille et purent les affronter [les Philistins] encore une fois. Grande fut la surprise des Philistins en voyant les hommes qu’ils avaient tués les combattre encore le lendemain. Ils en parlèrent à leurs druides ; leur doyen leur donna son avis et leur dit : « Apportez (dit-il), des piquets de bois de coudrier ou de sorbier à la bataille de demain, et si vous remportez la victoire, enfoncez donc ces pieux de bois dans la nuque des hommes que vous aurez tués : si ce sont des démons, ils se transformeront en un tas de vers grouillants. Ils s’exécutèrent donc. Les Philistins triomphèrent encore ; ils enfoncèrent les chevilles de bois dans la nuque des héros qu’ils avaient tués : ils furent grouillants de vers le lendemain. Alors les Athéniens perdirent leur puissance et les Philistins accrurent la leur. Ils se souvinrent de l’hostilité ou de l’animosité que leur avaient témoignées les Enfants de la Déesse (Toutai Devas) en faisant alliance contre eux avec les Athéniens, et ils décidèrent donc de rassembler toutes leurs forces pour les attaquer afin de se venger de cette déconvenue.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 6.
Athéniens et Philistins. Géographie évidemment complètement fantaisiste et due à la sous-culture chrétienne du Moyen-âge. En outre les Philistins furent peut-être en tant que Peuple de la Mer des Aryens (au moins pour certains d’entre eux), mais le druidisme était inconnu dans leurs rangs… Apparemment dans cette légende on ne procède pas comme avec les vampires, les pieux sont en bois de coudrier ou de sorbier, en outre on ne les enfonce pas dans le cœur, mais dans la nuque. On se demande bien où les bardes irlandais du Moyen-âge ont été chercher tout ça.
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En apprenant cela, les enfants de la Déesse (Toutai Devas) s’enfuirent loin des Philistins jusqu’à ce qu’ils trouvent un domaine ou des terres à Dobar et Iardobar au nord de l’Écosse. Ils y restèrent sept ans avec Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd comme souverain. Ils se consultèrent les uns les autres à la fin de cette période de temps afin d’enlever la verte Érin aux Gaulois Fir-bolgs, parce qu’ils étaient nombreux et que c’était la patrie qui leur revenait de droit, leurs ancêtres en étant venus.
Ils tinrent conseil, et ils prirent la mer. On ne sait rien de leur traversée jusqu’à ce qu’ils aient atteint une baie des côtes d’Irlande, précisément le lundi des Calendes de mai. Ils brûlèrent leurs vaisseaux et leurs chaloupes. Ils répandirent, après cela, une extraordinaire obscurité autour d’eux, jusqu’à ce qu’ils aient atteint la montagne de Cunomagenon Reni, dans le Connaught, à l’insu des Gaulois Fir-bolgs.
Le roi des Gaulois Fir-bolgs, à cette époque, était Ivocatuos, fils d’Ercos, que nous avons déjà mentionné. Talantio fille de Magmor, roi d’Espagne, était sa femme et…
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 7.
Ils répandirent, après cela, une extraordinaire obscurité autour d’eux. Cette histoire de fumée n’est sans doute qu’un lointain souvenir, incompris et déformé, du cinquième élément de la nomenclature celtique. Celui qui correspond à l’indien akasha, à savoir le brouillard, lequel est aussi un des moyens par lesquels l’Autre Monde se manifeste aux hommes de ce monde.
Talantio. Ou Tailtiu. Une princesse Fir Bolg bien mystérieuse. Magmor signifie « la grande plaine ». Son nom est donc une des désignations de la terre. Sans doute la terre cultivée après défrichage d’une plaine (Mag-Mor). La mention de l’Espagne est bien entendu dans ce cas une aberration à moins que son auteur n’ait voulu par là en faire un roi de l’autre monde. Talantio/Tailtiu serait dans ce cas une des déesses adorées par les Gaulois Fir Bolg et avec laquelle il y avait chaque année une hiérogamie rituelle de la part des rois ayant historiquement existé. Équivalent continental Rosemartha.
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LA PREMIÈRE BATAILLE DE LA PLAINE DES MENHIRS.
CATH MUIGE TUIRED CUNGA.
Manuscrit H.2.17 du Collège de la Trinité à Dublin que le Français d’Arbois de Jubainville présente comme suit dans sa tentative de catalogue de la littérature épique d’Irlande.
« C’est un recueil de fragments formant 91 pages dont les 82 premières sont en papier. Une partie de ce manuscrit n’est certainement pas antérieure au XVIIe siècle, certaines parties datent du XVe, et enfin d’autres parties peuvent dater du XIVe ».
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Lors de l’arrivée des Enfants de la déesse Danu (bia) le haut-roi Ivocatuos fils d’Ercos eut un rêve étrange qui le fit beaucoup réfléchir et le laissa fort perplexe vu les inquiétants prodiges qu’il contenait. Il s’en ouvrit à son druide, Césard, et lui raconta ce qu’il avait vu dans son rêve.
Qu’as-tu vu ? demanda Césard.
« J’ai vu des nuées d’oiseaux noirs, répondit le roi, surgissant des profondeurs de l’Océan. Ils s’abattaient sur nous tous et affrontaient les hommes, en semant confusion et destruction dans nos rangs, mais un d’entre nous, me sembla-t-il, frappa le plus noble d’entre eux et lui coupa une aile. Et maintenant, Césard, fais appel à ton art et à ta science pour nous dire ce que signifie ce rêve ».
Césard s’exécuta et grâce à des rituels ainsi qu’à sa science expliqua donc au roi ce que signifiait son rêve en lui disant :
« J’ai des nouvelles pour vous :
Des guerriers viennent d’arriver de par-delà les océans
Un millier de héros ont pris la mer
Des bateaux multicolores vont foncer sur nous
Ils annoncent mille morts pour nous
Il s’agit d’un peuple versé dans tous les arts et dans toutes les incantations magiques ;
Un esprit mauvais va fondre sur nous
Il y aura des signes qui vous tromperont (?)
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Chacun de leurs efforts paiera ».
« Il s’agit donc », répondit alors Ivocatuos, « de l’annonce de l’arrivée d’ennemis venant de pays lointains ».
En ce qui concerne les clans de la déesse Danu (bia) ainsi que nous l’avons déjà vu ils étaient tous arrivés sur place et avaient immédiatement détruit et brûlé leurs vaisseaux ainsi que leurs barques. Ensuite ils avaient fait route jusqu’aux Montagnes Rouges de Rian dans l’est du Connaught où ils firent halte et campèrent. Là leurs cœurs et leurs esprits éclatèrent de joie enfin à l’idée d’avoir regagné le pays de leurs ancêtres.
On rapporta aux Gaulois Fir Bolg qu’une troupe d’étrangers avait débarqué dans leur royaume. Et que c’était la plus belle et la plus délicieuse jamais vue dans le pays, la plus belle pour ce qui est de l’armement, de l’équipement, pour ce qui est de la musique ou des jeux ; mais aussi la plus éminente qui soit jamais venue pour ce qui est du moral et du tempérament. C’était aussi la troupe la plus brave du monde et elle inspirait à tous horreur peur et terreur, car les enfants de la Déesse surpassaient tous les peuples du monde dans quelque art que ce soit.
« C’est un grand désavantage pour nous » s’exclamèrent les Gaulois Fir Bolg, de ne rien savoir ou de n’avoir aucun renseignement sur le lointain pays d’où vient cette troupe voir sur l’endroit où ils ont l’intention de s’établir. Que Srengos aille leur rendre visite, car lui aussi est grand et terrifiant et il n’hésite jamais à espionner des armées ennemies ou à interroger des étrangers, et il est assez grossier ou effrayant pour aller voir ».
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Srengos se leva et prit son grand bouclier brun-rouge recourbé, ses deux gros javelots, son épée aux coups mortels, son beau casque à cornes ainsi que sa lourde masse d’armes, et partit pour la montagne de Rian.
Les enfants de la déesse virent arriver un humain immense et effrayant.
« Un homme arrive tout seul » s’écrièrent-ils « pour s’entretenir avec nous, il faut que l’un d’entre nous aille lui parler ! »
Alors Bregsos, fils d’Elatio, se leva pour aller le retrouver à l’extérieur du camp et lui parler.
Il prit son bouclier, son épée, deux grandes lances. Les deux guerriers avancèrent l’un vers l’autre jusqu’à ce qu’il n’y ait plus entre eux que la distance à laquelle on peut s’adresser la parole.
Ils s’observèrent longuement tous les deux sans dire un mot.
Ils avaient tous les deux en effet un armement et une allure étranges aux yeux de l’autre.
Srengos remarqua les deux grandes lances de Bregsos, et mit son bouclier à terre devant lui pour se protéger.
Bregsos lui aussi continua de garder le silence et mit son bouclier devant lui.
Ensuite ils se saluèrent l’un l’autre, car ils parlaient la même langue – puisqu’ils avaient la même origine – et ils expliquèrent chacun qui ils étaient donc et qui étaient leurs ancêtres.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 8.
Diodore de Sicile, livre V, chapitre XXXI. « La coutume chez eux veut que personne ne puisse accomplir de sacrifice sans un de ces « philosophes », car les Actions de grâces doivent être offertes aux dieux, disent-ils, par le truchement de ces hommes, qui ont l’expérience de la nature divine, et qui parlent, pour ainsi dire, la langue des dieux [ils sont homophonon en grec] ; c’est aussi par l’intermédiaire de ces hommes, pensent-ils, que l’on doit pareillement rechercher les bénédictions divines ».
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SRENGOS.
Mon corps et ma langue se sont réjouis
D’entendre un langage si plaisant et si heureux,
Quand tu déroulais vos généalogies
À partir du Nemet/Cornunnos.
BREGSOS.
De par leurs origines nos deux peuples sont donc frères ;
Notre race et nos familles descendent de Semivisos.
SRENGOS.
C’est le moment d’avoir présent à l’esprit
Que nous sommes, de par la chair et le sang
De la même race éminente que vous.
BREGSOS.
Soyez donc un peu plus modestes
Laisser vos cœurs s’entrouvrir
Et souvenez-vous que nous sommes frères justement
Si vous ne voulez pas que vos hommes soient massacrés.
SRENGOS.
Notre caractère est bien trempé
Souveraines notre fierté ainsi que notre férocité
Envers nos ennemis
Vous ne les abattrez pas.
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BREGSOS.
Si nos deux peuples s’affrontent
Ce sera une rencontre où beaucoup seront broyés ;
Rira bien qui rira le dernier.
Enlève ce bouclier derrière lequel tu te caches
Que je puisse au moins dire aux Toutai Devas
À quoi vous ressemblez.
« Me voici », rétorqua Srengos, « c’était par crainte de ce javelot acéré que tu as en main que j’avais mis mon bouclier entre nous deux ». Et il enleva son bouclier.
« Ces javelots sont empoisonnés », s’exclama Bregsos, « si toutes les armes que vous avez leur ressemblent, montre-les-moi ».
« Les voici », dit Srengos, et il détacha et découvrit ses javelots à la hampe épaisse.
« Que penses-tu de ces armes ? » demanda-t-il.
« Je vois », répondit Bregsos,
« De robustes armes à large pointe, lourde et forte, puissante et tranchante.
Malheur à celui qu’elles frapperont
Malheur à celui contre qui elles seront lancées
Malheur à celui contre qui elles seront utilisées
Ce seront des instruments de frappe
La mort est au bout de leurs coups puissants
Le trépas en découle
Des blessures résultent de leur jeu cruel
La terreur en jaillit de toutes parts ».
« Comment les appelez-vous ? » demanda Bregsos.
« Ce sont des javelots de guerre », répondit Srengos.
« Ce sont de bonnes armes » constata Bregsos.
« Avec elles les corps doivent être meurtris, le sang doit jaillir, les os doivent être brisés, les boucliers brisés, les cicatrices profondes et la gangrène assurée ??? Elles donnent la mort et défigurent pour la vie, vos armes sont acérées hostiles et mortelles, et il y a une fureur fratricide dans les cœurs de l’armée qui les porte. Concluons plutôt un pacte ou un accord ».
Ce qu’ils firent.
Ils s’approchèrent l’un de l’autre et Bregsos demanda : où as-tu passé la nuit dernière, Srengos ?
En plein milieu du cœur sacro-saint du pays, dans la forteresse des rois sise à Temhair (Tara), là où siègent les rois et les princes des Fir Bolgs, avec Ivocatuos le roi des rois. Et toi d’où viens-tu ?
BREGSOS.
De la montagne, du grand camp là-haut sur la montagne où sont les enfants de la Déesse et Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd notre roi. Nous sommes venus du nord du monde dans les pays de l’ouest sur un nuage de brouillard et de grêle magique (il est à noter cependant qu’il ne crut pas un instant que c’était ainsi qu’ils étaient venus).
Srengos répondit alors : « un long voyage m’attend et il est temps pour moi de m’en aller ».
« Alors, vas-y » répondit Bregsos, voici une de mes deux lances. Ramène un exemplaire de ces armes de la part des Toutai Devas.
Srengos donna une de ses javelines à Bregsos pour lui faire voir ce qu’étaient les armes des Gaulois Fir Bolg.
« Dis bien aux Fir Bolgs » ajouta Bregsos « qu’ils doivent ou livrer bataille ou nous céder la moitié du pays ».
« Ma parole » répondit Srengos « je préfère vous donner la moitié du pays plutôt qu’affronter vos armes ».
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Ils repartirent ensuite chacun de leur côté après avoir conclu un pacte d’amitié avec l’autre.
Srengos se rendit à Temhair. On lui demanda des nouvelles du peuple avec lequel il était allé s’entretenir et il raconta ce qu’il avait vu.
SRENGOS.
« Leurs soldats sont robustes
Leurs hommes virils et très adroits,
Leurs héros couverts de sang et durs à la bataille,
Leurs boucliers sont puissants,
Leurs lances aigües et dotées d’une solide hampe,
Leurs lames dures et larges.
Les combattre va être difficile ;
Il serait mieux de partager honnêtement le pays avec eux
Et de leur abandonner la moitié du pays comme ils le demandent ».
« Nous ne leur cèderons rien du tout », répondirent les Gaulois Fir Bolgs, « car si nous commençons à leur donner quelque chose c’est tout le pays qui finira par être un jour à eux !
Bregsos de son côté regagna son camp et on lui demanda donc à quoi ressemblait l’homme avec lequel il était allé parlementer ainsi que ses armes.
« C’est un homme grand puissant et féroce
Qui a des armes immenses et prodigieuses
Un homme belliqueux et hardi en plus
Qui ne craint ni ne redoute personne ».
Les gens de la déesse se dirent : « Ne restons donc pas ici, mais allons vers l’ouest en quelque lieu fortifié, où nous pourrons résister à n’importe qui ».
L’armée se mit donc en route vers l’ouest en traversant plaines et bras de rivières jusqu’à la plaine de la nièce (Mag Nia) à l’extrémité des montagnes noires que l’on appelle Sleibo Belgitani.
« Cet endroit est excellent », dirent-ils en y arrivant, « il est naturellement fortifié donc imprenable. Faisons nos guerres et conduisons nos expéditions à partir d’ici, réfléchissons à nos batailles et aux troupes qu’il nous faut à partir d’ici ».
Leur passage en ce lieu est évoqué ainsi par le poète : « De la montagne de Belgadain jusqu’à cette montagne-ci, haute est la montagne autour de laquelle nous livrons nos batailles. C’est à partir de cette hauteur que les clans de la déesse ont étendu leur emprise sur le pays ».
Bodua Magosia et la fée Mara Rigu/Morrigu/Morgane se rendirent ensuite sur le tertre de la prise des otages et sur la colline de l’avertissement aux armées à Temhair (Tara) et firent tomber des pluies magiques de sorcier, s’abattre de denses nuées ou brouillards dans une furieuse pluie de feu, ainsi qu’un déluge de sang rouge qui tombait sur la tête des guerriers, pendant trois jours et trois nuits, sans trêve ni répit pour les Gaulois Fir Bolg.
« Les pouvoirs de nos druides » s’exclamèrent les Fir Bolgs « sont une bien pauvre chose qui ne peut nous protéger de la sorcellerie des enfants de la déesse ».
« Mais si nous vous en protègerons », rétorquèrent Vatacos, Gnathach, Ingnathach et Césard, les druides des Gaulois Fir Bolg ; et ils arrêtèrent cette sorcellerie des clans de la Déesse.
Sur ce les Fir Bolg se mobilisèrent et leurs armées ainsi que leurs troupes se réunirent en un même lieu avec les rois de chaque province de la verte Érin. Les premiers à être sur place furent Srengos, Sembedos et Sitobruccos les trois fils de Senogannos, avec les hommes des provinces de Curoi. Ensuite arrivèrent Esca, Ecco, et Cirpos, avec les troupes de la province de Conchobar ; les quatre fils de Gannos avec les troupes de la province d’Ivocatuos fils de Luchta ; les quatre fils de Slanicos avec l’armée de la province des Gaulois ? (Gaileoin) et enfin Ivocatuos, le roi de ces rois, en tête des troupes du Connaught. Les Gaulois Fir Bolg, dont le nombre s’élevait à onze bataillons, marchèrent
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ensuite sur l’entrée de la plaine de la Nièce (Mag Nia). Les gens de la Déesse (Toutai Devas), au nombre de sept bataillons, prirent position à l’extrémité ouest de la plaine. Ce fut alors que Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd proposa au peuple des enfants de la déesse d’envoyer des ambassadeurs aux Gaulois Fir Bolg : « Qu’ils nous cèdent la moitié du pays et nous partagerons l’île entre nous ».
« Qui devons-nous envoyer ? » demandèrent-ils. « Nos druides », répondit le roi, c’est-à-dire Carioprixos, Aiios, Edannos.
Ils se rendirent donc sous la tente d’Ivocatuos, le roi des rois. Après qu’ils se furent présentés avec leurs cadeaux, ils furent interrogés sur la raison de leur venue.
« Voilà pourquoi nous sommes venus », répondirent-ils, « afin de demander le partage entre nous de cette terre, en deux parties égales ». « Nobles seigneurs Fir Bolg, vous avez entendu ça ? » demanda Ivocatuos.
« Oui » répondirent-ils « mais jamais jamais nous n’accèderons à cette requête ».
« Alors dans ce cas », demandèrent les druides « quand voulez-vous livrer bataille ? »
« Il nous faut un peu de temps », répondirent les nobles Gaulois Fir-Bolgs, « car nous devons préparer nos javelots, réparer nos cottes de mailles, arranger nos casques, affûter nos épées, avoir un équipement approprié ».
On fit venir des gens pour arranger tout ça. « Donnez-nous », dirent-ils » des boucliers pour un dixième de nos troupes, des épées pour un cinquième, et des lances pour un tiers. Vous fournirez à chacun des camps ce dont il a besoin.
« Quant à nous », répondirent les envoyés du peuple de la déesse aux Gaulois Fir Bolg, « nous ferons vos javelots et vous par contre vous ferez nos javelines ».
On accorda l’hospitalité aux Toutioi Devas jusqu’à ce qu’il en soit fait ainsi (il est dit que les Gaulois Fir Bolg n’avaient pas de lances, mais il en avait pourtant été fabriqué pour Rindalis le grand-père du présent roi). Ils conclurent donc ainsi un armistice jusqu’à ce que les armes arrivent, que les équipements soient terminés aussi, et qu’ils soient donc fin prêts pour la bataille.
Les druides retournèrent trouver les enfants de la déesse et leur racontèrent tout du début jusqu’à la fin, comment les Gaulois ne voulaient pas partager la terre et refusaient de les favoriser en les traitant comme des amis. Ces nouvelles remplirent les Toutai Devas de consternation.
Là-dessus Roudios et vingt-sept des fils du courageux Mil coururent prendre position à l’extrémité ouest de la plaine de la Nièce afin de défier à la crosse les enfants de la Déesse. Un contingent d’entre eux aussi nombreux partit à leur rencontre et la partie commença. Ils se donnèrent tant de coups sur les jambes et les bras qu’ils en eurent les os brisés ou rompus et qu’ils s’étalèrent sur le gazon : la partie s’arrêta ainsi. Cairn de la Rencontre est le nom du cairn où ils s’affrontèrent, et Vallée du cairn de la rencontre (Glen carn aillem) le nom du lieu où ils furent enterrés.
Roudios revint vers l’est et raconta l’histoire à Ivocatuos. Le roi fut heureux d’apprendre la mort de ces jeunes soldats du clan de la déesse et dit à Vatacos : « Pars à l’ouest et demande aux nobles seigneurs du peuple de la déesse comment ils comptent livrer de bataille de demain, si c’est en une seule journée ou plusieurs ».
Le druide y alla et posa la question aux nobles seigneurs du peuple des enfants de la déesse, à savoir Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd, au Suqellos Dagda Gargant et à Bregsos.
« Ce que nous proposons », répondirent-ils « c’est de combattre en nombre égal des deux côtés ». Vuatacos revint et rapporta aux Gaulois Fir Bolg le choix décidé par les Toutai Devas. Il ne fut pas du goût des Fir Bolgs aussi décidèrent-ils de faire venir Vindosenos/Fintan afin de voir s’il pouvait les conseiller utilement. Et Vindosenos/Fintan arriva.
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Les Gaulois Fir Bolg s’étaient retranchés dans une grande fortification (elle fut appelée Cunartacorate le Fort de la meute à cause des meutes de chiens qui dévorèrent les cadavres après la bataille, ou Crouartacorate le Fort des mares de sang, à cause des mares de sang dans lesquelles baignaient les blessés quand on venait les chercher). Ils creusèrent un puits de santé afin de soigner les blessures de leurs guerriers. Il fut rempli d’herbes médicinales. Une autre fortification où se retrancher fut édifiée par le peuple des enfants de la déesse (elle fut appelée Vorandorate le fort des assauts, car c’est de là que furent dirigés leurs assauts). Ils y creusèrent un puits de santé pour y soigner leurs blessures.
Quand ces travaux furent terminés, Cerpos demanda : « d’où viendrez-vous et pour aller où ? » c’est à vous de décider de la bataille de demain. Je conduirai l’attaque avec Moccarnos et son fils Roudios, Lagios et son père Senacos ».
La réponse fut : « Nous vous affronterons avec quatre bataillons ». Lors du dernier quartier de lune un mois et quinze jours après le début de l’Été fut la date retenue.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 9.
Première partie de notre commentaire : la partie psychanalytique.
Genèse 32, 24-32. Cette nuit-là Jacob se leva et prit avec lui ses deux femmes ainsi que ses deux servantes et ses onze fils et traversa le gué du Yabbok. Après leur avoir fait traverser le torrent, il fit passer tous ses biens. Jacob se retrouva ainsi tout seul et alors un homme lutta contre lui jusqu’à l’aurore. Quand l’homme vit qu’il ne pouvait arriver à le vaincre, il le toucha juste à l’articulation de la hanche de sorte qu’elle se démit pendant qu’il luttait contre lui. Ensuite l’homme lui dit : « Laisse-moi partir, car le soleil se lève ».
Mais Jacob répondit, « je ne te laisserai point aller tant que tu ne m’auras pas béni ».
L’homme lui demanda « quel est ton nom ? »
« Jacob » répondit-il.
Alors l’homme lui dit « ton nom ne sera plus désormais Jacob, mais Israël, car tu as lutté contre Dieu et contre des hommes et que tu en es sorti vainqueur.
Jacob lui demanda « fais-moi aussi connaître ton nom, je te prie ».
Mais il lui répondit : « pourquoi donc me demandes-tu mon Nom » ? Ensuite il lui accorda sa bénédiction.
Jacob appela ce lieu Peniel en disant « c’est parce que j’ai pu voir Dieu face à face, mais que ma vie a quand même été préservée ».
Le soleil se levait sur lui lorsqu’il passa Peniel, mais il boitait toujours à cause de sa hanche. C’est pourquoi depuis les israélites ne mangent jamais du tendon qui se trouve attaché à l’articulation de la hanche, car l’articulation de la hanche de Jacob a été frappée au tendon.
Brève analyse de ce mythe hébraïque selon le docteur Ruth Scheps.
Sur la nature de ce combat, les commentaires sont nombreux et divergents. La seule certitude concerne le caractère singulier de ce conflit entre l’humain et le divin : il arrive souvent que Dieu et l’Homme soient en désaccord et le manifestent de part et d’autre par la colère ou le cas de conscience. Mais le corps-à-corps qui a lieu au Yabbok est un phénomène singulier.
Combat unique, mais aux nombreuses dimensions, attestées par les innombrables questionnements et commentaires qu’il a suscités : faut-il le considérer comme réel ou fictif ? Historique, prophétique ou simplement onirique ?
Mais qui est donc cet adversaire au comportement aussi mystérieux que paradoxal, qui surgit sans crier gare, lutte toute la nuit, mais finit par lâcher prise, blesse Jacob puis le bénit ? Au chapitre XXXII il est d’abord question d'« un homme » (ish), puis Jacob parle d’un être divin (elohim). La psychanalyse freudienne y verrait sans doute un surmoi, tour à tour persécuteur ou idéalisé. Mais pour la plupart des sources du Midrach et du Zohar, c’est à un ange que Jacob a eu affaire : un malakh, terme qui signifie à la fois ange et messager divin ou du divin. Et en effet cet ange se révélera porteur de messages essentiels autant pour Jacob que pour toute sa descendance et au-delà pour tout être humain.
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Pour le rabbin catalan du XIIIe siècle, exégète de la Bible et du Talmud Moïse Nahmanide, proche du sens littéral, la lutte est réelle puisque Jacob y est blessé. Selon Maïmonide, il s’agit plutôt d’une vision prophétique, car il est dit à la fin du récit qu’il s’agissait d’un ange, et pour Maïmonide, les figures corporelles que revêtent les anges n’existent que dans l’esprit de celui qui les voit. Enfin de nombreuses interprétations font de cette lutte un symbole universel du combat intérieur contre tout ce qui entrave l’accomplissement créateur de l’être : obscurité, chaos et forces du mal… Plusieurs éléments de ce mythe hébreu suggèrent que cette lutte intérieure se déroule en rêve : son caractère extraordinairement elliptique (comme si seuls les événements les plus marquants en avaient été mémorisés) ; le fait que Jacob soit resté seul dans la nuit et que son adversaire ait surgi soudainement de nulle part ; enfin l’attitude paradoxale de l’ange, qui blesse Jacob avant de le bénir.
Il est donc probable que Jacob a eu à lutter non seulement contre son adversaire, mais avant tout contre sa propre peur et sa propre colère. Le combat physique de Jacob serait ainsi venu confirmer sa lutte intérieure et en souligner l’ambivalence, puisque Jacob en ressortira donc à la fois désarticulé physiquement (par la luxation de sa hanche) et réarticulé dans son nom, devenu Israël.
Élie Wiesel, quant à lui, préfère voir dans son adversaire l’ange gardien de Jacob lui-même ; celui-ci se battrait alors contre « le moi, en lui, qui doutait de sa mission ». Et dans un tout autre registre, voici comment le grand poète parisien du XIXe siècle que fut Charles Baudelaire, décrit les deux antagonistes de ce combat tel que l’a peint Delacroix : « L’homme naturel et l’homme surnaturel luttent, chacun selon sa nature, Jacob incliné en avant comme un bélier et bandant toute sa musculature, l’ange se prêtant complaisamment au combat, doux, comme un être qui a la chance de vaincre sans effort des muscles et ne permet point à la colère d’altérer la forme divine de ses membres ».
Après ces quelques remarques sur la nature du combat mené par Jacob et sur l’identité de son adversaire, je voudrais vous livrer ma vision de leur dialogue, car il est à mes yeux aussi important que le combat lui-même.
Si nous supposons, en accord avec le texte et toute la tradition, que l’antagoniste de Jacob est une émanation divine, nous devons supposer également qu’il est omniscient, donc qu’il connaît le nom de Jacob. Pourtant il le lui demande… Pourquoi ? Mon hypothèse est que c’est pour lui faire prendre conscience du fait que son nom Yaacov (celui qui est à la traîne) est désormais inadéquat puisqu’il est sorti victorieux d’un combat contre plus puissant que lui. Il lui annonce donc dans la foulée que désormais il s’appellera Israël, celui « qui a lutté victorieusement contre Dieu » selon la traduction la plus courante. Jacob à son tour demande à son adversaire quel est son nom. Là il ne s’agit pas d’une question purement rhétorique, car Jacob ignore vraiment ce nom. Mais en guise de réponse, son antagoniste lui pose une autre question : « Pourquoi t’enquérir de mon nom ? » puis il le bénit.
Deux choses me semblent particulièrement significatives ici : d’une part, l’ange ne bénit pas Jacob quand celui-ci le lui demande (en lui disant, verset 27 : « je ne te laisserai point aller tant que tu ne m’auras pas béni »), mais un peu plus tard, après lui avoir révélé son nouveau nom, comme pour montrer que la transcendance n’a pas à se plier à tous les désirs humains. Mais d’autre part, le désir de Jacob de connaître le nom de son adversaire est tout de même satisfait et il le reconnaît au verset 31 : « raïti Elohim panim el panim » (j’ai vu un être divin face à face)… En fin de compte, dans ce choc des combativités, chacun sauve la face si j’ose dire, et aucun ne se sacrifie ; les corps lâchent prise et l’étreinte fait place au dialogue entre deux êtres séparés. Mais en même temps, chacun sort de ce combat profondément transformé aux yeux de l’autre :
Voilà donc un premier acquis de cette haute lutte : Jacob est parvenu à surmonter ses sentiments ambivalents envers l’Ange pour ne plus voir en lui qu’une source de bénédiction.
Cette dynamique des sentiments et des émotions est à mon sens une des belles leçons de ce texte : comme Jacob chaque être humain est capable d’évoluer pour autant qu’il ne refuse pas d’affronter l’adversité en payant de sa personne et en s’impliquant par la parole. D’ailleurs pour Catherine Chalier, ce combat signe « l’acte de naissance d’une parole qui cherche à s’adresser aux autres hommes, même aux plus hostiles ».
Mais pour être entendue, c’est-à-dire porter ses fruits, cette parole a besoin de la conscience qu’a chaque interlocuteur de l’altérité de l’autre : c’est en reconnaissant la nature radicalement autre, c’est-à-dire transcendante, de son adversaire que Jacob accède lui-même à un niveau d’être supérieur, indiqué par son nouveau nom Israël. Et ce gain de conscience s’obtient à la fois par la parole et par le combat assumé sans gloriole, mais sans faiblesse non plus. Un combat qui, nous l’avons vu, se
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déroule essentiellement à l’intérieur de l’âme/esprit humaine tourmentée par ses contradictions et dont l’issue, quand elle est heureuse, s’ouvre aux vrais dialogues et aux vraies évolutions.
De cette lutte, Jacob ressort donc doublement transformé : il porte désormais un nouveau nom, Israël, qui lui rappellera (et nous rappellera) constamment son exploit d’être humain face à la transcendance. Et d’autre part sa blessure à la hanche sera la marque non moins constante de sa vulnérabilité.
Ainsi va l’humain sans cesse tiraillé entre orgueil et humilité, entre force et faiblesse, entre Israël et Jacob… Toute victoire humaine est au prix d’une blessure et toute blessure cicatrisée aguerrit ».
Ce qui est écrit par le docteur Ruth Scheps à propos du mythe hébraïque du combat de Jacob/Israël peut très bien s’appliquer au mythe celtique du combat des Fir Bolg contre les Tuatha De Danann ou peuple de la déesse Danu (bia). À cette différence près que dans le cas des Fir Bolg leur adversaire est à situer indubitablement au niveau « ange » et non au niveau « Être Suprême ». Et que pour les auteurs du Livre des conquêtes, assez curieusement, il s’agissait plus d’un affrontement collectif que d’un simple duel (en fait une multitude de duels). Il n’en demeure pas moins que les Fir Bolg sont, eux aussi, en l’occurrence, une métaphore de l’Humanité en lutte contre elle-même ou contre ce qui la dépasse.
Seconde partie de notre commentaire.
Rappels sur la technique guerrière des Celtes antiques. Les textes à ce sujet sont fort clairs (Diodore de Sicile, livre V, chapitre XXIX).
« Il est aussi dans leurs habitudes, quand ils sont rangés en ordre de bataille, de s’avancer au-devant de leurs lignes et de défier les plus vaillants de leurs ennemis en combat singulier, en brandissant leurs armes pour effrayer l’adversaire. Et quand quelqu’un accepte de relever le défi, ils se lancent alors dans une célébration effrénée des hauts-faits de leurs ancêtres et vantent leurs propres exploits, tout en injuriant et en rabaissant leur adversaire, bref en essayant par ces paroles de lui ôter tout courage avant le combat. Quand leurs ennemis sont tombés, ils leur coupent la tête, l’attachent à l’encolure de leurs chevaux, et donnent à leurs assistants les armes de leur adversaire mort, encore toutes ensanglantées, et ils les emmènent comme du butin, en chantant un péan sur eux et en commençant un autre hymne de victoire, ensuite, ces prémices de leur victoire, ils les clouent sur leurs maisons, exactement de la même manière qu’on le fait dans certains types de chasse, avec la tête des bêtes sauvages qu’ils ont terrassées. Ils embaument dans de l’huile de cèdre les têtes de leurs ennemis les plus distingués puis les conservent précieusement dans un coffre, et les montrent ensuite aux étrangers, en assurant gravement que certains de leurs ancêtres, ou leur père, ou eux-mêmes, ont refusé d’échanger cette tête contre une forte somme d’argent. Certains d’entre eux nous a-t-on dit, se vantent même de ne pas avoir accepté de céder la tête qu’ils exhibent, y compris contre son poids en or, manifestant ainsi une sorte de grandeur d’âme quelque peu barbare ; car refuser de vendre ce qui constitue un témoignage ou une preuve de sa valeur est une noble chose, mais continuer à en quelque sorte faire injure, à quelqu’un de sa propre race, après qu’il est mort, c’est s’abaisser au rang des bêtes ».
L’exposé méticuleux et digne de la méthode ethnographique actuelle, qu’a fait Posidonios, nous livre les éléments essentiels à la compréhension. Ainsi que le note judicieusement cet observateur, la coutume en question s’assimile à celle qu’ont les chasseurs de conserver ou d’exposer les crânes des bêtes les plus féroces ou les plus splendides, qu’ils ont tuées. Le crâne humain apparaît donc avant tout comme un trophée, au sens cynégétique du terme. Il est le témoin d’un fait d’armes, le témoin le plus réaliste qui puisse être imaginé, puisqu’il est une partie même, la plus expressive, de la victime.
Cette fonction de preuve avant toute chose est confirmée par deux faits. D’une part chez les Scythes, comme chez les Celtes, la tête rapportée puis montrée au chef est un gage de récompense ; ainsi les cavaliers sous les ordres de Labiénus qui tuèrent Indutiomaros, rapportèrent-ils la tête de celui-ci à César. D’autre part, chez les deux peuples également, les crânes sont conservés chez lui par le guerrier qui les a ainsi acquis et sont montrés aux étrangers, c’est-à-dire à ceux qui ne connaissent pas sa valeur au combat. Ce type de trophée n’a donc rien à voir avec le butin, il a une valeur personnelle, mais il n’est pas monnayable. Il n’entre pas non plus directement dans le trophée collectif, dans la mesure où il témoigne d’une relation quasi individuelle du guerrier avec l’ennemi et, au-delà même, avec la mort. La coutume de détacher la tête du cadavre des ennemis vaincus est
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donc un souvenir des temps anciens (chez les Celtes jusqu’au début du IVe siècle) où la bataille n’était qu’une multitude de combats singuliers entre guerriers.
Quand le combat avait encore le caractère d’un affrontement individuel, chaque guerrier se choisissant dans les rangs ennemis un adversaire de son rang, une autre technique d’effroi était alors utilisée. Le guerrier s’avançait pour défier son adversaire tout en faisant étalage de son passé glorieux et de celui de ses ancêtres. Le panégyrique que le soldat brossait de sa propre histoire, pour ce qui est de la forme, n’était pas sans vantardise. Mais comme il est fort probable que les faits d’armes évoqués devaient être vrais, l’allongement de la liste et l’instillation dans l’esprit de l’adversaire de détails macabres devaient déstabiliser l’auditeur malchanceux.
Troisième partie de notre commentaire. Les localisations traditionnelles de cette première bataille de Magos Turation (Moytura) : Carrowkeel et Glen mo Aillem dans le comté du Donegal, sont évidemment ultra fantaisistes. Il s’agit en effet d’une bataille mythique entre hommes et dieux et non d’une bataille historique entre êtres humains seulement.
Les Celtes arrivant peu à peu en Extrême Occident ont découvert ces gigantesques monuments mégalithiques très impressionnants pour eux, et comme à Carnac en Bretagne leurs bardes ont réutilisé ces décors pour en faire le théâtre de leurs grands drames nationaux.
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Sous-titre rajouté par la direction.
LA VICTOIRE DES GAULOIS FIR BOLG SUR LES DIEUX DE LA DÉESSE DANU (BIA) OU TUATHA DÉ DANANN EN GAÉLIQUE.
Les troupes se levèrent aux premières lueurs de l’aube ce matin-là. Tous ces braves guerriers mirent leurs boucliers peints et parfaitement ajustés sur leur dos, tous ces héros prirent leurs durs javelots de bois sec ainsi que leurs javelines de guerre dans la main droite, sans oublier les glaives éblouissants qui firent que les duels scintillèrent de lumière à la lumière des rayons de soleil miroitant sur le damasquinage des épées.
C’est ainsi que ces robustes compagnies, mues par l’irrésistible ardeur de leurs commandants, se mirent en marche en rangs serrés en direction de la plaine de la Nièce pour livrer bataille aux hommes de la déesse. Ce fut alors que le grand poète des Gaulois Fir Bolg, Vatacos, se mit devant eux afin de décrire leur fureur et en diffuser le compte-rendu. Il avait dressé puis enfoncé solidement au beau milieu de la plaine un menhir sur lequel il s’était installé. Ce fut le premier menhir érigé dans la plaine et Pilier de Vatacos fut son nom désormais.
Puis Vatacos versa des flots de larmes d’une brûlante tristesse et s’écria d’une voix tremblante d’angoisse…
« Avec quelle pompe s’avancent-ils ! Vers la plaine de la Nièce ils se dirigent avec une mâle assurance. Ce sont les hommes du peuple de la déesse qui arrivent ainsi que les Gaulois Fir Bolg aux lames damasquinées. La sanglante Bodua va les remercier pour tous ces combats que j’observe. Il y aura beaucoup de corps mutilés à l’est après leur visite de la plaine des menhirs (Magos Turation) ».
Les hommes de la tribu de la déesse formaient une colonne compacte et bien armée, conduite par des guerriers bon combattants et munie d’armes mortelles ainsi que de puissants boucliers. Chacun d’entre eux serrait des si près son voisin avec la bordure de son bouclier la hampe de sa lance et la garde de son épée, qu’ils se blessaient l’un l’autre. Le Suqellos Dagda Gargant commença son attaque de l’ennemi en se frayant un chemin à travers les rangs adverses vers l’ouest, en creusant un sillon large d’au moins cent cinquante hommes. Au même moment Cerpos chargea les Toutai Devas et sema la mort dans leurs rangs, en se frayant un chemin large d’au moins cent cinquante hommes devant lui. La bataille fit place à toute une série de combats et de duels, si bien que ce jour-là un grand nombre d’entre eux périrent. Il y eut un duel entre Adlectos du clan de la déesse et Nertacos des Gaulois Fir Bolg. Les coutures ou soudures de leurs boucliers furent déchirées, leurs épées
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arrachées des poignées, les rivets de leurs lances tombèrent. Adlectos tomba sous les coups de Nertacos.
À la fin de la journée, les enfants de la Déesse furent défaits puis regagnèrent leur camp. Les Gaulois Fir-Bolgs ne les poursuivirent pas au travers du champ de bataille, mais revinrent avec le moral dans leur propre camp. Chacun d’entre eux déposa devant le roi une pierre et une tête, et ils en firent un grand cairn. Les hommes du clan de la déesse érigèrent une stèle de pierre appelée depuis le Pilier d’Adlectos, d’après le nom du premier d’entre eux à être tombé. Les médecins se mobilisèrent. Les Gaulois Fir Bolgs eux aussi étaient venus avec leurs médecins. Ils cueillirent des herbes médicinales, les broyèrent et les répandirent à la surface de l’eau de la fontaine, jusqu’à ce que la précieuse eau guérisseuse épaississe et devienne toute verte. Leurs blessés furent plongés dans la fontaine, et ils en ressortirent complètement guéris.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 10.
Chacun d’entre eux serrait des si près son voisin avec la bordure de son bouclier la hampe de sa lance et la garde de son épée, qu’ils se blessaient l’un l’autre. Le type de combat auquel nous assistons là du moins tel qu’il nous est décrit par le « journaliste de l’époque » nommé Vatacos, et pour commencer (après c’est autre chose) est un affrontement de type hoplitique. Mais on peut se demander si c’est bien effectivement comme cela que les choses se passaient à l’époque. Le combat de type hoplitique était en effet l’affrontement rituel de deux phalanges dans la Grèce antique du Ve siècle avant notre ère et il était difficile de faire plus bête du point de vue de l’art militaire.
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Sous-titre rajouté par la Direction.
VERS UN ÉQUILIBRE DES FORCES EN PRÉSENCE.
Le lendemain matin le roi des rois des Gaulois Fir Bolg Ivocatuos y alla seul pour se laver les mains. Alors qu’il était ainsi occupé à se nettoyer, il vit apparaître au-dessus de lui trois beaux guerriers altiers. Ils lui lancèrent un défi. « Donnez-moi le temps », répondit-il « d’aller chercher mes armes ». « Nous ne t’accorderons aucun délai, le combat doit commencer maintenant ». Alors que le roi était ainsi en difficulté, un jeune homme énergique s’interposa entre ses ennemis et lui et s’écria en se tournant vers eux : « vous devrez d’abord vous battre contre moi ». Ils levèrent la main simultanément et s’affrontèrent jusqu’à ce qu’ils tombent tous les quatre. Les Gaulois Fir Bolgs arrivèrent après que tout soit fini. Ils virent les hommes à terre et le roi leur raconta comment ils avaient fondu sur lui et comment le champion solitaire les avait affrontés à sa place. Les Gaulois Fir Bolg apportèrent tous une pierre près de la fontaine pour lui et ils érigèrent un grand cairn sur sa tombe. Cairn du champion est le nom de ce cairn aujourd’hui, et la colline est appelée la colline des Trois. Les étrangers en question étaient trois médecins, frères de Diancecht, et ils étaient venus pour observer les médecins des Fir Bolg quand ils surprirent de la sorte Ivocatuos en train de se laver le visage.
Les bataillons de Toutai Devas se répandirent dans l’est de la plaine immédiatement et les Gaulois Fir Bolgs vinrent à leur rencontre en arrivant de l’ouest. Les capitaines qui marchaient en tête du clan des enfants de la Déesse ce jour-là avaient pour nom Ogmios, Medros, Dergos Boduos, Diancecht ainsi qu’Oinogubios du Loccolandon Nerigon (la Norvège ?). Les femmes appelées Bodua, Magosia, la fée Mara Rigu/Morrigu/Morgane ainsi que Danu (bia) offrirent de les accompagner. Contre eux marchèrent les Gaulois Fir Bolgs appelés Mella, Ese, Ferb et Faebur ainsi que tous les fils de Slanicos. De puissants et violents coups furent assénés par ces bataillons de chaque côté, et les umbos des boucliers furent brisés alors qu’ils paraient vigoureusement les coups, pendant que les hommes d’armes déployaient toute leur fureur et les guerriers leur courage. Leurs lances se tordirent sous l’effet des coups redoublés, leurs épées se brisèrent sur les os qui volèrent en éclats dans les corps à corps ; les effroyables cris de guerre des vétérans étaient couverts par la multitude des hurlements.
--------------------- --------------------- ------------------------------------------------------- ------------------------------------ Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 11.
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Oinogubios de Norvège. Anachronisme flagrant, allusion aux raids vikings ultérieurs, voire allusion à la mythologie des vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomors en Irlande. Bodua, Magosia, etc. Les femmes participent donc au combat. Notons cependant que la mention d’une intervention en personne de la déesse Danu (bia) ayant donné son nom aux dieux du paganisme celtique… est assez rare.
------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Les jeunes gens ne savaient plus où donner de la tête à cause de la multitude des exploits entrepris de chaque côté. Les guerriers blêmissaient en entendant le cliquetis des épées, en voyant la hauteur à la laquelle on les brandissait ou la furie avec laquelle ensuite elles s’abattaient. Car la garde était habile, l’esquive opportune, et les coups promptement rendus.
Nemetos fils de Badrai, se porta sur les flancs des Gaulois Fir Bolg. Des hommes l’entourèrent et dans cet affrontement Slanicos le Beau, fils d’Ivocatuos fut le premier à courir sur lui. Les deux guerriers s’affrontèrent l’un l’autre. Le choc des lances, le cliquetis des épées, le heurt des boucliers, ainsi que le choc des corps, furent effroyables. Nemetos tomba sous les coups de Slanicos. On creusa sa tombe, on dressa une pierre dessus pour lui, et l’on appela donc après cela cet endroit « Pierre de Nemetos ». Les quatre fils de Slanicos, fils de Dallos, relancèrent le combat contre le peuple des enfants de la déesse. De leur côté ce furent les quatre fils de Cencall qui se battirent contre eux. Ils se harcelèrent mutuellement jusqu’à ce que les fils de Cencall tombent sous les coups des fils de Slanicos. Ces derniers furent ensuite attaqués par les cinq fils de Lodos le rapide, mais ils tombèrent sous leurs coups. Oinogubios de Nerigon (de Norvège ?) commença de faucher l’ennemi et de semer la confusion dans ses rangs. Roudios l’entendit et se rua dans cette mêlée. Les trois fils de Dolad vinrent à sa rencontre et il déchaîna contre eux sa fureur jusqu’à ce qu’ils tombent devant lui. Les trois fils de Tella accoururent de l’autre bout du champ de bataille pour l’affronter aussi, mais furent tués par lui de la même façon. Lamh Redolam et Cosar Conaire furent tués par Slanicos le Beau sur les rives du lac. On érigea la pierre tombale de ces dix-sept hommes au bord du lac puisque c’est là qu’ils s’étaient retrouvés acculés.
Roudios et Oinogubios de Norvège s’affrontèrent, levèrent leur bouclier chacun l’un contre l’autre et se portèrent des coups jusqu’à ce que Roudios ait pu infliger vingt-quatre blessures à Oinogubios. À la fin Roudios lu coupa la tête et reprit ensuite le combat jusqu’à ce que la nuit tombe.
Ogmios fils d’Ethliu se jeta dans la bataille contre l’armée adverse et répandit derrière lui des mares de sang pourpre. Cerpos se jeta dans la mêlée à partir de l’est et chargea l’armée ennemie, trois cents des hommes du clan de la déesse tombèrent devant lui.
À la nuit tombante les Gaulois Fir Bolg furent repoussés du champ de bataille. Chacun d’eux cependant put ramener une tête et une pierre à leur roi Ivocatuos. « Est-ce vous qui avez été battus aujourd’hui », leur demanda le roi. « Oui » répondit Cerpos « mais ils n’en profiteront pas ».
Le jour suivant ce fut au tour de Srengos, de Sembedos ainsi que de Sitobruccos, aux côtés de Cerpos, de conduire les Gaulois Fir Bolg à la bataille. Ils se levèrent de bonne heure et firent de leurs boucliers un auvent étincelant au-dessus de leurs têtes, une épaisse forêt de leurs lances, et tous ces piliers de bataille se mirent en marche. Les enfants de la déesse virent les Gaulois Fir Bolgs traverser ainsi la plaine en venant de l’est. « Avec quelle pompe », s’exclamèrent-ils, « tous ces piliers de bataille sont-ils entrés dans la plaine avant de foncer droit sur nous ». Et ce fut de cela que cette plaine tira son nom par la suite, Magos Turation, la plaine des piliers.
Les Toutai Devas demandèrent qui aurait la responsabilité de les conduire à la bataille ce jour-là. « Moi » répondit le Suqellos Dagda Gargant, « car avec moi vous avez un dieu bon à tout », et il se mit aussitôt en marche avec ses fils et ses frères. Les Gaulois Fir Bolg positionnèrent solidement leurs champions et leurs colonnes et se rassemblèrent sur la plaine de la Nièce (qui fut donc désormais appelée Magos Turation le plaine des menhirs). Chacun des deux camps bondit sur l’autre. Srengos fils de Senogannnos commença par faire reculer l’armée adverse. Le Suqellos Dagda Gargant se mit à faire voler en éclats les bataillons adverses harceler les troupes ennemies faire reculer les divisions et les déloger de leurs positions. Cerpos, le fils de Bivanos, entra dans la mêlée à partir de l’est et massacra maints braves et vaillants soldats. Le Suqellos Dagda Gargant entendit le bruit de l’assaut de Cerpos et Cerpos entendit la volée de coups assénée par le Suqellos Dagda Gargant. Ils bondirent l’un sur l’autre. Furieux fut l’assaut que se livrèrent ces fines lames. Héroïques furent les guerriers qui résistaient à l’infanterie en rendant coup par coup. À la fin Cerpos tomba sous les volées de coups du Suqellos Dagda Gargant. Srengos, le fils de Senogannos, refoulait l’armée derrière ses positions quand il tomba sur les trois fils de Cairbre Cas des Toutai Devas, et les trois fils d’Ordan. Les fils de
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Cairbre ainsi que leurs trois colonnes tombèrent devant les fils d’Ordan alors que Srengos repoussait l’armée. Les ennemis tombaient de tous côtés devant lui et la fureur guerrière du combat montait derrière lui. Après la mort de Cerpos, les Gaulois Fir Bolgs furent repoussés dans leur camp. Le clan des enfants de la Déesse ne les poursuivit pas sur le champ de bataille, mais ils ramenèrent avec eux une pierre et une tête, notamment celle de Cerpos qui fut enterrée dans le cairn de la tête de Cerpos.
Les Fir Bolg ne furent ni heureux ni joyeux cette nuit-là et les gens de la déesse ressentaient tristesse et découragement. Mais cette nuit-là Vindosenos/Fintan et ses fils vinrent rejoindre les Fir Bolg et cela leur redonna espoir, car lui et ses rejetons étaient de vaillants guerriers.
L’aube les trouva donc tout ragaillardis et réconfortés. Les signaux de leurs chefs les firent se lever sur les pentes spacieuses de leur campement et ils commencèrent à s’encourager mutuellement au combat.
Ivocatuos, le roi des rois, et son fils Slanicos le beau, accompagné par les soldats et les capitaines du Connaught, vinrent les rejoindre. Les trois fils de Senogannos et les troupes de la province de Curoi prirent place à une des ailes de la ligne de front. Les quatre fils de Gannos et les guerriers de la province d’Ivocatuos au centre de cette armée. Escos ainsi qu’Esconios les deux fils de Bivanos prirent place avec les hommes de la province de Conchobar à l’autre aile. Les quatre fils de Slanicos avec l’armée des Gaileoin se placèrent à l’arrière garde.
Ils placèrent une troupe d’élite autour du roi des rois, Ivocatuos, constituée de vétérans balafrés blanchis sous le harnais, d’habiles jouteurs, et de troupes parmi les plus sûres du monde. Les treize fils de Vindosenos/Fintan qui étaient des hommes ayant fait la preuve de leur courageuse endurance dans les batailles furent également affectés à la protection du roi.
La bataille de ce jour-là fut celle d’une masse flamboyante, pleine de couleurs changeantes, de nombreux faits d’armes et de mains sanglantes, de jeux d’épées ainsi que de combats singuliers, de javelots et de glaives cruels ; elle fut féroce et sans merci, terrible, compacte, serrée, partout furieuse, et fluctuant au gré des aventures individuelles.
Les Gaulois Fir Bolgs, dans l’ordre de marche susdit, firent mouvement hardiment et triomphalement droit vers l’ouest en direction de l’extrémité de la plaine de Magos Turation jusqu’à ce qu’ils arrivent au contact des solides et courageux piliers de bataille placés entre eux et le reste des Toutai Devas. Ces fougueux enfants de la déesse chargèrent impétueusement et furieusement en rangs serrés avec leurs armes empoisonnées ; ils formèrent une puissante phalange sanglante à l’abri de leurs robustes boucliers plaqués de métal, bordés de rouges et décorés de blasons.
Les guerriers commencèrent à se battre. Les flancs et les ailes de la première ligne étaient renforcés par des vétérans aux cheveux gris prompts à infliger des blessures, des hommes âgés se tenaient derrière pour les assister en aidant au mouvement de ces vétérans, et juste à côté de ces combattants chevronnés très dangereux il y avait des jeunes hommes en armes. Les champions et les valets d’armes étaient postés à l’arrière des jeunes. Leurs voyants et leurs sages s’étaient installés sur des menhirs ou en des endroits bien situés, afin d’y déployer leur sorcellerie, pendant que les poètes notaient les exploits et les couchaient par écrit.
Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd était au cœur de la bataille. Autour de lui s’étaient rassemblés ses princes et des guerriers en renfort, avec les douze fils de Cobranos de Scythie, sa garde du corps. Il s’agissait de Tolc, Trenoviros, Trenmiled, Garbos, Glaceth, Cruasaillt, Durdrui, Fonn, Foirisem, Teidm, Tinnargaim et Tescad. Celui qu’ils avaient, ne serait-ce que blessé sérieusement une fois, mourait. (Ce sont eux qui tuèrent les fils de Vindosenos Fintan, mais les fils de Vindosenos Fintan les blessèrent mortellement).
Ils livrèrent leur assaut ainsi après s’être attachés à des pierres aux arêtes rugueuses avec des anneaux en fer.
Ils arrivèrent donc à l’emplacement choisi pour être celui de la bataille. À ce moment-là Vatacos le poète des Gaulois Fir Bolg vint s’installer sur son menhir et comme il surveillait les armées venant de l’est et de l’ouest il s’écria :
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« Les armées qui rassemblent leur irrésistible force sur la plaine de la Nièce arrivent
Ce sont les enfants de la déesse et les Gaulois Fir Bolg aux épées multicolores.
Il me semble que les Fir Bolgs vont perdre certains de leurs frères ici
Nombreux seront les corps les têtes et les flancs percés sur la plaine.
Mais, même s’ils tomberont des deux côtés
Féroce et ardent sera leur assaut
Et s’ils tombent, ils en feront tomber d’autres eux aussi
Et de grands héros tomberont devant leur impétueux courage.
Tu as contenu (?) les Gaulois Fir Belgs
Ils tomberont ici aux côtés de leurs boucliers ou de leurs épées ;
Je n’aurai confiance en la force de personne
Aussi longtemps que je vivrai dans cette houleuse île.
Je suis Vatacos le barde
La peine me terrasse
Et maintenant que les Fir Bolgs ne sont plus
Je me rendrai à ce désastre qui avance si rapidement ».
Les furies les monstres et les sorcières de malheur du jugement dernier crièrent alors si fort qu’on les entendit jusque dans les rochers les cascades ou les anfractuosités de la terre entière. C’était comme le cri d’agonie effrayant du jour du jugement dernier, quand la race humaine tout entière quittera ce monde.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 12.
Vindosenos/Fintan s’est donc rangé dans le camp des Gaulois Fir Bolgs si nous comprenons ce récit et non dans le camp des dieux. Ce n’était donc qu’un homme finalement. Un grand initié ??? À moins bien sûr que son intervention dans ce combat ne soit due qu’à l’imagination débordante d’un barde ayant colporté, mais aussi déformé, le mythe initial).
Les couchaient par écrit. Anachronisme flagrant. Ce mythe panceltique initial (le combat des hommes et des dieux pour le partage du monde) a été figé dans sa forme actuelle au Moyen-âge. Mais sa première ébauche avait été sans doute élaborée à une époque où il n’y avait que de la littérature orale. On a le même phénomène avec la Bible dont les premiers livres ont été rédigés des siècles après les événements qu’ils relatent, vraisemblablement à partir du roi Josias, un fanatique intolérant de la pire espèce en matière de liberté religieuse.
Le jour du jugement dernier… on ne saurait mieux dire le caractère apocalyptique et donc mythique, en tout cas n’ayant rien d’historique, de cette première bataille de Mag Tured.
Rappel sur la technique guerrière des Celtes antiques. Les Celtes avant la bataille criaient abondamment. Plutarque dans le récit qu’il a emprunté à Posidonius des affrontements entre Marius et les Cimbres ou les Teutons évoque souvent des scènes aussi sonores que visuelles. À croire que ces peuples avaient un véritable don du cri de guerre (cf. l’étymologie du mot slogan : slougogarimen > sluaggairm. N.D.L.R) qui n’entamait en rien leur ardeur physique. « Car il y avait parmi eux un nombre incalculable de cors et de trompettes, dans lesquels ils soufflaient simultanément et de toutes parts dans leur armée. Leurs cris étaient si forts et perçants, que le bruit ne semblait pas venir seulement des trompettes et des voix humaines, mais aussi de toute la campagne environnante à la fois ». (Polybe, Histoires, livre II, chapitre XXIX).
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Du côté des gens de la déesse il y eut pour commencer le Suqellos Gagda Gargant, Ogmios, Allos, Bregsos, Deluato (Torann/Tarann/Tuireann ?) les cinq fils d’Elatio, avec Bregsos petit-fils de Neto la vouivre anguipède fomoréenne, Oinogustios, Aedos, Cermatos le Beau, Medros, Dergos Boduos, Segovalos, Abartacos, Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd le roi des rois, Brennos, Ivocaros et Ivocarbos,
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les trois fils de Turenn Bigrenn (Tarann/Torann Tuireann ?) Cu Ceno ainsi que Catuenos les trois fils de Cantios, Gobannos le forgeron, Luxta le charpentier, Crednos l’artisan, Diancecht le médecin, Oinogubios de Nerigon (de Norvège), les trois reines, c’est-à-dire Eriu Votala et Banuta, ainsi que les trois sorcières Bodua, Magosia et la fée Mara Rigu/Morrigu/Morgane, avec la femme de Coslogenos (Bechuille) et Danu (bia) leurs deux mères adoptives. Ils plantèrent eux aussi leurs piliers de pierre dans le sol afin d’empêcher quiconque de fuir tant que ces pierres ne fuiraient point avec eux.
Ils se précipitèrent ensuite les uns sur les autres avec leurs javelots pointus et acérés, jusqu’à ce que leurs hampes en soient tordues par les spasmes d’agonie des victimes au bout de leurs pointes. Le fil des épées se retourna contre la bordure des boucliers. Les lames recourbées trempèrent dans des mares de sang bouillant jaillissant des cuisses des combattants ??? Puissant était le sifflement des lances alors qu’elles fendaient les boucliers, puissant le bruit et le vacarme des combattants en train de se battre et de se briser les os du dos. Des flots de sang bouillant obscurcirent la vue des yeux gris des guerriers les plus résolus. Ce fut alors que Bregsos chargea l’armée des Gaulois Fir Bolg et tua cent cinquante d’entre eux. Il asséna neuf coups sur le bouclier du roi des rois Ivocatuos, et ce dernier à son tour lui infligea neuf blessures. Alors le fils de Senogannos, Srengos, se tourna contre l’armée des enfants de la déesse et massacra cent cinquante d’entre eux. Il asséna neuf coups au bouclier du roi des rois Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd et ce dernier lui infligea neuf blessures. Tous s’efforçaient d’infliger des coups apocalyptiques mortels provoquant de grandes blessures sanguinolentes sur le corps de son adversaire, jusqu’à ce que sous les coups de leurs lames rainurées boucliers lances têtes et casques volent en éclats comme de frêles branches hachées menu par la cognée d’un robuste bûcheron.
Nos héros se balançaient d’un côté ou de l’autre, ou tournoyaient les uns autour des autres, afin de mieux se frapper. Les champions des batailles se dressèrent encore une fois au-dessus de leurs boucliers armoriés. Ils reprirent courage et ces vaillants et ardents guerriers furent de nouveau solides comme un roc. Leurs mains brandirent les épées afin de les abattre aussitôt sur la tête des guerriers d’en face, en broyant leur casque.
Pendant un moment ils firent fléchir les rangs ennemis, car en les voyant les troupes reculèrent comme de l’eau bouillante débordant d’un chaudron ou comme l’eau qu’une armée ainsi qu’une cascade fait rejaillir sur la rive, le rendant ainsi guéable pour les troupes derrière ????
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 13.
Du côté des gens de la déesse, il y eut pour commencer le Suqellos Gagda Gargant, Ogmios… Comme toute liste cette esquisse de panthéon celtique est évidemment arbitraire et comporte un certain nombre d’erreurs (Bregsos y apparaît deux fois par exemple). Le barde christianisé qui a composé ce récit a rassemblé tous les noms d’êtres surnaturels qu’il connaissait, et les a ainsi réunis tant bien que mal. La présence d’un roi fomoréen et d’un pirate norvégien dans cet étrange panthéon est…
— Soit la réminiscence d’une époque où il n’y avait pas de manichéisme divisant le camp des êtres surhumains en deux, les anges d’un côté les démons de l’autre (il n’y avait alors que deux familles distinctes de divinités, un peu analogues à celles des Ases et des Vanes, un point c’est tout)
— Soit un méli-mélo dû à la plume du barde christianisé qui a regroupé en un seul et même panthéon toutes les créatures surhumaines suspectes à ces yeux, à tout le moins pas très catholiques.
À noter : dans cet étrange panthéon, la déesse Danu, correctement assimilée à une figure maternelle centrale, se voit par contre flanquée d’une rivale ou adjointe en la personne de la femme du dieu du coudrier, Coslogenos (Béchuille en gaélique). Nous y reviendrons. Les druides druides ayant disparu il est évident que la logique qui sous-tendait tous ces mythes panceltiques primordiaux, a fini par voler en éclats. Beaucoup de travail en perspective donc pour ceux qui s’attèleront à sa reconstitution.
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Un espace convenable fut alors dégagé pour les deux chefs ; les grands héros leur firent de la place, les combattants les plus agiles leur cédèrent le pas ; les guerriers furent délogés par eux et les valets
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d’arme s’enfuirent terrifiés. On leur abandonna le sort de la bataille. La terre fut foulée au pied lourdement autour d’eux afin d’aplanir le terrain pour eux.
Chacun d’eux infligea trente blessures à l’autre. Srengos asséna un coup de son épée à
Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd et, après avoir entaillé le bord de son bouclier, lui coupa le bras droit au ras de l’épaule, le bras du roi et un tiers de son bouclier tombèrent à terre. Alors le roi des rois cria au secours et Oinogubios de Nerigon (de Norvège ?) l’ayant entendu, il se fraya un chemin jusqu’à lui afin de le protéger. Féroces et furieux furent les assauts que se livrèrent Oinogubios et Srengos.
Chacun des deux rendit coup pour coup, mais la gravité des blessures même infligées en nombre égal n’était pas comparable, car la très large lame de la lance de Srengos et sa hampe plus robuste faisaient des blessures plus profondes et plus dangereuses. Dès que le Suqellos Dagda Gargant eut entendu la petite musique de ces épées dans la fureur de la bataille, il se hâta de venir sur les lieux du combat singulier en faisant des bonds de géant, comme la mer en furie. Srengos refusa de se battre contre les deux guerriers à la fois et même si Oinogubios de Norvège ne fut pas tué sur le champ, ce fut quand même à cause de la violence de cet affrontement qu’il mourut plus tard. Le Suqellos Dagda Gargant se tint au-dessus de Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd pour le protéger, ensuite, après en avoir délibéré avec les gens de la déesse, il fit venir cinquante guerriers avec des médecins. Ils transportèrent Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd hors du champ de bataille. Son bras fut placé dans le cercle de valeur à la place du roi, sur le cercle de pierres qui entourait le roi, et le sang de Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd coula dessus goutte à goutte. Les enfants de la déesse poursuivirent le combat puissamment et avec ardeur même après que leur roi ait été ainsi évacué. Bregsos se fraya un chemin dans les rangs des Gaulois Fir Bolg afin de venger son roi, et il arriva donc à l’endroit d’où Ivocatuos dirigeait la bataille, réconfortait ses combattants, exhortait ses grands héros, encourageait ses capitaines et dirigeait les opérations. Chacun d’eux affronta son adversaire et ils s’infligèrent de profondes blessures là où ils étaient sans protection. La férocité de leur déchaînement et la force de leurs coups plongea les soldats dans la confusion. À la fin Bregsos fut tué par Ivocatuos et le Suqellos Dagda Gargant, Ogmios, Allos ainsi que Deluato, attaquèrent ce dernier afin de venger leur frère.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 14.
Le cercle de valeur. Que faut-il comprendre derrière cette expression, déjà mentionnée plus haut d’ailleurs. Doit-on comprendre que le bras du roi des dieux a fait l’objet d’une véritable inhumation sous un petit tas de pierres ??
Bregsos. La légende le fait mourir ce dieu de l’agriculture dans le combat, mais il réapparaîtra bien vivant lors de la deuxième bataille de Magos Turation selon les Irlandais. Tout cela n’est donc pas à prendre au pied de la lettre. Ne faisons pas comme les judéo-chrétiens qui soutiennent qu’il y aurait eu deux Goliaths puisque ce guerrier philistin est dit avoir été tué par deux hommes différents, par le jeune David… ou par un homme de la garde du roi David (2 Samuel 21,19). Ne soyons pas aussi bêtes et ne retenons que les grandes lignes, outre le fait que les dieux ne meurent pas vraiment, l’idée qu’il y a eu jadis au tout début de l’histoire une gigantesque guerre entre les hommes et les dieux pour le contrôle de la Terre. Car il va de soi dans ce mythe que les Gaulois Fir Bolgs sont une métaphore de l’Humanité.
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Ivocatuos pressait le combat, en rassemblant et en encourageant ses capitaines, en resserrant et renforçant les rangs des soldats, maintenant ses hommes en état de combattre. Les quatre frères, à la recherche d’Ivocatuos, repoussèrent les troupes devant eux jusqu’à ce qu’ils puissent atteindre où il l’entendait décider de la bataille. Mella, Ese, Ferb et Faebur, les fils de Slanicos, les affrontèrent et chacun tapa sur le bouclier de son adversaire. Leurs épées s’entrechoquèrent et le combat fit rage, le fil des épées recourbées ouvrit de sanglantes blessures dans les chairs. Les quatre fils de Slanicos tombèrent devant leurs quatre adversaires, et « pierre tombale des fils de Slanicos » est désormais le nom de l’endroit où ils ont été enterrés. Les quatre fils de Gannos entrèrent ensuite dans la mêlée. Contre eux se levèrent Gobannos le forgeron, Luxta le charpentier, Diancecht et Oinogubios de Nerigon (de Norvège). Horrible était le bruit fait par toutes ces armes de mort entre les mains de ces champions. Ces combattants soutinrent leur assaut jusqu’à ce que les quatre fils de Gannos périssent, et « tumulus des fils de Gannos » est désormais le nom de l’endroit où ils sont inhumés.
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Bedg, Redg et Rinne, les trois fils d’Ordo, coururent sus aux enfants de la Déesse et leurs rangs tremblèrent devant cet assaut. Les trois fils de Cantios les affrontèrent, mais ils tombèrent d’épuisement dans la mêlée. Le Tumulus des druides est le lieu où ils furent enterrés.
Brennos Ivocaros et Ivocarbos, les trois fils de Taran/Toran/Tuireann Bigrenn attaquèrent l’armée des Gaulois Fir Bolgs. Ils eurent pour adversaires les deux fils de Bivanos ainsi que Cariorixos fils de Den.
Les fils de Bivanos furent vaincus par les fils de Taran/Toran/Tuireann, et l’on appelle « Pierres tombales de Bivanos » les stèles funéraires qui les recouvrent ; la tombe de Carioprixos se trouve à côté.
Ivocatuos et son fils Slanicos le Beau se lancèrent alors dans la mêlée, ils massacrèrent d’innombrables compagnies de guerriers du clan de la déesse.
Ivocatuos s’écria :
« Nos meilleurs hommes ont péri,
Nos gens ont été massacrés
Il ne nous reste plus qu’à nous en sortir courageusement ».
Ils se frayèrent de nouveau un chemin sur le champ de bataille, et fauchèrent les hommes massacrèrent les guerriers hachèrent menu les troupes et semèrent la confusion dans leurs rangs sous les coups de boutoir de leurs assauts. Après avoir soutenu un si long effort, Ivocatuos se trouva au bord de l’épuisement et saisi par une soif inextinguible. « Que l’on fasse venir à moi Srengos », demanda-t-il. Ce qui fut fait. « Toi et Slanicos le Beau », dit alors Ivocatuos, « vous devrez continuer le combat le temps pour moi d’aller cherche de quoi boire et de me rafraîchir un peu la face, car je ne peux plus supporter une soif aussi dévorante.
« Nous poursuivrons le combat comme il convient » répondit Slanicos, « bien que nous restions peu nombreux à le mener sans toi ».
Ivocatuos sortit alors du champ de bataille avec une garde de cent de ses soldats. Les hommes du clan de la déesse les suivirent et crièrent après eux.
Mais Slanicos le Beau avança aussitôt à la rencontre de leur troupe et leur offrit de livrer bataille les empêchant ainsi de suivre l’empereur. Il fut attaqué par le puissant Lugidos le fils de Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd, et les deux hommes se livrèrent un combat cruel féroce et acharné, dans lequel il y eut maintes blessures contusions et plaies sanglantes. Dès que les autres virent que Slanicos l’emportait, ils volèrent à la rescousse de Lugidos. Lugidos et Slanicos tombèrent ensemble, la tombe de Lugidos est l’endroit où Lugidos fut enterré, et le tumulus de Slanicos le tertre funéraire où l’on enterra Slanicos.
Quand les druides des enfants de la déesse virent à quel point le roi des rois était dévoré par une soif brûlante, ils firent disparaître de sa vue toutes les rivières et tous les fleuves du pays devant lui jusqu’à ce qu’il se retrouve sur la grève d’Eothail. Les trois fils de Nemetos fils de Badra le suivirent jusque-là en compagnie de cent cinquante hommes armés. Ils combattirent sur la plage et le même nombre d’entre eux tomba de chaque côté. Ivocatuos et les fils de Nemetos en vinrent au corps à corps. Les fils de Nemetos étaient redoutables au combat et Ivocatuos n’avait pas une chance de l’emporter sur eux.
Ils se battirent jusqu’à ce que leurs corps soient labourés de blessures et leur poitrine ouverte par la force de leurs assauts. Les charges du roi étaient irrésistibles quand il taillait en pièces ses adversaires, mais lui et les trois fils de Nemetos finirent par tomber. Cairn d’Ivocatuos est le nom donné au cairn sous lequel Ivocatuos fut enseveli (on l’appelle aussi le cairn d’Eothail) les Pierres tombales des fils de Nemetos sont situées à l’extrémité ouest de la plage.
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En ce qui concerne Srengos, fils de Senogannos, il continua de se battre un jour et une nuit encore après ses compagnons, jusqu’à ce qu’à la fin aucun des deux camps ne fût plus capable d’attaquer l’autre. Les coups des uns et des autres avaient perdu toute vigueur à force d’avoir massacré tant d’adversaires, leur moral avait été abattu par tous ces maux et leur courage s’était évanoui devant l’immensité de ce désastre ; ils se séparèrent donc ainsi.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 15.
Le cairn d’Ivocatuos, les pierres tombales des fils de Nemetos, etc. Il va de soi que tout cela ce sont des explications a posteriori dues à la fertile imagination des bardes irlandais désireux de faire couleur locale en expliquant de la sorte tel ou tel monument mégalithique.
Les druides firent disparaître de sa vue… Sans doute une allusion à un quelconque procédé hypnotique.
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Le clan des enfants de la déesse se retira dans sa place forte de Pennosleibo dans l’étroite vallée en pente du Sanget jusqu’au tumulus des larmes ???? Là le Suqellos Dagda Gargant leur dit :
« Soldats tués sans mesure
Innombrables blessures sur les grands héros
Des épées cruelles ont fouaillé vos corps.
Les Gaulois Fir Bolg vous ont vaincus
Sur la… ? de leur pays »
« Quelles ont été vos pertes dans cette dernière bataille ? » demanda Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd au Suqellos Dagda Gargant. Le Suqellos Dagda Gargant lui répondit ce qui suit :
« Je vais te rapporter, noble Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd,
L’histoire de cette terrible bataille
Et, après cela, je te dirai ses calamités ainsi que ses désastres
Ô fils d’Echtach.
Dans cette bataille nos seigneurs sont tombés
Sous la violence des coups des Gaulois Fir Bolgs
Si grandes ont été nos pertes que peu les connaissent.
Bregsos fils d’Elatio, un guerrier grand comme une tour
A donc attaqué les rangs des Fir Bolgs, glorieux combat,
Et tué cent cinquante d’entre eux.
Il asséna neuf coups – quel exploit sauvage-
Sur le large bouclier d’Ivocatuos
Et Ivocatuos asséna également neuf coups à Bregsos.
L’immense Srengos intervint ensuite
Et tua trois cents de nos hommes.
Il a frappé par trois fois ton propre bouclier
O Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd.
Et toi O Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd
Tu as calmement répliqué en assénant à Srengos neuf puissants coups
Mais Srengos t’a coupé le bras droit,
Ô impétueux héros,
Juste au ras de l’épaule.
Tu as crié à l’aide alors
Et le Norvégien est arrivé.
Srengos et Oinogubios ont livré volontairement
Un combat très disputé par les armes
Quand Oinogubios a crié à l’aide
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J’ai accouru aussitôt
Mais quand je fus arrivé sur place, frais et dispos
Srengos refusa de se battre à un contre deux.
Mella, Ese, Ferb et Faebur le sanglant
Furent tués par nous dans ladite bataille.
Les quatre fils de Gannos ont péri sous les coups
De Gobannos le forgeron,
D’Oinogubios aux célèbres exploits,
De Luxta et de Diancecht.
Bedg Rinde ainsi que Redg les trois fils d’Ordan l’artisan
Ont été tués crânement par les beaux enfants de Cantios.
Ivocatuos et son fils Slanicos le beau,
Ont tué lors de cette bataille un grand nombre
Des champions de Toutai Devas.
Une soif dévorante s’est alors emparée du roi Ivocatuos
Et il ne trouva pas la moindre gorgée de l’eau recherchée
Avant de se retrouver sur la plage d’Eothail.
Les trois fils de Nemetos le surprirent sur cette plage silencieuse et déserte
Et ils se battirent en ce lieu jusqu’à ce que tous finissent par succomber.
Lugidos, le fils de Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd
Fut tué par Slanicos le Beau me semble-t-il
Et Slanicos, bien que si féroce avant,
Fut tué en combattant les Toutai devas.
Brennos, Ivocaros et Ivocarbos, les trois fils de Taran/Toran/Tuireann Bigrenn,
Tuèrent Esca, Econn, et Airbe.
Après cela ce fut Srengos qui dirigea le combat
Et nombreux furent ceux qui changèrent de couleur devant lui
Pendant trois jours ???
Mais ni lui ni nous n’arrêtâmes un seul instant.
Des deux côtés on se retrouva ensuite épuisé
Aussi nous résolûmes donc de nous séparer.
Je vais maintenant te raconter précisément
Le combat de chacun comme j’en ai entendu parler.
Sous-titre rajouté par la Direction.
LA DÉFAITE PARTIELLE (ils gardent quand même un cinquième du pays) DES GAULOIS FIR BOLG DEVANT LES DIEUX DE LA DÉESSE DANU (BIA).
N.D.L.R. Les apocryphes irlandais réservent aux Milésiens c’est-à-dire aux Gaëls la victoire définitive sur les dieux… à l’occasion des batailles de Mis Tailtiu et Druim Ligen. Qui seront donc étudiées ci-après.
Tristes et fatigués, couverts de blessures et le cœur plein de lourds reproches, furent les Gaulois Fir Bolg ce soir-là. Chacun d’entre eux avait enterré certains des siens ou des parents, des amis et des familiers ou des frères adoptifs. Des tertres funéraires furent érigés sur les braves, des stèles
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funéraires sur les guerriers, des tombes sur les soldats, et des tumuli sur les grands héros. Après cela Srengos, Sembedos et Sitobruccos, les fils de Senogannos, convoquèrent un grand rassemblement afin de tenir conseil et délibérer, auquel trois centaines d’hommes participèrent. Ils cherchèrent à savoir si leur intérêt bien compris était d’abandonner leur île, de livrer une ultime bataille, ou de partager la terre avec les enfants de la déesse. Ils décidèrent de livrer une ultime bataille au clan des gens de la déesse et Srengos leur dit…
« Résister c’est perdre des hommes
Nous avons livré bataille résolument
Les épées se sont entrechoquées durement
Les nobles héros ont joué de la lance très fort
Les umbos des boucliers ont été fracassés
Le désordre règne dans les plaines
Nous n’avons trouvé que désastre autour de ses bois
La perte de beaucoup de nos hommes.
Ils prirent leurs puissants boucliers bombés, leurs lances empoisonnées ainsi que leurs épées acérées aux lames bleues. Ainsi armés ils lancèrent une ultime charge rapide et meurtrière, celle d’une compagnie féroce et sauvage, leurs lances fièrement brandies en avant, se frayant un chemin dans un océan de fureur afin d’affronter mille morts.
Srengos provoqua en duel Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd ainsi qu’il l’avait fait lors du précédent combat. Ce dernier l’affronta bravement et hardiment comme s’il avait eu encore son bras et lui cria : « si c’est un duel à la loyale que tu veux vraiment, alors attache ta main droite, puisque j’ai perdu la mienne ; c’est à cette seule condition que notre combat pourra être loyal ».
« Que tu aies perdu ton bras ne change rien pour moi », rétorqua Srengos, « car notre premier duel avait commencé à la loyale. Nous reprendrons donc de la même façon ce combat ».
Les enfants de la déesse tinrent conseil et leur décision fut de laisser Srengos choisir une des provinces du pays et qu’un pacte de paix de non-agression et d’amitié soit conclu entre leurs deux peuples. Ils firent donc la paix puis Srengos choisit la province du Connaught. Les Gaulois Fir Bolgs se rassemblèrent autour de lui de toutes parts et avec la joie d’une obstination enfin récompensée prirent possession de cette province arrachée au peuple des enfants de la déesse.
Ensuite les Toutai Devas firent de Bregsos leur roi des rois et il régna sur eux pendant sept ans. Il mourut après avoir bu lors d’une chasse dans la montagne de Gam et Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd, son bras ayant été remplacé, devint roi des rois. Tel est le récit qui relate la bataille de la plaine de Magos Turation/Mag Tured Cunga.
Fait dans la plaine d’Eithne la fille du fantôme, par Cormac O’Cuirnin pour son compagnon Sean O’Glaimhin. Toujours pénible pour nous est son absence quand il part en voyage. Finit Amen.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 16.
Bregsos mourut après avoir bu lors d’une chasse… le récit de la deuxième bataille de Magos Turation ne nous donne pas du tout la même version de l’histoire. Il importe donc de ne retenir que les grandes lignes : hommes et dieux ont fini par faire la paix en se partageant la terre. Car il va de soi dans ce mythe que les Gaulois Fir Bolg ne sont qu’une métaphore de l’Humanité.
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AUTRES MANUSCRITS DU LEBOR GABALA ERENN.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 17.
Ce qui suit va surprendre plus d’un de nos lecteurs : les Fir Bolg, donc des celtophones en « p », habitants ou constructeurs des plus beaux sites gaéliques comme Dun Aengus dans l’île d’Aran ?
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Peut-être s’agit-il, de la part des Gaëls, d’une exagération de leur rôle ou de leur immigration dans la région. Enfin ! Ainsi sont faites les légendes irlandaises ! Et c’est aussi bien, vu leur beauté.
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Les Gaulois Fir Bolgs tombèrent presque tous dans cette bataille, mais quelques-uns s’enfuirent de la Verte Érin devant le peuple des enfants de la déesse dans les îles d’Aran sur l’île de Rachra (Rathlin) et dans d’autres îles (la Grande-Bretagne ? Les Hébrides ?) Ce sont eux qui ont servi de guides aux vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomors lors de la seconde bataille de Magos Turation. Et ils demeurèrent dans ces îles jusqu’à ce que les Pictes les en expulsent. Ils servirent alors Cairbre Nia fer qui leur donna des terres ; mis ils furent dans l’incapacité d’y rester à cause du poids du tribut qu’il leur imposait. Ils s’enfuirent donc du royaume de Cairbre pour se placer sous la protection de Medb et Ailill, et ces derniers leur donnèrent des terres. Tel fut le destin des fils d’Umor [Oinogustios fils d’Umor régna sur eux à l’est] et c’est d’eux que les territoires suivants tirent leur nom : Loch Cime, à cause de Cime à quatre têtes, fils d’Umor. La pointe de Taman à Medraige, d’après Taman, fils d’Umor. Le fort d’Oengus sur l’île d’Aran (Inis Mor), d’après Oinogustios ; le cairn de Conall à Aidne, d’après Conall, la plaine d’Adar d’après Adar, la plaine d’Asal en Munster d’après Asal aussi. Leur grand poète fut Menn, fils d’Umor. Ils demeurèrent dans les forteresses et dans les îles de la mer autour du pays jusqu’à ce que le Hesus Cuchulainn les y anéantisse. Sur cette errance des fils d’Umor et les noms de leurs hommes ou de leurs terres, le poète a composé le chant suivant…
C’est de leur postérité que sont issues les trois communautés qui ne sont pas d’origine gaélique en Irlande : à savoir les Gabraide de Suc dans le Connaught, les Ui Tairsig et les Gaileoin du Leinster. Telles sont les aventures des Gaulois Fir Bolg.
C’est ainsi que prit fin la première bataille de la plaine aux tumulus (la bataille de la Plaine des menhirs ou tumulus du sud), celle où Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd perdit son bras, trente ans avant la deuxième, la bataille de la Plaine aux menhirs du nord.
DINDSHENCHAS DE RENNES ET DINDSHENCHAS MÉTRIQUE.
(La notice 18 consacrée à Carman, le poème consacré à Carmun.)
Il y avait trois hommes et une femme avec eux [leur mère]
Ces hommes étaient les trois fils de Dibad fils de Doirche fils d’Ainces
(Extinction fils d’Obscurité fils de Maladie)
Et ils s’appelaient Dian, Dub et Dothur (Violent Noir et Maléfique).
Le nom de leur mère était Carmentis.
Par ses maléfices et ses incantations, la mère semait la désolation partout.
Les hommes les détruisaient par le pillage et la traîtrise.
Ils vinrent ainsi dans la Verte Érin afin de nuire aux enfants de la déesse Danu (bia)
En gâtant tout le blé de cette île leur appartenant.
Le clan des enfants de la déesse Danu (bia) trouva cela fâcheux.
C’est pourquoi donc Aiios le fils d’Ollamos un de leurs poètes
Cridionobetlos un de leurs satiristes
Lugos Laebacos un de leurs druides
Et Bena Cosli une de leurs prêtresses
Entreprirent de les combattre en chantant des prières contre eux
Et ils ne les lâchèrent pas un seul instant
Jusqu’à ce qu’ils aient réussi à les chasser au-delà des mers
Les hommes laissèrent leur mère Carmentis en otage.
Afin de garantir qu’ils ne reviendraient plus dans la Verte Érin.
Leur mère mourut de chagrin lors de sa détention
Et demanda aux enfants de la déesse Danu (bia)
De célébrer sa fête (oenach) sur sa tombe,
Et que cette fête et ce lieu portent désormais son nom.
Les enfants de la déesse Danu (bia) s’exécutèrent
Aussi longtemps qu’ils furent dans le pays.
D’où Carman et la fête de Carman.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 18.
Cette histoire n’est pas claire. Qui était Carmentis ? Une déesse-ou-démone, ou fée, gauloise ??
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Talantio fille du roi Magomaros d’Espagne ?? reine des Gaulois Fir Bolgs, après la sanglante défaite infligée aux Fir Bolgs lors de cette première bataille de Magos Turation vint se réfugier à Caldicumba (Coill cum) et la forêt fut défrichée par elle, si bien qu’elle devint avant la fin de l’année une plaine couverte de trèfle. C’est cette Talantio qui était la femme d’Ivocatuos fils d’Ercos roi de la Verte Érin jusqu’à ce que les Toutai Devas le tuent ut praediximus : c’était lui qui avait obtenu sa main de la part de son père et l’avait ramenée d’Espagne ; mais ce fut elle qui dormit désormais avec Ivocatuos Garb le fils de Dui Dall du peuple des enfants de la déesse Danu (bia) ; et Ceno fils de Diancecht, dont l’autre nom était Scal Balb, mit son fils en pension chez elle, à savoir Lug, dont la mère était en fait Eithne la fille de Balaros. Talantio mourut là et son nom fut attaché au lieu en question. Sa tombe est située au nord-est du site proprement dit de Tailtiu. Ses jeux furent célébrés ainsi que sa lamentation funèbre par Lug chaque année. Avec des prescriptions à respecter absolument et des faits d’armes. Une quinzaine de jours avant Lugnasade et une quinzaine de jours après : unde dicitur Lugnasade autrement dit la célébration ou la fête de Lug.
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Contre-lai (commentaire néo druidique) Nº 19.
Le résultat immédiat de cette première bataille de la Plaine des menhirs ou des tumuli est donc un premier partage de la terre entre humains et dieu-ou-démons. Les humains ou Gaulois Fir Bolg gardent en gros un quart du sol (20 à 25 %) moins selon certaines variantes, et les dieu-ou-démons occupent le reste. Le partage est, certes, inégalitaire, mais peut-on réellement lutter contre des dieux ou démons ? Le deuxième résultat incontestable de cette première bataille de la Plaine des menhirs ou des tumuli est la blessure du roi des Toutai Deuas : Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd. Une telle mutilation est disqualifiante. Un roi doit être vir integer (eugénisme druidique) et c’est parce qu’il a perdu un bras dans cette première bataille que les enfants de la déesse vont ensuite vouloir attribuer le trône à quelqu’un d’autre. Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd étant devenu un « distributeur » qui, sans bras droit, ne peut plus « distribuer » quoi que ce soit.
N.B. LES BARDES IRLANDAIS ONT REMPLACÉ CET ÉPISODE PAR LES VICTOIRES DE LA MONTAGNE DE MIS DE TAILTIU ET DRUIM LIGEN SUR LE PEUPLE DES ENFANTS DE LA DÉESSE, CE QUI REVIENT AU MÊME POUR CE QUI EST DU PRINCIPE (L’OCCULTATION DES DIEUX).
La deuxième bataille de la plaine aux menhirs ou aux tumuli, la bataille de Magos Turation du nord, celle où tomba le grand Balaros, eut lieu trente ans après la première, et voici quelle en fut la cause.
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LES PRÉLIMINAIRES DE LA DEUXIÈME BATAILLE
DE LA PLAINE AUX MENHIRS.
Deux manuscrits : Harleian 5280, rédigé au XVIe siècle et conservé au British Museum. 24 P 9, rédigé vers 1651-1652.
C’est le même mythe, ou en tout cas le même récit, indo-européen, que l’on retrouve à l’œuvre dans quatre sociétés différentes. À Rome (la guerre et l’alliance entre les Romains et les Sabins, qui, aux origines, fondent la société romaine) ; en Scandinavie (la lutte et la fusion entre les dieu-ou-démons Ases et les dieu-ou-démons Vanes qui, dans la mythologie scandinave, fondent la première société divine), en Inde (le conflit, puis l’étroite association, des dieu-ou-démons supérieurs et des Nasatya dans la mythologie védique). Quatre récits, profondément différents dans leur présentation extérieure, et pourtant homologues en ce qu’ils ont le même sens et qu’ils s’articulent autour des mêmes concepts de base. Il faut y voir en réalité des illustrations diversement actualisées d’un même schéma original, qui montrait comment nos lointains ancêtres se figuraient (nous sommes dans le domaine de la représentation imaginaire) la fondation d’une société durable.
Ainsi que le grand celtologue français Christian-Joseph Guyonvarc’h a déjà eu l’occasion de le dire, à propos des divers apocryphes irlandais traitant de cette bataille, avec elle nous entrons de plain-pied dans la mythologie. En Irlande « les bardes ont cristallisé à ce niveau le schéma ou squelette complet de la tradition et de l’organisation divine ». Le miracle, car c’en est un, est que nous ayons là quelques perles de mythologie pure, sous un léger vernis d’évhémèrisation, ou quelques expressions chrétiennes de surface.
CATH MAIGHE TUREDH, AN SCEL SO SIS, OCUS GENEMAIN BRES MEIC ELATHAIN 7 A RIGHE (La bataille de la Plaine aux menhirs ou tumulus, histoire ci-dessous, Bregsos fils d’Elatio et son accession au trône dans la version apocryphe ou évhémèrisée du mythe, en Irlande.)
Des différends à propos de la souveraineté sur les hommes [d’Irlande] s’élevèrent entre les Toutioi Devas et leurs femmes, car Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd, après avoir perdu son bras, n’était plus qualifié pour être roi. Elles disaient qu’il serait mieux pour eux de confier la royauté à Bregsos fils d’Elatio ; à leur fils adoptif ; et que lui donner le trône reviendrait à conclure une alliance avec les vouivres anguipèdes gigantesques (Fomors). Car son père, Elatio en personne fils de Deluato, était roi desdites vouivres anguipèdes gigantesques (Fomors).
« Genemain Bres meic Elathain ». La conception de Bregsos s’était en effet passée de la façon suivante.
Un jour Iveriu, fille de Deluato, une des femmes des enfants de la déesse, regarda la mer depuis sa maison de Maeth Sceni. La mer était calme et unie comme une table. Elle aperçut alors quelque chose. Un navire d’argent lui apparut au loin sur les flots. Il semblait immense, mais assez curieusement Iveriu ne pouvait pas en distinguer clairement la forme. La marée poussa le navire sur la grève. Elle aperçut à l’intérieur un homme d’une extraordinaire beauté. Il avait des cheveux blonds comme les blés tombant sur les épaules, un manteau à franges en or, une chemise brodée, une broche en or sur la poitrine, éclatante comme une pierre précieuse ; deux lances d’argent avec des hampes de bronze finement rivetées, cinq torques d’or au cou. Et enfin une épée à la poignée en or, incrustée d’argent avec des rivets en or. L’homme lui demanda : « le moment de coucher avec toi est-il venu ? » « Je ne t’ai jamais donné rendez-vous », répondit la femme. « Viens me rejoindre même sans rendez-vous », rétorqua-t-il. Ensuite ils couchèrent ensemble tous les deux. Puis la femme se mit à pleurer quand l’homme se leva.
« Pourquoi donc pleures-tu ? » demanda-t-il.
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« J’ai deux raisons de me lamenter », répondit la femme. Que tu me quittes ainsi après notre rencontre. Et que les beaux jeunes gens du clan des enfants de la déesse Danu (bia) m’ont courtisée en vain, car c’est toi que je désire depuis que tu m’as prise dans tes bras ».
« Pour ce qui est de ces deux choses-là, ta peine va être soulagée », répliqua l’homme. Il retira l’anneau d’or qu’il avait au majeur et lui passa la bague au doigt en lui disant qu’elle ne devrait jamais s’en séparer, que ce soit en le vendant ou en le donnant, sauf au profit de celui au doigt duquel il conviendrait parfaitement.
« J’ai une autre cause de chagrin », ajouta la femme. « Je ne sais pas qui tu es ».
« Tu vas le savoir », répondit-il. « C’est Elatio fils de Deluato roi des vouivres anguipèdes gigantesques qui est venu te voir. Et de notre union tu porteras un garçon, on devra l’appeler uniquement Ivocatuos Bregsos, c’est-à-dire Ivocatuos le beau, car tout ce que l’on peut voir de beau dans ce pays, que ce soit une plaine ou une forteresse, de la bière ou un flambeau, une femme un homme ou un palefroi, lui sera comparé, de sorte que ‘c’est un Bregsos’ en deviendra un véritable dicton ».
Ensuite l’homme repartit par là où il était venu, et la femme regagna sa maison et il lui arriva la fameuse conception [dont nous venons de parler].
Elle mit au monde le garçon et il fut appelé comme Elatio l’avait demandé, précisément Ivocatuos Bregsos. Une semaine après l’accouchement le garçon avait déjà la taille d’un enfant de 15 jours ; et il maintint cette avance jusqu’à la fin de ses premières sept années, âge où il atteignit la taille d’un enfant de quatorze ans.
Du fait de la contestation qui était apparue parmi les enfants de la déesse la souveraineté fut confiée à ce garçon, et il donna en échange sept otages aux champions de la Verte Érin, c’est-à-dire à ses chefs, afin qu’ils aient l’assurance de recouvrer ladite souveraineté en cas de méfaits de sa part. Sa mère après cela lui accorda des terres et on lui construisit une forteresse dessus, Dun Brese justement, ce fut le Suqellos Dagda Gargant qui fut chargé de la bâtir.
Maintenant, après que Bregsos fut devenu roi, les vouivres anguipèdes gigantesques, à savoir Indicios fils de la déesse Domnu ainsi qu’Elatio fils de Deluato et Tethtra, trois rois anguipèdes fomoréens, augmentèrent tellement leurs impôts que même la fumée des foyers se retrouva imposée.
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Oidhe Chloinne Tuireann. Mort tragique des enfants de Taran/Toran/Tuireann.
Car les vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomors avaient alors à cette époque imposé aux gens de la déesse Danu (bia) un très lourd tribut à payer : c’est-à-dire une taxe sur les pétrins, une taxe sur les barattes, une taxe sur les pierres à cuisson ; et même une once d’or pour chaque nez de Toutioi Devas sur la colline d’Uisnech à l’ouest de Temhair. Ils extorquaient cet impôt chaque année donc et l’homme qui refusait de payer avait le nez coupé. C’était une sinistre bande à l’air très méchant composée de neuf fois neuf intendants qui venaient chercher ces taxes et ces tributs chez les hommes [d’Irlande]. Voici les noms des quatre plus féroces et plus cruels : Eine, Eathfaith, Coron, et Compar. Si un enfant, même de moins d’un mois, ne se levait pas devant eux, cela leur suffisait pour tuer la famille entière.
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Les champions se retrouvèrent même assujettis à diverses corvées à son profit, par exemple Ogmios devait lui amener un fagot de bois de chauffage, et le Suqellos Dagda Gargant creuser ses fortifications, d’où la construction de Rath Brese par ce dernier d’ailleurs.
Le Suqellos Dagda Gargant s’épuisait à ce travail et il avait coutume de retrouver à la maison un vieil aveugle appelé Cridionobetlos, dont la bouche était plus grande que le ventre ???? Un jour Cridionobetlos trouva que sa part était plus petite que celle du Suqellos Dagda Gargant. Il s’exclama donc !
« O Suqellos Dagda Gargant, sur ton honneur, que les trois meilleurs morceaux de ta part me soient donnés ». Le Suqellos Dagda Gargant commença donc de les lui donner chaque soir. Les morceaux pour le satiriste étaient donc très gros, ces morceaux étaient de la taille d’un bon porc. Mais ces trois
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morceaux représentaient aussi un bon tiers de la part du Suqellos Dagda Gargant. Ce dernier commença donc à dépérir.
Un jour que le Sucellus Dagda Gargant était dans la tranchée, il vit Mabon/Maponos/Oengus arriver.
« Alors ça, c’est bien, O Suqellos Dagda Gargant », s’exclama Mabon/Maponos/Oengus.
« Hélas non », répondit le Suqellos Dagda Gargant.
Qu’est-ce qui ne va pas ? » demanda Mabon/Maponos/Oengus.
« J’ai des raisons de m’inquiéter », répondit le Suqellos/Dagda/Gargant. « Cridionobetlos le satiriste me prend tous les soirs les trois meilleurs morceaux de ma part ».
« J’ai une idée à te conseiller », répondit Mabon/Maponos/Oengus. Il plongea sa main dans sa bourse, en sortit trois pièces d’or, et lui donna.
« Mets ces trois pièces », dit Mabon/Maponos/Oengus, sur les trois morceaux que tu cèdes à la tombée du jour à Cridionobetlos. Ces trois morceaux seront bien alors les plus précieux figurant sur ton plat ; l’or passera dans son ventre et il en mourra, mais le jugement de Bregsos en sera complètement faussé. Les gens diront au roi : « Le Suqellos Dagda Gargant a fait périr Cridionobetlos en lui faisant manger des herbes empoisonnées ». Ensuite le roi ordonnera qu’on t’exécute. Mais tu lui répondras : « Que dis-tu là, O grand roi des guerriers féné, ce n’est pas là une vérité de prince. Cridionobetlos a vu le travail que je fais pour toi et il m’a dit : « donne-moi, O Suqellos Dagda Gargant, les trois plus précieux morceaux de ta part. Rien n’a été préparé pour moi ce soir dans ma maison ». J’en serais mort si je n’avais pas eu ces trois pièces en or trouvées par moi aujourd’hui pour me venir en aide. Je les ai posées sur ma ration. Je les ai ensuite données à Cridionobetlos, car l’or était bien la plus précieuse des choses que j’avais devant moi. De là cet or est passé dans Cridionobetlos et il en est mort ».
« Que l’on ouvre le ventre du satiriste afin de voir si l’or en question s’y trouve. S’il n’y est pas, tu mourras. S’il y est, tu auras la vie sauve », s’exclama le roi.
On ouvrit donc le ventre du satiriste et les trois pièces d’or furent trouvées dans son estomac, c’est ainsi que le Suqellos Dagda Gargant eut la vie sauve ».
Il reprit son labeur le lendemain matin et Mabon/Maponos/Oengus alla le retrouver là-bas pour lui dire : « tu auras bientôt fini ton travail, mais le seul salaire que tu dois demander pour cela c’est que l’on t’amène tout le bétail du royaume afin que tu puisses y choisir une génisse à crinière noire et ???
Peu de temps après le Suqellos Dagda Gargant acheva son travail et Bregsos lui demanda ce qu’il voulait comme paiement de son labeur. Le Suqellos Dagda Gargant répondit : « je te demande » dit-il de bien vouloir rassembler le bétail du royaume quelque part ».
Le roi fit ce que le Suqellos Dagda Gargant avait dit et ce dernier choisit dans le troupeau la génisse que Mabon/Maponos/Oengus lui avait conseillé de prendre. Cela sembla bien peu de chose à Bregsos, car il pensait bien que le Suqellos Dagda Gargant aurait pris beaucoup plus.
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Oidhe Chloinne Tuireann. La mort tragique des enfants de Taran/Toran/Tuireann.
Un jour que Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd était sorti sur les remparts de Temhair/Tara, il vit au loin sur la plaine arriver deux beaux jeunes gens bien faits de leur personne, ils le saluèrent et Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd fit de même. Le grand huissier inquisiteur (le gardien des portes) leur demanda : « d’où venez-vous O nobles jeunes gens bien faits de votre personne ? » « Nous sommes de bons médecins », répondirent-ils.
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Contre-lai (commentaire néo druidique) Nº 20.
Note à propos des druides portiers de ce temps-là (dorosaiiados en vieux celtique, dorsaide en gaélique). Le druide portier d’un château est le responsable des portes de la forteresse et il lui incombe, non pas d’agir, mais de renseigner le roi sur tous ceux qui, très-sachants de la druidiaction (druidecht), guerriers ou artisans, veulent pénétrer chez lui. Ce portier, dorsaid en gaélique, est ainsi, mais en beaucoup plus digne, l’équivalent celtique du nomenclator latin, ce secrétaire doté d’une mémoire infaillible qui, en ville et dans les espaces publics, soufflait au riche patricien romain les noms qu’il pouvait avoir oubliés. La différence réside dans le niveau de la fonction : le dorsaide est un druide alors que le nomenclator est un esclave.
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Si vous êtes de bons médecins » rétorqua le gardien (des portes) « vous mettrez un nouvel œil à la place du mien ». « Je peux mettre l’œil du chat qui est sur tes genoux à la place du tien », répondit l’un d’entre eux. « J’en serais enchanté », répondit l’huissier gardien des portes. Et sur ce ils mirent un œil du chat en question à la place de l’œil du grand huissier inquisiteur. Ce nouvel œil avait des avantages et des inconvénients pour lui, car quand il désirait dormir ou se reposer, alors l’œil s’ouvrait au moindre bruit de souris, dans les roseaux, ou quand un oiseau s’envolait ; mais quand il désirait observer une troupe ou une réunion, alors c’est là qu’il se fermait pour dormir et se reposer. L’huissier alla dire au roi que d’excellents médecins étaient arrivés à Temhair/Tara, car, dit-il au roi, « ils ont remplacé mon œil par celui du chat ». « Fais-les venir », répondit le roi. Mais alors qu’ils entraient, ils entendirent un lamentable et pitoyable soupir.
Medocios, un des médecins, s’exclama : « J’entends le soupir d’un grand guerrier ».
Auromedocios l’autre médecin répondit : « Voyons si ce n’est pas là le soupir d’un guerrier victime d’un hanneton ? qui lui pourrit un des flancs.
Le roi leur fut donc présenté afin qu’ils l’examinent. L’un d’entre eux enleva le bras de son épaule et un hanneton en sortit en bondissant dans la forteresse ; toute la maisonnée courut après pour le tuer.
Medocios se mit en quête d’un autre bras de la même longueur et de la même épaisseur afin de lui en greffer un et tous les gens de la déesse Danu (bia) furent interrogés pour cela, mais on ne trouva pas (chez eux) de bras qui puisse lui aller, à part celui de Modhan, le porcher.
« Les os de ce bras vous conviendront-ils ? » demandèrent les médecins. « C’est ce que nous préfèrerions ».
Quelqu’un sortit le chercher par conséquent et le ramena ensuite à Temhair/Tara où il fut donné à Medocios.
Medocios demanda ensuite à Auromedocios : « Que choisis-tu de faire, greffer le bras ou partir chercher des herbes médicinales afin de faire repousser les chairs dessus ? »
Il répondit : « je préfère greffer le bras ». Sur ce Medocios partit chercher des herbes médicinales et les ramena, ensuite le bras fut greffé.
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Ensuite Medocios s’exclama : « jointure sur jointure et nerf sur nerf » et put le guérir en trois fois trois jours et trois nuits. Les trois premiers jours, il lui colla le long de son flanc et il se couvrit de peau. Les trois jours suivants, il le mit sur sa poitrine. Les trois derniers jours, il se couvrit de ???? blancs comme des joncs noirs quand ils ont été noircis au feu ???? Cette guérison n’eut pas l’heur de plaire à Diancecht. Il brandit son épée sur le sommet du crâne de son fils et lui enleva la peau jusqu’à la chair. Grâce à son art, le garçon put guérir de sa blessure. Diancecht le frappa une deuxième fois et lui enleva la chair du crâne jusqu’à l’os. Le garçon put se guérir de sa blessure de la même façon. Alors il lui asséna un troisième coup et atteignit la membrane de son cerveau. Là encore le garçon réussit à se guérir pareillement. Alors Diancecht lui asséna un quatrième et dernier coup et atteignit la cervelle, de sorte que Medocios en mourut, et Diancecht ajouta le plus grand des médecins lui-même n’aurait pu le guérir d’un tel coup.
Ensuite Medocios fut enterré par Diancecht, et trois cent soixante-cinq herbes médicinales différentes, issues de ses jointures et de ses nerfs, poussèrent sur sa tombe. Alors Armeditrina ouvrit son manteau et rangea ses herbes en fonction de leurs vertus. Mais Diancecht arriva et mélangea toutes ces herbes, de sorte que personne ne connaît leurs effets en propre à moins que le Saint-Esprit ne l’ait révélé par la suite. Et Diancecht s’exclama : « Si Medocios n’est plus, Armeditrina elle au moins est toujours là ».
Bregsos exerçait donc ainsi la souveraineté qui lui avait été confiée. Mais les grands seigneurs du peuple des gens de la Déesse murmuraient beaucoup contre lui, car leurs couteaux n’étaient pas graissés par ce qu’il leur donnait à manger, et quand ils lui rendaient visite leur haleine ne sentait pas la bière en sortant. En outre ils ne voyaient jamais leurs poètes ni leurs bardes ni leurs satiristes ni leurs harpistes ni leurs joueurs de cornemuse, ni leurs sonneurs de cor ni leurs jongleurs ni leurs fous, dans la maison du roi. Ils n’assistaient pas non plus aux épreuves sportives de leurs athlètes. Ils ne voyaient pas non plus les champions accomplir leurs prouesses chez le roi, à part un seul, Ogmios fils d’Etanna. Voici en effet quelle était sa corvée : apporter du bois de chauffage dans la forteresse. Il avait donc l’obligation d’y ramener chaque jour un fagot de vois venant des îles de la baie de Clew. Et comme le manque de nourriture l’avait affaibli à chaque fois la mer emportait les deux tiers de son
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fardeau. Aussi ne pouvait-il en ramener qu’un tiers à chaque fois et pourtant il devait approvisionner ainsi l’armée chaque jour.
Plus aucun service n’était rendu par les tribus, les compensations financières n’étaient plus payées, les trésors de la tribu n’étaient plus redistribués
Un jour un célèbre poète vint demander l’hospitalité à la maisonnée de Bregsos, il s’agissait de Carioprixos fils d’Etanna, le poète officiel de la tribu de la déesse. Il n’eut qu’un cabinet très étroit, noir, sombre, où il n’y avait ni feu, ni mobilier, ni lit. On lui servit juste trois petits pains secs dans une assiette. Le lendemain matin il se leva de fort méchante humeur. Et alors qu’il traversait la cour, il s’exclama :
« Sans nourriture rapidement servie sur un plat
Sans lait de vache qui fait grandir un veau
Sans abri digne d’un homme dans (l’obscurité de) la nuit
Sans argent pour payer une compagnie de conteurs,
Qu’être ainsi soit désormais toute la prospérité de Bregsos,
Il n’y a pas de richesse chez Bregsos ».
Et ce fut vrai ! Le roi Bregsos ne connut plus dès lors que ruine et malheur. Ce fut la première satire à valeur prophétique faite dans le pays.
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Contre-lai (commentaire néo druidique) Nº 21.
Hanneton. Nous traduisons ainsi le terme gaélique daoil sans trop de certitudes. Mais s’agit-il bien du sympathique insecte volant que nous nous amusions étant jeune (dans les années 1950) à attraper puis attacher par un fil à la patte ???
Satire. À la différence de la satire latine ou classique, qui est une œuvre littéraire, la satire celtique est une dénonciation morale, souvent associée à des prédictions diverses, et prononcée par un membre de la classe sacerdotale, un très-sachant de la druidiaction (druidecht) ou un vellède. À l’instar des prophètes de l’Ancien Testament, le barde satiriste loue le prince auquel il est attaché ou blâme les ennemis qui cherchent à lui nuire. Mais il blâmera aussi son propre prince s’il vient à mal se conduire.
De même qu’il peut y avoir de faux prophètes, il peut y avoir aussi évidemment de faux satiristes, des satiristes abusant de la crédulité des uns ou des autres. Les dispositions légales réprimant la satire abusive en Irlande nous fournissent un renseignement capital. Dans l’esprit du législateur ancien ou médiéval, la satire n’était pas une calomnie gratuite ou, comme à notre époque – ce qui revient presque à la même chose – un genre poétique ou littéraire particulier, cultivant à la fois la méchanceté, l’humour et l’ironie… Elle était uniquement la constatation d’une vérité, la recherche d’une justice.
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Maintenant après cela les enfants de la déesse demandèrent à parler à leur fils adoptif Bregsos fils d’Elatio et ils firent valoir les garanties qu’ils avaient prises. Il leur rendit la royauté et leur en voulut beaucoup à cause de cela. Il demanda néanmoins à rester en fonction encore pendant sept ans.
« Tu auras ça », répondit en chœur l’assemblée « mais aux mêmes conditions avec les mêmes garanties ?… chaque fruit de ta main, que ce soit maison terre or argent bétail nourriture exemption de tribut et de compensation financière jusque-là ».
« Vous aurez tout ceci », répondit Bregsos « ainsi que vous le demandez ».
Et voici la raison pour laquelle il avait demandé ce délai : pouvoir rassembler les champions du sidh, c’est-à-dire les vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomors, pour soumettre la tribu par la force, pourvu que…… ?…… Il trouva en effet insupportable d’être ainsi démis de ses fonctions.
Il alla trouver sa mère et lui demanda de quelle lignée il descendait. » « Je sais cela très bien », répondit-elle ; et elle se rendit sur la colline d’où elle avait aperçu le vaisseau d’argent sur la mer.
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Ensuite elle descendit sur la plage et lui donna l’anneau qu’Elatio lui avait laissé pour lui, et Bregsos le mit à son doigt du milieu (le majeur) : il lui allait à la perfection. Elle ne l’avait jamais cédé à personne, que ce soit contre de l’argent ou à la suite d’un don. Et jusqu’à ce jour-là il n’était allé à personne.
Ensuite ils avancèrent jusqu’à ce qu’ils atteignent le pays des vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomors. Ils arrivèrent dans une grande plaine où il y avait de nombreux rassemblements. Ils se dirigèrent vers la plus belle de ces assemblées. Là on leur demanda qui donc ils étaient, ou ce qu’ils venaient faire ici. Ils répondirent qu’ils étaient Gaëls. On leur demanda ensuite s’ils avaient des chiens ; car à cette époque la coutume était, quand des gens arrivaient à un rassemblement, de leur lancer d’amicaux défis les concernant. « Nous avons des chiens effectivement », répondit Bregsos. Ils organisèrent alors une course de chiens et ce sont les chiens du peuple des enfants de la déesse qui l’emportèrent sur ceux des vouivres anguipèdes gigantesques. On leur demanda ensuite s’ils avaient des chevaux de course. Ils répondirent qu’ils en avaient bien sûr et là encore leurs coursiers l’emportèrent sur ceux des vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomors. Il leur fut ensuite demandé s’il y avait une fine lame parmi eux. Et il n’y avait que Bregsos pour cela. Mais quand il mit la main sur son épée, son père reconnut l’anneau qu’il avait au doigt et demanda qui était ce héros. Sa mère répondit pour lui et dit au roi que Bregsos était son fils à lui. Ensuite elle lui raconta toute l’histoire que nous avons relatée.
Son père fut contrarié par ce qui lui arrivait. Il lui demanda : « qu’est-ce qui t’amène si loin hors de ton royaume ? » Bregsos répondit : « Rien ne m’y a contraint si ce n’est mon injustice et mon arrogance.
Je les ai dépouillés de leurs joyaux de leurs trésors et même de leur nourriture. Ni tribut ni compensation financière n’étaient jusqu’à ce jour exigés d’eux ».
« Ce n’est pas une bonne chose en effet », répondit son père. Mieux valait leur prospérité que leur soumission. Mieux valait leurs prières que leurs malédictions. Et pourquoi es-tu venu ici ? » demanda son père.
« Je suis venu te demander des champions », répondit-il. « Je voudrais reprendre ce pays par la force ».
« Tu ne l’auras pas par une injustice si tu ne l’as pas gagné par la justice » lu répondit son père.
« Simple question dans ce cas », que me conseilles-tu ? » demanda Bregsos.
Alors il le dirigea sur leur champion à eux, Balaros petit fils de Neto, le roi des îles, et sur Indicios le fils de la déesse Domnu, roi des vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomors.
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Oidhe Chloinne Tuireann. La mort tragique des enfants de Taran/Torann/Tuireann.
Balaros répondit : « Très bien, mais je viens juste d’apprendre aussi qu’un grand guerrier arrivait pour prêter main-forte à Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd et les siens, sais-tu qui est-ce ? Bregsos ne sut que répondre, car cela était arrivé après son départ. « Je sais », répondit Catullina, la femme de Balaros, « que c’est le fils d’une fille à toi et moi ; et il a été prédit et prophétisé qu’à partir du moment où il serait venu dans la Verte Érin, nous n’y aurions plus jamais aucun pouvoir ».
Les chefs des vouivres anguipèdes gigantesques tinrent alors conseil, il s’agissait d’Eba un petit-fils de Neto, Seanchab un autre petit-fils de Neto, Sotal Salmhor, Luatolebarcambo, Tinné Mor de Triscadal ; Loisginn Lomghluineach, Luatolicnacos, Lobrausos le druide, Leitolabaros le fils de Lobrausos, les neuf poètes les plus lettrés ou devins philosophes de leur peuple, Balaros aux robustes coups lui-même et enfin les douze fils aux bouches blanches de Balaros ; sans oublier Catullina aux dents tordues, la reine, femme de Balaros.
Bregsos ? fils de Balaros dit alors « j’irai avec sept vaillants et grands bataillons de la cavalerie dans la verte Érin, et je livrerai bataille au Samildanacos [au polytechnicien] ; ensuite je lui couperai la tête et je vous la ramènerai sur le gazon de Berbhé (en Loccolandon = en Scandinavie).
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« Il serait fort à propos que tu fasses cela », répondirent-ils.
Et Bregsos ? leur dit ensuite : « Que l’on arme mes bateaux et mes barques rapides ; que l’on y charge des vivres et de la nourriture à profusion ».
Ils manœuvrèrent alors rapidement et activement ses navires et ses barques rapides ; ils y chargèrent en abondance de la nourriture et de la boisson, et Luatolicnacos ainsi que Luatolebarcambo furent envoyés lever toute une armée pour lui. Quand ils furent tous rassemblés, ils préparèrent leur habillement, leurs armures, leurs armes de valeur ; et ils se mirent en route pour la Verte Érin.
Balaros les accompagna jusqu’au port et leur cria : « Livrez bataille au Samildanacos, coupez-lui la tête, et attachez cette île à la poupe de vos navires et de vos barques, afin de ne laisser derrière à sa place que les profondes eaux qui la bordent, et larguez-la au nord de la Scandinavie (Lochlainn) ? afin que pas un seul des enfants de la déesse Danu (bia) ne puisse la suivre jusque-là.
Ils firent sortir du port leurs navires et leurs barques rapides et les remplirent de poix, d’encens et de myrrhe ; tous hissèrent leurs voiles frémissantes et multicolores ; et ils se retrouvèrent d’un seul coup au large, loin de leur havre et de leur port d’échouage, à longer les terres qui ne sont pas cultivées, à naviguer en pleine mer sur des abysses étranges, comme portés par les vagues du déluge, sur les hautes montagnes humides froides et empoisonnées des tréfonds de l’océan (la Mer Morimarusa ?).
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Les préparatifs de la deuxième bataille de la Plaine aux menhirs ou aux tumuli.
Ils étaient si nombreux qu’il y avait comme un pont de bateaux entre la verte Érin et les îles des Étrangers.
Jamais n’avait débarqué dans l’île plus horrible et plus effrayante armée que celle des vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomors. Scythes de Scandinavie et hommes des îles occidentales rivalisaient d’ardeur dans cette expédition.
Maintenant pour ce qui est enfants de la déesse voici ce que l’on rapporte à leur sujet.
Après le départ de Bregsos, Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd avait donc recouvré la souveraineté sur le peuple des enfants de la déesse. Il organisa donc pour eux un grand festin à Temhair/Tara.
Or ainsi que nous l’avons vu, un guerrier dénommé Samildanacos s’était alors mis en route pour Temhair/Tara.
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Oidhe Chloinne Tuireann. La mort tragique des enfants de Taran/Toran/Tuireann.
Ils aperçurent donc une troupe et une belle armée venant tout droit de l’est et à l’avant-garde il y avait un jeune homme qui semblait avoir une grande autorité sur eux. Sa face et son front étaient comme le soleil couchant et on ne pouvait pas le dévisager directement à cause de sa splendeur. C’était Lug Lamhfhada Loinnbheimionach le berserkr au long bras et les cavaliers du sidh (marcra sioda) de la Terre Promise, avec ses frères de lait, à savoir les enfants de Belin/Belen/Barinthus (Manannan), plus précisément Scoith Gleigeal, le fils de Belin/Belen/Barinthus (Manannan) en personne, ainsi que Rabhach Slaitin, Gleigeal Garbh, Goithne à l’œil sombre, Sine Sindearg, Domhnall le brun rouge, et enfin Aodh fils d’Eathall. Lug au long bras était ainsi équipé : il montait l’Aonbharr de Belin/Belen/Barinthus, qui était aussi rapide que le vent maussade du printemps, terre et mer lui convenaient tout aussi bien, sur son dos aucun cavalier ne pouvait être tué ; la cuirasse ? de Belin/Belen/Barinthus (Manannan) le protégeait, avec elle on ne pouvait pas être tué, que ce soit par-dessus par en dessous voire au travers ; le gorgerin ? de Belin/Belen/Barinthus au-dessus de sa poitrine, de sorte que les armes n’avaient aucun effet sur lui ; son heaume autour de la tête pour la protéger, avec, incrusté derrière, une très belle pierre précieuse et deux sur le devant, et quand ce casque était enlevé sa face et son front rayonnaient comme le soleil un beau jour d’été ; l’Eriategarta c’est-à-dire l’épée de Belin/Belen/Barinthus (Manannan) à son côté gauche ; qui était blessé par elle
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ne revenait jamais vivant ; et cette épée n’était jamais dégainée sur un champ de bataille ou un lieu d’affrontement sans que celui qui l’avait vue ou qui avait affaire à elle ne se retrouve aussi faible qu’une femme en couches.
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Il y avait deux huissiers inquisiteurs (doirseóir = portiers) à Temhair/Tara en ce temps-là, Gamal fils de Figal et Camall fils de Riagall. Ils demandèrent donc au grand huissier inquisiteur de service d’annoncer leur arrivée à Temhair/Tara.
L’huissier gardien des portes demanda : « qui va là ? ».
C’est Lug le berserkr (le combattant fou furieux), fils de Ceno, fils de Diancecht, et fils d’Etana, fille de Balaros, également fils adoptif de Talantio la fille du roi d’Espagne Magomaros et [femme] d’Ivocatuos le rude fils de Doecos.
Le grand huissier inquisiteur demanda donc au samildanacos (polytechnicien) : « Que sais-tu faire ? », car personne n’entre à Temhair/Tara sans être au moins maître en quelque chose.
Lug. Interroge-moi, répondit-il, je suis charpentier.
L’huissier inquisiteur répondit : « Nous n’avons pas besoin de toi. Nous avons déjà un charpentier, Luxtanios fils de Lucato ».
Lug. Interroge-moi, O grand huissier inquisiteur, je suis forgeron.
L’huissier inquisiteur lui répondit : « Nous avons déjà un forgeron Colum Cualléinech aux trois inventions ».
Lug. Interroge-moi, je suis un champion.
L’huissier inquisiteur répondit : « Nous n’avons pas besoin de toi. Nous avons déjà un champion, Ogmios fils d’Ethliu ».
Lug de nouveau. Interroge-moi, je suis un harpiste.
L’huissier inquisiteur : « Nous n’avons pas besoin de toi. Nous avons déjà un harpiste, Crabudinos fils de Bicelmos que les hommes des trois dieux ont ramené des sidhs ».
Lug. Interroge-moi, je suis un héros.
L’huissier inquisiteur répondit : « Nous n’avons pas besoin de toi. Nous avons déjà un héros, Bresal Echarlam fils d’Echaid Baethlam ».
Lug. Interroge-moi O grand huissier inquisiteur, je suis vellède (poète) et historien.
L’huissier inquisiteur : « Nous n’avons pas besoin de toi. Nous avons déjà un vellède et historien, En fils d’Ethaman ».
Lug. Interroge-moi, je suis un satiriste.
L’huissier inquisiteur : « Nous n’avons pas besoin de toi. Nous avons déjà des satiristes. Nombreux sont nos magiciens et nos gens de pouvoir ».
Lug. Interroge-moi, je suis médecin.
L’huissier inquisiteur : « Nous n’avons pas besoin de toi. Nous avons un médecin Diancecht ».
Lug. Interroge-moi, je suis un échanson.
L’huissier inquisiteur : « Nous n’avons pas besoin de toi. Nous avons déjà des échansons, Delto, Drupto et Datios ; Taé, Talom et Trogos ; Gleinos, Glanis et Glesi ».
Lug. Interroge-moi, je suis un excellent bronzier.
L’huissier inquisiteur : « Nous n’avons pas besoin de toi. Nous avons déjà un bronzier, Credno Cerdos ».
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Contre-lai (commentaire néo druidique) Nº 22.
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Berserker. Nous traduisons ainsi le terme gaélique lonnannsclech sans trop de certitudes.
Grand huissier inquisiteur. Nous traduisons ainsi le terme gaélique doirseóir, le doirseóir étant plus qu’un simple portier.
On trouve à peu près le même genre de scène dans le conte gallois de Kulhwch et Olwen (l’arrivée de Kulhwch à la cour du roi Arthur) et le jeu des questions et des réponses qui s’ensuit. Mais dans ce cas le rôle du druide portier du château est tenu par une sorte de héraut d’armes.
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Lug ajouta : « Demande au roi s’il a un homme [maîtrisant] tous ces arts à la fois, s’il en a un je n’entrerai pas dans Temhair ».
L’huissier inquisiteur gardien des portes entra dans le palais et rapporta tout au roi. « Un guerrier vient de se présenter à la porte de l’enceinte. Il s’appelle Samildanacos, et il possède à lui seul tous les arts des gens de ta maison, de sorte qu’il est l’homme de tous les métiers ».
Le roi répondit alors ceci : « que l’on aille chercher le jeu d’échecs de Temhair/Tara pour le Samildanacos » et ce dernier remporta tous les enjeux en faisant le coup de l’enclos de Lug. Mais si le jeu d’échecs a été inventé à l’époque de la guerre de Troie, il ne pouvait pas être déjà connu en Irlande alors, car la bataille de la plaine des menhirs et la destruction de la Troie se sont produites en même temps.
Puis tout cela fut rapporté à Noadatus/Nuada/Nodons/Llud. « Qu’on le fasse entrer dans la cour » répondit-il « car jamais un homme comme lui n’est venu dans cette forteresse ».
Alors l’huissier inquisiteur gardien des portes laissa Lug passer devant lui et il prit place sur le siège des maîtres, car il était maître en tout art.
Ogmios jeta ensuite la grande pierre plate, qui nécessitait la force de quatre-vingts paires de bœufs pour être déplacée, à travers la maison, si fort qu’elle retomba en fait à l’extérieur de Temhair/Tara. C’était pour défier Lug. Mais Lug la rejeta dans Temhair/Tara, de sorte qu’elle se retrouva en plein milieu du palais. Ensuite il remit le bloc qui avait été enlevé dans le mur du palais qui redevint donc comme avant.
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Contre-lai (commentaire néo druidique) Nº 23.
Jeu d’échecs. Nous traduisons ici le terme gaélique fidhcelda/fidchell par « jeu d’échecs », mais il s’agit plutôt d’un jeu de tablut.
Le jeu d’échecs inventé lors de la guerre de Troie. Le moine chrétien ayant ajouté cette note à son texte avait quelques raisons d’être étonné par tout cela. « Jeu d’échecs » est en effet une traduction erronée, ou à tout le moins une approximation assez grossière. Le jeu en question n’était pas un jeu d’échecs au sens strict du terme, mais un jeu à damier procédant d’une tout autre logique. Les Celtes avaient un mot pour désigner les jeux à damier de type tablut qui les délassaient. Ils les appelaient Vidopeila (breton Gwezboell, gallois Gwyddbwyll, irlandais Fidchell) c’est-à-dire science ou art du « bois ». Contrairement aux échecs ou aux dames classiques, le Vidopeila est un jeu de tablut qui met en jeu deux camps de force inégale, avec chacun, en fait, un objectif différent. Le roi des rois est assiégé dans sa province centrale. Il est défendu par huit pions. Avec leur aide il doit échapper aux attaquants et atteindre l’un des quatre coins du damier. Les attaquants sont au nombre de seize, et répartis en quatre groupes de quatre pions. Leur but est de capturer le roi des rois en l’encerclant et en lui interdisant tout mouvement. Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le voir avec l’invasion des Gaulois Fir Bolg, pour les Celtes le monde était défini par cinq points cardinaux et non quatre : le nord, l’est, le sud et l’ouest, mais aussi… le centre. Les peuples celtes ont donc toujours organisé leur territoire de cette façon : une province centrale dominant théoriquement quatre provinces périphériques (voir la tétrarchie galate et son gouvernement). Mais le caractère turbulent des Celtes faisait que les provinces périphériques étaient plus d’une fois en révolte contre le roi des rois de type fédéral, ayant pour territoire la province centrale. N’importe quel roi de province pouvait devenir roi des rois en s’emparant du trône. Sa victoire prouvait que les dieu-ou-démons, source de toute légitimité, l’avaient choisi, et l’illégitimité du malheureux adversaire ayant perdu son trône, était démontrée par sa défaite : elle prouvait que les dieu-ou-démons l’avaient abandonné. Les tentatives
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de coup d’État étaient donc permanentes. D’où le symbolisme de ce jeu : le roi des rois est assiégé par les armées des rois de province. Le captureront-elles ou parviendra-t-il à leur échapper ?
Rappelons aussi que cette deuxième bataille de la plaine des piliers est mythique ou intemporelle, elle appartient à la méta-histoire, elle n’est pas historique. Tout comme l’esclavage des Hébreux en Égypte l’exode et la conquête de la Terre promise.
Maître. Nous traduisons ainsi le terme gaélique « sui ».
Il s’agit bien entendu de la célèbre Pierre de Fal, ou de Scone, symbole de souveraineté. Il est difficile de déterminer sa forme exacte. Ce texte en fait une sorte de dolmen, mais d’autres ne sont pas aussi clairs. Son emplacement exact à Temhair/Tara est également sujet à controverses (encastré dans la muraille, sur le chemin de ronde ??). On peut penser aussi à un symbole de virilité ou de fécondité. cf. le linga en Inde. Traditionnellement elle est néanmoins associée à la notion de Destin. Alors… Ogmios, par jalousie, essaie d’en priver Lug afin de prouver à tous, mais en vain qu’il ne saurait être roi.
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« Qu’on nous joue de la harpe », demandèrent les hommes. Le guerrier joua un air qui endormait, pour les troupes et pour le roi, la première nuit. Il les plongea dans le sommeil jusqu’à la même heure du jour suivant. Il joua un air triste et tous se mirent à pleurer ou se lamenter. Il joua un air heureux et tous se retrouvèrent souriants, heureux et joyeux.
Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd, après avoir découvert les nombreux pouvoirs de ce guerrier, se demanda si le Samildanacos ne pourrait pas les libérer de la servitude que leur imposaient les vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomors. Ils tinrent donc conseil à propos de ce guerrier. Et voici la décision que prit Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd après cela : changer de siège avec lui. C’est pourquoi le Samildanacos prit la place du roi, et le roi resta debout devant lui pendant treize jours.
Le lendemain il rencontra les deux frères, à savoir le Suqellos Dagda Gargant et Ogmios, à Grellach Dollaid. Et ses deux frères Gobannos ainsi que Diancecht furent aussi convoqués. Ils discutèrent une année entière dans le plus grand secret, d’où le fait que Grellach Dollaid est appelé le plan secret des hommes de la Déesse.
Ensuite les druides de la Verte Érin furent également convoqués, ainsi que leurs guérisseurs, leurs auriges leurs forgerons leurs intendants leurs juges. Ils s’entretinrent avec eux en secret.
Lug demanda au satiriste (corrguru) appelé Matugenos quelles forces il pourrait déchaîner. Il répondit que, grâce à ses pouvoirs, il ferait s’écrouler les montagnes sur les vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomors et que leurs sommets s’écraseraient dans les plaines et les vallées. Il leur promit que les douze principales montagnes de la verte Érin viendraient en aide au peuple des enfants de Déesse Danu (bia) en se battant pour eux, à savoir Sleibo Lecion, Benna Ulation, Bennai Bergusias, Briga Riuri, Sleibo Blatomagi, Sleibo Snigis, Sleibo Misi, Blauai-Sleiboves, Nemetena, Sleibo Mapi Belgodunii, Segisa, et Crouca Agilioni.
Il demanda ensuite à leur échanson quelles forces il pourrait déchaîner. Il répondit qu’il ferait en sorte que les vouivres anguipèdes gigantesques (Fomors) ne trouvent aucune eau dans les douze principaux lacs, quelle que soit la soif qui puisse les affecter. Et voici quels étaient les lacs en question : le lac rouge, Loccos Lomenaci, Loccos Orbasionos, Loccos Rigos, Loccos Mescas, Loccos Copni, Loccos Lagii, Loccos Neptaci, Loccos Scetlas, Loccos Deccedas, Loccos Rigoaci, le Grand Lac. Ils pourraient accéder aux douze principaux fleuves, Boacias, Boinne, Sauna, Nema, Lagia, Sinans, Mudia, Sligaca, Samara, Vinda Riuroteca et Siurios ; mais ces derniers seraient tous cachés aux yeux des vouivres anguipèdes gigantesques, de sorte qu’ils n’en auraient pas une goutte. De la boisson serait prodiguée aux hommes [d’Irlande] s’ils devaient rester sept ans à combattre. Vegula fils de Mamos, leur druide : « Je ferai s’abattre sur trois averses de feu sur l’armée des vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomors, et je leur ôterai les deux tiers de leur courage de leur bravoure et de leur force, je bloquerai l’urine dans leur corps et dans celui de leurs chevaux.
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Inversement à chaque instant le courage et la bravoure des hommes [d’Irlande] iront croissant. Même s’ils devaient rester à se battre ainsi pendant sept ans ils ne seront jamais fatigués ».
Le Suqellos Dagda Gargant : « ces pouvoirs dont vous vous vantez je les maîtrise tous à moi tout seul ».
Is tusai an Dagdae !’ or cách ; gonad de rot-lil « Dagdae » ó sin é. C’est toi le « dieu bon à tout faire » (dago-devos en vieux celtique) répondirent-ils tous c’est pourquoi le nom de Dagda lui resta désormais attaché.
Ensuite ils se séparèrent et mirent fin au conseil en convenant de se retrouver le même jour trois ans plus tard.
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Contre-lai (commentaire néo druidique) Nº 24.
Je leur ôterai les deux tiers de leur courage. Sans doute de la guerre psychologique. On peut être plus sceptique pour le reste. Mais n’oublions pas que tout ceci est aussi mythique que l’intervention des anges en faveur des premiers musulmans lors de la bataille de Badr (624) ou les légions romaines pétrifiées par saint Cornély à Carnac en Bretagne. Les batailles de la plaine aux menhirs, en tout cas certainement la deuxième, ne sont pas des batailles historiques, ce sont des batailles mythiques, appartenant à la méta-histoire des Celtes.
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Contre-lai (commentaire néo druidique) Nº 25.
Un des plus irritants mystères (c’est un véritable défi) des légendes de nos frères et sœurs d’Irlande est le rôle très curieux ; par rapport aux données du mythe panceltique primitif tel qu’il apparaît sur le Continent dès le Ve siècle avant notre ère ; qu’elles réservent Taran/Toran/Tuireann et à ses enfants, Brennos, Ivos et Ivocarbos, pourtant reconnus comme étant précisément les trois enfants de la déesse Danu (bia). Se pourrait-il qu’il y ait eu en Irlande et à la différence du reste du monde celtique (le Celticum ou la Letavia) une sorte de coup d’État dans le Panth-éon ???
Nous avons inclus ce récit dans le cadre de la deuxième bataille de Mag Tured, car il nous semble être l’écho, passablement déformé voire ayant évolué de façon autonome, d’une de ses phases les plus cruciales : la recherche préalable des talismans devant assurer la victoire. Mais dans l’hérésie qui a prévalu en Irlande, cette légende nous a été conservée sans lien explicite avec le restant du mythe de la deuxième bataille de la plaine aux piliers de Mag Tured.
L’apocryphe irlandais que nous allons étudier ci-dessous est néanmoins très intéressant, car il montre Lug sous un aspect presque « luciférien » (on dit « varunien » quand on fait de l’archéologie des religions). En tout cas incontestablement, son aspect le plus sombre et le plus implacable, contrastant quelque peu avec son aspect de jeune héros solaire et lumineux que nous venons de voir, et qui est le plus connu. Ce petit côté « luciférien » ou « varunien » de Lug expliquant beaucoup de choses, il nous a paru indispensable de ne pas omettre ce texte irlandais qui nous présente aussi un Taran/Toran/Tuireann assez surprenant. Un Taran/Toran/Tuireann dont les enfants auraient en quelque sorte « mal tourné ». Il s’agit donc d’un des mythes les plus difficiles à comprendre, vu sa déformation et sa dégénérescence dans la mythologie celtique d’Irlande qui, sur ce point comme tant d’autres, se complaît dans l’hérésie totale.
Nous voulons dire par là « qui s’éloigne vraiment un peu trop dans ce cas, des grandes lignes du druidisme continental antique, autrement dit du druidisme du berceau d’origine des Celtes. Assez curieusement, la version en latin de cette histoire, on ne sait trop pourquoi, appelle Lug : Mundulius ; Tuireann : Turnus (sans doute par réminiscence de l’Enéide) ; Brennos : Urore ; Ivocaros : Ore ; Ivocarbos : Ochru, et les vouivres ou les anguipèdes gigantesques (andernas sur le Continent, fomore en gaélique) : Danois. Ce qui est assez clair néanmoins vu le contexte d’alors, les incursions vikings.
Cet apocryphe n’offre guère d’intérêt, car le mythe d’origine s’y est dilué. Le récit conservé dans le Livre des Conquêtes, lui, par contre, renferme des éléments très peu christianisés. On y retrouve donc beaucoup de thèmes indo-européens très archaïques.
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La version irlandaise nous parle par exemple à plusieurs reprises d’une mystérieuse bataille de la Plaine aux menhirs ou aux tumuli, À VENIR.
La première étant totalement exclue, pourrait-il s’agir de la deuxième ? Les raisons de l’invasion vouivre et anguipède (andernas/fomore) sont totalement différentes dans cette version, de celles qui ont provoqué la deuxième bataille de la Plaine aux menhirs ou aux tumuli dans l’exposé des différents peuplements de l’Irlande du Lebor Gabala. C’est la vengeance d’un affront diplomatique dans un pays vassal et non la reconquête de la royauté pour le compte d’un souverain mauvais, mais légal.
Aucun des objets ramenés par les fils de Taran/Toran/Tuireann n’est mentionné dans la deuxième bataille de la Plaine aux menhirs ou aux tumuli, malgré la minutie dont font généralement preuve ses descriptions. Il ne peut s’agir donc dans ce cas, que d’une autre bataille de la Plaine aux menhirs ou aux tumuli. Sur laquelle on ne sait pour l’instant, et dans l’état actuel de nos recherches, que ce que nous en dit la brève allusion de ce récit. Dans le doute cependant, nous avons préféré garder ce récit à cette place.
NB. On ignore la nature exacte du Dieu-ou-Diable que Lug et les enfants de Taran/Toran/Tuireann adorent sans le nommer dans ce récit (sans doute une forme du Destin).
Eburos veut dire « if » (ebura ou eburaca) et ateburos « re-if ».
Pour information et pour information seulement, voir aussi ce que ce thème mythologique a donné au Pays de Galles (Kulhwch et Olwen).
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LA MORT TRAGIQUE DES ENFANTS DE TARAN/TORAN/TUIREANN (OIDHE CHLOINNE TUIREANN).
L’oidhe chloinne Tuireann est une légende qui ne nous est connue que par des manuscrits relativement récents, allant de 1715 (manuscrit Egerton 106) à 1808 (manuscrit Egerton 208).
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Lug au long bras était donc à Temhair/Tara en compagnie du roi des rois quand il lui apparut que les vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomors arrivaient à la cascade des chênes (Iesto Dervon). Quand il eut appris cela, il fit préparer le cheval de Belin/Belen/Barinthus/Manannan, Aonbharr, dès l’aube, à la lueur incertaine du crépuscule et il alla retrouver le roi Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd pour lui raconter comment les vouivres anguipèdes gigantesques (Fomors) avaient débarqué à la cascade des chênes (Iesto Dervon) et avaient déjà pillé le pays de Dergos Boduos, le fils du Suqellos Dagda Gargant. « Et ce que je voudrais » ajouta-t-il, « c’est obtenir de l’aide de ta part pour leur livrer bataille. Mais Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd ne se préoccupa guère de venger les pertes subies par Dergos Boduos puisque cela ne le concernait pas lui directement. Lug fut très déçu par cette réponse et il partit donc de Temhair/Tara au triple galop en direction de l’ouest.
C’est alors qu’il aperçut trois hommes armés arrivant sur lui, son propre père Ceno, ainsi que ses frères Cu et Catuenos, c’est-à-dire les trois fils de Cantios. « Pour quelle raison t’es-tu levé si tôt ? » lui demandèrent-ils. « J’avais une bonne raison pour cela », répondit Lug. Les vouivres anguipèdes gigantesques sont venues et ont volé Dergos Boduos ; quelle aide m’apporterez-vous contre eux ? »
« Chacun de nous vaudra cent des tiens dans la bataille », répondirent-ils. « Ce sera un renfort d’importance en effet » répondit Lug, mais l’aide que je préfèrerais avoir de votre part c’est que vous rassembliez pour moi et de partout les cavaliers du sidh (marcra sioda) ».
Cu et Catuenos s’en allèrent donc vers le sud et Céno, lui, partit vers le nord. Il galopa d’une seule traite jusqu’à la plaine de Moritamna, mais alors qu’il était en train de la traverser il aperçut devant lui trois jeunes gens armés : c’étaient les trois fils de Taran/Toran/Tuireann, Brennos Ivocarbos et Ivocaros. Et entre les trois fils de Taran/Toran/Tuireann et les trois fils de Cantios régnaient (depuis toujours ?) tellement de haine et d’inimitié que l’on pouvait être sûr qu’ils se battraient en cas de rencontre.
Ceno pensa en lui-même : « si mes deux frères avaient été là, on se serait bravement défendus ; mais puisqu’ils ne sont pas là, le mieux pour moi est d’éviter l’affrontement ». Il avisa un grand troupeau de porcs qui se trouvait non loin de lui, et il se donna lui-même un coup de baguette magique (fleisg draoideacta) qui lui conféra l’apparence d’un pourceau de ce troupeau, puis il se mit à fouiller la terre comme eux.
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Contre-lai (commentaire néo druidique) Nº 26.
Il lui donna l’apparence d’un pourceau. Il faut bien sûr distinguer ces métamorphoses passagères de la transmigration ou réincarnation des âmes/esprits dans des corps animaux (comme dans le cas de l’islam où d’après le Coran chapitre 2, verset 65, chapitre 5, verset 60, des juifs furent transformés en singes, en porcs, ou en rats également d’après certains hadiths *) voire comme dans le cas des évangiles.
« Ils arrivèrent de l’autre côté de la mer, dans le pays des Géraséniens. Et dès qu’il eut mis pied à terre, alors vint à sa rencontre sortant des tombes un homme à l’esprit impur, qui vivait dans le cimetière ; et personne ne pouvait plus l’attacher, même avec des chaînes ; car il avait été souvent attaché avec des entraves ou des chaînes, mais ces chaînes, il les avait rompues, et avait réduit en
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pièces les entraves ; et personne n’arrivait à le maîtriser. Nuit et jour au milieu des tombes et dans la montagne il errait en criant et en se blessant lui-même sur les pierres. Quand il aperçut Jésus de loin, il courut et lui rendit grâce ; et en criant à pleine voix il lui dit : « Qu’as-tu à faire avec moi, Jésus, Fils du Dieu Très Haut ? Je t’en conjure au nom de Dieu, ne me tourmente pas ! Car il lui avait dit en effet, « sors de cet homme, toi l’esprit impur ! » Et Jésus lui demanda, « quel est ton nom ? ». Il lui répondit, « Mon nom est Légion ; car nous sommes beaucoup ». Et il le supplia instamment de ne pas les expulser du pays. Maintenant il y avait un grand troupeau de pourceaux en train de paître là, sur le flanc de la colline ; et ils le supplièrent donc, « renvoie-nous vers ces pourceaux, laisse-nous entrer en eux ». Il les laissa libres de le faire. Alors les esprits impurs sortirent, et entrèrent dans les pourceaux ; et le troupeau, qui comptait environ deux mille têtes, se précipita dans la mer du haut des falaises, et s’y noya entièrement. Les gardiens s’enfuirent, et racontèrent tout en ville et dans tout le reste du pays » (le démoniaque gérasénien. Saint Marc 5, 1-14).
Ce curieux épisode de l’évangile de Marc s’explique par les pouvoirs hypnotiques du grand rabbi Jésus dit le Nazaréen. Il était apparemment plus fort que Simon le Magicien en ce domaine. Le fragment de mythologie celtique qui va suivre, lui est très comparable, y compris jusque dans ses exagérations de littérateurs. Nous allons avoir tout au long de ce très étrange et très archaïque récit, très peu christianisé dans le fond, la parfaite illustration des pouvoirs hypnotiques que les très-sachants de la druidiaction (druidecht), primordiaux, ont très tôt reconnus aux Toutai Deuas. La baguette est sans aucun doute l’instrument utilisé pour ces hypnoses (le sujet la fixait avec attention et tombait en transe aussitôt après). D’où sa réputation et son nom de « baguette magique ». Les très-sachants de la druidiaction (druidecht), antiques, étaient donc aussi forts que Moïse à la cour du Pharaon, en ce domaine (la suggestion hypnotique).
C’est en 1784 qu’un élève de Messmer redécouvrit le somnambulisme artificiel sans crise convulsive, et permettant une communication verbale avec le sujet. Autrement dit l’hypnose. Phénomène apparemment déjà connu de l’Antiquité. L’hypnose se caractérise par un affaiblissement de la volonté à un point tel que le sujet perçoit, pense, et agit, selon les suggestions de l’hypnotiseur. Toute hypnose exige bien sûr, une certaine dose de réceptivité de la part du sujet. 1 % seulement des individus sont capables d’entrer dans une transe profonde dite aussi somnambulisme.…………………
Il ne s’agissait peut-être que de cas d’hypnoses collectives. Une hypnose apparemment ratée en l’occurrence alors que dans le cas de saint Patrice se métamorphosant lui et les siens en daims pour échapper aux sbires du roi Loegaire, ce fut une réussite (voir sa célèbre lorica intitulée justement « le cri du daim). Ou alors les chrétiens nous auraient-ils encore menti en rapportant cette légende ??? Pas possible ! Diable, à qui se fier alors ? En ce qui nous concerne, revenons à nos moutons ! N’oublions pas que nous ne prétendons nullement, à la différence des chrétiens ou des musulmans, que tout ceci est historique. Il s’agit de mythes qui mettent en scène des êtres dotés de pouvoirs surhumains par définition, qui plus est dans une société qui ne concevait pas qu’il puisse exister une coupure ontologique radicale entre le monde des hommes et celui des animaux. Et à ceux qui m’objecteront que dans le cas du judéo-christianisme ou de l’islam ce n’est pas pareil, que là c’est Dieu lui-même qui opère le miracle, alors je répondrai tout simplement que c’est la même chose dans cette légende, derrière ou au travers du bâton de Moïse (pardon, la baguette magique des druides) c’est le Dieu suprême des Celtes qui opère, à savoir le Destin ou la Loi des mondes (Tocad**, Tocade** si on veut absolument mettre ce concept au féminin).
* Sahih Boukhari tome 4, livre 54, hadith 524.
** Moyen gallois tynghed, breton tonket, vieil irlandais toicthech « fortunatus », etc. le labarum est son symbole.
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Brennos, un des fils de Taran/Toran/Tuireann, dit à ses deux frères : « avez-vous vu l’homme armé qui traversait la plaine il y a un instant ? »
« Nous l’avons vu effectivement », répondirent-ils.
« Avez-vous vu comment il a pu disparaître ? » demanda Brennos.
« Non ! » répondirent-ils.
« Quel dommage que vous ne sachiez pas mieux observer ce genre de plaine ouverte en temps de guerre », répondit Brennos. Mais je sais bien ce qui lui est arrivé : il s’est donné lui-même un coup de baguette magique pour prendre la forme d’un pourceau de ce troupeau, et il est en train de fouiller la terre comme les autres maintenant ; et où qu’il se cache, cela ne doit pas être un de nos amis ».
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« Cela ne présage rien de bon pour nous en effet », répondirent les deux autres, « car ces pourceaux doivent appartenir à un des enfants de la déesse Danu (bia) et même si nous les tuons tous, le faux porc finira par nous échapper ».
« Vos cours dans la cité des sciences (catair na fogluma) n’ont donc servi à rien », répondit Brennos « si vous ne pouvez pas distinguer une fausse bête d’une vraie ».
Ce faisant il donna un coup de baguette magique sur ses deux frères qui les transforma en fins lévriers et ils commencèrent d’aboyer avec force sur les traces du faux (draoideacta) porc. Il ne leur fallut pas longtemps pour distinguer le faux porc des autres, car lui seul essaya de s’enfuir dans un bosquet non, mais arrivé à l’orée du bois Brennos lui lança son javelot et il en fut transpercé.
Le porc s’écria : « lancer sur moi ton javelot après m’avoir reconnu est une mauvaise chose ».
« On dirait que tu parles maintenant comme un homme », s’exclama Brennos.
« Je suis un homme en effet » répondit-il, « je suis Ceno fils de Cantios, accordez-moi votre protection ».
« Nous le ferons assurément », répondirent Ivocarbos et Ivocaro, « car nous regrettons ce qui t’est arrivé ».
« Par tous les dieux du ciel » dit Brennos « même si ta vie devait te revenir sept fois, je te l’enlèverais à chaque reprise ».
« S’il en est ainsi », ajouta Ceno, « accordez-moi une ultime requête, laissez-moi réintégrer ma forme d’avant ».
« Nous le ferons », répondit Brennos « car il me sera plus facile de te tuer en tant qu’homme qu’en tant que pourceau ».
Ceno reprit donc sa propre forme et il s’écria : « Faites-moi grâce maintenant ».
Nous n’en ferons rien » répliqua Brennos.
« Je vous ai bien eu néanmoins », s’exclama Ceno « car si c’était sous la forme d’un porc que vous m’aviez tué vous n’auriez eu à verser que le prix du sang d’un pourceau ; alors que si vous me tuez sous ma propre forme maintenant, il n’y a jamais et il n’y aura jamais personne de tué pour qui une plus lourde compensation financière sera demandée. L’arme avec laquelle on me tuera, ce sera elle qui rapportera ce crime à mon fils ».
« Ce n’est point avec une arme que tu seras tué, mais avec ces pierres qui jonchent le sol », rétorqua Brennos. Et ils le lapidèrent férocement et sans pitié, jusqu’à ce qu’il ne reste plus de lui qu’un pauvre et misérable tas de chairs sanglantes, ensuite ils l’inhumèrent à six pieds sous terre ; mais la terre n’accepta pas ce parricide (fiongal) de leur part, et le rejeta. Brennos ordonna qu’on le remette encore en terre, et ils l’inhumèrent donc une seconde fois, mais là encore la terre ne voulut pas l’accueillir en son sein. Les fils de Taran/Toran/Tuireann enterrèrent le corps à six reprises, et à six reprises il fut rejeté ; mais la septième fois néanmoins la terre le garda. Ensuite ils partirent rejoindre Lug au long bras pour livrer bataille.
En ce qui concerne Lug, après avoir quitté son père il s’en était allé de Temhair/Tara en direction de l’ouest, par les collines qui furent appelées par la suite Gariton Igariton, le gué d’Iato Maqion Lugudecus sur le fleuve Shannon, qui est maintenant appelé Ath Luan, et Bernon Intargannion (Bearna na h-Eadargana, que l’on appela ensuite après cela Ros Commain). Il avait poursuivi son chemin par Luriomagos (Mag Luir), par Corsoi Sleiboi Segisas (Corrsliabh na Seaghsa), par l’extrémité de Senos Sleibos (Seantsleibhe), que l’on appela ensuite après cela Ceis Choronn, par les confins de Coronn au visage de lumière. De là il piqua des deux, tout droit sur Mara Magosia Oinaci (Magh Mor an Aonaigh), l’endroit où étaient les étrangers qui avaient avec eux le butin volé au Connaught.
Bregsos fils de Balaros se leva et dit : « c’est curieux, on dirait que le soleil se lève à l’ouest aujourd’hui, alors qu’il se lève à l’est tous les autres jours ». « Il vaudrait mieux pour nous que ce soit le soleil », répondirent les druides. « Mais encore ? » demanda Bregsos. « C’est l’éclat du visage de Lug au long bras », répondirent-ils.
Lug arriva sur eux et les salua. « Pourquoi viens-tu nous saluer comme un ami ? » demandèrent-ils. « J’ai une bonne raison pour ça, car je suis pour moitié du peuple des enfants de la déesse Danu (bia) et pour une autre moitié des vôtres. Rendez-moi maintenant les vaches à lait des hommes [d’Irlande] ». « Ça n’est pas demain la veille que tu récupèreras une vache à lait ni une vache à viande d’ailleurs », répondit l’un d’entre eux avec colère. Alors Lug jeta un charme magique sur le bétail volé
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puis renvoya toutes les vaches laitières du royaume dans leur étable, mais leur laissa les vaches à viande afin qu’ils ne quittent pas le territoire avant que les cavaliers du Sidh ne les aient surpris.
Mais Lug resta pendant trois jours et trois nuits à les surveiller le temps que les cavaliers du Sidh arrivent pour lui prêter mainforte. Dergos Boduos le fils de Suqellos Dagda Gargant vint avec vingt-neuf centaines d’hommes et lui demanda : « Qu’attends-tu pour livrer bataille ? » « Je t’attendais », répondit Lug. Ensuite il mit sur lui l’armure de Belin/Belen/Barinthus (Manannan), qui portait cette armure ne pouvait être blessé ni à travers elle, ni par en dessous, ni par au-dessus. Il mit le gorgerin de Belin/Belen autour de son cou, et il prit le casque appelé Cinnbheart : l’éclat du soleil se réfléchissant sur le heaume illuminait sa tête et il attacha sur la dossière de son armure son beau grand et protecteur bouclier bleu foncé aux armoiries figurant un hanneton, afin de protéger son corps ; il mit sa magnifique épée de défense tranchante comme un rasoir à son côté gauche ; et enfin il prit ses deux lances aux douilles larges et à la hampe épaisse, inexorablement mortelles, qui avaient été trempées dans du sang de serpent.
Les rois et les capitaines des hommes [d’Irlande] mirent leur armure, levèrent la pointe de leurs lances au-dessus de leurs têtes, et s’entourèrent d’un véritable mur de boucliers. Ensuite ils attaquèrent leurs ennemis sur Mara Magosia d’Oinacon (Magh Mor an Aonaigh) et leurs ennemis leur répliquèrent, ils se jetèrent leurs javelots les uns sur les autres, et quand ils furent tous brisés ils tirèrent leurs épées des fourreaux bordés d’acier bleu puis commencèrent à se frapper les uns les autres avec. Des tourbillons de flammes brunes (donn-lasraca) s’élevèrent au-dessus d’eux à cause du poison de leurs armes à multiples tranchants.
Lug aperçut la formation de bataille qui abritait Bregsos et lança une charge féroce contre lui et les hommes de sa garde : il fit périr deux cents des siens. Quand Bregsos réalisa la situation, il se plaça lui-même sous la protection de Lug. « Épargne ma vie maintenant et je te ramènerai le peuple entier des vouivres anguipèdes gigantesques que vous appelez Fomors pour la bataille finale de la plaine des menhirs, je le jure par le soleil la lune la mer et la terre ».
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« Et moi je jure », s’exclama Lug, « que le désir de vous tuer tous m’était venu » et Lug répéta que l’idée de les tuer tous lui était venue. « Ce ne serait pas une bonne chose » répondit Dergos Boduos, « car il n’en résulterait que mort et destruction pour nous ». « Décidément il y a trop longtemps que vous vivez dans la servitude », répondit Lug.
« Je vous aurais volontiers tués, vous aussi », leur dit Lug, « mais je préfère que vous puissiez rentrer chez vous, afin de raconter aux vôtres ce qui est arrivé plutôt que des ambassadeurs à moi de peur qu’ils ne soient déshonorés ».
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Sur ce Lug lui accorda donc la vie sauve, et les druides qui étaient avec lui demandèrent également à se placer sous sa protection. « Par mon épée » s’exclama Lug, « si le peuple entier des vouivres anguipèdes gigantesques vient pour implorer ma protection, alors je ne l’anéantirai pas ». C’est ainsi que Bregsos fils de Balaros et les druides du peuple des vouivres anguipèdes gigantesques purent rentrer dans leur pays [où ils racontèrent comment Lug avait tué tous les autres collecteurs d’impôts exceptés eux].
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Contre-lai (commentaire néo druidique) Nº 27.
Aerda. Notons au passage que jurer sur les dieux, quand on est un dieu soi-même, est quelque peu paradoxal. On retrouve le même phénomène dans le Coran où certains versets ne peuvent en aucune façon être les paroles émanant directement de Dieu. Exemples chapitre 10, verset 3, chapitre 20, verset 5 et ainsi de suite… Même chose dans la Bible évidemment. Dieu ne pouvait pas demander à Ève et Adam où ils étaient passés (Genèse 3, 9) puisqu’en tant que Dieu omniscient il le savait très bien. D’où l’absurdité de cette scène de la Bible, heureusement imaginaire. Nos frères sumériens auteurs du scénario primitif avaient beaucoup d’imagination. La conclusion est donc claire, les discours de la Bible du Coran ou des mythes druidiques, étant le fait des hommes, étant non des paroles divines, mais des paroles d’hommes, y compris dans le Coran (comment peut-on soutenir le
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contraire, le dogme du Coran incréé ?) ils ne peuvent donc qu’être truffés d’anthropomorphismes, d’images empruntées à la vie quotidienne.
Nous ne pouvons parler de Dieu qu’en nous référant à notre propre expérience, ou alors il faut se taire (même le dieu des philosophes grecs est fort discutable, le discours des philosophes grecs sur la divinité suprême est en effet un véritable galimatias).
Répondirent les druides. Anthropomorphisme. Les sociétés d’êtres surhumains que sont les dieux du ciel (aerda) ou chtoniens sont toujours imaginées sur le même modèle que les sociétés humaines : les chefs sont conseillés par des druides. Ce genre d’anthropomorphismes existent dans la Bible et même dans le Coran ainsi que nous l’avons vu (car si haut que soit un trône on n’y est jamais assis que sur le…, etc.)
N.B. Nous reviendrons sur les anthropomorphismes du Coran dans un autre opuscule, nous avons commencé par le plus important ; les mythes celto-druidiques.
Bregsos fils de Balaros. Le texte gaélique est formel. Breas mac Balair. Peut-être faut-il comprendre « petit-fils » de Balaros. De toute façon les généalogies divines ne sont jamais à prendre au pied de la lettre, ce ne sont que des conventions du langage humain destinées à traduire certaines hypothèses ontologiques concernant l’échelle des êtres (genre prudence est mère de sûreté…).
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Après avoir triomphé dans cette sanglante bataille Lug rencontra deux de ses frères et leur demanda s’ils avaient vu son père dans ce combat. « Non » répondirent-ils. « Les vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomors l’auraient-ils tué ? » demanda Lug.
« Non ! » répondirent-ils. « Je suis sûr pourtant sûr qu’il n’est plus vivant » rétorqua Lug, « et je vous en donne ma parole » ajouta-t-il, « plus aucune nourriture ni boisson ne passera dans ma bouche tant que je ne saurai pas comment est mort mon père ».
Puis il s’en alla et les cavaliers du Sidh le suivirent, jusqu’au lieu où lui et son père s’étaient séparés, puis jusqu’à l’endroit où son père s’était transformé en pourceau après avoir aperçu les fils de Taran/Toran/Tuireann. Gona annsin do labair an talam le Lug… Là la terre lui parla et lui dit « ton père a été en grand danger ici, Lug, après avoir vu les fils de Taran/Toran/Tuireann devant lui, et il a dû se métamorphoser en porc, mais c’est sous sa propre forme qu’il a été tué ».
Lug le dit alors à ses gens et ils trouvèrent le lieu où son père avait été enterré, aussi les pria-t-il de creuser à cet endroit, afin de savoir comment il était mort du fait des fils de Taran/Toran/Tuireann.
Ils sortirent le corps de la tombe et l’examinèrent, et il fut trouvé qu’il avait été littéralement réduit en charpie. Lug s’exclama donc : » c’est une mort atroce que les fils de Taran/Toran/Tuireann ont infligée à mon très cher père ». Et il lui donna trois baisers puis ajouta les paroles suivantes : « Je suis très affecté par la mort de mon père, car je n’entends plus rien avec mes oreilles, je ne vois plus rien avec mes yeux, plus aucune artère ne palpite dans mon cœur à cause du chagrin. « Ô vous dieux que j’adore » (sic) s’exclama-t-il (A dé da n-adraim) « Quel dommage pour moi de ne pas avoir été là au moment où ce crime se commettait ! Car c’est un grand crime qui a été perpétré ici, un des enfants de la déesse Danu a commis un parricide sur un autre ; on subira longtemps les conséquences d’une telle perte. Et il récita le lai suivant.
« C’est un grand coup du destin qui a donc abattu Ceno ce soir-là,
Le massacre de ce héros a aussi démembré mon corps
La route pendant un moment vers l’est, la glaise pendant un moment vers l’ouest (????)
La Verte Érin ne connaîtra plus que le mal désormais.
L’assassinat de Ceno le champion du maniement des armes (cleas)
M’a fait perdre toute vigueur
Mon visage s’est assombri
Mon esprit est atteint (claon).
On a creusé sa tombe
Les enfants de Taran/Toran/Tuireann l’ont tué ;
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Les enfants de la Déesse Danu (bia) en seront tout désemparés
À la recherche de leur force et affaiblis ».
Ensuite ils remirent en terre Ceno une deuxième fois, des lamentations funèbres furent exécutées sur sa tombe, et une pierre tombale fut élevée sur elle, son nom y fut gravé en runes oghamiques. Ensuite Lug déclara :
« Ce tumulus sera désormais appelé du nom de Ceno,
Bien qu’il soit situé en un lieu désolé ;
C’est un grand forfait qui a été perpétré ici
Un fratricide commis sur un des enfants de la déesse Danu (bia).
Ce sont les fils de Taran/Toran/Tuireann qui ont commis ce forfait,
Je vous le dis par souci de la vérité ;
Et je vous le dis, car c’est bien la vérité,
Je me dresserai contre leurs fils et contre leurs descendants mâles.
Les trois fils de Cantios, quel brave parti,
Et les enfants de Taran/Toran/Tuireann Begreann
C’est à cause d’eux qu’est arrivée la mort de Ceno,
Car ils étaient d’égale valeur guerrière ????(A m-beit comard a coimceim.)
Dans ma poitrine mon cœur s’est brisé,
Depuis que Ceno le champion ne vit plus,
Car en ce qui concerne les fils de Deluato il n’est pas faux de dire
Qu’ils vont tous être suppliciés !
Après avoir improvisé ce lai, Lug s’exclama : « Il ne sortira de cette mauvaise action que du malheur pour les enfants de la déesse Danu (bia) et il y aura pendant longtemps des fratricides après cela ; je suis révulsé par le crime qu’ont commis les enfants de Taran/Toran/Tuireann ». Ensuite il dit à ses gens : « Allez à Temhair/Tara retrouver le roi et les enfants de la déesse Danu (bia), mais ne laissez pas cette nouvelle s’ébruiter tant que je n’en aurai pas parlé moi-même ».
De retour à Temhair/Tara Lug s’assit à la place d’honneur à côté du roi. Il regarda autour de lui et aperçut les fils de Taran/Toran/Tuireann : c’étaient les plus agiles et les plus adroits, les plus beaux, aussi bien que les plus honorés, de tous ceux qui étaient à Temhair/Tara ; et c’étaient en outre ceux qui avaient le bras le plus puissant dans les batailles contre les vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomors. Lug ordonna que la chaîne d’attention du château (slabrad eisteaitha na catrac) soit agitée, il en fut fait ainsi et tous écoutèrent. Lug demanda : « à quoi faites-vous attention maintenant, ô enfants de la déesse ?« À toi évidemment », répondirent-ils. « Je vais maintenant poser la question suivante à vos chefs : « de quelle façon vous vengeriez-vous de ceux qui auraient tué votre père ? » Tous furent abasourdis d’entendre ça, le roi fut le premier à lui répondre, et ce qu’il lui dit fut ceci : « qu’est-ce à dire, puisque ce n’est pas ton père qui a été tué ? » « Il l’a été » répondit Lug, et la bande qui l’a cruellement assassiné est ici, ils savent mieux que moi comment ce meurtre a été perpétré ».
Le roi répondit : « Moi je ferais mourir à petit feu celui qui aurait tué mon père, car je lui arracherais chaque jour un membre jusqu’à ce qu’il meure devant moi, si je pouvais bien sûr ! » Les nobles répondirent tous la même chose et les enfants de Taran/Toran/Tuireann firent de même. « Ceux qui ont tué mon père sont aussi d’accord avec cela », constata Lug, alors qu’ils me versent la compensation financière prévue dans ce cas puis que tous les enfants de la déesse Danu (bia) sont réunis dans cette maison. Mais s’ils ne le font pas, je respecterai les lois du roi ainsi que son hospitalité ; néanmoins je suis sûr qu’ils n’oseront pas quitter la Maison du Milieu (Miodcuarta ?) sans avoir négocié avec moi » « Si j’avais tué ton père » dit le roi, « je serais heureux de voir que tu te contentes d’une compensation financière de ma part ».
« C’est pour nous que Lug dit cela », se chuchotèrent entre eux les enfants de Taran/Toran/Tuireann.
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« Avouons-lui le meurtre de son père », dirent Ivocaros et Ivocarbos « car il n’a pas cessé de chercher des nouvelles de son père jusqu’à maintenant, jusqu’à ce qu’il ait appris sa mort ». « Mais on peut craindre » rétorqua Brennos, qu’il recherche de notre part un aveu public mais qu’ensuite il n’accepte pas de compensation financière ». « Nous lui avouerons l’assassinat », répondirent les deux autres fils « ou alors, fais-le toi-même puisque tu es l’aîné ». « Je vais le faire », répliqua Brennos le fils de Taran/Toran/Tuireann. Et sur ce il s’écria : « C’est pour nous que tu dis cela, O Lug, car tu te rappelles que c’est nous qui nous sommes élevés les armes à la main contre les enfants de Cantios auparavant, mais bien que nous n’ayons pas tué ton père ; nous te verserons néanmoins une compensation financière pour lui, comme si nous l’avions fait ». « J’accepterai une compensation de votre part même si vous ne le pensiez pas qu’il en serait ainsi », répondit Lug, « et je vais vous dire quoi maintenant, et si vous trouvez que c’est trop, je vous en ferai grâce d’une partie ».
« Nous t’écoutons », répondirent-ils. « Voici » répondit Lug. « Trois pommes, la peau d’un porc, une lance, deux chevaux, un char, sept pourceaux, un chiot, une broche à cuire, et trois cris sur une colline ; voilà la compensation que je vous demande, si vous estimez qu’elle est trop lourde, je peux immédiatement vous faire cadeau d’une partie, mais si vous ne l’estimez pas trop lourde, alors payez-la ».« Nous ne la considérons pas trop lourde », répondit Brennos, le fils de Taran/Toran/Tuireann « mais nous pensons que cela doit être une ruse de ta part afin de nous faire périr vu le peu d’importance de cette compensation, et nous n’aurions pas considéré comme trop lourd pour nous (en tant que compensation à payer) trois cent mille pommes, le même nombre de peaux de porc, une centaine de lances, une centaine de coursiers, une centaine de pourceaux, une centaine de chiens, une centaine de broches à rôtir, et une centaine de cris à pousser sur une colline ».« Je ne pense pas que ce que je vous ai imposé comme compensation soit peu de chose », répondit Lug. Je prends à témoin les enfants de la déesse Danu (bia) que je ne vous en demanderai pas plus et que je m’en tiendrai loyalement à cela. Garantissez-moi la même chose en choisissant vos témoins également parmi eux ! » « Quelle honte », répondirent les enfants de Taran/Toran/Tuireann « de considérer que de toutes les garanties du monde la nôtre ne suffit pas ! » « Votre garantie ne suffit pas », rétorqua Lug, car il arrive souvent que des gens comme vous promettent de payer une amende et ensuite essaient d’y échapper ». Les enfants de Taran/Toran/Tuireann prirent le roi et Dergos Boduos le fils du Suqellos Dagda Gargant ainsi que tous les nobles du peuple des enfants de déesse Danu (bia), comme garants du paiement de cette compensation à Lug. « Le mieux pour moi maintenant » reprit Lug, est de vous donner plus de détails propos de cette compensation dont vous devrez vous acquitter ». « Oui effectivement », répondirent-ils.
« Bien » reprit Lug « les trois pommes que je vous ai demandées, ce sont trois pommes du Jardin des Hespérides en Orient ; et je n’accepterai que ces pommes-là, car ce sont les meilleures et les plus belles du monde, et voici comment elles se présentent : elles ont la couleur de l’or bruni (orsloigte) et elles ont la grosseur de la tête d’un enfant d’un mois ; elles ont le goût du miel quand on les mange ; elles ne laissent (subsister) ni blessures sanglantes ni maladies malignes sur celui qui en mange, elles ne diminuent jamais même quand on en mange tout le temps, et celui qui en jette une accomplit un exploit de choix, car la pomme lui revient ; et si braves que vous soyez, O noble trio de guerriers, je pense que vous ne pourrez pas (ce que je ne regrette pas d’ailleurs) obtenir ces pommes de celui qui les détient ; car il existe dans leur pays une prophétie qui leur dit que trois jeunes chevaliers viendront un jour de l’ouest de l’Europe pour leur prendre ces pommes de force.
La peau de porc que je vous ai demandée, c’est la peau du porc que détient Dovis, le roi de Grèce ; elle guérit et remet sur pied tous les blessés ou les infirmes du monde, aussi chancelant (que puisse être leur état de santé) pourvu qu’il y ait encore un souffle de vie en eux ; telle était la nature de ce porc que toute eau qui passait en lui se transformait en vin durant neuf jours, et que toutes les blessures qu’il touchait se retrouvaient guéries. Mais les druides de Grèce trouvèrent que ce n’était pas dans le porc lui-même que résidait un tel pouvoir, mais dans sa peau. Il fut donc dépiauté par eux et la peau soigneusement gardée. Là aussi je pense qu’il ne vous sera pas facile de l’obtenir d’eux, que ce soit de bon gré ou malgré eux. Et savez-vous quelle est la lance que je vous demande ?
« Non, pas du tout ! » répondirent-ils. « C’est la lance trempée dans un très violent poison que possède Pisear, le roi de Perse, et que l’on appelle Areateburo. On accomplit toujours d’extraordinaires faits d’armes avec elle, mais sa pointe doit toujours être plongée dans un chaudron rempli d’eau afin que le château dans lequel on la garde ne soit pas brûlé ; et là encore il vous sera bien difficile de l’avoir.
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Contre-lai (commentaire néo druidique) Nº 28.
Compensation financière. Nous traduisons ainsi le terme gaélique eiric.
Maison du milieu ou maison de l’hydromel. Voir ce qu’en disent les spécialistes.
Les druides de Grèce. Il n’y a jamais eu de druides en Grèce, mais en Galatie voisine (appelés dikastes en grec).
Dovis le roi de Grèce, Piséar roi de Perse. À se demander si toutes ces destinations exotiques ne sont pas des souvenirs de lointaines expéditions des guerriers celtes de jadis à Delphes ou ailleurs (dans l’actuelle Turquie) voire dans les armées d’Alexandre, la garde du roi Hérode selon Flavius Josèphe, etc. déformés par les bardes errants qui en colportaient les récits.
Areateburo. D’où l’utilisation, dans certains rituels, de chaudrons ou de graals pleins d’eau voire de sang, pour conserver la lance de Lug de cette façon, avant utilisation.
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« Et savez-vous quels sont les deux coursiers ainsi que le char que j’aimerais que vous me rameniez ? »« Non ! » répondirent-ils.« Ce sont les deux nobles et magnifiques palefrois » »répondit-il « que possède Dubricios le roi de Sicile, terre et mers leur conviennent tout aussi bien ; et il n’y a pas plus rapides ni plus puissants coursiers que ceux-ci ; il n’existe pas de char mieux fait plus beau ni plus solide, et bien que ces coursiers soient souvent tués ; on les retrouve intacts le lendemain pourvu que leurs os aient été réunis ; là aussi je pense qu’il ne sera pas facile pour vous de les obtenir. Et savez-vous quels sont les sept pourceaux que je vous demande ; ce sont les porcs que possède Assalos le roi des Colonnes d’Or (Tartessos ?) » poursuivit Lug « bien qu’ils soient tués tous les soirs, on les retrouve vivants le lendemain matin, et aucune maladie ni blessure n’affecte jamais celui qui en mange ».
Quant au chiot que je vous ai demandé, c’est le petit chien du roi du sud de la Norvège ? (Ioruaidh) On l’appelle Vailinios. Rien qu’en le voyant, tous les animaux du monde tombent à la renverse ; et il vous sera difficile de l’avoir.
La broche à rôtir que je vous ai demandée c’est une des broches que possèdent les femmes de l’île de Vindocaros.
Et enfin les trois cris que je vous ai demandé de pousser sur une colline, devront être lancés sur la colline de Meduocanios située dans le nord de Loccolandon (la Scandinavie), un sort magique (geis) enjoint en effet à Meduocanios et à ses enfants de laisser pousser des cris sur cette colline. Mon père a fait son apprentissage chez eux et si moi je pouvais vous pardonner ce meurtre, eux ne vous pardonneront pas volontiers, même si vous réussissiez à parvenir jusque-là, je pense qu’ils vengeront sa mort. Telle est la compensation que je vous demande » conclut Lug.
La consternation et le désespoir s’abattirent alors sur les enfants de Taran/Toran/Tuiran au fur et à mesure que Lug détaillait la composition à payer : ils revinrent chez leur père et lui apprirent ce qu’on leur avait imposé. « Ce sont là de bien mauvaises nouvelles » répondit Taran/Toran/Tuireann « et vous ne trouverez que mort et perdition dans cette quête des objets composant l’amende réclamée, et ce sera bien fait pour vous. En outre, s’il plaît à Lug, vous obtiendrez peut-être tous les objets de cette liste, à force de sacrifices, mais tout le monde échouerait dans cette entreprise, sauf en ayant les pouvoirs de Belin/Belen/Barinthus (Manannan) ou de Lug lui-même. Aussi allez lui demander qu’il vous prête l’Aonbharr (la monture) de Belin/Belen/Barinthus ; il ne vous la donnera pas ; car i vous répondra qu’elle ne lui appartient pas, et qu’il ne saurait prêter ce qui lui a été seulement prêté ; mais ensuite, demandez-lui qu’il vous prête la barque (coracle) de Belin/Belen/Barinthus appelée Scopa Tondnas et là il vous la prêtera, car un sort magique (geis) l’oblige à satisfaire toutes les deuxièmes requêtes qu’on lui adresse ».
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Les enfants de Taran/Toran/Tuireann allèrent retrouver Lug et le saluèrent bien bas ; puis ils lui dirent qu’ils étaient dans l’incapacité de payer l’amende sans sa propre assistance et que, par conséquent, ils aimeraient bien obtenir de lui le prêt de l’Aonbharr de Belin/Belen/Barinthus/Manannan. « Je ne possède ce coursier », répondit Lug, « que dans la mesure où on me l’a prêté ; il n’est pas vraiment à moi, je ne saurais prêter ce qui m’a été prêté ».
« Bien » répondit Brennos « alors, prête-nous la barque (coracle) de Belin/Belen/Barinthus »
« Vous l’aurez » répondit Lug.
« Où se trouve-t-elle », demandèrent-ils.
« Au château de la Boinne », répondit Lug.
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Contre-lai (commentaire néo druidique) Nº 29.
Les Colonnes d’Or. Peut-être les Colonnes d’Hercule. Ce qui nous ramènerait à la fameuse légende du roi celte de Tartessos appelé Arganthonios. Ou alors tout simplement une influence de la littérature grecque classique ?
La source ou le puits de la Segais appelée ensuite Boinne (du vieux celtique Boanda ou Bovinda) était considéré comme une des entrées ou sorties de l’Autre Monde en Irlande. La source de la Sequana (Seine) sur le Continent, elle aussi, était tenue pour un lieu de communication privilégié avec l’Autre Monde, d’où le sanctuaire aménagé en ce lieu. Le radical sec/seg – commun à ces deux noms de rivière est un très ancien radical hydronymique, peut-être associé à cette idée de communication privilégiée avec l’Autre Monde (souterrain en l’occurrence) par l’intermédiaire des sources. Car ce que nous montre très bien en tout cas une étude attentive des mythes celtes, c’est que l’autre monde des dieux ou des démons, des fées ou des anges, est en réalité partout dans l’univers, à l’extérieur de l’Homme voire en lui-même. Et que la localisation ici et là, au ciel ou dans les profondeurs infernales, dans des îles situées au nord du Monde, dans des îles situées à l’ouest du Monde, bref dans des îles lointaines ; n’est qu’une commodité de langage pour les pauvres humains que nous sommes, une convention de poètes. Le Brug na Boinne était donc en lui-même une porte d’entrée ou de sortie de l’autre monde et la source de la Seine aussi pour ce qui est du Continent : un lieu de communication privilégiée avec l’au-delà.
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Ils revinrent chez Taran/Toran/Tuireann et Eithne, leur sœur ; et leur racontèrent qu’ils s’étaient procuré la barque. « Vous n’êtes guère plus avancés maintenant », dit Taran/Toran/Tuireann, « car même si Lug a besoin que vous lui rapportiez chacun des objets de cette liste pour s’en servir lors de la bataille de la plaine des menhirs, ce qu’il aimerait encore plus que tout avoir c’est ce dont il n’a pas besoin, à savoir que vous finissiez par disparaître dans cette quête ».
Ils s’en allèrent ensuite en laissant Taran/Toran/Tuireann dans la peine et attristé. Eithne les accompagna jusqu’au havre dans lequel se trouvait la barque. Brennos monta dans le coracle et s’exclama : « il n’y a pas de place pour quelqu’un d’autre à côté de moi » et il commença de grommeler contre la barque.
« Tu ne devrais pas t’en prendre au coracle », s’exclama Eithne. « Très cher frère » poursuivit-elle, « c’est un forfait que tu as commis, assassiner le père de Lug au Long Bras, et quel que soit le mal qui en sortira pour vous, cela sera mérité ». Ensuite elle récita le lai suivant :
« Criminel est ce que vous avez fait,
O vous noble et généreux trio :
Le père de Lug au Long Bras
Que vous l’ayez tué me fait beaucoup de peine.
« Ô, Eithne, ne dis pas cela,
Car nous avons le moral, et nous agirons en braves
Nous préférons mille fois être tués
Que mourir en lâches ou en poltrons ».
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« Partez en quête de ces pays et de ces îles lointaines,
Jusqu’aux rivages de la Mer Rouge.
Il n’y a pas de plus triste malheur, hélas
Que votre exil loin hors de notre île.
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Contre-lai (commentaire néo druidique) Nº 30.
Cette Eithne a-t-elle un rapport avec la célèbre Etana mère de Lug ou avec la non moins célèbre Etanna de l’Altrom tige da medar ou nourriture de la maison des deux seaux à lait ? Dans ce cas elle ne serait pas fille de Balar/Balaros. Aux spécialistes de voir. Il y a eu peut-être une sorte de révolution religieuse en Irlande par rapport à la Grande-Bretagne et au Continent.
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Après qu’elle eut dit cela le trio de guerriers largua les amarres et s’éloigna des côtes finement découpées de la Verte Érin. « Quelle route allons-nous prendre maintenant ? » se demandèrent-ils (les uns les autres). « Nous nous mettrons d’abord en quête des pommes », répondit Brennos « car c’est ce que l’on nous a demandé en premier ». « Conformément à ce que nous te demandons, O barque de Belin/Belen/Barinthus/Manannan, qui est sous nos pieds » ajouta-t-il « conduis-nous maintenant au Jardin des Hespérides ».
Et cet ordre ne manqua pas d’être exécuté par la barque comme à son accoutumée, car elle mit le cap droit sur cette destination et fit voile sur la crête des vagues couleur émeraude jusqu’au port et au havre de la terre des Hespérides. Et alors qu’ils arrivaient là-bas, Brennos demanda donc à ses frères : « Comment voulez-vous gagner le Jardin des Hespérides maintenant , car il me semble qu’il est gardé par des champions et des guerriers, avec le roi lui-même à leur tête ».« Ce qu’il faut faire », répondirent les autres enfants de Taran/Toran/Tuireann « mais attaquer ensuite si nous sommes plus forts qu’eux leur enlever de vive force les pommes, ou mourir pour elles, si nous ne pouvons pas échapper à ce péril qui nous menace en évitant de mourir sur place ».
« Au lieu de cela », leur répondit Brennos, « il vaudrait mieux que soient célébrés notre réputation et notre renom, et que notre ingéniosité ou notre courage soit l’objet de maints récits, plutôt que notre folie et notre lâcheté soient moquées partout y compris à l’étranger. Et donc voici plutôt la résolution qu’il conviendrait en l’occurrence que nous prenions, à savoir nous rendre dans ce jardin sous la forme de puissants et rapides faucons ; ses gardes n’ont que des armes légères à utiliser contre nous ; tout en prenant soin grâce à notre agilité ou notre grande mobilité de les éviter ; ensuite quand ils auront décoché sur nous tout ce qu’ils avaient dans les mains de susceptible d’être lancé, alors descendons en piqué sur les pommes, et que chacun d’entre vous en prenne une ; et si je peux moi j’en prendrai deux, à savoir une pomme dans mes serres et une pomme dans mon bec ».
Ils applaudirent à ce conseil et Brennos les frappa tous les trois d’une de baguette de transformation magique (fleisg doilbte), afin d’en faire de magnifiques et incomparables faucons ; et ils commencèrent à fondre sur les pommes. Le corps de garde les aperçut et ils poussèrent de grands cris à la cantonade ; ils leur lancèrent une nuée de traits empoisonnés mortels ; mais les frères se tinrent hors d’atteinte ainsi que Brennos leur avait enjoint de le faire, jusqu’à ce que le détachement de gardes eut épuisé tous les projectiles qu’ils avaient en main ; ensuite ils descendirent en piqué sur les pommes avec un courage extraordinaire. Brennos emporta deux pommes et chacun des deux autres une pomme chacun, ensuite ils disparurent au loin sains et saufs, sans la moindre blessure. La nouvelle fit le tour de tout le pays et parvint au château.
Le roi du pays avait trois filles habiles et rusées ; elles se transformèrent en autant de griffons et poursuivirent les faucons au large. Elles jetaient des éclairs de feu devant et derrière elles ; et ces traits de feu les brûlaient dangereusement. « Nous sommes dans une très mauvaise passe », se
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dirent les enfants de Taran/Toran/Tuireann, « car nous allons être complètement brûlés par ces jets de flammes si nous ne trouvons pas rapidement un moyen d’y échapper ». « Je vais faire ce que je peux pour vous venir en aide », leur cria Brennos. Et il se donna donc à lui ainsi qu’à ses frères un coup de baguette magique qui les métamorphosa tous les deux, ainsi que lui-même, en cygnes, ensuite ils plongèrent sous l’eau. Les griffons s’en allèrent et les enfants de Taran/Toran/Tuireann regagnèrent leur barque.
Après cela ils décidèrent d’aller en Grèce chercher la peau ; de gré ou de force (si nécessaire). Ils se mirent donc en route jusqu’à ce qu’ils soient en vue du château du roi de Grèce. « Sous quelle forme allons-nous y entrer ? » demanda Brennos. « Sous quelle autre apparence pourrions-nous nous présenter là », répondirent les autres fils « si ce n’est sous notre propre forme ? » « Cela ne me semble pas être une bonne idée » rétorqua Brennos « allons-y plutôt déguisés en poètes et en hommes de lettres gaëls, car c’est ainsi que nous serons le plus estimés ou tenus en honneur par le noble peuple de Grèce ».
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Contre-lai (commentaire néo druidique) Nº 31.
Poètes. Le texte gaélique spécifie ceangal filead c’est-à-dire « bandeau des vellèdes ». Mais il est vrai qu’à l’époque de la mise par écrit de ce mythe panceltique, le terme avait sans doute perdu toute sa connotation religieuse druidique.
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« Il nous est difficile de faire ça », répondirent-ils, « car nous ne savons aucun poème et nous savons encore moins comment faire pour en composer un ». Ils nouèrent néanmoins le bandeau des poètes autour de leur front et ils frappèrent à la porte du château, l’huissier inquisiteur gardien des portes leur demanda qui était là. « Nous sommes des poètes » répondirent-ils « et nous venons avec un poème pour le roi ». L’huissier inquisiteur gardien des portes parti annoncer au roi que des poètes professionnels étaient à la porte. Qu’on les fasse entrer » répondit le roi « car c’est pour trouver un bon mécène qu’ils sont venus de leur si lointain pays jusqu’ici ». Puis le roi ordonna que le palais soit arrangé pour eux, afin qu’ils puissent mettre dans la relation de leur voyage qu’ils n’avaient jamais vu au cours de leurs pérégrinations lieu plus grandiose. Les enfants de Taran/Toran/Tuireann furent donc admis en tant que poètes, et commencèrent à boire et à se réjouir tout à la fois, estimant du coup qu’il n’y avait nulle part dans le monde entier ou qu’ils n’avaient jamais vu nulle part une cour aussi remarquable, ni une maisonnée aussi nombreuse, ni un tel déploiement d’attentions. Puis les poètes officiels du roi se levèrent pour réciter leurs lais devant le public. Brennos, le fils de Tarann/Toran/Tuireann, demanda donc à ses frères de déclamer un poème pour le roi. « Nous ne connaissons pas de poème » répondirent-ils « et ne nous demande de faire que ce pour quoi nous avons été formés, c’est-à-dire prendre à la force de nos bras ce que nous voulons si nous sommes les plus forts, et succomber si au contraire ce sont nos adversaires les plus forts ». « Ce n’est certes pas là une manière très heureuse de composer un poème », rétorqua Brennos. Sur ce il se leva et demanda le silence afin de scander un poème ; tous l’écoutèrent et voici ce qu’il improvisa.
« O Dovis, nous ne cèlerons pas ta renommée,
Tu es loué comme le chêne au-dessus de tous les rois ;
Une peau de porc, abondance sans rigueur ? (cruas)
Est la récompense que je demande.
La guerre d’un voisin contre une oreille ???
La belle oreille de son voisin sera contre lui ???
Celui qui nous donne de ses biens,
Sa cour ne peut pas être celle de la pénurie.
Une troupe déchaînée ainsi qu’une mer démontée
Sont (comme) une épée pointée sur vous
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Une peau de porc, abondance sans rigueur ? (cruas)
Telle est la récompense que je te demande, O Dovis ».
« C’est un bon poème », dit le roi « mais je ne comprends pas un traître mot de sa signification ».
« Je vais t’expliquer ce qu’il signifie » reprit Brennos.
« O Dovis, nous ne cèlerons pas ta renommée,
Tu es loué comme le chêne au-dessus de tous les rois ».
Autrement dit, de même que le chêne surpasse tous les arbres de la forêt, tu dépasses tous les autres rois de ce monde pour ce qui est de la valeur de la noblesse et de la générosité.
« Une peau de porc, abondance sans rigueur »
Autrement dit, la peau de porc que tu possèdes, c’est ce que je désirerais obtenir en guise de récompense pour mon poème.
« La belle oreille de son voisin sera contre lui »
« C’est-à-dire que toi et moi serons oreille contre oreille, ou contre l’oreille de l’autre à propos de cette peau, à moins que je ne l’obtienne spontanément de toi ; tel est le sens de mon poème » finit par conclure Brennos le fils de Taran/Toran/Tuireann.
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Contre-lai (commentaire néo druidique) Nº 32.
Toi et moi serons oreille contre oreille. Il y a dans le texte gaélique un jeu de mots entre les termes « o » et « cluas » difficilement traduisible dans notre langue. Cluas en tout cas signifie « oreille ».
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« J’aurais beaucoup apprécié ton poème », dit le roi, « s’il n’y avait pas été autant question de ma peau (de porc) ; et tu es fou, bel artiste », ajouta-t-il, « de me faire cette requête , car je ne la donnerai pas serait-ce aux poètes aux hommes de l’art (d’fileadaib agus d’aos dana) aux princes et aux grands seigneurs du monde entier, à moins qu’ils ne soient capables de me l’arracher des mains ; mais je te donnerai trois fois le contenu de cette peau en or rouge afin de te récompenser de ton poème ».
« Sois béni », répondit Brennos. Je savais bien qu’il n’était pas facile de satisfaire à cette requête, par contre je savais bien aussi que j’en obtiendrais un bon paiement ; mais je suis si âpre au gain que je n’accepterai que si cet or est mesuré devant moi ; loyalement et fidèlement, avec ladite peau ». Les serviteurs et les intendants du roi furent envoyés avec eux dans la salle aux trésors afin de peser l’or. « Mesure d’abord deux fois le contenu de cette peau pour mes frères » dit Brennos, et le dernier plein rempli à ras bord sera pour moi, car c’est moi qui ai composé le poème ».
Mais en arrivant sur place Brennos enleva la peau d’un geste rapide et avide de la main gauche puis sortit son épée et en donna un coup à l’homme qui était juste à côté de lui, de sorte qu’il le coupa en deux par le milieu ; il s’empara de la peau et se drapa dedans ; le trio quitta la cour en décimant de toutes parts les troupes qu’ils rencontraient de sorte que pas un seul de leurs seigneurs n’en réchappa, leurs champions furent tous blessés gravement et leurs guerriers tués.
Ensuite Brennos se rendit là où se trouvait le roi de Grèce en personne, et ce dernier l’attaqua aussitôt, de sorte qu’ils se livrèrent l’un l’autre un combat de champions, âprement contesté, intrépide, mais sa conclusion fut que le roi de Grèce tomba sous les coups de boutoir de Brennos, le fils de Taran/Toran/Tuireann. Quant aux deux autres, ils commencèrent par tuer ou massacrer les troupes qui les assaillaient de tous côtés, jusqu’à ce qu’ils en aient fait un indescriptible carnage dans le château, qu’ils finirent ainsi par conquérir complètement. Ils demeurèrent sur place trois jours et trois nuits pour s’y reposer de leurs efforts et du grand massacre (qu’ils avaient fait).
Ils considérèrent ensuite qu’il valait mieux pour eux partir directement à la recherche d’un autre élément de la compensation, et les frères demandèrent donc à Brennos où ils devaient se rendre en premier. « Allons chez Pisear le roi de Perse », répondit Brennos « afin d’y prendre la lance qu’il
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détient ». Ils regagnèrent donc leur barque (coracle) et laissèrent derrière eux les plages de Grèce bordées de flots bleus. Ils se dirent alors : « Ce n’est déjà pas mal pour nous d’avoir les pommes et la peau ». Puis ils maintinrent le cap jusqu’aux rivages de Perse. « Sous quelle apparence allons-nous entrer dans le château du roi de Perse ? » demanda Brennos. « Sous quelle apparence y aller si ce n’est sous notre propre forme », répondirent les autres fils. « Ce n’est pas ce qui me semble le mieux », rétorqua Brennos, « mais allons-y comme des artistes ainsi que nous l’avons fait avec le roi de Grèce. « Nous sommes d’accord avec cette idée » répondirent-ils « vu le succès que nous avons rencontré la dernière fois que nous avons fait de la poésie, bien qu’il soit difficile pour nous de nous revendiquer d’un art que nous ne possédons pas ».
Ils mirent le bandeau (ceangal) des poètes (véllèdes) autour de leur front et se présentèrent à la porte du château en sollicitant leur admission. L’huissier inquisiteur gardien des portes leur demanda qui donc ils étaient ainsi que leur pays.
« Nous sommes des poètes gaëls » répondirent-ils » et nous sommes venus avec un poème pour le roi ». Ils furent admis à l’intérieur et le roi ainsi que les princes de son peuple leur souhaitèrent donc la bienvenue ; on les fit asseoir à la place d’honneur auprès du roi lui-même. Puis les poètes se levèrent pour réciter ou chanter leurs œuvres. Brennos le fils de Taran/Toran/Tuireann demanda donc lui aussi à ses frères de se lever afin de réciter ou scander un poème pour le roi. « N’attends pas de nous que fassions preuve d’un art que nous ne possédons pas » répondirent-ils, « mais si tu le veux, nous ferons une démonstration du seul art que nous possédons, à savoir la bagarre et l’échange de coups vigoureux et musclés ». « Ce serait là effectivement un rare exercice de poésie » répliqua Brennos « mais puisque j’ai moi-même un poème en tête, je vais le scander pour le roi » et il déclama le poème suivant.
« Piséar ne s’occupe guère des lances
Les assauts de ses ennemis sont brisés,
Aucun de ceux qu’il blesse
Ne peut plus opprimer Piséar.
Un if, qui est le plus bel arbre des bois
Est sans conteste désigné sous le nom de roi
Puisse donc sa splendide hampe leur infliger
À tous des blessures mortelles ».
« C’est un beau poème », dit le roi « mais je ne comprends pas ce que veut dire la référence ou la mention concernant ma lance dedans, poète venu de la Verte Érin ».
« Ce que cela signifie » répondit Brennos, le fils de Taran/Toran/Tuireann « c’est que la récompense que je souhaiterais obtenir pour mon poème c’est la lance que tu possèdes ».
« Tu as été bien mal avisé de requérir un tel don de ma part », répondit le roi, « car les nobles ou les hauts personnages du pays pour un poème ne te feront jamais un plus grand honneur ou une plus grande faveur que de ne pas te juger digne de la peine de mort sur le champ ».
Après avoir entendu ce discours de la part du roi, Brennos se souvint de la pomme qu’il avait sur lui et il la jeta sur le roi sans le manquer, faisant (ainsi) jaillir sa cervelle au travers du crâne. Il dégaina (ensuite) son épée et commença de massacrer les troupes autour de lui ; les deux autres firent de même et se mirent à l’aider avec courage et vaillance en faisant un carnage de tous les gens du château qu’ils rencontraient. Ils trouvèrent la lance la pointe dans un chaudron plein d’eau afin qu’elle ne mette pas le feu au château. Les enfants de Taran/Toran/Tuireann se dirent alors que le moment était venu pour eux de se mettre en quête d’un autre objet faisant partie de l’énorme compensation qu’ils devaient payer. Ils sortirent donc du château et se demandèrent l’un l’autre où ils devaient maintenant aller.
« Allons chez Dubricios, le roi de l’île de Segora », dit Brennos « car il a les deux palefrois et le char que Lug nous a demandés ». Ils se mirent ensuite en route en emportant la lance ; nos trois champions rayonnaient de joie et avaient un moral d’acier après l’exploit qu’ils avaient accompli et le massacre qu’ils avaient fait, ils poursuivirent leur chemin jusqu’au château du roi de l’île de Segora.
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« Sous quelle forme allons-nous y aller », demanda Brennos. « Sous quelle forme devons-nous-y aller, mais sous notre propre forme », répondirent-ils. « Ce n’est pas ce qui serait le plus approprié (pour nous) » rétorqua Brennos « mais allons-y déguisés en mercenaires gaëls et nous nous mettrons au service du roi, car ainsi nous pourrons savoir où les palefrois et le char sont gardés ». Après s’être résolus à suivre cette idée, ils se rendirent sur la pelouse qui s’étendait devant le château du roi.
Le roi les princes et les grands seigneurs du pays vinrent à leur rencontre en fendant la foule impressionnante (de leurs sujets) qui était rassemblée là et les enfants [de Taran/Toran/Tuireann] rendirent hommage au roi. Le roi en retour leur demanda des nouvelles, qui donc ils étaient ou quel était leur pays ? Leur réponse fut qu’ils étaient des mercenaires gaëls. « Voulez-vous rester avec moi quelque temps », demanda le roi. « C’est ce que nous désirons », répondirent-ils. Et ils signèrent un contrat ou un accord avec le roi. Ils restèrent dans cette cour un mois et quinze jours, mais ne virent pas une seule fois les coursiers durant ce temps-là. Brennos dit alors : « l’affaire tourne mal pour nous, mes très chers frères ! Car nous n’avons pas plus d’informations sur les chevaux que le premier jour où nous sommes arrivés dans ce château ». « Que souhaiterais-tu faire alors ? » demandèrent les deux autres. « Et bien ceci » répondit Brennos « Prenons nos lames nos armes et nos bagages, et allons retrouver le roi pour lui dire que nous quitterons cette terre et son pays à moins qu’il ne nous montre ses destriers.
Ils s’avancèrent donc en grand arroi devant le roi qui leur demanda ce qu’ils faisaient ainsi équipés. « Tu vas le savoir, O grand roi » répondit Brennos « c’est parce qu’en tant que mercenaires gaëls nous sommes habitués à être les gardiens et les hommes de confiance des rois qui nous couvrent de bijoux et dont nous sommes les conseillers ou les confidents, les véritables stratèges des troupes dont nous faisons partie, mais ce n’est pas ainsi que tu t’es comporté avec nous depuis que nous sommes arrivés, car tu as deux pur-sang et un char, qui sont les meilleurs du monde, nous a-t-on assuré, mais nous ne les avons pas encore vus ».« C’est une bien mauvaise raison que vous me donnez là pour justifier votre départ », répondit le roi « et je vous aurais montré ces chevaux dès le premier jour si j’avais pensé un seul instant que tel était votre désir » ; mais maintenant puisque c’est ce que vous voulez, je vais vous les montrer ; car il n’est jamais venu dans mon château mercenaires qui me soient plus chers que vous ainsi qu’à tous les princes de ce pays ». Et ensuite il envoya quelqu’un demander qu’on prépare les chevaux et qu’on les attelle au char, avec eux sa course fut aussi rapide que le rude vent frais du printemps, car ils étaient aussi à l’aise sur la mer que sur les terres. Brennos observa les coursiers, il arrêta le char et attrapa son aurige par les chevilles puis lui fracassa le crâne contre un rocher qui était juste à côté, avec ce résultat que la mort s’ensuivit aussitôt ; il sauta dans le char et jeta son arme sur lui ce qui lui fendit le cœur dans la poitrine ; ensuite lui et ses frères se jetèrent sur la garnison du château qu’ils massacrèrent.
Arrivés à la fin de cet affrontement Ivocaros et Ivocarbos se demandèrent où ils devaient aller cette fois-ci. « Il nous faudrait aller chez Adsallos, le roi des Colonnes d’Or » répondit Brennos « afin d’y chercher les sept pourceaux que le Ioldanacos exige de nous ». Ils firent voile sans encombre dans cette direction en prenant le plus court chemin. Les gens de ce pays étaient sur le pied de guerre dans chacun de leurs ports par crainte des enfants de Tarann/Toran/Tuireann, car dans tous les pays du monde on ne faisait que parler de ces redoutables et rusés champions qui avaient été bannis de leur patrie injustement, et qui (enlevaient) l’un après l’autre les plus précieux trésors du monde.
Adsallos alla sur les quais du port à leur rencontre et leur demanda ensuite avec véhémence si c’était bien devant eux ainsi qu’il l’avait entendu, qu’étaient tombés tous les rois de ce monde dans les pays qu’ils avaient traversés. Brennos répondit que c’était bien ça, quoi qu’il ait pu désirer leur faire. « Mais pourquoi faites-vous ça », demanda donc Adsallos. Brennos répondit que c’était la tyrannie d’un autre homme et son injuste sentence qui les y obligeait et il raconta comment tout cela était arrivé, comment ils avaient triomphé de tous ceux qui s’étaient proposé de leur barrer la route jusqu’ici.
« Pourquoi êtes-vous venus dans ce pays maintenant ? » demanda le roi. « Pour les pourceaux que tu possèdes » répondit Brennos, « afin de les prendre car ils font partie de la composition que nous devons payer ». « Comment préfèreriez-vous les avoir ? » demanda le roi. « Si nous les obtenons de ton plein gré », dit Brennos, « nous les prendrons avec reconnaissance ; mais si nous ne pouvons pas les obtenir (de cette façon) nous te livrerons bataille à toi et à tes gens pour les avoir, vous tomberez devant nous et nous emporterons ensuite les pourceaux avec nous de cette façon malgré toi ». « Si c’est pour cela que vous êtes venus », répondit le roi « il serait malvenu pour nous de vous livrer bataille ». « Ça le serait assurément », poursuivit Brennos. Le roi tint alors conseil et consulta son
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peuple à ce propos et voici l’avis auquel ils se rangèrent : donner les porcs de leur plein gré aux enfants de Taran/Toran/Tuireann puisqu’il semblait que personne n’avait pu leur résister (avec succès) partout là où ils étaient allés jusque-là. Les enfants de Taran/Toran/Tuireann en furent très reconnaissants au roi et lui exprimèrent toute leur gratitude, car ils furent très étonnés d’avoir obtenu de cette manière les pourceaux, puisque jusque-là ils n’avaient jamais eu les trésors faisant partie de la compensation financière sans avoir à livrer bataille, et qui plus est qu’ils avaient dû perdre beaucoup de leur sang partout là où ils étaient allés jusque-là.
Adsallos les reçut dans son château et dans ses appartements cette nuit-là ; et on leur donna ou on leur servit tout ce qu’ils voulaient en matière de nourriture de boisson ou de couchage. Ils se levèrent le lendemain matin et allèrent trouver le roi qui leur fit donner les pourceaux. « C’est bien de nous avoir ainsi donné les porcs » dit Brennos, « car jusque-là nous n’avions jamais eu un des trésors faisant partie de cette compensation sans être obligés de combattre, sauf pour eux ». Et Brennos improvisa le lai suivant.
« Ces porcs, O Adsallos,
« Tu nous les as donnés gracieusement,
Les autres joyaux nous les avons eus
Après avoir livré de durs combats.
Nous avons livré à Piséar une bataille,
Au cours de laquelle sont tombés de nombreux guerriers
Jusqu’à ce que nous finissions par lui prendre
Eburos son arme qui fait des prodiges.
La bataille du roi de l’île de Segora
Est impossible à raconter
Nous serions tous tombés dans cette mêlée
S’il n’y avait pas eu la peau du grand porc.
O Adsallos qui n’a pas cherché à nous tromper !
Si les trois fils de Taran/Toran /Tuireann survivent
Ta gloire et ton renom en seront d’autant plus grands
À cause de la manière dont tu as cédé tes pourceaux » (muca).
« Où envisagez-vous d’aller maintenant, O enfants de Taran/Toran/Tuireann », demanda ensuite Adsallaos. « Nous irons », répondirent-ils « jusqu’en Loccolandon, y chercher le chiot qui est là-bas ». « Accordez-moi une requête, O enfants de Taran/Toran/Tuireann » demanda aussitôt Adsallos, et voici laquelle : laissez-moi vous accompagner jusque chez le roi de Nerigon, car ma fille est sa femme, et je voudrais pouvoir le convaincre de vous remettre chien sans bataille sans échauffourée ». « Nous l’acceptons », répondirent-ils. On prépara le navire du roi, mais on ne sait pas ce qu’il leur advint avant qu’ils n’atteignent les belles et magnifiques côtes de Norvège. Toutes les troupes et toutes les armées de Nerigon dans leurs havres et dans leurs ports d’échouage devant eux et ils se mirent tous crier en les voyant, car ils les avaient reconnus.
Ensuite Adsallos descendit à terre pacifiquement, et il alla retrouver son gendre, à savoir le roi de Norvège, afin de lui narrer les pérégrinations des enfants de Taran/Toran/Tuireann, du début jusqu’à la fin. « Qu’est-ce qui les amène dans ce pays », demanda le roi de Nerigon. « Ils veulent te demander le chien que tu possèdes » dit Adsallos. « Ta décision de venir avec eux pour me le demander n’est pas très heureuse », répondit le roi, « car il n’a pas été donné par les dieux à ces trois guerriers parmi d’autres de pouvoir s’emparer de mon chien de gré ou de force ». « Il ne devrait pas en être ainsi » répondit Adsallos « mais puisque de nombreux rois du monde ont été vaincus par eux (mon avis est que) tu devrais leur donner le chien sans combat ni bataille ». Mais Adsallos ? et il revint trouver les enfants de Taran/Toran/Tureann afin de leur rapporter les nouvelles. Elles ne restèrent pas sans réponse de la part de ces guerriers, car ils empoignèrent aussitôt leurs armes et ils déclarèrent la guerre à l’armée norvégienne.
Quand les deux partis se rencontrèrent, ils se livrèrent des deux côtés un combat sans merci et très courageux.
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Les enfants de Taran/Torann/Tuireann se mirent à tailler en pièces les champions ou massacrer les guerriers, jusqu’à ce qu’ils se retrouvent séparés les uns des autres dans la bataille à cause de la violence et de l’ardeur du combat ou de la fureur de la mêlée, de sorte qu’il arriva qu’Ivocaros et Ivocarbos se retrouvent d’un côté, Brennos de l’autre. Il y avait un fossé béant une brèche dans les rangs voire une débandade générale devant Brennos partout là où il se frayait un chemin pour atteindre la formation de bataille protectrice où se trouvait le roi de Nerigon : les deux guerriers se livrèrent un duel et un combat violent, sanglant, et empoisonné, l’un et l’autre avaient une frappe puissante et très robuste, un martèlement féroce destructeur et violent.
Le combat fut héroïquement mené jusqu’à ce que Brennos arrive à faire prisonnier le roi d’Ioruaih et le ramène avec lui en traversant les rangs de l’armée [de ses alliés] jusqu’à l’emplacement où se tenait Adsallos afin de lui dire ceci : « Voici ton gendre et je te le jure sur mes armes les plus précieuses que j’aurais trouvé plus facile de le tuer trois fois que de te le ramener une seule fois de cette façon ».
Ajoutons [pour finir] que le chien fut remis aux enfants de Taran/Toran/Tuirean en échange du roi qui fut relâché et qu’ils firent tous la paix aussitôt en signant un traité d’amitié. Ayant réussi à terminer leur quête de cette façon ils exultèrent de joie et prirent congé d’Adsallos ainsi que de tous les autres de la même manière.
Pour en revenir à Lug au long bras, on lui apprit alors que les enfants de Taran/Toran/Tuireann avaient eu tous les objets faisant partie de la compensation dont il avait besoin pour la bataille de Plaine des menhirs ; et il leur jeta donc un sort afin qu’ils oublient ou ne pensent plus aux trésors destinés à la solder, qu’ils n’avaient pas encore eus. À la place il leur insuffla la nostalgie du pays et un grand désir de revenir chez eux avec la compensation réclamée par Lug au long bras. Ils ne se souvinrent plus qu’il leur manquait (toujours) une partie de l’amende à payer à Lug et ils mirent le cap sur la Verte Érin. Lug participait alors à une foire et à une réunion avec le roi dans Benna Adari.
Les enfants de Taran/Toran/Tuireann accostèrent au Château de la Boinne. Cela aussi fut révélé à Lug aussi quitta il secrètement la fête pour se rendre dans la citadelle de Crobanci qu’on appelle Temhair/Tara maintenant et il ferma les portes derrière lui. Là il prit la tenue de guerre et le noble équipement de Belin/Belen/Barinthus/Manannan, à savoir l’armure grecque en métal poli de Belin/Belen/Barinthus et le manteau de la fille d’Ulidaios ainsi que ses armes les plus précieuses.
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Contre-lai (commentaire néo druidique) Nº 33.
Qu’on appelle Temhair/Tara maintenant. Hypothèse : dans le mythe panceltique primitif le lieu en question était peut-être désigné sous l’appellation de « citadelle de Crobanci » et ce n’est qu’une fois enraciné en Irlande qu’on l’a ensuite assimilé à Temhair/Tara.
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Les enfants de Taran/Toran/Tuireann se rendirent là où se trouvait le roi, ce dernier leur souhaita la bienvenue et les enfants de la déesse Danu (bia) firent de même. Le roi leur demanda s’ils avaient réussi à réunir le montant de la composition.
« Oui » répondirent-ils « mais où est Lug que nous puissions lui remettre ? » « Il était là il y a encore un instant », répondit le roi. Et la foire tout entière se mit à sa recherche, mais on ne le trouva point.
« Je sais où il est passé », s’exclama Brennos, « il lui a été révélé que nous revenions avec tous ces trésors et il est parti à Temhair/Tara pour nous éviter ».
Des messagers lui furent dépêchés de leur part, mais la réponse qu’il donna aux messagers qui étaient venus le trouver fut qu’il ne pouvait pas venir, mais qu’il n’y avait qu’à confier la compensation au roi. Les enfants de Taran/Toran/Tuireann s’exécutèrent et dès que le roi eut reçu le montant de la composition Lug sortit sur la pelouse du château, on lui remit la compensation, mais il s’écria :« On n’a jamais tué quelqu’un et on ne tuera jamais quelqu’un ici dont l’amende [destinée à compenser sa mort] ne sera pas payée (entièrement) ». Il reste encore quelque chose à ramener, le reliquat de la compensation matérielle demandée. Où est la broche de cuisine ? Et les trois cris sur la colline, vous ne les avez pas encore poussés ».
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Contre-lai (commentaire néo druidique) Nº 34.
Le cri a une valeur religieuse, magique et juridique, de protestation et de défi. En obligeant ainsi les enfants de Taran/Toran/Tuireann à ce dernier effort, Lug sait qu’ils y succomberont puisque, tout en tuant leurs adversaires, ils seront eux-mêmes blessés à mort. Ainsi sera close la quête, et le profit double : Lug y gagnera le prix de la compensation matérielle et il sera aussi vengé des meurtriers de son père, rivaux sérieux et probables pour ce qui est de la suprématie sur les Toutai Deuas.
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Quand les enfants de Taran/Toran/Tuireann entendirent cela, le sang se glaça dans leurs veines et ils manquèrent de défaillir de stupeur. Ils quittèrent la foire et revinrent dans la maison de leur père cette nuit-là, afin de lui raconter leur mésaventure et comment Lug les avait traités. Une grande tristesse et un profond chagrin s’emparèrent alors de Taran/Toran/Tuireann et ils passèrent la nuit ensemble. Le lendemain matin ils remontèrent à bord de leur barque et la belle Eithne la fille de Taran/Toran/Tuireann les y accompagna. La jeune fille se mit à gémir et à se lamenter en récitant le poème ci-dessous.
« Quel malheur, O Brennos de mon âme !
Que cette course ne soit pas destinée à te conduire à Temhair
Malgré toutes ces déconvenues essuyées dans la Verte Érin,
Et bien que je ne sois pas du voyage,
Ô saumon de la silencieuse Boinne
Saumon de la rivière Liffey
Puisque je ne peux pas te retenir
Je vous laisse partir à regret.
O cavalier de la vague de Tuaidh
Toi le plus résistant des hommes au combat
Si ton retour se passe comme je l’espère
Cela ne plaira guère à ton ennemi.
Ayez pitié des enfants de Taran/Toran/Tuireann,
Sur les coudes de leurs boucliers verts ???
Ils m’ont complètement bouleversée
Leur départ est un crève-cœur pour moi.
Votre venue cette nuit à Benna Adari
O vous qui avez accru notre chagrin
O vous champions à qui la valeur a rendu hommage,
Jusqu’à ce mélancolique matin.
Triste est l’expédition partie de Temhair
Et des vertes plaines de Talantio
Loin du grand Uxonabelcon de la province du Milieu,
Il n’y a pas plus triste événement ».
Après avoir écouté ce lai ils voguèrent sur la bruissante mer Tyrrhénienne, où ils restèrent pendant le quart d’une année sans recueillir le moindre renseignement sur l’île. Is annsin do gab Brian a earrad uisge uime agus a leasbaire gloinne um a ceann ??? Ensuite Brennos prit son scaphandre et mit son casque de cristal laissant passer la lumière autour de la tête ??? puis il plongea dans les flots.
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Contre-lai (commentaire néo druidique) Nº 35.
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Les peuples alpins en Suisse et en Autriche ont gardé le souvenir de divers masques chamanes préceltiques (celui des Krampus en Autriche, les Klaüse et les Roitschäggätä ou Roitschäggeten en Suisse, etc. Raymond Christinger, mythologie de la Suisse ancienne), mais le casque en cristal dont il est question dans ce texte est bien plus mystérieux. Il ne s’agissait certes pas d’un masque à oxygène ! Tout ce que l’on peut en retenir, c’est qu’apparemment il a, selon cette légende, aidé Brennos à descendre jusque dans les très grandes profondeurs. Outre ces casques de cristal les très-sachants de la druidiaction (druidecht) utilisaient aussi divers masques de métal aux yeux en verre ou en émail. L’archéologie en a fourni un certain nombre ainsi que de nombreuses figurations, et l’on peut déduire de quelques descriptions mythologiques irlandaises que certains personnages ou envoyés de l’Autre Monde portaient un masque.
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On dit qu’il marcha dans l’eau salée pendant une quinzaine à la recherche de l’île de Vindocaros et qu’alors il la découvrit enfin. Il s’y rendit et en pénétrant dans la cité il n’y aperçut qu’une armée de femmes en train de coudre ou de broder. Entre autres choses qu’elles avaient avec elles se trouvait la broche de cuisine. Quand Brennos s’en aperçut il s’en empara et il serait bien parti avec jusqu’à la porte, mais les femmes éclatèrent de rire en le voyant faire ça. Voici ce qu’elles lui dirent : « tu as été bien téméraire de mettre la main dessus, car même si tes deux frères t’avaient accompagné la moins valeureuse ou la moins courageuse des trois fois cinquante femmes qui sont ici aurait pu empêcher que cette broche à rôtir soit prise par l’un ou l’autre d’entre vous ; prends néanmoins une de ces broches à cuisson puisque tu es assez téméraire, courageux, et brave, pour avoir essayé d’en emporter une malgré nous ». Brennos leur fit ses adieux et revint à l’endroit où il avait laissé son embarcation. Mais pendant ce temps-là les deux autres ayant trouvé le temps long avaient jugé préférable de lever l’ancre et de mettre les voiles. Tout d’un coup ils virent Brennos arriver en nageant énergiquement sur les vagues et ils furent heureux de le voir ainsi venir. Brennos leur fit savoir qu’il avait trouvé la broche de cuisine et l’île où il y avait la troupe de femmes.
Il monta ensuite à bord de leur esquif et ils mirent le cap sur la Colline de Meduocanios. Quand ils eurent atteint la colline, Meduocanios son gardien vint à leur rencontre ; Brennos le voyant arriver l’attaqua aussitôt et le combat de ces deux hommes ne pouvait être comparé qu’à celui de deux ours furieux ou à celui de deux lions de déchirant mutuellement, jusqu’à ce qu’à la longue Meduocanios finisse par tomber. Mais après que Brennos eut tué leur père, les trois fils de Meduocanios vinrent eux aussi affronter les enfants de Taran/Toran/Tuireann, et si quelqu’un était venu du pays des Hespérides situé à l’est du monde pour assister à un combat c’est pour voir la bataille livrée par ces champions-là qu’il aurait dû venir, à cause de la force des coups donnés (de part et d’autre), l’ardeur de leur courage, et la force de leur moral. Voici quels étaient les noms des fils de Miodhchaoin : Corcios, Connos, et Audos. Ils transpercèrent le corps des enfants de Taran/Toran/Tuireann avec leurs lances. Mais ni la peur ni l’épuisement ne parvinrent à empêcher que les enfants de Taran/Toran/Tuireann ne transpercent à leur tour de leurs javelots le corps des enfants de Meduocanios qui tombèrent aussitôt dans les affres de l’agonie.
Après que cet exploit eut été réalisé, Brennos demanda : « comment allez-vous O mes frères ? » « Nous sommes morts », répondirent-ils. « Alors debout les morts » reprit Brennos, car je sens venir sur nous les premiers symptômes du trépas la mort, mais poussons (auparavant) les cris sur la colline. « Nous ne pouvons pas », répondirent-ils. Alors Brennos se dressa debout et releva chacun de ses frères en les soutenant de sa main tout en perdant lui-même en abondance son sang, jusqu’à ce qu’ils arrivent à pousser ensemble les trois cris. Ensuite Brennos les ramena au navire et ils voguèrent longtemps, mais à la fin l’un d’entre eux s’écria : « J’aperçois Benna Adari le château de Taran/Toran/Tuireann et la Tara des rois ». « Nous déborderions de santé si nous pouvions les voir » répondirent les autres « pour l’amour de ton honneur, frère » poursuivirent-ils, relève nos têtes et redresse nos poitrines que nous puissions voir la Verte Érin, et après nous ne soucierons plus de vivre ou mourir ». Ensuite ils récitèrent le lai suivant.
« Mets nos têtes contre ta poitrine, O Brennos,
O fils de Taran/Toran/Tuireann le généreux aux armes sanglantes,
Phare de courage sans trahison
Afin que nous puissions voir notre île.
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Appuie sur ta poitrine et sur tes épaules
Ces têtes, O viril champion,
Que nous puissions voir dans le lointain
Uxonabelcon, Talantio et Temhair/Tara.
Ath Cliath et la douce Boinne,
Freamhainn, Tlachtgha, devant Temhair/Tara,
La plaine du Milieu, l’humide plaine de Breagh
Et les montagnes autour de la belle prairie de Talantio
Si je puis voir Benna Adari d’ici
Ainsi que le château (dun) de Taran/Tuireann au nord
Alors bienvenue sera la mort
Même si c’est une mort atroce.
Brennos.
« Quelle pitié que tout cela, O enfants du brave Toran/Taran/Tuireann
Des oiseaux pourraient voler au travers de mes flancs béants,
Mais il n’y a pas que mes côtes qui sont brisées
Mon cœur l’est aussi (de savoir) que vous êtes tombés tous les deux
Nous aurions préféré que la mort nous emporte
O Brennos, fils de Taran/Toran/Tuireann, qui ne s’est jamais enfui,
Plutôt que de te voir avec des blessures partout sur le corps
Et aucun médecin pour te guérir.
Puisqu’il n’y a ici pour soigner nos blessures
Ni Medocios ni Auromedocios ni Diancecht,
Quel malheur pour nous, O Brennos qui ne conçut jamais de trahison
De nous être séparés de la peau de porc [qui guérit tout).
Après avoir récité ce lai ils accostèrent à Benna Adari, et se traînèrent jusqu’au château de Taran/Toran/Tuireann où ils implorèrent leur père : « Pars à Temhair/Tara, père bien aimé, pour y donner cette broche à cuire à Lug, et rapporte-nous en échange la peau qui guérit tout afin de nous venir en aide ». Brennos improvisa le lai suivant.
« O Taran/Toran/Tuireann, va-t’en
Parler à Lug le triomphant ;
Réveille-le en pleine nuit dans son sommeil au sud,
Et supplie-le de te donner la peau par amitié pour toi ».
Taran/Torann/Tuireann.
« Même si tous les trésors du monde, du sud au nord,
Étaient donnés à Lug le triomphant ;
La seule chose qu’on en obtiendrait assurément ce serait
Vos tombes et votre sépulcre ».
Brennos.
« Tu es par le sang et la chair un parent proche
Du fils de Ceno, fils de Cantios le juste
Qu’il ne nous rende pas coup pour coup
Même si nous avons tué son père.
Ô Père bien aimé, homme libre et noble
Fais vite et ne perds pas une seconde
Car si tu tardes trop tu ne nous trouveras plus
Encore en vie devant toi ».
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Contre-lai (commentaire néo druidique) Nº 36.
Tu es par le sang et la chair un parent proche… Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, Lug et Taran/Tuireann sont donc parents. Mais on ignore à quel degré précisément. Il semble donc qu’il y ait eu en Irlande une révolution religieuse ayant détrôné Taran/Toran/Tuireann de sa place à la tête du panth-éon au profit de Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd d’abord puis de Lug. Encore que tout cela ne soit pas aussi simple, car Lug n’est pas roi officiel du peuple constitué par les enfants de la déesse Danu. Ne parlons pas d’hérésie irlandaise, mais disons plus simplement qu’en Irlande il semble que les druides locaux aient dévié ou que l’on se soit écarté de l’organigramme divin tel qu’il était en Grande-Bretagne ou sur le Continent tout en restant fidèle aux grandes lignes.
Qu’il ne nous rende pas coup pour coup… Ce qui est en cause ici ce n’est donc pas la loi du talion, mais la notion de merci (Trugareto en vieux celtique), de grâce, ou de pardon. Cette notion (de merci, de grâce ou de pardon) n’était pas inconnue des Celtes, au moins entre membres d’un même clan, puisque Brennos, Taran/Toran/Tuireann, ainsi qu’Eithne, essaient de la faire jouer. Mais Lug ne fera rien de tel, pour des raisons d’État évidentes : il veut se débarrasser de rivaux potentiels pouvant, eux aussi, prétendre à la souveraineté sur la tribu de la Déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère ce terme, en tant que roi des rois, et sa lutte contre eux sera donc sans merci.
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Après avoir écouté ce lai, Taran/Toran/Tuireann repartit à Temhair/Tara trouver Lug au long bras. Il lui remit la broche à cuisson et lui demanda la peau qui guérit tout afin de soigner ses enfants ; mais Lug lui répondit qu’il ne la lui donnerait pas. Taran/Toran/Tuireann revint trouver ses enfants et leur fit savoir qu’il n’avait pas eu la peau. Brennos alors lui demanda : « transporte-moi chez Lug, car moi je réussirai peut-être à obtenir la peau. Il en fut fait ainsi et Brennos alla chez Lug pour lui demander cette peau. Lug lui répondit qu’il ne la lui donnerait pas, et que même s’ils devaient lui donner autant d’or que la terre entière, qu’il n’accepterait pas ça de leur part ; à moins d’être assuré que leur mort s’ensuivrait, vu ce qu’ils avaient fait. Quand Brennos eut entendu cette réponse, il revint à l’endroit où se trouvaient ses deux frères, il s’étendit au milieu d’eux et rendit l’âme en même temps qu’eux. Taran/Toran/Tuireann composa le lai suivant sur ses enfants…
« Mon cœur s’est brisé à cause de vous,
Vous les trois beaux jeunes gens qui avez livré tant de combats ;
Vu votre énergie et vos exploits
Il vaudrait mieux pour moi que vous soyez encore vivants.
Corps (adbar) de deux rois choisis pour Banuta (sur la Verte Érin)
Ivocaros et Ivocarbos ;
Brennos qui a conquis la Grèce (sic)
Quel dommage qu’ils n’aient pas de dignes successeurs !
Je suis le pauvre Taran/Toran/Tuireann
Sur vos tombes O vous ardents champions
Aussi longtemps qu’il y aura des navires sur la mer
Je ne composerai plus ni poème ni chant ».
Et après avoir déclamé ce lai, Taran/Toran/Tuireann s’effondra sur ses enfants et il rendit l’âme lui aussi. Ils furent enterrés dans la même tombe. Gurab i oide cloinne Tuireann, go nuige sin.
Le récit intitulé la mort tragique des enfants de Taran/Toran/Tuireann se termine ici.
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Contre-lai (commentaire néo druidique) Nº 37.
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Banuta. Banuta est une des trois fées s’étant penchées sur le berceau de l’Irlande. Banuta = Irlande par conséquent.
Brennos qui a conquis la Grèce. Ne s’agirait-il pas du fameux Brennos de Delphes, dont la geste aurait été colportée jusqu’en Irlande, par des mercenaires revenus au pays puis par des bardes errants ?
Il rendit l’âme. Rappelons ici un des principes de base de la mythologie druidique. Ce n’est que par convention et pour les besoins du récit et de la rime des poètes que les dieux meurent. Car en réalité ils sont bien évidemment immortels, ou du moins ils ne disparaîtront vraiment qu’avec le présent cycle (pour réapparaître sous d’autres noms dans le suivant).
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RAPPEL. Attention, attention s’il vous plaît ! Les textes qui suivent ne sont pas une synthèse complète ni exhaustive de toutes les légendes irlandaises ou galloises sur le sujet. Pour la simple raison qu’une telle synthèse serait impossible, étant donné les innombrables variantes ou contradictions que l’on peut y découvrir. Seule une synthèse des grandes lignes de ces récits peut être envisagée. Les textes qui suivent ne sont donc que des réécritures partielles, et en résumé ou en abrégé, des principales légendes irlandaises en question, le tout étant restructuré ou recomposé après démolition sur de nouvelles bases et en suivant un plan différent, çà et là entrecoupé d’analyses. Ils n’ont qu’un seul but, donner à nos lecteurs assez de notions ou d’aperçus préliminaires sur le sujet pour avoir envie d’en savoir plus. Les textes qui suivent ne dispensent donc pas de se reporter in fine aux textes originaux eux-mêmes.
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LA DEUXIÈME BATAILLE
DE LA PLAINE AUX MENHIRS PROPREMENT DITE
(RETOUR AU MANUSCRIT DU CATH MAIGHE TUREDH).
Quand les préparatifs de la bataille eurent été arrêtés, Lug le Suqellos Dagda Gargant et Ogmios allèrent voir les trois dieux de Danu (bia) et ces derniers donnèrent à Lug les…… de la bataille, et ils fabriquèrent des armes pendant sept ans. La fée Mara Rigu/Morrigu/Morgane dit alors à Lug : « engageons la bataille contre Bregsos ????…………… Vegula fils de Mamos le druide jeta un sort sur la bataille et encouragea le peuple des dieux… ????…………………………
Le Suqellos Dagda Gargant possédait une maison dans la vallée d’Etin, dans le nord et il avait rendez – vous en ce lieu avec une femme ce jour-là lors de la fête de Samon (ios) avant la bataille. La rivière Unius du Connaught y gronde au sud. Il aperçut la femme dans la rivière (à Corann) en train de faire sa toilette, avec un de ses pieds à Allod Echae c’est-à-dire Echumech sur la rive sud et l’autre à Loscuinn sur la rive nord. Les neuf tresses de ses cheveux étaient défaites. Le Suqellos Dagda Gargant lui parla et ils couchèrent ensemble. On appelle ce lieu « Lit du couple » à cause de cela. La femme qui est mentionnée ici est la fée Mara Rigu/Morrigu/Morgane. Elle apprit au Suqellos Dagda Gargant que les vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomors allaient débarquer dans la plaine de Scetne, par conséquent qu’il ferait mieux d’inviter les hommes de l’art (aes dana en gaélique) à venir la retrouver sur le gué de l’Unius, qu’elle irait dans la plaine de Scetne pour anéantir Indicios le fils de la déesse Domnu ; le roi des vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomors, et qu’elle lui ôterait le sang du cœur ainsi que les rognons de sa valeur (ses testicules ?)
Ensuite elle montra ses deux mains pleines de sang aux troupes qui rassemblées devant le gué de l’Unius. « Gué de l’anéantissement » devint désormais son nom à cause de la mort de ce roi. Les hommes de l’art s’exécutèrent et ils psalmodièrent des malédictions destinées à la troupe des vouivres anguipèdes gigantesques (fomors).
C’était une semaine avant la Samon (ios) et chacun partit de son côté jusqu’à ce que les hommes [d’Irlande] reviennent ensemble la veille de Samon. Leur nombre s’élevait à six fois trois mille hommes, autrement dit à deux fois trois mille hommes pour chaque tiers.
Alors Lug envoya le Suqellos Dagda Gargant pour espionner les vouivres anguipèdes gigantesques et les retarder jusqu’à l’arrivée des hommes [d’Irlande] sur le champ de bataille. C’est pourquoi le Suqellos Dagda Gargant se rendit dans le camp des vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomors et leur demanda une trêve. On lui accorda ce qu’il demandait. De la bouillie d’avoine fut ensuite préparée par lui par les vouivres anguipèdes afin de se moquer de lui, car il en raffolait. Ils remplirent pour lui sur une profondeur de cinq poings, le chaudron de leur roi, dans lequel ils versèrent quatre-vingts setiers (sesrai) de lait frais ainsi que la même quantité de farine et de graisse. Ils y mirent des chèvres des moutons et des porcs qu’ils firent cuire avec la bouillie. Le résultat fut jeté dans un grand trou creusé dans la terre pour lui et Indicios le menaça de mort s’il ne mangeait pas tout ; il dut par conséquent manger jusqu’à satiété afin que nul ne puisse reprocher aux vouivres anguipèdes gigantesques leur manque d’hospitalité. Le Suqellos Dagda Gargant prit alors sa cuillère, elle était si grosse qu’un couple aurait pu se coucher dedans. Voici quelles étaient ses cuillerées à chaque fois : des moitiés de porc salé ainsi que de quartiers de lard. Le Suqellos Dagda s’exclama ensuite : « ce sera très bon si son goût est à la hauteur de son fumet ». Et quand il en prenait une cuillerée, il s’exclamait : « Son…… ?…… ne gâte rien »????? À la fin il passa son doigt dans la terre et le gravier pour racler le fond du trou. Et après avoir fini sa bouillie de cette façon il s’endormit. Son ventre était plus gros que le chaudron d’un aubergiste et les vouivres anguipèdes que l’on appelle Fomors s’en moquèrent. Il s’en alla ensuite sur la grève d’Eba. Il avait du mal à marcher à cause de la grosseur de son ventre. Il était très mal fagoté. Il portait une cuculle qui lui descendait jusqu’aux coudes. Une tunique brune qui lui descendait jusqu’au ras des fesses. Is ed denucht lebar penntol ???? Deux braies (un pantalon) en peau de cheval avec le poil à l’extérieur. Il traînait derrière
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lui une fourche en bois montée sur roue ??? qui nécessitait la force de huit hommes pour être tirée de sorte que le sillon qu’elle laissait suffisait à tracer le fossé servant de frontière aux provinces. C’est pourquoi on appelle Trace du bâton du Suqellos Dagda Gargant…… ?……
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Contre-lai (commentaire néo druidique) Nº 38.
Cuculle. Nous traduisons par cuculle le terme gaélique cochline, une sorte de coule ou de capuche.
Braies. Il porte donc une sorte de pantalon comme sur le Continent.
Une fourche montée sur roue ??? Pourrait-il s’agir d’une charrue ??? D’un araire ? Il s’agit aussi peut-être d’une métaphore sexuelle. Gable, du vieux celtique gabalos = branche fourchue, est en tout cas un terme connu en architecture : il désigne des pièces de charpente (fermes) de forme triangulaire. Ce passage n’est décidément pas très clair, il doit s’agir d’une description traditionnelle très archaïque de ce personnage. Le port des braies incite à y penser.
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Ensuite les vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomors marchèrent jusqu’à la plaine de Scetne. Les hommes [d’Irlande] eux étaient dans la plaine d’Aurfolaigh. Les deux armées s’apprêtaient à livrer bataille. « Les hommes [d’Irlande] se risquent à nous offrir la bataille », remarqua Bregsos fils d’Elatio à Indicios fils de la déesse Domnu. « Mais je te parie tout de suite qu’ils ne feront pas de vieux os s’ils ne paient pas le tribut ».
Étant donnés les pouvoirs de Lug les hommes [d’Irlande] avaient pris la résolution de ne pas le laisser partir à la bataille. C’est pourquoi ses neuf tuteurs furent chargés de le surveiller, à savoir Tollus-Damos, Egos-Damos, Eru, Techtaid le blanc, Fosadh, Fedlimid, Ibar, Scibar et Minn. Ils craignaient en effet qu’il ne meure prématurément vu la multitude de ses connaissances. Ils ne le laissèrent donc pas se rendre sur le champ de bataille.
Les principaux chefs du peuple des enfants de la Déesse Danu (bia) se rassemblèrent autour de Lug.
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Contre-lai (commentaire néo druidique) Nº 39.
Ici s’intercale un passage qui est soit un doublon des paragraphes 77 à 81 soit un développement ultérieur du même thème. Ce phénomène est fréquent dans les textes sacrés de notre pauvre Humanité. Voir les deux récits de la création dans la Bible, le récit sacerdotal (Genèse 1,1 à 2 ,4) et le récit yahviste (2,4 à 2 ,24). De même il y a aussi de nombreuses répétitions dans le Coran, difficiles à repérer néanmoins, car ce livre émanant d’un homme ou de plusieurs donc qui a été créé et destiné à d’autres hommes est un vrai méli-mélo ne suivant aucun plan précis, ses chapitres à quelques exceptions près (une ?) étant simplement classés par ordre de grandeur décroissante. Ce qui est excellent pour la mémoire peut-être, mais constitue un véritable défi pour l’intelligence humaine. En ce qui nous concerne, c’est peut-être là une preuve supplémentaire que le mythe panceltique initial mettant en scène le conflit fondateur entre les deux grandes familles divines régissant le monde (les dieux aériens, fils de Danu – bia ou de Taran/Toran/Tuireann, et les dieux chtoniens ou souterrains fils de la déesse Domnu, etc. autrement dit les vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomors en Irlande et Andernas sur le Continent)… a été tellement retouché après son implantation en Irlande, qu’il en est devenu incohérent à de nombreux égards. L’important donc, ce qui compte, c’est de faire preuve d’esprit critique vis-à-vis de tous ces textes, et de ne retenir que le meilleur de leur esprit, pas l’esprit criminogène, mais l’esprit qui peut nous aider à nous dépasser en tant qu’êtres humains. Nous reviendrons dans un autre de nos opuscules sur la fonction surhumanisante des mythes celto-druidiques (alors que les mythes sumériens qui sont à l’origine de la Bible et donc du Coran sont infantilisants).
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Lug demanda ensuite à son forgeron, à savoir Gobannos, quels pouvoirs il pourrait mettre en œuvre pour les aider.
« Ce n’est pas difficile à dire », répondit-il, « même si les hommes [d’Irlande] devaient rester sept ans à batailler, je remplacerai chaque fer de lance qui tombera de sa hampe, ou chaque épée qui se brisera. « Aucun des fers de lance que mes mains forgeront », ajouta-t-il, « ne manquera sa cible. Aucune des peaux transpercées par eux ne goûtera ensuite aux plaisirs de la vie. Dolb le forgeron des vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomors n’en a jamais fait comme ça. Je suis maintenant prêt pour la bataille de la plaine des menhirs ».
« Et toi, O Diancecht » demanda Lug, « quel pouvoir peux-tu réellement mettre en œuvre ? »
« Ce n’est pas difficile à dire », répondit-il. « Tout homme qui sera blessé, à moins qu’il n’ait la tête coupée, ou la membrane de son cerveau ou la moelle (épinière) atteinte, sera remis sur pied intégralement et fin prêt pour livrer bataille le lendemain ».
« Et toi, O Crednos », demanda Lug à son bronzier « quel sera ton pouvoir dans cette bataille ? »
« Ce n’est pas difficile à dire », répondit Crednos, « des rivets pour leurs lances, des poignées pour leurs épées, des umbos et des bordures pour leurs boucliers, tous en auront de ma part ».
« Et toi, O Luxtanios », demanda Lug à son charpentier « quel pouvoir auras-tu dans cette bataille ? »
« Ce n’est pas difficile », répondit Luxtanios, « je leur fournirai tous les boucliers ainsi que toutes les hampes de javelot dont ils auront besoin ».
« Et toi Ogmios », demanda Lug à son champion « quel est ton pouvoir pour cette bataille ? »
« Question facile », répondit-il : « repousser le roi et repousser trois neuvaines de ses amis, et faire prisonnier un tiers de leur bataillon avec les hommes [d’Irlande] ».
« Et toi la fée Mara Rigu/Morrigu/ Morgane », demanda Lug, « quel pouvoir déchaîneras-tu ? » « Il est facile de répondre », répliqua-t-elle. « Ce que je poursuivrai je le…… ? Ce que je frapperai sera… ?… ce que je couperai sera… ?……
« Et vous, O satiristes (corrgunechai) » demanda Lug, « quel pouvoir pourrez-vous déchainer ? »
« Ce n’est pas difficile », répondirent les satiristes, « Les renverser cul par-dessus tête, jusqu’à ce que leurs héros soient tués ; les priver ensuite des deux tiers de leur force par rétention de leur urine » ???
« Et vous, O échansons » demanda Lug « quel pouvoir ? »
« Ce n’est pas difficile », répondirent les échansons ». « Nous les ferons mourir de soif, et ils ne trouveront pas de quoi boire pour l’étancher ».
« Et vous, O druides », demanda Lug, « quel pouvoir ? »
« « Ce n’est pas difficile », répondirent les druides. « Nous ferons pleuvoir des averses de feu sur la face des vouivres anguipèdes gigantesques, de sorte qu’ils ne pourront pas lever les yeux et que les guerriers qui les affrontent seront en mesure de les tuer ».
« Et toi, O Carioprixos fils d’Etain », demanda Lug à son véllède « de quel pouvoir disposeras-tu dans cette bataille ? »
« Ce n’est pas difficile à dire », répondit Carioprixos. « je jetterai un cri de malédiction sur eux (gláim ndícind). Je les satiriserai aussi et je leur ferai honte de sorte qu’à cause des imprécations que je maîtrise ils ne pourront pas résister aux guerriers ».
« Et toi, O la femme de Coslogenos et toi Danu (Dinand), demanda Lug à ses deux prêtresses (bantúathaid), quel pouvoir aurez-vous dans la bataille ? »
« Il n’est pas difficile de répondre à cette question » » « Nous jetterons un sortilège sur les arbres les pierres et les mottes de terre, de sorte qu’ils deviendront comme une troupe en armes marchant contre eux, les mettant ainsi en déroute ; et cette débandade les plongera dans l’horreur ainsi que dans… ? »
« Et toi O Suqellos Dagda Gargant », demanda Lug, « quel pouvoir pourras-tu mettre en œuvre contre les vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomors, dans cette bataille ? »
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« Ce n’est pas difficile à dire », répondit le Suqellos Dagda Gargant ». « Je me porterai sur le flanc des hommes [d’Irlande] en usant à la fois des coups répétés de tuerie ou de magie. Sous les coups de ma massue leurs os tomberont en aussi grand nombre que les grêlons sous les pieds d’un troupeau de chevaux…… ?…… où vous rencontrerez… ?…… sur le champ de bataille de la plaine des menhirs.
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Contre-lai (commentaire néo druidique) Nº 40.
Cul par-dessus tête. Littéralement le blanc des pieds (buind bannai) sur eux. En tout cas telle est notre compréhension de cette expression gaélique.
Danu. Sur l’erreur consistant à faire intervenir ici en personne la grande déesse Danu, en tant que simple subalterne de Lug, voir remarques précédentes. L’intellectuel chrétien qui a couché par écrit ce récit a un peu tout mélangé afin de faire étalage de ses connaissances. La grande déesse Danu qui a donné son nom au panth-éon irlandais n’intervient jamais directement dans les affaires de ses « enfants », du moins à notre connaissance. On a plutôt l’impression en général qu’on parle d’elle comme d’une grande ancêtre ayant disparu. C’est une dea otiosa.
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Cath Muighe Tuireadh. La seconde bataille de Magos Turation. Manuscrit 24 P 9 de l’Académie Royale irlandaise de Dublin). Traduction donnée sous toute réserve.
Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd roi des rois des enfants de la déesse Danu (bia) répondit : je nourrirai les soldats de nos armées et je nourrirai en outre qui sera de ma génération ???? ». Les trois prêtresses, Bodua, Magosia, la fée Mara Rigu/Morrigu/Morgane répondirent qu’elles feraient pleuvoir des averses de grêle, feraient crever sur eux des nuages de poison, qui les affaibliraient ou sèmeraient la confusion, qui leur feraient perdre tout bon sens dans la bataille. Cridionobetlos le satiriste. Je chanterai vos louanges et prierai pour vous, je réciterai devant vous les généalogies de vos pères et de vos ancêtres afin de vous donner du courage. Et toi, Crabudinos, demanda Lug, de quels pouvoirs pourras-tu disposer ? Ce n’est pas difficile, répondit Crabudinos le harpiste. Grâce à ma musique et à mes mélodies, je procurerai aux enfants de la déesse un sommeil qui les reposera et les remettra sur pied chaque matin, fin prêts pour le combat. Je jouerai aussi de la musique pour mon maître et, si nécessaire, j’irai même personnellement sur le champ de bataille pour y tuer une foule d’ennemis. Dergos Boduos, le fils du Suqellos Dagda Gargant. J’irai me battre personnellement et cent héros de l’armée des vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomors tomberont devant moi dès mon premier assaut, et je n’arrêterai pas de les massacrer ou de les poursuivre tant qu’il en restera un en vie.
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Lug s’étant ainsi adressé à chacun d’eux à tour de rôle suivant sa spécialité, donc les ayant de la sorte encouragés, il s’adressa également à son armée afin de leur insuffler le moral d’un roi ou d’un puissant seigneur.
Il y eut donc bataille chaque jour entre le peuple des vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomors et les enfants de la déesse, sauf que rois ou princes n’y participaient point, mais seulement les plus fougueux et belliqueux (nama).
Les vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomors furent étonnées par une des choses qu’ils découvrirent lors de cette bataille. Leurs armes, leurs javelots et leurs épées étaient vite
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émoussés ou en morceaux, et leurs hommes quand ils étaient tués ne revenaient pas reprendre le combat le lendemain. Mais ce n’était pas le cas des enfants de la déesse, car, même si leurs armes étaient émoussées et cassées chaque jour, elles étaient comme neuves le lendemain, car Gobannos le forgeron était toujours dans sa forge à fabriquer des épées des lances et des javelots. Et il faisait ces armes en trois coups. Ensuite Luxtanios le charpentier fabriquait les hampes de lance en trois coups lui aussi, le troisième étant la finition par mise en place de la douille de la lance. Quand les fers de lance avaient été martelés dans un coin de la forge ils jetaient dessus les douilles avec les hampes et il n’y avait pas besoin de les ajuster. Ensuite Crednos le bronzier fabriquait les rivets en trois coups et jetait les douilles des lances dessus, et là encore il n’y avait pas besoin de… faire des trous ??… avant car tout s’ajustait automatiquement.
Ensuite voici ce qu’ils faisaient pour ranimer les guerriers qui avaient été tués, de sorte qu’ils étaient encore plus dynamiques le lendemain.
Diancecht et ses deux fils Octorevillos et Medocios ainsi que sa fille Armeditrina récitaient des prières (dicetul) sur la fontaine appelée « Guérison » (Slaine). Leurs hommes blessés mortellement étaient jetés dans son eau après avoir été tués. Ils en ressortaient vivants. Leurs blessés à mort redevenaient sains et saufs grâce au pouvoir des prières (dicetail) des quatre médecins qui se tenaient au-dessus de la fontaine.
Ceci évidemment était très préjudiciable aux vouivres anguipèdes gigantesques (Fomors) c’est pourquoi ils envoyèrent un homme à eux étudier la bataille et les (méthodes) des gens de la Déesse, à savoir Rudianos fils de Bregsos et de la bélisama Brigindo/Brigantia/Brigitte, la fille du Suqellos Dagda Gargant. Car il était fils et petit-fils de gens du clan de la Déesse. Ensuite il relata aux vouivres anguipèdes (Fomors) ce que faisaient le forgeron le charpentier le bronzier ainsi que les quatre médecins qui se tenaient autour de la fontaine. On le renvoya assassiner un des artisans, à savoir Gobannos. Il lui demanda un javelot, demanda ses rivets au bronzier, sa hampe au charpentier. Tout lui fut donné comme il l’avait demandé. Mais il y avait alors là une femme qui passait à la meule les armes, à savoir Cronnia la mère de Fianlug, ce fut elle qui aiguisa la lance de Rudianos. Ensuite la lance fut donnée à Rudianos par un chef, d’où le nom de « lance de chef » toujours donné aux ensouples (grosses bobines) de métier à tisser.
Mais après que la lance lui eut été donnée, Rudianos la retourna et blessa Gobannos. Ce dernier arracha la lance et la jeta sur Rudianos. Elle le traversa de part en part et il mourut sous les yeux de son père au beau milieu des vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomors. La bélisama Brigindo/Brigantia/Brigitte alla pleurer son fils. Des cris pour commencer puis des sanglots. Si fort que cela fut la première fois que l’on entendit des cris ou des sanglots dans cette île. C’était aussi cette bélisama Brigindo/Brigantia/Brigitte qui avait inventé un sifflet pour appeler la nuit. Gobannos entra ensuite dans l’eau de la fontaine et il fut complètement guéri.
Il y avait chez les vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomors un célèbre guerrier, à savoir Octorigillacos, fils d’Indicios fils de la déesse Domnu, fils du roi des vouivres anguipèdes. Il leur expliqua que chacun d’entre eux devait apporter une pierre des galets de la rivière Drovesa pour la jeter dans la fontaine de Guérison située dans Acate Aballion à l’ouest de la plaine de menhirs et à l’est de Loccos Alixias. Ce qu’ils firent, chaque homme jeta une pierre dans la fontaine. D’où le nom de carn d’Octorigillacos pour désigner le cairn ainsi formé. Mais un autre nom pour désigner cette fontaine est « lac des plantes médicinales », car Diancecht avait l’habitude d’y mettre un peu de chacune des herbes médicinales qui poussaient dans le pays.
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Contre-lai (commentaire néo druidique) Nº 41.
Tout s’ajustait automatiquement. Comme quoi l’invention de la fabrication à la chaîne et l’automatisation des processus de fabrication ne datent pas d’hier ni d’Henri Ford.
Octorevillos. Dans d’autres manuscrits, ce deuxième fils est appelé Auromedocios. N’oublions pas qu’il y a eu des siècles et des siècles de transmission orale. Le même phénomène se trouve d’ailleurs aussi dans la Bible, le plus connu étant celui des deux généalogies de Jésus (Matthieu 1,16 ; Luc 3, 23) ou de nombreux hadiths musulmans.
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Prières. Nous traduisons ainsi le terme gaélique dicetul, car nous ne voyons pas pourquoi les prières seraient réservées aux judéo-chrétiens et les formules magiques aux druides. Bon nombre des prières judéo-islamo chrétiennes sont elles aussi ni plus ni moins que des formules magiques, et certains gestes de même (se signer, brandir le crucifix).
Fils et petit-fils de gens du clan de la Déesse. On ne saurait mieux dire que les deux familles divines en question, celle des dieux aériens et celle des dieux chtoniens, sont étroitement liées.
Qui avait inventé un sifflet… ici le barde errant rajoute visiblement un détail, qu’il n’a pas inventé, mais doit venir d’un autre de ses contes.
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L’ENGAGEMENT DÉCISIF.
Quand fut venu le moment de la bataille finale, les vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomors sortirent de leur camp et se constituèrent en solides et indestructibles bataillons. Il n’y avait pas un seul de leurs chefs ni de leurs preux sans haubert sur lui ni sans casque sur la tête ; sans un large javelot dans la main droite, sans une lourde épée tranchante comme un rasoir à la ceinture, un solide bouclier sur les épaules. Attaquer les vouivres anguipèdes gigantesques ce jour-là c’était comme « se heurter à un mur » c’était comme « mettre la main dans un nid de vipères » c’était comme « se jeter dans les flammes ».
Ci-dessous quels étaient les rois et les chefs qui encourageaient l’armée des anguipèdes appelés Fomors : Balaros fils de Dotios fils de Neto, Bregsos fils d’Elatio, Tuiri Tortbuillech, fils de Lobos, Loscenn-Lomm, fils de Lommglunech, Indicios fils de la déesse Domnu, le roi des vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomors, Octorigillacos, fils d’Indicios ; Omna, Bagna et enfin Elatio fils de Deluato…
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Cath Muighe Tuireadh. La seconde bataille de Magos Turation. Manuscrit 24 P 9 de l’Académie Royale irlandaise de Dublin).
Cette partie du récit est donc inspirée d’une autre version, celle figurant sur le manuscrit 24 P 9 de l’Académie royale d’Irlande à Dublin et publiée par Brian O’Cuiv. Il s’agit d’un texte écrit en 1651, mais reprenant des éléments plus anciens.
Traduction donnée sous toutes réserves. Reconnaissons en outre que nous avons amélioré ce texte, que nous l’avons enjolivé vu ses obscurités ou ses défauts, ses lacunes, voire sérieusement résumé par moments.
Pour tout dire il s’agit donc d’une nouvelle version qui n’est nullement à recommander aux philologues ni aux linguistes. Elle ne figure ici que pour donner à nos lecteurs une petite idée de la richesse de cette variante gaélique du mythe celtique primitif des deux batailles de la plaine aux menhirs. Celle entre les hommes et les dieux et celle entre les dieux aériens et les dieux chtoniens (les dieux célestes ou les dieux souterrains).
Pour ce qui est du reste nous laissons aux vrais spécialistes (que nous ne sommes pas) le soin de s’atteler eux-mêmes patiemment à l’élaboration d’une vraie traduction scientifique de ce texte. Si certains de nos lecteurs après avoir pris connaissance de tout ceci sont vraiment désireux d’en savoir plus, que ces modernes et intrépides Champollion des temps modernes passionnés par le sujet, commencent leur longue quête de ce nouveau Graal.
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Quoi qu’il en soit, parce que chaque champion devait commencer à frapper, chaque combattant participer à la bataille, chaque soldat occuper sa place, chaque héros repousser son adversaire, Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd au Bras d’Argent s’adressa aux nobles les plus forts du peuple des enfants de la déesse Danu (bia) en l’absence du lion brillant aux coups violents, Lug au Long Bras, fils d’Eithne Imdherg, fille de Balaros Balcbeimnech, petite-fille de Neto Nuachrothach, le puissant héros de toutes les batailles roi des champions de toute la terre, et voici ce qu’il leur dit : « Je ne suis pas ici pour vous décourager, ni pour vous empêcher de mener votre combat ou vous mobiliser, mais pour vous demander si, dans cette épreuve de force et d’héroïsme, vous ne comptez que sur Lug et sur lui seul pour la bataille, le combat, les prouesses et les actions d’éclat, pour toutes les actions meurtrières et pour la mort des nobles et des seigneurs ? ».
« Cela est vrai, ô roi suprême », répondirent les seigneurs du clan des enfants de la déesse Danu (bia), « que faudrait-il faire à ce propos ? ».
« Moi je sais », reprit Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd, « car nos héros n’éprouvent aucune peur devant les armes de ces nombreux étrangers, ils résisteront à la furie de la rude engeance des vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomors, même si Lug n’est pas avec nous sur place. Je vais donc vous dire ce qu’il convient de faire », poursuivit Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd,
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« j’ai un grand festin avec de la de bière facile à boire et délicieuse de préparé pour les champions du peuple des enfants de la déesse Danu et pour Lug. Ce festin sera servi tout spécialement pour lui si bien qu’il sera vite ivre et tout joyeux. Quand le grand guerrier sera ivre et sans connaissance, quand il aura eu nourriture et boisson à satiété, il faudra le lier ou l’entraver solidement par des chaînes brillantes, au métal bleu, et de beaux fils de bronze. Il sera ensuite attaché à de grands piliers et à de fortes colonnes plantées en terre de chaque côté autour de lui. Ainsi la bataille sera-t-elle livrée en son absence ».
« Cet avis est convenable et honnête », répondirent les chefs des gens de la déesse Danu (bia), « et il sera suivi par nous ».
Il en fut donc fait ainsi. On construisit un bel abri tout neuf pour le festin des seigneurs du clan de la déesse Danu (bia) avec au centre Lug et Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd. On servit à Lug de la bière brillante et revigorante, si bien que ce dernier devint vite ivre et tout joyeux. Ils lui jouèrent ensuite de la harpe et de la cornemuse, ainsi que de leurs merveilleuses orgues étrangères, si bien que tant de musique finit par endormir ce royal guerrier. On apporta ensuite à Crabundinos sa harpe ; il dévoila les neuf cordes et ce maestro joua jusqu’à ce que le guerrier se détende, se calme et s’endorme. Des gens vinrent alors pour entraver notre héros. Ils l’enchaînèrent et l’attachèrent sans qu’il s’en aperçoive. Les troupes se levèrent ensuite, toutes en même temps, afin de livrer la bataille autour du roi des rois, c’est-à-dire autour de Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd. Crabudinos le harpiste resta pour veiller sur Lug au Long Bras. On donna ensuite le signal de la bataille contre les vouivres anguipèdes gigantesques et les quadruples bataillons marchèrent l’un contre l’autre avec force et intrépidité. Tout ce tumulte finit par tirer Lug de son sommeil.
Que se passe-t-il, demanda-t-il à Crabudinos ? Qu’est-ce que toutes ces clameurs, et qui m’a donc attaché ?
Je ne sais pas, répondit Crabudinos, quels sont ces cris si ce ne sont pas les cris… ?… que poussent les plus virils des vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomors ou les cris de celles qui lavent ou qui… ?… les blessures faites par le fil des lames empoisonnées par Gobannos qui les a trempées dans du venin après avoir rougi les eaux froides et glacées ; à moins que ce ne soient les hauts cris de l’engeance des vouivres anguipèdes gigantesques se gaussant et se moquant de la vieille guerrière sorcière Catullina Cioclach Crapouescalaca venant exhiber ses tours de force devant les soldats et prédisant à chacun une longue carrière de héros ; ou bien c’est le vacarme des manifestations de ceux qui à l’ouest regardent le corps de cette femme distordu par la grande variété de ses tours de force guerriers.
Crabudinos mon ami, ce sont les bruits d’une bataille qui commence que j’entends là, et pas ce que tu dis ! Libère-moi pour que j’aille les arrêter avant qu’il ne soit trop tard ! Personne n’a consulté notre horoscope d’aujourd’hui, personne ne sait si les présages nous sont favorables, personne ne sait si aujourd’hui est un bon jour pour livrer bataille.
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Contre-lai (commentaire néo druidique) Nº 42.
Note à propos des horoscopes et du Sonnocingos. Un avenir peut être connu à travers ses causes. Des hommes particulièrement doués du point de vue de l’intelligence peuvent arriver à percevoir et à deviner les événements à venir dans des raisons d’être ou des points de départ difficiles à précisément analyser en profondeur, et ce d’autant plus que leur intelligence est grande. Le fait d’avoir prédit et craint un événement ou de le souhaiter peut aussi contribuer à la réalisation de cet événement lui-même. Et par conséquent donner l’impression, erronée, d’une prédiction réussie. Alors que ceci a tout simplement été la cause, certes, éloignée, mais la cause tout de même, de l’événement en question. Dans les tablettes scellées de son horoscope, le grand druide « Arborius » avait confié un secret à son petit-fils Ausone. Eh bien le secret que l’on peut délivrer au monde entier aujourd’hui, le voici dans toute sa nudité. Si un événement n’est en aucune façon contenu dans ses causes, si par exemple il s’agit d’un acte pleinement libre de la part d’un humain, ou d’une série de coïncidences rarissimes, alors aucun homme ne peut le prédire. Voilà ce que nous dicte la Raison et voilà ce qu’il y aurait aujourd’hui dans l’horoscope secret d’Ausone. Ceux qui prétendraient le contraire ne peuvent pas être de vrais druides et nous mettons tout le monde en garde contre ces faux prophètes. Le sonnocingos (horoscope) celte, le vrai * ne peut que dégager les grandes tendances
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théoriques d’un caractère, d’un homme, et rien de plus ; l’avenir n’appartient qu’au Dieu ou Diable que Lug adore, c’est-à-dire le Destin.
Les rêves et les aislingi ou visions sont également déterminants pour les individus, car c’est par eux que se manifestent les êtres divins, le pouvoir d’un lieu, d’un animal, d’un élément, du soleil, de la lune, des étoiles. Voire les ancêtres.
Afin de répondre à certaines attentes de la société, un vellède pouvait entrer dans un état de conscience modifié, par le biais de transes et d’extases. Provoquées (par exemple) par des techniques de visualisation, de respiration, de la musique, de la danse, ou l’utilisation de plantes psychoactives (manducation de glands ou autres aliments ayant le même effet). Cet état de conscience différent de l’ordinaire était censé lui permettre d’accéder au monde non phénoménal, afin de trouver la réponse à la question qu’on lui posait ou qui se posait. L’ambividtu versonnions (imbas forosnai en gaélique) était une technique destinée à faciliter ces contacts avec l’autre monde, notamment pour se choisir un nouveau roi…« Un vellède mâchait un morceau de viande de porc rouge, voire de chien ou de chat, qu’il déposait ensuite sur l’autel du temple (la pierre plate derrière la porte). Il l’offrait ainsi aux dieu-ou-démons avec une prière, puis il invoquait ces divinités. Si elles ne lui apparaissaient pas le lendemain, il récitait une prière sur la paume de ses mains, et il gardait ses paumes sur ses joues en s’endormant. On veillait ensuite à ce qu’il ne soit ni dérangé ni troublé, avant que tout ne lui ait été révélé en rêve. C’est-à-dire jusqu’à la fin d’une huitaine de jours, ou de deux, voire de trois, selon ce qui avait été décidé au moment du sacrifice ». On peut évidemment s’interroger sur la qualité de la viande mâchée par ce chaman celte, et se demander en outre s’il ne connaissait pas déjà plus ou moins le futur candidat au trône. Mais il ne s’agit en aucun cas d’une prophétie ou d’une prédiction. Il s’agit seulement de la découverte, par l’esprit du vellède (ce qu’était vraisemblablement le file en question) en état de transe ou de sommeil profond, mais puisant dans ses souvenirs ; de la découverte donc disions-nous, de celui qui sera le plus apte à devenir le nouveau roi.
* Et bien entendu l’horoscope celte en vogue aujourd’hui et fondé sur un prétendu symbolisme des arbres via l’alphabet oghamique est une forgerie de toutes pièces de Robert Graves (voir son livre sur la déesse blanche) que l’on a connu mieux inspiré. N’oublions pas que notre « barde de service », Rodrigue O’Flaherty, auteur d’un livre sur l’Irlande intitulé Ogygie, écrivait (en latin) au XVIIe siècle et que c’était un disciple du célèbre Duald Mac Firbis. Comme ils ont beaucoup aimé notre chère Irlande il leur sera beaucoup pardonné, mais quand même ! Toland était d’une autre stature !
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Je n’ai ni la force ni le courage de desserrer de tels liens, hélas, répondit Crabudinos. Ceux qui t’ont attaché ainsi étaient très forts. Alors Lug tira sur ses chaînes, arracha les gros piquets plantés en terre, les mit autour de lui, et courut rattraper ainsi les guerriers. Le vacarme provoqué par les chaînes et les piquets de bois traînés derrière lui était terrifiant. Des milliers d’étincelles en jaillissaient, si rouges et si énormes qu’elles ressemblaient à des toisons de bélier. Des étincelles si éclatantes que l’on aurait pu y voir comme en plein jour, s’il avait fait nuit. Ivre de bruit et de fureur, Lug déboula donc entre les deux armées ainsi qu’un ours rendu fou furieux, avec tout un faisceau de lances dans la main droite. Et il fit face aux vouivres ou aux anguipèdes gigantesques (andernas/fomors), cette race de « Cain » sombre comme la nuit et hirsute comme des bêtes sauvages, maudite par son père.
Les deux armées furent saisies de terreur à la vue d’une telle apparition, et elles reculèrent chacune de leur côté. Lug était comme un bateau fantôme à la dérive, traînant ses amarres derrière lui ; ou comme un loup enragé rendu fou de douleur, et que rien n’arrêtait ni ne ralentissait, pas même les rochers ni les collines à escalader.
Puis, devant les deux armées, paralysées de stupeur, Lug s’adressa comme suit aux anguipèdes géants. « Retournez immédiatement dans votre camp, car il ne pourra s’agir que d’une bataille sans danger, donc sans gloire, pour vous ». Les vouivres et les anguipèdes géants (que l’on appelle andernas sur le Continent, fomor en gaélique) regagnèrent donc leur bivouac, et les enfants de la déesse Danu (bia) rentrèrent sous leurs tentes.
Lug les y retrouva et apostropha rudement Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd en ces termes :
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Ce n’est pas une bataille digne d’un roi que celle qui est livrée en cachette, et ce n’est jamais une entreprise vouée à la réussite qu’un assaut ainsi lancé en catimini. Vos épées n’auraient pas eu la force du glaive de la justice. Vous n’avez même pas consulté les chamans pour avoir l’horoscope du jour ou pour savoir si aujourd’hui était bien un jour propice à la victoire ! Attendez que je vous dise quand livrer bataille. Voici donc ce que Lug commença par dire à Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd lors de la bataille de la Plaine aux menhirs ou aux tumuli.
Simple petite question maintenant, ô nobles enfants de la déesse Danu (bia), poursuivit-il. Comment pensiez-vous donc arrêter cette horde de vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomors ? Car ce sont vraiment de terribles guerriers, de toutes les races, que les membres de cette armada venue à votre rencontre ?
Nous les avons passés en revue un par un, répondit Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd, et pour chacun d’entre eux, nous avons trouvé quelqu’un des nôtres à lui opposer.
« Bon, très bien, nous allons voir ça. Lequel d’entre vous s’occupera du Barbare venu du fin fond de l’Afrique qu’est le grand Elatio, fils de Deluato ?
Moi, répondit Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd, même si je dois en perdre la tête ! Je l’anéantirai. Je sais bien que cela sera difficile pour tout le monde, certes, mais tout ceci ne sera plus qu’un mauvais souvenir quand nous nous nous quitterons pour rentrer dans nos foyers ; car j’aurai alors sa tête sous le bras, je vous le promets.
Bien, nous verrons cela, répondit Lug. Lequel d’entre vous maintenant s’occupera de Trenos, fils de Triscatalis, le plus violent de leurs chefs de tribus ?
Moi, dit le fils d’Elatio fils de Taran/Toran/Tuireann, au visage brûlé par le soleil, et que l’on appelait Ogmios.
Lequel d’entre vous, poursuivit Lug, s’occupera du fauve géant qu’est le Grand Anluan, fils de Balbo Scolo, le plus horrible des géants jamais vus sur cette terre ?
Moi, dit Dergos Boduos, le fils préféré du Suqellos Dagda Gargant.
Lequel d’entre vous, poursuivit Lug, s’occupera de Loisgionn Lom, fils de Lumghluinech, le guerrier dont les coups ont la vitesse de l’éclair ?
Moi, dit le grand Tadicos, fils de Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd.
Lequel d’entre vous, poursuivit Lug, s’occupera de Treas, fils de Griogor Garbhghluinech, le Barbare venu lui aussi du fin fond de l’Afrique, de Grinne Gaibhteach son fils, et de Baothbhuilleach son frère ?
Moi, dit Gobannos le forgeron, dont les armes décimaient des armées entières.
Lesquels d’entre vous, poursuivit Lug, s’occuperont des géants difformes et fourbes appelés Fiaclac Faobhuidhearb, fils de Connach ; Seimhe Sithfhada, également fils de Connach ; et Moisi Mearamhnas ?
Nous, répondirent les champions appelés Labraidh à la longue main (fils de Tadicos, fils de Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd) ; Cairbre Crom (fils d’Ulcomaros) et son fils Sioghmall.
Lequel d’entre vous, poursuivit Lug, s’occupera du redoutable Indicios, fils de la déesse-ou-démone, ou fée, des profondeurs Domnu, (Dé Domnann en gaélique), roi d’Afrique, ainsi que de ses deux fils qui ont des lances empoisonnées : Olltriallach et Aer Eochairghlonnach ?
Moi, dit le fils d’Elatio, qui avait le visage brûlé par le soleil, et que l’on appelait Ogmios. Je le tuerai lui et ses deux fils.
Lequel d’entre vous, poursuivit Lug, s’occupera de la brute épaisse appelée Lopa, fils de Lopul ?
Moi, dit Moidhair Moruallach, un autre fils du Suqellos Dagda Gargant.
Lequel d’entre vous, poursuivit Lug, s’occupera de Cronn Crodha, le frère de Balaros ?
Moi, dit Alladh Aliunn, un autre fils d’Elatio.
Lesquels d’entre vous, poursuivit Lug, s’occuperont de l’épouse de Balaros, l’horrible et sanguinaire sorcière appelée Catullina Crapouescalaca, fille de Mothran, et petite-fille de Nanto Noiocrotacos ?
Moi, dit le noble Suqellos Dagda Gargant, fils d’Elatio.
Lequel d’entre vous, poursuivit Lug, s’occupera des géants appelés Baoth, Guach, Greannach, Fuath, Amuid et Urghrann, fils des filles de Catullina Crapouescalaca ?
Nous, répondirent en chœur Bodua, Magosia et la fée la Mara Rigu/Morgana, ainsi que les trois filles de Fiacha, fils de Taran/Toran/Tuireann Beccoreo Deluato.
Bon, très bien, dit Lug, mais qui maintenant s’occupera de Balaros, le fils de Dotios ? Car ce ne sera pas une mince affaire que de venir à bout de Balaros. Lequel d’entre vous arrêtera les ruisseaux de poison, et les flots de venin, à la fois brûlants et glacés, qui jaillissent de l’œil de ce monstre ?
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Nul ne put répondre à cette question, ou s’il y fut répondu, ce fut pour dire qu’il n’y avait personne d’assez fort pour cela.
Lug se mit alors en colère et leur cria : vous n’étiez donc pas capables de les repousser sans moi ! Quelle folie, quelle folie de votre part, c’était ! Ce sera donc moi qui m’occuperais en personne de Balaros ! Il y a cependant encore une chose à faire maintenant, ajouta Lug : déblayer cet endroit afin d’en faire un champ de bataille digne de nos duels ou de nos combats singuliers. Comblez les ravines et les creux, rasez les bosses et les monticules, détruisez les hauteurs et les sommets. Il ne faut pas que les hauteurs et les aspérités du terrain gênent le mouvement de nos soldats, ou que nos armées soient continuellement obligées de monter ou de descendre, en courant, leurs lances à la main.
Les Enfants de la Déesse-ou-démone, ou fée, commencèrent donc par aplanir les hauteurs et les aspérités, ainsi que les moindres coins et recoins du terrain, jusqu’à ce qu’il en devienne plat et uni comme un champ de courses. Du coup, ils en profitèrent pour aménager aussi un certain nombre de tertres, avec des galets pris dans l’Unius, et de l’argile ou de la terre au milieu. Afin d’avoir ainsi des hauteurs d’où ils pourraient plus facilement défier ou interpeller les vouivres anguipèdes gigantesques (andernas sur le Continent, fomore en gaélique), le lendemain.
Tout cela ne dura que deux jours et le travail demandé par Lug ayant été terminé, les enfants de la déesse rentrèrent sous leurs tentes. C’est ainsi que la Plaine aux menhirs ou aux tumuli devint la plus plate des plaines du monde.
Les vouivres et les anguipèdes géants (fomore en gaélique) se rassemblèrent à l’autre extrémité, autour des enfants de Largach et d’Iolar, fils de Meirchell. À leur tête était le roi suprême de leur race, le grand Elatio, fils de Taran/Toran/Tuireann Beccoreo Deluato. Du simple soldat au grand chef, tous accoururent. Bregsos son fils ; Balaros Balcobeimnacos, petit-fils de Nanto ; Anluann le Grand, fils de Balbo Scolo ; Trenos Tinneasnach, fils de Triscatalis ; Loisgionn Lom, fils de Lomghluinnech ; Greas Grainamhail, fils de Grioghar Gharbhghluinech, le forgeron des vouivres et des anguipèdes géants (fomore en gaélique) ; Grinne Gaibhtheach, son fils ; et Baothbhuilleach Breisi, son frère ; Fiaclach Faobhuidhearg ; Seimhne Sithfhada ; Moisi Mearamhnas ; Indicios Ectacos, fils de la déesse-ou-démone, ou fée, des profondeurs Domnu (Dé Domnann en gaélique), Octorigillacos et Aèur Eochurghlonnach son fils ; Mala Miachmhilid ; Conn Croda Cruimcheannach fils de Dotios ; Catullina Crapouescalaca et Mothran Michuirdeach son père ; Dubh et Rodubh ; Cab et Seanchab ; Buinne, fils de Labos ; Eolercos Chatha ; Anraidhe Buidhe ; Sligeach Seanbhoirne ; Reachtas Righfhada ; Ceannmhor Cosfhada ; Rinne Ruaidhdhearg ; Subhach Salmhor ; Torna Torncheannach ; Liath Luasgach, fils de Tabharn, et beaucoup d’autres encore, dont les noms ne nous sont pas parvenus…
Elatio s’adressa donc à eux en ces termes.
Ce pays nous a toujours appartenu, et ce malgré la mort de Cunanos fils de Vebro lors de la grande bataille de l’Île à la Tour (Torinis). Le pays de la Tribu de la Déesse-ou-démone est une des marches de notre empire, et ils nous doivent impôts ou tributs. De toute façon, aucun d’entre eux ne nous arrive à la cheville. N’oubliez pas aussi que nous sommes allés trop loin maintenant pour faire marche arrière et que nous n’avons pas assez de navires ou de bateaux pour nous ramener tous d’un seul coup en Afrique. N’oubliez pas non plus que nous commençons à manquer de beaucoup de choses, et que bientôt même nos sorciers n’y pourront rien si ça continue comme ça. Nous n’avons donc qu’une seule solution : faire preuve d’un courage exceptionnel afin que ce pays reste à nous et à nos descendants après nous, car c’est une bien grande armée elle aussi que celle qui est en face. Tel fut le discours d’Elatio, et les vouivres ainsi que les anguipèdes géants (que l’on appelle andernas sur le Continent, fomore en gaélique) s’écrièrent alors en chœur : « Nous rétablirons notre loi sur ce pays, ou nous mourrons ! »
De leur côté, du simple soldat au prince en passant par les chefs et les autres nobles de haut rang, les Gens de la Déesse-ou-démone, ou fée, se réunirent, eux aussi, autour de la tente de Lug, pour écouter ce qu’il avait à leur dire.« N’oubliez pas que depuis le départ du Nemed/Cornunnos, les vouivres et les anguipèdes géants (que l’on appelle andernas sur le Continent, fomore en gaélique) n’arrêtent pas de mettre ce pays à feu et à sang pour en voler les richesses. Ils ont tué ou chassé vos pères en les obligeant à s’exiler dans les îles autour du nord du Monde. Pour reprendre possession de votre héritage, vous avez dû affronter les plus grandes souffrances. Vous avez même dû, vous battre contre les champions des races étrangères ayant occupé le pays entre-temps. Si vous perdez cette bataille, vos enfants, vos petits-enfants et vos arrière-petits-enfants n’auront plus jamais de toit sur leur tête. Mais si vous l’emportez, vous aurez la satisfaction de creuser vous-même la tombe de leurs
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chefs, ou de les rejeter à la mer. Et après cette tempête épouvantable pour eux, vous pourrez tous écouter tranquillement et en souriant, l’histoire de leur défaite ou de leurs angoisses, l’histoire de leurs efforts désespérés pour se maintenir en vie ».
« Ô nobles Enfants de la Déesse,
Si vous êtes des hommes, des vrais,
Restez, restez ;
Afin d’accomplir le plus mémorable des hauts faits.
Une lutte à mort
Contre les vouivres et les anguipèdes géants (fomore en gaélique).
Massacres et destructions
Seront notre lot
Dans la bataille de demain
Mais la noblesse des guerriers n’en sera que plus grande.
Cela ne sera pas une bataille qui durera longtemps.
Tellement nous serons prompts à tirer l’épée.
Et avant la fin du jour
La plupart de leurs champions seront tombés.
Ne craignez rien
Chacun de vos régiments fera merveille
Et c’est ainsi que le pays brisera ses chaînes.
Ne laissez pas l’Île de la pierre de Fal.
Tomber entre des mains étrangères.
Semez la terreur dans leurs rangs
Et frappez sans hésiter.
Je crèverai l’œil de Balaros
Quand il l’ouvrira pour leur venir en aide
Et je briserai la cuirasse
De Loisgionn Lom, fils de Lomghluinedh.
À moi seul je tuerai un millier d’entre eux
Et j’abattrai comme un chien
Le fils d’Elatio (Bregsos)
Malgré sa valeur aux armes.
Je tuerai aussi et d’un seul coup
Les trois rois qu’ils appellent
Eolercos, Catuos et Robudios,
Je tuerai une multitude de leurs rois.
Ce n’est pas pour avoir quelque chose (qui me manquerait)
Que je veux que l’on repousse ces monstres venus d’Afrique et de Scandinavie,
Mais si vous commencez à livrer bataille maintenant
Ma gloire en sera immortelle ! »
Tel fut le discours que Lug adressa aux Toutai Devas afin de leur donner du courage, et ainsi fut-il fait. On commença à livrer un par un les premiers duels, mais ni roi ni prince n’y prirent part. Seuls les plus impatients d’en découdre y allèrent.
Le lendemain Lug se leva pour observer la mer et les étoiles dans le ciel, pour examiner le soleil et les planètes, afin de déterminer l’heure de leur lever ou de leur coucher. Il vit que l’horoscope était bon pour les enfants de la déesse, que le signe du jour par contre était mauvais pour les armées adverses, et il enfila donc sa tenue de campagne. Les TD n’avaient jamais vu un tel équipement : une tunique de satin multicolore et douce comme on n’en trouve qu’au Vindomagos, une chemise de lin brodée d’or, sur la peau.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 43.
Quelque part dans nos textes des hommes venus de la grande plaine de l’est disent au Suqellos Dagda Gargant : toute peau qui porte la chemise autour d’elle, aucune maladie ne peut l’atteindre. La
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matière même de la chemise, qui est au contact direct du corps, nuance son symbolisme. Chanvre brut du paysan ou de l’ascète, lin fin des gens du beau monde, soie précieuse des riches, chemise brodée des cérémonies, etc. chacune d’elles caractérise un personnage. Être dépourvu de chemise est le signe, non seulement du plus grand dénuement matériel, mais d’une complète solitude morale et de l’abandon de la société. Plus de protection, ni celle d’un lieu matériel, ni celle d’un groupe. Donner jusqu’à sa chemise, au contraire, est le geste d’une générosité sans limites. Dans la mesure où la chemise est une seconde peau, c’est se donner soi-même, c’est partager son intimité.
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Lug mit un large casque d’or fin, avec des franges d’or pour protéger son cou, des attaches renforcées, des bordures en fil d’or, et un solide ceinturon. Il revêtit aussi une cuirasse en or rehaussée de gemmes et d’escarboucles, d’où sortaient mille et un bruits étranges. Il prit son large bouclier en bois rouge, recouvert d’or et décoré d’un magnifique umbo de bronze blanc avec des chaînes en argent tendues dessus pour le protéger des coups d’épée. Sa poignée de cuir était splendide et gravée d’une multitude de signes mystérieux. Il prit sa longue épée sombre et tranchante, sa lance à cinq pointes empoisonnée, ainsi que sa fronde pour briser les boucliers. Il prit aussi sa lourde massue afin d’écraser les crânes des plus têtus. Et c’est donc ainsi équipé que partit au combat, contre l’ennemi, le plus puissant soutien que le royaume ait jamais eu, le champion par excellence, l’homme le plus courageux et le plus fort du monde. Sa fureur était comme celle d’un ours enragé, sa colère était comme celle d’une mer démontée. Personne ne lui arrivait à la cheville, pour ce qui est de l’intelligence, du savoir, de la science des augures, des arts martiaux, du courage ou de l’héroïsme. Les nobles guerriers Toutai Devas le suivirent donc, comme un seul homme, encouragés de la voix par le roi des guerriers d’Europe. Et comme un roc, toute l’armée se mit en marche afin d’arriver par le nord à l’endroit prévu pour l’affrontement : la grande plaine des menhirs. Son bruit était comme celui de l’océan se jetant sur les côtes de l’Île bordée de bleu.
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 44.
Le meilleur exemple de cette armée en marche nous est donné par Polybe dans le récit célèbre qu’il a laissé de la bataille de Télamon. Polybe a écrit peu de temps après les événements, en utilisant des sources directes, notamment le témoignage de Fabius Pictor qui avait participé à la bataille.
Rappel sur la technique guerrière des Celtes antiques. Les Celtes avant la bataille criaient abondamment. Plutarque dans le récit qu’il a repris à Posidonios des affrontements entre Marius et les Cimbres ou les Teutons, évoque souvent des scènes aussi sonores que visuelles. À croire que ces peuples avaient un véritable don du cri de guerre (cf. ainsi que nous l’avons déjà vu, l’étymologie du mot slogan : slougos garima > sluagh gairm en gaélique) qui n’entamait en rien leur ardeur physique.
« Car il y avait parmi eux un nombre incalculable de cors et de trompettes, dans lesquels ils soufflaient simultanément et de toutes parts dans leur armée. Leurs cris étaient si forts et perçants que le bruit ne semblait pas venir seulement des trompettes et des voix humaines, mais aussi de toute la campagne environnante à la fois. Non moins terrifiants étaient l’apparence et les mouvements rapides de ces guerriers nus placés au premier rang, qui montraient des hommes à l’apogée de leur force et de leur beauté. Tous ces guerriers des premiers rangs étaient richement ornés de colliers ainsi que de bracelets en or. Un tel spectacle terrifiait les Romains ; mais l’espoir qu’il leur donnait en même temps, d’une victoire riche en butin, redoublait leur ardeur au combat (Polybe, Histoires, livre II, chapitre XXIX).
Cette admirable description qui a su préserver jusqu’à nous le caractère surhumain de cette bataille montre bien que les Celtes avaient consciencieusement recherché cet effet d’épouvante. En parant leurs troupes d’une aura magique qui ne laissait de côté aucun des moyens utilisables, instruments à vent, chant humain, cris, parures étincelantes nudité impudique, corps d’une taille et d’une force inhabituelle, etc. Dans tous les combats, les guerriers plus effrayants que les autres étaient postés en première ligne, afin qu’ils soient vus les premiers, mais aussi pour que l’on imagine que ceux qui les suivaient immédiatement derrière étaient tous semblables. Avant d’entreprendre le combat proprement dit, le Celte avait aussi coutume de pratiquer une sorte de danse armée. Probablement peu différente que celle que nous a léguée l’ethnographie des Indiens d’Amérique du Nord. Il sautait sur place en agitant ses armes et en frappant son bouclier afin de produire un énorme vacarme
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métallique. Les Romains, à partir du IIIe siècle, se moquèrent de ces mœurs archaïques qui étaient néanmoins encore les leurs, un ou deux siècles plus tôt.
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Torrents innombrables et bouillonnants, rouges ou bariolés de toutes les couleurs : c’était un véritable incendie de métal en fusion que ces guerriers sous le soleil. Vu les couleurs de leur armement, la variété des lances aux pointes acérées, le bruit des épées, le nombre des casques et des ornements.
Les beaux et fiers TD ressemblaient à des piliers pourpres et rouges, car leur fureur guerrière était immense. Ils pressaient le pas, tellement ils avaient hâte de se venger de l’infâme race des vouivres et des anguipèdes géants (que l’on appelle andernas sur le Continent, fomore en gaélique). Tels furent donc les TD lors de leur arrivée dans la Plaine des menhirs ou des tumuli. Et en quelques instants ils furent à leur poste, prêts à livrer bataille.
De leur côté, les vouivres et les anguipèdes géants (fomore en gaélique, andernas sur le Continent) s’étaient, eux aussi, apprêtés à livrer combat.
Les vouivres et les anguipèdes géants (fomore en gaélique) étaient horribles à voir et leurs lourdes chevelures crépues ressemblaient aux sombres nuées de sauterelles déjà venues dans la plaine des menhirs ou des tumuli pour écraser d’impôts ou de tributs les nobles enfants de la déesse Danu (bia) ainsi que leurs familles. C’était une foule noire et innombrable que cette sombre armée, venue d’Afrique ou de Scandinavie par bateaux entiers. Leurs vêtements étaient sombres et courts, leurs tuniques épaisses et grossières. L’équipement de cette horde était aussi horrible à voir : il regorgeait de lances épaisses comme des troncs d’arbre, et de lourdes cuirasses.
Après avoir couru à la rencontre des TD, ils se jetèrent à terre, visage et poitrine contre le sol, et l’un des leurs s’écria : « Tout le monde en place pour l’ouverture de l’œil de Balaros ! » Ensuite il ordonna de dégager l’œil venimeux rempli de poison des chaînes et des liens qui le maintenaient fermé.
Un jour que les sorciers de son père étaient à faire bouillir des potions magiques, Balaros était venu pour regarder dans le chaudron, et de la vapeur d’eau empoisonnée lui était alors entrée dans l’œil.
Depuis lors, il était devenu si maléfique qu’il ne l’ouvrait jamais, sauf sur un champ de bataille. Vingt-sept hommes devaient en soulever la paupière avec un crochet d’acier soigneusement poli, tout en lui tournant le dos pour ne pas le voir.
Quand une armée croisait le regard de cet œil, elle en était paralysée immédiatement et ne pouvait plus résister à personne, même en étant mille fois plus nombreuse. Vingt-sept solides guerriers des vouivres gigantesques (que l’on appelle andernas sur le Continent, fomore en gaélique) se relevèrent donc aussitôt, et ôtèrent les chaînes et les liens maintenant l’œil fermé. Avec un crochet en acier, ils soulevèrent la peau écailleuse de la paupière du monstre, et ils ouvrirent l’épais rideau qui se trouvait derrière.
Effrayés par ce spectacle, les TD se jetèrent, eux aussi, derrière leurs boucliers, afin de se protéger des jets de venin de l’œil empoisonné, à l’exception évidemment de l’ours sans peur qu’était Lug au long bras. Balaros se livra devant lui, pour lui faire peur ou pour le provoquer, à d’horribles contorsions. Les T.D. commencèrent à être saisis de panique, et ce d’autant plus que Balaros n’arrêtait pas de les fixer du regard, afin de voir si quelqu’un était encore en mesure de s’opposer à lui en lui lançant un javelot. Mais personne devant lui ne bougeait sur le champ de bataille : les enfants de la déesse demeuraient comme paralysés de stupeur par cet œil géant, plein de poison et de venin brûlant ou glacé, à la fois feu et eau. Hormis Lug bien entendu ! Balaros referma son œil et notre héros en profita pour appeler Gobannos à la rescousse. Il lui chuchota : « Passe-moi la plus lourde de tes balles de fronde, la plus terrible, la plus dangereuse, que je lui crève l’œil ». Gobannos fit signe à ses cent cinquante apprentis et ces derniers arrivèrent, rapides comme l’éclair, à l’appel de leur maître, pour l’aider à fondre la plus extraordinaire des balles de fronde jamais fabriquée. Ils prirent cent cinquante pinces, mais, quelle que soit la façon dont ils s’y prenaient, ils ne réussissaient pas à saisir la balle, tellement elle était lourde et brûlante. Gobannos prit donc lui-même une pince et attrapa la balle de plomb d’un seul coup, malgré le nuage de feu ou de fumée qui s’en dégageait. Mais comme Lug commençait à trouver le temps long, il se fit plus pressant.
« Ô, Gobannos, mon ami
Vite, dépêche-toi,
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Car d’un seul coup d’un seul
Je peux arrêter net tout jet de venin sortant de cet œil
Véritable chaudron de poison paralysant.
Ô toi mon ami forgeron,
Étincelle de toute forge,
Je n’ai pas peur
Et ma main ne tremblera pas.
Grâce à cette boule de métal en fusion
Je brûlerai l’œil de Balaros
Et nous pourrons alors ensuite
Écraser tranquillement les anguipèdes géants.
Le sol sera jonché de têtes coupées
C’est aujourd’hui et ici
Que les vouivres et les anguipèdes géants (fomore en gaélique)
Doivent perdre à jamais leur empire sur cette terre ».
Gobannos lui répondit :
« Ô Lug, royal combattant bouillonnant de fureur
Ton grand-père est là
Il est fort, sans peur et agile.
Voici ta balle de fronde,
Elle est encore brûlante, mais elle est à toi
Cette balle étincelante
Grosse comme trois poings.
Il est à toi ce lourd morceau de métal rougeoyant
Qui sera pour Balaros et d’un seul coup
La cause d’une horrible mort.
Sois rapide comme l’éclair
Et fais vite, ô Lug
Vise le coin de son œil
Lance cette masse brûlante
Avec une force telle
Qu’elle lui traverse la tête !
Alors sa fureur sera immense
Sa tête explosera de colère
Et il en mourra.
Ainsi prendra fin la paralysie de nos troupes
Due à cet œil
Au long jet de poison venimeux ».
Balaros, qui avait entendu ce que Gobannos venait de dire, s’adressa ensuite à lui en ces termes.
« Pauvre fou, tu vas payer de ta vie
Toutes ces sottises
Je te frapperai du regard
Et avant même que tu aies pu faire quelque chose
Tu seras mort
Tu n’as aucune chance ».
Mais Lug lui répondit :
« Balaros, Balaros, moi je n’ai pas peur de ton œil ! »
« Qui es-tu donc, toi, pour oser me parler ainsi ? s’écria le monstre. Que l’on soulève ma paupière que je voie un peu le petit vantard qui ose me parler de cette façon ! »
Alors du seuil de sa forge Gobannos lança enfin à Lug le globe de métal encore rougeoyant.
Les deux armées se jetèrent aussitôt de nouveau à plat ventre, sous leurs boucliers, face contre terre.
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À l’exception de Balaros et des vingt-sept guerriers anguipèdes géants qui lui tournaient le dos pour ouvrir son œil, et à l’exception de Lug aussi bien entendu.
Lug prit la balle tombant du ciel, fit tournoyer sa fronde, et la lança avec une force incroyable. Lug avait bien visé malgré la distance, et la balle encore brûlante creva la paupière de l’œil du cyclope, ainsi que l’épais rideau de lin placé derrière. La tête de Balaros en fut percée de part en part, et elle devint comme une grande lanterne vide. La violence du coup lui avait foudroyé l’œil, il n’était plus désormais qu’une masse informe et monstrueuse gisant derrière lui.
C’est ainsi que fut arraché l’œil de Balaros au début de la bataille de la Plaine aux menhirs ou aux tumuli. Balaros tomba ensuite à la renverse, sur sa propre armée, en écrasant les vingt-sept guerriers qui étaient derrière lui. Leurs têtes furent projetées en l’air puis retombèrent sur la poitrine d’Indicios, fils de la déesse-ou-démone, ou fée, des profondeurs, Domnu (Dé Domnann en gaélique), et un flot de sang jaillit de ses lèvres.
Que l’on m’appelle Leitos Letoglastos immédiatement, s’écria Indicios. Je veux savoir qui a réussi ce coup si catastrophique pour nous.
Le grand sorcier de la race des vouivres et des anguipèdes géants (que l’on appelle andernas sur le Continent, fomore en gaélique), Leitos Letoglastos, fils de Luasgach, demanda donc : « Quel est le guerrier, qui a réussi à déjouer notre vigilance et à faire gicler ainsi de sa tête l’œil de Balaros ? »
Lug répondit. C’est moi, Lug au long bras, le fils d’Ethniu Erigelaca. C’est moi qui ai gagné ce combat contre le champion de vos champions. Telles furent les premières paroles qu’adressa Lug à la race des vouivres et des anguipèdes géants (fomore en gaélique).
Il apostropha ensuite ainsi les Enfants de la Déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère : « Relevez-vous, ô nobles enfants de la déesse mes frères, ayez de nouveau la tête haute.
Relevez vos lances et reprenez vos épées. Que notre lignée sorte grandie de ce champ de bataille, et nos familles libérées. Que tout le monde sache dans le pays que l’œil de Balaros n’est plus qu’un mauvais souvenir ».
Lug prit ensuite l’apparence d’une vieille sorcière hideuse, et fit le tour des deux armées face à face, en annonçant mille morts aux vouivres et aux anguipèdes géants (fomore en gaélique, andernas sur le Continent). Ou en prodiguant toutes sortes d’encouragements et de paroles réconfortantes aux Enfants de la Déesse-ou-démone, ou fée. Afin qu’ils livrent avec ardeur cette ultime bataille, et qu’ils ne demeurent pas plus longtemps esclaves des anguipèdes géants : il vaut mieux mourir pour la défense et la protection de la patrie que de rester plus longtemps esclave.
Lug leur chanta le chant ci-dessous, sur une seule jambe, avec une seule main et un œil fermé (« oechos », et « oenuil » en gaélique).
« La bataille va éclater dans la plaine
Terrible sera la bataille qui éclatera
Les eaux de l’Unius en seront rouges de sang ».
Les deux armées se relevèrent aussitôt et chacun se mit à courir comme un fou contre son adversaire. Les nobles guerriers du clan de la déesse Danu (bia) fonçaient comme des sangliers chargeant afin de venir au secours de leurs petits, comme un troupeau de taureaux affolés par des meutes de loups aux crocs acérés, ou comme les vagues de la mer à l’assaut des falaises. Ils se ruèrent vers les tas de galets qu’ils avaient amassés la veille en préparant le terrain, et ils remplirent leurs capuchons ou leurs manteaux de cailloux durs comme de l’acier. À l’aide de leurs frondes, ils firent tomber une véritable averse de pierres sur les vouivres et les anguipèdes géants (que l’on appelle andernas sur le Continent, fomore en gaélique), dont les boucliers furent ainsi réduits en miettes. Nombre de vouivres et anguipèdes gigantesques (andernas sur le Continent, fomore en gaélique) eurent les jambes ou la poitrine, brisées, percées ; certains en perdirent même la tête. Les TD s’élancèrent ensuite pour les affronter au corps à corps. Le fracas des boucliers se heurtant violemment monta jusqu’au ciel. On entendait à cent lieues à la ronde le sifflement des épées tournoyant dans l’air avant de s’abattre sur les têtes. Le bruit des cuirasses fracassées, le choc des lances, le bruit des massues écrasant les casques, les coups de fléau dans les jambes. Partout ce n’était plus que cris de douleur et gémissements. Les uns pleuraient ou se lamentaient, les autres toujours debout, hurlaient comme des fous et, ivres de rage ou couverts de sang, dépouillaient déjà leur adversaire tombé à terre. La fée Morrigu/Morrigane/Morgane et ses sœurs survolèrent le champ
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de bataille pour y faire tomber la nuit et des averses de grêle, violentes comme une tempête. Le sol en devint si glissant que beaucoup tombaient à terre et roulaient à côté de leurs armes ; mais ils continuaient le combat même en pataugeant dans le sang, à genoux voire à plat ventre.
C’est à ce moment-là qu’intervint le roi Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd, fils d’Ectacos, fils d’Atervolamos. Avec cent hommes sur chacun de ses flancs, il s’enfonça comme un coin dans l’armée ennemie. À coups de lance, il se fraya un chemin, sanglant, jusqu’au grand roi de cette race maudite, Elatio, fils de Taran/Toran/Tuireann Beccoreo Deluato. Il était en effet en train, lui et sa garde, de faire un véritable massacre de Toutioi Deuas. Le choc entre les deux bataillons fut terrible et tous s’écroulèrent dans des mares de sang, ivres de coups et de fatigue, sauf Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd et le grand Elatio. Ils se ruèrent l’un contre l’autre, comme des loups affamés se jetant sur un jeune daim, et chacun leva contre l’autre sa lance empoisonnée à la hampe rougie de sang. À l’aide d’une lourde masse de fer, chacun s’en prit ensuite au bouclier ou au casque de son adversaire. Ils finirent par être réduits en miettes. Ils mirent alors la main à leur épée puis ils commencèrent à se taper dessus comme des fous. Leur corps ne fut plus bientôt qu’une immense plaie rouge et béante. Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd réussit néanmoins à porter un coup si violent à Elatio, que son épée lui transperça la poitrine. Lug arriva sur les lieux, lui coupa la tête et la brandit en l’air en la tenant par les cheveux. Loin d’être abattus par la mort de leur roi, les anguipèdes géants et les vouivres (andernas sur le Continent, fomore en gaélique) reprirent au contraire leur sinistre besogne. Trenos, fils de Triscatalis, un autre de leurs chefs, se lança même à l’assaut de Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd pour venger le grand Elatio. Le cliquetis de son immense épée, taillant dans les os comme dans de la chair, ressemblait au bruit d’un navire de guerre à l’assaut, et devant ses lances les T.D. commencèrent à se débander pour se jeter dans une fuite éperdue.
Ogmios dut intervenir pour l’arrêter. Bouclier contre bouclier, ils se livrèrent alors un rude combat. Leurs lances furent brisées à trois reprises. Le combat était si violent que leurs boucliers ne servaient plus à rien et les flancs de nos deux héros ne furent bientôt plus eux aussi qu’un amas de chairs sanguinolentes. Quand Lug eut compris la situation, il accourut et trancha la jambe droite de Trenos.
Ce dernier pivota sur lui-même afin de rendre coup pour coup, mais Lug l’acheva et lui coupa la tête. Alors intervint la plus célèbre bête à combats que l’on ait jamais vue, Anlounos le grand, fils de Balboscalo. Il se jeta dans la bataille contre les TD à son tour et se mit à les massacrer ou à les tailler en pièces, de haut en bas, malgré leurs grands boucliers, car c’était un géant dépassant de cent coudées les Toutai Devas. Dergos Boduos, le fils de notre bon Suqellos Dagda Gargant, se jeta contre lui comme un ours en colère et par-dessus son bouclier à large bord lui fit le coup de la pelote de fil déroulée, de gauche à droite [sans doute une botte secrète, la langue de cette version est l’irlandais prémoderne du XVIIe siècle, mais comporte avec des traces d’un état plus ancien de la langue].
« Ce n’est pas ça qui te sauvera ! » lui cria le grand Anlounos.
Les deux adversaires se ruèrent l’un contre l’autre en s’infligeant de si horribles mutilations que plus personne n’osa les regarder après cela. Lug fit demi-tour et se fraya un chemin dans leur direction, mais la violence de ces combats fut telle que sa lance en fut brisée. Lug ayant néanmoins pu arriver juste derrière Anlounos, il lui en planta la hampe brisée dans le dos, juste entre les deux épaules.
Anlounos se retourna d’un seul coup, et faillit renverser Lug. Mais aussitôt après, avec de grands cris de rage, il se remit à taper sur Dergos Boduos sans s’arrêter. Nos deux héros réussirent néanmoins à prendre sa lance et à la retourner contre lui. Elle le traversa entièrement et vint même se ficher en terre derrière lui. Anlounos s’écroula et ses armes tombèrent entre les mains de Lug ou de Dergos Boduos qui dépouillèrent aussitôt son cadavre en poussant des rugissements de triomphe. Ce fut ensuite au tour de Lopthach, fils de Lobos, de se jeter dans la bataille. Il semait partout la mort et la destruction dans les rangs des nobles guerriers du peuple de la déesse Danu (bia) et derrière lui le sol fut rapidement jonché de cadavres décapités. Medros Mordhalach, un autre fils du Suqellos Dagda Gargant, lui barra la route comme un torrent furieux en crue. Ils levèrent leur bouclier en même temps puis, entraînés par ce premier assaut, se transpercèrent mutuellement les flancs à coups de lance. Le grand Lopthach tomba par terre et Lug accourut pour lui couper la tête avant que Medros n’ait eu le temps de le faire. Ce fut alors au tour de Tadicos, le fils de Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd, d’intervenir. Il se mit à tailler en pièces les bataillons anguipèdes géants. Le plus célèbre des champions vouivres anguipèdes, Loisgionn Lom, fils de Lomghluinech, se lança aussitôt à sa poursuite, en taillant à son tour en pièces les bataillons T.D. Le bras des deux hommes ruisselait
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littéralement de sang. Lug intervint. L’anguipède s’écroula et Lug lui coupa la tête. Ce fut alors au tour du maître des secrets de la forge, Gobannos, fils d’Ethniu, de se lancer dans la mêlée. Il disposa ses hommes à chaque coin du champ de bataille et ce fut un combat « phalanges de lances sanglantes contre phalanges de lances sanglantes ». L’anguipède géant (fomore en gaélique, andernas sur le Continent) qui vint à sa rencontre était, lui aussi, un célèbre forgeron, car il s’agissait de Greas, fils de Grioghar. Les deux artisans sortirent donc leurs lances et commencèrent à s’affronter. Voyant leur père en mauvaise posture, Grinne Gaibhtheach et Baothbhuillech, ses fils, vinrent à son secours.
Quand Lug entendit les cris de Gobannos obligé de se battre à un contre trois, il courut lui prêter main-forte et abattit Grinne Gaibhtheach puis Baothbhuillech. Gobannos épargna cependant Greas, par respect pour lui.
Trois célèbres champions anguipèdes, Fiaclach Faobhuirdhearg, fils de Connach ; Seimhne Sithfhada et Moisi Mearamhnas, se jetèrent alors à leur tour dans la bataille, et firent un vrai massacre de Toutai Devas, dont les corps se mirent bientôt à couvrir la plaine derrière eux. Il fallut trois des plus célèbres champions TD, des héros à la superbe prestance et hauts en couleur, pour les arrêter. Il s’agissait de Labratios Vadolamios, fils de Tadicos, fils de Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd ; de Cairbre Crom, fils d’Ulcomaros, et de Siodmall, son fils. Le bruit de leur rencontre, épée contre épée, bouclier contre bouclier, fut si violent, que Lug l’entendit très distinctement malgré le bruit fait par les autres combats singuliers. Le champion au long bras et au coup sans merci rattrapa Fiaclach Faobhuirdhearg, Seimhne Sithfhada et Moisi Mearamhnas ; et les décapita d’un seul coup de son épée. Le grand roi d’Afrique appelé Indicios, fils de la déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère ce terme, des profondeurs (Domnu en gaélique), héros favori de la race des anguipèdes géants et des vouivres (que l’on appelle andernas sur le Continent, fomore en gaélique) ; demanda ensuite à ses deux fils, Olltriathach et Aer Eochairghleannach : « Faut-il laisser tous ces morts sans vengeance ? » « Ne pas venger les nôtres serait une honte, répondirent les deux frères. Et nous n’aurons jamais plus belle occasion, que ce combat dans la plaine des menhirs ou des tumulus ». Ils se lancèrent donc eux aussi à leur tour dans la mêlée du combat et les têtes tombèrent devant eux ainsi que des noix mûres quand on secoue les branches. Arrêté par le mur de boucliers que lui opposèrent les hommes d’Ogmios, Indicios concentra ses efforts sur le fils d’Elatio, et Ogmios dut lui livrer un combat vraiment acharné. Sans pitié furent ces deux champions que tout opposait. Les coups de massue tombaient comme des grêlons et les coups d’épée aussi. Les boucliers volèrent en éclats et leurs corps ne furent bientôt plus qu’une immense plaie béante. Les ruisseaux de sang jaillis de leurs coups tordus auraient pu faire tourner la roue à aubes d’un moulin. Faisant appel à toutes ses forces en un ultime effort, Indicios réussit enfin à porter un coup mortel à Ogmios, qui tomba aussitôt à terre pour y être décapité sur-le-champ par sa fidèle épée. Les deux chamans des TD, Catumailos et Bronnia, accoururent alors pour venger sa mort. Indicios et ses deux fils, Octorigillacos et Aer Eochairghleannach, réussirent à contenir leur assaut. Olltriathach frappa les deux chamans puis ramena leur tête et leurs dépouilles à Indicios, mais Catumailos et Bronnia furent aussitôt vengés par Lug. Il réussit en effet à faire tomber, juste après, Indicios ainsi qu’Octorigillacos, et les TD, soulagés, poussèrent un rugissement de triomphe. Alors Cunnos Crumiopennacos, fils de Dotios, se rua sur le noble guerrier du clan de la déesse appelé Airdechtach, fils d’Elatio. Le choc fut indescriptible. Là encore, Lug courut intervenir : il asséna tant de coups à Cunnos Crumiopennacos que ce dernier en tomba raide mort à ses pieds.
DERNIERS REBONDISSEMENTS.
Une chose extraordinaire se produisit alors, du moins si l’on en croit le barde nommé Luatolicnacos : le petit-fils de Nanto Noiocrotacos, Balaros Balcobeimnacos, sortit du coma où l’avait plongé la balle de fronde fondue par Gobannos.
« Bien vivant et toujours aussi fort.
Comme une flamme jaillissant de sous la cendre
De nouveau prêt au combat et à la bataille
Contre les Enfants de la Déesse
De nouveau prêt à exterminer les rois T. D.
Malgré leur fureur et leur fierté ».
Le chef de la race des vouivres et des anguipèdes géants (que l’on appelle andernas sur le Continent ou fomore en gaélique), le féroce Balaros, reprit donc ses armes et revint se battre. Catullina
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Crapouesclaca la sorcière, sa femme, le suivit avec six horribles guerriers appelés Baoth, Guach, Greannach, Uath, Amuid et Urghrain, tous armés d’un lourd fléau de fer. D’autres groupes de vouivres ou d’anguipèdes géants se remirent en marche derrière eux, surgis, on ne sait comment, de tous les coins et recoins du champ de bataille.
Un mené par Sneidhe Sreangfhada, fils de Seanghann, un mené par Faobhur Fioramhnas, fils de Beis, un mené par Pennomaros Vadocoxsos (de Crête), un mené par Rinne Roudiodergos (de Rhodes), un mené par Subha Ordanfhada (de Sicile), un mené par les deux fils de Tabharn, Torna Torncheannach et Liath Luasgach. De tous côtés donc, les anguipèdes géants se regroupèrent, derrière Balaros le Barbare, pour une ultime contre-attaque. Tout alla ensuite très vite.
Balaros marcha en tête du front formé par les guerriers vouivres et anguipèdes (andernas/fomore) survivants. À trois reprises, il essaya de percer les rangs serrés des Enfants de la Déesse-ou-démone, ou de la fée si l’on préfère, faisant à chaque fois des centaines et des centaines de morts.
Tout autour de lui le sol était jonché de têtes coupées ou de cadavres, et des ruisseaux de sang coulaient sous ses pieds. Inquiet d’un tel revirement de situation, Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd lui-même courut se mettre en travers du sillon sanglant creusé par Balaros. Ce dernier fit voler en éclats son bouclier et lui perça le flanc. Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd demanda un autre bouclier à ses hommes. Dès qu’il en eut un, lui et Balaros se ruèrent de nouveau l’un contre l’autre avec violence. Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd se mit à perdre son sang en abondance. Des ruisseaux de sang s’échappèrent en effet de ses flancs meurtris et il n’était plus désormais qu’une plaie vivante. La paralysie s’empara peu à peu de ses membres, il s’écroula par terre. Balaros s’approcha de lui, le décapita, et clama partout autour de lui son exploit. C’est ainsi que mourut Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd.C’est dans la première bataille de la Plaine aux menhirs ou aux tumuli que fut coupé son bras, c’est dans la deuxième que lui fut coupée sa tête. Le grand Suqellos Dagda Gargant s’approcha de Balaros et lui cria : « Arrête de te vanter de cette victoire, car tu vas être toi-même décapité pour cela ». Et il se lança contre lui. Le combat entre les deux guerriers fut si effroyable qu’ils en eurent le corps mutilé dès le premier assaut. Catullina Crapouescalaca, la reine des sorcières, femme de Balaros, accourut au secours de son époux. Elle partit en direction de Dumha Choille Carrthuine, un endroit situé à l’ouest de la Plaine des menhirs ou des tumuli, et c’est là que le Suqellos Dagda Gargant poursuivit avec elle, à sa façon, le combat en cours. Lug reparut ensuite sur le champ de bataille comme un taureau assoiffé de sang. Il fit une brèche dans le front ennemi en tuant cent des leurs devant lui et cent autres de chaque côté. Trois champions anguipèdes tentèrent de l’arrêter, Sligacos Senoboarios, Reisi Righfhada et Subach Ordanfhada. En vain, car ils durent s’enfuir. Lug les poursuivit, rattrapa Subhach Ordanfhada réfugié sur la colline située à l’ouest de Mag Treaa, et l’acheva d’un seul coup d’épée. D’où le nom de ce lieu après cela : « Subhach ».
Puis Lug repartit à la poursuite des deux autres fuyards. Le premier à être rattrapé fut celui qui était parti en courant vers l’ouest, Reisi Righfhada. Le coup que lui asséna Lug fut si violent que sa tête sauta littéralement en l’air, et qu’elle retomba dans des buissons. Lug réussit à la récupérer avec sa javeline et la cacha quelque part sur la colline. Du coup ladite colline devint hantée, pour longtemps, car Lug oublia de revenir la prendre. Pendant des siècles et des siècles, la tête coupée de Reisi poussa chaque année à cet endroit, au moment de Samon, et ce durant toute la nuit, de longs et lugubres gémissements. Ces soupirs faisaient trembler les hauteurs et les collines environnantes, et à chaque fois les moutons paniqués couraient se blottir dans la plaine située en contrebas. « Il en fut ainsi jusqu’à ce que vienne Eitcheann Doire, autrement dit Colum, fils de Feidlimid, pour enseigner la vraie croyance en Dieu. Alors et alors seulement, le fantôme de Reisi quitta la colline et n’y revint plus jamais ».
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Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 45.
Cet ajout du transcripteur chrétien de la légende est intéressant à plus d’un titre. Enterrée au sommet de cette colline, la tête de Reisi jouait donc ici exactement le même rôle que celle du célèbre roi gallois Bran, sur la colline blanche de Londres (Gwynrryn). Elle faisait peur à tous ceux qui n’étaient pas de son côté (au moins chaque 1er novembre). L’intervention de saint Colum mettant fin à tout cela, est évidemment par contre, une légende « dorée » chrétienne ainsi que nous l’avons vu.
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Sligacos Senoboarios fut la troisième victime de Lug. Lug le rattrapa près du ruisseau de la source blanchâtre (spruta glisas dubronas en vieux celtique, Sruth An Tobair Ghil en gaélique), et alors qu’il fuyait vers le nord. Il l’abattit sur place d’un seul coup, d’où le nom du ruisseau après cela, Sligacos. Lug retourna ensuite sur la Plaine aux menhirs ou aux tumuli pour reprendre sa place dans la bataille. Pendomaros (de Crète) et Rinnos Roudiodergos (de Rhodes) tentèrent en vain de lui résister, mais ils tombèrent sous ses coups.C’est alors, et en désespoir de cause qu’intervint Bregsos lui-même, le champion des champions, fils d’Elatio. Il jeta les dernières forces vouivres et anguipèdes (andernas/fomore) dans la bataille, afin de venger son père. Il frappait de tous les côtés, mû par l’énergie du désespoir : sa lourde massue de fer écrasait comme des noix mûres des centaines de têtes à la fois.
Lug courut à sa rencontre et ils s’affrontèrent. La terre trembla sous le poids de leur combat. À coups de bouclier, Bregsos blessa par trois fois le héros de la Tribu de la Déesse-ou-démone, ou de la fée. De sa main gauche Lug lui fit le coup du tranchant du bouclier [même remarque que précédemment. La formule gaélique est difficile à traduire. Il ne s’agit pas d’une arme secrète, mais d’une technique secrète dans le maniement de l’épée]
Les derniers anguipèdes géants survivants poussèrent un long cri de malédiction et firent pleuvoir sur Lug une grêle de javelots. Tous furent réduits en miettes par le tournoiement du bouclier de Lug.
Celui-ci, bien à l’abri derrière cette forteresse aux créneaux infranchissables, porta un coup si violent, à la partie supérieure du bouclier de Bregsos, qu’il en fut à moitié décapité aussitôt et qu’il dut… [Ici se trouve une phrase assez incompréhensible, vu la suite des événements.]Encouragés par cette nouvelle, les enfants de la Déesse revinrent en force de tous côtés, frappant et taillant sans merci dans les rangs des vouivres et des anguipèdes géants (que l’on appelle andernas sur le Continent, fomore en gaélique). Les guerriers aux lances à cinq pointes livrèrent un ultime et furieux combat contre eux. L’air tout entier vibrait de leurs cris de douleur ou de leurs appels au secours. Une nouvelle fois Lug accourut pour mettre en déroute les étrangers venus d’outre-mer, et ils recommencèrent, Balaros y compris cette fois-ci, à fuir dans toutes les directions. Balaros partit vers l’est avec une forte troupe d’anguipèdes géants survivants, et ils réussirent à atteindre la forêt de chênes du harpiste de Pendomaros (Coille crotan ceandmhor en gaélique), mais ce fut en vain. Le premier à être rattrapé puis décapité par Lug fut Loman Lom, fils de Lobos. D’où le nom de l’endroit désormais : Leithcheann leitrach leman. Ensuite ce fut au tour de Cuilleach Correos, fils de Tinni Thorbhuillech. D’où le nom de l’endroit désormais : les chênes de Cuillead (Doire Chuillig en gaélique). Sealgan fils de Putios fut le 3e. D’où le nom de ce lieu après cela : Snamh Sealgain. Eangha Ardmhor, fils de Piollchat, fut le 4e. D’où le nom de l’endroit ensuite : Mag Eangha.
Enfin ce fut au tour de Mothran Michuirdeach d’être rattrapé. Il n’opposa guère de résistance et lui aussi fut abattu par Lug. L’ampleur de la déroute fut telle que la fuite des vouivres et des anguipèdes gigantesques (andernas sur le Continent, fomore en gaélique) fut éperdue et qu’ils ne laissèrent pas un seul arbre debout derrière eux, dans leur course folle vers la mer. D’où le nom de cet endroit dès lors : Reinomagos. Le fils de Mothran, Dearca Dianbhuilleach, s’étant écarté du reste des fuyards pour tenter sa chance vers le nord-ouest, Lug s’en aperçut et le tua d’un seul coup de sa fronde. D’où le nom de ce lieu après cet événement : Acate Derci. Lug repartit ensuite vers l’est pour continuer à courir après l’armée en déroute, et réussit encore à tuer à coups de fronde les trois Corrchuinn Chruaidhe. Balaros et les fuyards essayèrent d’en profiter pour décrocher en se cachant dans les bois, mais ce fut en vain. Lug les rattrapa et les tua presque tous, d’où le nom de l’endroit justement après cela, Caldo Marousion (le bois des morts, Coill Mharb en gaélique). Et le massacre continua. Lug tua Ludur Munnmhor, le fils de Loisgenn Lomghluinech, d’où le nom de ce lieu après cela (Snamh Ludair).
Il ne s’arrêta pas pour autant et continua sa boucherie jusqu’à Qadtaira Crouinda (Cathair Crouinn en gaélique, place assimilée plus tard à Temhair/Tara dans les apocryphes ayant évhémérisé ce mythe). En n’épargnant qu’un seul et unique guerrier. Mais ce dernier s’étant donc enfui encore plus loin vers l’est, en direction de la mer, Lug le rattrapa un peu au-dessus de la grève, d’où le nom de l’endroit désormais, Carnon Oinoviri. Quant à Balaros, ayant finalement trouvé la mer devant lui, la mort dans l’âme il dut rebrousser chemin en direction de la Plaine des menhirs ou des tumuli, tout en essayant évidemment d’éviter Lug. Ce dernier fit alors demi-tour lui aussi, et il continua de le suivre à la trace à travers tout le pays, comme un renard, mais sans lui faire aucun mal, comme si personne n’avait jamais commencé à se battre dans la Plaine aux menhirs ou aux tumuli. Les deux fils de Balaros,
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Belatos et Bandios, afin de protéger la fuite de leur père, lancèrent contre Lug leurs trente derniers guerriers commandés par Ogmos (le fils de Badna fils de Tinne Thortbhuillech) et par Toichioll Tinneasnach.
Il y avait là les trois Dergoi de Vailinios, Corrcheann Cosfhada, Lodan Leith Dhearg, Longhur Ingneach, fils de Lodan, Trenomaros fils de Tredhor, et quelques autres. Tous ou presque furent également tués par Lug, et le champion des Enfants de la Déesse continua son implacable poursuite. Balaros et les ultimes vouivres ou anguipèdes survivants traversèrent la plaine de Grechatur, que l’on appela donc après cela Catumagos (la plaine de la bataille). Mais une fois parvenu à Mag Treaa, Lug abattit Badhna, d’où le nom précisément de ce lieu à Mag Treaa désormais : Tulach Bhadhna. Ils traversèrent ensuite le fleuve appelé Fainghleanna Na Fola, que l’on appela Buil ensuite. Lug y tua le fils de Badhna, Ogmos, d’où le nom du gué désormais, Ath Oghma For Buil. Balaros continua de fuir, en direction de Mag Ndeag. Il passa par Fiodh Nais et arriva dans la plaine de Mucroimhe. Lug y abattit ses deux derniers fils, Belatos et Bandios, d’où le nom de l’endroit dès lors, Feart da Bheluid.
Le premier à décrocher du gros de la troupe des fuyards ensuite fut Toircheann Tinneasnach. Mais il tomba aussi sous les coups de Lug finalement, d’où le nom de l’endroit ensuite, Feart Toirchinn (puisque c’est là que Lug lui coupa la tête).
Balaros poursuivit sa route en direction de Sleibo Maqion Lubiani (Sliab Mic Luibni). Corrcheann Cosfhada s’étant à son tour laissé distancer par le gros de la troupe des fuyards, il succomba également sous les coups de Lug. D’où le nom de l’endroit justement après cela, Glanna Correocendi (Gleann Corrchinn). Balaros préféra s’enfuir à Truim Rusgach, en passant par Fan Na Fiesta, et ensuite à Coll In Tsluaigh, en passant par Sliabh Luis, par Muine Na Miorrioghna, par Spruta Siennes, et enfin par Magh Radharcaigh Rughraide. Lug les rattrapa et abattit Tredhorn, d’où le nom du lieu après cela, Leacht Na Laochraide. Balaros poursuivit par la colline de Grannona. Londos Letodergos y tomba sous les coups de Lug, d’où le nom désormais de ce lieu, Londo. Balaros alla ensuite à Drumann Deaghaid et à Farloch Logha. Longhair Ingnech y tomba sous les coups de Lug, d’où le nom de l’endroit désormais, Clochan Mic Longhair. Balaros courut ensuite à Dunadh Dibheirge, là où Ivocatuos le fils d’Ercos et les Gaulois Fir Bolg avaient jadis commencé par battre les T.D.
C’est à cet endroit-là que les trois Dergoi de Vailinios s’arrêtèrent enfin, pour affronter leur infatigable poursuivant, d’où le nom du lieu après cela, Dergon Drotsmen, car ils y succombèrent un par un sous les coups de Lug. Balaros se réfugia ensuite à Caoille Mic Neachada puis à Miodhabhainn puis à Linn Léith. Puis pour finir dans les parties les plus sombres et les plus reculés d’On-Eachach, en terrain très accidenté, loin dans le sud. Mais Lug lui lança un javelot qui lui brisa la colonne vertébrale. Balaros se retourna vers Lug et lui dit alors.
« Tu es le plus brave
De tous les guerriers que j’ai connus
Ô fils d’Ethniu Ambiderca
Et c’est pourquoi ta folie mérite quand même
Ma bénédiction.
Souviens-toi de l’amour de ton grand-père
Pour ta mère.
J’ai même veillé à ton éducation.
Ô mon fils, ne m’humilie pas davantage
Car c’est seulement devant toi et devant toi seul
Que j’aurai jamais fui » !
LUG lui répondit.
Ta requête est impossible à satisfaire, ô Balaros
Car le pire pour toi serait d’avoir la vie sauve.
BALAROS.
Je ne te demande pas la vie sauve
Mais de satisfaire ma dernière volonté.
LUG.
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Laquelle ?
BALAROS.
« Ma tête n’est pas celle de n’importe qui.
Et comme personne ne m’est aussi cher que toi
Voici quel est mon dernier souhait :
Si tu arrives à me couper la tête
Mets-la sur la tienne
Ainsi qu’un casque
Et tu hériteras par ce moyen
De ma force et de ma puissance ».
« Je suivrai ce conseil, si rien ne s’y oppose ! » lui répondit Lug.
Et ils se ruèrent l’un contre l’autre, emportés par une même rage de vaincre. Chacun eut droit aux plus rudes et aux plus habiles coups de l’autre, et chacun usa, pour vaincre, de tous les secrets de son art. Jamais on ne vit un tel combat, mais Balaros avait déjà tellement perdu de sang que ses forces commencèrent à l’abandonner. Lug lui coupa la tête et la mit sur un dolmen qui se trouvait à côté. La tête fit fondre la pierre et le dolmen éclata en quatre morceaux, tant était grande la chaleur dégagée.
« Ta dernière volonté n’était pas très amicale envers moi
Ô Balaros, soupira Lug,
Car si j’avais posé ta tête sur la mienne
Comme tu le demandais
Je serais aujourd’hui en mille morceaux
Comme ce dolmen ».
Lug reprit la tête et l’enfonça sur une fourche en bois de noisetier. Il revint ensuite devant le cadavre décapité en se demandant quelle autre preuve de sa victoire et de la mort de Balaros il pourrait bien rapporter aux T.D. « Que vais-je bien pouvoir rapporter d’autre comme trophée, puisque la tête est si dangereuse à transporter ? Une jambe, un bras, une oreille, le nez ? Cela ne prouve rien ! On peut avoir une jambe un bras ou une oreille en moins, et être toujours vivant ». Faute de mieux, Lug lui coupa donc la jambe à la hauteur du genou. Mais réflexion faite, il emporta aussi la tête, sur sa fourche de coudrier, afin de ramener le plus rapidement possible aux nobles enfants de la déesse Danu (bia) les preuves de la mort de Balaros ainsi que les preuves de sa victoire. Mais comme la jambe de Balaros se faisait de plus en plus lourde, au fur et à mesure qu’il marchait, il en abandonna le pied à Mara Abonna, d’où le nom depuis de ce lieu, Ath Troighead. Et il continua donc seulement avec le reste, jusqu’à Gualainn Ghairb. Là le reste de la jambe se mit à gonfler puis à pourrir, et les vers commencèrent à en manger la chair.
Lug se sentit mal, et abandonna la jambe rongée par les vers dans un trou, puis retourna en arrière à Mara Abonna pour y reprendre le pied. Ensuite il revint à toute allure dans la Plaine aux menhirs et aux tumuli, en empruntant tous les raccourcis possibles et imaginables. Un ultime engagement s’y déroulait avec trois mille vouivres ou anguipèdes encore en vie (andernas/fomore), regroupés derrière les guerriers appelés Baoth, Gruig, Greannach, Uath, Amuid, Urghrain, Eolarg Catha, Ri Mbuidhe, Buinne, Cinnleith Caireathuir, Artur Mor, et autour des trois Deirg de Tor Chonuing. Les T.D. répliquaient, alertes et dispos comme s’il n’y avait jamais eu de bataille auparavant. Bruit des massues défonçant les cuirasses ou écrasant les casques contre les rochers… les déesses de la guerre passaient puis repassaient au-dessus du champ de bataille. Mala Miach tomba devant Taran/Toran/Tuireann Beccoreo Deluato, et les sorcières anguipèdes tombèrent devant les déesses de la guerre. Lug écrasa les autres d’un seul coup d’épée. Ainsi finirent les ultimes vouivres et anguipèdes géants (que l’on appelle andernas/fomore en gaélique). Pour échapper à la vengeance du grand héros de la Tribu de la Déesse, leurs sorciers se transformèrent en menhirs et, afin qu’il puisse, lui aussi, échapper à Lug, Gobannos transforma en rocher leur forgeron, Gréas. Mais Lug s’avança vers eux pour s’en occuper aussi et ils retrouvèrent donc leur forme antérieure. Le plus puissant d’entre eux, Loccos Letoglastos, supplia Lug de les épargner. Lug lui répondit :
« Je n’ai jamais faibli un seul instant
Dans cette bataille
Entre les nobles guerriers Toutioi Devas
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Et les vouivres anguipèdes gigantesques (fomore en gaélique).
Il y a eu de rudes combats
Autour de Cab et de Seanchab
Mais après ces combats
Grainc Grianach et Rodubis
Sont tombés en mon pouvoir.
Aretorios a combattu avec héroïsme
Buirionn et Lairgionn
Mais il ne fut qu’une très modeste plaine
À côté de la montagne qu’était Balaros,
L’horrible monstre né de la fille de Mothran.
Mes hommes ont eu mille de vos champions
Et à moi tout seul j’en ai eu dix mille
Dans cette bataille de géants ».
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- ------------Contre-lai (commentaire néo druidique) Nº 46.
Letoglastos. Terme gaélique signifiant probablement que la moitié droite ou gauche de son corps était peinte en vert, de la tête aux pieds.
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CATH MAIGE TUREDH AN SCEL SO SIS OCUS GENEMAIN BRES MEIC ELATHAIN 7 A RIGHE.
Loccos l’à moitié vert supplia Lug de lui faire quartier.
« Accorde-moi trois requêtes » lui demanda Lug.
« Tu les auras », répondit Loccos.
« Je protègerai à jamais la Verte Érin de tout pillage de la part des vouivres anguipèdes gigantesques et, quel que soit le jugement que tu devras prononcer, même dans les cas les plus ardus, il résoudra tout litige à jamais ».
C’est ainsi que Loccos fut épargné. Ensuite il chanta le « l’arrêté (dail) du jeûne ».…
Loccos déclara ensuite qu’il donnerait les noms des neuf chars de Lug puisqu’on lui avait fait quartier. Lug lui demanda donc les lui nommer. Loccos s’exécuta et répondit en donnant les noms suivants : Luxta, Anagantios Acate, Uecos, Veros, Golla, Uosatis, Crabos, Carpantos.
Petite question maintenant : quels sont les noms des auriges qui les conduisaient ? » « Medulos, Medon, Moth, Mothach, Foimtinne, Tenda, Très et Morb ».
« Quels sont les noms des aiguillons qu’ils avaient en main ? »
« Ce n’est pas difficile à dire : Fes, Res, Roches, Anagar, Ilach, Canna, Riadha, Badios ».
« Quels sont les noms des chevaux ? »
« Can, Doríadha, Romuir, Laisad, Fer Forsaid, Sroban, Airchedal, Ruagar, Ilann, Allríadha, Rocedal ».
« Question encore : quel est le nombre des morts ? » demanda Lug à Loccos.
« Je ne connais pas le nombre des paysans et de la piétaille. En ce qui concerne les seigneurs les nobles les champions les fils de roi et les empereurs, là je sais : cinq milliers, trois vingtaines, et trois hommes ; deux mille et trois cinquantaines, quatre-vingt mille et cinq neuvaines, huit vingtaines et huit, quatre-vingt-sept, quatre-vingt-six, huit vingtaines et cinq, deux et quarante, y compris le petit-fils de Neto. Tel est le nombre des morts parmi les empereurs et les grands seigneurs du peuple des vouivres anguipèdes gigantesques qui sont tombés dans la bataille. Quant au nombre des paysans des gens du peuple et de la piétaille, ainsi que des artisans de tous les corps de métier qui accompagnaient l’armada ; car chaque champion chaque officier supérieur chaque empereur était venu avec sa propre armée à cette bataille, de sorte que tous tombèrent, aussi bien les hommes libres
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que les esclaves ; nous n’avons dénombré que quelques-uns des valets d’armes des empereurs. Voici leur nombre (dans la mesure où j’ai pu les compter) : sept cents, sept vingtaines et sept hommes… ?…… venus avec Sab Uanchennach, fils de Cairpre Colc, fils d’un valet d’Indicios fils de la déesse Domnu, c’est-à-dire du fils d’un simple vassal du roi des vouivres anguipèdes gigantesques.
Pour ce qui est du nombre des hommes de rang intermédiaire ??? (lethdoinib) et de…… ?…… qui n’ont même pas pu vraiment participer à la bataille, ils étaient aussi nombreux que les étoiles dans le ciel que les grains de sable de la mer, les flocons de neige, les gouttes de rosée dans l’herbe, les grêlons, l’herbe sous les pieds des troupeaux de chevaux, les chevaux du fils de Lero sur la mer en furie ».
Ensuite Lug et ses camarades découvrirent Bregsos fils d’Elatio sans son escorte. Il s’écria : « il vaut mieux me faire quartier que me tuer ».
« Et qu’en résultera-t-il ? » demanda Lug.
« Si je suis épargné », répondit Bregsos, « le bétail aura toujours du lait ».
« Je vais en référer à nos sages », rétorqua Lug.
Lug se rendit par conséquent chez Maeltene Maros Bretacos et lui demanda : « doit-on faire quartier à Bregsos pour qu’il accorde au bétail d’avoir toujours du lait ? »
« On ne doit pas lui faire quartier » répondit Maeltene « car il n’a aucun pouvoir sur leur longévité ou sur leur (progéniture) même s’il peut effectivement leur faire avoir du lait aussi longtemps qu’elles sont en vie ». Lug répondit donc à Bregsos : « Cela ne suffira point à te sauver : tu n’as aucun pouvoir sur leur longévité ni sur leur (progéniture) bien que tu puisses leur faire avoir du lait.
Bregsos ajouta : « Forbotha ruada : Roicht Mailtne » ????
« Y a-t-il quelque chose d’autre qui puisse te sauver, O Bregsos ? » demanda Lug.
« Oui assurément. Dis à ton juge que s’ils m’épargnent les hommes [d’Irlande] pourront moissonner une récolte quatre fois par an ».
Lug demanda donc à Maeltene : « Bregsos doit-il être épargné pour avoir donné aux hommes [d’Irlande] quatre récoltes de grains par an ? ». « La situation actuelle nous convient parfaitement », répondit Maeltne : « le printemps pour labourer puis semer, le début de l’été pour compléter la croissance des grains, le commencement de l’automne pour qu’ils arrivent à maturité afin de pouvoir être récoltés, l’hiver pour les consommer ». « Ça ne te sauvera pas » rétorqua Lug à Bregsos « ‘Forbotha ruadha, roicht Mailtni’ dit-il. « Il en faudra moins que ça pour te sauver », répliqua Lug. « Quoi ? » demanda Bregsos.
« Comment les hommes [d’Irlande] doivent-ils labourer ? Comment doivent-ils semer ? Comment doivent-ils moissonner ? Après nous avoir fait savoir ces trois choses, tu seras épargné ».
« Explique-leur », répondit Bregsos, « qu’ils doivent labourer un mardi, qu’ils doivent jeter la semence dans les champs un mardi, et faire leurs moissons un mardi ».
Bregsos fut libéré grâce à ce stratagème.
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Contre-lai (commentaire néo druidique) Nº 47.
L’arrêté du jeûne. Sa définition est donnée par Lebor Baile-Mota, le livre de Ballymote (page 284). Is amhlaidh dogníthe isidhe, troscadh for fearand in righ dia ndenta in duan ocus comorle.xxx. laech & xxx. espoc & xxx filedh im air do dhenum iartain… Glamh in meic furmid ar in coin, glamh in fochlocon ar in erridh, glamh in duis ar in… ?. glamh in chanad ar in mnai, glamh in cli ar in mac, glamh in anradh for in fearunn, glamh in olloman for in ríg. Voici comme il était pratiqué : on jeûnait sur la terre du roi pour qui le poème avait été composé, et un conseil de 30 laïcs de trente évêques et de trente poètes composait une satire après cela… la malédiction du mac furmid s’appliquait au chien, la malédiction du fochloc sur ses habits, la malédiction du doss sur ses ??, la malédiction du cano sur sa femme, la malédiction du cli sur son fils, la malédiction de l’anradh sur sa terre, la malédiction de l’ollam sur le roi. Il s’agit bien entendu d’une légende étiologique, une marotte des intellectuels irlandais du Moyen-âge : trouver une explication à chacune de leurs coutumes de leurs lois ou de leurs institutions, même farfelue. Phénomène très fréquent dans les textes sacrés des religions de
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masse. Genèse 3 ,14 en est un premier exemple. Ce caprice attribué à Dieu est une explication puérile (car faisant l’impasse sur la réalité de l’évolution des espèces) du fait que les serpents n’ont pas de patte.
Bregsos fut libéré grâce à ce stratagème. Les éléments permettant de comprendre cette astuce juridique ont dû disparaître du texte, soit involontairement au fil des siècles, soit volontairement du fait de la censure des moines chrétiens ayant mis tous ces mythes ou du moins tout ce qu’il en restait, par écrit. Il en va ainsi de toute tradition orale et cela concerne aussi les religions de masse comme le judaïsme le bouddhisme l’islam. En ce qui concerne le Christianisme un très bon exemple nous est fourni par les différentes versions de la parabole des mines ou des talents où il est préférable de ne pas suivre la règle de la lectio difficilior. Une partie du texte doit nous manquer ce qui a rendu la conclusion incompréhensible : « Car à tout homme qui a, l’on donnera et il aura du surplus ; mais à celui qui n’a pas, on enlèvera ce qu’il a ». « Amenez ici mes ennemis, qui n’ont pas voulu que je règne sur eux, et tuez-les en ma présence ».
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Ce fut au cours de ce combat que le champion Ogmios trouva Orna l’épée de Tethra, un roi des vouivres anguipèdes gigantesques que l’on appelle Fomors. Ogmios dégaina l’épée puis la nettoya.
Ensuite cette épée raconta tout ce qu’elle avait fait, car les épées avaient l’habitude en ce temps-là quand on les avait sorties de leur fourreau, de se vanter des faits d’armes accomplis par elles. Et donc il faut nettoyer les épées après les avoir dégainées. De là aussi le fait qu’elles ont des pouvoirs mystérieux (brechda). La raison pour laquelle les démons parlaient au travers de ces armes c’est que les êtres humains à l’époque leur vouaient un véritable culte, et que les armes figuraient au nombre des garanties données en caution. C’est à propos de cette épée que Loccos l’à moitié vert récita le lai suivant. Admell maorna uath, etc.
Lug le Suqellos Dagda Gargant poursuivirent les vouivres anguipèdes gigantesques (Fomors), car ils avaient emporté le joueur de harpe du Suqellos Dagda Gargant, dont le nom était Uaitne. Ils atteignirent alors la salle des fêtes où se cachaient Bregsos fils d’Elatio ainsiq u’Elatio fils de Deluato.
La harpe y était, accrochée au mur. C’était la harpe dans laquelle le Suqellos Dagda Gargant avait inséré toutes les mélodies, mais elles ne résonnaient jamais avant qu’il ne les ait sollicitées en disant ce qui suit :
Que Daruoblato vienne !
Que Cor Qetuar Qariion vienne !
Qu’arrive l’été, qu’arrive l’hiver !
Lèvres de harpes et sacs de cornemuses !
Cette harpe avait deux noms, Daruoblato (« les deux feuilles de chêne ») et Cor Qetuar Qariion (« la musique des quatre angles »).
La harpe s’échappa du mur, tua neuf hommes, et revint entre les mains du Suqellos Dagda Gargant. Il joua pour eux les trois morceaux qui permettent de distinguer les vrais harpistes, à savoir la mélodie du sommeil la mélodie du sourire et la mélodie des lamentations. Il leur joua la mélodie des lamentations et les femmes à la larme facile pleurèrent. Il leur joua la mélodie du sourire et la gent féminine ainsi que les enfants se mirent à rire. Il joua la mélodie du sommeil et toute la troupe [des anguipèdes] s’endormit. Grâce à quoi les trois hommes purent s’échapper sans une égratignure de chez les vouivres anguipèdes gigantesques malgré le fait que ces derniers eussent bien voulu les tuer.
Ensuite le Suqellos Dagda Gargant ramena…… ?…… grâce au mugissement de la vache qui lui avait été donnée en paiement de son labeur. Car quand elle eut appelé son veau tout le bétail du royaume que les vouivres anguipèdes gigantesques avaient pris en guise de tribut, sortit paître.
Puis, après que la bataille eut été gagnée, que les corps eurent été lavés, la fée Mara Rigu/Morrigu/ Morgane fille d’Ernomos entreprit d’annoncer cette bataille et le triomphe qui en était résulté, aux
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collines royales de la Verte Érin, aux armées du sid, aux principales eaux ainsi qu’aux estuaires. Et par conséquent voilà pourquoi la Bodua décrit aussi les hauts faits.
« As-tu des nouvelles ? » lui demandait-on alors. Et la Bodua de répondre :
« La paix jusqu’au ciel
Du ciel jusqu’à la terre
La terre sous les cieux
La force à chacun, etc. ».
Ensuite elle annonça également la fin de ce monde, en dévoilant tous les maux qui adviendraient, chaque maladie et chaque vengeance. Voilà pourquoi elle récita le lai ci-dessous.
« Je verrai un monde qui ne me plaira pas
Un été sans fleur,
Des vaches sans lait,
Des femmes sans modestie,
Des hommes sans courage,
Des captures sans roi.
………… ?……………
Des arbres sans gland sans faîne
Des mers sans poissons sans fruit
?………………
……………………
……………………
De mauvais conseils des Anciens
De fausses jurisprudences de la part des juges,
Tout homme sera un traître,
Tout garçon un brigand.
Le fils entrera dans le lit du père
Le père entrera dans le lit du fils,
Cliamain cach a bratar,
Tout homme sera le beau-frère ou beau-père de son frère ????
?……………
Les temps seront mauvais !
Le fils trahira son père,
La fille trahira sa mère.
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Contre-lai (commentaire néo druidique) Nº 48.
Orna. La première partie de ce paragraphe est évidemment une légende étiologique, une de plus, comme il y en a dans tous les grands livres sacrés. L’archéologie n’a répertorié aucun talisman ni formule magique insérés par exemple dans le pommeau d’une épée même si de nombreux films dont l’action se déroule au Moyen-âge y font allusion. Soyons clairs et reconnaissons que déjà du temps de la Grande Celtie Libre et Indépendante, le Celticum ou empire celtique décrit par Tite-Live à propos du roi Ambicatus (souverain mythique, combattant à la fois religieux et temporel), et tout comme au Moyen-âge plus tard, certaines épées étaient considérées comme plus ou moins magiques, et que donc il était admis que l’on prête serment dessus (sous-entendu : si je mens, cette épée punira mon parjure un jour ou l’autre d’une façon ou d’une autre). Vu au travers du prisme raciste du christianisme triomphant (qui oublie un peu vite la valeur évidemment magique de ses crucifix de ses baptêmes ou de ses signes de croix) voilà ce que cela a donné !
Les cornemuses. Cet instrument semble en réalité inconnu des Celtes antiques et, horresco referens, il semblerait que ce soient les légions romaines qui l’aient introduite en Europe de l’Ouest. La celticité
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immémoriale de la cornemuse fait partie des idées reçues comme il y en a tant dans la tête des non-manuels de nos modernes sociétés, tout comme le sacrifice du mouton à l’occasion des fêtes ou pèlerinages de l’islam originel. CAR LES PREMIERS ANIMAUX SACRIFIÉS PAR MAHOMET OU LES PREMIERS MUSULMANS NE FURENT PAS DES MOUTONS, MAIS DES CHAMEAUX. TOUT COMME LEURS ANCÊTRES PAÏENS. La généralisation ultérieure du recours aux moutons n’eut lieu que pour faire moins païen et plus « monothéiste » (de type abrahamique).
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CONTRE-LAI (COMMENTAIRE NÉO-DRUIDIQUE) Nº 49.
Première partie du commentaire.
Le texte que nous venons de passer ici en revue synthétise donc BRIÈVEMENT plusieurs variantes différentes.
La Première bataille de la Plaine aux menhirs ou aux tumulus (bataille menée par les dieu-ou-démons contre des peuples parlant une langue celtique en – P apparemment, des Fir Bolg, des Gaulois, etc.)
La tragique destinée des enfants de Taran/Toran/Tuireann.
La Seconde bataille de la Plaine aux menhirs ou aux tumulus (bataille menée par les dieu-ou-démons contre différentes puissances archaïques, primaires ou négatives).
La Seconde bataille de la Plaine aux menhirs ou aux tumuli, deuxième version.
Ainsi que quelques autres textes divers.
La deuxième version de la Seconde bataille de la Plaine des menhirs ou des tumuli est, certes, un texte de transcription tardive (milieu du XVIIe siècle). Mais en littérature mythologique tous nos textes sont des transcriptions tardives. À supposer que Virgile et Homère ne soient pas eux aussi déjà tardifs par rapport aux Indo-Européens théoriques de la préhistoire linguistique et religieuse. Le morceau épique où l’on trouve la seconde bataille de la Plaine aux menhirs ou aux tumul a un caractère beaucoup plus ancien que la pièce relative à la première de ces batailles, qui est le doublet de la seconde. Cela est vrai si l’on prend en considération l’âge de la langue dans laquelle le texte est écrit, mais un texte ancien adapté ou traduit en une langue plus récente, reste toujours, quant au contenu, un texte ancien. Si nous en croyons l’état de la langue, la première version de la Seconde bataille de la Plaine aux menhirs ou aux tumuli, est du XVe siècle et la seconde du XVIIe. Mais le contenu est infiniment plus ancien que le contenant, même si les défectuosités du contenant ont quelque peu altéré ou écorché le contenu. Il importe de souligner que notre documentation représente deux ou trois aspects différents – et pas nécessairement convergents ou divergents – d’un corpus mythologique traditionnel. Il y a peut-être d’heureuses coïncidences dans cette présentation des choses, mais c’est peut-être aussi tout le contraire si l’on considère que nous n’avons pas là, du coup, le mythe dans son état complet. Mais quel est ou quel serait cet état complet ? Nous en connaissons des morceaux amples et variés, c’est déjà une apparence de sérieux. En outre, il peut y avoir des variantes traditionnelles, sans que les Irlandais se soient préoccupés de les unifier ou de les coordonner, ou bien encore d’atténuer leurs contradictions. Car de tels traits ne sont pas, précisément, inhérents à des mythologies pauvres en documents. Admettons provisoirement que l’analyse de nos textes est parfois délicate. Mais elle est loin d’être irréalisable. Si certains transcripteurs ont, vu l’idéologie dominante de l’époque, infligé au récit de graves altérations, ou y ont interpolé des éléments appartenant à d’autres légendes, c’est à nous de le voir.
Les digressions sont rares et toutes appartiennent à la matière du récit. Nous ne disons rien, bien entendu, des quelques verrues du genre de la glose qui évoque la date de la guerre de Troie, dans la première version de la Seconde bataille de la Plaine des menhirs et des tumuli. L’érudition, même la plus lourde, ne suffit pas ici à réduire à néant la mythologie.
De toute façon, notre propos est l’approche ou la compréhension, de certains textes mythologiques, et non l’étude exhaustive d’une mythologie. Mais cela étant dit, nous avons considéré et nous considérerons toujours, comme négligeables, les contingences de localisation ou de datation relative. Il importe peu en effet que nous retrouvions ou non, dans la toponymie réelle, un nom de lieu mythique, ou qu’une date mythique soit, ou ne soit pas, sans corrélation historique. C’est sur d’autres bases qu’il convient d’interpréter ou d’utiliser la minutie concrète des descriptions irlandaises. Lorsque des textes traditionnels sont transcrits tardivement, les questions de chronologie deviennent très relatives, et il est plus important de discerner les thèmes et les schèmes originaux à travers ou, le cas échéant, malgré les réfections érudites, chrétiennes ou non, quand elles existent. Un texte est en effet toujours un tout, et une analyse textuelle incomplète débouche immanquablement sur une mythologie erronée. Rappelons que le mythe, quelle que soit sa forme, est moins une histoire qu’une explication. Et la mythologie est encore plus erronée quand il y a erreur fondamentale quant à la « genèse » du
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texte : tout bien considéré, le christianisme des Irlandais médiévaux n’a pas tué la mythologie préchrétienne ; il ne l’a pas davantage altérée, il n’en a pas modifié « l’évolution » : elle était morte. Il l’a simplement rebaptisée « Histoire » et, ce faisant, il l’a conservée, comme on conserve des fruits dans de l’alcool.
Rappel des abréviations.
Première bataille de Mag Tured ou Cath Maighe Tuireadh I = CMT I.
Première version de la seconde bataille de Mag Tured ou Cath Maighe Tuireadh II = CMT II.
Deuxième version de la seconde bataille de Mag Tured ou Cath Maighe Tuireadh III = CMT III.
Thème profond du CMT, la nécessité du refoulement des forces primaires, archaïques et souterraines : les vouivres anguipèdes gigantesques (que l’on appelle andernas sur le Continent, fomore en gaélique) ; par les puissances lumineuses ou célestes : les Toutai Deuas ; qui sont au départ inextricablement mêlées. Ce qu’illustre le nom de Deluato/Delbaeth qui signifie « la forme indifférenciée », du moins en gaélique, et qui qualifie souvent Taran/Toran/Tuireann.
La description d’Elatio est aussi empreinte du merveilleux de l’Autre Monde, d’où vient Elatio d’ailleurs, puisqu’il arrive par la mer, sur une barque d’argent. L’abondance de l’or dans son équipement et ses vêtements tend à en faire un personnage « solaire », et non un anguipède géant classique, laid, sombre et difforme. Il y a eu là utilisation du thème habituel du messager (ou surtout de la messagère) de l’Autre Monde associé à celui d’une naissance sortant de l’ordinaire. Malgré leur « nationalité » différente, Iveriu et le grand Elatio sont tous les deux fils et fille de Deluato/Delbaeth (qui est, ainsi que nous l’avons signalé plus haut, étymologiquement, la « forme » indifférenciée). Ils sont donc frère et sœur, ce qui rend leur union à la fois incestueuse et primordiale. Bregsos n’est pas et ne peut pas être roi comme les autres. Ce n’est pas un usurpateur au sens habituel du terme puisque ce sont les Toutai Deuas qui l’ont invité à monter sur le trône. Mais il n’est pas non plus tout à fait légitime, car il assure, en fait, un interrègne dû à l’élimination d’un souverain provisoirement ou temporairement disqualifié. Il ne s’est pas emparé du pouvoir. Il lui a été confié à titre révocable, et d’autant plus révocable qu’il n’y a aucune transition, aucun intervalle de temps même minime entre l’accession au trône et son mauvais usage du pouvoir.
Au surplus, le trône lui est donné par suite d’une dispute (imcosnam) entre les hommes et leurs épouses. Bregsos est tout de suite le mauvais roi qui impose le tribut des Andernas ou Fomoire, ses parents, et qui réduit à la misère par son avarice, puisque le tribut qu’il impose n’épargne aucun foyer, que ses impôts portent sur tout et n’importe quoi (même les nez : voilà une idée pour nos actuels dirigeants !). Un autre aspect de cette tyrannie étant les dures corvées imposées au Suqellos Dagda Gargant et à Ogmios. Car c’est là le signe d’un gouvernement exécrable que ces tâches indignes imposées à de grands et valeureux guerriers. Malgré sa mère Iveriu, Bregsos n’est pas devenu Fomoire ou Andernas par malchance ou fatalité, par un enchaînement de faits dont il ne serait pas entièrement responsable. Il l’est par essence, par sa nature, par son comportement, et en cela il est étranger aux Toutai Deuas ; il est même leur pire ennemi. Bregsos n’est « frère » du Suqellos Dagda Gargant et d’Ogmios, qu’en vertu d’une généalogie, antérieure en quelque sorte à la distinction entre bien et mal, au niveau de la « forme indifférenciée ». À moins bien sûr qu’il ne s’agisse, comme dans le cas du Nazaréen Jésus, d’affabulation des évangélistes en ce domaine (voir Luc 3 et Matthieu 1).
Quant à l’explication proposée du nom de Bregsos, elle est purement analogique. Bregsos n’est « beau » que par conformité à sa fonction royale et à l’origine apparente de son père Elatio, qui vient lui aussi du Sidhe ou Autre-monde.
Retenons la leçon, valable en toutes circonstances, qu’un anthroponyme mythique comme Bregsos ou le Nazaréen/ Nazoréen voire Mahomet (le loué, alors qu’il était né al Amin, du nom de sa mère Amina), ne reçoit d’interprétation étymologique sérieuse qu’en harmonie avec son contexte. La « beauté » de Bregsos est illusoire. (N.D.L.R. La beauté du sang-mêlé Bregsos est en quelque sorte la beauté du diable ou de Lucifer. Bregsos plaît aux femmes, mais sa beauté demeure artificielle, cela conduira le pays à la ruine et au désastre. Le sang-mêlé Bregsos ne pourra s’empêcher d’exploiter le peuple à la tête duquel il a été hissé par le vote des femmes).
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À propos des ultimes négociations de Bregsos (pour sauver sa vie). Dans le passé de Bregsos, ni sa naissance noble, ni son comportement, ne le prédispose à être le maître du lait ou des épis, rien, sauf sa qualité royale. Ce n’est pas en effet par sottise ou incompétence que Bregsos, roi usurpateur (mais usurpateur légal, appelé par les Toutai Deuas eux-mêmes) ne « graisse pas les couteaux » de ses invités ou ne veille point à ce que les haleines des chefs « sentent la bière ».
C’est par avarice, et aussi plus simplement par mépris de sujets qu’il prétend dominer ou imposer par la force. Les conditions qui lui valent sa grâce sont avant toute chose compensatoires. Elles indemnisent les Toutai Deuas des conséquences d’un mauvais règne et, comme quelques rares conventions internationales, cet accord est destiné à durer parce qu’il est à la fois intelligent, juste et concret. Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui vu la médiocrité intellectuelle et morale de nos classes dirigeantes (politiciens professionnels, philosophes professionnels et autres professionnels de l’indignation sélective comme les journalistes de masse les artistes et les sportifs, toujours professionnels, sans oublier les imams ou les musulmans pieux les grands rabbins les prêtres ou évêques et autres ministres du culte de la prétendue religion réformée ou orthodoxe : les popes).
Bregsos, roi détrôné ou obligé de démissionner, mais dont le pouvoir magique est toujours intact, restitue, en échange de sa vie, au peuple qu’il a opprimé ou pressuré, à la fois le droit, le pouvoir, et les moyens d’être prospère. Les Toutai Deuas ne souhaitent et ne souhaiteront jamais rien de plus, et sa troisième proposition, apparemment une ruse dont nous sommes incapables de déceler ou de sentir la subtilité, vaudra donc à Bregsos d’être épargné.
Note à propos du nombre des morts tués dans la bataille. Les comparaisons du paragraphe les concernant sont parlantes. Ils ont été aussi nombreux à mourir que :
Les étoiles du ciel.
Les flocons de neige.
Les gouttes de rosée.
L’herbe sous les pieds des chevaux.
Les vagues de la mer (« les chevaux des fils de Lero »). Il ne saurait être question de prendre ces chiffres au sérieux, car, à ce compte, la seule armée des Fomoire (que l’on appelle Andernas sur le Continent) aurait eu plus d’officiers supérieurs ou généraux que toutes les armées réunies de la Deuxième Guerre mondiale. Le cas est identique à celui du recensement des mercenaires de Medb au début du récit de l’enlèvement des vaches de Cooley. L’infini est une marque de l’Autre Monde.
Dans son évaluation des forces du chaos, souterraines, ou négatives, voire maléfiques, l’Irlande procède exactement comme pour sa définition de l’éternité : elle traduit tant bien que mal en termes humains, accessibles à notre compréhension, des notions qui échappent normalement à la mesure numérique (d’après le grand celtologue breton Christian-Joseph Guyonvarc'h).
Deuxième partie du commentaire (en guise de conclusion).
Ce texte irlandais (Cath Maigh Tuiread) ne doit pas nous induire en erreur. Il ne s’agissait nullement (il ne pouvait en aucune façon s’agir) dans le mythe panceltique initial, d’une lutte manichéenne (le manichéisme ayant d’ailleurs été une des premières grandes formes du christianisme puisque Mani lui-même était chrétien à l’origine, issu du courant religieux fondé par Elkhasaï ou Elchasai, et que saint Augustin est passé sans trop de problèmes du manichéisme – il fut manichéen pendant neuf ans – au catholicisme) entre forces du Bien absolu et forces du Mal absolu ; analogue à celle de Spenta Mainyu et d’Angra Mainyu dans le zoroastrisme, ou des fils de la lumière contre les fils des ténèbres dans cette autre forme primitive de christianisme que fut l’essénisme ; mais plutôt d’une lutte entre deux familles rivales de puissances préternaturelles ou surnaturelles (céleste ou chtonienne ?) comparable à celle des Ases et des Vanes dans la mythologie germanique. Cette évolution de la forme du mythe panceltique originel, qui a donc été sensiblement gauchi en Irlande, est due à trois raisons principales. Pour ce qui est des vouivres anguipèdes gigantesques appelées Fomore il y a eu dans ce pays une évidente diabolisation desdites entités, sous la double influence du christianisme puis des invasions vikings. Les vouivres ou anguipèdes locaux ont été rapprochés de tout ce qu’il pouvait y avoir de plus négatif dans la Bible, puis associés aux pirates nordiques qui assaillaient l’Irlande à l’époque.
Pour ce qui est de la tribu de la déesse Danu (bia) appelée Tuatha Dé Danann en Irlande, il y a eu historicisation ou évhémérisme à rebours : les dieux antiques sont devenus de bons Irlandais,
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« normaux » ou presque. Non sans une certaine dose d’humour ou d’autodérision, à tout le moins d’une discrète moquerie en filigrane ; de la part des bardes ayant colporté ces contes et légendes. Mais il n’y a jamais eu d’antagonisme absolu éternel et jusqu’à l’extermination finale et définitive, entre eux, puisqu’il y a eu au contraire des unions mixtes voire des alliances temporaires entre les deux camps et que certains des Fomore pouvaient même parfois se doter d’une beauté toute « luciférienne » : la beauté du Diable.
Disons qu’il s’agit plutôt d’une lutte entre forces du chaos encore inorganisées, voire souterraines, et forces de l’ordre naturel de type humain (ou plus exactement surhumain en l’occurrence). Du genre « l’ordre surgissant du chaos, la campagne ou nature humanisée surgissant de la jungle ou de la sylve primitive ». Car il n’y a jamais eu de dualisme aussi absolu et aussi grossièrement manichéen en fait entre Bien et Mal dans la pensée druidique primitive, il n’a existé que des dualismes relatifs ou modérés entre forces du bien et forces du moins bien, entre force du soleil et forces de l’ombre (de l’ombre et non des ténèbres), entre gris clair (les enfants de la Grande déesse ou Tuatha Dé ne sont pas parfaits : ils sont presque humains) et gris foncé (les Fomore) suivant les Écoles de pensée.
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LA BATAILLE DE LA MONTAGNE DE MIS.
La bataille de la montagne de Mis est une bataille ayant eu lieu, à en croire la métahistoire irlandaise, entre les hommes (Gaëls, fils de Mile) et les dieux de la déesse Danu (bia), à l’aube des temps historiques.
Henri Lizeray/Micheal O Cleirigh/William O’Dwyer.
Le vent changea aussitôt, et sépara des autres le vaisseau où était Donn, ce dernier fut noyé près de Dumac. Vingt-quatre vaillants héros, douze femmes et quatre mercenaires avec leurs gens, tel fut le nombre de ceux qui furent noyés avec Donn de ce même vaisseau. Donn fut ensuite enterré à Dumac : de là, le nom de Maison de Donn. Son tombeau et celui de chacun des nobles qui fut noyé avec lui sont toujours à l’endroit mentionné ci-dessus. Quant à Dill, fille de Miléad, Eréamon l’enterra à cause de la sincère affection qu’il avait pour elle, et il s’exclama en apportant une motte de terre sur elle : c’est un signe d’affection que cette motte de terre.
Voici les chefs qui furent noyés en même temps que Donn en cette circonstance : Bilé, fils de Bréag, le commandant Fébrua, Buas, Bréas et Buaigné. Ir fut enterré sur la falaise d’Iorras, comme nous l’avons déjà mentionné. Erannan mourut dans la baie, après s’être assuré du vent… Après que les fils de Miléad eurent touché terre dans les embouchures, comme nous avons dit, et après l’enterrement de l’équipage de leur noble peuple qui fut perdu, Eréamon et Eméar le Blanc se partagèrent la flotte ainsi que les capitaines et leurs hommes. Eréamon fit voile ensuite et dirigea sa flotte à l’est sur l’Irlande, jusqu’à ce qu’il atteigne le havre de Colpta. Voici les chefs qui étaient en sa compagnie : Eméar, fils d’Ir, Aimirgin le poète, Palap, Muimné, Luigné, Laigné, Bréaga, Muirteimné, Fuad, Cuailngé, Colpta, Goisten, Setga, Suirgé, Sobaircé. Ces trois derniers étaient de vrais champions. Voici les serviteurs qui étaient avec Eréamon : Aidné, Ai, Asal, Midé, Cuib, Céara, Ser, Slan, Ligéan, Dul, Tréaga, Liné. En mettant son pied droit à terre à l’embouchure de la Colpta Aimirgin entonna le chant commémoratif suivant :
« Je suis les vents de la mer,
Je suis les ondes, les vagues,
Je suis les bruits marins.
Je suis un poète habile,
Je suis un aigle sur les montagnes,
Je suis la rosée du soleil.
Je suis ***,
Je suis un cœur brave,
Je suis la science dans la maladie.
Je suis un lac dans la plaine,
Je suis l’essence de la science,
Je suis la lance et son coup…???????????????
Note de la rédaction. Le reste est assez obscur et a fait couler beaucoup d’encre alors que l’essentiel n’est pas là. L’essentiel c’est l’occultation des dieux qui s’en est ensuivie.
Il chanta ensuite pour augmenter le nombre des poissons dans l’embouchure…
Quant à Eméar le Blanc il croisa dans le sud avec trente vaisseaux jusqu’à ce qu’ils débarquent, avec leurs troupes en ordre de bataille, pour combattre les Tuata dé Danann.
Voici les chefs qui étaient avec Eméar : Lugad, fils d’Et, Er, Orba, Féaron, Féargna, les quatre fils d’Eméar ; Cuala, Blad, Ebléo, Nar, En, Un, Eatan, Caicéar, Mantan, Fulman. Ces six derniers en outre étaient de vrais champions, à savoir En, Un., etc.
Voici les hommes qu’ils étaient avec lui : Adair, Aigé, Deisi, Déala, Cliu, Morba, Féa, Liffé, Féméan, Féara, Médé et Olba.
Dès que les fils de Miléad furent réunis dans la même plaine, ils ne s’arrêtèrent plus avant d’avoir atteint la montagne de Mis et livré bataille aux Tuata Dé Danan. La victoire fut obtenue par les fils de
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Miléad, et une multitude de Tuata Dé Danan fut massacrée dans cette bataille. Ce fut là aussi que périt Fas, femme d’Un fils d’Occé, d’après laquelle fut nommé le vallon de Fas. Scota, femme de Miléad, fut également tuée dans ce même vallon ; c’est d’elle qu’est nommé le lieu-dit la Tombe de Scota, entre la montagne de Mis et la mer.
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LA BATAILLE DE TAILTIU.
Il existe une autre bataille tout aussi importante dans la mythologie celtique, celle jadis livrée pour la possession de Tailtiu (Talantio, la campagne ou terre cultivée personnifiée par la déesse Rosemartha sur le Continent), une bataille livrée pour le contrôle total du pays, pour le contrôle du reste du pays. Assez curieusement, cette bataille n’a donné lieu qu’à un très petit nombre de textes. Qui plus est associés à l’invasion milésienne des Gaëls, dont la vraisemblance est on ne peut plus douteuse. Cette dernière invasion n’appartient pas au mythe panceltique primitif et a dû être inventée au Moyen-âge pour justifier les prétentions de certaines familles, régnantes, ou aspirant à l’être. Le faux en matière généalogique n’est pas un phénomène nouveau. Voir les nombreux exemples de généalogies complètement illusoires trouvés dans ces manuscrits (est-il besoin de préciser que toute généalogie remontant au dénommé Adam, qu’elle se trouve dans le Coran ou ailleurs… ne peut être, comment dire, que suspecte !). Mais revenons à notre mystérieuse bataille de Tailtiu.
Henri Lizeray/Micheal O Cleirigh/William O’Dwyer.
Les fils de Miléad s’avancèrent alors jusqu’à Tailltin, et il y eut là une autre bataille livrée par eux contre les Tuata dé Danan. Violente et dure fut cette bataille qui dura du matin jusqu’au soir, les combattants se frappaient violemment, tout en se brisant les os et en s’écharpant les uns les autres, jusqu’à ce que les trois rois et les trois reines d’Irlande soient tués : Mac Cect par Eréamon, Mac Cuill par Eméar le Blanc, Mac Greiniu par Aimirgin, Eri par Suirgé, Banba par Caicéar, et Fodla par Eatan.… Les Tuata Dé Danan furent poursuivis ensuite jusqu’à la mer et la déroute fut consommée de cette manière pour eux, sans interruption, par les fils de Miléad et leurs troupes, qui les traquèrent longuement. Il y eut deux célèbres chefs du peuple de Miléad tués en poursuivant ces fuyards, à savoir Fuad sur la montagne de Fuad, et Cuailngé sur la montagne de Cuailngé, en même temps que d’autres qui périrent dans les deux armées. Après avoir mis en déroute ou expulsé les Tuata Dé Danan au cours de ces batailles qu’ils leur livrèrent, les fils de Miléad prirent la souveraineté de l’Irlande.
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LA BATAILLE DE DRUIM LIGHEAN.
Autre défaite infligée aux dieu-ou-démons par les humains : la bataille de Legion Drotsmen (Drom ou Druim Lighean).
ALTROM TIGE DA MEDAR (« la pension de la maison des deux seaux » version V). Altrom = pension, tige = maison, da = des deux, medar = récipient pour recueillir le lait : seau.
Pour ce qui est des Toutai Devas, on en dira encore ce qui suit. Leurs héros et leurs guerriers les plus célèbres, ayant été une nouvelle fois battus à Legion Drotsmen (Drom ou Druim Lighean *), le noble Belinos Barinthus (Manannan) les convoqua pour savoir ce qu’il fallait faire. Il fut décidé par eux de s’établir sous les collines et dans le Sedodumnon. Dergos Boduos et Belinos Barinthus Manannan se partagèrent la souveraineté puis Belinos Barinthus (Manannan) procéda au partage des terres entre les nobles. Dergos Boduos s’installa donc à Sidh Buibh au-dessus du Loch Dergert, Medros l’orgueilleux dans le sedos de Truim, Tadicos le grand, fils de Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd, dans le sedos de Droma Dean… Et à chacun des Toutioi Devas à qui par conséquent il fallait un fief et un trône, Belinos Barinthus (Manannan) assigna un fief et une seigneurie. Puis il fit le vegtos vidtouos (feth fiada), le festin de Gobannos, et des porcs, pour les guerriers. Grâce au vegtos vidtouos (feth fiada), les dieu-ou-démons devinrent invisibles, et grâce au festin de Gobannos ils échappèrent à l’âge et au déclin. Quant aux porcs, chaque fois qu’on en tuait un, on le retrouvait de nouveau bien vivant le lendemain. Belinos Barinthus Manannan leur montra aussi comment arranger leurs forteresses ou leurs demeures pour qu’elles ressemblent aux palais de la Terre de Promesse ou d’Aballomagos. Afin de le remercier, chacun l’invita ensuite à passer chez lui au moins une fois par an, dès que tout serait fini. Afin qu’il reçoive ce qu’il méritait, ou ce qui lui était dû (ses tributs), dans chacun des palais visités.
* Glenn Faisi dans certaines variantes. cf. le druide Corin Braga : la quête manquée de l’Avallon occidentale.
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ANNEXE N° 1.
Quelle est donc la raison pour laquelle les dieu-ou-démons (les Toutai Deuas) ont voulu à tout prix disputer au Gaulois Fir Bolg et donc aux hommes en définitive, la possession de la terre, leur terre ????? Cette partie du mythe panceltique originel est incontestablement celle sur laquelle nous avons le moins de renseignements, et donc celle qui a le plus fait rêver. Nous avons d’autres sources d’informations, de valeur inégale, à ce sujet. Les légendes germaniques et les mentions des géographes antiques. Mais revenons tout d’abord et pour commencer sur la tradition celtique, et notamment sur les légendes médiévales irlandaises comme nous avons pu le voir.
Ces légendes apocryphes ont gardé la notion de quatre cités îles occupées par les Toutai Deuas : Falias, Findias, Murias et Gorias. Certaines transpositions apparemment assez ultérieures du Lebor Gabala et du Cath Mhaighe Tuireadh, situent respectivement cette Falias mythique au nord, Gorias à l’est, Findias au sud et Murias à l’ouest. Mais quelle crédibilité accorder à ces orientations mystiques médiévales par rapport à la géographie mythique sacrée des très-sachants de la druidiaction (druidecht), antiques ? On trouve aussi une Tir fo Thuinn = Terre sous les vagues (Teres uo Tondnas) émergée seulement lors de grandes marées basses, une île dite Fionnchair, et diverses autres mentions plus ponctuelles. Nettement plus mythique encore, l’île d’Emain Ablach (Emania Aballaca) évoquant des pommiers, un Aballacon à rapprocher du mythique Aballomagos. Les géographes grecs antiques, eux, ont parlé de Thulé, de l’île de Kronos et, plus concrètement, d’un certain nombre d’îles de la Frise ou du pourtour de la Chersonèse cimbrique (c’est-à-dire du Jutland). De façon plus mythique encore Platon, lui, parlait de la Basiléia et Timée de la Basilia c’est-à-dire de la « Terre Royale ». Une synthèse permet quelques hypothèses quant à la localisation des vestiges témoins de cette submersion partielle d’une Hyperborée, qui n’a pas été qu’imaginaire apparemment (Doggerland – 4000 ?). Une catastrophe qui avait de quoi marquer la mémoire de nombreuses générations de Proto-celtes, Proto-germaniques et Proto-Illyriens, et de contribuer ainsi, peut-être, à la formation de la légende de l’Atlantide chez les Grecs. Mais pour ce qui est de l’Europe « hyperboréenne » qui en fut le point de départ, c’est seulement de la protohistoire, bien que confirmée par de multiples indications convergentes et par des traditions tant celtiques que germaniques.
MURIAS. Le nom lui-même fait problème. Murias paraît en effet être un nom dérivé de mori = mer, mais est-il vraiment logique d’appeler « Mer »… une île ? Cette notion mythique propre à la tradition gaélique a peut-être plutôt comme origine, lointaine dans ce cas, un nom de tribu ayant le mot « mer » (mori) dans son nom (comme les Morini du Continent). Du flou des connaissances méditerranéennes antiques sur les pays considérés comme « hyperboréens » émerge par exemple (en grec) le nom de Méropes (oi Méropés). Un ethnonyme qui paraît résulter (en grec toujours) d’une confusion avec celui des îliens de Kos, mais qui peut avoir aussi comme origine, lointaine, un nom de peuple celtophone tiré de Mori. Chez le Grec Théopompos (« Théopompe »), ce nom devint même celui des habitants, théoriques, du continent nord-américain, dont l’existence était alors supposée sinon connue.
FINDIAS. Dans Findias tout le monde est d’accord pour voir une notion de blancheur. Les celtologues pensent que Findias signifie vraisemblablement « La Blanche », nom dérivant de l’adjectif celtique uindos/-a/-on. Le terme goïdélique Findias viendrait alors d’une forme du type * Uindiassos issue de la racine * Uinda. On a pu faire ainsi un rapprochement avec le promontoire de Uindogara en Calédonie (aujourd’hui Girvan, sur la côte du comté d’Ayr, en Écosse), ou aussi avec Fionnchair, nom gaélique ultérieur ayant la même étymologie. Mais il y a beaucoup d’îles rendues « blanches » soit par leurs sables ou leurs falaises, soit, plus au nord, par leurs neiges ou leurs glaciers.
FALIAS. Certains auteurs ont proposé pour Falias une étymologie du type Ual (is). Avec une idée de « clos », donc un nom du genre * Ualiassos pour expliquer l’aboutissement ultérieur en Falias. Et certaines îles des légendes irlandaises sont effectivement dotées de clôtures, les entourant ou les divisant au contraire en quatre. Par exemple celle qui sera explorée par le Hesus Cuchulainn dans le Festin de Bricriu et l’exil des fils de Doel Dermat, en gaélique Fled Bricrend 7 loinges mhic nDuil Dermait. « L’île était grande et belle. Elle était entourée d’un mur d’argent et d’une palissade d’airain ». D’autres, par contre, ont pensé à *fo-alias < uo-alisan = sous roche, ce qui évoquerait alors
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une île rocheuse à anfractuosités (une île ayant des abris sous roche donc, en quelque sorte). Mais cette notion d’île rocheuse ou de falaise ne nous est pas d’un grand secours.
GORIAS. Des celtologues ont pensé à une étymologie du type Gortu = chaleur, aboutissant à une forme en * Gorriasos, par chute du t, ce qui est sémantiquement défendable. « Royaume du feu et de la chaleur », en relation avec l’épée de Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd le dispensateur également pêcheur. Mais ceci ne nous aide guère à la trouver, à moins de la situer en Islande, l’île aux eaux chaudes et aux geysers, effectivement connue des navigateurs irlandais…
Des îles donc entourées de mystères et de légendes. Mais essayons quand même d’y voir plus clair. Et dans ce but passons donc au peigne fin les écrits des géographes antiques à ce sujet : Thulé, l’Ogygie de Plutarque (située à l’ouest de la Grande-Bretagne), à cinq jours de navigation, l’île appelée Abalum chez Pline (Livre XXXVII chapitre XI section 5) et Basilia chez Timée [+ l’île de Gorre ajoutera le Moyen-âge].
L’île de Falias. Correspond sans doute à la Thulé de Pythéas. Symbolise une des entrées de l’Autre Monde souterrain. Évoque aussi par jeu de mots la pierre de Valis (Fal en gaélique). La fameuse pierre apportée à « Temhair/Tara » (le linga de Temra, qui était une pierre de la destinée, ou du couronnement, jadis) ayant donné plus tard la pierre de Scone chère à nos sœurs et frères d’Écosse.
L’île de Findias. Correspond sans doute à l’Abalum dont parle Pline (Livre XXXVII, chapitre XI, section 5) et à la Basilia de Timée.
L’une des légendes bretonnes les plus connues, et la moins comprise également, est celle de la ville d’Ys. Nous retiendrons de ce conte, devenu édifiant, les éléments suivants, qui paraissent essentiels. L’origine nordique de Dahut-Ahès, sa naissance sur la mer, et la mort de sa mère (il y a là substitution de personnage), sa fascination pour la mer, son engloutissement final sous les flots.
Au pays de Galles, c’est avant tout la légende de Gwyddno Garanhir qui s’en rapproche le plus…
Notes sur le « coup douloureux » et la transformation de l’Hyperborée en « Gaste terre » (son crépuscule).
« Drasidae (sic) memorant re vera fuisse populi partem indigenam, sed alios quoque ab insulis extimis confluxisse et tractibus transrenanis, crebritate bellorum et adluvione fervidi maris sedibus suis expulsos » (Timagène, cité par Ammien Marcellin, livre XV, chapitre IX, paragraphe 4).
« Les druides [latin drasidae] affirment qu’une partie du peuple est réellement indigène, mais que les autres ont afflué d’îles très lointaines, et de régions situées au-delà du Rhin, chassés de leurs précédentes demeures par des guerres trop fréquentes, et aussi quelquefois par les inondations dues à une mer déchaînée » (adluvione fervidi maris, littéralement : par l’inondation d’une mer démontée).
Cette citation de Timagène est sans aucun doute le dernier écho SUR LE CONTINENT de ce que nous venons de voir et qui est extrait des légendes irlandaises comme le Lebor Gabala Erenn, répétons-le encore une fois. Ce mythe EXISTAIT DONC AUSSI CHEZ LES DRUIDES GAULOIS (cacographiés par un copiste Drasidae). LA MENTION D’AMMIEN MARCELLIN EN EST LA PREUVE.
Le déluge évoqué par les traditions irlandaises (notamment à propos de Banuta/Cessair et des siens, etc.), lui, par contre, est sans aucun doute une déformation « chrétienne » et antidatée du thème de cet engloutissement sous les flots, de l’Hyperborée. Voir par exemple ce qu’en dit Keating, qui visiblement n’a rien compris au mythe du coup douloureux et de la Terre Gaste, et ne veut connaître que la Bible. Les fragments de contes ou de légendes développant ce thème mythique (le coup douloureux transformant l’Hyperborée en Terre Gaste) et dont les derniers remontent à peine au XIXe siècle ; tout au moins pour ce qui est de leur transcription ; évoquent différentes guerres entre les êtres humains. Notamment au propos de l’Argantoroston (l’Argatros, nom d’un port assez mystérieux situé dans le pays des Géisil). La notion de « Terre Gaste » des romans de la Table ronde est le lointain souvenir de cette catastrophe. Rappelons-nous tous ces récits de catastrophes qui marquent la fin d’une époque, dans la plupart des mythologies. Guerre entre les dieu-ou-démons, guerre entre
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Dieu ou le Démiurge et des êtres nocifs, colère des dieu-ou-démons contre les êtres humains, Dieu-ou-Diable blessé qui guérit, Dieu-ou-Démiurge tué qui ressuscite (ce dernier cas contenant toute la symbolique du christianisme. L’Homme-Dieu est voué à la mort dans son enveloppe charnelle, mais sa substance divine est immortelle : la résurrection, comme l’a si bien dit Paul de Tarse, est le fondement même de la foi).
Ces théomachies provoquent tremblements de terre, déluges universels, destructions de villes sous des pluies de feu et autres « légendes » qui ne sont probablement que de l’Histoire déformée ou mutilée.
Chaque récit développe plus ou moins le même canevas. En voici quelques exemples. Dans la suite en prose de l’histoire de Merlin, dite communément « Suite du Merlin », attribuée (faussement) à Robert de Boron, un chevalier dénommé Balain ou Balin (Belin/Belen/Belenos ???) arrive au château du Graal et y blesse le roi Pellehan d’un coup de « lance ». Jaillit alors comme un éclair aveuglant.
Tous les hommes sont frappés par une sorte d’avalanche de « foudres » ; ils meurent, tombent malades, sont estropiés, les arbres et les récoltes sont détruits.
Même chose dans la mort du roi Arthur de Thomas Malory (vieux français Le morte d’Arthur, chapitres XV et XVI).
« Il y avait une table en or massif. Quatre colonnes d’argent en soutenaient cette table, et dessus était posée verticalement une lance merveilleuse, bizarrement ouvragée. Lorsque Balain vit cette lance, il s’en saisit, se retourna vers le roi Pellehan et lui en porta un coup des plus rudes. Le roi tomba sans connaissance. Là-dessus, le toit et les murs du château tombèrent à leur tour, et s’effondrèrent. Balain se retrouva lui-même à terre sans pouvoir bouger ni le pied ni la main. La plus grande partie du château, qui s’était ainsi écroulée à cause de ce coup douloureux, recouvrit Pellehan et Balain pendant trois jours. Alors Merlin arriva et releva Balain puis lui procura un bon cheval, car le sien était mort… Balain se sépara ensuite de Merlin et lui dit : « Nous ne nous reverrons plus jamais en ce monde ». Et il s’en alla parmi des pays et des cités qui avaient été naguère encore florissants. Il y trouva des gens morts, ayant perdu la vie, de tous les côtés. Et tous ceux qui en avaient réchappé s’écriaient : « Ah ! Balain, tu nous as causé de grands dommages. À cause du coup douloureux que tu as porté au roi Pellehan, trois pays entiers ont été dévastés ». Dans Perceval, le pays de la Terre Gaste est désolé, peuplé de fantômes hâves qui ne trouvent plus rien à boire ou à manger, le froid et le manque de lumière ayant tué toute végétation. Il règne comme un hiver perpétuel dans ce pays sans soleil. Dans la Quête du Graal, une chaleur atroce règne au moment où le Roi est blessé dans un éclair de lumière aveuglant, un vent dévastateur souffle, une nuée opaque cache le soleil. La Terre Gaste, où toutes les constructions ont disparu, ne porte plus de végétaux, ni d’animaux. Les poissons sont tous morts, les hommes morts ou frappés (on remarque que le roi « méhaigné », gravement blessé dans le bas du corps, symbole de stérilité, a le visage couvert d’un voile, ce qui est généralement un signe de la lèpre). Les femmes survivantes sont stériles, les eaux ont disparu.
Résumé donc des effets du coup douloureux ayant peut-être causé la fin de l’Hyperborée. Foudre, ouragan, éclat de lumière aveuglant, chaleur atroce, vent violent, sont ses premiers effets. Puis se lève un nuage de poussière noirâtre qui recouvre toute la Terre et ne disparaît pas. Le soleil est rendu invisible, si longtemps que l’on désespère de le voir se lever de nouveau, les animaux et les poissons, les végétaux, disparaissent ; les êtres humains sont malades, estropiés, défigurés, morts. Les survivants ont l’air de fantômes, les femmes deviennent stériles, les villes sont détruites, les routes impraticables, le tout dans un décor d’interminable hiver.
Il faut admirer la persistance de cette tradition dans des légendes d’origine celtique, et surtout se demander quand la catastrophe a pu avoir lieu. Il y a un terme à tout y compris à la meilleure des mémoires collectives. Le problème ne pourrait être résolu que par de grands spécialistes.
On peut penser, en attendant, que le phénomène si exactement évoqué par ces légendes ne peut guère remonter au-delà des plus vieux souvenirs de l’Humanité pensante, c’est-à-dire quelques milliers d’années au maximum.
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Assez curieusement, ce mythe celte du (re) commencement ressemble donc aux divers mythes germains de la fin du monde. Le feu et les forces des ténèbres alliées aux monstres telluriques, aux monstres aquatiques et souterrains, détruisent le monde visible, tandis que les dieu-ou-démons et les hommes s’exterminent. Saint Patrice saura s’en souvenir dans ses prophéties sur l’engloutissement de l’île à la fin des temps.
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ANNEXE Nº 2.
NOTE À PROPOS DE CETTE OCCULTATION DES DIEU-OU-DÉMONS.
Le vegtos vidtouos ou feth fiada a évidemment été institué afin que les hommes ne viennent pas indûment prendre part au festin des dieu-ou-démons. Et, par là même, acquérir une immortalité à laquelle ils n’ont pas droit, parce qu’ils ne la méritent pas. Ce retrait hors du monde, des dieu-ou-démons celtiques, a évidemment été totalement incompris des auteurs chrétiens ayant suivi. Voici par exemple comment le barde Flann Mainistrech mac Echthigrin (mort en 1056), a vu les choses à son époque.
Le peuple des enfants de la déesse Danu (bia),
Compagnie semblable à du cristal,
Bien qu’ils chantent sur tous les tons,
Ces faux historiens,
Que les gens de cette maudite race étaient du side,
Cette croyance est contraire au Christianisme.
Ni maith la Crist in creideam.
Celui qui en son âme et conscience croit
Qu’ils sont ainsi cachés sous les tertres à side
N’ira pas au ciel avec les anges,
Car il n’y a rien de vrai dans ce qu’il aura entendu.
Gebe creidis co n-anmain
A mbeadli a sidhaibh samlaigh,
Ni aitreabha neam na neart,
Domnai nadh fir nos-eisteadh.
Bien que de faux savants disent
Que ce peuple des barques et des coupes à boire
Est passé dans la Terre Promise (Tir Tairngire)
La seule Terre promise dont on peut parler ici
Et que possède le peuple des enfants de la déesse Danu (bia)
C’est la prison où ils sont jugés ;
À savoir le fin fond de l’enfer.
Littéralement
Baile bith-sheang a mbi breth ;
Ai is e in t-ifearnn lchtarach.
Voilà qui a le mérite d’être clair de la part de cet adepte d’une religion d’amour de masse comme l’islam ou le judaïsme. C’est un très bon exemple de l’éternelle prétention des monolâtries de masse que sont le judaïsme le christianisme et l’islam à détenir une plus grande part de vérité universelle (quand ce n’est pas la Vérité avec un grand V) qu’un simple paganisme philosophique bien réfléchi.
Mais par un juste retour des choses, les hommes aussi peuvent pénétrer dans le sidh, et y livrer bataille, pour le compte des dieu-ou-démons, ou pour le leur. C’est ce que fait Cuchulainn, sur les routes de l’Autre Monde, quand il va chercher l’initiation guerrière avant d’épouser Aemer, ou dans les péripéties du Serglige. Et à la fin des aventures de Nera, le sid est mis à mal, même s’il ne s’agit, sous cette appellation, que d’une colline où est censé résider un haut personnage de l’Autre Monde. Dans la mythologie druidique en effet, l’homme est capable de vaincre les dieux ou démons, ainsi que nous l’avons déjà vu.
« Car les autres nations entreprennent des guerres pour défendre leurs sentiments religieux, alors qu’eux font la guerre à la religion des tous les autres peuples ; les autres nations quand elles font la guerre implorent l’autorisation ou le pardon des dieux immortels ; eux font la guerre aux dieux immortels eux-mêmes » (Cicéron. Pro M. Fonteio oratio, section XIII).
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D’où la prophétie suivante de Callimaque à ce sujet.
« Et un jour viendra où il te faudra mener un terrible combat commun à nos côtés,
Quand les Titans d’une autre époque lèveront contre les Hellènes l’épée barbare et l’Arès celte
Et de l’extrême occident se précipiteront comme des flocons de neige,
Aussi nombreux que les étoiles qui abondent dans le ciel » (Hymne à Délos IV).
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ANNEXE N° 3.
ACTUALITÉ DE LA DEUXIÈME BATAILLE DE MAG TURED.
Contre-lai (commentaire néo-druidique) Nº 50.
Début de la deuxième bataille de Mag Tured.
« Sans nourriture
Rapidement servie sur un beau plat
Sans bon lait de vache
Sans abri pour la nuit
Sans argent ;
Être ainsi sera désormais bientôt
Toute la prospérité de Bregsos,
Il n’y a pas de richesse chez Bregsos ».
Fin de la deuxième bataille de Mag Tured.
« Je verrai un monde qui ne me plaira pas.
Été sans fleur.
Vaches sans lait.
Femmes sans pudeur.
Hommes sans courage.
Arbres sans fruit.
Mer sans frai.
Mauvais avis des vieillards.
Mauvais jugement des juges.
Chaque homme sera un traître.
Chaque garçon un voleur ».
Etc… Etc…
Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le signaler plus haut, à la différence de la satire latine ou classique, qui est une œuvre littéraire, la satire celtique est une dénonciation morale, souvent associée à des prédictions diverses, et prononcée par un membre de la classe sacerdotale, un très-sachant de la druidiaction (druidecht) ou un vellède. À l’instar des prophètes de l’Ancien Testament, le barde satiriste loue le prince auquel il est attaché ou blâme les ennemis qui cherchent à lui nuire. Mais il blâmera aussi son propre prince s’il vient à mal se conduire. De même qu’il peut y avoir de faux prophètes, il peut y avoir aussi évidemment de faux satiristes, des satiristes abusant de la crédulité des uns ou des autres. Les dispositions légales réprimant la satire abusive en Irlande nous fournissent un renseignement capital. Dans l’esprit du législateur ancien ou médiéval, la satire n’était pas une calomnie gratuite ou, comme à notre époque – ce qui revient presque à la même chose – un genre poétique ou littéraire particulier, cultivant à la fois la méchanceté, l’humour et l’ironie… Elle était uniquement la constatation d’une vérité, la recherche d’une certaine justice.
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ANNEXE N°4.
DE LA NÉCESSITÉ DE REMETTRE DIEU OU LES DIEUX À LEUR PLACE PAR MOMENTS.
Peu de temps après, comme si les dépouilles des mortels n’étaient point assez pour lui, alors il [Brennus] tourna ses pensées vers les temples des dieux immortels, et plaisanta de façon blasphématoire en disant que « les dieux, étant riches, doivent être généreux envers les hommes ». Ensuite et soudainement il dirigea sa marche sur Delphes, considérant plus les richesses que la religion, se préoccupant davantage de l’or que de la colère des dieux, « qui », disait-il, « n’ont pas besoin de richesses, accoutumés qu’ils sont à plutôt les prodiguer aux mortels » (Justin. Livre XXIV, chapitre VI).
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ANNEXE N°5.
DE LA NÉCESSITÉ DE SE RÉVOLTER CONTRE DIEU OU LES DIEUX, TOUS LES DIEUX, QUELS QU’ILS SOIENT QUAND IL Y A LIEU.
Je suppose qu’Indutiomaros, quand il a délivré son témoignage, avait toutes ces craintes et ces pensées en tête ; lui qui n’a pas eu recours à l’autorité pleine et entière du verbe auquel nous sommes habitués dans de tels cas, lorsque nous disons « je crois » [en latin arbitror], un mot dont nous nous servons pourtant justement quand nous rapportons sous serment ce que nous savons de source sûre, que nous avons vu personnellement ; mais qui a dit qu’il savait [en latin scire], tout, de ce dont il venait de porter témoignage… Croyez-vous que ces nations en apportant leur témoignage sont sensibles à la sacralité de leur serment, et à la crainte des dieux, elles qui sont si différentes des autres dans leurs habitudes tout comme dans leurs dispositions naturelles ? Car les autres nations entreprennent des guerres pour défendre leurs sentiments religieux, alors qu’eux font la guerre à la religion des tous les autres peuples ; les autres nations quand elles font la guerre implorent l’autorisation ou le pardon des dieux immortels ; eux font la guerre aux dieux immortels eux-mêmes (Cicéron. Plaidoirie pour Marcus Fonteius).
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ANNEXE N°6.
DE LA NÉCESSITÉ ENCORE DE SE RÉVOLTER CONTRE DIEU OU LES DIEUX, TOUS LES DIEUX, QUELS QU’ILS SOIENT, QUAND IL Y A LIEU.
Journal officiel, 12 février 1895.
Dans la forme de société qui a précédé la nôtre, il y avait au moins concordance entre les idées et les faits, entre les choses et les mots : il y avait une hiérarchie sociale comme il y avait une hiérarchie religieuse correspondante ; il y avait une résignation sociale et une résignation religieuse ; il y avait une échelle de la création, au sommet de laquelle étaient les puissances supérieures et Dieu, comme il y avait une échelle de la société, au sommet de laquelle étaient le noble, le prêtre et le roi ; et il n’y avait ni tromperie ni équivoque : le serf savait qu’il était devant Dieu l’égal du noble ; mais il savait aussi que, de par l’ordre du même Dieu, tant qu’il serait sur la terre, il serait un serf. Il n’y avait aucune hypocrisie sociale. Ce qui, au contraire, caractérise la société présente, ce qui fait qu’elle est incapable à jamais de s’enseigner elle-même et de se formuler elle-même en une règle morale, c’est qu’il y a partout en elle une contradiction essentielle entre les faits et les paroles. Aujourd’hui, il n’y a pas une seule grande parole qui ait son sens vrai, plein et loyal : fraternité, – et le combat est partout ; égalité, – et toutes les disproportions vont s’amplifiant ; liberté, – et les faibles sont livrés à tous les jeux de la force ; propriété, c’est-à-dire rapport étroit et personnel de l’homme et de la chose, de l’homme et d’une portion de la nature transformée par lui, utilisée par lui, – et voilà que la propriété devient de plus en plus une fiction monstrueuse qui livre à quelques hommes des forces naturelles dont ils ne savent même pas la loi, et des forces humaines dont ils ne savent même pas le nom ! Oui, partout le creux, l’hypocrisie des paroles. Il y a plus d’un siècle, Diderot pressentait ces faussetés prochaines, lorsqu’il disait dans une de ses pensées révolutionnaires : « Avoir des esclaves n’est rien ; mais ce qui est intolérable, c’est d’avoir des esclaves en les appelant des citoyens ! »… Mais ce qu’il faut sauvegarder avant tout, ce qui est le bien inestimable conquis par l’homme à travers tous les préjugés, toutes les souffrances et tous les combats, c’est l’ idée qu’il n’y a pas de vérité sacrée *, c’est-à-dire interdite à la pleine investigation de l’homme ; c’est cette idée que ce qu’il y a de plus grand dans le monde, c’est la liberté souveraine de l’esprit ; c’est cette idée qu’aucune puissance ou intérieure ou extérieure, aucun pouvoir et aucun dogme ne doit limiter le perpétuel effort et la perpétuelle recherche de la raison humaine ; cette idée que l’humanité dans l’univers est une grande commission d’enquête dont aucune intervention gouvernementale, aucune intrigue céleste ou terrestre ne doit jamais restreindre ou fausser les opérations ; cette idée que toute vérité qui ne vient pas de nous est un mensonge ; que, jusque dans les adhésions que nous donnons, notre sens critique doit rester toujours en éveil et qu’une révolte secrète doit se mêler à toutes nos affirmations et à toutes nos pensées ; que si l’idée même de Dieu prenait une forme palpable, si Dieu lui-même se dressait, visible, sur les multitudes, le premier devoir de l’homme serait de refuser l’obéissance et de le traiter comme l’égal avec qui l’on discute, mais non comme le maître que l’on subit. Voilà ce qui est le sens et la grandeur et la beauté de notre enseignement laïque dans son principe, et bien étranges sont ceux qui viennent demander à la raison d’abdiquer, sous prétexte qu’elle n’a pas ou qu’elle n’aura même jamais la vérité totale ; bien étranges ceux qui, sous prétexte que notre démarche est incertaine et trébuchante, veulent nous paralyser, nous jeter dans la pleine nuit, par désespoir de n’avoir pas la pleine clarté (Jean Jaurès).
* Car le sacré c’est l’Homme. C’est l’Homme qui a fait les dieux à son image, et non le contraire (qui serait absurde), c’est lui la mesure de toute chose par définition. Il n’existe pas de droits de Dieu sur ses créatures, car Dieu n’a jamais été un démiurge créateur de quoi que ce soit il n’est que l’âme du monde. Contrairement à ce que pensent les monolâtries de masse et notamment l’islam (cf. sa notion d’Houdoud), il n’existe donc que des droits ET DEVOIRS de l’Homme envers lui-même envers ses frères envers le monde. Il est bien évident par exemple que la plupart des comportements rentrant dans la catégorie houdoud de la charia ne sont en aucune façon des violations des droits de Dieu (qui n’existe pas ainsi), mais tout simplement des violations des droits des autres hommes, voir tout simplement le cas personnel de Mahomet, notamment pour tout ce qui est adultère et faux témoignages, cela saute aux yeux. Cf les scènes de jalousie de ses femmes ou l’accusation d’adultère portée contre Aïcha. Car assez curieusement dans le Coran et à la différence du christianisme (eli eli lamma sabacthani) Dieu se préoccupe beaucoup du sort personnel de son prophète, pour ne pas dire de sa vie privée (il est vrai que Jésus ayant bêtement préféré consacrer toute son énergie à sa mission d’où son célibat, quelle roturière petitesse, il n’avait pas ce genre de problèmes très bourgeois). Chaque fois que Mahomet a des problèmes conjugaux ou politiques (trêve ou pas trêve,
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etc.), une révélation divine transmise par l’archange Gabriel vient fort opportunément soulager sa conscience. Pratique tout ça ! De toute façon il n’existe de droits que ceux que l’on conquiert soi- même. Si Dieu veut avoir des droits sur les hommes, alors qu’il se débrouille pour les conquérir de vive force et les garder. Tel est le sens de toutes ces batailles de la métahistoire celtique.
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ANNEXE N° 7.
BRENNOS ET LA GRÈCE.
On sait que certains éléments de la mythologie celtique ont fini par transparaître dans la documentation grecque, et notamment la notion de taureau à trois cornes ou aux trois grues, dans une comédie grecque de Philémon (voir le fragment qui nous a été conservé par Athénée). Le roi Séleucus avait envoyé aux Athéniens d’alors une tigresse. L’auteur propose de lui envoyer en échange un trigeranon. Facétie d’autant plus féroce que le Séleucide avait été battu à plate couture par des Celtes quelque temps auparavant.
« … Et Ulpien, comme s’il avait fait une découverte, et alors que Myrtilos était toujours en train de parler, demanda. Le mot tigris a-t-il un féminin?? Car je sais que Philémon a écrit dans sa pièce intitulée Néérée :
Comme Séleucos nous a envoyé une tigresse
Que nous avons vue nous-mêmes, il faudrait bien en retour
Envoyer au Séleucide une de nos bêtes à nous des plus féroces.
Envoyons-lui un trigeranos, car c’est
Un animal que l’on ne trouve pas dans son pays » (Philémon).
Se pourrait-il que pareillement et comme dans le cas de Tite-Live, certains éléments tout sauf historiques aient fini par s’insérer dans les récits concernant ce second et bien mystérieux Brennus ayant réussi ou ayant failli prendre Delphes ? Et tout d’abord son apparente ubiquité des débuts de l’expédition, durant la phase préliminaire, en 278 avant notre ère. Tout comme dans le cas du Brennus de Rome, le plus grand flou voire les plus grandes contradictions règne à propos de certains points cruciaux de son épopée.
Le temple de Delphes a-t-il oui ou non fini par tomber entre les mains de ses troupes (comme le Capitole à Rome un siècle plus tôt) ? Si ce second Brennos a échoué juste avant d’atteindre son but, pourquoi donc dans ce cas toutes ces légendes sur l’or maudit ramené de Delphes par certaines tribus celtes ? Si les circonstances de son suicide sont bien difficiles à comprendre, elles n’ont rien d’impossible ; ce n’est pas le cas de plusieurs des phénomènes rapportés par nos auteurs grecs antiques à propos des furieux combats ayant eu lieu au pied temple. L’intervention d’Apollon ainsi que d’Artémis et d’Athéna en personne sans oublier divers esprits de héros défunts comme Hyperochos, Laodocos, Pyrrhos et Phylacos ; est à mettre exactement sur le même plan que l’intervention de certains anges (Gabriel et 20 000 autres anonymes) en faveur des musulmans et de Mahomet lors de la fameuse bataille de Badr en 624 après Jésus-Christ, ou à l’occasion de celle de Mons en 1914, voire du miracle de Fatima en 1917.C’est une question de foi et non d’histoire ! Et si des dieux des anges et des fées ou des déesses sont apparus aux yeux de tous ces croyants, et les ont galvanisés, ou paralysés de terreur, alors des dieux des anges et des fées ou des déesses sont apparus. Et il ne sert à rien de le discuter ! Car en l’occurrence CE QUI EST CRU A AUTANT DE CONSISTANCE QUE CE QUI EST VRAI (DANS LA DÉTERMINATION DES COMPORTEMENTS HUMAINS).
En outre là aussi même remarque qu’à propos du Brennus ayant pris Rome (ou pas) trois générations plus tôt. Toutes ces ambiguïtés jointes au fait qu’il y a au minimum un élément non historique, et ce de façon certaine dans les comptes-rendus des combats autour du temple de Delphes, font que l’on peut se demander s’il n’y en a pas d’autres du même genre dans tous ces récits, et notamment ceux qui tournent autour du personnage de Brennus. Personnage historique ou personnage mythique ? Se pourrait-il qu’il y ait un rapport entre les hauts faits du mythique Brian de l’Oidhe Chloinne Tuireann de la mythologie gaélique et les exploits du Brennus historique ayant pris Delphes en 279 avant notre ère, l’un ayant par exemple influencé l’autre. Mais dans ce cas est-ce le Brennus historique ayant pris Delphes qui s’est inspiré de son modèle divin, ou le contraire, le personnage de Brian (Iuchar et Iucharba ne sont que des faire-valoir) qui a été peu à peu élaboré par les bardes circulant dans toute l’étendue de l’Empire celtique d’alors (la Letavia ou le Celticum) en s’inspirant des exploits du Brennus historique et ce conformément au plus strict évhémérisme (du type Brian résistant à Lug = Apollon) ?
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À moins bien sûr qu’il n’y ait eu interaction réciproque. À nos lecteurs de juger ! Voici les documents historiques en question.
Notes.
Pausanias est un voyageur grec, probablement né à Magnésie (aujourd’hui Manisa, en Turquie), ayant parcouru toute la Grèce au milieu du second siècle de notre ère. Pausanias n’a pas voulu faire de l’histoire pour de l’histoire et l’on aurait tort de vouloir le comparer à des auteurs comme Polybe ou Thucydide. Il s’agit moins pour lui de construire un récit rigoureux et bien équilibré des faits, que de chercher à compléter ce qu’ont déjà dit ses prédécesseurs sur le sujet, en privilégiant l’original ou l’insolite, et en résumant, voire en passant sous silence, ce qui est déjà bien connu ; il s’agit moins pour lui de présenter une analyse objective des causes et des conséquences, des conditions économiques et sociales, que d’insister sur des épisodes ou des personnages qui correspondent à la vision qu’il veut donner à ses lecteurs du passé de la Grèce. Choisir et compléter, ces deux critères donnent donc à l’histoire telle que l’écrit Pausanias, le caractère d’une recherche intentionnelle et constante de la différence, et font de Pausanias l’auteur d’une formule originale de narration historique, formule qui ne le met d’ailleurs pas à l’abri de la naïveté ou de l’erreur. Tous ces récits ont le caractère des légendes. Les détails varient et quelques-uns ont été évidemment inventés ou grossis par l’imagination populaire dont les historiens se sont fait l’écho. Pausanias se complaît souvent à mêler histoire et mythologie, et par ailleurs s’il a vu tous les monuments dont il parle, il a pu se tromper, ou être trompé par les guides qui lui ont fourni des renseignements. Dans le cas de Delphes par exemple on a exactement les mêmes récits fantastiques à propos des Perses deux cents ans plus tôt. Alors…
DESCRIPTION DE L’HELLADE.
LIVRE X.
PHOCIDE.
Chapitre XV.
Que l’armée celte passerait d’Europe en Asie pour détruire les cités avait été prédit par Phennis dans ses oracles une génération avant que l’invasion ne se produise.
« Ensuite, ayant traversé l’étroit passage de l’Hellespont, L’armée dévastatrice des Galates se répandra Et sans foi ni loi ravagera l’Asie ; Mais le dieu fera bien pire À ceux qui habitent près des rivages de la mer Pendant un court instant. Car très vite le fils de Cronos Leur trouvera un défenseur, Le bien aimé fils d’un taureau élevé par Zeus, Qui, sur tous ces Galates, fera se lever le jour de la vengeance ».
Par « le fils d’un taureau, » elle voulait signifier Attale, roi de Pergame, qui était souvent dit « aux cornes de taureau ».
Chapitre XIX.
J’ai déjà fait quelques mentions de l’invasion galate de la Grèce dans ma description de la chambre où se réunissait le sénat d’Athènes. Mais j’ai résolu de fournir un compte-rendu plus détaillé sur ces Galates dans ma description de Delphes, car c’est là qu’eurent lieu les plus grands exploits des Grecs contre eux. Les Celtes menèrent leur première expédition sous le commandement de Cambaulès. Arrivés jusqu’en Thrace, ils se découragèrent et interrompirent brusquement leur marche après avoir compris qu’ils étaient en trop peu nombreux pour affronter les Grecs. Mais quand ils décidèrent d’envahir une seconde fois des pays étrangers, si grande fut l’influence des vétérans de l’expédition de Cambaulès, qui avaient goûté aux joies du pillage et avaient acquis la passion du vol ainsi que du brigandage, qu’une grande armée composée de beaucoup de fantassins et d’un nombre aussi élevé d’hommes à cheval fut vite rassemblée. Cette troupe fut répartie en trois corps d’armée par leurs chefs, à chacun d’entre eux fut assigné un pays à envahir. Céréthrius devait en conduire un contre les Thraces et la nation des Triballes. Les hommes chargés d’envahir la Péonie furent placés sous le commandement de Brennus et Akicorius. Bolgius attaqua les Macédoniens et les Illyriens, et livra bataille à Ptolémée, roi des Macédoniens en ce temps-là. C’est ce Ptolémée qui, ayant un jour imploré Seleucus, le fils d’Antiochus, de lui accorder refuge, l’avait ensuite assassiné traîtreusement, et avait été surnommé Kéraunos, « la foudre », à cause de sa témérité. Ptolémée lui-même mourut au combat, et les Macédoniens subirent de très lourdes pertes. Mais encore une fois, les Celtes n’eurent
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pas le courage de poursuivre sur la Grèce, et c’est ainsi que leur seconde expédition revint, elle aussi, dans ses foyers. C’est alors que Brennus, à la fois dans des rassemblements publics et à l’occasion d’entretiens privés avec les chefs galates, appela une fois encore à une nouvelle campagne contre la Grèce, en insistant sur la faiblesse de la Grèce à cette époque, sur l’opulence des cités grecques, et sur les richesses plus grandes encore de leurs sanctuaires, faites d’offrandes votives ainsi que de pièces d’or et d’argent. Aussi parvint-il à convaincre les Galates de marcher à nouveau sur la Grèce. Parmi les principaux chefs choisis pour être ses lieutenants, il y avait Akicorius. Le nombre des fantassins s’élevait à cent cinquante-deux mille hommes, vingt mille quatre cents pour les cavaliers. Tel était le nombre des cavaliers en action à tout moment, mais le nombre réel d’entre eux était de soixante et un mille deux cents. Car à chaque cavalier se trouvaient attachés deux hommes, bons cavaliers eux-mêmes et, comme leurs maîtres, ayant un cheval. Quand la cavalerie galate est engagée, ces deux compagnons d’armes restent derrière les rangs, mais servent à ceci. Quand un cavalier ou son cheval vient à s’abattre, si c’est l’homme qui a été tué, alors l’écuyer [grec doulos] enfourche le cheval à la place de son maître, dans le second cas l’écuyer [grec doulos] lui donne son cheval à monter ; si le cavalier ainsi que son cheval sont tués tous les deux, alors la relève est assurée. Quand un cavalier n’est que blessé, un des écuyers [grec doulos] ramène le blessé au camp, pendant que l’autre prend sa place laissée vacante dans les rangs. Je pense que les Galates en adoptant ces méthodes ont copié le régiment perse des dix mille, qui étaient appelés les immortels. Avec néanmoins cette différence. Les Perses avaient coutume d’attendre que la bataille soit terminée avant de remplacer les morts ou les blessés, alors que les Galates s’efforcent de maintenir constant le nombre de leurs cavaliers durant toute la durée de l’action. Cette méthode d’organisation est appelée dans leur langue natale trimarkisia, car il faut que vous sachiez que marka est le nom celtique du cheval.
Chapitre XX.
Telle fut donc l’armée ainsi que les desseins de Brennus quand il attaqua l’Hellade. Le courage des Hellènes était au plus bas, mais la force même de leur terreur les força néanmoins à défendre leur pays…
Quand les Hellènes rassemblés aux Thermopyles apprirent que l’armée des Galates était déjà dans le voisinage de Magnésie et dans la Phthiotide, ils résolurent d’envoyer la cavalerie et un millier d’hommes de troupe légèrement armés sur le Spercheius, afin d’empêcher que les barbares puissent le traverser sans risque ni péril. Dès leur arrivée ces forces rompirent les ponts et campèrent sur les bords du fleuve. Mais Brennus était loin d’être stupide ni dénué de toute expérience, pour un barbare, en matière de stratégie. Aussi, dès que la nuit fut venue, il dépêcha quelques troupes sur le Spercheius, non à la place où il y avait eu les ponts, mais plus bas, là où les Hellènes ne remarqueraient pas qu’ils le traverseraient, juste là où le fleuve se répand dans la plaine et forme un marais ou un lac au lieu de couler comme un torrent étroit et violent. Brennus y envoya quelque dix mille Galates, en choisissant les bons nageurs ou les hommes de grande taille ; et les Celtes en tant que peuple sont de loin beaucoup plus grands que les autres hommes. Ces derniers traversèrent donc de nuit à la nage le fleuve, là où il s’épanche pour former un lac ; chaque homme se servant pour cela de son bouclier, du bouclier de leur pays, en guise de radeau ; et les hommes les plus grands le firent à pied. Les Hellènes postés sur le Spercheius, dès qu’ils eurent appris qu’un détachement des barbares avait traversé par le marais, se replièrent aussitôt sur le gros de l’armée. Brennus ordonna aux habitants des environs du golfe Malien de construire des ponts sur le Spercheius, et ils entreprirent donc d’exécuter cette tâche dans un seul but, comme ils avaient peur de Brennus, ils attendaient avec impatience que les barbares s’en aillent de leur pays au lieu d’y rester à le dévaster plus longtemps. Brennus fit ensuite passer son armée sur ces ponts et marcha sur Héraclée. Les Galates pillèrent le pays, et massacrèrent tous ceux qu’ils trouvèrent dans les champs, mais ne prirent pas la ville. Car un an avant cela les Étoliens avaient forcé la ville d’Héraclée à se joindre à leur ligue, aussi avaient-ils défendu cette cité qu’il considérait comme leur appartenant, avec non moins de vigueur que les Héracléotes eux-mêmes. De toute façon Brennus en fait ne s’intéressait guère à Héraclée, mais cherchait surtout à déloger ceux qui bloquaient les défilés situés devant lui, afin d’envahir l’Hellade au sud des Thermopyles.
Chapitre XXI.
Des déserteurs tinrent Brennus informé de l’état des forces que chaque cité avait envoyées aux Thermopyles. Aussi, délaissant cette armée d’Hellènes, il abandonna Héraclée puis entreprit de se
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préparer à livrer bataille le lendemain matin à l’aube. Il n’avait avec lui aucun devin hellène, et ne recourut à aucun des sacrifices propres à son pays, si, bien sûr, les Celtes connaissent un quelconque art de la divination. Quand ils furent tout proches, l’infanterie ne sortit pas de ses lignes au point de rompre les rangs, et les troupes légères restèrent en formation, en se contentant de lancer des javelots, de tirer des flèches ou de tirer des balles de fronde. La cavalerie des deux côtés resta sans emploi, car la passe est non seulement étroite, mais aussi très glissante à cause de la nature des roches, et surtout à cause du fait que les ruisseaux la recouvrent d’eau en grande partie. Les Galates étaient moins bien armés que les Hellènes, n’ayant pour toute protection que leur bouclier national, et leur étant de plus, inférieurs en ce qui concerne les choses de la guerre. Ils marchaient sus à l’ennemi avec la furie et la passion des bêtes sauvages. Même pourfendus d’un coup de hache ou d’épée, ils gardaient toute leur frénésie, tant qu’ils respiraient encore ; et même percés de flèches ou de javelots, ils ne rabattaient rien de leur emportement tant qu’un souffle de vie leur demeurait. Certains d’entre eux arrachaient de leurs blessures les javelines qui les avaient atteints, et les relançaient sur les Hellènes ou s’en servaient pour combattre au corps-à-corps. Pendant ce temps-là les Athéniens sur leurs trirèmes, ayant néanmoins quoiqu’avec difficulté voire de façon dangereuse, réussi à naviguer en suivant la côte malgré la boue qui s’étendait loin dans la mer, conduisirent leurs navires aussi près que possible des barbares, et les criblèrent de flèches ou de toutes sortes de projectiles. Les Celtes étaient dans une indicible détresse, et comme dans un espace aussi restreint, ils ne réussissaient guère à infliger à leurs adversaires que quelques blessures alors que dans le même temps ils en recevaient deux à quatre fois plus, leurs chefs donnèrent le signal du repli sur le camp. Comme ils battaient en retraite dans la plus grande confusion voire en pleine débandade, beaucoup d’entre eux furent foulés aux pieds par leurs camarades, et beaucoup d’autres tombèrent dans les marais où ils disparurent dans la boue. Ils perdirent donc à l’occasion de cette retraite autant d’hommes que lorsque la bataille avait fait rage…
Après cette bataille aux Thermopyles les Hellènes enterrèrent leurs propres morts et dépouillèrent les cadavres des barbares, mais les Galates, eux, n’envoyèrent aucun héraut pour demander qu’on les laisse enlever leurs corps, et ils ne se préoccupèrent guère que la terre les reçoive ou qu’ils soient dévorés par les bêtes sauvages, voire les oiseaux charognards. Il y avait à mon avis deux raisons qui faisaient qu’ils étaient indifférents à la sépulture de leurs morts : ils désiraient semer la terreur chez leurs ennemis, mais également suivre leur coutume de n’avoir aucun sentiment pour ceux qui s’en étaient allés. Lors de cette bataille, quarante des Hellènes tombèrent. Les pertes des barbares, elles, sont impossibles à estimer, car le nombre de ceux qui disparurent dans la boue fut très élevé.
Chapitre XXII.
Le septième jour après cette bataille un régiment de Galates tenta de monter sur l’Oeta par Héraclée. En ce lieu en effet un sentier très étroit s’élève, juste après les ruines de Trachin. Il y avait aussi un sanctuaire d’Athéna sur ce territoire, et à l’intérieur des offrandes votives. Aussi espéraient-ils monter jusqu’à l’Oeta par ce sentier, mais aussi par la même occasion s’emparer des offrandes du temple en passant. Ce passage était défendu par les Phocéens aux ordres de Télésarchus. Ils triomphèrent des Barbares dans cet engagement, mais Télésarchus lui-même tomba, c’était un homme tout dévoué, si quelqu’un le fut jamais, aux Hellènes. Les chefs barbares redoutaient tous les Hellènes à l’exception de Brennus, et ils craignaient aussi pour leur avenir, en voyant que leur situation en cours ne montrait aucun signe d’amélioration. Mais Brennus pensa que s’ils pouvaient obliger les Étoliens à rentrer chez eux, alors ils trouveraient la guerre contre les Hellènes plus facile à poursuivre. Aussi détacha-t-il de son armée quarante mille fantassins et environ huit cents cavaliers. Il leur donna comme chefs Orestorios et Combutis, qui, après avoir repassé les ponts jetés sur le Spercheius et de nouveau traversé la Thessalie, envahirent l’Étolie. La tragique destinée des Calliens entre les mains de Combutis et d’Orestorios est la pire des atrocités dont on ait jamais entendu parler, sans aucun parallèle parmi tous les crimes commis un jour par des hommes. Ils passèrent au fil de l’épée tout ce qui était de sexe masculin, les vieillards furent, eux aussi, égorgés, tout comme les enfants même encore au sein de leur mère. Les plus gras de ces nourrissons, les Galates les tuaient, puis buvaient leur sang et mangeaient leur chair.
Note de l’éditeur. Aucun de nos lecteurs n’est obligé de croire tout ce qu’écrit Pausanias.
Les femmes et les jeunes filles, si elles avaient quelque fierté, anticipèrent leur fin quand la ville fut prise. Celles qui survécurent souffrirent sous la contrainte la plus impérieuse, toutes sortes d’outrages,
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entre les mains d’hommes également dépourvus de pitié ou d’amour. Toutes les femmes qui eurent la chance de trouver une épée galate pour cela se suicidèrent. Les autres étaient sur le point de mourir de faim ou de manque de sommeil, que ces impitoyables barbares les outrageaient encore à tour de rôle, et satisfaisaient leur convoitise avec les mourantes voire sur les mortes. Les Étoliens ayant été informés par des messagers du désastre qui s’était abattu sur eux, sur le champ, ils retirèrent toutes leurs forces des Thermopyles et se hâtèrent de rentrer en Étolie, atterrés par les souffrances des Calliens, et donc encore plus désireux de préserver d’un tel sort les cités qui n’avaient pas déjà été prises. Dans toutes les cités, on mobilisa les hommes en âge de porter les armes, ceux qui étaient plus âgés, indignés ou désespérés par les événements, se joignaient aussi à leurs rangs ; et même leurs femmes prirent volontiers les armes, se montrant même encore plus enragées contre les Galates que les hommes. Quand les barbares, après avoir pillé maisons et sanctuaires, et mis le feu à Callium, s’en revinrent en empruntant le même chemin, ils furent attaqués par les Patréens qui, seuls de tous les Achéens, étaient venus à l’aide des Étoliens. Ayant tous été formés comme hoplites, ils lancèrent donc une attaque frontale sur les barbares, mais subirent beaucoup de pertes à cause du nombre et de la fureur désespérée des Galates. Les Étoliens tant hommes que femmes, placés en embuscade tout le long de la route, tiraient sur les barbares, et peu de leurs traits rataient leurs cibles, protégées par rien hormis leur bouclier national. Poursuivis par les Galates, ils leur échappaient facilement, et renouvelaient leurs assauts avec vigueur dès que les ennemis leur avaient tourné le dos afin de rejoindre le reste de la troupe. Bien que les Calliens aient tellement souffert, que même les poèmes d’Homère sur les Lestrygons et les Cyclopes ne semblent plus exagérés, ils furent donc ainsi dûment et pleinement vengés. Car des quarante mille et huit cents barbares, il en revint moins de la moitié dans leur camp des Thermopyles. Pendant ce temps-là pour les Hellènes des Thermopyles voici ce qui se passait. Il y avait deux sentiers à travers le mont Oeta : celui au-dessus de Trachine est très raide et la plupart du temps escarpé ; l’autre, qui passe par le territoire des Énianes, est plus facile à suivre pour une armée. C’est à travers lui que lors d’une précédente occasion Hydarnès le Perse était passé pour prendre les Hellènes à revers sous Léonidas. Les Énianes et les Héracléotes promirent de guider Brennus par cette route, non parce qu’ils en voulaient aux Hellènes, mais parce qu’ils avaient hâte de voir les Celtes quitter leur territoire, et ne pas y rester jusqu’à sa ruine complète. Je pense que Pindare disait bien la vérité quand il écrivit un jour que chacun est toujours accablé par ses propres malheurs, mais moins sensible à ceux des autres. Brennus fut encouragé par la promesse faite par les Énianes et les Héracléotes. Laissant Akikorios derrière lui avec le gros de l’armée, avec instruction de n’attaquer que quand son mouvement pour prendre à revers l’ennemi serait terminé, Brennus en personne, à la tête d’un détachement de quarante mille hommes, se mit en route en empruntant ce chemin. Or il arriva ce jour-là que le brouillard se répandit sur la montagne, en assombrissant le soleil, de sorte que les Phocéens qui étaient de garde sur le sentier virent les barbares arriver sur eux avant d’avoir été avertis de leur approche. Les Galates passèrent aussitôt à l’attaque. Les Phocéens résistèrent en faisant preuve d’un courage très viril, mais à la fin furent forcés de se retirer du sentier. Néanmoins ils réussirent à courir prévenir leurs alliés avant que la manœuvre de contournement des troupes hellènes n’ait pu être achevée.
Chapitre XXIII.
Sur quoi les Athéniens avec leur flotte réussirent à évacuer à temps les forces hellènes des Thermopyles, qui se débandèrent et retournèrent dans leurs foyers respectifs. Brennus, sans tarder un seul instant, se mit en route pour Delphes, sans attendre que le gros des troupes placé sous le commandement d’Akikorios ne les rejoigne. Les Delphiens terrorisés se réfugièrent auprès de l’oracle. Le dieu entreprit de les rassurer, leur promit qu’il défendrait lui-même en personne, ce qui était à lui. Les Hellènes qui accoururent à la rescousse du dieu furent les suivants : les Phocéens qui vinrent de toutes leurs cités ; d’Amphisse quatre cents hoplites ; des Étoliens quelques-uns arrivèrent sur le champ après avoir entendu parler de l’avance des barbares, et un peu après Philomèlus en amena douze cents autres. L’élite des Étoliens se retourna contre l’armée d’Akikorios qui faisait mouvement, et sans rechercher la bataille rangée harcelèrent les arrières de leurs colonnes, pillant leurs bagages et passant leurs conducteurs au fil de l’épée. Ce fut surtout pour cela que leur marche se révéla extrêmement lente. En outre Akikorios avait laissé une partie de son armée à Héraclée, afin de garder les bagages de leur camp. Brennus et son armée se retrouvaient dorénavant face aux Hellènes rassemblés à Delphes, et aussitôt des signes ne présageant rien de bon pour les barbares furent envoyés par le dieu, les plus clairs jamais connus dans l’Histoire 1). Le sol occupé par l’armée galate fut violemment secoué par des séismes pendant la plus grande partie de la journée, soumis continuellement au tonnerre et à la foudre. Le tonnerre terrifiait les Galates et les empêchait d’entendre les ordres de leurs propres chefs, pendant que la foudre céleste brûlait non seulement
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ceux qui étaient frappés par elle, mais aussi leurs voisins, tout comme leurs cuirasses. Ensuite il y eut apparition des fantômes de héros comme Hyperochos, Laodocos et Pyrrhos 2) ; selon certains il y en eut même un quatrième, Phylacos, un héros du pays des Delphiens. Parmi les nombreux Phocéens qui furent tués dans l’action se trouvait Aleximachus qui, lors de cette bataille, surpassa tous les autres Hellènes pour ce qui est de la jeunesse, de la force physique et de son entrain à tuer les barbares. Les Phocéens ont fait sculpter une statue d’Aleximachus et l’ont envoyée à Delphes en tant qu’offrande pour Apollon. Toute la journée les barbares furent assaillis par des calamités ou des terreurs de toutes sortes. Mais la nuit devait leur infliger des épreuves encore plus douloureuses. Car alors s’abattit sur eux un froid sévère, accompagné de neige et de grosses pierres se détachant du Parnasse. Des roches en surplomb s’en détachaient, comme si elles avaient pris pour cible les barbares 3), et leur chute en contrebas en écrasait non pas un ou deux à la fois, mais trente à plus, ainsi qu’ils avaient le malheur de s’être rassemblés pour monter la garde ou prendre du repos. À l’aube les Hellènes arrivèrent de Delphes, et lancèrent une attaque frontale à l’exception des Phocéens qui, étant plus familiers de la région, descendirent à travers la neige en bas des escarpements du Parnasse, et surprirent ainsi les Celtes sur leurs arrières, les criblant de flèches et de javelots sans avoir rien à craindre des barbares. Au début du combat, les Galates offrirent une vigoureuse résistance, spécialement la compagnie attachée à Brennus, qui était composée des plus grands et des plus braves de ces Galates, bien qu’attaqués de toutes parts, et non moins agressés par le froid, surtout les blessés. Mais quand Brennus en personne fut blessé, il fut évacué sans connaissance hors du champ de bataille, et les barbares, harcelés de toutes parts par les Hellènes, se replièrent à contrecœur, après avoir passé au fil de l’épée tous ceux qui, empêchés par des blessures ou malades, ne pouvaient partir avec eux. Ils campèrent là où la nuit les avait surpris dans leur retraite, et ce soir-là s’abattit sur eux une vraie peur « panique ». Car les terreurs sans cause sont dites venir du dieu Pan. Ce fut à la nuit tombante que la confusion s’installa. Au début seuls quelques-uns d’entre eux devinrent fous : ils s’imaginaient entendre un piétinement de chevaux lancés au galop, et des ennemis se ruant à l’attaque sur eux, mais au bout de quelque temps cette illusion se répandit aussi chez tous les autres. Se ruant sur leurs armes, ils se divisèrent alors en deux partis, tuant ou étant tués, ne comprenant plus leur propre langue et ne reconnaissant plus les uns les autres la forme de leurs boucliers nationaux. Les deux partis pareillement, sous l’effet de cette illusion, pensaient que leurs adversaires étaient des Hellènes, hommes et armements, et que la langue qu’ils parlaient entre eux était celle de l’Hellade ; les Galates s’entr’égorgèrent donc en masse à cause de cette folie due au dieu. Ceux des Phocéens qui avaient été laissés derrière dans les champs pour garder les troupeaux furent les premiers à découvrir et à rapporter aux Hellènes la panique qui s’était emparée des barbares durant la nuit. Les Phocéens redoublèrent donc d’ardeur dans leurs assauts contre les Celtes, renforcèrent la garde des parcs, et ne les laissèrent jamais vivre sur le pays en s’emparant sans combat de ce qu’il leur fallait pour se ravitailler, de telle sorte que l’armée galate tout entière souffrit instantanément d’un cruel manque de blé ou de toute autre nourriture. Leurs pertes en Phocide furent les suivantes : environ six mille hommes du fait des combats ; quant à ceux qui périrent dans l’orage presque hivernal qui s’abattit sur eux dès la nuit tombante, et après dans la peur panique qui s’ensuivit, leur nombre fut de plus de dix mille, de même pour ceux qui moururent de faim 4). Des éclaireurs athéniens arrivèrent Delphes pour s’informer, après quoi ils s’en retournèrent chez eux et rapportèrent ce qui était arrivé aux barbares, ainsi que tout ce que le dieu leur avait infligé. Les Athéniens partirent en campagne, et comme ils traversaient la Béotie, les Béotiens se joignirent à eux. Toutes ces armées combinées poursuivirent les barbares, en leur tendant des embuscades et en tuant les traînards isolés. Ceux qui fuyaient avec Brennus ne furent rejoints par l’armée placée sous le commandement d’Akikorios que la nuit précédente, car les Étoliens avaient retardé leur marche, en les criblant sans pitié d’une nuée de javelots et de tout ce qu’ils pouvaient trouver, de sorte que seule une petite partie d’entre eux put rejoindre leur camp de base d’Héraclée. Ils avaient toujours espoir de sauver la vie de Brennus, du moins en ce qui concerne ses blessures, mais ; en partie parce qu’ils craignaient la colère de ses compatriotes, et plus encore parce qu’il était bien conscient des maux qu’il avait attirés sur leurs têtes, il s’enleva la vie en buvant du vin [non coupé] 5). Après cela les barbares battirent en retraite avec les plus grandes difficultés en direction du Spercheius, pressés de tous côtés par les Étoliens. Mais après être arrivés sur le Spercheius, les Thessaliens et les Maliens leur tendirent des embuscades, et en firent un tel massacre, que pas un seul des Galates ne put rentrer chez lui sain et sauf. Cette expédition des Celtes dans l’Hellade, et son anéantissement, eurent lieu alors qu’Anaxicrate était archonte dans Athènes, la seconde année de la cent vingt-cinquième olympiade, celle au cours de laquelle Ladas d’Égine termina vainqueur de la course à pied. L’année suivante, alors que Dèmoclès était archonte dans Athènes, les Celtes passèrent en Asie. Tel fut donc le déroulement de cette guerre.
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1) Justin. Livre XXIV, chapitre VIII : où ils sentirent aussitôt la présence de la divinité.
2) Ce Pyrrhus est présenté dans le récit du livre I, IV, 4, comme étant le fils d’Achille. Cette identification a paru invraisemblable à Pausanias lui-même. Pyrrhus, dit-il, était auparavant haï ou détesté par les habitants de Delphes. Il passait pour avoir voulu piller leur temple. Voir dans l’Andromaque d’Euripide le récit de sa mort.
3) Justin, ibidem. Car une partie de la montagne, ébranlée par un tremblement de terre, écrasa une armée de Galates et quelques-uns des plus gros bataillons ennemis furent dispersés, couverts de blessures, et tombèrent à terre. Ensuite une tempête souffla, qui acheva sous les coups de la grêle et du froid ceux qui étaient déjà blessés grièvement. cf. équivalent dans l’islam, la bataille du fossé (al-Khandaq) en 627 après Jésus-Christ.
4) En tout vingt-six mille, ce qui est déjà énorme. Diodore, livre XXII, fragment 8, renchérit encore. D’après lui, Brennus perdit des myriades de soldats, et, après sa mort, Akikorios en fit tuer vingt mille (!) qui, blessés ou épuisés, ne pouvaient plus suivre. Bref, aucun d’entre eux n’aurait quitté la Grèce vivant.
5) Justin, ibidem : Brennus, incapable de supporter la douleur de ses blessures, mit fin à ses jours avec son poignard. Diodore ; livre XXII, fragment, concilie les deux versions. «. Ensuite, après avoir bu beaucoup de vin pur, Brennus se tua lui-même ». cf. Valère Maxime, I, I, 18.
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ANNEXE 8.
BRENNOS ET ROME.
Il y a dans les récits concernant l’invasion celtique du nord de l’Italie ; sans compter les épisodes peut-être historiques, mais qui en apprennent beaucoup sur la mentalité religieuse des Celtes antiques ; des éléments assurément non historiques et relevant plutôt de la pure mythologie. L’exemple le plus connu en est le fameux épisode où le tribun romain Valerius gagne le surnom de Corvinus (Tite-Live, livre V, et quelques autres). Le plus grand flou voire les plus grandes contradictions règnent également sur le rôle des Celtes menés alors par le dénommé Brennus. Le Capitole a-t-il été pris oui ou non ? Les Romains ont-ils été obligés de payer une rançon oui ou non ? Le dictateur nommé Camille a-t-il finalement triomphé des Celtes à ce moment-là oui ou non ?
Toutes ces ambiguïtés jointes au fait qu’il y a au minimum un élément non historique, et ce de façon certaine dans le compte-rendu de Tite-Live, font que l’on peut se demander s’il n’y en a pas d’autres du même genre dans tous ces récits, et notamment ceux qui concernent le personnage connu sous le nom de Brennus. Personnage historique ou personnage mythique ? Se pourrait-il qu’il y ait un rapport entre les hauts faits du mythique Brian de l’Oidhe Chloinne Tuireann de la mythologie gaélique, et les exploits du Brennus historique ayant pris Rome en 390 avant notre ère, l’un ayant par exemple influencé l’autre ? Mais dans ce cas est-ce le Brennus historique ayant pris Rome qui s’est inspiré de son modèle divin ou tout le contraire, le personnage connu sous le nom de Brian (Iuchar et Iucharba ne sont que des faire-valoir) qui a été peu à peu élaboré par les bardes circulant dans toute l’étendue de l’Empire celtique d’alors (la Letavia ou le Celticum) en prenant comme point de départ les exploits du Brennus historique, et ce conformément ce que l’on appelle l’évhémérisme, au sens strict du terme ? À moins bien sûr qu’il n’y ait eu interaction réciproque. À nos lecteurs de juger ! Voici les documents historiques en question.
TITE-LIVE. HISTOIRE DE ROME DEPUIS SA FONDATION (AB URBE CONDITA. LIVRE V).
Les événements des années 403 à 396.
Chapitre XXXII.
Marcus Caedicius, un plébéien, rapporta aux tribuns que, alors qu’il était dans la rue Neuve, là où s’élève aujourd’hui la chapelle, au-dessus du temple de Vesta, il avait entendu dans le silence de la nuit, une voix plus éclatante que la voix humaine ; qui lui ordonnait d’annoncer aux magistrats que les Celtes étaient en train d’approcher. On n’en tint aucun compte, d’une part à cause de l’humble rang social de celui qui avait fourni cette information, mais aussi parce que les Celtes étaient une nation si éloignée qu’on la connaissait à peine. Ce ne fut pas non plus assez que Rome méprisât les avertissements des dieux. Le seul homme qui aurait pu lui être d’un grand secours dans un tel malheur, Marcus Furius, fut chassé de la Cité.
Chapitre XXXIII.
Après l’expulsion de ce citoyen ; qui, autant que l’on peut avoir de certitude sur les choses humaines, en restant, eût empêché la prise de Rome, le destin précipita la ruine de cette cité. Des ambassadeurs de Clusium vinrent demander du secours contre les Celtes. La tradition rapporte que cette nation, attirée par la réputation de leurs fruits délicieux, et surtout de leur vin, une volupté nouvelle pour eux ; avait passé les Alpes et s’était emparée des terres cultivées auparavant par les Étrusques. Arruns de Clusium avait en effet transporté du vin chez eux pour attirer ce peuple en Italie. Sa femme avait été séduite par un certain Lucumon, dont il avait naguère été le tuteur ; un très influent jeune homme, dont il lui était de fait impossible d’obtenir réparation sans une aide de l’étranger. Arruns guida donc les Celtes à travers les Alpes et diligenta une attaque sur Clusium.
Chapitre XXXIV.
Pour ce qui est du passage des Celtes en Italie, voici ce que l’on en raconte. À l’époque où Tarquin l’Ancien régnait à Rome, le pouvoir suprême [……] était entre les mains des Bituriges ; ils
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fournissaient un souverain au Celticum. À cette époque-là, le roi en question était un dénommé Ambigatus. C’était un homme éminent tant par son courage et ses biens personnels que par ceux de son royaume. Durant son règne, le pays bénéficia de récoltes si abondantes, et d’une telle croissance de sa population, qu’il lui sembla quasiment impossible de gouverner une telle multitude. Devenu vieux et désireux de soulager son royaume du poids de cette surpopulation qui l’écrasait ; il fit connaître son intention d’envoyer les fils de sa sœur, Bellovèse et Segovèse, d’entreprenants jeunes gens, s’installer ailleurs, dans n’importe quelle autre contrée que les augures voudraient bien leur indiquer. Ils seraient libres d’emmener avec eux autant d’hommes qu’ils voudraient, afin que nulle nation ne puisse repousser leur approche. La forêt d’Hercynie fut assignée par le sort à Ségovèse ; à Bellovèse, les dieux montrèrent un plus beau chemin, celui de l’Italie. Bellovèse appela donc à lui le surplus de population des Bituriges, des Arvernes, des Sénons, des Éduens, des Ambarres, des Carnutes, des Aulerques ; et avec de nombreuses troupes de gens à pied ou à cheval, arriva chez les Tricastins. En ce lieu, devant lui, s’élevait la barrière des Alpes ; elles lui apparaissaient très vraisemblablement comme étant insurmontables ; car, de mémoire d’homme, nul pied humain ne les avait franchies, à moins que l’on veuille ajouter foi aux fables nous parlant d’Hercule. Les Celtes étaient donc arrêtés au milieu de ces hautes montagnes, enfermés en quelque sorte en ce lieu, et ils cherchaient de tous côtés un passage au moyen duquel franchir ces hauteurs qui touchaient au ciel, afin de déboucher dans un nouveau monde ; quand ils furent empêchés d’avancer par une sorte de scrupule religieux : ils apprirent que des étrangers, en quête de territoire comme eux, venaient d’être attaqués par les Salyens. Il s’agissait des Massaliotes [aujourd’hui Marseille] qui étaient venus de Phocée. Les Celtes, voyant là comme un présage de leur propre destinée, prêtèrent donc main-forte à ces étrangers par conséquent, et même les aidèrent à fortifier l’endroit où ils avaient abordé, sans qu’il y ait la moindre intervention des Salyens. Après avoir traversé les Alpes par des passes inaccessibles du pays des Taurins, ils vainquirent les Étrusques dans une bataille qui se déroula non loin du Tessin, et quand ils apprirent que le pays dans lequel ils venaient d’arriver avait appartenu aux Insubres, un nom également porté par un canton des Éduens, cela leur parut de bon augure et ils fondèrent donc en ce lieu une cité qu’ils appelèrent Mediolanum.
Chapitre XXXV.
Une autre troupe, faite de Cénomans, sous la conduite d’Étitovius, suivit la trace de la première, et franchit les Alpes par le même défilé, avec l’aide de Bellovèse. Ils vinrent s’établir là où s’élèvent maintenant les villes de Brixia et de Vérone. Les Libuens vinrent après eux, ainsi que les Salluviens ; ils s’installèrent près de l’antique peuplade des Lèves Ligures, qui vivaient sur les rives du Tessin. Ensuite, les Boïens et les Lingons franchirent, eux aussi, les Alpes Pennines, mais comme tout le pays entre le Pô et les Alpes était occupé, ils traversèrent ce fleuve sur des radeaux, puis chassèrent de leur territoire, non seulement les Étrusques, mais aussi les Ombriens. Ils demeurèrent toutefois au nord des Apennins. Les Sénons, les derniers à venir, occupèrent la contrée située entre le fleuve Utens et l’Aesis. Je trouve dans l’Histoire que ce fut cette dernière tribu qui vint à Clusium et ensuite à Rome ; mais on ne sait pas s’ils vinrent seuls ou soutenus par des contingents issus des autres peuples de la Cisalpine.
Chapitre XXXVI.
« Bien que nous [les Celtes] entendions parler des Romains pour la première fois, nous pensons néanmoins que vous êtes des hommes courageux, puisque les Clusiens ont imploré votre appui, dans ces circonstances si difficiles pour eux. Puisque vous avez préféré venir en aide à vos alliés par la négociation plutôt que par la guerre, nous ne rejetterons pas la paix que vous offrez ; à condition que les Clusiens nous cèdent, à nous autres Celtes, qui avons besoin de terre, une partie du territoire qu’ils possèdent ; il est si grand qu’ils ne peuvent tout cultiver. Sinon il n’y aura pas la paix ! En outre nous voulons recevoir leur réponse en votre présence ; et s’ils refusent de nous céder du territoire, alors nous les combattrons, toujours en votre présence ; afin que vous puissiez rapporter chez vous combien les Celtes surpassent tous les autres hommes, pour ce qui est du courage ». Les Romains leur ayant alors demandé de quel droit ils exigeaient, menace de guerre à l’appui, le territoire d’autres peuples, voire ce qu’ils avaient à faire, eux les Celtes, en Étrurie ; et les Celtes ayant répondu fièrement que leur droit résidait dans leurs armes, que tout appartenait aux braves ; les esprits s’échauffèrent des deux côtés : on courut aux armes puis la bataille s’engagea. Et sur ce, contrairement au droit international, les ambassadeurs y participèrent également, car le destin avait déjà décidé de conduire Rome à sa perte. Le fait que trois des plus nobles et des plus braves Romains, combattaient en première ligne de l’armée des Étrusques, ne put demeurer longtemps
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secret, vu la valeur de ces étrangers. Pire même, Quintus Fabius, qui galopait à cheval en première ligne, se rua sur un chef des Celtes, assaillant avec furie sur les enseignes étrusques ; lui perça le flanc de sa lance, et le tua. Mais, alors qu’il dépouillait son cadavre, il fut reconnu par les Celtes, et le bruit courut donc dans toute leur armée qu’un ambassadeur romain s’était mêlé au combat.
Chapitre XXXVII.
La Fortune aveugle les esprits, quand elle veut rendre ses coups irrésistibles ; à tel point que, malgré l’incommensurable désastre qui menaçait cette Cité, aucune mesure particulière ne fut prise pour le prévenir. Lors des guerres contre les Fidénates, les Véiens, et les autres peuples alentour, un homme ayant tous les pouvoirs avait toujours été désigné, en dernière extrémité. Mais alors qu’une armée d’étrangers jamais vus, et dont on n’avait jamais entendu parler auparavant, venait lui apporter la guerre des rivages de l’Océan et des dernières limites du monde ; on ne recourut ni à commandant unique ayant tous les pouvoirs, ni à des moyens de défense extraordinaires. Les hommes dont la témérité avait amené cette guerre restèrent aux commandes en tant que tribuns, et la levée de troupes qu’ils effectuèrent ne fut pas plus importante que celle d’une campagne ordinaire. Les Celtes pendant ce temps-là, eux, avaient appris que leur ambassade avait donc été reçue avec mépris, et que les plus grands honneurs avaient été conférés aux hommes qui avaient violé de façon si flagrante le droit international. Brûlants de rage, incapables de contrôler leurs passions, ils se saisirent de leurs enseignes et se mirent donc en marche, d’un pas rapide. Étant donné le bruit qui s’élevait du tumulte qu’ils faisaient au moment où ils passaient, toutes les villes effrayées couraient aux armes, et les habitants des campagnes prenaient la fuite. Cette multitude confuse de chevaux et d’hommes occupait au loin un immense espace. Dans tous les lieux qu’ils traversaient, ils faisaient comprendre à grands cris qu’ils allaient à Rome. Mais bien qu’ils fussent précédés par la rumeur et par des messagers de Clusium, ainsi que de toutes les autres villes les unes après les autres, ce fut surtout la rapidité de leur approche qui alarma le plus à Rome. Une armée faite d’une levée en masse effectuée en toute hâte sortit alors à leur rencontre. Les deux forces se retrouvèrent l’une en face de l’autre à onze milles de Rome à peine, à l’endroit où la rivière Allia, qui coule depuis les monts de Crustumérie en y creusant son lit, se jette dans le Tibre, un peu en dessous de la route qui mène à Crustumerium. Le pays tout entier en face et autour d’eux grouillait d’ennemis qui, appartenant à un peuple féru de manifestations de sauvagerie ; à l’aide de hurlements affreux et de clameurs discordantes emplissaient l’espace d’un bruit effrayant.
Chapitre XXXVIII.
Les tribuns militaires, sans avoir sécurisé l’emplacement de leur camp, sans avoir fait construire de retranchement derrière lequel pouvoir battre en retraite, ayant fait preuve d’autant de mépris envers les dieux qu’envers les hommes qu’ils devaient affronter, rangèrent l’armée en ordre de bataille sans avoir obtenu d’auspices favorables. Ils déployèrent leurs ailes afin de ne pas être enveloppés par l’ennemi ; mais ne purent égaler le front adverse, et en étirant de la sorte leurs lignes, ils affaiblirent leur centre, au point qu’il restait à peine en contact avec leurs ailes. Sur leur droite, il y avait une petite éminence où ils jugèrent à propos de positionner leur réserve, et cette malheureuse disposition, même si c’est par là que commencèrent la panique et la fuite, se révéla être aussi finalement la seule chose qui assura le salut des fuyards. Car Brennus, qui commandait les Celtes, craignant un piège de la part d’un ennemi si inférieur en nombre, et pensant que la hauteur avait été occupée dans l’intention que cette réserve puisse les attaquer de flanc ou à revers, quand leur front en serait venu au corps-à-corps avec les légions, dirigea donc son attaque droit dessus ; étant quasiment certain que, s’il parvenait à les en déloger, son écrasante supériorité numérique lui donnerait alors une facile victoire sur le terrain. De sorte que, non seulement la Fortune, mais aussi la tactique, se retrouvèrent du côté des barbares. Dans l’armée adverse, il ne restait rien de romain, ni chez les généraux ni chez les simples soldats. Ils étaient terrifiés, tout ce à quoi ils pensaient par conséquent, c’était à fuir, et ils perdirent la tête à un point tel que la plupart se sauvèrent en direction de Véies, une ville ennemie, bien que le Tibre soit sur leur chemin ; au lieu de suivre la route les menant à Rome, vers leurs femmes et leurs enfants. Pendant un court instant, la réserve fut un moment défendue par l’avantage de sa position ; mais pour ce qui est du reste de l’armée, dès que le cri de guerre des Celtes eut été entendu sur leur flanc par les éléments les plus rapprochés, puis derrière eux par ceux qui étaient juste à l’autre extrémité, ils prirent la fuite, intacts et sans blessure, presque avant d’avoir vu cet ennemi inconnu, sans la moindre tentative de résister, voire de répondre au cri de guerre adverse. Aucun ne fut tué en combattant, ils furent tous abattus par-derrière, alors qu’ils se gênaient mutuellement dans leur fuite, en pleine débandade. Tout au long de la rive du Tibre, où la totalité de l’aile gauche avait fui, après avoir jeté ses armes, il en fut fait un grand carnage. Beaucoup qui ne
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savaient pas nager, ou qui étaient handicapés par le poids de leur cuirasse, voire de leurs autres protections, furent engloutis par le courant. Le plus grand nombre cependant, put gagner Véies sain et sauf, mais de là ils ne détachèrent aucune troupe pour défendre la Ville, et il n’y eut même pas un messager d’envoyé pour annoncer leur défaite à Rome. Les hommes de l’aile droite, qui avaient été positionnés loin de la rivière, presque au pied de la montagne, revinrent alors à Rome en toute hâte et se réfugièrent dans la Citadelle sans même fermer les portes de la Cité.
Chapitre XXXIX.
Les Celtes, de leur côté, furent stupéfaits d’une victoire si prodigieuse et si soudaine. Au début, ils n’osèrent même pas sortir de cet endroit, réalisant à peine ce qui venait d’arriver ; ensuite ils commencèrent à craindre qu’il n’y eût là quelque piège ; enfin ils se mirent à dépouiller les morts, et, suivant leur coutume, entassèrent les armes en monceaux. Puis, comme aucun mouvement hostile n’était visible où que ce soit, ils se mirent alors en marche et atteignirent Rome, un peu avant le coucher du soleil. La cavalerie qui les précédait leur apprit que les portes n’étaient pas fermées ; qu’il n’y avait pas d’hommes postés là pour les défendre, et pas de soldats sur les murailles. Cette seconde surprise, aussi extraordinaire que la précédente, les arrêta encore. Craignant un combat de nuit dans les rues d’une ville inconnue, ils firent donc halte puis bivouaquèrent, entre Rome et l’Anio. Des éclaireurs furent envoyés par eux pour examiner les remparts et les autres portes, voire s’efforcer de découvrir les plans que formaient leurs ennemis dans cette situation désespérée. Du côté des Romains, comme la plupart s’étaient enfuis du champ de bataille en direction de Véies au lieu de se revenir à Rome, tout le monde croyait que les seuls survivants étaient ceux qui avaient trouvé refuge en ville, et le deuil des citoyens pleurant les portés disparus, qu’ils soient vivants ou morts, remplissait donc toute la Cité de cris de lamentation. Mais le bruit des deuils particuliers fut vite étouffé par la terreur générale, quand il fut annoncé que l’ennemi était déjà là ; car on put bientôt entendre les hurlements et les cris de guerre sauvages [ululatus] des escadrons barbares, rôdant autour des remparts. Durant tout le temps qui s’écoula jusqu’à ce que vienne l’aube du jour suivant, les citoyens furent plongés dans une telle incertitude, qu’ils s’attendirent à tout moment à une attaque générale. Ils s’y attendirent d’abord quand l’ennemi approcha des murs, car les Celtes se seraient arrêtés sur les bords de l’Allia si tel n’avait pas été leur intention. Ensuite, dans la soirée, ils pensèrent que c’est là que l’ennemi allait donner l’assaut, puisqu’il ne restait que très peu de temps avant que le soleil ne se couche. Puis, quand le soleil fut couché, ils imaginèrent que l’attaque avait été reportée à la nuit, pour susciter une plus grande terreur. L’approche du jour suivant acheva de les glacer d’effroi, et l’entrée des enseignes ennemies par les portes de la Cité porta donc à son comble une peur qui n’avait connu aucun répit. Cependant, cette nuit-là et le jour suivant, les citoyens ne se comportèrent pas du tout de la même façon que ceux qui avaient fui, complètement terrorisés, sur les bords de l’Allia. Réalisant qu’il était vain de tenter de défendre la Cité avec le si petit nombre de ceux qui avaient réchappé au désastre ; ils décidèrent que tous les hommes en âge de porter les armes, et les plus valides des sénateurs, devraient, avec leurs femmes et leurs enfants, se retirer dans la Citadelle, ainsi qu’au Capitole. Et après y avoir réuni tout ce que l’on pourrait y amasser d’armes et de vivres, de défendre, de cette position fortifiée, leurs dieux, ainsi qu’eux-mêmes, et le nom romain. Le flamine et les prêtresses de Vesta emportèrent, loin du meurtre et de l’incendie, les objets sacrés du culte public ; qui ne devait pas être abandonné, tant qu’il survivrait au moins une personne pour l’observer. Si la citadelle et le Capitole, séjour des dieux, si le Sénat, chef et tête pensante de la politique, si les hommes en âge de porter les armes, parvenaient à échapper à la catastrophe ; alors la perte de la foule des vieillards que l’on abandonnerait dans la cité, pourrait être plus facilement supportée ; de toute façon, ils n’avaient aucune chance de survivre aux rigueurs du siège. Afin de réconcilier les plébéiens âgés avec leur tragique destinée, ceux qui avaient été consuls et avaient eu l’honneur des triomphes firent savoir leur intention de partager le même sort, et de ne pas constituer un fardeau pour la maigre force des combattants, avec leurs corps incapables de porter les armes ou de défendre le pays.
Chapitre XLI.
Après que toutes les dispositions que les circonstances permettaient eurent été prises, afin de défendre le Capitole ; les vieillards rentrés dans leurs maisons respectives, et prêts à mourir attendirent l’arrivée de l’ennemi. Ceux qui avaient rempli des magistratures curules se résolurent à subir leur sort en portant les insignes de leur carrière passée, de leurs honneurs, voire de leurs distinctions. Ils revêtirent la magnifique robe qu’ils portaient quand ils conduisaient le char des dieux ou faisaient une entrée triomphale à cheval dans la Ville, et une fois ainsi habillés, ils prirent place sur
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leurs sièges d’ivoire, devant leur maison. Quelques auteurs rapportent que, guidés par Marcus Folius, le grand pontife, ils récitèrent une formule solennelle par laquelle ils se dévouèrent aux dieux, pour le salut du pays et des Quirites. Comme les Celtes avaient pu profiter d’une bonne nuit de sommeil, après une bataille que, nulle part, on ne leur avait sérieusement livrée, donc qu’ils n’avaient aucun besoin de prendre la Cité d’assaut ou de vive force ; leur entrée le jour suivant ne fut marquée par aucune manifestation d’emportement ni de colère. En passant par la porte Colline, qui était restée ouverte, ils parvinrent au Forum en promenant leurs regards sur les temples et la citadelle qui, seule, avait quelques apparences guerrières. Ils postèrent là un petit détachement pour se garder de toute attaque venant de la Citadelle ou du Capitole pendant leur dispersion, et ensuite se répandirent, en quête de pillage, à travers les rues, où ils ne rencontrèrent âme qui vive. Les uns se précipitèrent en foule dans toutes les maisons proches, les autres coururent vers les plus distantes ; espérant les trouver intactes et remplies de butin. Effrayés par la totale désolation des lieux, et craignant que quelque stratagème ne surprenne les traînards isolés ; ils revinrent alors dans environs du Forum, en rangs serrés. Les maisons des plébéiens étaient barricadées, les cours intérieures des maisons patriciennes ouvertes, mais ils hésitaient plus à entrer dans les maisons ouvertes que dans celles qui étaient fermées. Ils contemplaient avec une sorte de respect religieux ces hommes, qui étaient assis sous les portiques de leur demeure, non seulement à cause de la magnificence auguste de leur costume et de leur attitude, mais aussi à cause de la majestueuse expression de leur contenance, leur conférant un aspect presque divin. Ils demeuraient debout, à les regarder comme des statues, jusqu’à ce que, affirme-t-on, un des patriciens, Marcus Papirius, déclenchât la fureur d’un Celte, qui avait commencé de toucher sa barbe – laquelle était fort longue conformément à la mode de l’époque – en le frappant à la tête de son bâton d’ivoire. Ce fut donc par lui que commença le carnage, et aussitôt tous les autres furent égorgés sur leurs chaises curules. Les anciens magistrats ayant été tués, aucun être vivant ne fut dès lors épargné, les maisons furent pillées, puis incendiées.
Chapitre XLII.
Que les Celtes n’aient pas tous été animés du désir de détruire la Cité, ou que leurs chefs aient décidé ; soit de donner le spectacle de quelques incendies seulement, afin de pousser les assiégés à se rendre pour sauver leurs maisons ; soit, en s’abstenant d’une conflagration générale, de se servir de ce qui restait de la Cité comme gage au moyen duquel affaiblir la détermination de leurs ennemis ; ce qui est certain par contre, c’est que l’incendie fut loin d’être aussi général ni aussi étendu que ce que l’on pouvait en attendre, le premier jour de la prise d’une ville. Quant aux Romains, voyant de la citadelle la cité remplie d’ennemis qui couraient çà et là dans les rues ; pendant que de nouveaux désastres s’accumulaient à chaque instant, d’abord dans un quartier puis dans un autre ; ils ne pouvaient plus maîtriser leurs émotions ; ni se défaire de leurs sombres pensées ou pressentiments. Quelle que soit la direction dans laquelle leur attention était attirée, par les cris de l’ennemi, les lamentations des femmes et des enfants, le bruit des flammes, voire le fracas des maisons qui s’écroulaient ; vers où, donc, ils tournaient leurs regards ainsi que leur esprit, comme s’ils avaient été placés là par la Fortune afin d’assister en spectateurs à la ruine de leur propre pays, tout en demeurant impuissants à protéger quoi que ce soit de ce qu’ils possédaient, hormis leurs vies ; d’autant plus à plaindre que ne le furent jamais assiégés, retranchés qu’ils étaient de leur pays natal et voyant tout ce qui avait été leurs, entre les mains de l’ennemi. La journée passée dans une telle épreuve fut suivie d’une nuit qui ne fut pas plus reposante, et par une nouvelle journée d’angoisse, où il ne s’écoula pas une heure sans le spectacle de quelque nouvelle calamité. Pourtant, bien qu’écrasés ou accablés par tant de malheurs, bien qu’ayant vu tout tomber en ruine, nivelé par le feu, ils n’abandonnèrent jamais un seul instant leur détermination à défendre avec courage le seul endroit resté libre : la colline qu’ils occupaient, aussi petite et pauvre qu’elle puisse être. À la longue, comme cette situation durait, ils devinrent jour après jour comme insensibles à tous ces malheurs, et leurs pensées se détournèrent des circonstances, pour ne se concentrer que sur leurs armes, notamment leur épée, qu’ils regardaient comme la seule chose qui leur laissât encore quelque espoir.
Chapitre XLIII.
Les Celtes menèrent une guerre inutile contre les maisons de la ville durant plusieurs jours. Mais comme ils ne voyaient aucun survivant parmi les cendres et les ruines de la cité conquise, excepté un ennemi en armes que tous ces désastres n’avaient pas effrayé, apparemment, et qui n’avait aucune intention de se rendre sans y être contraint par la force ; ils décidèrent donc en dernier ressort de lancer un assaut contre la Citadelle. Au point du jour, leurs chefs donnèrent le signal, et la totalité de
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leurs forces se rassembla sur le Forum où elles se rangèrent en ordre bataille ; puis, en poussant leur cri de guerre et en formant la tortue, ils se mirent en marche. Les Romains se préparèrent à l’attaque calmement et sans peur : les détachements furent renforcés pour garder tous les points d’accès possibles ; et, partout là où ils voyaient l’ennemi avancer, ils envoyèrent des hommes d’élite se poster, ensuite ils laissèrent monter l’ennemi, persuadés que, plus il aurait gravi de ces roches escarpées, plus il leur serait facile de l’en faire descendre. Arrivés environ à mi-hauteur de la colline les Romains s’arrêtèrent et, de cette position surélevée, qui les portait sur l’ennemi d’elle-même, ils chargèrent et mirent en déroute les Celtes, en tuant et en abattant tellement des leurs ; qu’ils ne tentèrent plus jamais ce mode de combat, ni par petits groupes ni en masse. Tout espoir de se forcer un passage par un assaut direct ayant été abandonné, ils se mirent alors à préparer un siège. Mais ils n’avaient pas pensé à une chose jusqu’alors ; tout le blé de la Ville avait été détruit dans l’incendie, et celui des champs alentour avait été transporté en toute hâte à Véies pendant qu’ils occupaient la Cité. Aussi les Celtes décidèrent-ils de diviser leurs forces ; une partie eut la charge d’investir la Citadelle, l’autre de fourrager dans les environs, afin d’approvisionner en grains ceux qui continuaient d’assiéger la citadelle.
Chapitre XLVI.
Et pendant ce temps-là, il ne se produisait pas grand-chose à Rome, le siège se poursuivait la plupart du temps avec beaucoup de relâchement ; les deux parties restaient tranquilles, les Celtes voulant surtout empêcher leur ennemi de s’échapper au travers de leurs lignes ; quand tout à coup un guerrier romain attira sur lui l’admiration, tant des ennemis que de ses amis. La maison des Fabiens avait coutume de procéder à un sacrifice annuel sur le Quirinal. Gaius Fabius Dorso, revêtu de sa toge, « ceinte à la manière des Gabiens », et portant dans ses mains les vases sacrés, descendit donc du Capitole, passa en plein milieu des postes ennemis, insensible à leurs provocations ou à leurs cris, et atteignit le Quirinal. En ce lieu il accomplit alors conformément au rite tous les actes solennels requis, puis revint avec la même détermination et la démarche pareillement assurée ; sûr de la protection divine puisque la peur de la mort ne l’avait pas fait renoncer au culte des dieux ; enfin il rentra au Capitole et rejoignit ses camarades. Même les Celtes furent stupéfiés par une si extraordinaire audace, ou alors ils furent retenus par quelque scrupule religieux, car ils étaient toujours très sensibles aux exigences de la religion. À Véies cependant, forces et courage revenaient peu à peu : il y avait non seulement les Romains dispersés depuis la défaite et la prise de la Cité qui s’y rassemblaient ; mais aussi des volontaires venus de tout le Latium qui affluaient sur place afin d’avoir une part du butin…
Chapitre XLVII.
Tandis que tout cela se passait à Véies, la Citadelle et le Capitole coururent grand danger. Les Celtes avaient, soit remarqué les traces de pas laissées par le messager de Véies, soit découvert par eux-mêmes un moyen d’escalader de façon relativement aisée la roche, près du temple de Carmentis. Profitant donc d’une nuit assez claire, ils envoyèrent un homme non armé devant eux pour reconnaître le chemin ; ensuite en se passant mutuellement leurs armes lorsque le sentier s’avérait difficile, et en s’appuyant les uns les autres, ou en se tirant les uns les autres, quand le lieu l’exigeait, ils atteignirent finalement le sommet. Si extraordinairement silencieux avaient été leurs mouvements, que non seulement ils passèrent sans être remarqués par les sentinelles ; mais qu’ils ne réveillèrent pas même les chiens, des animaux pourtant particulièrement sensibles aux moindres bruits nocturnes. Mais par contre ils ne purent échapper à la vigilance des oies, qui avaient été consacrées à Junon et qui avaient été laissées en vie, en dépit de l’extrême indigence des réserves de nourriture. Leurs cris ainsi que le bruit du battement de leurs ailes réveillèrent Marcus Manlius, un soldat émérite qui avait été consul trois ans auparavant. Il sauta sur son équipement et courut appeler ses camarades aux armes ; puis, tandis qu’ils se réveillaient péniblement, il frappa de la bosse de son bouclier un Celte qui était déjà parvenu sur le sommet de la colline, et le renversa. Ce dernier tomba sur ceux qui étaient derrière lui et les entraîna dans sa chute ; ensuite Manlius égorgea ceux qui avaient mis de côté leurs armes et se cramponnaient aux rochers. Pendant ce temps-là, d’autres Romains finirent par le rejoindre, et ils commencèrent alors à déloger l’ennemi en lui lançant des volées de pierres ou de javelines, jusqu’à ce que le détachement tout entier s’écrase en bas définitivement. Quand le tumulte se fut apaisé, le reste de la nuit fut accordé au sommeil, du moins autant que cela était possible dans de telles circonstances, car le péril, bien qu’écarté, continuait de beaucoup les inquiéter. À l’aube, les soldats furent convoqués au son du clairon à un conseil de guerre tenu en présence des tribuns
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militaires ; afin de récompenser les bonnes conduites de la nuit ou de punir les mauvaises. Pour commencer, Manlius fut cité pour sa bravoure, et récompensé non seulement par les tribuns, mais par tous les soldats réunis, car chacun apporta pour lui, dans ses quartiers, qui étaient situés dans la Citadelle, une demi-livre de farine et un quart de pinte de vin. Cela ne semble pas beaucoup, mais la disette qui régnait en faisait une grande preuve de reconnaissance envers lui, puisque chacun prélevait ainsi sur ses provisions de nourriture, afin de rendre honneur à cet homme, ce qui devait servir aux nécessités de sa propre subsistance. Ensuite les hommes qui étaient de garde à l’endroit où l’ennemi avait pu grimper sans qu’ils s’en aperçoivent, furent cités à comparaître eux aussi.
Quintus Sulpicius, le tribun militaire, avait annoncé qu’il les punirait conformément aux lois martiales en vigueur. Il fut néanmoins amené à changer d’avis par la protestation unanime des soldats, qui s’accordèrent à rejeter la faute sur un seul. Comme il n’y avait aucun doute sur sa responsabilité, il fut donc, à l’approbation générale, précipité du haut de la falaise. Une plus stricte vigilance fut dès lors exercée des deux côtés ; les Celtes parce qu’ils savaient maintenant que des messagers de Véies arrivaient à passer ; les Romains parce qu’ils n’oubliaient pas le danger dans lequel ils s’étaient retrouvés cette nuit-là.
Chapitre XLVIII.
Mais le plus grand de tous les maux nés de ce siège et de cette guerre fut la famine, qui commença d’affliger les deux armées, alors que les Celtes étaient en plus affectés par une maladie pestilentielle. Ils avaient installé leur camp dans un creux qui avait été brûlé et infecté par la malaria : le moindre souffle de vent y soulevait, non de la poussière, mais de la cendre. En tant qu’hommes accoutumés à l’humidité ou au froid, ils ne supportaient pas du tout ces conditions nouvelles pour eux et, tourmentés qu’ils étaient par une chaleur suffocante, la maladie commença de les décimer : ils mouraient en nombre comme des moutons. Bientôt ils se lassèrent d’ensevelir leurs morts individuellement, de sorte qu’ils finirent par empiler les cadavres afin de les brûler pêle-mêle ; ce qui rendit d’ailleurs le lieu célèbre : car il fut après cela connu sous le nom de Busta Celtica. Une trêve fut ensuite conclue avec les Romains, et avec l’approbation de leurs commandants, les soldats entrèrent en pourparlers les uns avec les autres. Les Celtes insistaient continuellement sur leur disette, et les invitaient à se plier à la nécessité, donc à se rendre. Pour leur ôter cette idée de l’esprit, on prétend que du pain fut jeté de nombreux endroits du Capitole, dans les avant-postes ennemis. Mais la famine devint rapidement impossible à dissimuler ni à supporter plus longtemps. Aussi, alors que le général en chef ayant reçu tous les pouvoirs [Camille] faisait sa propre levée dans Ardée ; qu’il ordonnait à son maître de la cavalerie, Lucius Valerius, de quitter avec son armée Véies ; et faisait les préparatifs nécessaires pour disposer d’une force suffisante avec laquelle attaquer l’ennemi à égalité de forces ; la garnison du Capitole, épuisée par une garde incessante, mais qui s’était jusque-là élevée au-dessus de toute faiblesse humaine, puisque la nature avait fait de la famine la seule chose impossible à surmonter par eux ; jour après jour guettait au loin des signes d’un quelconque secours envoyé par le général en chef ayant reçu tous les pouvoirs. Finalement la nourriture, mais aussi l’espoir vinrent à manquer. Chaque fois que les sentinelles montaient la garde, leur corps affaibli était presque écrasé par le poids de leur cuirasse ; l’armée insista donc pour qu’ils puissent, ou se rendre, ou racheter leur liberté contre une rançon, aux meilleures conditions possibles ; d’ailleurs les Celtes assuraient qu’ils pourraient être amenés à lever le siège, moyennant une somme assez modérée. Alors le Sénat s’assembla, et chargea les tribuns militaires de négocier. Une conférence eut lieu entre le tribun militaire Quintus Sulpicius et Brennus, le chef des Celtes ; ils arrivèrent à un accord selon lequel fut fixée à mille livres d’or la rançon du peuple destiné à bientôt commander au monde. Cette humiliation était déjà suffisamment grande en elle-même, mais elle fut aggravée par l’ignoble avidité des Celtes, qui amenèrent de faux poids pour faire les comptes ; et quand le tribun protesta, cet odieux Celte [appelé Brennus] jeta son épée dans la balance, en proférant l’exclamation suivante si dure à supporter pour des oreilles romaines : « Malheur aux vaincus ! »
N.D.L.R. Tel est donc le récit que nous a laissé Tite-Live de l’invasion celte conduite par Brennus. D’autres historiens, moins suspects de partialité pour la gloire de Rome, ont raconté différemment le dénouement de cette entreprise. Dans la vie de Camille, Plutarque cite un curieux passage d’Héraclide de Pont, un philosophe du IVe siècle.
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« Héraclide de Pont, qui vivait pas très longtemps après, dans son livre sur l’âme, relate qu’arriva de l’ouest la nouvelle qu’une armée, venue du pays des Hyperboréens, avait pris une ville grecque appelée Rome, située non loin de la Grande Mer [la Méditerranée]. Mais je ne serais pas étonné qu’un auteur si affabulateur et ampoulé qu’Héraclide, ait enjolivé la vérité avec des références aux Hyperboréens et à la Grande Mer ».
La transmission rapide de la nouvelle l’émerveillait ; il semble qu’elle ait produit une certaine émotion. C’était une sorte de cataclysme, dont on ne pouvait calculer les limites et dont il est évident que le monde des cités grecques d’Italie, qui n’en étaient plus au beau temps de leur force militaire, a dû s’inquiéter. D’autres disent que Camille aurait surpris l’armée de Brennus au moment où elle était plongée dans l’ivresse. Strabon sous-entend que la capitulation fut signée : mais les Celtes, dit-il (V, 2,3) chargés de butin, furent attaqués en route par les Étrusques de Caere qui les dépouillèrent de leur butin. Trogue Pompée assure que Marseille se chargea de payer le tribut imposé aux Romains par Brennus, et que cette aide lui valut la constante amitié de Rome. Polybe, ami de Scipion, croit que les Celtes, apprenant que les Vénètes envahissaient leur pays, abandonnèrent le siège de Rome et revinrent défendre leurs foyers.
Le récit de Tite-Live est très suspect par conséquent, et semble bien peu historique ! Ses informations sont de seconde main et il se contente sans esprit critique des dires de ses prédécesseurs. Il suit la tradition, sans recourir aux documents originaux ; sa curiosité ethnographique est nulle et il ignore la géographie ainsi que la topographie des lieux. Il n’y a pas chez lui de distinction entre le sentiment subjectif et le renseignement objectif. Toute son enquête est axée sur les causes morales : il est indifférent aux causes économiques, physiques, et politiques.
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POSTFACE À LA JOHN TOLAND.
Les pseudo-druides à la filiation initiatique mirobolante (la fameuse et inénarrable tradition primordiale) s’étant multipliés depuis quelque temps ; il nous a paru nécessaire de mettre à la disposition de tout un chacun ces quelques notes, hâtivement rédigées un soir de novembre, afin de donner à nos lecteurs envie d’en savoir plus sur le vrai druidisme. Ce travail se veut honnête, mais en aucune façon neutre. Il s’est donné pour objectif de défendre ou de réhabiliter la cluto (renommée) de cette antique religion.
Rien ne remplace la méditation personnelle y compris sur les lais obscurs ou incompréhensibles parsemant ces livres et qui ont été insérés à dessein afin de vous obliger à réfléchir pour trouver votre propre voie. Ces livres ne sont pas des dogmes à suivre aveuglément et à la lettre. Ainsi que vous le savez sans doute, il faut se méfier comme de la peste de la lettre. La lettre tue, seul l’esprit vivifie. Rien ne remplace non plus l’expérience personnelle et c’est en cheminant que l’on trouve le chemin. Ne comptez donc que sur vos propres forces pour cette quête du Graal. Ce qui compte c’est l’attitude à adopter dans la vie et non les détails du dogme. Le druidisme a moins d’importance que la druidiaction (Jean-Pierre Martin).
Ces quelques feuillets griffonnés à la va-vite ne sont néanmoins en aucune façon LES LIVRES À LIRE SUR LE SUJET, ils n’en sont qu’un pâle reflet. La seule bibliothèque druidique digne de ce nom n’est pas en effet composée de seulement 12 (ou 27) livres, mais de plusieurs centaines.
Les quelques opuscules constituant cette mini-bibliothèque ne constituent pas un approfondissement et ne sont que quelques manuels destinés aux écoliers du druidisme. Ces résumés simplifiés destinés aux cours primaires de druidisme seront remplacés par des cours d’un niveau quelque peu supérieur, pour ceux qui voudront vraiment l’étudier de façon plus pertinente.
Cette petite bibliothèque est par conséquent un premier essai d’adaptation (destinée aux jeunes adultes) des diverses réflexions sur le savoir et la vérité druidiques, auxquelles ont abouti les premiers résultats de la nouvelle laïcité positive et ouverte, mondiale, en train de s’instaurer.
À la différence du judaïsme, du christianisme, et de l’islam, qui fourmillent littéralement, à propos de l’Être supérieur, d’anthropomorphismes puérils pris au pied de la lettre (fondamentalisme) ; notre druidisme, lui, n’en utilisera que très peu, et s’en tiendra, en ce domaine, au minimum absolu.
Mais pour parler de Dieu-ou-Diable nous allons bien être obligés, nous aussi, d’utiliser un langage, et donc un certain nombre de ces anthropomorphismes. Ou alors il faudrait totalement renoncer à en discuter.
Ce premier rayon de notre future bibliothèque consacrée au sujet a pour objet de montrer avec précision l’harmonieuse authenticité de la volonté et du savoir néo-druidiques. De montrer à quel point ses grandes thèses actuelles ont des racines anciennes, car la Mythologie, c’est notre Bible à nous. Les adaptations de ce bref exposé, exigées par les différences de culture, d’âge, de maturité spirituelle, de situation sociale, etc. seront à faire par les druides concernés (les vellèdes et les autres ?)
À noter cependant. Important ! Ce que ces quelques notes, hâtivement jetées sur le papier au cours d’une trop courte vie, ne sont pas (en vrac). Une révélation divine. Une loi (toujours aussi divine). Une loi (profane ou laïque). Une loi (scientifique). Un dogme. Un Ordre ? Ce que je cherche surtout à faire partager c’est un état d’esprit, rien de plus. Ainsi que l’a très bien dit un jour notre vieux maître : « NOTRE CIVILISATION N’A PAS LE CHOIX : CE SERA LE CELTISME OU CE SERA LA MORT » (P. Lance).
Ce que ces quelques notes, hâtivement jetées sur le papier au cours d’une trop courte vie, sont. Du rêve. Une aventure. Un voyage. Une évasion. Un cri de révolte contre la laideur morale et matérielle de cette société. Une tentative d’atteindre à l’universel en partant du particulier. Un défi. Un obstacle fécond à surmonter. Une incitation à la réflexion. Un guide pour l’action. Une carte. Un plan. Une boussole. Une étoile polaire ou l’étoile du berger là-haut dans la montagne. Un feu la nuit dans une clairière ?
Ce que le rassembleur de ce noyau de bibliothèque, Pierre de La Crau, n’est pas.
Un dieu.
Un demi-dieu.
Un quart de dieu.
Un petit saint.
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Un philosophe (reconnu, officiel, et breveté ou patenté, comme ceux qui passent à la télévision. Sauf évidemment à prendre le terme en son sens originel, qui est celui d’amateur de sagesse et de savoir).
Ce qu’il est : un homme, et rien de ce qui est humain ne lui est donc étranger. Pierre de la Crau n’a aucun pouvoir surhumain ou exceptionnel. Rien de ce qu’il a dit écrit ou fait ne saurait avoir de valeur intemporelle. Tout au plus espère-t-il que son extrême lucidité à propos de notre société et de son idéologie dominante (voir ses philosophes officiels, ses journalistes, ses masses médias et le politiquement correct des bien-pensants) ; ainsi que son non-conformisme, et son franc-parler, alliés à un solide esprit de contradiction (qui lui ont d’ailleurs valu pas mal de déboires ou d’avanies) ; pourront être utiles.
La présente petite bibliothèque pour débutant « contient la dose d’humanité exigée par l’état actuel de la civilisation » (Henri Lizeray). Elle n’est d’ailleurs qu’un rassemblement de matériau attendant l’architecte ou le maçon ad hoc.
Prochainement paraîtra toute une série de fascicules approfondissant ces éléments de base. Cette présentation différente du savoir druidique préservera néanmoins l’unité et la profonde harmonie entre ces divers exposés d’un seul et même paganisme philosophique et réfléchi : une spiritualité digne de notre époque, une spiritualité pour notre époque.
Cas des traductions dans une langue étrangère (espagnol, allemand, italien, polonais, etc.) Les fautes d’orthographe de grammaire de style, ainsi que l’écriture des noms propres, pourront être corrigées. Toute autre amélioration du texte pourra également être apportée si nécessaire (par ajout suppression ou modification, de détails) ; Pierre de La Crau ayant toujours regretté de ne pouvoir atteindre à la perfection en ce domaine. Mais à condition de n’altérer ni trahir en rien la pensée de l’auteur de cette compilation raisonnée. Toute illustration sans légende peut être changée. De nouvelles illustrations peuvent être apportées. Mais les illustrations ayant une légende ne devront être qu’améliorées (par substitution d’une bonne photo à un mauvais croquis par exemple ?).
Il va de soi que le coordonnateur de cette rapide et sommaire compilation raisonnée, Pierre de La Crau, ne prétend nullement avoir inventé (ou découvert) lui-même, tout ceci ; qu’il ne prétend en aucune façon que ceci est le fruit de ses recherches personnelles (sur le terrain ou en bibliothèque). Ce qui suit est en effet essentiellement issu des excellents ouvrages ou sites internet référencés en bibliographie et dont la consultation directe est fortement recommandée. Nous n’insisterons jamais assez sur notre volonté de ne pas être les hommes d’un livre (du Livre), mais d’au moins douze, comme les Fénianes d’Irlande, pour d’évidentes raisons d’ouverture d’esprit, la vérité étant notre seule religion. Encore une fois, répétons-le ; le coordonnateur de la mise par écrit de ces quelques notes hâtivement jetées sur le papier ne prétend nullement avoir passé sa vie dans la poussière des bibliothèques ; ou sur le terrain, dans la boue des fouilles archéologiques de sauvetage ; afin d’exhumer des témoignages inédits sur le passé de l’Irlande (ou du Pays de Galles ou des Indes ou de la Chine ?)
PIERRE DE LA CRAU NE SE VEUT DONC EN AUCUNE FAÇON L’AUTEUR DES TEXTES QUI PRÉCÈDENT. IL N’ESSAIE NULLEMENT DE S’EN ATTRIBUER LES MÉRITES. Il n’en est que l’éditeur ou le compilateur. Il s’agit pour la plupart de documents diffusés sur internet à quelques exceptions près. IL EN REVENDIQUE PAR CONTRE TOUS LES DÉFAUTS ET TOUTES LES INSUFFISANCES. Pierre de La Crau ne revendique qu’une chose, les fautes erreurs ou imperfections diverses de ce livre. Lui seul est à blâmer dans ce cas. Mais il fait confiance à ses contemporains (la nature humaine étant ce qu’elle est) pour les lui signaler avec vigueur.
Note retrouvée par les héritiers de Pierre de La Crau et insérée par eux à cet endroit.
J’avoue tout de suite afin de faciliter le travail de mes juges que les hommes comme moi étaient chrétiens à Rome sous Néron, païens à Jérusalem, sorciers à Salem, hérétiques anglais, catholiques irlandais, et aujourd’hui racistes, sexistes, homophobes, islamophobes, en attendant d’être demain koufar ou de nouveau chrétien l’antéchrist le plus bestial de toutes les apocalypses, etc. Bref ainsi qu’on l’aura compris je suis pour le néant la mort la maladie la souffrance…… Par respect pour l’Humanité, afin de gagner du temps, et ne pas lui en faire perdre, je vais faciliter le travail de ceux qui tiennent absolument à être du bon côté de la barrière en combattant (héroïquement bien sûr) afin de sauver le monde de mes griffes (mes idées ou mes penchants, mes tendances). À ces courageux et implacables détracteurs, dont la profondeur de réflexion digne d’un marquis de Vauvenargues n’a d’égale que l’ampleur de la culture générale d’un Pic de la Mirandole, je dis… Prenez une feuille de papier, un traitement de texte si vous préférez, mettez-y par ordre d’importance les 20 caractéristiques qui vous semblent les plus graves, les plus odieuses, les plus haïssables, dans l’histoire de l’Humanité, depuis les hommes préhistoriques et Nabuchodonosor, selon vous… ET DITES-VOUS BIEN QUE JE SUIS TOUT LE CONTRAIRE DE VOUS, CAR JE LES AI TOUTES ! On a toujours
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besoin de boucs émissaires ! Hérétique au Moyen-âge, sorcière à Salem au 17siècle, raciste au 20e siècle, lézard extraterrestre au 21e, je suis l’homme que vous aimerez haïr pour vous sentir meilleur (gentils et intelligents). Je suis au choix et dans l’ordre d’importance que vous voulez : athée, sataniste, stupide, mongolien, bestial, homosexuel, pervers, homophobe, communiste, nazi, sexiste, philatéliste, menteur pathologique, voleur, suffisant, psychopathe, un monstre d’orgueil faussement modeste, et que sais-je encore, à vous de voir suivant la mode du moment. Voilà, je ne peux pas faire mieux (pour vous aider à sauver le monde).[À la différence de mes contempteurs qui sont tous des gens bien, c’est-à-dire jeunes ou modernes et dynamiques, courageux, positifs, gentils, intelligents, instruits, ou du moins qui savent ; faisant preuve de beaucoup de recul dans leur méditation en profondeur sur les tendances lourdes de l’Histoire ; et sur le plan moral ou éthique : généreux, altruistes, mais pauvres évidemment (c’est là leur seul défaut), car donnant tout aux autres ; en outre profondément respectueux de la volonté de Dieu et de la Constitution… Moi je suis un vieux réactionnaire ankylosé, conformiste, déconnecté de son temps, parano, schizophrène, incohérent, capricieux, jamais content, méchant, bête, n’ayant fait aucune étude ou du moins ignorant tout sur le sujet en question ; coutumier des jugements à l’emporte-pièce fondés sur des préjugés dénués de toute réflexion ; égoïste et riche ; suppôt de Satan et nazo-bolchevick ou stalino-hitlérien de nature. On disait hitléro-trotskiste quand j’étais jeune. En bref un criminel psychopathe dès le petit-déjeuner… ce qui me permet donc de penser ce que je veux, mes critiques aussi d’ailleurs, et d’essayer de le faire savoir à la cantonade].
Signé : le coordonnateur des travaux, Pierre de la Crau dit Hésunertus, chercheur en druidisme. Un homme à qui rien de ce qui est humain ne fut étranger. Chômeur, facteur, divorcé, sans domicile fixe, vagabond, contribuable, justiciable, et électeur cocufié… bref un des neuf milliards d’êtres humains ayant transité sur ce vaisseau spatial donc. Né sur la planète Terre le 13 janvier 1952.
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BIBLIOGRAPHIE DES GRANDES LIGNES.
Pour ce qui est de la bibliographie des détails, voir annexe de la dernière leçon, car, comme le dit si bien Henri Lizeray, les traditions, ça doit s’interpréter. C’est là toute la différence qu’il peut y avoir entre ancien druidisme et néo-druidisme.
— Le Lebar gabala ou Livre des invasions. Paris 1884 (William O’Dwyer)
— Base de l’église druidique. Le druidisme restauré. Henri Lizeray, Paris, 1885.
— Les traditions nationales retrouvées. Paris 1892.
— Aesus ou la doctrine secrète des druides. Paris 1902.
— Ogmios ou Orphée. Paris 1903.
TABLE DES MATIÈRES.
Caractères généraux de la littérature celtique
Causes et conséquences des grandes batailles de la Métahistoire
Les Gaulois Fir Bolg
L’invasion des enfants de la déesse Danu (bia)
La première bataille de la Plaine aux menhirs (Cath Muige Tuired Cunga)
Les préliminaires de la deuxième bataille de la Plaine aux menhirs
La mort des enfants de Taran/Toran/Tuireann (Oidhe Chloinne Tuireann)
La deuxième bataille de la Plaine aux menhirs proprement dite
L’engagement décisif.
Contre-lai N° 49.
La bataille de la montagne de Mis selon Henri Lizeray
La bataille de Tailtiu selon Henri Lizeray
La bataille de Druim Lighean.
Annexe N°1. Les quatre îles et la fin de l’Hyperborée
Annexe N°2. Note à propos de cette occultation des dieu-ou-démons
Annexe N°3. Actualité de la bataille de Mag Tured (la deuxième)
Annexe N°4. Nécessité de parfois remettre Dieu ou les dieux à leur place
Annexe N°5. Nécessité de parfois se révolter contre Dieu ou les dieux
Annexe N°6. De la nécessité encore de se révolter contre Dieu ou les dieux,
quels qu’ils soient, quand il y a lieu.
Annexe N°7. Brennos et la Grèce
Annexe N°8. Brennos et Rome
Postface à la John Toland.
Bibliographie des grandes lignes.
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DU MÊME AUTEUR.
1. Citations des auteurs antiques parlant des Celtes ou des druides.
2. Généralités liminaires diverses sur les Celtes.
3. Histoire du pacte avec les dieux tome 1.
4. La Bible du druidisme : histoire du pacte avec les dieux tome 2.
5. Histoire du pacte avec les dieux tome 3.
6. Histoire de la paix avec les dieux tome 4.
7. Histoire de la paix avec les dieux tome 5.
8. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande science qui illumine » tome 1.
9. Textes apocryphes irlandais.
10. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande science qui illumine » tome 2.
11. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande Science qui illumine » tome 3.
12. Les cent voies du paganisme. Science et philosophie tome 1 (mythologie druidique).
13. Les cent chemins du paganisme. Science et philosophie tome 2 (mythologie druidique).
14. Les cent chemins du paganisme. Science et philosophie tome 3 (mythologie druidique).
15. Le grand Camminus : éléments de théologie druidique tome 1.
16. Le grand catéchisme : éléments de théologie druidique tome 2.
17. Le plérôme druidique : anges djinns ou démons tome 1.
18. Le plérôme druidique : anges djinns ou démons tome 2.
19. Mystagogie ou théâtre sacré des Celtes antiques.
20. Poèmes celtes.
21. Le génie du paganisme celte tome 1.
22. Le complexe de Roland.
23. Au pied de la lanterne des morts.
24. Les secrets du vieux druide de la forêt ménapienne.
25. Le génie du paganisme celte tome 2 (liberté réciprocité simplicité).
26. Rhétorique : la trahison des clercs).
27. Petit dictionnaire de théologie druidique tome 1.
28. Des philosophes antiques au druide irlandais.
29. Judaïsme christianisme et islam : première partie.
30. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome 1.
31. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome2.
32. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome 3.
33. Troisième partie tome 1 : Qu’est-ce que l’Islam ? Bref historique de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
34. Troisième partie tome 2 : Qu’est-ce que l’Islam ? Premières approches de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
35. Troisième partie tome 3 : Qu’est-ce que l’Islam ? Les 5 vrais piliers de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
36. Troisième partie tome 4 : Qu’est-ce que l’Islam ? Coups de sonde dans l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
37. Couiro anmenion ou Petit dictionnaire de théologie druidique tome 2.
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