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MISCELLANÉES :
GÉNÉRALITÉS LIMINAIRES DIVERSES
SUR LES CELTES.
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MISCELLANÉES :
GÉNÉRALITÉS LIMINAIRES DIVERSES
SUR LES CELTES.
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REGAIN, RÉSURGENCE ET RENAISSANCE, OUI !RÉSURRECTION À L’IDENTIQUE, NON !
« C’est en suivant le cheminant que l’on trouve le chemin ».
La comparaison est un processus mental fondamental : regrouper certains faits dans des catégories communes, mais aussi observer les différences. De tels liens et relations sont à la base de la pensée et de la science. Sans cela il n’y a que des faits isolés sans liens entre eux. C’est donc sur la base de la comparaison que naissent les généralisations, les interprétations et les théories. La comparaison crée de nouvelles façons de voir et d’organiser le monde. Le comparatisme religieux est donc vieux comme le monde. Hérodote en faisait déjà. En ce qui concerne les religions antiques, cette démarche intellectuelle a produit de nombreux ouvrages rangés dans les rayonnages « mythologie comparée » depuis Max Muller (1823-1900). En ce qui concerne les religions non-antiques il en va tout autrement. Chaque religion s’est bien entendu comparée à celles avec lesquelles elle était en concurrence, mais d’abord pour les dénigrer ou affirmer sa supériorité. Les premiers éléments d’un début de comparatisme religieux plus objectif se trouvent actuellement éparpillés sous l’étiquette « dialogue religieux » et proviennent généralement des religions se définissant elles-mêmes comme monothéistes vu leur extension de par le monde. Le tout dans un but apologétique ou missionnaire évidemment. D’où problème. Nous trouvons également des réflexions utiles dans les cercles relevant plus ou moins de l’athéisme, mais elles sont…
— Soit détaillées, mais focalisées sur une religion particulière.
— Soit plus générales, mais assez sommaires.
Et relèvent d’ailleurs aussi le plus souvent de l’histoire des religions, mais le tout dans une optique non croyante. De grands noms jalonnent cette histoire depuis William Robertson Smith (religion des Sémites) jusqu’à Mircea Eliade en passant par Émile Durkheim. D’autres auteurs ont ouvert de nombreuses pistes en ce domaine. Notre idée est D’EN PROLONGER UN CERTAIN NOMBRE EN ALLANT ENCORE PLUS LOIN DANS CE COMPARATISME RELIGIEUX (élargissement du champ des recherches anthropologiques, approfondissement des soubassements psychologiques, fin des survalorisations, décolonisation, antiracisme nouvelles hypothèses…) ET EN REPRENANT LE FIL INTERROMPU DE LEUR PASSIONNANTE QUÊTE DU GRAAL INACHEVÉE CAR, l’ancien druidisme est un peu comme le célèbre conte du Graal de Perceval et de Gauvain. C’est une histoire inachevée, qui s’interrompt brutalement après les 9000 premiers vers. Notre projet est d’en écrire la suite. Une continuation disait-on à l’époque. Ces petits cahiers destinés aux futurs très-sachants, se veulent à la fois une continuation et une mise en garde. Une continuation ou un ultime prolongement, car ils ont été composés à la manière des théologiens (chrétiens, bouddhistes, hindouistes, musulmans, etc.) du moins dans ce qu’ils avaient, tous, de meilleur (des éléments souvent d’origine païenne en fait). Une des fonctions de l’imitation a toujours été, en effet, dans les littératures orales populaires, de répondre à l’attente du public, frustré par l’interruption de la création originelle [en l’occurrence la philosophie druidique]. À cette attente a répondu au Moyen-âge, la technique narrative cyclique de la poésie épique des chansons de geste ou celle des Romans de la Table ronde. La voie du pastiche est celle qui consiste à enrichir l’original en le complétant par des touches successives, en développant des détails à peine esquissés, ou en interprétant ses ombres. Et ça, la pensée de nos ancêtres en avait bien besoin ! Mais cette compilation raisonnée, due à la plume de Pierre de La Crau, est aussi en un sens une mise en garde, car il ne fut jamais question, néanmoins, pour le maître d’œuvre de ce travail collectif, d’avaliser tel quel et sans réserve aucune, l’ensemble de ces doctrines. Il a au contraire souhaité, par toutes sortes de moyens littéraires (retournement des arguments, contre-pied, ou autres…) en faire ressortir les aspects souvent négatifs, néfastes, aliénants ou obscurantistes ; et si ce texte peut sembler parfois, rendre indirectement hommage à la capacité de réflexion des diverses Écoles théologiques actuelles, chrétiennes, musulmanes, juives, ou autres, c’est involontairement ; car son but est bien de tout faire, pour leur arracher, des mains, le monopole du discours sur le divin (voir à ce sujet les propos d’Albert Bayet), quitte à achever de les discréditer définitivement aux yeux du public. Sauf en ce qui concerne ce qu’elles ont emprunté de mieux au paganisme, évidemment, et qui est énorme ; car dans ce dernier cas, il s’agit, rappelons-le encore une fois, de la part du maître d’œuvre de cette compilation, d’une réadaptation à notre monde, des réflexions de ces apprentis théologiens (le dieu des philosophes, l’Ahoura Mazda,
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l’immortalité de l’âme, les hommes-dieux, les fils de dieu, le messie Saoshyant, la trinité, le taouaf, les sacrifices, la vie après la mort, sans compter les chérubins le paradis, etc.)En d’autres termes non pas de l’Histoire, mais une fiction historique, d’après les œuvres de… voir la bibliographie à la fin. En ce sens, notre « imitation » n’est qu’un retour aux sources. En bref un hommage.« Le Druidisme » est une revue indépendante (indépendante de toute association religieuse ou politique) et qui n’a qu’un seul but : la recherche théorique ou fondamentale en matière de néopaganisme. Car ainsi que l’a très bien vu Carl Gustave Jung la religion n’est jamais que « l’observation attentive de forces tenues pour des ‘puissances’ : les esprits, les démons, les dieux, les lois, les idées, les idéaux, ou autres, suivant le nom qu’on leur a donné et que l’homme a considéré comme étant assez puissantes, dangereuses, ou utiles pour être soigneusement prises en compte ; ou assez grandes, belles et porteuses de sens pour être pieusement adorées voire aimées » (Psychologie et Religion 1937).
La double question à laquelle essaie de répondre cette revue d’études théoriques pourrait se résumer ainsi Que pourrait être ou que devrait être, un néo-druidisme actuel, moderne et contemporain ? » Le « Druidisme » est une revue néopaïenne, strictement néopaïenne, héritière de tous les mouvements authentiques (c’est-à-dire non chrétiens) qui se sont succédé depuis deux mille ans, l’héritière indirecte, mais l’héritière, quand même ! À propos de notre tradition de référence ou de notre filiation intellectuelle soulignons que si les « poètes » du royaume de Domnall mac Muirchertach Ua Néill avaient toujours les imbas forosnai, les teimn laegda ainsi que les dichetal do chennaib, à leur répertoire ((cf. la conclusion de l’histoire du pillage du château de Maelmilscothach, d’Urard Mac Coisé, un poète mort au XIe siècle)*, ils étaient peut-être déjà chrétiens quand même depuis plusieurs générations. Il est vrai que ces pratiques (imbas forosnai, teimn…) étaient formellement interdites par l’Église, mais qui sait, il y a eu peut-être des accommodements analogues à ceux des astrologues ou alchimistes du Moyen-Âge. Quoi qu’il en soit notre « Druidisme » est aussi une volonté, la volonté de se rapprocher, au maximum, du druidisme antique, tel qu’il fut (scientifiquement parlant). La volonté aussi néanmoins de moderniser ce druidisme, un retour total au druidisme antique étant exclu (il serait de toute façon impossible). Exemples de modernisation de ce druidisme païen.
— Abandon aux associations laïques du côté culturel (médecine, poésie, mathématique, etc.). Principe de séparation de l’Église et de l’État.
— Spécialisation par contre dans la spiritualité celtique, ou païenne en général, l’histoire de la religion, la philosophie et la métapsychique (dite aujourd’hui parapsychologie).
— Utilisation dans certains cas du vocabulaire actuel (Église, religion, baptême, et ainsi de suite). Un juste milieu est évidemment à trouver entre un retour total au druidisme antique (fondamentalisme ou intégrisme) et une modernisation radicale trop révolutionnaire (plus de saie). L’AAP (athée agnostique panthéiste) celte ayant accepté de cosigner cette petite bibliothèque ** dont il n’est que le rassembleur, le druide Hesunertus (Pierre de La Crau), ne se considère pas comme l’auteur de cet ouvrage collectif. Mais comme le simple porte-parole de l’équipe l’ayant composé. Pour ce qui est des autres sources de cet essai sur le druidisme, voir les remerciements de la bibliographie.
* Ce petit camminus est néanmoins important aussi pour les jeunes… de 7 à 77 ans ! Mantalon siron esi.
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La correspondance est à adresser à : LE DRUIDISME c/o Pierre de La Crau.
* Do ratath tra do Mael Milscothach iartain cech ni dobrethaigsid suide sin etir ecnaide 7 fileda 7 brithemna la taeb ogaisic a crech 7 is amlaidsin ro ordaigset do tabairt a cach ollamain ina einech 7 ina sa[ru]gad acht cotissad de imus forosnad [di]chetal do chollaib cend 7 tenm laida .i. comenclainn fri rig Temrach do acht co ti de intreide sin FINIT.
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QU’EST-CE QUE LA VÉRITÉ ?
(faisait remarquer Ponce Pilate).
Et s’il y avait une création sans créateur ? Non pas un commencement et une fin absolus mais des commencements et des fins relatives en vertu du grand principe de conservation de l’énergie attribué à Lavoisier : « rien ne se perd rien ne se crée tout se transforme » ?
Les Celtes ne pensaient-ils pas que l’Humanité était issue d’un existant appelé Dis pater par les Romains et les druides ne disaient-ils pas contrairement à la Bible que le jour vient de la nuit ?
Je dis contrairement à la Bible car si j’en crois son mythe de la création avant que la lumière soit il y avait non pas la nuit MAIS RIEN !
Cette notion de création absolue de notre univers par un Dieu tout puissant soulève deux problèmes qui sont autant d’apories que traînent comme des boulets les théologie juive chrétienne et musulmane.
La première est « Pourquoi Dieu a-t-il créé le monde ? »
Les Sumériens répondaient (au pluriel) que c’était pour être adoré prié et se voir offrir des sacrifices.
Les chrétiens répondent plus hypocritement « par amour ».
Et la deuxième aporie est, puisque ces religions de masse monolâtres ont une telle eschatologie, pourquoi Dieu mettra-t-il fin à ce monde un jour ? Ou plutôt une nuit,
En résumé : « pourquoi faire surgir le monde du néant pour l’y renvoyer presque aussitôt (aussitôt car comparé à l’éternité la durée de vie de notre univers selon leurs premières générations... devait être relativement courte) » ?
Laissons donc l'anthropomorphisme à nos ancêtres biologiques ou spirituels ! L'être des êtres est indifférent à tout ça, IL EST un point c'est tout !
Et telle était peut-être en définitive la substance ou la quintessence de la philosophie de Diviciacos de Bibracte ainsi résumée par Strabon (qui n’y a visiblement rien compris): « les âmes et l'univers sont indestructibles, mais un jour le feu et l'eau prévaudront ».
L’idée de Dieu que se font les religions de masse, monolâtres (judaïsme christianisme et islam) est en tout cas le plus grand commun diviseur de l’Humanité, évitons par conséquent de le mêler à nos affaires d’hommes .
Dieu est en effet une inconnue qui rend toute équation impossible à résoudre.*
Les maîtres mots du vieux druide de la forêt marseillaise étaient peut-être mais avant la lettre évidemment, panenthéisme panthéisme athéisme agnosticisme (dixit ldonc e vieux druide de la forêt des environs de Marseille d’après Lucain de La Pharsale….ou Lucien….de Samosate) car il faut savoir parler aux Grecs en grec. Mais qu'est-ce que la Vérité ? La sincérité est peut-être plus à notre portée.
* Il existe d’ailleurs des religions sans dieux (les Aborigènes d’Australie).
INTRODUCTION :
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RAPPEL DES CONCEPTIONS HINDOUES ANTIQUES EN LA MATIÈRE.L’idée de base du jaïnisme, religion issue de l’hindouisme au VIe siècle, est ainsi exprimée par Acharya Jinasena dans son Mahapurana : « « Des insensés disent que Dieu a créé le monde, mais la doctrine selon laquelle le monde a été créé est fort peu judicieuse et doit être rejetée. Si Dieu a créé le monde, où était-il avant cette création ? Où est-il maintenant ? Aucun être n’a le pouvoir de créer le monde, car comment un Dieu immatériel pourrait-il créer ce qui est matériel ? Comment Dieu aurait-il pu créer le monde sans matière première ? Si vous répondez qu’il a d’abord créé cette matière première, et ensuite le monde, vous ne faites que repousser le problème… Si dieu a créé le monde par un pur acte de sa volonté, sans matière première, alors c’est juste que sa volonté n’a rien fait d’autre et qui peut croire cette idiotie ? Si Dieu est parfait et complet, pourquoi aurait-il voulu créer le monde ? Et s’il n’est pas parfait, il ne pourrait pas plus créer l’univers qu’un potier ne saurait créer quoi que ce soit. S’il est sans forme, immobile et englobant tout, comment aurait-il pu créer le monde ? Un esprit dépourvu de toute modalité ne saurait avoir le désir de créer quoi que ce soit. Si vous répondez qu’il a créé sans raison parce qu’il est dans sa nature de le faire, alors Dieu ne sert à rien. S’il a créé comme par défi, ce fut alors le défi d’un enfant insensé, qui n’a causé que des problèmes. S’il a créé par amour pour les êtres vivants et parce qu’il en a besoin, pourquoi sa création n’est-elle pas totalement exempte de malheur ? La doctrine selon laquelle le monde a été créé par Dieu n’a aucun sens ».
En d’autres termes Acharya Jinasena souligne l’anthropomorphisme puéril du créationnisme judéo-islamo-chrétien. Note de la rédaction. Aryen est ici à prendre au sens strict de peuplement allant de l’Iran au nord de l’Inde. Quel que soit le chiffre exact des victimes, six millions n’étant qu’un chiffre symbolique, la sinistre réalité ayant dû s’étager entre 5 et 6 millions ; l’existence même de la Shoah par balles et des camps d’extermination (par le travail) a déshonoré à jamais le symbole cosmique de la croix gammée. C’est une tache à jamais indélébile sur toute idée de national-socialisme allemand, ces meurtres de masse ayant même relancé la croyance en l’existence du diable et de l’enfer sur terre. En parlant de jaïnisme il vaut donc mieux dire svastika (triscèle ou rouelle pour les Celtes) plutôt que croix gammée (allemand hakenkreuz).
RAPPELS SUR L’ANCIEN DRUIDISME.
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SAINT HIPPOLYTE DE ROME. LIVRE I, chapitre XX : Philosophumena.« Les Celtes les considèrent comme des prophètes et des voyants, à cause du fait qu’ils leur prédisent certains événements, en se fondant sur le calcul et la science des nombres des arts pythagoriciens. Un art dont nous ne saurions non plus passer sous silence la méthode, puisque l’on présume également que certains d’entre eux ont tenté de fonder des Écoles de pensée [hairesis ou hérésie en grec] ».
Ce que nous rapporte là le plus célèbre des papes ayant parlé du druidisme est fort clair. L’ancien druidisme fut donc, à un certain moment, semble-t-il, divisé en plusieurs Écoles métaphysiques différentes. Vraisemblablement les trois ci-dessous. L’École moniste spiritualiste, l’École moniste matérialiste, et enfin l’École située entre ces deux extrêmes. La première de ces Écoles enseignait que l’Univers est d’abord composé d’une âme, symboliquement assimilée à du feu. Pour elle, la matière était simplement une forme d’être ou de sensation de l’âme. Arrivé à ce point de notre exposé il devient nécessaire de lui donner aussi quelque peu la parole. Pour ces très-sachant là, le seul vrai monde donc était celui des dieu-ou-démons, celui du Sedodumnon, la matière n’étant qu’un monde décevant, la matière n’étant qu’un non-monde (an dumnon). Pour la seconde des hypothèses par contre, l’École moniste quasi matérialiste, l’âme n’était que la matière prenant conscience d’elle-même, en quelque sorte un rêve de la matière. Et il y avait aussi bien sûr une tendance accordant autant d’importance aux deux, et mettant par conséquent ces deux composantes de l’Univers sur un pied d’égalité. Au début étaient le feu et l’eau, avons-nous dit. Par feu il faut peut-être entendre l’âme ou l’esprit, et par eau, la matière.
I LA NAISSANCE DE NOTRE MONDE SELON CETTE ÉCOLE DES TRÈS-SACHANTS DE L’ANTIQUITÉ.
Dans la pensée religieuse druidique, le « Big-bang » n’est considéré que comme l’insertion explosive du Temps et de sa mesure dans une matière première déjà existante à un stade ultra concentré. Aussi longtemps que le Temps n’est pas maîtrisé, c’est-à-dire complètement extrait de la matière et de l’âme, éternels, l’ensemble de l’univers continue d’évoluer vers toujours plus d’organisation et de conscience. Cette approche du phénomène qu’est la naissance de notre univers a des parallèles dans tout le monde indo-européen.
L’oursin fossile appelé œuf de serpent par Pline est un symbole important à cet égard. Ce à quoi il renvoie en définitive est évident : la théorie de l’atome primitif que redécouvrira plus tard le chanoine Georges Lemaître en 1927 à Bruxelles. C’est la théorie de l’explosion initiale, laquelle suppose d’ailleurs que le Bitos ou Univers se rétractera un jour après une période d’expansion, et que tout recommencera par une autre « explosion » de la cellule initiale. L’œuf de serpent est en quelque sorte la coquille de l’embryon d’or, germe originel de l’âme, et cet œuf flotte dans l’espace primordial couvé par les serpents cosmiques. L’œuf cosmique est la forme prise par l’être des êtres qui existe avant le monde lui-même, au-delà de sa formation et de sa destruction. L’œuf cosmique couvé par les serpents se séparera en deux pour donner naissance à l’âme d’une part (le feu) et à la matière d’autre part (l’eau : matrice, matrona, matra, etc.). Telle une main qui recueille, en fin de course, ce que l’autre a lancé, ces serpents druidiques symbolisent l’émanation de l’indifférence initiale d’où tout provient et où tout retourne pour se régénérer. L’eau et le feu ne forment qu’une « materia prima », une substance primordiale, qui est celle des serpents. Esprits de l’eau première, ils le sont également du feu. La forme circulaire de cette allégorie des très-sachants préhistoriques a donné lieu à une autre interprétation : l’union du monde chtonien, figuré par les serpents, et du monde céleste ou spirituel figuré par le cercle. Mais en réalité, ce sont les serpents eux-mêmes qui symbolisent l’union des deux principes opposés : la matière et l’âme ou esprit. Cette interprétation est confirmée par le fait que le serpent, dans certaines représentations de l’œuf cosmique, est à moitié noir et à moitié blanc (esses encerclées). Interpénétration Coviocantos/Covocantos, plénitude et vacuité. Symbole que l’on retrouve jusqu’en Extrême-Orient, car c’était aussi un symbole aryen et scythe au départ. Il fut donc également utilisé par le bouddhisme. Le serpent cosmique n’est serpent qu’avant et après la totalité du continuum spatio-temporel, là où ni dieu-ou-démons ni hommes n’ont accès. Les très-sachants de la druidiaction (druidecht) préhistoriques appelaient l’Univers « Bitus », ce qui signifie Vie, mais avec une connotation de durée. Cela nous montre bien que les très-sachant de l’Antiquité avaient compris que l’Univers ou Bitus est impérissable en ses parties constituantes de base, bien que pouvant finir en tant que corps formé. Un sculpteur ou un orfèvre peut très bien
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donner successivement toutes les formes possibles et imaginables à un tas d’or. Mais, quelles que soient ces formes, il n’en demeure pas moins que la substance des parties de cette masse restera toujours immuable, ce sera toujours de l’or.II L’IMAGE DU BOUCLIER FLOTTANT.
« L’eau est la matrice, la pépinière et la mère de laquelle viennent toutes choses. Toute chose est faite d’eau, mais sous l’idée d’eau ils entendaient un humide qui en émane sous la forme d’une essence remplie du feu solaire » (d’après Henri Lizeray : La doctrine secrète).
D’où le symbolisme encore de l’île de Murias dans la tradition irlandaise, dont le nom vient du celte mori signifiant mer : c’est de là que vient le chaudron d’abondance du Suqellos Dagda Gargant.
Arrivés à ce point de notre exposé rappelons avant de poursuivre plus avant que les très-sachant de l’Antiquité ont peut-être été parmi les premiers à penser que la terre n’était pas plate, mais plus ou moins ronde. De cela nous avons au moins trois indices. Saint Virgile ou Fergal abbé d’Aghadoe en Irlande puis évêque de Salzbourg en Autriche a défendu cette thèse et eut même quelques démêlés avec saint Boniface qui lui reprocha aussi d’avoir affirmé qu’il existait des étoiles habitées. Une idée que n’avaient jamais eue les Grecs apparemment. Le titre même de l’œuvre du moine irlandais de Luxeuil appelé Dicuil, en latin De mensura orbis terrae. L’existence en gaélique d’un très vieux mot en rapport avec la notion de sphère pour désigner la Terre : cruinne (vieux celtique crundnios). Et ce alors qu’à l’époque, après le retour à l’obscurantisme provoqué par les Invasions barbares, tout le monde ou presque pensait que la Terre était plate. Une des images les plus couramment utilisées par les très sachant antiques, était néanmoins celle du bouclier. La Terre était comme un bouclier, rond, fortement bombé (on retrouve là la notion de crundnios/cruinne), flottant sur les eaux. Des eaux entourant le disque de la terre, constituées de 9 zones différentes (9 vagues) dont trois d’entre elles avaient assez de caractéristiques différentes (enfin du moins selon eux) pour recevoir un nom propre : Vague du Nord, etc. L’association de l’Océan ainsi conçu et d’un bouclier plutôt extraordinaire est un motif que l’on retrouvera donc dans de très nombreuses légendes. Quand le Hésus Cuchulainn heurte de son épée le bouclier qui est le sien par exemple, les trois premières vagues se soulèvent aussi pour lui répondre. Le disque de la Terre ou plus exactement de la Terre du milieu (Mediomagos) en forme de bouclier rond flottant sur les eaux* était surmonté de la voûte céleste (le tout ayant une forme globalement sphérique ou ovoïde : un gigantesque œuf cosmique en quelque sorte).
* Et après cette évocation de l’image de la Terre comparée à un bouclier rond flottant sur l’eau, peut-être n’est-il pas inutile de rappeler que la devise des fabricants de bateaux (nautes) parisiens au Ier siècle était (en latin) « fluctuat nec mergitur » : il est secoué par les flots, mais ne sombre pas. Une allusion à la stabilité de la Terre ??
III LE SERPENT À TÊTE DE BÉLIER (QUI ENTOURE LA TERRE DE SES ANNEAUX) ET VIT AU FOND DES OCÉANS.
Le gigantesque serpent à tête de bélier invisible, qui enserre le globe terrestre de ses anneaux, un peu comme un caducée ; est une allégorie représentant ou symbolisant les forces et les énergies telluriques qui traversent la Terre et animent tout ce qui se meurt à sa surface (instinct reproducteur, instinct de conservation, faim, agressivité, attraction/répulsion, etc.). Vu les difficultés de se représenter une telle situation (même la projection de Mercator aboutit à des distorsions) l’habitude de ramener ce symbolisme sphérique de l’œuf de serpent à une surface plane, persista. Rapportée à une surface plane comme dans le cas de la projection de Mercator et avec les mêmes inévitables déformations conceptuelles effectivement, cette allégorie pouvait donc s’énoncer comme suit.
Le serpent criocéphale est l’image d’un grand principe cosmographique et géographique. Plus ancien que les dieu-ou-démons eux-mêmes, il repose au fond des océans, et constitue la grande terreur des âme/esprits égarées en ces lieux loin à l’ouest du Monde. Vous serez comme des dieux si vous réussissez à franchir cette ultime barrière, semble toujours dire aux âme/esprits errant dans ces lieux de passage, à la recherche d’un autre monde, le serpent à tête de bélier. Il provoque les marées lorsqu’il boit, les tempêtes quand il s’ébroue. Bref, c’est l’Océan lui-même dont les neuf vagues ou spires entourent le disque bombé de la terre.
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La tradition galloise a un équivalent de ce serpent à tête de bélier responsable des tempêtes : l’Abancos (l’Aquatique). Afang en gallois. Il est l’objet d’un des exploits du héros Hu Gadarn (Su Catarnos), tel saint Georges terrassant le dragon. Esprit ou symbole de l’eau première, le serpent criocéphale est aussi le symbole de toutes les eaux, que ce soient celles du dessous, celles qui courent à la surface de la terre, ou celles d’en haut. En un sens, c’est aussi le Père Rhin (Renos Ater) ou la deua Sequana (la Seine). Avec en plus les pouvoirs du bélier.IV RAPPEL SUR LE SYMBOLISME DES ANGUIPÈDES ET DES VOUIVRES.
Espace-temps-matière. Le mouvement tendant à l’harmonie (dynamique et non statique) naît toujours, pour commencer, du désordre et du chaos. Le chaos initial est alors représenté par ces géants sombres et difformes (anguipèdes), fils premiers-nés de la terre et des eaux. Dans l’Antiquité, le non-monde des vouivres anguipèdes était le symbole ou le reflet de ce chaos, le symbole ou le reflet du temps où l’ordre naturel n’avait pas encore été imposé aux éléments du monde. Il faudra les batailles de la Plaine des menhirs ou tumulus (symbolisation de la genèse de notre monde) pour que les dieu-ou-démons et les hommes parviennent progressivement, et successivement, à maîtriser ce non-monde. Grâce aux exploits de Lug le polytechnicien (samildanach), et grâce aux conseils de Barinthus Lerogenos (Manannan chez les Gaëls). Mais les dieu-ou-démons, comme tout être humain exerçant un art, ne tirent pas leur œuvre ex nihilo. Ce ne sont pas des créateurs, mais seulement des transformateurs. Avec eux les êtres et les choses deviennent, mais ne sont pas réellement créés. Les vouivres ou anguipèdes « britto – ou gallo-romains » (voberoi) incarnant le chaos originel, correspondent aux Fomore irlandais (vomorioi). On les appelait aussi Andernas sur le Continent. Une pierre gravée de Meigle dans le Perthshire (la stèle 22 du musée local) en représente un, une sorte de triton ou de sirène mâle tirant sur ses nattes, les jambes croisées, entrelacées, se terminant toutes deux en queue de poisson. Vu ce qui peut sembler être des cornes, certains néo-druides d’aujourd’hui l’ont assimilé (à tort, car il s’agit seulement du début de la chevelure) au dieu gaulois Cornunnos. Cette mystérieuse créature est flanquée par deux animaux difficiles à identifier (un ours et un chien ?), mais dont les griffes sont très visibles. Ces entités non humaines sont appelées Andernas en Europe centrale. Voir aussi par exemple le Jupiter cavalier terrassant un anguipède géant. N.B. Ces colonnes de Jupiter sont des structures monumentales trouvées principalement sur un territoire allant de la Rhénanie à la Grande-Bretagne. Elles sont surmontées par un cavalier céleste dont le cheval se cabre après avoir terrassé, ou foule au pied, un monstre vaguement humain, dont les jambes son serpentiformes. Ce thème mythique a évidemment été repris par les premiers chrétiens, notamment dans l’hagiographie de saint Columba d’Iona (il chasse le monstre du Loch Ness) ou saint Patrice chassant les serpents d’Irlande (il n’y a jamais eu de serpents dans cette île bénie des dieux) voire saint Honorat chassant les serpents de l’île de Lérins sur la Côte d’Azur (saint Patrice y aurait prétendument séjourné, mais c’est un mensonge de plus à mettre à l’actif de nos amis chrétiens). En Grande-Bretagne nous avons également le bas-relief trouvé à Stragglethorpe dans le Lincolnshire. Celui représentant un cavalier terrassant un serpent pris entre les pieds de son cheval, pas celui représentant saint Michel triomphant du dragon). Les druidomanes du XIXe siècle ont rapproché ce terme d’un nom celtique signifiant mer ou cauchemar. En réalité, il est préférable de considérer le m ou mh vocalisé comme la variante irlandaise d’un thème en – b ou – bh, non attesté, mais qui est recoupé par le celtique commun *vo-bera, dans lequel on retrouve le nom de la vouivre continentale.
V LA SIGNIFICATION DU TOTÉMISME DRUIDIQUE.
Par définition le totémisme est une croyance qui admet l’existence d’ancêtres animaux dont un individu ou un groupe social est supposé descendre. Cette croyance se manifeste religieusement par un culte rendu à l’animal ancêtre, et aussi par différents interdits, notamment alimentaires. On ne peut consommer de la chair de l’animal totem, sauf comme l’ont signalé les ethnologues, durant les fêtes rituelles, où la transgression du « tabou » est permise, sinon obligatoire. La réalité du totémisme est complexe dans la mesure où interviennent des traditions codées ou transmises au moyen d’images significatives. Il faut surtout éviter de tomber dans le piège consistant à considérer les « primitifs » comme des sous-développés mentaux. Le mot « primitif » ne devrait être d’ailleurs employé que pour désigner l’antériorité chronologique. En ce sens, le totémisme doit donc être ramené à ses justes dimensions.
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Au XIXe siècle, où l’influence du Rameau d’or de James Georges Frazer était prépondérante, la tendance était au rejet de la présence d’éléments totémiques dans la religion druidique. Mais ce rejet ne semble pas justifié. S’il est certain qu’il y a des noms d’hommes composés en se servant de noms d’animaux, en raison de la valeur symbolique que leur confèrent lesdits animaux ; il y a aussi des éléments qui ne peuvent guère s’expliquer que par un certain totémisme. Les techniques rituelles utilisées par les très-sachants de la druidecht se réfèrent à des traditions fort anciennes, mais qui ne sont pas nécessairement un héritage indo-européen. Les Celtes ont dû composer avec les populations autochtones de l’Europe occidentale, lorsqu’ils sont venus s’y établir. Il est donc impossible de ne pas découvrir de survivances préhistoriques dans le druidisme. C’est par exemple plus que probable quant à la divinité qui porte le nom de Cornunnos. C’est aussi possible en ce qui concerne le rôle des animaux – mais aussi des végétaux – dans la mythologie, du moins dans les récits où interviennent fréquemment des êtres dotés d’une forme animale ou portant des noms d’animaux. La relation de Vindos/Finn Mac Cumail, de sa famille et des Fénianes d’Irlande, avec les cervidés, en est une preuve : il s’agit vraisemblablement d’un ancien clan, héritier des occupants préhistoriques de l’Irlande. Vindos (Finn en gaélique), dont le véritable nom était Damonios (Demné en gaélique), ne pouvait pas tuer de daim, son fils Uxsoinos (Ossian en gaélique) ne pouvait pas tuer de faon. Une partie du Leinster porte d’ailleurs le nom irlandais d’Osraige (Uxsorigion) ce qui signifie à peu près : royaume du cerf. N’oublions pas non plus que saint Patrice lui-même était un spécialiste des métamorphoses en cerf (ou en daim). Le symbolisme du cerf dans le monde celtique est donc très vaste, et il a certainement trait aux états primordiaux. N’oublions pas enfin, et comme nous l’avons vu, que la race qui, selon le Livre des Conquêtes, s’est installée la première dans l’Île, était la race de Nemet-os. Dont le nom signifie, certes, « Le Sacré », mais dont le peuple était aussi un peuple de cerfs puisque, pour se mêler à eux, Tunos Carilligenos [Tuan Mac Cairill] fut justement obligé de se transformer… en cerf ! D’une manière générale on croyait d’ailleurs à l’époque, que le cerf vivait plus longtemps que l’homme. Tuan Mac Cairill est l’image même de l’Homme primordial, encore capable de reconstituer, comme le dit Mircea Eliade à propos du chaman, l’âge d’or des débuts de l’Humanité ; quand les hommes et les animaux parlaient le même langage et se comprenaient (voir dans la Bible l’épisode de l’ânesse de Balaam). Certes, les transformations de Tuan sont symboliques, adaptées au système de civilisation qui en est le fond, mais elles témoignent bien de cette prise de conscience que l’être humain n’est pas isolé dans l’univers ; et qu’il fait partie d’un ensemble regroupant tous les éléments et toutes les énergies : le Bitus.
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ANTHROPOLOGIE.
VI TOTÉMISME ET HOMME PRIMORDIAL.
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Si l’on en croit cet exemple (de Tuan, mais aussi de Donnos/Donn ou Monganos/Mongan), la croyance en la possibilité de métamorphoses en cerf était chose courante à l’époque ; et l’on ne concevait pas encore de coupure infranchissable entre les mondes divin, humain, ou animal. Et il y a aussi d’autres histoires pas très nettes à propos du lien existant entre humains et animaux. Par exemple celle de Kulhwch qui naît au milieu d’un troupeau de porcs.
Il ne s’agit plus ici d’un simple symbolisme, mais de quelque chose de beaucoup plus fort (une allusion à la mystérieuse race de Banuta/Banva/Banba ?). Il faut rappeler à ce propos que, même après l’implantation du christianisme, on continua de faire des processions au cours desquelles on portait des masques de cerf. Les hommes d’Église n’ont pas cessé de vitupérer ce rituel appelé « cervulum (ou cervula) facere » ; ce qui semble indiquer qu’ils y voyaient, non pas un simple divertissement populaire, mais quelque chose de beaucoup plus profond. Césaire d’Arles va jusqu’à condamner cette coutume comme sordidissimam turpitudinem. Plus précis encore, saint Hilaire, au sujet d’un rite célébré, en plein Vle siècle ; au mois de janvier, dans le Gévaudan (département français de la Lozère), déclare : « praefixo quidem cervi capite ad imitandum fera formam conditionem humanam persuasionis diabolicae scelus inclinat ». « Je maudis qui incline au crime dû à la persuasion diabolique consistant à porter une tête de cerf pour imiter les bêtes, en tant que symbole de la condition humaine ». Au VIIIe siècle encore, saint Pirmin interdit de « in cervulos et veculas (latin vitulas) in Kalendas vel aliud tempus nolite ambulare ». « D’aller [déguisés] en cerfs et en veaux lors des changements de mois ou à toute autre occasion ». Le symbolisme du cerf renvoie au symbolisme des débuts de la vie, et notamment des débuts de l’espèce humaine. Dans nombre de traditions totémiques, le cerf est présenté comme étant l’ancêtre des hommes (voir la célèbre grotte des Trois Frères : son sorcier chaman préhistorique y porte des bois de cerf).
L’idée totémique du cerf ancêtre des hommes se retrouve un peu partout dans les traditions celtiques comme nous avons pu le voir. Le véritable nom de Vindos (Finn) est Damonios (Demné), c’est-à-dire le daim. Son fils est Uxsoinos (Ossian), le faon, la mère de celui-ci étant une femme transformée en biche par un magicien, son petit-fils est Uxsocaros (Oscar), c’est-à-dire qui aime les cerfs. Le Morholt d’Irlande, oncle d’Yseult, tué par Tristan, nous est décrit gisant cousu dans une peau de cerf. Le cerf semble donc avoir joué un rôle psychopompe. On ne saurait mieux exprimer ainsi cette idée totémique de toujours, puisqu’on la retrouve aussi chez les Indiens d’Amérique du Nord, à savoir que l’Homme descend du Cerf. Dans d’autres traditions, cette valeur prendra toute son ampleur cosmique et spirituelle. Le cerf apparaîtra ainsi comme le médiateur entre le ciel et la terre, comme le symbole du soleil levant qui monte vers son zénith. Les animaux sont éveillés. Ils sortent des gîtes où ils ont dormi. Le cerf les conduit hardiment. Il vient des sous-bois où il demeure, menant ses petits vers la lumière du jour. Nos cœurs sont joyeux. Le cerf est celui qui annonce la lumière, il guide vers la lumière du jour.
C’est par le truchement de mythes tout à fait semblables que l’imagination métaphysique celtique a, elle aussi, configuré en symboles accessibles la métahistoire des origines humaines.
Dans l’iconographie, Cornunnos est constamment associé au serpent à tête de bélier. Là non plus ce n’est pas par hasard. La Tradition celtique, pour traduire cette indéniable réalité qu’est le pouvoir de la conscience humaine, a en effet utilisé l’image de la pomme (ou aussi du gland, sortant de la bourse de Cornunnos) fruit de la connaissance ; mais aussi celle du serpent à tête de bélier, gardien des portes de l’Autre Monde, qui entourait de ses neuf vagues ledit pays, car le pays conquis par le Nemetos/Cornunnos et les siens était une vraie « plaine à pommiers » (aballomagos). Chez les Celtes, le pommier (aballos) était aussi un arbre métahistorique et légendaire, le Bilios, d’où le nom de l’Hyperborée, donc, dans certains textes : Biliomagos (l’Ultima Thulé de Pythéas est un des fragments détachés d’Hyperborée qui subsistera longtemps après sa submersion, partielle).
Le premier « homme » ayant consommé de ce fruit de la connaissance dans cette « Hyperborée » (de cette pomme) a donc été le Nemetos Cornunnos. Les futurs hommes et dieu-ou-démons ayant ainsi mangé de la pomme, fruit de la connaissance du bien et du mal ; à leurs souffrances purement animales, ils ajouteront aussi, comme nous le verrons plus loin, une autre douleur, d’origine purement divine cette fois-ci, l’angoisse métaphysique. Et c’est ainsi que l’animal devint homme, bien avant qu’il y ait des dieu-ou-démons. Cette souffrance métaphysique sera le premier signe d’un monde cassé, le signe de notre humanité. En mangeant de ce fruit de science de l’Autre Monde, les premiers hommes ou les futurs dieu-
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ou-démons d’Hyperborée, prirent conscience de leur séparation d’avec le Destin. Ils réalisèrent que le divin et leur âme/esprit ne formaient plus un seul et même être, mais deux entités différentes, distinctes, qu’ils étaient exilés loin, très loin de leur destin. Une condition marquée par la mort en principe. L’être humain ou divin sera donc renvoyé dès le début aux limites constitutives de tout être vivant ici-bas.« Tu es terre, issu des profondeurs, et tu retourneras donc à la terre un jour », pourra-t-on même dire un jour à propos des hommes (gdonioi > donioi = autrement dit les chtoniens).L’Homme primordial, père de tous les hommes, et aussi des dieu-ou-démons (car hommes et dieu-ou-démons sont frères) est donc le Nemed/Cornunnos ainsi que nous l’avons vu. Le Nemed/Cornunnos est, certes, à l’image de la divinité, mais seulement par son âme/esprit ou ce qui en découle. « La conscience, la raison, la liberté, la responsabilité, l’autonomie, tous privilèges de l’âme/esprit, mais d’une âme/esprit incarnée, donc à l’image de la divinité seulement et non pas essentiellement identique à la divinité ». Cet Homme primordial, issu de l’animalité (sanglier ou cerf, etc.) est toujours terrestre. Le fait que ce Nemetos soit issu de l’animalité, comme l’imagine un peu maladroitement la version irlandaise, est donc lourd de conséquences pour sa descendance, autrement dit l’Humanité voire les dieu-ou-démons anthropomorphes subalternes. Cette faiblesse originelle, mise en scène par le célèbre récit de la fièvre neuvaine des Ulates ou Voluntii (Ces noinden Ulad), est responsable de toutes les perversions de l’esprit que l’on a pu observer dans l’Histoire. Il existe des êtres appelés hommes, mais qui se vautrent dans un monde matériel détourné de la divinité, n’éprouvent aucune angoisse immanente ou transcendantale, se moquent comme d’une guigne de leur âme ou de leur esprit. De tels êtres ne méritent pas le nom d’Hommes. Ce sont seulement des psychiques ignorant et refusant ce qui appartient à l’âme/esprit, n’ayant aucune nostalgie des temps hyperboréens. Chacun d’eux se contente du monde post-hyperboréen dans lequel nous vivons, sans se préoccuper de la vie éternelle, sans aucune recherche spirituelle, sans aucune recherche du monde des dieu-ou-démons. La nostalgie de l’époque surhumaine de l’Hyperborée ne les hante pas. De tels hommes ne sont pas des hommes au sens strict du terme, ce sont seulement des animaux de type supérieur (au point de vue symbolique). Des enfants du Nemetos/Cornunnos, victimes de la faiblesse originelle : l’animalité.
Le premier d’une lignée historiquement parlant, est toujours la cause de ce qui va dériver de lui ultérieurement. C’est pourquoi Cornunnos est aussi et surtout (désormais) le dieu-ou-démon des morts, le dieu-ou-démon de la mort. Cornunnos apparaît ainsi comme le grand responsable de la chaîne humaine ou divine qui va en découler. Il est la première illustration de cette faiblesse originelle qui a tant de conséquences sur notre pauvre Humanité, ce qui explique aussi en un sens, l’évolution de certains dieux en démons dans les légendes. Du coup le Nemetos/Cornunnos est aussi parfois le symbole mythologique de la terre, car en ce Nemetos/Cornunnos et en ses héritiers spirituels, agissent ensemble les éléments telluriques et les éléments célestes. Les éléments telluriques prédominent chez l’Homme, les éléments célestes chez les Toutai Devas (les dieu-ou-démons). Primordial équivaut quelque peu, dans le cas du Nemetos/Cornunnos, à primitif, car cette primauté en question est d’ordre naturel et ontologique. Il s’agit de la première étape dans l’évolution ascendante qui mène à la divinité. Il s’agit, certes, d’une priorité dans l’ordre chronologique, mais aussi dans l’ordre de l’Évolution. L’Homme a précédé ses dieu-ou-démons ; il les a faits à son image, mais, en ce qui le concerne, l’animal, qu’il soit saumon, porc ou cerf, n’est jamais très loin.
En Irlande au Moyen-âge, on a dédoublé voire détriplé le Nemetos/Cornunnos. Comme le dit très bien le grand celtologue Christian Joseph Guyonvarc’h à propos des légendes de ce pays : « Aucun de ces chefs de file ou de dynastie n’est un homme primordial. Il en fallait donc un, ou deux, ou trois, qui les transcendent tous, afin de transmettre aux générations futures et lointaines le souvenir, ou mieux, le récit circonstancié, des événements fondamentaux. Les Irlandais attendaient de l’Homme primordial un service majeur : la transmission du savoir traditionnel justifiant leur nom et leur existence tout au long des événements de l’Histoire, jusque et y compris à travers le changement de religion. Mais pour une telle tâche, ardue et lourde de conséquences, plusieurs compétences n’étaient pas superflues. Ils ont donc fragmenté l’expression de la Primordialité en une pluralité d’individus ».
VII LA DEUXIÈME BATAILLE DE LA PLAINE AUX MENHIRS OU AUX TUMULUS (SON SYMBOLISME).
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Mag Tured (Moytirra pour les anglophones). Ce toponyme représente une phase assez tardive du goïdélique ou celtique en q : celle où, au lieu de noms composés à la manière allemande ou grecque, le substantif passe avant le qualificatif comme en Français. Par régression étymologique cela nous donne Magos Turation. Magos = plaine, Tura = tertre ou tumulus au nominatif singulier, Turate = tertres ou tumulus au nominatif pluriel. Turation étant le génitif pluriel de Tura = tertre, tumulus, Mag Tured signifie donc « plaine aux tertres ». Ou « plaine aux tumulus ». Dans le monde des relativités qui est celui de la vie actuelle, la matière équivaudrait au chaos si on la laissait subsister de façon anarchique. C’est ce qu’exprime ce mythe des vouivres et des anguipèdes d’après nombre d’auteurs. Quand Lug tue son grand-père Balor, il affirme la prédominance de l’esprit sur la matière brute et brutale. Lug organise la matière dont il est le petit-fils, affirmant par là qu’il est un dans sa dualité. Lug, le dieu-ou-démon prométhéen, a mis à mort son aïeul Balor, le dieu-ou-démon chtonien dont l’œil unique symbolise la clairvoyance, mais il a détruit par là même, la connaissance des vérités profondes. D’après ces auteurs, ce qui est caractéristique de cette bataille, c’est que Bregsos/Bres, incarnation même de la puissance tellurique, est resté nécessaire à la fécondité des bêtes et des champs, et qu’il a été épargné. Toute victoire des forces de lumière sur les forces des ténèbres ne peut qu’être relative, sans quoi il n’y aurait pas de vie. Les combats seront si rudes que les dieu-ou-démons subiront de lourdes pertes et en sortiront affaiblis. Aussi ne resteront-ils pas très longtemps maîtres de cette terre. Il est impossible par définition que tout soit lumière en ce monde. De nouveaux envahisseurs se présenteront donc pour occuper la terre, ce seront les descendants de Cornunnos l’Homme-Cerf, nos lointains ancêtres, les chasseurs-cueilleurs.VIII LA BATAILLE POUR LA TALANTIO [ROSEMARTHA SUR LE CONTINENT] OU L’AGRICULTURE.
Notes à propos des Gaulois Fir Dumnain < Viroi Dumnonioi symbolisant la première race vraiment humaine ayant occupé la terre, et dont le nom signifie littéralement « Hommes des Profondeurs de la terre, Hommes de ce monde » justement (vir + dumnon). Le nom des Galioin est à rapprocher de celui des Galatai ou Gaulois, également brittoniques. Quant aux Fir Bolg (les Hommes au sac, vir + bolg), on s’accorde à y voir un autre peuple brittonique, les Belges. Il y a dû avoir une invasion de Belges accompagnés de Gaulois et de Domnoni à une époque que l’on ne saurait dater avec certitude. Ces nouveaux occupants sont des agriculteurs et appartiennent à la civilisation de l’Âge du Fer, probablement celle qui est dite « de Hallstatt ». Ils introduisent l’usage de ce métal pour la fabrication des lances et l’institution d’une royauté liée à la fécondité du sol.
La fin de la mise en ordre du Cosmos ne peut qu’être le résultat final du conflit entre les générations divines (Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd, Lugos, Belenos Barinthus dit Manannan Mac Lir en gaélique) ; et du triomphe des dieu-ou-démons célestes sur les vouivres ou les anguipèdes (les sous-dieux). Mais aussi, pour conclure, de la victoire des hommes sur les dieu-ou-démons, du moins en ce monde qui est le leur. Dieu-ou-démons et hommes se sont affrontés, mais ces derniers ont été vainqueurs, surtout à cause de leur entêtement frisant la mauvaise foi d’ailleurs. Les hommes chassent les divinités lumineuses de la surface de la Terre et les contraignent à se réfugier un peu partout, y compris dans les tertres ou les monuments mégalithiques. On voit le paradoxe. Les humains majoritairement telluriques bénéficient de la liberté de l’air et de la grande clarté du jour, tandis que certains des dieu-ou-démons, pourtant majoritairement aériens, et donc de nature lumineuse, sont enfermés dans les ténèbres. Quel symbole ! Il est vrai que c’est l’esprit humain qui a rejeté les lumières divines dans de souterraines profondeurs. Il est vrai aussi que si les vivants ne peuvent, de leur propre volonté, s’aventurer dans ces profondeurs inconscientes, les gens du Sidhe, eux, par contre, peuvent hanter la surface de la Terre. Mais il n’en reste pas moins que notre existence même repose sur une situation paradoxale et irrationnelle. Il en est ainsi parce qu’il doit en être ainsi. Si l’éclat de la lumière divine n’était pas tamisé pour nous, sa contemplation serait aussi périlleuse pour nous que la rencontre du regard de l’œil unique de Balor : elle nous détruirait sur le champ.
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IX SYMBOLISME DE L’HYPERBORÉE.Hésitant donc entre les sphères célestes du Vindobitus ou de l’Albiobitus (ce que saint Irénée appelle le Plérôme) et la Talantio, la terre cultivée au sens ordinaire du terme (autre personnification : la déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère ce terme, Rosemartha), l’Hyperborée ne pouvait donc qu’être le domaine de l’ambivalence et de l’aléatoire. Le domaine de l’écartèlement de l’être entre sa source spirituelle et sa tendance au néant. Les énergies qui l’animeront pourront être facilement retournées, devenir ténébreuses et malfaisantes, d’où, comme nous le verrons, la chute générale des hommes et des dieu-ou-démons, tout au moins de certains d’entre eux, dans les profondeurs. Le Dumnon, c’est le Monde en tant qu’abîme justement (profondeur).
Il est impossible de séparer nettement les îles au nord du Monde, de l’Autre Monde et des routes, toutes maritimes, qui conduisent en ce lieu ou à cet état de l’être. Les îles des très-sachant primordiaux du clan de la Déesse-ou-démone, ou fée, dans toute la sobriété d’expression ou simplicité doctrinale du début du récit de la bataille de Maighe Tuireadh, ne sont pas différentes, dans leur nature profonde, des îles décrites par les immrama plus tard. Et il n’est pas davantage possible de séparer de ces dernières les îles paradisiaques des bienheureux que les Grecs ont visités chez les Hyperboréens. C’est le sidhe irlandais dans toute l’acception du terme. Cette Hyperborée mythique était pour eux en tout cas, un vrai paradis terrestre. Les deux descriptions suivantes le prouvent.
« Votre île est bonne.
Son miel, sa moisson et son blé,
Son poisson et son grain,
Sont abondants.
Chaleur et froid y sont tempérés.
Vous avez tout ce qu’il vous faut.
Le mieux pour vous est donc
De vous comporter vraiment comme des frères
Et de vivre en bonne intelligence »…
« Mer poissonneuse, pays fertile
Abondance de poissons
Comme de puissants courants marins
Nuée d’oiseaux
Mer rude, mais… Mer poissonneuse.
Les saumons tombent de partout
Comme une grêle blanche.
Il y a aussi de grandes baleines.
Abondance de poissons
Et mer poissonneuse
Les hommes chantent dans les ports… »
« Ô nobles guerriers, soyez les bienvenus sur cette terre. Il y a longtemps que les prophètes ont prédit votre venue. Cette terre sera vôtre à tout jamais. À l’ouest du monde il n’y en aura pas de meilleure. Aucune race n’y sera plus nombreuse que la vôtre » (La déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère ce terme, Eriu).
X LES POTENTIALITÉS SURHUMAINES DE L’HOMME.
« L’homme, alors, ne se contentait pas de peupler le monde de dieu-ou-démons auxquels il attribuait les actes les plus étranges. Il croyait que, par la magie (sic) on pouvait s’élever au niveau de la divinité, lutter contre elle d’égal à égal et quelquefois la vaincre » (d’Arbois de Jubainville. Cycle mythologique). Cette interprétation du mythe panceltique originel suggère qu’il y eut un temps où les hommes furent les frères (presque égaux) des dieu-ou-démons. Mais ils abusèrent tellement de ce pouvoir divin (de ces pouvoirs préternaturels diraient les chrétiens) que Belinos Barinthus Lerognatos (Manannan chez les Gaëls), le maître des dieu-ou-démons, décida de leur ôter cette divinité puis de la cacher en un endroit où il leur serait impossible de la retrouver. Le défi fut de lui trouver une bonne cachette, une cachette vraiment efficace. Et depuis ce temps-là le Donios, l’Homme, a fait le tour de la Terre, il a exploré, escaladé, plongé et creusé… à la recherche de quelque chose… qui dort en fait au
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fond de lui-même, car Belinos Barinthus Lerognatos (Manannan pour les Gaëls) en réalité n’a rien fait de tout cela ! Il n’a pas ôté aux hommes leur divinité (leurs pouvoirs préternaturels), il n’a fait que la dissimuler à leurs yeux en se servant du vegtos vidtouos (feth fiada) ou voile d’Isis.Les dieu-ou-démons sont une possibilité non réalisée de l’être humain. Ils sont ce que les hommes devraient être, et leur actualisation ne peut que faire l’objet d’une lutte violente pour commencer, si l’on en croit tous ces combats (entre hommes et dieu-ou-démons). Les dieux ou démons deviendront ainsi, pour tous ceux qui seront issus de l’espèce humaine, les objets de leur désir ou de leur nostalgie, d’où d’ailleurs le pathétique romantisme de toute cette littérature celtique. Ignorer cette radicale infirmité de l’Homme à ses propres yeux, par rapport à tous ses rêves, cette radicale faiblesse humaine, bien mise en scène par la célèbre légende gaélique de la fièvre neuvaine des Ulates (ou Voluntii) ainsi que nous l’avons déjà dit, ne peut que donner lieu à de très graves erreurs dans le domaine de l’analyse sociopolitique. L’Homme doit sans cesse combattre pour s’attacher au beau et au bien, et ce n’est pas sans effort qu’il parvient à réaliser son unité intérieure. La nature humaine a été affaiblie encore un peu plus par les derniers épisodes hyperboréens, a été soumise à l’ignorance, à la souffrance, et à la peur de la mort. Ces faiblesses humaines dues à la perte de nos pouvoirs préternaturels, que pointe justement le récit de la maladie des Ulates (Ces noinden Ulad), se transmettent en nous, de génération en génération. Mais l’Humanité reste néanmoins toujours destinée à une fin plus haute, un jour (retrouver ses pouvoirs préternaturels perdus), car finalement toute cette violence ou inconscience de l’Homme n’aura pas que des effets négatifs au bout du compte. Il fallait en effet une telle folie pour oser assumer ce « Graal » que les dieu-ou-démons finiront par en quelque sorte refuser, une fois mis au pied du mur.
XI LE VOILE D’ISIS LE VOILE DES DIEUX (leur fuite et leur exil hors de ce monde).
Cette dénégation ou ce doute, existentiels, enténébreront quelque peu la substance essentielle de l’être des dieu-ou-démons, qui avait donc été pure incandescence ou presque, jusque-là. Les dieu-ou-démons comprirent que si les hommes demeuraient avec eux en Hyperborée, jamais ils n’arriveraient à leurs côtés à se délivrer de leurs zones d’ombre à eux. C’est pourquoi ils se firent en quelque sorte les démiurges de ce monde : en l’abandonnant aux hommes, obligés ainsi de devenir les instruments par lesquels toutes les formes de lumière déchues trouveront leur salut. Le drame de cette métahistoire est évidemment une tentative d’explication de notre humanité actuelle. Cette attitude assez paradoxale (jalousie ?) des dieu-ou-démons vis-à-vis de l’Homme, s’explique sans doute aussi par le fait que les dieu-ou-démons ne peuvent pas vraiment vivre longtemps dans ce monde trop impur pour eux. Alors que l’Homme, lui, ce composé d’une majorité de matière périssable et d’une minorité d’âme/esprit, peut le faire. Autrement dit, tout en étant plus bas dans l’ordre cosmique, au cœur de la matière, l’être humain peut accéder à la connaissance du principe des principes, au-delà même de la connaissance divine. La Tradition celtique, pour traduire cette réalité, a utilisé l’image de la pomme, fruit de la connaissance, et du serpent à tête de bélier, gardien des portes de l’Autre Monde. (Le premier « Homme-Dieu » ayant mangé de ce fruit du savoir en Hyperborée – de cette pomme – a donc été le Nemetos Cornunnos). Comme nous avons pu le voir après la bataille pour la Talantio dite Rosemartha sur le Continent (la 3e bataille de la Plaine aux menhirs ou aux tumulus en quelque sorte), les Toutai Devas (les Tuatha Dé) vont donc ; sur les conseils de Belinos Barinthus Lerognatos (Manannan Mac Lir dans la tradition gaélique) ; abandonner les choses de la Terre aux êtres humains.C’est que, contrairement à ce qu’affirment, assez étrangement d’ailleurs, et de façon quelque peu contradictoire, les gens du Livre (Mt 6, 31-33, et Lc 12, 22-31) ; la sollicitude du Destin et de ses dieu-ou-démons n’est plus toujours, et depuis longtemps, concrète ou immédiate. Le Destin et ses dieu-ou-démons ne prennent plus soin de tout, des grandes choses comme des petites. Le symbolisme de cet exil des dieu-ou-démons hors de notre monde est donc clair. C’est désormais à l’Homme lui-même, encore une fois, répétons-le, de s’occuper de ce qu’il va manger, ou boire, de se vêtir ou de se loger. « Rien de ce qui se passe sans l’aide des dieux, ne réussit aux hommes » (Arrien. Cynégétique). Certes, mais l’aide des dieu-ou-démons n’intervient qu’en dernier ressort. La morale de cette allégorie druidique de la fuite des dieu-ou-démons est donc claire : aide-toi et le ciel t’aidera. Les dieu-
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ou-démons ayant rempli leur mission terrestre, ils ne sont plus matériellement dans ce monde. Leur présence est devenue maintenant une présence suprasensible seulement.XII LA FIN DES TEMPS HYPERBORÉENS ET LE DÉBUT DE LA VRAIE HISTOIRE.
Conséquence immédiate de cette occultation du divin, de ce voile d’Isis, et de cet exil des dieu-ou-démons, l’harmonie avec la nature commença, elle aussi, à se rompre, et devint peu à peu étrangère à l’Homme. L’harmonie dans laquelle étaient donc établis les hommes sous la sage conduite du Nemet Cornunnos, fut, elle aussi, détruite. Leur maîtrise des facultés spirituelles de l’âme ou de l’esprit sur le corps fut en grande partie brisée. L’union de l’homme et de la femme fut soumise à des tensions plus grandes, et leurs rapports furent désormais marqués par la convoitise et la domination. Tant que l’Homme se croit l’égal des dieu-ou-démons, il arrive à en assumer la redoutable tâche. Mais évidemment, dès qu’il prend conscience qu’il n’est pas l’un d’entre eux, il abandonne sa mission et rejette le fardeau divin, en en niant l’existence ou en l’abandonnant à des spécialistes dogmatiques intouchables (monothéisme, et même plus précisément monolâtrie). À la fin de ce cycle, comme lors de la bataille pour la Talantio (la terre cultivée aussi personnifiée par la déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère ce terme, Rosemartha), les dieu-ou-démons seront de nouveau dépassés par les hommes. Les hommes sont en effet, ainsi que nous l’avons vu, en un sens, supérieurs aux dieu-ou-démons ; dans la mesure où ils sont confrontés aux conditions de l’existence corporelle, ce qui rend leurs mérites plus grands. Ils peuvent ainsi accéder non seulement à la vision du « Graal », mais encore, au-delà de ce Destin, au Tout de la Déité, au Principe des principes. Car les anciens très-sachants avaient fait du « hasard » (sic) un dieu supérieur : « Je n’adore ni le chant des oiseaux… ni un fils, ni une femme, NI LE HASARD. Mon druide (sic) est fils de Dieu…, etc. » (saint Columba d’Iona dans une de ses loricae). Les hommes se sont immobilisés devant eux-mêmes, comme pris de vertige. Ils ont refusé la limite (les dieu-ou-démons) qui les précède dans l’être, parce qu’ils n’ont pas compris que si ce degré d’être limite leur horizon, il va aussi au-delà. Les hommes ont donc cru pouvoir atteindre le Principe originel sans cette « limite » intermédiaire. Comme ces êtres célestes et divins étaient terribles, éclatants, leur rencontre avec l’Homme, leur demi-frère, ne pouvait qu’être violente (voir ci-dessus l’allégorie de la bataille pour la Talantio dite Rosemartha sur le Continent). Mais ce combat était nécessaire à notre métamorphose, car le dieu-ou-démon est la créature en laquelle la transformation du visible en invisible est accomplie. Ce faisant les hommes ont néanmoins d’abord commencé par tomber plus bas qu’eux-mêmes. L’Histoire sera le temps qu’il leur faut pour se racheter. Alors viendra un temps où ce ne sera plus l’homme, mais le dieu-ou-démon qui est en lui, qui contemplera le monde terrestre et sublunaire. En attendant, le temps est de l’éternité retardée en quelque sorte, et ce retard introduit dans l’être de lumière qu’est l’Homme théorique (du moins dans cette métahistoire) une part d’ombre qui lui était au début extérieure. Mais la fin des temps hyperboréens ne mettra pas un terme à ce constant va-et-vient entre les deux mondes, le nôtre ici-bas, le monde des mortels, et l’autre ; de nombreuses légendes illustreront le sujet. Notamment à propos des îles au nord du Monde justement.
CONCLUSION.
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Il est évident que la science des très-sachants de l’Antiquité n’était pas celle qui caractérise notre époque, et qu’elle n’avait rien de sophistiqué (en ce sens qu’elle n’utilisait pas de moyens techniques perfectionnés). Mais elle n’en avait pas moins une valeur que les écrivains de l’Antiquité n’ont pas hésité à reconnaître. Les druides « enseignent de nombreuses choses » (Pomponius Mela) « discutent et transmettent à la jeunesse beaucoup d’éléments concernant les étoiles et leurs mouvements, l’étendue de ce monde et de notre terre, la nature des choses, le pouvoir et la majesté des dieux immortels » (César) ; étudient « la science de la nature » (Strabon), les « plus sublimes domaines » (Ammien Marcellin), « le calcul et la science des nombres » (Hippolyte de Rome), « la science de la nature que les Grecs appellent physiologie » (Cicéron). C’est par des observations très poussées des phénomènes naturels, par une méditation constante sur les problèmes posés par la vie et son déroulement ; par une prise de conscience que l’être humain dépend de tout ce qui l’environne, et qu’il peut agir sur cet environnement ; que les très-sachants de l’époque ont atteint un très haut degré scientifique dans la connaissance de la nature. La pensée druidique était dans le droit-fil de la conception indo-européenne. Continuité à travers de longues vies successives (des cycles) : au bout d’une certaine période, le monde connaît une fin en catastrophe « par le feu et l’eau » (cf. Strabon livre IV, chapitre IV, 4). C’était aussi la théorie aryenne védique brahmanique : les lois de Manou = Manava dharma çastra va même jusqu’à suggérer une durée de 12 000 ans pour ces « longues vies » (pour ces cycles). Mais apparemment les très-sachants de l’Antiquité (druidecht), eux, ne se prononçaient pas sur l’estimation de la durée des longues vies des mondes. Ils jonglaient néanmoins avec des ordres de grandeur qui faisaient rire les juifs et les Romains. Dans le livre de Lismore (fo.151, b 2), on trouve en effet le passage suivant.
« Trois ans pour le champ (assolement triennal ?). Trois durées de vie du champ pour le chien. Trois vies de chien pour le cheval. Trois vies de cheval pour l’être humain. Trois vies d’être humain pour le cerf. Trois vies de cerf pour le merle. Trois vies de merle pour l’aigle. Trois vies d’aigle pour le saumon. Trois vies de saumon pour l’if. Trois vies d’if pour le monde du début à la fin ».
Que notre auteur préférée [Éléonore Hull, « Le faucon d’Achill ou la légende des plus vieux animaux du monde », Folklore, Tome. 43, No.4 (1932) : pp. 376–409] commente ainsi.
« Nous arrivons ainsi à 59 050 ans, soit deux multiples de trois en plus que le calcul de Westminster, qui nous donne 6561 ans ; c’est-à-dire la durée de vie d’un saumon dans la liste irlandaise ».
Pour mémoire la Bible et donc le judéo-islamo-christianisme, eux, ne donnent que six mille ans d’âge à notre monde. N.B. Il ne faut surtout pas confondre cette notion avec celle de la grande année d’environ 26 000 ans, encore moins fixer de dates. En effet, la fixation du point vernal par Hipparque en son temps, à partir d’un équinoxe de Printemps, n’est qu’une convention. De sorte que l’entrée du soleil dans le Bélier, les Poissons ou le Verseau, et ainsi de suite n’a rien à voir avec les phénomènes astronomiques qui pourraient amener une fin du Monde aussi facilement déterminable à l’avance. Les très-sachants de la druidecht ne paraissent pas avoir été « catastrophistes » ni « millénaristes » à cet égard… tout en réfléchissant à une eschatologie et à la naissance éventuelle d’un nouveau monde par régénération de l’ancien (cycles = longues vies).
Ces éléments cosmologiques nous paraissent majoritairement compatibles avec les hypothèses et connaissances scientifiques modernes. Au contraire par exemple des conceptions erronées de la « scolastique » chrétienne postérieure ; qui eurent la vie dure, traitant avec mépris Copernic, poursuivant devant l’Inquisition Galilée (il fut contraint de se rétracter pour sauver sa vie) et torturant ou suppliciant Giordano Bruno qui ne s’était pas rétracté.
RAPPELS SUR LA COSMOGONIE.
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Sous ce titre nous allons maintenant résumer ce que pensent aujourd’hui de la naissance du monde, nos frères ennemis les savants. Nous disons « frères » parce que les scientifiques sont issus eux aussi du druidisme antique, avant le grand éclatement de ce dernier entre science et religion, entre foi et raison. Les Scientifiques sont en quelque sorte les druides d’aujourd’hui. EN CE DOMAINE PRÉCIS TOUT AU MOINS. En ce qui concerne le sacré (le nemet) les prêtres celtes ce sont toujours les druides. Et n’oublions pas non plus qu’en matière de science, l’hypothèse et la théorie ne s’appliquent toujours que de façon provisoire. En attendant une explication encore meilleure, plus générale, qui à son tour sera remplacée, dans un processus infini d’approche d’une vérité à laquelle on n’atteindra jamais parce qu’elle est infiniment complexe. La Loi de Lavoisier énonce : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » (corollaire de la loi de conservation de la matière). Donc la matière primordiale n’a pu être créée à partir de rien et, comme elle ne peut avoir de fin, elle demeure éternelle en sa constante : masse plus énergie. Il s’ensuit qu’il nous est scientifiquement interdit de chercher une origine à cette matière « primordiale » c’est-à-dire au milieu (vide quantique), où la matière n’est pas encore née, mais où circulent des particules de type positron, électron, ou antimatière. Ces particules n’étant que virtuelles sont toujours instables et ne méritent donc pas encore le nom de « matière » au sens strict du terme. Questions.A) pourquoi la matière existe-t-elle ? Réponse des Très-Savants modernes : nous l’ignorons, et nous prenons seulement acte de son existence.
B) pourquoi la matière se transforme-t-elle sans cesse ?
Réponse des Très-Savants modernes : nous l’ignorons et nous devons donc admettre que toute matière est intelligente. C’est-à-dire, selon la définition la plus courante donnée à l’intelligence, qu’elle est capable de s’adapter, d’évoluer, de se transformer même, et donc de créer à partir des éléments dont elle dispose. Si le druidisme reconnaît être incapable de répondre à ces deux questions, la monolâtrie abrahamique, elle, est incapable de répondre à un nombre beaucoup plus élevé de problèmes. Pourquoi Dieu existe-t-il, est-il intelligent ? Et s’il a créé la matière et l’espace, comment, à quel moment, avec quoi, où était-il et que faisait-il avant de créer l’espace, où demeure-t-il maintenant, dans l’espace ou à côté, etc. ? Le druidisme moderne n’implique que deux questions insolubles. La monolâtrie abrahamique, elle, en soulève beaucoup plus. De plus, les réponses données par les monolâtres sont en contradiction souvent avec les lois scientifiques. Ils ont, en outre, une logique comparable à celle de certains juges ou de certains journalistes des médias de masse, car ils n’hésitent jamais à justifier leur croyance par des sentences totalement contradictoires suivant les cas. Voir l’incroyable propagande développée par les journalistes français lors de la guerre faite à la Libye par leur président « bien aimé » en 2011. N.B. Par propagande nous entendons le fait de passer sous silence d’importants éléments du problème, de répéter à l’infini des faits partiels, partiaux, privilégiant le spectaculaire ou l’émotionnel en faveur d’un camp, exemple Khadafi distribue à tour de bras du viagra pour son armée (de mercenaires) ; la vandalisation d’un des bâtiments de l’ambassade britannique à Tripoli alors que le régime du colonel Khadafi a bien évidemment le devoir de les protéger. Alors que le jour même il venait de perdre un de ses fils et trois de ses petits enfants bombardés par l’OTAN ! Je ne suis pas spécialement un partisan de Khadafi et j’avoue que j’ai même au contraire un faible pour les Berbères du Djebel Nefoussa, de Nalout à Gharyan en passant par Yefren, mais là j’avoue que tant d’hypocrisie ou de cynisme, de la part de l’OTAN, de l’ONU, me sidère. Le cynisme du Français Nicolas Sarkozy a dû déteindre sur le Britannique David Cameron. « Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage », etc. En tout cas ces deux-là auront bien contribué à décrédibiliser pour longtemps aux yeux de beaucoup d’habitants de cette planète, et l’OTAN et l’Occident et même l’ONU. Le tout au détriment d’une vue d’ensemble, objective, avec du recul. Du genre les méchants, mais alors vraiment méchants contre les gentils : jeunes, modernes, dynamiques, féministes – c’est-à-dire partisans d’une totale égalité entre femmes et hommes – intelligents, et ainsi de suite. Bref, assez curieusement précisément tout comme les journalistes auteurs de ces reportages ou de ces articles. Une analyse donc manichéenne et simpliste voire puérile, tout juste digne de gamins de 10 ans, de la situation. En tout cas ayant pour résultat d’induire en erreur indéniablement M. Tout-le-Monde ou l’homme de la rue (ce qui était peut-être le but recherché il est vrai). Plus on suit ce genre de journalisme ou de masses médias, moins on comprend ce qui se passe, moins on comprend le monde qui nous entoure, et plus au contraire ce monde devient autre, étranger, comme localisé sur une autre planète que la nôtre.
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Eh bien il y a généralement une propagande tout à fait semblable de la part des monolatries de masse juive chrétienne ou musulmane, en ce qui concerne l’existence, ou non, de Dieu, tel qu’elles le définissent (créateur, bon, tout puissant et ainsi de suite…)Tout ce qui est explicable prouve l’existence de leur Dieu ou Démiurge, mais tout ce qui est inexplicable (les miracles, les mystères, etc.) aussi ! Facile !
Notre espace physique (au sens très large du terme) contient tout ce qui existe et il est infini, car admettre qu’il est limité serait nécessairement admettre aussi qu’un autre espace l’environne. Hubert Reeves, qui est l’un de ces « druides » du XXIe siècle, a d’ailleurs lui-même écrit : « Les modèles mathématiques suggèrent que l’espace est vraisemblablement infini ». Comme la matière, que ce soit au sens strict ou au sens large (la matière primordiale du vide quantique) est éternelle, son contenant l’est aussi. Et comme elle se transforme sans cesse, l’espace se modifie toujours à la façon dont une pièce varie si l’on y déplace les objets qu’elle contient. Tout se transforme perpétuellement.
De même que les créations de l’Homme, celles de la Nature s’élaborent sans cesse. Ainsi assistons-nous par exemple à notre époque, à la transformation de notre planète. Cela dit, les nombreuses observations dans le Cosmos perceptible avec nos moyens d’investigation nécessairement limités, mais assez grands, nous permettent d’avoir tout de même une image suffisante de notre univers pour satisfaire en grande partie notre curiosité ainsi que notre raison. L’analyse spectrale des radiations nous arrivant des étoiles et des galaxies les plus lointaines nous prouve par exemple que la matière de l’univers est composée avec des éléments de base identiques selon leur catégorie ; qu’il existe 92 atomes naturels connus, que chaque étoile est un soleil, etc.
N.B. Tout cela était l’exposé des positions du matérialisme et du déisme, purs. Le Druidisme antique n’ayant été ni matérialiste au sens étroit du terme, ni déiste au sens judéo-islamo-chrétien du terme (monolâtrie, etc.) ; il avait une position constituant une synthèse en quelque sorte de ces deux extrêmes. La voici ! Le point de départ immanent absolu de tout est donc l’infini, l’illimité en grandeur, qui n’est limité que par la bulle de l’espace courbe de notre univers ou bitos. Question : comment cette matière primordiale a-t-elle fait pour exister ? Réponse des « druides » modernes : pour donner naissance à cet univers ou bitos, le Non-Être n’a fait que contracter son absolu immanent pour se retirer partiellement de son propre espace infini. Et ainsi, le Non-Être est devenu l’Être, le Non-Être est devenu l’Univers ou Bitos. Mais cet Univers n’est qu’une sorte de trou dans le Néant, trou autour duquel s’agite ce néant, un peu à la manière de l’eau autour d’un tourbillon qu’elle vient de créer par son propre mouvement.
Selon Stephen Hawking, les trous noirs seraient à l’origine de tout. Ces ogres de l’espace, en tournant à toute vitesse comme des tornades, seraient capables de courber l’espace-temps. Dès lors les particules virtuelles proches de ce vortex s’entrechoquent et se trouvent collées, ou agrégées. Ce serait cette agrégation de particules virtuelles qui donnerait naissance aux particules ordinaires. À la matière. À l’Univers physique. Lorsque le Non-Être s’est scindé en deux par son acte primitif de retrait en lui-même, il a donné naissance à deux Existants indépendants et différents. Le premier constitue le néant proprement dit, l’espace et le vide, infinis, éternels. Le second, fini et imparfait, constitue l’Être, l’Univers, le Monde, le Bitos. Il n’est pas éternel puisqu’il a eu un jour un commencement absolu, mais la matière primordiale qui le compose désormais, elle, sera immortelle et impérissable. Comme cette division du Non-Être en deux est désormais perpétuelle et n’aura pas de fin, nous sommes amenés à conclure que l’Univers physique et l’espace infini sont désormais coexistants tous les deux à jamais. L’Univers n’est qu’une bulle isolée au sein de l’espace vide, flottant au sein du néant. C’est une courbe négative immense, mais finie et limitée néanmoins, également pesante dans toutes les directions. Question : pourquoi cette matière primordiale se transforme-t-elle sans cesse ? Réponse des druides modernes : cet univers physique étant quasi sphérique et limité ou fini, et ce dès l’origine (au début ce ne fut qu’un « œuf de serpent » cosmique) les échanges d’énergie s’y effectuent en circuit fermé. Masses ou énergies étant une seule et même réalité, l’énergie ne retourne jamais au néant absolu. Elle se transmute seulement, sans cesse. Elle se libère d’une forme pour passer à une autre. Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme dans l’Univers appelé Bitos par les très-sachant. Cet univers est donc Un, immobile, indestructible et impérissable à défaut d’être éternel. Il est composé d’âme et de matière.
Comme le dit de façon imagée le Chandogya Upanishad (3,19) de nos frères indiens (les brahmanes) : « Au commencement il n’y avait que le Non-Être. Il fut l’Être. Il grandit et se changea en œuf. Il reposa puis il se fendit. Deux fragments de coquille apparurent : l’un
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d’argent, l’autre en or ». Celui qui était en or, c’était l’Âme, celui qui était fait d’argent la Matière, auraient pu ajouter les très-sachants de la druidiaction (druidecht), antiques. Comme cette première division de l’Être en âme et matière est également désormais perpétuelle, nous sommes amenés à considérer qu’âme et matière sont coexistantes. L’âme et la matière sont des modalités l’une de l’autre, l’âme et la matière ne sont que des modalités de l’Être. Dans notre univers ou bitos en tout cas, la substance matérielle n’est que de la substance spirituelle modifiée, ou inversement la substance spirituelle n’est que de la substance matérielle contractée ou dilatée. D’après John Eccles (Évolution du cerveau), la conscience de soi fonctionnerait, elle aussi, selon les lois de la physique théorique. Rien ne permet d’affirmer au nom de la Science qu’il puisse exister une matière TOTALEMENT dénuée de psychisme, celui-ci n’étant pas mesurable, car non observable de l’extérieur. Nous ne pouvons observer que notre propre conscience et constater ainsi qu’il y a un rapport entre son intensité et le degré de complexité de notre comportement. Or, la physique moderne nous apprend que les éléments ultimes de la matière ne sont pas inertes, qu’ils sont doués d’énergie et de tendance attractive ou répulsive. ÉNERGIE + TENDANCE = COMPORTEMENT. Il n’y a pas de frontière définissable sur la trajectoire évolutive allant du simple au complexe, entre matière supposée totalement et arbitrairement dénuée de psychisme, et matière dite vivante. Il existe un infiniment petit dans le domaine des dimensions, des masses, des mesures du temps… Pourquoi pas dans celui de l’intensité psychique, puisque celle-ci peut varier ? Il peut sembler dérisoire d’établir logiquement un psychisme infime dans une particule atomique puisque la différence entre l’infime et le zéro est bien négligeable ! En pratique c’est vrai, mais cela par contre a une grande importance philosophique. Ne pas admettre un soupçon de psychisme initial, inséparable de toute particule de matière, ce serait d’une part se mettre dans l’incapacité de situer l’endroit où devrait apparaître subitement, miraculeusement, le psychisme ; ce serait d’autre part établir une coupure radicale entre une matière « inerte » et la matière vivante, en aboutissant ainsi au DUALISME : matière d’un côté, âme de l’autre. Dualisme sur lequel s’appuient les religions judéo-chrétiennes et islamiques. À l’opposé du dualisme, nous autres très-sachants du XXIe siècle, nous sommes pour le MONISME. Un monisme ni matérialiste ni spiritualiste, mais les deux à la fois. Un monisme tout simplement naturaliste. Qui nous permet de concevoir l’évolution du niveau de la conscience sans être obligé d’avoir recours au miracle à partir d’un certain degré d’organisation de la substance cosmique (Bitos), impossible à situer. Vérité d’où découle, aveuglant de clarté, un axiome fondamental de la pensée druidique : « Aux choses divines on peut comparer les choses humaines » (Ausone).La mort entraîne la vie. Naissance du Bitos (de l’Univers).
Qu’y avait-il avant l’explosion initiale de l’œuf de serpent cosmique, il y a 20 milliards d’années ? Ainsi que nous l’avons vu, il est difficile de répondre à cette question. Le premier à tenter d’y répondre de façon précise, mais juste, fut le chanoine Le Maître en 1927. Pour beaucoup d’astrophysiciens modernes, il s’agit d’un vide quantique. C’est-à-dire un milieu où la matière n’est pas encore née, mais où circulent des particules de type positron, électron, antimatière. Particules seulement virtuelles, elles sont par conséquent instables. Il y aurait eu fluctuation du vide quantique, et c’est cette fluctuation du vide quantique qui serait à l’origine de notre univers physique. Passons donc maintenant à l’étude proprement dite de la matière de notre univers (la question de l’âme ou de l’esprit ne sera donc abordée qu’en filigrane dans cette étude) et en suivant l’exemple de nos druides modernes aux yeux rivés sur leurs télescopes, essayons de remonter le cours du temps. Voici comment ils voient aujourd’hui la naissance du Monde.
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NOUVEAU DRUIDISME.Big Bang ! Ce mot évocateur a été employé la première fois par un détracteur de la théorie, Fred Hoyle, en 1950. Lemaître lui parlait d’atome primitif ou d’œuf cosmique. On l’associe généralement à une explosion qui aurait engendré l’univers physique actuel. En fait, c’est une idée fausse, il est plus juste de parler d’expansion de l’univers. Cette explosion ou expansion de l’œuf cosmique originel est actuellement la limite au-delà de laquelle les scientifiques ne peuvent plus (et ne pourront peut-être jamais) observer, ou du moins estimer, l’état de l’univers. On ne connaît donc pas la cause de cette expansion-explosion ni son pourquoi. On nous dit que l’univers est infini. D’accord, mais qu’est-ce que l’infini dans un monde, celui dans lequel nous vivons, où tout est fini ? Avant de nous perdre dans ces questions philosophiques, revenons au monde du concret avec les connaissances que nous avons maintenant de cette explosion-expansion de l’œuf cosmique originel. IL Y A QUINZE MILLIARDS D’ANNÉES.N.B. Au passage. Ce chiffre « astronomique » est très loin des supputations des adeptes du dieu-ou-démiurge de la bible juive (6 ou 7 000 ans selon la Torah). Il se rapproche plutôt de ceux qui furent avancés par les spéculations hindoues (et donc probablement druidiques) ; dont les dieu-ou-démons furent apparemment plus inspirés que celui d’Abraham d’Isaac et de Jacob, en parlant de kalpa ou de maha kalpa, d’aiu – vieil irlandais aes/oes : vie, âge, monde – ou de setlocenia.
Selon Guth, l’émergence de processus physiques de hautes énergies peut expliquer l’apparition de l’univers physique il y a environ 10 à 15 milliards d’années. À partir d’une fluctuation quantique, l’univers, peut-être de la grosseur d’une particule à huit dimensions ou plus ; dont quatre seraient celles que nous connaissons : trois d’espace (longueur, largeur, hauteur) et une de temps, les quatre autres étant restées repliées dans les forces (théorie des supercordes) ; l’univers ou bitos donc, aurait surgi spontanément du vide (sorte d’œuf cosmique ou micro-trou blanc), le temps et l’espace s’étant déployés concomitamment.
L’astrophysicien Trinh Xuan Thuan pense que notre univers, qui comporte aujourd’hui des dizaines de milliards de galaxies, n’aurait été alors qu’une minuscule bulle perdue dans un méta-univers des dizaines de millions ou de milliards de fois plus grand.
Ce méta-univers aurait fait lui-même partie d’une quantité innombrable d’autres méta-univers apparus pendant la période d’inflation du Grand Boum et qui auraient donné naissance simultanément chacun à des myriades de mondes. Analogues au nôtre ou différents, mais qui nous seront toujours inconnaissables.
En se fondant sur la théorie de l’inflation, des physiciens pensent que c’est par hasard que notre univers aurait donné lieu à l’apparition de la vie et de la conscience, du fait de l’existence de conditions et constantes physiques favorables. Alors que la plupart des autres univers seraient stériles. Mais rien ne prouve qu’il en est ainsi. Certains scientifiques ont émis l’idée que l’univers serait auto-reproducteur, une sorte d’énorme mousse fractale qui se régénérerait en permanence. Il se composerait de nombreuses bulles lesquelles engendreraient ensuite d’autres bulles et cela indéfiniment. L’univers serait éternel et la vie apparaîtrait sous toutes les formes possibles (Andreï Linde de l’université de Stanford). Il existe probablement d’autres mondes, que l’on pourrait appeler anti-univers du fait de leurs caractéristiques, inverses de celles que nous connaissons. Au début de la formation de l’univers, celui-ci comportait à la fois des particules de matière et d’antimatière (antiparticules). La différence tient au fait que les antiparticules ont une charge de signe opposé à celui des particules. Un électron a une charge négative, alors qu’un antiélectron, appelé positron, est positif. Leur rencontre provoque une annihilation réciproque. À l’origine, les particules étaient un peu plus nombreuses que les antiparticules (une de plus pour un milliard dans chaque camp ou moins, selon les auteurs). Après une annihilation généralisée, seules les particules de matière en surnombre ont survécu et ont constitué notre univers, les antiparticules étant pratiquement absentes. Il est possible que d’autres univers aient connu la situation inverse. Mais revenons aux hypothèses classiques en la matière c’est le cas de dire.
T = zéro. Fluctuation du vide quantique : l’œuf cosmique (« l’œuf du serpent »), résidu concentré des restes de l’Univers précédent. On ne connaît pas sa taille, certains parlent d’une « tête d’épingle » hyperconcentrée.
Cet « œuf de serpent » est un symbole, certes, imagé, mais tout à fait similaire à celui du serpent d’Éternité à l’origine de chaque grande ère cosmique quand il crache le feu, et appelé
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Ananta dans la mythologie hindoue. Ananta est le serpent qui porte Vishnou, et c’est lui qui fait surgir l’œuf du monde ou Brahmanda, par barattage des eaux cosmiques primordiales : le néant ou vide quantique. Le symbolisme de l’œuf est évident. Il est l’Unité concentrée. Mais il n’est pas l’origine. Car il ne peut y avoir d’origine absolue. L’œuf est sécrété par les serpents qui représentent les énergies antérieures en action et qui, à un moment de l’histoire de l’univers, cessent leur évolution pour entreprendre leur involution, leur concentration. L’œuf va pouvoir libérer des énergies nouvelles, qui vont à leur tour se déployer, pour recommencer leur involution et produire un autre œuf, et ainsi de suite, éternellement. Il est logique d’envisager un point originel où toutes les perfections secondaires et fragmentaires, voire éparpillées, de ce monde, étaient métamorphiquement unies pour constituer, par leur réunion même la perfection Unique et Totale. Ce point « ogham » de l’espace (pour reprendre la terminologie employée par Henri Lizeray), ce sommet, cette synthèse, cet atome primitif, que le Druidisme moderne appelle Dieu sans autre nom supplémentaire, on peut considérer que c’était cet œuf cosmique avant son explosion. Rien ne prouve que ces deux existants ne soient pas toujours associés l’un à l’autre, mais scientifiquement parlant, l’union de fait entre l’âme et la matière est une interaction positive. C’est pour ainsi dire une 5e dimension caractéristique, ayant ses lois propres qui ne sont plus, ou pas encore, celles de la matière ni de l’âme. L’œuf cosmique originel était donc autre chose qu’une simple addition d’âme et de matière. Rien ne prouve que ces deux existants ne soient pas toujours associés l’un à l’autre, mais scientifiquement parlant, l’union de fait entre l’âme et la matière est une interaction positive. C’est pour ainsi dire une 5e dimension caractéristique, ayant ses lois propres qui ne sont plus, ou pas encore, celles de la matière ni de l’âme. L’œuf cosmique originel était donc autre chose qu’une simple addition d’âme et de matière. Mais revenons à nos moutons…Que disent les « très-sachants » modernes à propos de l’œuf de serpent cosmique de nos ancêtres ? Que trouvent-ils au bout de leurs équations dans cet œuf ? L’origine, c’est l’ère de Planck ou le règne de la superforce et des supercordes. Le temps, l’espace, la lumière et l’énergie sont indissociablement mêlés. Les lois de la physique actuelle n’existent pas encore. Le temps n’existe donc pas en soi (il n’est qu’une notion relative propre au monde de la manifestation). Le temps sera un des premiers éléments issus de cette explosion. Il est même concomitant à cette explosion/expansion initiale.
Il s’agit donc là d’une des premières frontières de toute connaissance humaine, on n’a aucun moyen de savoir ce qui se passait AVANT. Les plus puissantes théories qui décrivent le monde se confondent ou divergent. Les certitudes vacillent. Une seule superforce (la super-gravité) aurait régné en maître sur les prémices de l’Univers. Puis, apparaîtront les quatre forces fondamentales qui agissent sur la matière : gravité, force nucléaire faible, force nucléaire forte, et enfin électromagnétisme. Des densités et des températures infinies. L’œuf de serpent cosmique a explosé, après tout ira très vite.
Les druides astrophysiciens actuels, croient en l’existence d’une unité, « d’un quantum » de temps, faisant 10-43 seconde. 10-43 seconde = 0,000000000000000000000000000000000000000000001 seconde (soit 42 zéros après la virgule). La naissance de l’univers aurait coïncidé avec ce premier quantum de temps.
T + 10-43 seconde. C’est l’ère de la grande unification des forces. La gravité sera la première des quatre forces (gravité, force nucléaire faible, force nucléaire forte et force électromagnétique) à se séparer de la super-force originelle. Les ondes gravitationnelles ont envahi le cosmos à l’aube des temps, mais le lointain écho de leur murmure n’a encore jamais été décelé par un instrument terrestre. La super-force s’est transformée en une force nouvelle appelée force électronucléaire. Celle-ci fédère les forces nucléaires faible et forte, ainsi que l’interaction électromagnétique.
Après cette explosion donc… Un ensemble de particules élémentaires (que l’on n’a pas encore pu décomposer plus finement) qui composent la soupe originelle : électrons (grains électriques), photons (lumière), autres (quarks…), ainsi que leur équivalent de charge opposée. Très vite, la plupart des éléments s’annihilent avec leur antiparticule, en donnant de l’énergie. L’Histoire aurait pu s’arrêter là, si la nature n’avait pas eu apparemment une toute petite préférence pour la matière : une particule sur un milliard n’a pas eu son antiparticule !
En quelques picosecondes, en quelques fractions de seconde, cette énergie va devenir matière (comme nous allons le voir). La température est de l’ordre de 100 000 milliards de milliards de degrés centigrades. Ces températures sont tellement élevées que notre matière actuelle, à base de protons, de neutrons et d’électrons, ne peut pas encore exister. À ce stade température et densité sont encore telles que non seulement relativité ainsi que gravitation doivent être prises en compte, mais aussi une théorie quantique de la gravitation,
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théorie qui n’en est à l’heure actuelle qu’à ses balbutiements. Les premières conclusions que l’on peut en déduire sont donc seulement provisoires et très peu assurées ; de sorte que l’honnêteté la plus élémentaire est de se garder de toute affirmation par trop catégorique. Les conséquences possibles d’une telle « ère quantique » dans laquelle les notions communes d’espace et de temps prennent un sens un peu flou ; et où les concepts les plus usuels (la causalité par exemple) sont très difficiles à mettre en œuvre, à élaborer, voire à comprendre ; sont cependant passionnantes à étudier.L’univers actuel résulte donc de l’explosion il y a plusieurs milliards d’années (15 ou 20) de cet amas de matière extraordinairement dense. L’explosion aurait duré moins d’un centième de seconde. En un point « ogham » (éabadh) du néant à peine gros comme un œuf, soudain une fantastique concentration d’énergie, un fantastique déferlement d’énergie !
L’Univers est né, le temps et l’espace aussi du même coup.
Au début de l’explosion, l’univers était presque entièrement constitué de rayonnements, et bien qu’encore très petit, cet univers naissant aurait eu alors une densité des milliards de fois supérieure à celle du plomb. Une densité inouïe : tout notre univers aurait alors tenu dans un dé à coudre.
La température aurait atteint les 100 000 milliards de milliards de degrés centigrades avant de retomber très vite à seulement 100 milliards de degrés. Tous ces événements se déroulent dans un continuum spatio-temporel à quatre dimensions, non encore rompu, de sorte que l’univers ou bitos était illimité. Aucune lumière ne le parcourait puisque les grains de lumière, les photons, n’existaient pas encore, ou plus exactement étaient encore absorbés par les particules. La substance de l’univers était représentée par des particules lourdes, placées sous l’égide de continuelles transformations masse-énergie. Alors, sur une durée extraordinairement courte, l’univers connut plusieurs phases, qui lui valurent autant de visages très différents. C’est à cette époque que les forces fondamentales qui étaient unies jusque alors, apparurent.
T + 10-36 seconde après l’explosion c’est-à-dire 0,000000000000000000000000000000000001 seconde (soit 35 zéros après la virgule). La température descend à quelques milliards de degrés centigrades seulement. Dans cet univers primitif, les énergies qui permettaient de maintenir unies les trois forces fondamentales commencent à être dépassées. La force nucléaire se sépare en deux, la faible et la forte. De véritables guerres de particules se déroulent, dont finiront par sortir victorieux les actuels constituants de notre matière. À ce moment-là sont produits ce que l’on appelle des monopôles (des charges magnétiques), impossibles à obtenir en laboratoire (ils sont trop lourds). Formation des neutrinos, des photons, des électrons.
T + un millionième de seconde après l’explosion. Les premières « briques » élémentaires de la matière que nous connaissons commencent à apparaître.
T + un cent-millième de seconde après l’explosion. On va passer alors d’une phase de quarks à une phase d’hadrons. Une telle transition de phase est généralement accompagnée de fortes fluctuations de densité, qui peuvent donner lieu à des micro-trous noirs, à des étoiles d’un type encore inconnu, et fournir diverses modifications au modèle. Les particules élémentaires à interactions fortes (les hadrons : protons, neutrons) ont encore une densité telle, qu’elles sont toujours en contact. Ces hadrons, qui sont constitués de quarks, particules ponctuelles, n’ont encore aucune individualité, la matière constituant l’univers est donc toujours en fait composée de quarks ou des diverses autres particules que nous venons de voir (neutrinos, photons, électrons, etc.). L’Univers est toujours un véritable chaudron de sorcière. Il s’agit d’une soupe d’énergie pure brûlante (grains d’électricité ainsi que de lumière, neutrinos impalpables, particules élémentaires en tous genres, follement excitées, qui entrent en collision, s’annihilent, se recréent, selon des lois physiques aujourd’hui presque élucidées). Les variations permanentes de la pression et de la température entraînent des modifications des particules élémentaires de matière et d’énergie. L’Univers devient de plus en plus instable, et il se met à enfler rapidement.
T + une seconde après l’explosion. La matière prend le pas sur l’antimatière. Dans un furieux élan de destruction, la matière bénéficie d’un léger excès de force qui lui fait anéantir sa sœur ennemie. Les particules et leurs antiparticules s’annihilent et se transforment en pure énergie. Problème : pourquoi la matière et l’antimatière n’étaient-elles pas apparues en quantités rigoureusement égales au départ ? Comment la première a-t-elle pris le dessus sur son double ? Vaste question qui met en jeu l’unité de la physique et des recherches de pointe. La matière commence alors à se disperser, à s’éloigner du point « ogham » initial. C’est le début de l’expansion de l’Univers… qui n’est d’ailleurs toujours pas terminée. La température chute
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de plusieurs milliards de degrés par milliardième de seconde. Une seconde après l’explosion initiale, la température est en effet tombée à « seulement » 6 milliards de degrés centigrades et l’univers s’est déjà considérablement étendu dans l’espace. Quelques secondes après l’explosion, il atteint en effet un rayon de l’ordre du million de kilomètres, autrement dit, les dimensions d’une grosse étoile actuelle. Des réactions nucléaires spontanées se produisent. La chute vertigineuse de la densité permet à des électrons de tourner autour des noyaux atomiques. Formation des noyaux d’atomes légers. Naissance des protons, les noyaux de l’atome d’hydrogène. Ce sont donc les premiers embryons de matière qui apparaissent et qui viennent en quelque sorte « souiller » l’énergie pure de l’explosion initiale.T + trois minutes après l’explosion. Trois minutes plus tard, la température tombe à un milliard de degrés centigrades seulement, point suffisamment bas pour que protons et neutrons commencent à s’assembler, constituant ainsi la première vraie matière de l’univers. Protons, électrons et neutrons s’unissent pour donner des atomes d’hydrogène. Des réactions nucléaires spontanées se produisent, réactions au cours desquelles des protons et des neutrons fusionnent pour donner de l’hélium, le second constituant du cosmos après l’hydrogène. Hydrogène et hélium constituent 99 % de notre matière.
T + cinq minutes après l’explosion. Poursuite de cette folle expansion et de la chute de température afférente à cette formidable déconcentration. L’Univers s’étend et se refroidit, mais plus lentement. Alors et alors seulement jaillit la lumière.
T + 300 000 ans après l’explosion. La température de l’Univers étant tombée en dessous de 5 000 degrés, les électrons se satellisent autour des protons pour donner des atomes. Nous sommes entrés dans l’ère de la matière et des premiers atomes (pour former des atomes, il faut que des noyaux et des électrons s’unissent).
T + 500 000 ans après l’explosion. L’hydrogène et l’hélium se regroupent en grumeaux géants.
T + un million d’années après l’explosion. La température tombe à 3 000 degrés. Quelques centaines de millions d’années après l’explosion de cet œuf cosmique, alors que, amorçant à peine son expansion, l’univers fait tout juste le dixième de ce qu’il fait aujourd’hui, apparaissent les premiers quasars ; ancêtres des galaxies et autres amas d’étoiles connus sous ce nom. Sortes de concentrés d’étoiles ou de galaxies, les quasars représentent un des stades les plus anciens de la matière organisée.
T + trois milliards d’années après l’explosion. Jusque-là, la mixture cosmique apparaissait lisse… Mais, à bien y regarder, elle comporte déjà, çà et là, quelques frêles grumeaux. Ce sont les résidus des ondes gravitationnelles et des fluctuations quantiques primordiales. Autour de ces noyaux primitifs, la matière noire, puis les galaxies, vont s’agglutiner. Les étoiles individuelles s’allument. Parallèlement, les amas et les superamas entrent en scène. Ils se condensent. Ils dessinent comme d’immenses structures de filaments, feuillets, murs, tentures, ou bulles séparées par des vides. Les galaxies se groupent sur cette trame et y évoluent. Des formes spiralées ou elliptiques apparaissent. Elles se frôlent, se heurtent, et flambent en brusques bouffées d’activité. Sept milliards d’années après le grand boum, la formation d’étoiles battait son plein. De nos jours, la Voie lactée n’accouche plus guère que d’une étoile par an.
Naissance, vie et mort des étoiles. Le cycle de condensation, d’évolution puis de mort des étoiles s’installe. Il anime toutes les galaxies. Des nuages de gaz froids et denses se contractent. Sous l’action de la gravité, ils s’effondrent sur eux-mêmes et donnent naissance à des objets lumineux enrobés d’un cocon gazeux. Les étoiles sont nées. Elles brillent du feu de la fusion thermonucléaire qui chauffe leur cœur. Dans ce brasier sont constitués les éléments chimiques qui s’en iront enrichir et ensemencer le cosmos. Le carbone, l’azote et l’oxygène, sont essentiels à la vie dans l’Univers. Ils proviennent de ces astres. Plus tard, les étoiles mourront. Elles se dilateront sous forme de géantes, s’éteindront comme de faibles naines, ou exploseront en supernovas cataclysmiques, qui donnent des étoiles à neutrons et des trous noirs. Ainsi fonctionne le moteur qui régit l’évolution des galaxies. Depuis l’univers n’a cessé à la fois de s’agrandir – il est en expansion continue – et de se refroidir, s’étendant à l’infini à partir de son point « ogham » * ou éabadh initial.
* Terminologie d’Henri Lizeray.
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HISTOIRE DE LA TERRE ET DE LA VIE.Pour le jaïnisme, le monde terrestre ou monde médian (madhya-loka en sanscrit, * medio-magos ou * medio-dumnon dans les premières cosmogonies druidiques) ressemblait à un disque. Au-dessous un monde inférieur à sept étages (adho-Loka en sanscrit, * andero-dumnon ou * andero-dubnon dans les premières cosmogonies druidiques). Au-dessus un monde supérieur à 12+9+5 étages (urdhva-loka en sanscrit, * albio-bitos, y compris * vindo-bitos, dans les premières cosmogonies druidiques).
Voilà sans doute le véritable sens de la seule peur que l’on attribue (traditionnellement) aux Celtes, pour s’en moquer plus ou moins : que toutes ces parties du ciel ou des cieux leur tombent sur la tête.
Les druides ambassadeurs ont en effet manifesté leur croyance en cette conception du monde quand, au IVe siècle avant notre ère, ils ont répondu à Alexandre, qui leur demandait ce qu’ils craignaient le plus : « rien ni personne, excepté que le ciel tombe sur nous » (Strabon, livre VII, chapitre III).
LE NOUVEAU DRUIDISME ET L’HISTOIRE DES ORIGINES.
Tous les atomes complexes dont est constituée notre planète sont issus de l’explosion d’anciennes étoiles (notre planète est donc de 2e génération). Il y a cinq milliards d’années, un nuage de gaz et de poussières de notre galaxie s’est contracté en un corps céleste dont la température s’est élevée à plusieurs millions de degrés. Une étoile s’est ainsi formée (notre soleil), et le reste de la matière s’est dispersé en un disque dont les éléments les plus lourds se sont peu à peu rassemblés. Ainsi sont nées les planètes Mercure, Vénus, Terre et Mars, dont les corps se sont lentement organisés, avec un noyau central, un manteau et une croûte superficielle. On admet en effet que la Terre s’est formée il y a environ 4,6 milliards d’années. Au début, notre planète était une boule incandescente aux environs de 3 000 degrés centigrades d’où s’échappaient des gaz toxiques : aucune vie n’était possible.
Les éléments de contrôle faisant défaut, nous nous bornerons ici à considérer le moment à partir duquel fut constituée l’écorce, par solidification superficielle de la masse en fusion à laquelle on assimile le globe primitif. C’est l’hypothèse la plus plausible, et la formation de l’écorce à la manière d’une scorie, d’abord mince et fragile, puis gagnant progressivement de l’importance, serait le résultat d’un refroidissement lent et continu.
Partant de cette notion, on peut s’expliquer qu’une telle carapace se soit épaissie par la suite, vu le manque d’homogénéité résultant des multiples réactions des deux éléments (solide et pâteux) superposés ainsi ; et que finalement ces réactions aient été les causes principales des grands phénomènes géographiques.
Depuis 1924 (avec notamment Alfred Wegener, géophysicien allemand né en 1880, décédé en 1930), on sait que cette croûte terrestre est en réalité composée d’une mosaïque de plaques tectoniques, dont la mobilité provoque certaines réactions de l’écorce terrestre. La surface de la Terre est fragmentée en une douzaine de plaques rigides (dont six très grandes), qui dérivent très très lentement, un peu comme des icebergs sur l’Océan. D’après Wegener, les masses continentales auraient été primitivement réunies en un vaste bloc, la Pangée, flottant sur le magma sous-jacent. Des phénomènes de rupture les ayant séparées (longtemps après leur formation), elles partirent alors à la dérive, entraînées par divers mouvements.
Il y a 400 millions d’années, les continents étaient encore soudés en un seul bloc se couvrant peu à peu de végétation. Cette Pangée sera travaillée par des orogenèses c’est-à-dire des formations de montagnes (il y a 400 millions d’années : plissement « calédonien » de la fin du Silurien, plissement « hercynien » du carbonifère, etc.). Au Permien, dernière période de l’ère primaire qui succède au Carbonifère, à partir de – 280 millions d’années, le climat devenu plus sec sur cette Pangée favorisera l’expansion des reptiles, comme nous le verrons tout à l’heure. Les végétaux deviendront plus rares et s’adapteront à ce nouveau climat. Certains groupes marins comme les trilobites, par contre, disparaîtront. Il y a 180 millions d’années environ, la Pangée s’est divisée en deux. L’Hyperborée (continent comprenant l’Asie centrale, l’Europe et l’Amérique du Nord) et la Gondwanie ou Gondwana (continent comprenant l’Afrique, l’Arabie, l’Antarctique, Madagascar et l’Amérique du Sud). Entre les deux un océan nommé Téthys. L’apparition de l’Atlantique il y a 120 millions d’années disloquera le
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Gondwana en trois sous-continents séparés par une fracture de l’écorce terrestre en Y : l’Inde, l’Australie-Antarctique et l’Amérique du Sud/Afrique.Ensuite il y eut.
— Au Crétacé inférieur séparation du bloc Afrique-Amérique du Sud, par apparition de l’Atlantique Sud ; ainsi que dissociation de l’Australie et de l’Antarctique.
— Au Crétacé supérieur il y a environ 135 millions d’années, l’Hyperborée commença elle-même à être démembrée en deux sous-blocs, avec l’apparition de l’Atlantique Nord : Amérique du Nord d’un côté et Eurasie de l’autre.
— Au Tertiaire, liaison entre les deux Amériques, collision de l’Inde (du Deccan) avec l’Asie (d’où l’apparition de l’Himalaya) et collision de l’Afrique avec l’Eurasie (d’où les Alpes, l’Atlas, etc.).
L’ARBRE DE VIE (EN FAIT PLUS PRÉCISÉMENT UN BUISSON) : les origines de la vie, terrestre.
On peut découvrir au fil des pages du Livre de Kells un large éventail d’enluminures faites d’entrelacs, de lettrines ornées et de dessins multicolores. Les textes rédigés en semi-onciale insulaire sont illustrés de multiples symboles, décorés de maints motifs mystiques et chimériques. L’auteur y reprend un thème très largement répandu dans le graphisme celte, le développement d’une plante ligneuse sortant d’un vase… représentant l’arbre de vie, agrémenté des sept groupes d’êtres vivants que reconnaissaient les anciens très-sachant : plantes, insectes, poissons, reptiles, oiseaux, autres animaux et l’homme. Ce livre contient également quelques illustrations humoristiques. C’est ainsi qu’on peut y voir par exemple en pleine page, un chat poursuivant une souris voleuse d’hostie…
Il y a aussi dans la cathédrale de Chartres (en France) un chapiteau roman où l’on voit surgir de la pierre (le fût de la colonne ayant succédé à l’arbre originel) une plante qui se fait manger par un animal ; qui se transforme lui-même en homme. Même chose à Saint-Benoît-sur-Loire où un chapiteau nous montre les liens unissant l’homme, l’animal et la plante.
Mais que nous disent plus précisément les druides modernes à propos de l’origine de la vie ?
La vie ne peut pas exister dans la fournaise des étoiles, pas plus que dans le vide cosmique, mais sur des planètes ni trop chaudes ni trop froides. On a longtemps cru que les molécules organiques, même assez simples, comme l’alcool, le cholestérol, l’urée, ne pouvaient être produites que par des êtres vivants. Aujourd’hui on sait qu’il n’en est rien, et que c’est sans doute le contraire : la vie s’est probablement construite par accumulation de ces « briques » de vie élémentaire, apparues spontanément. La vie n’est pas apparue d’un coup de baguette magique. Elle s’est installée au hasard de réactions chimiques en permettant d’abord à certaines molécules de se reproduire et de se développer, aux dépens d’autres éléments chimiques, puis en fournissant ces propriétés aux cellules. Mais au fait qu’est-ce que la vie ? On ne peut y voir qu’une série de simples réactions chimiques qui, dans un ordre donné précis, et avec consommation d’énergie, permettent une reproduction, un développement et une croissance, tout en s’adaptant aux modifications du milieu extérieur. Mais reconnaissons que le résultat est un peu « magique » !
Le contexte.
Quand la Terre s’est formée, en même temps que l’ensemble du système solaire, les particules les plus lourdes ont constitué le cœur de notre planète, tandis que les molécules les plus légères sont restées en périphérie. En raison de sa masse, la Terre n’a pu retenir les gaz comme l’hélium et l’hydrogène qui se sont dispersés dans l’espace (seules les planètes gazeuses comme Jupiter avaient une masse suffisante). Les gaz qui ont constitué la première atmosphère ont deux origines différentes. Les poussières, et autres rochers, attirés sur la Terre par gravité, apportèrent de la vapeur d’eau. Cette vapeur, libérée lors de l’impact, s’est répandue à la surface de la planète. Les molécules simples (formées de carbone, d’hydrogène, d’oxygène et d’azote), en s’éloignant du Soleil, se sont associées pour former des molécules plus complexes et moins réactives. Ces gaz ont été en partie attirés par la Terre. Des roches, encore en fusion, et de nombreux volcans, se sont échappés aussi des gaz de même nature. Ainsi, la planète s’est-elle habillée peu à peu d’une atmosphère dense et relativement épaisse. La composition de l’atmosphère primitive prête encore à de vives discussions dans les milieux scientifiques. Pour certains, elle était surtout formée d’ammoniac (NH3), de méthane (CH4), de gaz carbonique (CO2) et d’eau (H2O). Mais actuellement la majorité des scientifiques pensent plutôt que cette composition était plus simplement à base de CO2, d’azote moléculaire (N2) et sous forme de nitrites (NOx), d’un peu d’hydrogène
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moléculaire (H2) et de beaucoup de vapeur d’eau. En plus de ces gaz, il faut noter la présence importante d’hydrogène sulfuré (H2S), de formaldéhyde et de cyanure d’hydrogène (HCN). Autant dire que ça ne sentait pas la rose ! Avec le refroidissement global de la Terre, l’eau, toujours sous forme de vapeur, va se condenser donc entraîner des pluies torrentielles (qui seraient à l’origine des océans !) La Terre ressemble alors à Vénus. En effet, vue de l’espace, notre planète ne présente alors qu’une épaisse couche de nuages agités par de violents mouvements cycloniques. L’effet de serre, dû à la teneur élevée en gaz carbonique (ou en méthane), maintient un climat très chaud, mais aussi très stable, sur une grande partie de la planète. Il compense également un Soleil encore pâle et peu chaud (qui ne rayonne que 75 % de son énergie actuelle). L’absence d’oxygène gazeux, et donc d’ozone, permet l’agression des molécules de l’atmosphère et de la surface des océans par les rayonnements ultraviolets du Soleil. Les pluies torrentielles ont eu d’autres effets que de remplir les mers et les océans, l’érosion et le lessivage des sols ont apporté aux océans des quantités très importantes de molécules diverses pour former la « soupe nutritive ». Les continents n’étaient alors recouverts que de sable et d’argile issus de l’érosion des roches primitives. D’autres sources d’enrichissement des océans sont le volcanisme sous-marin et l’hydrothermalisme (où l’eau qui s’est infiltrée dans les profondeurs de la terre, remonte chargée en minéraux sous l’effet de la chaleur). En raison de toutes ces substances dissoutes (dont beaucoup de fer, sous forme ferreuse Fe2 +, de phosphate et d’H2S), l’eau devait être très acide, comme on peut le voir actuellement pour certains lacs volcaniques. Sa température n’était pas plus agréable, elle devait dépasser allègrement les 100 degrés centigrades (sans ébullition, car la pression atmosphérique était plus forte qu’actuellement). L’argile et les nombreux sels minéraux ou autres substances dissoutes provenant des continents et de l’atmosphère s’accumulent dans les eaux encore claires des océans. Bientôt toutes ces matières minérales saturent les eaux pour former la soupe primitive. C’est l’importance de ces quelques atomes (Carbone, Hydrogène, Oxygène, Azote, Phosphore et Soufre) dans la soupe primitive qui explique toutes les molécules organiques à venir.LE MODERNE CHAUDRON DE KERIDWEN.
La vie terrestre, consommatrice d’oxygène et de carbone, ne pouvait pas naître à l’air libre, car l’atmosphère de cette époque-là était dépourvue d’oxygène, et les rayons ultraviolets du soleil brûlaient la terre. En outre, il y avait aussi souvent des éruptions volcaniques. Par contre, dans l’eau protégée des radiations, tout était possible. L’expérience de Stanley Miller est à cet égard un grand classique. En 1952, ce célèbre chimiste enferma dans son chaudron de Keridwen (un ballon de verre) : du méthane, de l’ammoniac, de l’hydrogène, et de l’eau, considérés comme les constituants principaux de l’atmosphère terrestre primitive. Puis, avec des décharges électriques, il simula l’influence des rayonnements solaires et des orages qui devaient agiter cette atmosphère. Enfin, il ouvrit le ballon et il analysa : surprise ! Miller trouva dans son mélange, entre autres composés organiques complexes… des acides aminés semblables à ceux qui constituent nos gènes et nos enzymes. Sous l’action de diverses formes d’énergie, les matières minérales vont donc former les premières molécules organiques.
— La chaleur : issue des laves, sources hydrothermales et des rayonnements solaires, fournit une partie de l’énergie nécessaire à la transformation de matière minérale en matière organique, elle favorise également l’agitation moléculaire qui est essentielle aux rencontres et donc aux réactions.
— L’électricité : la foudre, provenant des mouvements atmosphériques, a participé à la création de nouvelles molécules.
— Le rayonnement UV : ces rayonnements solaires, très nocifs, ont permis de nombreuses synthèses de molécules organiques en rendant possible la libération d’électrons de certaines molécules, et leur utilisation dans les réactions biologiques.
Toutes les molécules ainsi formées ont été réunies dans l’océan primitif sous l’effet des pluies. Une fois dans l’eau, les molécules se sont trouvées protégées du rayonnement UV.
Ces rayons UV ont aussi une action destructrice envers des molécules peu stables ou longuement exposées (attention à un bronzage trop long !) Cette protection n’a lieu qu’à une certaine profondeur. Ceci a permis aux molécules de bénéficier d’un « gradient » d’énergie pour pouvoir s’associer (par hydrolyse ou grâce à la présence de catalyseurs comme la chaux). Des molécules organiques simples sont ainsi apparues à cette époque.
— Certains acides aminés (qui sont à l’origine des protéines).
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— Certains « oses », comme le ribose formé à partir du formaldéhyde (qui sont à la base des sucres ou glucides).— Certains acides gras (qui sont à l’origine des graisses ou lipides).
— D’autres molécules importantes comme les thioesters, formés à partir d’H2S, les bases puriques (comme l’adénine formée à partir d’HCN), puis certains nucléotides…
L’ÉVOLUTION DES ESPÈCES.
À l’échelle du temps humain, animaux et végétaux donnent l’impression d’une grande stabilité. Aussi, jusqu’au XVIIIe siècle, les savants ont-ils admis que la Terre avait toujours été peuplée de la même faune et de la même flore : c’était la doctrine fixiste de la Bible. Pour expliquer l’origine des espèces, les uns faisaient appel au créationnisme. Le monde vivant compte « autant d’espèces qu’il est sorti de couples des mains de Dieu ». D’autres invoquaient la génération spontanée. A priori, l’attitude fixiste n’est pas dénuée de logique : l’observation immédiate et limitée dans le temps montre qu’un chat naît d’un couple de chats, lui-même engendré par deux couples de chats, et ainsi de suite. Le fixisme est le corollaire naturel du créationnisme, lequel admet, à l’origine de l’existence des êtres vivants, l’action créatrice d’un pouvoir surhumain qui, d’emblée, les a fixés dans une forme définitive. On comprend que, dans un monde judéo-islamo-chrétien qui amalgamait théorie fixiste et foi, il fallait bien de la témérité pour énoncer une thèse évolutionniste aussi peu en accord avec les doctrines théologiques.
On peut résumer l’évolutionnisme comme suit. Les espèces se transforment avec le temps. Les formes actuelles dérivent de formes plus anciennes, plus simples, de sorte que le monde vivant subit une évolution progressive et continuelle. L’apparition du transformisme supposait que l’on eût conscience du temps géologique, mais aussi que l’on s’aperçût que l’ensemble des êtres vivants formait une série progressive, donc qu’on pouvait les classer. L’évolutionnisme est né du besoin de classer les animaux et les végétaux. L’Antiquité, qui ne connaît qu’un nombre très limité d’espèces vivantes, n’éprouve guère le besoin de classer. C’est à la Renaissance, lorsque les descriptions se multiplient, que l’on voit naître les premières vraies classifications. La théorie du transformisme de Buffon. Le Français Buffon (1707-1788) est un des premiers à s’être attaqué au problème en accumulant des preuves en faveur du « transformisme » (transformation progressive des êtres vivants, sous l’influence de leur milieu) ; même s’il n’en formule pas clairement le principe. Il conteste en particulier « l’âge biblique » de 7 000 ans, officiellement admis alors pour être celui de la Terre, et fait remonter les origines du monde à 70 000 ans (voire 500 000 ans, dans certaines de ses notes). « L’âne et le cheval sont-ils originairement de la même souche ? Sont-ils, comme le disent les nomenclatures, de la même famille ? » Buffon se rend bien compte que le mot famille dans ce cas est tout imprégné de l’idée de parenté. Remarquant très lucidement que répondre oui c’est admettre qu’Homme et Singe sont également de la même souche, le célèbre naturaliste recule devant l’audace de l’hypothèse. C’est Maupertuis (1698-1759) qui, le premier, en 1751, affirme l’évolutionnisme, en expliquant comment de deux seuls individus, la multiplication des espèces les plus dissemblables aurait pu s’ensuivre. Diderot (1713-1784) lui emboîte le pas. Plus tard Lamarck (1744-1829), professeur au Muséum, reprenant les idées des deux philosophes, ramènera le problème sur le plan scientifique et proposera une explication théorique du mécanisme de la transformation des espèces. Lamarck est donc le précurseur de la théorie de l’évolution selon laquelle les espèces se transforment au fil du temps. Exemple : le cou de la girafe s’est allongé peu à peu pour pouvoir atteindre les branches. Jean-Baptiste de Monet, chevalier de Lamarck, avait été militaire puis botaniste, lorsque le gouvernement français (en 1793) transformant le Jardin du Roi en Muséum national d’Histoire naturelle lui confia la chaire de zoologie des « Animaux sans vertèbre ». À cinquante ans Lamarck commence donc une carrière de zoologiste. Mais ce que l’on retient aujourd’hui de son œuvre, c’est l’énoncé de la première théorie évolutionniste. Les philosophes et les savants qui avaient, avant lui, soutenu l’idée transformiste avaient bien suggéré des explications pour en rendre compte ; mais Lamarck construit le premier système cohérent. La théorie lamarckienne fut exposée, principalement, dans la Philosophie zoologique (1809) et dans l’Histoire naturelle des animaux sans vertèbre (1815). En voici un résumé : l’apparition de formes vivantes de plus en plus complexes est due au pouvoir de la vie, propriété inhérente à la matière vivante sur laquelle Lamarck ne s’explique pas plus. C’est par ce pouvoir que s’est établie la progression qui va des micro-organismes (apparus par génération spontanée) à l’Homme. Si le pouvoir de la vie était seul à opérer, l’ensemble des êtres vivants dessinerait une série linéaire continue. C’est l’influence du milieu extérieur
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(que Lamarck appelle : les circonstances) qui fait que cette lignée se ramifie. Lamarck constate que les êtres vivants peuvent être classés selon une échelle de complexité croissante. Il ne peut l’expliquer autrement que par l’évolution qui mène les êtres les plus simples jusqu’à l’Homme. En 1809, il propose donc sans ambiguïté sa théorie, qui repose sur deux grands principes : l’existence chez tout organisme d’une tendance interne au perfectionnement ; la possibilité pour l’organisme de s’adapter aux conditions de son milieu. Mais la théorie de Lamarck passe pour ainsi dire inaperçue. Ses arguments ne sont pas toujours très convaincants, et il se heurte aux idées de cet autre grand savant français qu’est Georges Cuvier, un défenseur du fixisme.Pour Darwin le moteur de cette évolution des espèces, c’est la sélection naturelle. Un jour sont apparues des girafes au cou un peu plus long. Cet avantage ayant été alors sélectionné, le même phénomène a pu se reproduire à une autre époque et ainsi de suite, jusqu’à ce que les girafes aient un cou de la longueur actuelle. Ainsi, à partir de 1859, le transformisme conquiert-il le monde scientifique.
Entre 1930 et 1950, Theodosius Dobzhansky, Julian Huxley, Bernhard Rensch, Ernst Mayr et d’autres chercheurs ont élaboré une théorie plus globale de l’évolution (appelée théorie synthétique, ou néodarwinisme). Elle intègre les connaissances acquises depuis les travaux de Darwin, en particulier sur la génétique des populations. Une population constitue, au sein d’une espèce, un sous-ensemble dont les membres se reproduisent exclusivement entre eux, car ils sont séparés géographiquement des membres des autres populations. Il existe généralement une très grande diversité génétique au sein d’une population. Un bon exemple nous est donné par le pinson des cactus (Geospiza conirostris), vivant dans les îles Galapagos, chez lequel la taille et la forme du bec varient généralement de façon importante d’un individu à l’autre. L’année 1977 ayant été une année de forte sécheresse dans ces îles, caractérisée par une raréfaction de la nourriture habituelle des pinsons (petites graines, fruits déjà ouverts, insectes rampants) ; on a observé l’année suivante, une modification très nette dans la population des pinsons. La grande majorité des pinsons qui avaient survécu avaient en effet un bec plus gros ou plus pointu que la moyenne des pinsons vivant avant la sécheresse. La sélection naturelle avait favorisé les individus capables d’arracher les écorces pour trouver les insectes qui se cachent dessous, d’ouvrir les fruits des cactus, et de briser les graines les plus dures.
La paléontologie nous apprend que la vie est apparue voici quelque trois milliards d’années. Sous la forme de bactéries. Mais elle ne permet pas de savoir comment la « cellule » bactérienne est née de la matière inerte. Au XIXe siècle, le Français Louis Pasteur démontra que les micro-organismes ne pouvaient se former spontanément dans un milieu privé de germes vivants, et ses conclusions n’ont jamais été remises en question depuis. Que l’on ait pu croire à la génération spontanée d’une cellule au temps où l’on pensait qu’elle n’était qu’un grumeau protéique et où l’on imaginait qu’une simple molécule d’albumine était capable de métabolisme se comprend. Mais aujourd’hui que l’on sait la complexité de l’infrastructure cellulaire, la chose serait contraire à la raison. N’y a-t-il pas alors contradiction entre cette expérience de Pasteur et la théorie évolutionniste ? Non ! Louis Pasteur a démontré que l’apparition de générations spontanées s’avérait impossible à notre époque, mais dans un autre environnement physico-chimique, comme celui de la Terre il y a quelques milliards d’années, cela était différent. La géologie et l’astrophysique nous enseignent que, il y a environ quatre milliards d’années, l’atmosphère terrestre était composée de vapeur d’eau (H2O), de méthane (CH4), de gaz carbonique (CO2), de monoxyde de carbone (CO), d’ammoniac (NH3), d’azote (N2) ; et enfin d’hydrogène sulfuré (H2S). L’absence d’oxygène interdit la présence d’une couche d’ozone en haute altitude. Les rayonnements ultraviolets émis par le Soleil atteignent alors tous la surface du globe et fournissent l’énergie nécessaire à la synthèse d’un grand nombre de molécules organiques à partir des composants de l’atmosphère. Oparine a complété la thèse évolutionniste en imaginant donc, entre le minéral et le vivant autotrophe, une série d’étapes. D’autres savants ont suivi et la conception s’est perfectionnée.
Stanley Miller et Harold Clayton Urey en 1952, ont démontré avec leur moderne chaudron de Keriwen que cette synthèse est possible en soumettant un mélange de gaz inspiré de cette atmosphère primitive, à des décharges électriques. La plupart des acides aminés qui existent dans les protéines des êtres vivants sont ainsi expérimentalement obtenus. Actuellement, on connaît une grande partie des réponses au problème de la synthèse prébiologique des acides aminés, des sucres, des bases organiques, des lipides et des phosphates nécessaires à l’apparition de la vie sur la Terre primitive. Différents modèles théoriques permettent
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d’expliquer l’évolution jusqu’aux cyanobactéries, qui sont les plus anciens organismes vivants, puisqu’elles ont été trouvées dans des terrains datés de près de trois milliards et demi d’années.La synthèse des substances organiques simples, acides aminés, sucres, bases azotées, qui résulte de l’action du rayonnement ultraviolet sur l’atmosphère primitive, peut surprendre. Elle s’appuie pourtant sur de multiples considérations. La haute atmosphère de la Terre contient de l’hydrogène qui se dissipe lentement dans l’espace, par suite de l’insuffisance de l’attraction terrestre. Les grosses planètes du système solaire ont une atmosphère faite de méthane et d’ammoniac. L’hydrogène, qui est le constituant principal du système solaire, aurait été progressivement perdu par les petites planètes. Ensuite ces substances se polymérisent en protéines, amidon, acides nucléiques, qui se concentrent en gouttelettes (coacervats) dans lesquelles s’amorcent les réactions métaboliques sous l’action de catalyseurs métalliques. L’apparition des enzymes, par complication de la structure des protéines, active le métabolisme. Ce stade correspond à la naissance du premier organisme hétérotrophe anaérobie. Entre catalyseurs minéraux et enzymes, on peut imaginer des stades intermédiaires. Ainsi la catalase, qui décompose l’eau oxygénée, s’avère-t-elle constituée d’une protéine et d’une molécule d’hème avec un atome de fer au centre. Or l’enzyme est dix millions de fois plus active que l’hème isolé, lui-même mille fois plus actif qu’une molécule de fer hydraté. L’hème, molécule assez simple, a pu servir de catalyseur.
La cellule, premier être vivant.
La vie sur Terre est peut-être apparue bien plus tôt qu’on ne le pensait. D’après certains chercheurs, la vie serait apparue sur notre planète, il y a environ quatre milliards d’années. Mais cette thèse est encore très discutée. Ce qui est sûr par contre, c’est que l’on en a découvert des traces infimes dans un gisement de fer du sud-ouest du Groenland, dont la roche, la plus ancienne roche sédimentaire connue, contenait un mélange de carbones. Or il n’a pu être produit que par des organismes vivants, il y a 3,85 milliards d’années. Des chercheurs ont affirmé dans la revue Nature avoir découvert des micro-organismes fossiles qui auraient entre 3,77 et 4,29 milliards d’années, soit seulement quelques centaines de millions d’années de moins que notre planète, qui s’est formée il y a 4,567 milliards d’années. Les scientifiques ont mis en évidence ces microfossiles dans des couches de quartz du site géologique de la ceinture de roche verte de Nuvvuagittuq, au nord-est du Québec. Cet affleurement est réputé pour abriter la plus vieille roche connue (4,29 milliards d’années). Grâce à des images laser des échantillons prélevés, nous avons pu identifier des microfossiles, qui sont les plus vieux connus au monde, a déclaré Matthew Dodd, du Collège Universitaire de Londres dans une vidéo postée sur le site de la revue. En diamètre ils font la moitié de celui d’un cheveu humain. En longueur, ils mesurent jusqu’à un demi-millimètre. Pour rester prudents, les scientifiques ont donné à ces micro-organismes un âge minimum de 3,77 milliards d’années. C’est déjà 300 millions d’années de plus que les plus vieux microfossiles connus jusqu’à présent, qui ont été trouvés en Australie et sont âgés de 3,460 milliards d’années. Les microfossiles se sont formés au fond de la mer, à proximité de « cheminées hydrothermales », qui réchauffent les eaux et sont le fruit de l’activité volcanique, soulignent les chercheurs.
On a pu observer dans un gisement australien les étapes de la division d’une cellule. Une reproduction fossile en quelque sorte, et l’on peut donc faire remonter à 3,80 milliards d’années les premiers signes de vie incontestables. Les bactéries sont apparues sur Terre, il y a 3,7 milliards d’années. Par leur activité elles ont donc formé notre atmosphère, notre terre (falaises de craie, gisements minéraux) et ce sont elles qui ont doté notre planète d’oxygène. La plus ancienne bactérie connue, qui mesure moins d’un millième de millimètre, a été trouvée dans un gisement d’Afrique du Sud qui date de 3,2 milliards d’années. Les cellules les plus simples ne possèdent pas de noyau : ce sont les bactéries et les algues bleues (cyanophycées). Peut-être sont-elles apparues dans les eaux chaudes qui jaillissent des fonds sous-marins. Ces organismes minuscules peuvent être retrouvés à l’état fossile. Les plus anciennes productions organiques reconnues sont des masses calcaires de formes variables, nommées stromatolites, et que l’on attribue à l’activité de bactéries et d’algues bleues. On en connaît au Zimbabwe dont l’âge dépasse 2 500 millions d’années. D’une époque plus récente (2 000 à 1 000 millions d’années) on connaît en Finlande un anthracite (appelé shungite) dont l’origine organique est attestée par un rapport C12/C13 élevé. L’Ontario a fourni, dans un silex, des algues (peut-être aussi des champignons inférieurs).
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La fin du précambrien (1 000 à 600 millions d’années) verra donc se multiplier les stromatolites qui forment de véritables récifs. À l’approche du Cambrien les animaux pluricellulaires (métazoaires) : annélides, brachiopodes, peut-être méduses, les rejoindront.
— 680 millions d’années. L’évolution a fait un bond décisif. Des cellules jusque-là isolées s’associent pour former les premiers organismes pluricellulaires (métaphytes ou métazoaires). Quelques-uns subsistent encore aujourd’hui sans avoir véritablement évolué, telles les algues, végétaux aquatiques sans racine, sans vaisseau, sans feuille et sans fleur (une algue de 680 millions d’années a été découverte dans le sud de la Chine). L’Homme est d’ailleurs également un métazoaire. Son corps n’est qu’une association perfectionnée de plusieurs milliards de cellules.
Le monde aquatique est peu à peu envahi par des organismes vivants. Si certains se fixent sur le fond des océans, d’autres flottent, comme les microscopiques êtres qui forment le plancton, ou se déplacent habilement de différentes manières : à coups de nageoires, d’ondulations du corps, ou par propulsion de jets d’eau. Certains êtres flottent à la surface de l’eau comme les radiolaires, d’autres se réfugient dans les profondeurs marines.
— 600 millions d’années. Apparition des animaux du genre méduses, coraux ou arthropodes (groupe auquel appartiennent les crustacés d’aujourd’hui). Voir le gisement d’Ediacara, découvert en 1947, en Australie.
— 570 millions d’années. On a retrouvé en 1997, dans le sud de la Chine, dans des carrières de phosphate situées à 600 kilomètres au sud-ouest du Yang-tzé, de minuscules embryons ; de méduses, d’éponges, de crabes, de trilobites ou de palourdes ; vieux de 570 millions d’années.
Les animaux se diversifient et se multiplient. En absorbant des sels minéraux dissous dans l’eau, ils se forgent des carapaces et des coquilles. Ces parties dures deviendront des fossiles.
Le climat chaud du Cambrien a sans doute favorisé l’apparition de ces nouveaux animaux. Certains, comme les éponges, les brachiopodes et les gastéropodes, appartiennent à des groupes animaux toujours vivants (par exemple les escargots), mais d’autres ont disparu. Les mers cambriennes contiennent des représentants de toutes les branches animales, à l’exception de celui des vertébrés. Plus de 1 500 espèces d’invertébrés marins ont été dénombrées. Le plancton, qui semble dominer dès la fin du précambrien, est encore bien représenté, surtout par les radiolaires et les méduses. Mais dès le début de la période, les fonds littoraux sont envahis par toute une faune d’éponges, de vers, d’échinodermes, de brachiopodes, de mollusques et d’arthropodes (trilobites, crustacés). D’après l’abondance relative des espèces retrouvées, ce sont les trilobites (60 % des espèces) et les brachiopodes (30 %) qui dominent. Les trilobites avaient un corps recouvert d’une sorte d’armure et étaient capables de se mouvoir. Ils avaient des pattes comme celles des crevettes.
— 450 millions d’années. Les premiers vertébrés apparaissent. Ce sont les agnathes, appelés « poissons sans mâchoire », car leur bouche n’est qu’une simple ouverture. Au cours du Silurien les animaux marins continueront d’ailleurs à se multiplier. Les premiers « vrais » poissons, les premiers vertébrés, dotés de mâchoires, voient enfin le jour, ce sont les acanthodiens.
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Si les mers cambriennes grouillent de vie (les protozoaires, animaux unicellulaires, sont apparus depuis longtemps déjà), un silence absolu par contre plane sur les continents livrés au seul règne minéral. Ce n’est qu’à la fin du Silurien que les végétaux d’abord, puis les animaux, se risqueront à conquérir les terres émergées.
Au dévonien, couvrant l’Angleterre et la Scandinavie notamment, s’étendait sur l’Europe du Nord « l’Hyperborée ou continent des vieux grès rouges ». À travers l’Atlantique et le Groenland, ce continent se poursuivait sans doute jusqu’au Bouclier canadien.
À la surface de cette immense terre, des lacs temporaires abritent les premiers vertébrés d’eau douce, tandis que les végétaux colonisent la terre ferme : il fallait bien que le premier être aérien fût autotrophe. Les algues ont en effet fini par produire une grande quantité d’oxygène. Dégagé par les végétaux marins, cet oxygène s’est accumulé progressivement dans l’atmosphère. Il y a 2,5 milliards d’années, il en existait mille fois moins qu’actuellement. Dégagé dans l’atmosphère, l’oxygène a dès lors été bombardé par les radiations, ce qui a
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entraîné la transformation en ozone de sa couche inférieure. La plus grande partie des radiations dangereuses a été arrêtée du coup, et la vie a pu sortir de l’eau. Le monde végétal se métamorphose : de nouveaux végétaux parviennent à s’implanter sur la terre ferme. Des perfectionnements successifs ont en effet permis aux plantes de sortir de l’eau pour s’établir sur terre. Elles ont d’abord acquis des racines (encore primitives chez les mousses) et leur système de reproduction s’est progressivement amélioré. Pour pomper l’eau du sol, ces végétaux vont aussi se doter de vaisseaux à parois rigides, vaisseaux qui leur permettront de faire circuler l’eau et de se tenir dressés. Les végétaux ayant les moyens de proliférer sur terre, les animaux sauront en profiter. Les premiers végétaux se sont installés sur la terre ferme à la fin du Silurien. Exemples les lichens, la mousse, la fougère. Les premières plantes n’avaient ni feuilles ni fleurs, et ne mesuraient pas plus de quatre ou cinq centimètres. Dans cette jungle miniature, les scorpions chassaient les mille-pattes. Au début du Dévonien les plantes mesuraient encore moins de 50 cm de haut, mais à la fin de cette même époque il y avait par contre déjà des arbres pouvant atteindre deux mètres. La flore terrestre dévonienne est connue notamment par la découverte d’une ancienne tourbière, faite à Rhynie en Écosse.— 420 millions d’années. Les animaux sortent de l’eau et se lancent, eux aussi, dans l’aventure de la terre ferme. Les invertébrés, scorpions et mille-pattes, arrivent sur le continent. L’eau n’est plus le seul réservoir de la vie. Les invertébrés de cette époque sont représentés par des gigantostracés, arthropodes géants (certains atteignent deux mètres) dont les premiers appendices sont une paire de chélicères. C’était de redoutables carnassiers. En ce qui concerne les vertébrés, le dévonien est caractérisé par l’abondance de poissons protégés par une carapace osseuse, située dans la profondeur de la peau, et recouvrant la tête et le thorax : les poissons cuirassés.
— 400 millions d’années. La mer continue à se peupler d’une vie de plus en plus diversifiée. Des mollusques vivent sur le fond à côté des brachiopodes et des trilobites. Des lis de mer, fixés sur le fond, au milieu des coraux, ondulent. Il y a aussi des méduses, des poissons sans mâchoire, et des sortes de scorpions de mer, les gigantostracés. Au Dévonien les poissons vont donc se diversifier encore un peu plus. Certains se dotent, outre leurs branchies, de poumons. Par exemple les dipneustes.
Pour plus de détails ou de précisions se reporter aux divers ouvrages scientifiques sur le sujet qui sont les seuls à faire foi en ce domaine, en ce qui nous concerne nous ne faisons que vulgariser ces notions.
NOTE SUR LE SAUMON PRIMORDIAL DE NOS ANCÊTRES.
On a pu voir toute l’importance accordée par les très-sachants antiques, à la vie marine, aux poissons, et notamment au saumon primordial, chargé de témoigner et de parler du passé. Les « druides » d’aujourd’hui accordent la même importance à un autre poisson, appelé cœlacanthe. Un poisson venu du fond des âges, seul survivant d’un ordre de vertébrés que l’on croyait bien éteint depuis soixante millions d’années, mais qui pourrait constituer l’un des chaînons qui manquent entre la vie aquatique et la vie terrestre. Un animal de couleur bleu ardoise, aux formes arrondies, dont la taille n’excède pas les deux mètres. Si les poissons pouvaient parler (comme la célèbre ânesse de Balaam dans la Bible) celui-ci les éclipserait tous en matière d’histoire ancienne. Il a connu les dinosaures, cohabité avec les premières fleurs et les premiers oiseaux… et avec bien d’autres espèces plus archaïques encore, puisque son origine remonte au Dévonien, il y a de cela (excusez du peu) trois cent soixante-dix millions d’années. Un poisson tellement préhistorique que la possibilité d’en observer des spécimens vivants ne serait jamais venue à l’esprit des scientifiques ; unanimement convaincus que la grande extinction d’espèces survenue à la fin de l’ère secondaire l’avait irrémédiablement rayé de la surface du Globe. Le cœlacanthe appartient à la famille des sarcoptérygiens dite aussi « à nageoires lobées », à laquelle appartiennent également les dipneustes et les rhipistidiens. Une famille de poissons comme il en existe tant d’autres, si ce n’est qu’elle compte probablement notre ancêtre poisson parmi ses membres ! Et que celui-ci, ce fameux chaînon manquant qui expliquerait le passage de la vie aquatique à la vie terrestre, serait peut-être, justement, un cousin direct du cœlacanthe. Cet ancêtre poisson, comment était-il constitué ? C’est là tout le problème. Certains de ses proches parents, certes, ont bien été retrouvés, mais à l’état de fossiles, et le plus souvent toujours en fort piteux état. On devine donc aisément l’espoir que pouvait susciter la découverte de ce fossile vivant, que l’évolution semble avoir miraculeusement épargné, dans la quête de nos lointaines origines. Intacte depuis des dizaines de millions d’années, son image allait-elle nous fournir, enfin, celle de ses ancêtres, et donc du nôtre ? Une hypothèse d’autant plus
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plausible que le cœlacanthe, disséqué par l’œil averti des spécialistes, montra rapidement de solides aptitudes : une anatomie crânienne prometteuse et un reste de poumon, certes non fonctionnel, mais vestige tout de même. Seulement voilà, les dipneustes, toujours vivants, possèdent, eux aussi, de sérieux atouts pour postuler au titre. Dotés de poumons fonctionnels, la plupart possèdent également des narines internes sans même parler des nageoires. Les plongées réalisées en 1986 ont permis de découvrir un phénomène tout à fait remarquable. Le cœlacanthe nage comme trotte un cheval ou un chien, en utilisant ses quatre nageoires en synchronisation croisée. Une observation corroborant l’hypothèse selon laquelle les poissons sont autrefois sortis de l’eau pour évoluer vers les premiers quadrupèdes, et répondant, une fois encore, à ce que l’on peut attendre d’un précurseur des tétrapodes. En dehors d’autres poissons annonçant les groupes actuellement les plus communs, on trouve donc à cette époque, ainsi que nous venons de le voir, quelques formes particulièrement intéressantes par leur possibilité de vivre hors de l’eau : dipneustes et crossoptérygiens. Les dipneustes sont aujourd’hui représentés par plusieurs genres, dont le Néocératodus des rivières australiennes. Pendant la saison sèche, il s’enferme dans la boue encore humide où sa vessie natatoire fait office de poumon et lui permet de respirer.— 370 millions d’années.
À la fin du Dévonien, alors que les poissons cuirassés se sont éteints, les crossoptérygiens parviennent à sortir du milieu aquatique, et donnent naissance aux premiers vertébrés terrestres : les batraciens. Ces batraciens restent encore très primitifs, ils possèdent six doigts et gardent certains traits de leurs ancêtres les poissons (une nageoire par exemple). Le plus ancien vertébré terrestre, l’ichtyostéga (découvert en 1931, au Groenland) faisait environ un mètre. Il s’agissait d’un animal assez lourd, mais il pouvait quand même marcher, car il avait quatre membres. Ces membres pairs sont de véritables pattes : c’est un tétrapode. Cependant, curieusement, sa queue a une nageoire, comme chez les poissons. La réunion de caractères appartenant aujourd’hui, les uns aux poissons, les autres aux batraciens, en fait une forme intermédiaire ou composite. Sans doute l’ichtyostéga gagnait-il la terre ferme pour chercher un nouveau lac quand la mare où il vivait venait à s’assécher. C’est au cours de ces voyages qu’il s’accoutuma peut-être à la vie terrestre, d’autant que le continent était déjà peuplé de plantes et d’insectes constituant des proies faciles.
— 360 millions d’années. Le climat chaud et humide va favoriser le développement de gigantesques forêts marécageuses, peuplées de nombreux animaux. Entre les fougères géantes et les arbres pouvant atteindre trente mètres de haut (conifères, etc.) volent les premiers insectes ailés, genre libellules. Ce sont les plus grands insectes volants ayant jamais existé. Les fleurs n’existent pas encore, elles n’apparaîtront qu’à la fin de l’ère secondaire. On appelle cette période le carbonifère, car les végétaux morts accumulés dans les forêts ont donné plus tard le charbon, et l’anthracite. Au carbonifère, la sortie des eaux, minutieusement préparée au dévonien, se réalise donc pleinement. La flore houillère, exubérante, est surtout constituée de cryptogames vasculaires.
Au début du carbonifère, les animaux sont encore très dépendants du milieu aquatique. Les amphibiens vivent sur terre et dans l’eau où ils pondent leurs œufs. Les têtards sortis de l’œuf doivent donc encore vivre dans l’eau. Après leur métamorphose, ils commencent à gagner la terre ferme sans pour autant s’éloigner des milieux humides. Les amphibiens se multiplient et se diversifient, mais hésitent encore à abandonner définitivement les eaux pour la terre. Par la suite, grâce à l’œuf amniotique, les vertébrés vont peu à peu se libérer de cet esclavage de l’eau. Devenus des reptiles (dont certains ressemblent au crocodile) ils vont pouvoir s’éloigner de l’eau et conquérir la Pangée (la terre). Ces premiers reptiles (les thécodontes) sont cependant, eux aussi, encore plus ou moins aquatiques. L’Amérique du Nord en a fourni des exemplaires bien conservés. C’étaient des animaux massifs dont la taille oscillait autour d’un m. Dans les airs vivent des insectes géants. On a trouvé, à Commentry (France) une libellule de 60 cm d’envergure. D’autres insectes vivent au sol. Le climat était très chaud et humide, les forêts luxuriantes. De vastes savanes couvraient les terres émergées tandis que d’abondantes plantes aquatiques poussaient dans les lacs. Diplodocus et brachiosaures étaient plus ou moins amphibies. D’autres reptiles vivaient sur la terre ferme. C’est le cas du tyrannosaure qui, par ses griffes puissantes et ses fortes dents, semble un redoutable carnassier. Heureusement que le tricératops est bien armé pour la défense. À l’ère secondaire, des reptiles d’une extraordinaire variété ont envahi tous les milieux et ils donneront naissance aux mammifères, ainsi qu’aux oiseaux, car les reptiles ont volé ou plus
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exactement plané avant les oiseaux (cas du Quetzalcoatlus ou du ptérodactyle). Il est curieux de noter que l’ichtyosaure jurassique et le dauphin actuel ont su retrouver la forme poisson de leur lointain ancêtre le « saumon primordial » appelé cœlacanthe. Bel exemple de convergence ! Ensuite vint le temps des dinosaures. Ils vivent sur terre et la plupart pondent des œufs aux coquilles solides. Ils ont une peau recouverte d’écailles épaisses et des griffes de toutes sortes. Un certain nombre d’entre eux auraient été des reptiles à sang chaud comme celui des mammifères. Certains de ces monstres avaient la taille d’un petit poulet, d’autres auraient été capables d’atteindre la hauteur d’une maison de quatre étages ou étaient aussi longs que quatre autobus. Le séismosaure par exemple, devait faire 36 mètres de long et pesait sans doute 50 tonnes. Certains étaient inoffensifs et mangeaient des plantes. D’autres étaient des chasseurs impitoyables qui déchiquetaient leurs proies comme avec des lames de rasoir pour les manger.— 200 millions d’années. Pour diverses raisons assez mal connues et d’ailleurs sujettes à controverse, les dinosaures finiront par disparaître en laissant ainsi le champ libre aux mammifères qui vont donc pouvoir prospérer et se multiplier. Le premier des mammifères connus est le dimétrodon.
— 80 millions d’années. De l’insectivore au Primate. Les Tupaïdés actuels sont de petits mammifères arboricoles, de la taille d’un rat, et qui vivent en Asie orientale ou en Indonésie. Leur anatomie est telle que zoologistes et paléontologistes ne savent pas s’il faut les compter parmi les Insectivores ou bien parmi les Primates. Cette « indécision organique » est bien l’indice d’un début de phylum et l’on admet donc les Tupaïdés parmi les Primates. Les fossiles de leurs ancêtres sont très rares… la seule forme authentique est le genre Anagale, de l’Oligocène inférieur de Mongolie. Il s’agit déjà d’un primate inférieur, comme les Prosimiens.
— 70 millions d’années. Les premiers primates sont apparus à la fin du Crétacé. Les plus anciens ont été découverts dans les montagnes Rocheuses, dans la colline du Purgatoire, au Montana. C’est pourquoi les paléontologues les ont appelés « Purgatorius ».C’est l’ancêtre des prosimiens : littéralement singes primitifs. Représentés aujourd’hui par les lémuriens (notamment de Madagascar), les tarsiers de la région indo-malaise, les loris et les galagos (en Asie du Sud-Est et en Afrique), etc., et des simiens (y compris les anthropoïdes). Ces purgatorius mesuraient à peine 20 centimètres, mais c’étaient des primates, car ils avaient des ongles plats et non des griffes, possédaient une vision stéréoscopique et des mamelles en position pectorale. Les prosimiens ont prospéré entre – 65 et – 40 millions d’années, en Europe et en Amérique du Nord.
— 50 millions d’années. Vers cinquante millions d’années avant notre ère, le Plesiadapis, de la taille d’un petit écureuil, était probablement semi-arboricole et semi-terrestre. Découvert d’abord dans le Bassin parisien, et décrit dès 1877, puis dans les montagnes Rocheuses et l’ouest des États-Unis d’Amérique. Son domaine était celui du continent alors unique de l’hémisphère nord, formé de ce qui deviendra l’Amérique du Nord, le Groenland et l’Europe et sur lequel la température était comprise entre 15 et 20 degrés centigrades.
— 40 millions d’années. Entre 70 et 40 millions d’années, à l’époque de l’Oligocène inférieur, une première évolution va se produire. Elle part de l’Afrique et a lieu à la fois en Amérique et en Europe. Les prosimiens disparaissent d’Amérique du Nord et d’Europe vers – 37 millions d’années (à la fin de l’éocène) le climat ayant changé. Apparaissent alors les simiens. Ces simiens vont se classer en platyrhiniens en Amérique et en catarhiniens en Afrique-Europe. Les premiers avaient une longue queue et une grosse cloison nasale ; les seconds avaient une queue plus courte et une cloison nasale mince. Seuls, les catarhiniens vont faire l’objet de notre étude, car c’est à partir d’eux que se dessine la « descendance » vers les hominidés. Dans ce groupe catarhinien se rangent l’apidium et le parapithèque qui ont tous deux encore 36 dents, et sont plus grands que les prosimiens. On pense que certains d’entre eux ont atteint le continent américain sur des radeaux naturels. À cette époque, en effet, l’Atlantique, bien que déjà large, n’avait pas encore atteint sa taille actuelle.
— 35 millions d’années. Outre l’apidium et le parapithèque, la cuvette du Fayoum en Égypte nous a livré de nombreux restes de primates plus évolués (— 35 à – 25 millions d’années).
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Formule dentaire identique à celle des simiens et crâne où l’orbite est séparée de la fosse temporale par une cloison presque complète. Leur morphologie évoque les chimpanzés ou les gorilles. Apparition donc des quatre souches de primates dont vont découler tous les groupes actuels, y compris l’homme. Ces « catarhiniens » ont tous 32 dents et ont pour noms : oligopithèque, l’ancêtre des oréopithèques ou petits singes, aéolopithèque, l’ancêtre du gibbon, aegyptopithèque, l’ancêtre des grands singes anthropomorphes, propliopithèque, l’ancêtre du ramapithèque et des hominidés. BREF. Raconter l’histoire des vingt derniers milliards d’années de notre monde, c’est raconter un phénomène continu ; où la vie apparaît comme un état compliqué de la matière, et où l’Homme, avec ses réflexions sur lui-même, sur la Vie, sur l’Histoire, sur l’Univers, est un état encore plus compliqué de la matière. La paléontologie de nos frères ennemis, héritiers du côté scientifique du druidisme antique, nous montre que les groupes d’êtres vivants sont apparus dans un ordre de complexité croissante. Les mers cambriennes sont peuplées de cyanophycées ou de bactéries avant que thallophytes et protozoaires n’apparaissent.Parmi les métazoaires les éponges semblent tôt venues, alors que les vertébrés arrivent les derniers. Dans chaque embranchement, les êtres les plus complexes apparaissent les derniers : tous les insectes primaires sont à métamorphose progressive. Chez les vertébrés on retrouve une progression dont les paliers correspondent aux stades de la conquête du milieu aérien. Les premiers poissons sont purement aquatiques. Puis les crossoptérygiens inventent poumons et choanes, au Dévonien. Les amphibiens, à la fin de la même période, acquièrent le membre marcheur. Enfin, au carbonifère, les reptiles franchissent une nouvelle étape avec l’œuf à éclosion terrestre dans lequel l’embryon, enclos dans une cavité, l’amnios, baigne dans un petit « océan portatif ». On trouve chez les végétaux une évolution analogue. S’appuyant sur le concept transformiste, le druide paléontologiste s’efforce de disposer les formes fossiles en lignées évolutives, de façon à retracer l’arbre généalogique des espèces actuelles. C’est ainsi que les premiers amphibiens (ichthyostégidés) se rattachent directement aux poissons crossoptérygiens, qui apparaissent comme les ancêtres des tétrapodes. Cependant, dans le détail, les choses sont plus compliquées, parce que le groupe des crossoptérygiens se divise lui-même en deux sous-groupes. En effet, à côté de ceux qui possèdent des choanes, et dont nous avons parlé précédemment, se rangent des individus qui en sont dépourvus et que l’on nomme les cœlacanthidés. L’intérêt du groupe des cœlacanthidés, c’est qu’il ne s’est pas totalement éteint, puisqu’il est représenté actuellement par le latiméria du canal du Mozambique, très semblable à ses ancêtres dévoniens. Il est, avec la lingule, un bon exemple de « fossile vivant ». Quant aux crossoptérygiens à choanes, ils se répartissent eux-mêmes en deux sous-groupes, selon la disposition des os de leur museau. Or, des différences analogues existent aujourd’hui chez les batraciens, entre anoures (grenouilles, crapauds) et urodèles (tritons, salamandres). Les reptiles se rattachant au type « anoure », on estime que les crossoptérygiens à choanes du dévonien forment deux lignées. L’une ayant produit le groupe des urodèles, l’autre ayant donné anoures et reptiles. C’est à cette dernière lignée qu’appartient l’osteolepis. Urodèles et anoures qui constituent donc une même étape de l’évolution progressive de ces deux lignées forment un stade structural : le stade batracien. Au total les crossoptérygiens sont la souche de trois lignées dont l’une, conservatrice, est restée au stade poisson (les cœlacanthidés) pendant que les autres, progressives, évoluaient vers des stades de plus grande complexité. Les différentes classes de vertébrés sont apparues successivement et dans l’ordre de la classification. Chaque groupe apparaissait discrètement puis s’étendait, envahissait divers milieux, et finalement s’acheminait vers l’extinction. Ainsi au Secondaire, les reptiles règnent au travers de formes nombreuses et très diverses, dont certaines gigantesques, aussi bien sur les continents (diplodocus, brachiosaures…) que dans les mers (plésiosaures, ichtyosaures…) et les airs (ptérodactyles, ptéranodons…) ; alors qu’apparaît timidement tout un petit peuple de mammifères et d’oiseaux à dents. Mais à la fin de cette ère, tous les grands reptiles cités plus haut se sont éteints.
De cet immense groupe qui avait envahi tous les milieux, s’était adapté aux divers régimes alimentaires, il ne subsiste plus aujourd’hui que de maigres vestiges : quelques genres de lézards, serpents, crocodiles et tortues. À l’ère tertiaire, oiseaux et mammifères, en pleine expansion, avec une grande multiplicité de formes, de tailles et de régimes, prennent le relais (rappelons qu’ils ont le privilège d’avoir une température constante). Les oiseaux, désormais sans dent, règnent dans les airs, les mammifères occupent les places laissées vacantes par les grands reptiles, aussi bien sur les continents (pour la plupart des espèces) que dans les
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mers (cétacés, phoques). Ainsi se relaient les groupes. Chacun commençant par une entrée timide au travers d’un petit nombre de formes archaïques, prend à son heure une grande extension, prédomine par le nombre, la dispersion géographique, la variété, mais aussi la taille souvent ; et après un apogée, subit un déclin par extinction d’un plus ou moins grand nombre de types.
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CONCLUSION.L’ARBRE DE VIE (LE BUISSON DE LA VIE) ET LE RASOIR D’OCCAM.
Les mouvements ultra orthodoxes juifs considèrent bien évidemment que leur Torah est à prendre au pied de la lettre. En terre d’islam (dar al islam), c’est le Coran qui est considéré comme un livre scientifique. Les arguments créationnistes y sont même redevenus très populaires grâce à l’action du Mouvement turc Nurcu et du prédicateur Haroun Yahya (Turquie Indonésie Malaisie).
L’hypothèse dite « du Grand-Esprit » à l’œuvre dans l’univers est également à manier avec précaution. Elle est, certes, à mille lieues du créationnisme judéo-islamo-chrétien, mais elle ne respecte pas non plus un autre principe scientifique, celui du rasoir d’Occam, car elle a recours à une entité additionnelle pour expliquer un phénomène, sans que cela apporte de lumière supplémentaire. L’hypothèse de ce dessein intelligent ne fournit par ailleurs aucune explication sur les anomalies manifestes de la nature : point aveugle de l’œil humain * (et plus généralement des vertébrés), grossesse extra-utérine, pouce du panda, etc. l’idée qu’un principe créateur/organisateur soit à l’œuvre dans l’univers reste néanmoins une question scientifiquement ouverte comme le prouve la vie et l’œuvre du (presque) néo-druide Teilhard de Chardin.
* À voir les réactions de certains journalistes intellectuels hommes de dieu ou politiciens, on peut d’ailleurs se demander s’il n’existe pas la même chose dans l’intelligence humaine ou ce qui en tient lieu.
Tout dépend donc en définitive de ce qu’est « réellement », la matière première initiale, ontologiquement parlant. Or, dans ce domaine les questions sont plus nombreuses encore. La mécanique quantique révèle un monde compatible avec les grandes inspirations spirituelles, druidiques notamment, au travers d’influences qui semblent transcender l’espace-temps. Le physicien français Bernard d’Espagnat y voit la révélation en creux d’un « réel voilé », car nous n’accédons qu’aux apparences.
Il y a tout de même eu un réglage très fin dès le début de la formation de l’univers, explique Trinh Xuan Thuan. L’univers est régi par une quinzaine de constantes ; si l’on change un tant soit peu les choses, les étoiles ne se forment pas, et, puisque nous sommes tous « poussières d’étoiles », la vie ne peut apparaître, car elle a besoin de la complexité des éléments lourds formés dans les étoiles. Personne ne discute ce fait. Par exemple, la densité initiale de l’univers est réglée à un facteur 10-60 près. On peut comparer cette précision à celle d’un archer qui atteindrait une cible de 1cm2 située à l’autre bout de l’univers, soit 14 milliards d’années-lumière. D’où le « principe anthropique », c’est-à-dire l’idée que les constantes de l’univers sont précisément réglées pour l’apparition de la vie puis de la conscience. Tautologie ! affirment les néo-druides athées. Nous sommes là, donc il faut bien que l’univers soit réglé de telle façon que nous existions, ce qui n’implique pas l’intervention d’un principe créateur…
De toute façon, ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, pour plus de détails ou de précisions se reporter aux divers ouvrages scientifiques sur le sujet qui sont les seuls à faire foi en ce domaine, en ce qui nous concerne nous ne faisons que vulgariser ces notions.
Ce qui importe à nos lecteurs c’est de bien comprendre la notion d’arbre de vie, telle qu’elle est illustrée dans le livre de Kells ou dans les chapiteaux romans de la cathédrale de Chartres ou de l’abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire sur le Continent ; c’est-à-dire qu’il n’y a pas eu création directe par un Dieu ou Démiurge quelconque d’êtres inanimés ou vivants sans aucun lien les uns avec les autres, mais apparition progressive à partir d’une matière première initiale de multiples formes de vie et d’intelligence animale voire de conscience.
Et sauf à prendre tout ceci en un sens très chardinien *, à mille lieues de tout créationnisme direct et borné à la façon des fondamentalistes chrétiens ou musulmans, ce qui évidemment est toujours possible ; le monde dans lequel nous vivons n’est pas un Tout harmonieux, tel un Bitos ou Cosmos sans désordre ni rupture, tel un vaste système tendant vers un même but, ni une Unité fondamentale, parce que ses constituants seraient d’une seule essence. On ne découvre aucun Principe universel dominant la pluralité, à part peut-être celui que Teilhard de Chardin a cru y déceler, mais à chaque niveau du réel d’innombrables forces inégales et libres, rivalisant toutes entre elles et donc établissant des hiérarchies provisoires ; ni un centre unique comme Référentiel absolu ou Déterminant universel, mais une pluralité pratiquement infinie de puissances autocentrées, tendant à la plus grande indépendance et suscitant de l’ordre autour d’eux. Polycentrismes et polymorphismes, c’est-à-dire pluralités,
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dispersions et différences, tel est le Monde, du microcosme au macrocosme. Il faut avoir la sensibilité poétique et visionnaire d’un Teilhard de Chardin pour y deviner quelque chose d’autre.Depuis l’origine de la vie sur terre, l’évolution des premières formes vivantes vers une complexification accrue est une véritable succession d’éclatements aboutissant à une multitude de types divers de niveaux différents. Au point que l’on compte plus de seize milliards d’espèces apparues déjà, dont ne subsiste aujourd’hui qu’un nombre réduit à environ un milliard six cent mille. Ces éclatements répétés ont été inévitablement créateurs d’écarts et de gradations, et initiateurs de lignées transitoirement parallèles à d’autres, le plus souvent divergentes, quelques-unes se subdivisant à un stade ultérieur, en sous-lignées se fractionnant à leur tour. Toute évolution fractionne et multiplie. Elle hétérogénéise le vivant par ses disjonctions imprévues.
L’évolution génétique ayant conduit à l’Homme est caractérisée par toute une succession de « paliers » correspondant à telle ou telle innovation. La génétique comparée a mis en évidence 8 grands remaniements chromosomiques ayant conduit à la spéciation humaine. L’un d’entre eux est la translocation du chromosome 2. Les Primates, depuis les Lémuriens jusqu’aux Anthropoïdes (Gorilles, Orangs-Outans, Chimpanzés et Gibbons) et même à l’Homme, ont en grande partie les mêmes constituants chromosomiques. Le nombre de paires de chromosomes va de 32 chez certains lémuriens comme le microcèbe, à 23 chez l’Homme (les cercopithèques étant un cas sensiblement à part). L’évolution a été dans le sens d’une réduction du nombre de chromosomes. Dans le cas de l’Homme, on est passé de 48 chromosomes à 46. Le nombre des spéciations ou mutations chromosomiques rendant tout croisement impossible, séparant le chimpanzé de l’homme, est probablement de 8. Depuis l’ancêtre commun, il y a 25 millions d’années, il y a eu huit mutations, dont chacune a permis d’isoler le patrimoine génétique de l’espèce humaine.
* De Teilhard de Chardin.
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LES VÉRITABLES ORIGINES DU GENRE HOMO.Navrés pour ceux qui essaient à tout prix de trouver quelque valeur aux vieilles lunes sumériennes (l’histoire d’Ève et Adam) les esprits rationnels d’aujourd’hui ne raisonnent pas en termes de couple primordial, mais en termes de population originelle. Fut-elle de quelques dizaines d’individus. La science actuelle n’a que faire de cette notion de couple humain primordial, elle raisonne en termes de groupes, même réduits. Contrairement au mythe biblique d’Ève et Adam, il est à peu près sûr maintenant que ces mutations ayant donné naissance à l’Homme ont eu besoin, pour réussir, de plus de deux personnes. Au sens zoologique du terme, une espèce est une population isolée des autres par la faculté de ses membres de procréer entre eux, et l’impossibilité qu’ils ont de produire des descendants féconds par des croisements hybrides avec les autres espèces. Elle est donc définie par la sexualité, comme une communauté potentielle de procréation d’êtres féconds. Dans le cas des ancêtres de l’Homme, on est donc amené, à envisager un certain nombre d’espèces successives. Née à partir de petits groupes familiaux d’individus qui, chaque fois, subissent et fixent une mutation chromosomique, s’isole géographiquement ou écologiquement de la population mère, et ensuite évolue très vite du fait de leur faible nombre. L’histoire préhumaine serait ainsi passée par une série de goulots d’étranglement génétique composés à chaque fois de quelques individus. Ces mutations étant rares, elles n’ont pu, chacune, apparaître qu’une seule fois, et à l’état « hétérozygote » autrement dit chez un individu qui possédait un chromosome mutant et un chromosome normal. De tels individus devaient avoir une méiose très perturbée ainsi qu’une fécondité très réduite, mais ils pouvaient, à leur tour, engendrer de nouveaux hétérozygotes. Pour que des individus « homozygotes » possédant la mutation en double exemplaire, apparaissent, il fallait que deux hétérozygotes procréent entre eux. Par contre, les premiers homozygotes, ayant une méiose normale, avaient aussi une fécondité normale, produisant des hétérozygotes dans leurs croisements avec les non-mutants et des homozygotes dans leurs croisements entre eux. Vu la faible fécondité des hétérozygotes, les deux populations d’homozygotes mutants et non mutants se retrouvaient ainsi pratiquement isolées en deux espèces différentes, l’une composée des non-mutants et l’autre, naissante, de quelques homozygotes mutants. Les rencontres de couples d’hétérozygotes puis d’homozygotes pour les mutations chromosomiques qui créent les nouvelles espèces, exigeaient un certain nombre d’unions consanguines lors de la formation de chaque nouvelle espèce. Sur ce point la Bible a donc raison : l’inceste est fondamental ou consubstantiel à l’espèce humaine.
Il y a eu par conséquent parenté, ou peut-être inceste, entre leurs fondateurs : un mâle dominant subit une mutation chromosomique. Il féconde des femelles. Ces femelles ont des filles. Un certain nombre de ces filles sont ensuite à leur tour fécondées par le mâle dominant ayant muté. Ou alors : une femelle subit une mutation chromosomique. Elle donne naissance à plusieurs enfants dont certains ensuite la fécondent à leur tour, ou bien se fécondent mutuellement. Etc., etc. voir les multiples autres hypothèses.
Quoi qu’il en soit, ce qui est certain, c’est que les hommes actuels descendent tous de ces incestes et de cette « famille ou clan primordial ». Par ailleurs, le fait que les nouvelles espèces aient été très peu nombreuses au départ, a rendu possible leur évolution rapide, par effet fondateur et dérive génétique. Ceci a sans doute facilité leur séparation écologique et leur isolement génétique de la population mère, dans laquelle alors elles risquaient toujours de se diluer ou disparaître, tant que l’hybridation restait féconde entre les deux populations. En d’autres termes il y a eu séparation, isolement, donc évolution.
ET CETTE DISCRIMINATION A LITTÉRALEMENT FONDÉ L’HUMANITÉ. LA DISCRIMINATION ENTRE MUTANTS ET NON MUTANTS EST À L’ORIGINE MÊME DE L’ESPÈCE HUMAINE. CETTE DISCRIMINATION A ÉTÉ SYNONYME DE VIE OU DE NOUVEAU DÉPART DANS LA VIE POUR ELLE. À L’ORIGINE DE TOUT DONC UN CLAN ! ET NON UN COUPLE ! NI DOGME MONOPHYLÉTIQUE NI DOGME POLYPHYLÉTIQUE, MAIS UN CLAN PRIMORDIAL.
Vouloir à tout prix un couple humain primitif est donc mal poser le problème. L’éclairage ainsi projeté sur le passé de l’Humanité a certes (on le comprend facilement) profondément perturbé les religions révélées (dogmatiques) en la matière (judaïsme, christianisme et islam),
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mais par contre il a été compatible avec le Druidisme. Par définition, faut-il le rappeler, la druidecht est attachée à la Science, donc attentive à ses progrès.L’un des acquis de l’interface, entre Paléontologie et Génétique humaines, apparaît d’ores et déjà comme celui de confirmer la réduction de la querelle entre partisans du dogme monophylétique (vrai ou faux anti racistes) et partisans du dogme polyphylétique (vrais ou faux racistes) à l’identification d’un faux problème.
— Pour le monophylétisme ainsi que nous l’avons vu, tous les hommes dérivent d’une même souche et pour les plus radicaux d’entre eux (Torah Bible et Coran) plus précisément d’un couple originel unique.
— Pour le polyphylétisme, les hommes actuels descendent de plusieurs souches ou couples différents. Mais s’ils sont classables en « races » ils appartiennent néanmoins à la même « espèce » y compris les Hommes de Florès ou de Néandertal. N.B. Les critères de l’espèce sont l’interfécondité des couples mixtes, ainsi que la fécondité des enfants issus de ces unions : donc une question de compatibilité chromosomique.
Le druidisme antique, lui, croyait plutôt en une sorte de clan primordial. Il n’y est jamais mentionné un couple unique originel à la mode celtique (Viros etic Bena) quelque peu analogue à l’Adam et Ève de la Genèse hébraïque. En Irlande on y parle au contraire toujours de peuplements successifs par voie de « conquêtes », des conquêtes effectuées par des groupes, composés d’hommes et de femmes, même en cas de flagrant déséquilibre entre les sexes. Et avec souvent des survivants du côté des vaincus. Exemple les Gaulois Fir Bolg (sic) dans l’ouest de l’Irlande.
Quant aux Celtes du Continent, eux, ils étaient encore plus radicaux. Les hommes pour eux ne descendaient pas d’un couple primordial, d’un Viros etic Bena de type celte, ni de la Terre, du moins par génération de premier niveau, mais d’une foule d’ancêtres divins différents : les teutates, des dieu-ou-démons tribaux, éventuellement totémiques et animaux, gardiens de la tribu. Les êtres humains sont donc au départ certes des petits-enfants de la Terre-Mère, mais surtout des enfants de leur terroir (comme les grands cafés ou les petits vins sans prétention) ; et ils forment des communautés aussi différentes les unes des autres que ne le sont leurs petites patries respectives (pagus ou comtés). Néanmoins il y a possibilité d’interfécondité, les très-sachants de la druidiaction n’étaient pas stupides au point d’ignorer la chose. Et ils affirmaient en outre « qu’une partie du peuple est réellement indigène, mais que les autres ont afflué d’îles très lointaines, ainsi que de régions situées au-delà du Rhin, chassés de leurs précédentes demeures par des guerres trop fréquentes, et aussi quelquefois par les inondations dues à une mer déchaînée » (Timagène, cité par Ammien Marcellin, livre XV, chapitre IX, paragraphe 4). Donc, petits-enfants ou arrière-petits – enfants de la Terre, mais nés des dieux ou déesses terrestres du lieu, symboliquement parlant, mais comportant aussi en leur sein, comme coulant dans leurs veines, pas mal d’éléments venus d’ailleurs ! Une position des très sachants antiques, loin d’être aussi simpliste que celle de la Bible ou du Coran pris au pied de la lettre donc ! Un mélange de poésie de la vie et de bon sens !
César simplifie donc quand même quelque peu, dans son De Bello Gallico, en déclarant que les Celtes se croyaient tous issus de Dis Pater (=Touta-tis ater ? Touta-dis Ater ? en vieux celtique continental). En réalité, tout ceci est un faux problème, un peu analogue à celui de la bouteille à moitié pleine ou à moitié vide. Tout dépend du point de vue auquel on se place. Croire que les hommes actuels dérivent sans problème d’un seul et même couple primordial est une simplification abusive. Croire inversement que les différentes populations qu’ils constituent n’ont aucun point commun, ou qu’un abîme les sépare, est une aberration. La réalité, c’est qu’il y a bien tronc commun à cet arbre de vie, mais que pour le retrouver il faut remonter loin dans le temps. Les premières séparations s’étant produites il y a au moins deux millions d’années avec la dispersion de l’Homo Habilis sur Terre.
Contrairement à ce qu’affirment les tenants d’une interprétation littérale et simpliste de la Bible ainsi que Coran, avec leur dogme d’origine sumérienne de la création directe ou de la fabrication directe de l’Homme, par un ou plusieurs dieux (élohim) afin qu’il serve le Divin : qu’il lui offre des sacrifices, qu’il lui voue un culte, et lui obéisse (qu’il l’aime ou lui rende son amour disent les chrétiens ; encore plus hypocritement que les autres, plus hypocritement que les Sumériens en tout cas) ; il est bien évident qu’à l’origine de l’Humanité actuelle il y a eu la formation de plusieurs couples humains originels ; plus ou moins stables, dont un partenaire au moins était mutant.
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En tout cas peu de Celtes de ce temps auraient admis l’idée d’avoir les mêmes ancêtres qu’un Ibère ou qu’un Germain. Exception qui confirme la règle : les Éduens prétendaient être frères des Romains.Comme quoi la bassesse politique des sycophantes courtisant un monarque ne date pas du règne de Sarkozy premier dans ce pays. Ce Président a fait deux guerres (Libye et Côte d’Ivoire) rien que pour des raisons personnelles, des raisons de cuisine électorale internes (qui peut croire à l’altruisme et à la sincérité de l’homme qui voulut pendre à un croc de boucher – quelle référence !- un de ses rivaux politiques?) Même s’il faut bien reconnaître, dans le cas de la Libye, que les bombardements des avions français un moment donné (Obama donc a eu raison de les autoriser) ont épargné alors à Benghazi un sort comparable à celui de Misrata (siège et combats de rue dans le cadre d’une guerre civile). Cette volonté farouche de rebondir à tout prix dans les sondages l’a même amené à soutenir des ex-khadafistes comme le général Abdel Fattah Younès aidé par des islamistes. Merci aux 53 % de Français qui en 2002 ont voté pour ce Bush au petit pied. Il est vrai que la France avait déjà par le passé attaqué Tripoli (en 1685), mais n’est pas Louis XIV qui veut (malgré tous ses défauts lui au moins fut un grand roi – voir ses derniers discours – le roi ayant légitimement régné sur mes ancêtres en tout cas).
Comme les très-sachants antiques l’avaient déjà subodoré (Livre de Kells et chapiteaux romans de la cathédrale de Chartres ou de l’abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire sur le Continent) la lignée humaine a connu un grand développement de branches et sort du monde animal vers le milieu de l’ère tertiaire ; de sorte que les « Hommes » du Quaternaire ne sont que les dernières feuilles d’un immense arbre de vie.
Ainsi que les druides antiques en avaient eu le pressentiment, les premiers humains avaient des caractères « animaux » (de singes en l’occurrence et non de cerfs). Et il y a toute une série de transitions entre l’animal (gibbon, orang-outang, chimpanzé, gorille) et l’homme actuel ; des transitions divergentes permettant de remonter à un ancêtre « tertiaire » commun. En fait, un arbre généalogique complexe, reflétant une « évolution buissonnante » : « un buisson hérissé de branches mortes ».
Les premiers classificateurs ont hésité sur la place à réserver à l’Homme dans leurs systèmes. Von Linné plaçait le gibbon et l’homme dans un même genre : le genre Homo. Tout le monde admet actuellement, à part quelques créationnistes judéo-islamo-chrétiens à l’esprit étroit, dépassés, que l’Homme et le singe appartiennent à un même ordre : celui des primates.
Dire que gibbon et homme appartiennent au même genre signifie qu’ils ont un proche parent commun : ce sont des espèces cousines, sensiblement éloignées il est vrai. On conçoit aisément qu’une telle notion, bien que logiquement impliquée dans l’idée transformiste, ait eu de la peine à s’imposer (elle explique les réticences à l’évolutionnisme). Quand on cherche la vraie raison de cette résistance, obtuse jusqu’à la pire mauvaise foi, on la trouve dans un motif religieux. Les Religions du Livre (d’un seul livre, la Bible ou le Coran, et non de douze comme les Fénianes en Irlande) cramponnées au mythe de la Genèse selon la Thora voyaient repoussée à plus d’un million d’années la « création » de l’Homme que leurs dogmes situent vers – 5 000. Le christianisme notamment redoutait la mise en cause du dogme du « mystère » de la Rédemption, cette notion d’arbre de vie étant incompatible avec le dogme d’un premier couple unique coupable d’un unique « péché originel ». Les créationnistes caricaturèrent donc la thèse et la personne de Darwin, principal théoricien de l’évolutionnisme après Lamarck. En affirmant par exemple qu’il prétendait que l’Homme descend du singe, alors que le transformisme parlait seulement d’une souche commune aux uns et aux autres. Les apologistes firent feu de tout bois, tirant par exemple argument du scandale du « crâne de Piltdown » pour le contester [N. D. L. R. De tels procédés existent toujours actuellement, notamment pour disqualifier des adversaires « politiques ». Citations abusives ou tronquées, sorties de leur contexte, etc.]
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Buffon, en 1749, donnait encore 8 000 ans à l’homme actuel. Le premier fossile de « singe » a été trouvé vers 1830 par le Français Édouard Lartet, preuve enfin de la possible origine lointaine de l’Homme. Découvrant, grâce à un agriculteur, le site paléontologique de Sansan, il y entreprit des fouilles en 1834. Ses principales découvertes, une mandibule de mastodonte (seul mot qui existait à l’époque pour désigner les gros animaux préhistoriques) et un singe
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fossile (le Pliopithèque). Après Sansan, Édouard Lartet fouilla des grottes dans les Pyrénées (Baudéan – Espélugues), dans l’Aveyron et la Haute-Garonne (Aurignac), en Ariège (Massat) et surtout dans le Périgord (grotte de la Madeleine) ; où il découvrit un mammouth gravé dans de l’ivoire, preuve de la contemporanéité des hommes et des animaux préhistoriques. Ce qui remettait en cause la date de l’apparition de l’Homme sur la Terre et la faisait reculer dans le temps. Il publia ensuite, avec son ami, Henri Christy – qui l’avait accompagné dans ses explorations et l’avait financièrement aidé, une importante étude intitulée « Repliquae Aquitanicae ». Tout ce faisceau de présomptions aboutit à Charles Darwin (1859), qui confirma le fait que l’homme n’est pas une création divine comme le veulent les mythes sumériens repris par la Bible et le Coran, mais le résultat d’une évolution « animale » qui a des lois. Depuis, les découvertes de fossiles se succèdent. Note de la rédaction. Darwin croyait qu’entre nous et le chimpanzé il y avait un chaînon manquant, mais nous savons aujourd’hui qu’il n’en est rien. Le singe est le contemporain de l’Homme, ce qui signifie qu’il n’y a pas de « chaînon manquant » entre lui et nous. Chaque espèce occupe aujourd’hui des branches distinctes qui, comme deux lignes parallèles, ne se rejoindront jamais dans le futur. En fait, le paléontologue a bien observé que son arbre généalogique était incomplet, mais ce chaînon manquant ne se situe pas au niveau des rameaux homme/singe qui ont divergé, il se situe dans notre ascendance commune.Nous appartenons à l’ordre des primates, à la classe des mammifères qui existaient avant l’extinction des dinosaures, il y a 65 millions d’années. Il s’agissait encore de petites créatures modestes, vivant sous terre ou dans les arbres, mais appelées à un bel avenir.
À quel animal remonte l’ordre des primates auquel nous appartenons ? Quels sont nos ancêtres ? Nous allons décrire dans les quelques pages suivantes les différentes espèces animales qui ont donné naissance au genre humain.
Nos ancêtres immédiats sont les lémuriens que l’on retrouve aujourd’hui sur l’île de Madagascar, les loris de la péninsule indienne et le tarsier adapté à la vie arboricole. Ils se caractérisent tous les trois par un faciès court, par une vision frontale et des pattes préhensiles, alors que jusqu’à présent la vision était latérale et les doigts pas encore séparés.
Ainsi que nous avons pu le voir, notamment avec la cuvette du Fayoum (gisement riche en fossiles de mammifères, en Égypte) il y a 40 millions d’années vivaient deux petits primates, l’apidium, ancêtre de l’oréopithèque, et le parapithèque, qui pourrait marquer l’origine du rameau humain ; le point de rupture avec les ancêtres du singe. Pour certains auteurs, la séparation des rameaux anthropoïde et humain se serait en effet produite à la fin de l’Oligocène (voici plus de trente millions d’années).
Dans les couches du Fayoum, on a récolté en 1966, un fossile, l’Aegyptopithecus, dont certains spécialistes tendent à faire le premier maillon du rameau anthropomorphe ; peu distinct encore du Parapithecus tenu pour le dernier maillon du tronc commun.
Tout velu, arboricole, l’Aegyptopithecus avait un long museau, évoluait à quatre pattes et se retenant aux branches grâce à une longue queue préhensile. Cet animal pesait environ quatre kilogrammes et ressemblait à un lémurien. Son cerveau faisait 27 cm3 et pour la première fois un animal placentaire avait 32 dents. Il vivait en Égypte à l’ère du Miocène inférieur, il y a 33 à 35 millions d’années. À cette époque la Terre avait une tout autre physionomie qu’aujourd’hui. Le monde actuel émergeait à peine des eaux, l’ancien continent n’était qu’une silhouette et le continent africain était encore une île entourée par la Téthys. Vivant dans un climat équatorial, son habitat était constitué de forêts luxuriantes dans lesquelles vivait une faune très diversifiée.
Fin de l’Oligocène début du Miocène (il y a 25 millions d’années) au Kenya et en Ouganda, l’Égyptopithèque se transforme en Proconsul. Le nom de Proconsul (« Avant consul ») aurait été choisi par son découvreur, Arthur Tindell Hopwood, par référence à un chimpanzé savant des années 1930 à Londres. Les Proconsuls avaient déjà des caractéristiques propres aux hominidés, ils comptent donc parmi les premiers membres connus de cette superfamille. Ils n’avaient déjà plus de queue, le volume de leur cerveau était relativement grand (comparé à celui des gibbons) et ils avaient de longs bras. Étant arboricoles, ils devaient se déplacer en cheminant sur les branches sans se suspendre à celles-ci. Leurs dents laissent supposer qu’ils se nourrissaient essentiellement de fruits, mais ils complétaient probablement leur alimentation en mangeant de petits animaux. La position exacte du genre Proconsul dans l’arbre généalogique des primates fait l’objet de discussion. Autrefois, il était considéré comme un ancêtre des anthropoïdes actuels ; aujourd’hui, on voit plutôt en lui une branche parallèle, même si certains auteurs continuent à le considérer comme un « chaînon
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manquant », l’un des ancêtres communs aux hommes et aux grands singes actuels. Quatre espèces distinctes ont été définies. Elles se distinguent nettement par la taille.— Le proconsul africanus n’avait pas de queue et se déplaçait dans les arbres à l’aide de ses quatre membres. Son poids est estimé à 18 kg. Il habitait les forêts d’altitude humides.
— Le proconsul heseloni ressemblait au proconsul africanus et certains auteurs le considèrent comme une variante de la même espèce. Il habitait les forêts claires au sous-bois formé de buissons.
— Le proconsul nyanzae avait le même type d’habitat, mais il était beaucoup plus grand, avec un poids estimé à 28 kg, et avait un museau plus allongé que les autres espèces.
— Le proconsul major était le plus grand, avec un poids allant de 50 à 75 kg. Il habitait les forêts d’altitude humides comme le proconsul africanus. Les fossiles attribués à cette espèce sont parfois classés au sein du genre dryopithèque.
Le Kenyapithèque ou Ramapithèque apparaît en Afrique il y a environ 20 millions d’années. On en trouvera des restes en Afrique, en Asie et en Europe où il subsistera encore 13 millions d’années plus tard à l’aube du règne de l’Australopithèque (6 500 000 ans). Ce groupe fécond aurait acquis une bipédie occasionnelle vers – 14 millions d’années, c’est-à-dire au Miocène. À la même époque vivaient diverses autres espèces, dont le gigantopithèque (certains spécialistes pensent qu’il en subsiste encore dans l’Himalaya sous le nom de yéti). Le kenyapithèque ou ramapithèque a été le premier primate à utiliser un outil. Les fouilles de Fort-Ternan, au Kenya, où furent trouvés des ossements, ont mis au jour des cailloux datés de 14 millions d’années, qui ont été utilisés sans préparation. C’est-à-dire dont les arêtes naturelles présentent des signes d’usure ou d’écrasement. À côté d’eux ont également été trouvés des ossements d’animaux présentant des traces d’impact. Cette bipédie occasionnelle du Kenyapithèque ou Ramapithèque va tendre à devenir permanente du fait de l’évolution de son environnement au Miocène. Le climat va subir des variations ; de longues périodes de sécheresse vont faire reculer la forêt. La savane va par conséquent apparaître avec ses espaces découverts où l’humanoïde va être vulnérable. Il va devoir « penser avec sa tête » afin de survivre. Il va demeurer « souple et adaptable », non à cause de son physique, mais à cause de ses capacités « intellectuelles » d’adaptation. Ce kenyapithèque ou ramapithèque, maillon, semble-t-il, essentiel de notre histoire, va subsister jusqu’à 7 000 000 d’années avant notre ère.
Toumaï. – Sept millions d’années – six millions d’années. Toumaï (sahelanthropus tchadensis) a été découvert en 2001, par une équipe tchadienne. Crâne quasi complet, un fragment de mâchoire inférieure ainsi que trois dents, le tout appartenant à cinq individus différents. Il serait le représentant de l’ancêtre commun homme/grand singe. Sa capacité crânienne, de l’ordre de 360-370 cm3, est équivalente à celle des chimpanzés actuels. Sa denture, notamment ses canines, petites à usure apicale et sans facette aiguisoir ; la morphologie de ses prémolaires et molaires à émail plus épais que chez les chimpanzés, mais moins que chez les australopithèques ; sa face relativement aplatie et la base de son crâne, avec un trou occipital en position déjà très antérieure ainsi qu’une face occipitale très inclinée vers l’arrière ; montrent que l’hominidé tchadien appartient bien au rameau humain. Et non à celui des chimpanzés ou des gorilles.
La découverte du crâne de « Toumaï », au Tchad, à 3 000 kilomètres de l’Est africain, a obligé la communauté scientifique à réaménager la dernière théorie en vogue à ce sujet. Elle aura duré vingt ans, comme les deux grandes théories précédentes, qui situaient l’origine de la lignée humaine d’abord en Europe, puis en Asie. Reste l’hypothèse fondamentale, d’après laquelle les caractères humains sont apparus dans le sillage de grandes crises climatiques.
Millenium ancestor. – Six millions d’années. Millenium ancestor (Orrorin tugenensis) a été exhumé en 1999, dans les collines de Tugen au Kenya, à 50 kilomètres au nord de l’équateur. Orrorin est un petit gabarit, encore arboricole pour échapper aux prédateurs ; son humérus a une crête latérale droite pour le muscle brachioradial comme l’ont les humérus de chimpanzés d’aujourd’hui, et ses phalanges sont courbes comme celles des Primates qui grimpent ; mais son fémur a une tête massive, sphérique, plus large que le col, une corticale plus forte à la partie inférieure, un grand trochanter minor, une ligne intertrochantérique courte, une linea aspera large et basse pour de puissants muscles glutéaux (des fesses). Autant de caractères liés à une bipédie fréquente. Enfin, ses dents sont à émail épais, comme celles de tous les australopithèques, mais elles sont petites et carrées, donc en ce sens beaucoup plus humaines que celles, massives, de ces derniers.
L’étude du fémur d’Orrorin, grâce à une technique de tomographie assistée par ordinateur, a permis d’établir sa bipédie. Sa première phalange, longue et incurvée, indique toutefois
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qu’Orrorin se suspendait parfois aux arbres. Il était donc également arboricole. La taille de ses molaires (identique à celle des hommes actuels) est toutefois plus petite que celle des australopithèques. En bref, Orrorin semble avoir pioché des caractères chez les grands singes et chez les hominidés !Millenium ancestor surclasse aisément tous les « hommes » fossiles découverts en grand nombre au cours des dernières décennies.
Mais au fait qu’a-t-il de plus ? Son grand âge tout d’abord : six millions d’années. C’est presque trois millions d’années de plus que Lucie, la petite australopithèque, découverte dans l’Afar éthiopien, en 1974.C’est aussi 1,5 million d’années de plus que Ramidus l’Éthiopien, présenté, naguère encore comme étant notre ancêtre, avant que les chercheurs ne s’avisent que ses traits caractéristiques étaient plus simiesques qu’humains.
Six millions d’années, c’est surtout une date très proche de celle de la séparation des singes et des futurs hommes, évaluée à sept ou huit millions d’années.
Une douzaine d’os attestent que Millenium et sa tribu trottinaient dans la savane arborée de l’époque, partageant leur territoire est africain avec les ancêtres des antilopes, des rhinocéros ou des hippopotames. Après la découverte par la Kenyane Evalyne Kiptalam, d’une première phalange, les trouvailles n’ont cessé de se succéder. Deux fragments de mandibules, trois fémurs, un humérus, une poignée de dents isolées ont ainsi été mis au jour sur trois sites différents, par une équipe de chercheurs du Community Museum du Kenya. Les ravins du district de Baringo, à 250 kilomètres au nord-ouest de Nairobi, ont ainsi livré les restes d’au moins cinq individus, mâles et femelles. Le tout, dabs des gisements clairement datés de six millions d’années par deux équipes différentes. Un tel butin est inespéré… même pour cette région est-africaine, dont les roches riches en carbonates et en phosphates de calcium – conditions propices à la fossilisation – font le bonheur des paléontologues… Bipède, Millenium ancestor avait toutefois conservé des mœurs arboricoles… S’il ne se balançait pas de branche en branche, comme nos cousins les singes, il y avait ses habitudes. Ce mode de vie perdurera d’ailleurs chez les australopithèques comme Lucie, aux alentours de – trois millions d’années. De nombreux paléontologues pensent même que c’est en pratiquant l’escalade des arbres que nos ancêtres ont acquis un tronc et un dos bien redressés, indispensables à la pratique de la bipédie. Mais c’est encore la mâchoire de Millenium ancestor qui est la plus parlante : ses dents le rattachent clairement à la lignée humaine. Leur émail épais laisse à penser que ce primate était déjà un omnivore, probablement friand de fruits à écorce dure, qui pouvait ajouter occasionnellement un peu de viande à son menu. Les canines sont plus petites que celles d’un singe, mais plus grosses que celles de l’homme d’aujourd’hui. Sa troisième molaire supérieure est également très raccourcie, ce qui suggère que sa face était aplatie déjà et qu’il n’était pas pourvu d’un museau allongé comme les singes.
Que conclure de cette première évolution vers la lignée humaine ? Une première étape est le détachement, à partir du « tronc » ancestral des prosimiens, mais le mode de vie terrestre qui l’accompagne implique probablement une évolution divergente du squelette par rapport à ce qui s’est passé dans les lignées conduisant aux pongidés actuels.
La séparation entre hommes et singes s’est en réalité produite, il y a environ sept ou huit millions d’années, quelque part en Afrique. Du moins, c’est ce que l’on suppose actuellement, car aucun squelette de l’homme-singe de cette époque n’a encore été découvert.
Les ramapithèques ou kenyapithèques, les plus anciens Hominidés reconnus, devaient certainement vivre en groupes, ce qui leur assurait une meilleure sécurité. L’absence de moyens de défense naturels comme les canines laisse à penser qu’ils avaient déjà vraisemblablement acquis la station bipède, au moins occasionnelle, pour la course ou la lutte. Cette dernière pouvait impliquer des jets de pierres ou de branches. La structure en groupe devait aussi comporter un système de communication fait de gestes et de sons. La séparation entre singe et humain date d’au moins huit millions d’années et elle ne s’est pas faite brusquement, mais par paliers successifs. L’hypothèse la plus couramment avancée aujourd’hui, pour expliquer l’apparition ultérieure de la bipédie et donc de l’homme ; est celle du passage obligé de la vie en forêt à la vie en savane (plus ou moins arborée) il y a environ huit millions d’années. La naissance de la vallée du Rift en Afrique de l’Est, sur plus de 3 000 kilomètres, du nord au sud, aurait séparé en deux groupes complètement distincts nos ancêtres d’alors. À l’ouest la forêt ainsi que l’humidité auraient donné les préchimpanzés, mais aussi les prégorilles, à l’est savane et sécheresse auraient donné les préhommes, obligés de s’adapter à cette nouvelle vie en devenant bipèdes. La caractéristique première de
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l’homme, ou plus exactement du pré-homme en effet ; c’est la bipédie : la possibilité d’étendre le tronc, le bassin, la cuisse et la jambe a permis à nos ancêtres de se déplacer sur les membres postérieurs. Cette position nouvelle a dégagé la main, a permis le développement de l’encéphale et, suite logique, l’invention de l’outil, l’apparition de la conscience ainsi que de la culture.Tout cela reste néanmoins bien hypothétique, car on a aussi trouvé ailleurs qu’en savane de possibles ancêtres de l’Homme. La question demeure : comment et pourquoi les « gènes propices à la marche » ont-ils été sélectionnés pour aboutir à l’Homme ?
L’AUSTRALOPITHÈQUE, il y a environ 4,4 millions d’années.
Le premier Australopithèque a été découvert à Taung en Afrique du Sud par Raymond Dart en 1924. La famille des australopithèques, « découverte » donc par Raymond Dart au début du XXe siècle, compte plusieurs espèces différentes : Ramidus, Afarensis, Africanus, Robustus, Aethiopicus, Boisei, etc. Nous entrons là dans la protohistoire de l’Homme. C’est en effet avec les Australopithèques qu’apparaissent les premières industries d’os ou de pierre, les premiers outils aménagés.
L’australopithèque Ramidus.50 fragments appartenant à 17 individus différents ont été découverts en 1993. Morceaux de boîtes crâniennes (assez primitives) et de mâchoires inférieures d’enfants, os de bras, etc. Et enfin dents. Prémolaires et molaires sont plus petites que celles de son successeur, l’australopithèque Afarensis, les canines sont plus grandes, et l’émail dentaire plus fin (preuve que le Ramidus mangeait donc surtout des fruits et des feuilles).
ET SURTOUT, SURTOUT, le Ramidus avait une première molaire « déciduale » c’est-à-dire destinée à tomber, un peu comme chez le chimpanzé. La forme des coudes nous montre en tout cas que ce n’était déjà plus tout à fait un singe. La taille moyenne de ces premiers australopithèques devait être assez petite (1 m ?), mais on n’en est pas sûr. On ne sait pas non plus avec certitude s’ils marchaient déjà debout, c’est seulement l’hypothèse la plus vraisemblable. La bipédie définitive remonte par conséquent à au moins quatre millions d’années. Ces australopithèques vivaient près d’Aramis, à 230 km au nord-est d’Addis-Abeba, en Éthiopie. Vu le contexte de la découverte (600 morceaux d’autres animaux), il est à supposer que les 17 malheureux en question ont dû être dévorés. À l’époque devait s’étendre là une plaine inondable, boisée, sans relief particulier. Il y avait des singes et des antilopes, des rhinocéros et des éléphants primitifs, des oiseaux, des chauves-souris et d’autres rongeurs… Et aussi, curieusement, de grands ours. Le ramidus dort dans des nids de branchages et grignote des feuilles une grande partie de la journée. La principale activité du ramidus est en effet de chercher à manger. Ces premiers australopithèques cueillent des fruits et des baies, déterrent des racines, attrapent des œufs d’oiseau, et même des insectes. Comme ils ne fabriquent pas encore d’outils, les ramidus cassent les noix ou les escargots avec des cailloux. Voir aussi l’Australopithèque Anamensis qui vivait, il y a quatre millions d’années au Kenya. Sa mâchoire est encore très archaïque, très prognathe, mais ses jambes font de lui le meilleur bipède de tous les australopithèques.
La première conclusion de tout cela est donc claire. Il y a 3,5 millions d’années, voire avant, les préhumains avaient une zone de répartition beaucoup plus vaste que l’Est africain. Correspondant à une auréole de zones boisées ou de savanes ceinturant la forêt dense, de l’Océan Atlantique à la région du cap de Bonne-Espérance, en passant par l’Afrique centrale et l’Afrique orientale.
Un fragment de mâchoire mis à jour le 23 janvier 1995 dans la région de Koro Toro, en plein cœur du Tchad, à 2 500 kilomètres de la vallée du Rift ; prouve que des préhominidés contemporains de Lucie vivaient sans doute en Afrique centrale et occidentale. Très loin de la zone où on les croyait cantonnés. Le « propriétaire » du morceau de mandibule, baptisé Abel par ses découvreurs (en l’honneur de leur collègue Abel Brillanceau) est un australopithèque âgé de 3 à 3,5 millions d’années. L’étude des ossements d’animaux qui se trouvaient à proximité montre que son cadre de vie correspond à des milieux de bords de lac. Avec des rivières et une mosaïque de paysages allant de la forêt-galerie à la savane arborée, avec des espaces plus ouverts : des prairies à graminées. Le lieu de la découverte (aujourd’hui désertique) a d’ailleurs gardé le joli nom de Bahr el Ghazal, « rivière des gazelles » (en arabe). Les frères éthiopiens d’Abel, les australopithèques de l’ouest, évoluaient, à l’époque, dans le même type d’environnement. Abel leur ressemblait probablement beaucoup. Le fragment de mandibule et ses sept dents sont très semblables à ceux des Australopithecus
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afarensis, mais présentent aussi quelques différences. La dispersion géographique des australopithèques semble avoir été si rapide que le problème du lieu d’origine précis de l’Homme devient une question qui restera sans doute sans véritable réponse. Et en réalité on ne sait plus très bien en fait de quelle espèce d’australopithèque est issu l’Homo Habilis, premier chaînon de la famille des hominidés. La bipédie de la célèbre Lucie était, par exemple, loin d’être parfaite.L’Homme de Lucie. Du nom donné au squelette (en fait 52 os d’un même squelette) d’australopithèque afarensis découvert en 1974, dans l’est de l’Afrique. Le squelette le plus complet découvert à ce jour. Lucie est en effet le type même de l’australopithèque de cette deuxième époque, l’australopithèque afarensis. Le terme afarensis évoque la région de sa découverte, le pays des Afars, comme dans le cas du Ramidus (à 75 km seulement d’ailleurs de l’endroit où il fut découvert). La petite Lucie avait vingt ans, il y a 3,5 millions d’années. Lucie vivait en effet dans les forêts bordant la rivière Aouache en Éthiopie. Le volume de son cerveau était encore modeste. Avec ses 340 cm3, il ressemblait plutôt à celui d’un petit chimpanzé. Cette petite femelle (un mètre environ, pour 25 à 30 kg) était en effet bipède. Son bassin, différent de celui des chimpanzés, par exemple, prouve qu’elle se tenait debout, mais les articulations et la taille de ses membres démontrent qu’elle grimpait aussi encore aux arbres comme les singes. L’étude des os de son squelette a montré que Lucie marchait debout sur ses deux jambes, mais avec difficulté. En Tanzanie les traces de pas de Laetoli, fossilisées dans une cendre volcanique remontant à 3,7 millions d’années, ont montré le passage de trois australopithèques, marchant debout, côte à côte. Probablement la même espèce que Lucie. Ils devaient donner l’impression d’être un peu ivres… avec une démarche mal assurée, pas très alignée, due au fait qu’ils faisaient pivoter le tronc et les hanches à chaque pas. Avec Lucie se confirme donc l’apparition de l’Homme sur Terre, l’apparition du premier hominidé méritant cette appellation.
CONCLUSION SUR LES AUSTRALOPITHÈQUES.
Les australopithèques ont vécu dans des milieux très divers, forêts, savanes… Certains sont massifs (aethiopicus, robustus, boisei) et les autres plus graciles (africanus) ou plus primitifs. Les premiers sont reconnaissables à leur face saillante, leur volumineux bourrelet sus-orbitaire au-dessus des yeux, leur front aplati et leur crête sagittale très marquée sur le sommet du crâne, chez les mâles. Les molaires et les prémolaires sont très grosses, les canines et les incisives sont beaucoup plus petites : ils devaient broyer des aliments durs, comme des racines ou des graines. Les seconds par contre, ont une face moins massive, un bourrelet peu marqué au-dessus des yeux, et un front légèrement redressé. Le développement des incisives et des canines laisse supposer qu’ils mangeaient de la viande. Quant au troisième type, le type Afarensis, il semble encore très proche du ramapithèque. L’Australopithèque robuste est plus fort et plus grand que les autres hominidés. D’un poids de 40 à 60 kg, il devait mesurer 1,50 m. Capacité crânienne : 500 cm3. Il apparaît comme un végétarien figé dans son choix et sans évolution sensible, ce qui entraînera sa disparition. L’Australopithèque gracile. On estime sa taille à 1,25 m environ et son poids à 20 ou 30 kg. Capacité crânienne : 450 cm3. Il possède un puissant appareil masticateur, mais son régime alimentaire va changer progressivement pour devenir de plus en plus omnivore. L’Australopithèque gracile semble en effet avoir ajouté, au moins occasionnellement, de la viande, à son régime. C’était un chasseur de petites proies (des rongeurs, par exemple) ; ce qui ne l’a certainement pas empêché de dépecer de temps à autre des animaux trouvés morts. C’est lui qui se trouve le mieux placé dans l’arbre généalogique pour donner naissance à des hominidés plus évolués. Les Ramapithèques, quelques millions d’années auparavant, utilisaient peut-être déjà des fragments de basalte, mais ne fabriquaient pas encore d’outils. Si les premiers outils ont été inventés par l’Australopithèque, il semble donc bien que ce ne soit pas par la variété dite « robuste ». Vu les conditions de l’époque, la survie du groupe fut une lutte perpétuelle. Carences alimentaires et malnutritions étaient la règle, comme le prouve l’étude des dents (hypoplasie ou amincissement de l’émail). Ces premiers hominidés avaient une enfance se terminant vers sept ou huit ans et une espérance de vie d’environ trente ou quarante ans, comme les chimpanzés. L’Australopithèque robuste s’est éteint il y a environ trois millions d’années. Faim et maladie finirent donc sans doute par venir à bout des Hommes de Lucie (des australopithèques) dont le type gracile dut progressivement s’effacer devant le premier Homme véritable, l’Homo Habilis, auquel il donna naissance selon toute vraisemblance. C’est une hypothèse à la cruauté toute darwinienne, mais il ne faut pas surestimer l’importance de ces conflits. Si les hominidés primitifs se sont trouvés parfois en
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compétition, les luttes n’ont certainement pas eu l’ampleur que l’on s’est plu à leur donner parfois. Il ne semble pas y avoir eu de véritables guerres entre eux, car ils vivaient dans des milieux écologiques différents.LE GENRE HOMO.
La conquête humaine suivante aura lieu toujours en Afrique et elle sera le fait de l’Homo Habilis ou Rudolfensis, il y a plus de deux millions d’années. Le terme homo à la place d’australopithèque est là pour montrer qu’il s’agit bien d’hommes cette fois-ci, et non plus de singes évolués. Homo rudolfensis est le nom d’une espèce fossile d’hominidés bipèdes apparue il y a environ 2,4 millions d’années. Elle doit son nom spécifique au lac Rudolf, ancien nom du lac Turkana. Il appartient à la lignée humaine et plus précisément au genre Homo donc, auquel appartient également l’Homo sapiens. L’Homo rudolfensis est, avec l’Homo habilis, le premier représentant du genre Homo. On a retrouvé des fossiles d’Homo rudolfensis en Tanzanie (site d’Olduvai), au Kenya (site de Koobi Fora) et en Éthiopie (site de l’Omo). La capacité crânienne de l’Homo rudolfensis est de 750 cm3 en moyenne. Elle est donc comparable, voire supérieure à celle des Homo habilis. L’Homo rudolfensis mesurait environ 1,60 m pour un poids d’à peu près 50 kg. Il était doté d’une voûte crânienne épaisse et avait de grandes incisives. La forme de l’écaille de l’os temporal était haute et arrondie. On considère généralement que l’Homo rudolfensis a disparu, il y a environ 1,6 million d’années. Par conséquent, il cohabita un certain temps avec l’Homo habilis, les Australopithèques, l’Homo ergaster et l’Homo erectus, premier représentant du genre Homo ayant quitté le berceau africain. Cette cohabitation entre différentes espèces prouve que l’évolution de la lignée humaine est buissonnante et non linéaire.
Le terme « habilis » évoque la capacité de cet homo à tailler la pierre ou à construire des abris en bois qu’il aménage progressivement. Il y a trois millions d’années en effet, un nouveau bouleversement climatique (un nouvel assèchement plus important) va donner naissance à tout un buissonnement hominien. L’Homo habilis (1,40 m 50 kg) se rapproche des formes modernes du genre homo. Sa capacité endocrânienne très nettement supérieure à celle de ses prédécesseurs varie de 500 à 800 cm3. Il se comporte, vis-à-vis de l’Australopithèque gracile, comme un descendant progressif engagé définitivement vers l’acquisition de la bipédie parfaite, l’établissement du régime omnivore et la croissance explosive du cerveau. Le développement du cerveau et l’élargissement de son régime omnivore, son adaptation au biotope, le conduisent à mettre en place les premiers éléments d’une structure sociale : petites communautés, habitation, cueillette, chasse, premiers outils, etc. C’est un primate des savanes ouvertes dont la défense a été l’intelligence. Il ne court pas très bien et mord mal, mais il développe l’outil qui l’aide à manger, mais aussi à ne pas être mangé. L’Homo habilis est le premier hominidé incontestablement déjà Homme puisque capable de tailler des pierres, et avec lui nous entrons d’ailleurs dans l’âge de la pierre taillée. Autrement dit le Paléolithique, puisque l’Homo Habilis fait également preuve d’une civilisation plus évoluée. Il compense ses déficiences (une marche sur deux jambes encore hésitante) par la création d’outils ou d’armes sans cesse plus perfectionnés : galets aménagés, marteaux (percuteurs) et couteaux ou couperets, en silex ou en pierre plus ordinaire. Avaient-ils aussi déjà un langage ? Ceci est une autre question, très difficile. On a trouvé des restes d’homo habilis dans les îles du Sud-Est asiatique, en particulier en Indonésie, à Sangiran (des fragments de deux boîtes crâniennes différentes) et à Modjokerto (un morceau de calotte crânienne d’enfant, découvert en 1936). Ces restes humains sont vieux de presque deux millions d’années, d’après Gariss Curtis (entre 1,9 et 1,6 million d’années très exactement). La datation récente d’un fragment de mandibule vieux de 1,9 million d’années sur le site de Longgupo en Chine confirme ces découvertes. Ce dernier fossile a été trouvé à côté d’outils de pierre. Il s’agit en l’occurrence d’une forme d’Homo Erectus assez primitive, car possédant toujours des caractères Homo Habilis. En tout cas, cela prouve que l’Homo Habilis est sorti de son berceau, l’Afrique de l’Est, pour partir à la conquête du monde, il y a vraisemblablement plus de 2 millions d’années (2,5 millions ?) Le site de Chilhac (département français de la Haute-Loire) n’a peut-être pas les 1,8 million d’années que lui attribue P. Guth ; mais il est certain que l’industrie du quartz est vieille d’un million d’années au moins dans cette région du monde. La présence à cette époque de fossiles et d’outils dans des contrées non africaines pose donc un problème. Quel est, par exemple, le lien entre Olduvai et Chilhac ? Est-il le fait de migrations ? Ou doit-on imaginer une émergence simultanée du phénomène humain en divers points de la Terre ? Ce que les datations
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obtenues à Chilhac ou dans d’autres gisements eurasiatiques pourraient suggérer. Le retard de l’Europe vis-à-vis de l’Afrique inciterait plutôt à imaginer une longue marche, celle de populations ayant utilisé pour cela le grand fossé du rift. Une branche serait partie vers l’Orient. Une autre se serait arrêtée au Maghreb. Une troisième aurait atteint l’Europe. Les envahisseurs en question auraient fait le tour de la Méditerranée, à moins que l’on admette l’hypothèse du passage par un isthme qui, à l’époque, aurait relié la Tunisie, la Sicile, et la Calabre. Ces mouvements de population « humaine » ont-ils vraiment existé ? Peut-être. Mais il a pu y avoir aussi évolution sur place à un rythme différent de celui des migrations. Il convient de ne pas négliger cette éventualité de la convergence de formes sans lien géographique.Homo georgicus. 1,8 million d’années.
Tout a commencé en 1999, à Dmanissi en Géorgie : des restes d’hominidés ont été mis à jour. Les recherches ont continué, fournissant plus d’une trentaine de restes crâniens. Dans un premier temps, ils ont été attribués à l’Homo ergaster. Les différences de taille avec les autres espèces ont amené les scientifiques à en créer une nouvelle : l’Homo georgicus, descendant de l’Homo habilis et ancêtre de l’Homo erectus asiatique. Du fait de son âge, l’Homo georgicus serait donc le premier hominidé connu ayant conquis l’Europe (prenant ainsi cette place à l’Homo ergaster). Sa capacité crânienne était de 700 à 800 cm3. Taille : 1,45 à 1,55 m. Poids : 50 kg. Localisation : Eurasie. Feu : maîtrisé. Outils : fabriqués.
Homo ergaster. De deux à un million d’années. Pour certains auteurs, l’Homo ergaster est le précurseur d’Homo erectus. Pour d’autres c’est une espèce qui s’est développée à part… le débat n’est pas clos ! Par sa silhouette, l’Homo ergaster ressemble beaucoup à l’Homme moderne. Sa capacité crânienne est toutefois plus petite que la nôtre, de l’ordre de 850 cm3.C’est peut-être le premier vrai représentant du genre Homo : il fait mieux qu’utiliser son environnement (comme le ferait un chimpanzé), il le transforme. L’Homo ergaster sort véritablement du monde des arbres, il s’approprie le feu, il invente le biface symétrique. De plus, il apparaît qu’il est le premier hominidé à consommer régulièrement de la viande. Taille : 1,55 à 1,70 m. Poids : 50 à 65 kg. Localisation : Afrique (Kenya), Europe du Sud. Habitat : savane, plaines.
LE PITHÉCANTHROPE, IL Y A 1,5 MILLION D’ANNÉES. Appelé Homo Erectus par les savants d’aujourd’hui.
L’Homme Debout (Homo Erectus) n’est pas né qu’en Afrique puisque son ancêtre l’Homo Habilis en est sorti vraisemblablement il y a plus de deux millions d’années. Il est sans doute déjà capable d’articuler quelques mots et il est aussi capable de réfléchir. Ces Hommes « Debout » se protègent du froid et des animaux en s’installant dans des cavernes : un coin pour dormir, un autre pour tailler les pierres, un autre pour cuisiner. Les femmes préparent l’éléphant ou le renne grillé. Le grand progrès des Hommes « Debout » est en effet d’avoir apprivoisé le feu. Ils apprennent à l’allumer et à l’entretenir. Leur vie devient plus agréable : ils se chauffent, s’éclairent, cuisinent, et ils s’en servent aussi pour éloigner les bêtes sauvages. L’Homo Erectus domina la nature et c’était déjà le superprédateur de son temps. Outre la taille de son cerveau, deux autres éléments démontrent qu’il était intelligent. Tout d’abord, il savait fabriquer des outils efficaces au point que des simulations ont indiqué que ses racloirs et autres tranchoirs étaient à peine moins performants que les couteaux modernes de nos bouchers. Lors d’une simulation effectuée, il y a quelques années, on a demandé à deux bouchers de dépouiller une carcasse de tous ses morceaux de viande, non pas avec leurs couteaux en acier habituels, bien aiguisés, mais avec les outils de l’Homo erectus. Ils sont arrivés à bout de leur tâche, en quatre fois plus de temps seulement que d’habitude. Bien sûr, ils n’avaient pas la méthode de travail ni la dextérité de leurs ancêtres, mais le travail fut accompli, preuve que les outils primitifs en pierre étaient suffisamment efficaces. Seconde observation, à la chasse, l’Homo erectus savait utiliser la force du groupe pour traquer les animaux ; et pouvait donc rivaliser avec les grands fauves qui chassaient en horde comme les lions, les léopards, les tigres à dents de sabre, les hyènes ou les ours. Ces différents indices témoignent que l’Homo erectus faisait déjà preuve d’une grande intelligence, nonobstant le fait qu’il était costaud et courageux. Mais ses aptitudes ne l’ont pas sauvé de l’extinction.
L’évolution de l’Homme est liée au climat qui modifia biologiquement toutes les espèces. En parallèle, l’ancêtre de l’Homme connut également une évolution géographique. Dans sa
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course par monts et par vaux, l’Homo erectus fut le premier à parcourir l’Afrique du Sud et l’Afrique de l’Est. Entre un million et sept cent mille ans, il remonta vers les zones tropicales. Ses descendants se répandirent à travers les continents, traversant l’Afrique et l’Eurasie pour conquérir de nouveaux territoires de chasse, à peine armés de bifaces et de lances. On retrouve l’Homo erectus des Tropiques jusqu’au Grand Nord, de l’Espagne en passant par l’Indonésie jusqu’en Chine (il y a 750 000 ans). Sa population comptait déjà plusieurs millions d’individus. C’est l’Homo erectus qui domestiqua le feu. Il dut conquérir cet « animal » inhabituel sans doute très rapidement. Des enfants ou les chasseurs les plus aguerris et les plus curieux l’ont peut-être découvert un jour d’orage après un incendie de forêt. Le feu fut bientôt le signe du pouvoir : celui qui l’accaparait devenait l’égal des dieu-ou-démons. Mais pendant longtemps l’homme craignit que la flamme du foyer ne s’éteigne, ou qu’une tribu ennemie ne s’en empare. Finalement, les hommes parvinrent à le domestiquer. En maîtrisant le feu, l’Homo erectus se donnait pour la première fois les moyens de maîtriser la nature et de changer sa façon de vivre. Il pouvait dorénavant se réchauffer, ne plus subir les rigueurs du climat ; le feu de la flamme permettait d’éloigner les fauves et la chaleur rendait possible la cuisson des produits de leur chasse, rendant ainsi les aliments plus digestes. Quand l’homme a-t-il maîtrisé le feu ? Pour l’heure, la seule preuve acceptable de la domestication du feu est la découverte de foyers aménagés. Alors que les premiers outils en pierre remontent à 2,5 millions d’années, les plus anciennes structures de combustion (des foyers) datent d’environ 450 000 ans. La grotte de Menez-Dregan, dans le département français du Finistère, a livré plusieurs foyers dont le plus ancien remonterait à cette époque. Dans le gisement de Terra Amata (département français des Alpes-Maritimes), plusieurs foyers (datés de 380 000 ans) étaient aménagés dans de petites fosses ou sur des dallages de galets. À partir de 350 000 ans avant notre ère, les traces de domestication du feu sont de plus en plus probantes et nombreuses. Les fossiles d’animaux que l’on a découverts dans les régions où vivait l’Homo erectus pouvaient atteindre la taille des éléphants. Cela suggère que le comportement de ces chasseurs était déjà complexe et d’une grande efficacité pour s’attaquer à de tels mammifères. C’est à cette époque, pendant les veillées auprès du feu, que se développèrent probablement l’esprit communautaire, et tous les rites tribaux. L’homme enfin se projetait dans l’avenir. L’évolution de l’Homo erectus n’était pas encore achevée. Il est ainsi prouvé que la taille du cerveau des premiers représentants fossiles n’était pas supérieure à celle des anciens hominidés, son volume oscillant de 750 à 800 cm3. Un million d’années plus tard, sa capacité crânienne atteignait 1 100 à 1 300 cm3, autant que celle de l’Homo sapiens qui lui succédera. Malgré sa bipédie, son cerveau volumineux, ses outils, bref son adaptation au milieu durant plus d’un million d’années ; ce qui représente une longévité dix fois supérieure à celle de notre espèce ; la lignée de l’Homo erectus s’est éteinte il y a plus de 250 000 ans, au profit de l’Homo sapiens.L’HOMO FLORESIENSIS.
L’Homo floresiensis a vécu sur des îles indonésiennes : l’île de Florès (et peut-être celle de Java) entre – 95 000 et – 12 000 environ. Il mesure à peu près 1 m pour 16 à 28 kilogrammes et se tient debout. Sa bipédie est attestée par la position du trou occipital, à la base du crâne, auquel se rattache la colonne vertébrale. Sa caractéristique principale est la petite taille, mais aussi la taille réduite du cerveau. En effet, celui-ci serait encore plus petit que celui de l’australopithèque Lucie. L’Homme de Florès aurait une capacité crânienne de moins de 400 cm3, soit un cerveau de la taille d’un pamplemousse. Mais Homo floresiensis aurait été doté d’un cerveau évolué, présentant un lobe frontal, impliqué dans la résolution de problèmes, et un lobe temporal développé, ce qui est important pour tous les mécanismes relatifs à la mémoire. Homo floresiensis était à l’évidence capable de concevoir des outils. La présence sur le site de nombreux outils en silex noir et en roches volcaniques en témoigne. Ces instruments sont essentiellement constitués de simples éclats, mais comprennent aussi des nucléus avec des traces de débitage effectué de manière à obtenir des bifaces. Il chassait, lui aussi, et maîtrisait l’usage du feu. On peut également noter les différences osseuses ci-dessous.
— Insertion du fémur plus oblique que celle d’Homo sapiens.
— Bassin plus large qu’Homo sapiens.
— Crâne : cloison nasale renforcée par une structure osseuse (comme l’Australopithèque), os de la voûte crânienne épais, comme le genre Homo ; mais renforcé vers l’arrière (caractère propre) ; forte courbure de l’os occipital (comme Homo), faible prognathisme, petites canines, bourrelet sus-orbitaire réduit et séparé en deux parties bien distinctes.
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L’Homo floresiensis a vécu sur des îles indonésiennes, l’île de Florès (et peut-être celle de Java aussi) avons-nous dit. Sur l’île, plusieurs espèces animales actuelles montrent aussi une différence de taille avec leurs congénères. Par exemple, les dragons de Komodo, qui sont des sortes de lézards géants. Ils sont carnivores et peuvent mesurer jusqu’à trois mètres de long. Mais on retrouve aussi des restes d’animaux à côté de l’Homo floresiensis, dont un stégodon nain (espèce disparue proche de l’éléphant) et un rat géant (papagomys). La théorie de l’évolution insulaire explique des adaptations évolutives ; lorsque des espèces sont isolées sur une île (un environnement très limité et en l’absence de grands prédateurs) : réduction de la taille des animaux plus grands qu’un chien et augmentation de la taille des animaux plus petits. On a donc supposé que l’Homme de Florès serait un descendant de l’Homo Habilis. Celui-ci serait arrivé, il y a environ 800 000 ans sur l’île, soit par la navigation, soit en se laissant porter par des débris flottants. À cette époque la glaciation avait fait baisser le niveau de la mer. Lorsque les glaces ont fondu, le niveau de la mer est remonté, empêchant les hommes de repartir de l’île. Mais cette hypothèse n’est corroborée jusqu’à présent par aucune donnée géologique précise (existence d’un pont terrestre), car la profondeur actuelle de la mer semble écarter tout passage à pied à travers la ligne Wallace. Le premier spécimen analysé par Peter Brown (LB1 ou Edu) est une femme d’une trentaine d’années environ, datant de 18 000 ans. C’est le squelette le plus complet que l’on ait retrouvé dans la grotte de Liang Bua. Un crâne complet ou presque et peu déformé. Une mandibule. Un fémur. Un tibia. La partie gauche du bassin. Plusieurs autres fragments osseux. Edu montre à la fois des caractères modernes et des caractères peu évolués, c’est ce qui rend sa classification aussi complexe. On va donc différencier les caractères de type sapiens ou néandertalien, des caractères de type australopithèque. La principale caractéristique est la taille du crâne, que nous pouvons comparer à celui d’Homo sapiens. Edu avait un cerveau de 380 cm3, soit moins du tiers de celui de nos contemporains, proche de celui des chimpanzés et bonobos, inférieur à celui des gorilles. La taille relative du cerveau des Homo erectus varie entre 865 et 1 039 cm3. L’étude a permis d’écarter les hypothèses selon lesquelles Homo floresiensis serait un Pygmée ou souffrait de microcéphalie. La découverte et l’étude d’un total de neuf spécimens similaires, découverts en septembre 2004 (à partir d’une mâchoire, deux tibias, une omoplate, un fémur, deux radius, un cubitus, une vertèbre et des phalanges de doigts et d’orteils) ; provenant de la grotte de Liang Bua ; semblent confirmer le fait que l’Homo floresiensis est effectivement une nouvelle espèce. La petite taille étant due au phénomène connu du nanisme insulaire, hypothèse renforcée par la découverte de restes de stégodon (sorte d’ancêtre nain de notre éléphant) sur l’île. Ces restes sont âgés de 95 000 à 12 000 ans, ce qui les rend contemporains de l’Homo sapiens. Néanmoins, il semble de moins en moins probable que cette nouvelle espèce soit directement liée à l’évolution d’Homo erectus, et que par conséquent ses origines sont beaucoup plus éloignées. Reste à savoir s’il a existé d’autres Homo floresiensis dans le monde.
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L’HOMME DE NÉANDERTAL NOTRE ANCÊTRE ?(= TRIBU DU NEMET CORNUNNOS DANS LES LÉGENDES IRLANDAISES) ?
Après la disparition de l’Homo Erectus en effet, la Terre ne resta pas déserte, et l’Homme de l’Atapuerca, massif montagneux près de Burgos (Archanthrope ou Homo Antecessor ?) fit son apparition pour le remplacer. On a trouvé dans le nord de l’Espagne, 36 ossements fossilisés : fragments de crânes, de dentitions et de mâchoires, appartenant vraisemblablement à quatre hominidés dont un enfant. Ces lointains aïeux de l’Homme de Tautavel ont été trouvés à côté d’outils primitifs en silex. La datation du site a pu leur attribuer environ 780 000 ans. Le crâne de l’Homme de Tautavel, lui, a été découvert en 1971, dans le département français des Pyrénées-Orientales, dans la grotte (caune) de l’Arago, à Tautavel, près de Perpignan. L’Homme de Tautavel est un Homo Erectus, mais sa capacité crânienne (1 050 cm3) et différents autres traits, en font déjà presque un Homme de Néandertal. Il vivait, il y a 450 000 ans. Il ignorait le feu apparemment, mais il avait quand même empierré le sol de sa grotte. Avec des armes assez élémentaires (vraisemblablement des épieux de bois), il chassait des animaux comme la panthère, le lion ou l’ours. Il chassait aussi le bœuf musqué primitif ou le renne. Le cheval semble également avoir fait partie de ses ressources alimentaires. L’Homme de Tautavel chassait aussi, mais pour sa fourrure cette fois-ci, le loup étrusque (canis etruscus).
Une étude génétique de 2007 a suggéré que certains Néandertaliens avaient des cheveux blonds ou roux et le teint clair. Certains auteurs ont même émis l’hypothèse que 30 % de l’ADN néandertalien mis bout à bout était présent chez l’homme moderne, notamment pour ce qui est de la peau, des cheveux et de certaines maladies modernes. L’anthropologue Carleton Coon a même prétendu en 1939 que, bien rasé, coiffé et habillé, un Néandertalien passerait inaperçu dans le métro de New York.
Des restes fossiles d’hommes de Néandertal ont d’abord été découverts en 1829 dans les grottes d’Engis (un crâne partiel baptisé Engis 2), actuelle Belgique, par Philippe-Charles Schmerling et le crâne de Gibraltar 1 en 1848 dans la carrière de Forbes, à Gibraltar, tous les deux donc avant la découverte du spécimen ayant donné son nom à ce type d’homme dans une carrière de calcaire (grotte de Feldhofer), située dans la vallée de Néander ou vallée de la Dussel à Erkrath en Allemagne (environ 12 km à l’est de Düsseldorf) en août 1856, soit trois ans avant la publication de l’ouvrage de Charles Darwin sur l’origine des espèces. Le spécimen type, baptisé Néandertal 1, se composait d’une calotte crânienne, de deux fémurs, de trois os du bras droit, de deux du bras gauche, de parties de l’os iliaque gauche, de fragments d’omoplate et de côtes. Les ouvriers qui ont récupéré les ossements pensaient à l’origine que c’étaient les restes d’un ours des cavernes. Ils ont néanmoins finalement donné le tout au naturaliste amateur Johann Carl Fuhlrott, qui a remis les fossiles à l’anatomiste Hermann Schaaffhausen.
Les Néandertaliens ou Hommes de Néandertal, Homo neanderthalensis taxonomiquement parlant, ou Homo sapiens néanderthaliens, étaient des humains archaïques qui vivaient en Eurasie il y a environ 250 000 à 40 000 ans. Ils semblent être apparus en Europe et se sont ensuite étendus dans le Sud-Ouest, l’Asie centrale et l’Asie du Nord. Ils sont connus par de nombreux fossiles, ainsi que des outils en pierre. La quasi-totalité des moins de 160 000 ans appartient à ce qu’on appelle le technocomplexe moustérien, caractérisé par des outils faits avec des éclats de pierre. Le spécimen type est donc le néandertalien N°1, trouvé dans la vallée de Neander en Rhénanie allemande en 1856.
Comparés aux humains modernes, les Néandertaliens étaient plus trapus, avaient des jambes plus courtes et un corps plus grand. Conformément à la règle de Bergmann, il s’agissait probablement d’une adaptation destinée à conserver la chaleur dans des climats froids. Les Néandertaliens et les Néandertaliennes avaient respectivement des capacités crâniennes moyennes de 1600 cm3 et de 1300 cm3, donc situées dans la fourchette des valeurs courantes chez les humains anatomiquement modernes. Les hommes mesuraient de 164 à 168 cm et les femmes de 152 à 156 cm.
Depuis 2010, les preuves d’un apport substantiel d’ADN néandertalien dans les populations modernes se sont accumulées. Des preuves de cette contribution ont été trouvées dans les populations européennes et asiatiques, mais pas chez les Africains, ce qui laisse à penser que le métissage entre les Néandertaliens et les humains anatomiquement modernes a eu lieu après la « sortie d’Afrique », probablement il y a entre 60 000 et 40 000 ans. Les spécialistes sont divisés quant à la question de savoir si les Néandertaliens doivent être
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considérés comme une espèce distincte (Homo neanderthalensis) ou une sous-espèce (Homo sapiens neanderthalensis) par rapport aux hommes modernes. Svante Pääbo (2014) a qualifié ces « guerres taxonomiques » d’insolubles par définition puisque la réponse dépend de la définition de l’Homo sapiens en tant que chrono-espèce qui a également évolué au cours du XXe siècle. Les auteurs préférant considérer les Néandertaliens comme une sous-espèce ont introduit le concept de sous-espèce Homo sapiens sapiens pour la population anatomiquement moderne des Cro-Magnon qui vivaient en Europe en même temps que les Néandertaliens, tandis que les auteurs préférant les considérer comme une espèce séparée utilisent le terme Homo sapiens pour parler des hommes « anatomiquement modernes ».Au début du XXe siècle, la vision des Néandertaliens comme « êtres simiens », influencée par Arthur Keith et Marcellin Boule, tendait à exagérer les différences anatomiques entre Néandertal et Cro-Magnon. À partir des années 1930, les reconstitutions revues et corrigées de Néandertaliens ont de plus en plus souligné les similitudes plutôt que les différences. Depuis les années 1940, et notamment tout au long des années 1970, il devint de plus en plus courant d’utiliser la classification Homo sapiens néanderthaliens au lieu d’Homo sapiens sapiens. L’hypothèse de « l’origine plurirégionale » de l’homme moderne a été formulée dans les années 1980 pour cette raison, en se fondant sur une succession ininterrompue de sites fossiles en Europe et en Asie. L’hybridation entre Néandertal et Cro-Magnon a été envisagée, vu la forme des squelettes et des crânes, depuis le début du 20e siècle, et a trouvé un soutien croissant au cours du 20e siècle, jusqu’à ce qu’on mette en évidence un apport néandertalien dans les gènes des populations modernes au cours des années 2010. Les spécialistes pensent que les hommes de Néandertal et les humains anatomiquement modernes ont évolué à partir de l’Homo erectus il y a entre 0,3 et 0,2 million d’années. H. erectus est apparu il y a environ 1,8 million d’années et s’est retrouvé dans diverses sous-espèces en Eurasie. L’époque de la divergence entre les lignées humaines néandertaliennes et modernes est située entre 0,8 et 0,4 million d’années, sur la base d’études d’horloges moléculaires réalisées entre les années 1990 et 2010.
L’opinion dominante des années 2010 semble favoriser une évolution des Néandertaliens et des humains anatomiquement modernes à partir de l’Homo heidelbergensis, lui-même issu d’H. erectus il y a environ 0,6 million d’années. L’Homo antecessor, une espèce humaine archaïque dont l’existence a été postulée en 1997, et supposé être le prédécesseur immédiat de H. heidelbergensis, a également été proposé comme dernier ancêtre commun des Néandertaliens et des humains anatomiquement modernes.
Les distinctions taxonomiques entre H. heidelbergensis et Néandertaliens sont principalement dues à une lacune en matière de fossiles en Europe apparue il y a entre 300 000 et 243 000 ans. On appelle « Néandertaliens » par convention les fossiles datant d’après cette période. La qualité des éléments fossiles augmente considérablement depuis 130 000 ans. Les spécimens plus jeunes constituent la majeure partie des squelettes connus d’hommes de Néandertal et ont été les premiers dont l’anatomie a été étudiée de façon approfondie. Dans les études morphologiques, le terme « Néanderthalien classique » peut être utilisé dans un sens plus étroit pour parler des Néandertaliens de moins de 71 000 ans. Habitat et aire de répartition. Il n’y a probablement jamais eu plus de 70 000 Néandertaliens vivant au même moment. Les premiers Néandertaliens, vivant avant l’âge interglaciaire connu sous le nom d’Eémien (130 000 ans), sont peu connus et apparaissent principalement sur des sites européens. À partir de 130 000 avant notre ère la qualité de la documentation fossile augmente considérablement. À partir de cet instant, on trouve des restes de Néandertaliens en Europe occidentale, centrale, orientale et méditerranéenne, ainsi qu’en Asie du Sud-Ouest, du Centre et du Nord jusqu’aux montagnes de l’Altaï en Sibérie. Aucun néandertalien n’a jamais été trouvé en dehors du centre de l’Eurasie occidentale, ni au sud du 35e degré Nord (Shouqba, Levant), ni à l’est du 85e degré est (Denissova, Sibérie), ni au nord du 55e degré Nord (Bontnewydd, Pays de Galles), bien qu’il soit difficile de déterminer les limites de leur aire de répartition septentrionale, car les avancées glaciaires détruisent la majorité des restes humains, la dent de Bontnewydd étant l’exception qui confirme la règle. Du mobilier archéologique datant du Paléolithique moyen a été trouvé jusqu’au 60e degré nord dans les plaines russes.
Gregory Cochran et Henry Harpending, dans leur livre intitulé l’explosion d’il y a 10 000 ans ont cherché à savoir s’il était juste de représenter les Néandertaliens comme ayant des types de cheveux similaires à ceux des humains anatomiquement modernes. Ils ont conclu que nous ne le savons pas encore avec certitude, mais « qu’il semble probable que, dans le cadre de leur adaptation au froid, les Néandertaliens aient été poilus ».
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En 2017, des chercheurs ayant recours à des reconstitutions en 3D de cavités nasales et aux techniques de dynamique des fluides sur ordinateur ont découvert que les Néandertaliens et les humains modernes avaient vu leur nez s’adapter (indépendamment, mais de manière convergente) pour mieux respirer par temps froid et sec. Le grand nez observé chez les Néandertaliens, ainsi que chez l’Homo heidelbergensis, avait des effets sur la forme du crâne et des attaches musculaires, et leur conférait une pression des morsures plus faible que chez l’homme moderne. Dans sa Propagation des Hommes Modernes en Europe (paru en 2002), John F. Hoffecker, écrit : « Il n’y a aucune trace d’outils destinés à fabriquer des vêtements sur mesure sur les sites néandertaliens : il n’y a que des grattoirs pour les peaux qui auraient pu servir à fabriquer des couvertures ou des ponchos. Contrairement aux sites du Paléolithique supérieur (homme moderne), qui livrent en abondance des aiguilles et des alènes en os. L’analyse de l’usure des grattoirs de peau de l’homme de Néandertal montre également qu’ils ont n’été utilisés que dans la phase initiale de préparation des peaux et pas dans les phases ultérieures de la fabrication de vêtements.Une étude de crânes de néandertaliens datant de 2013 laisse à penser que leur vue était peut-être meilleure que celle de l’homme moderne à cause d’orbites plus grandes et de zones du cerveau consacrées à la vision plus grandes également.
Les Néandertaliens sont connus pour leur grande capacité crânienne, qui avec ses 1600 cm3 de volume est plus grande en moyenne que celle des hommes modernes. En 2008 des scientifiques ont réalisé une étude recourant à des reconstitutions tridimensionnelles assistées par ordinateur, de nourrissons néandertaliens, à partir de fossiles trouvés en Russie et en Syrie. Elle a montré que les cerveaux néandertaliens et modernes avaient la même taille à la naissance, mais qu’à l’âge adulte, le cerveau de l’homme de Néandertal était plus grand que le cerveau de l’homme. Ils avaient presque le même degré d’encéphalisation (c’est-à-dire de rapport cerveau-corps-taille) que les hommes modernes.
Les Néandertaliens fabriquaient des outils en pierre et savaient faire du feu, un feu vraisemblablement obtenu par percussion d’un morceau de pyrite sur un biface de silex et non par utilisation d’une flamme venant des braises d’un feu de forêt comme l’ont démontré des chercheurs néerlandais (Sorensen, Soressi) en étudiant une série de silex. La découverte de blocs de manganèse sur le site de Pech-de-l’Azé en Dordogne renforce cette hypothèse (nos ancêtres devaient se servir de manganèse réduit en poudre pour faciliter le démarrage). Les squelettes de Néandertaliens suggèrent qu’ils consommaient de 100 à 350 kcal (420 à 1 460 kJ) de plus par jour que les hommes modernes de 68,5 kg et les femmes modernes de 59,2 kg. Le consensus sur leur comportement s’arrête là. On a longtemps débattu pour savoir si les Néandertaliens étaient des chasseurs ou des charognards, mais la découverte des lances en bois pré-Néandertaliennes de Schöningen en Allemagne a contribué à régler la question (en faveur de la chasse). La plupart des éléments à notre disposition laissent à penser que c’étaient de grands prédateurs mangeant du cerf, du renne du bouquetin, du sanglier, de l’aurochs et, à l’occasion, du mammouth, de l’éléphant à défenses droites et de rhinocéros. Ils semblent avoir occasionnellement consommé des légumes comme aliments d’appoint, chose révélée dans les années 2000 et 2010 par l’analyse isotopique de leurs dents et l’étude de leurs coprolithes (fèces fossilisées). L’analyse dentaire des spécimens de Spy, en Belgique et El Sidrón, en Espagne, en 2017, a suggéré que ces Néandertaliens avaient un régime alimentaire varié, et que ceux d’El Sidrón semblent s’être nourris de salades à base de mousse des bois, de pignons de pin et de champignons appelés Schizophylles communs.
Taille et répartition des sites néandertaliens, ainsi que preuves génétiques, suggèrent que les Néandertaliens vivaient au sein de groupes beaucoup plus petits et beaucoup plus éparpillés que l’Homo sapiens anatomiquement moderne. Les os de douze Néandertaliens ont donc été découverts dans la grotte d’El Sidrón, au nord-ouest de l’Espagne. On pense qu’il s’agit d’un clan qui a été tué et massacré il y a environ 50 000 ans. L’analyse de l’ADN mitochondrial a montré que les trois mâles adultes appartenaient à la même lignée maternelle, tandis que les trois femelles adultes appartenaient à des lignées différentes. Ce qui une structure sociale où les hommes restaient dans le même groupe social et les femmes allaient dans un autre pour se marier. Les os du groupe El Sidrón montrent des signes de décarnisation indiquant qu’ils ont été victimes de cannibalisme. Le squelette de Saint-Césaire 1 découvert en 1979 à La Roche à Pierrot, en France, présentait une fracture cicatrisée au sommet du crâne, apparemment causée par une lame profonde. L’hypothèse que les Néandertaliens enterraient leurs morts, et que dans ces cas-là de telles sépultures avaient une signification symbolique est très contestée. Le débat sur les inhumations délibérées de Néandertaliens fait rage
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depuis la découverte en 1908 du squelette de la Chapelle-aux-Saints 1, bien conservé, dans un petit trou d’une grotte du sud-ouest de la France. Une équipe de chercheurs a de nouveau étudié la Chapelle-aux-Saints en 2014 et a confirmé que le spécimen de Néandertalien découvert en 1908 avait bien été délibérément enterré, ce qui fut de nouveau très critiqué. Un article paru en 2018 a débattu, à la lumière des récents développements de la paléogénétique et de la paléoanthropologie, de la question : les Néandertaliens étaient-ils oui ou non doués de raison ? Les arguments de ses auteurs sont principalement fondés sur les preuves génétiques qui vont dans le sens d’une hybridation avec Homo sapiens, l’acquisition du langage (y compris le gène FOXP2), les signes archéologiques du développement civilisationnel et le potentiel d’évolution civilisationnelle cumulée.Un fragment d’os de corbeau gravé, datant de 40 000 ans, laisse penser que les Néandertaliens avaient bien un sens esthétique voire du symbolisme, conclut une étude publiée aux États-Unis. Ce bout d’os d’un centimètre et demi de long mis au jour sur un site archéologique de Crimée, en Russie, compte huit entailles régulières faites avec un silex.
Une analyse au microscope a montré que l’auteur de ces marques profondes en avait fait initialement six avant de réaliser qu’il avait laissé trop d’espace entre certaines. Il en a rajouté deux, mais de manière à ce que la distance entre toutes les entailles reste égale. Les chercheurs ont ensuite demandé à un groupe de volontaires de faire huit marques équidistantes sur des os de dinde de la même taille. L’analyse a montré qu’ils avaient espacé et creusé les huit entailles exactement de la même manière que l’Homme de Néandertal. On a pu ainsi démontrer que le Néandertalien a bien fait des entailles avec l’intention de créer un motif harmonieux et peut-être symbolique. Il s’agissait peut-être de marques de propriété de l’objet, qui dans ce cas symbolisaient la personne le possédant.
Il existe un grand nombre d’autres revendications d’un art néandertalien. Elles sont souvent utilisées par les médias pour montrer que les Néandertaliens étaient capables de pensée symbolique, ou étaient les « égaux mentaux » des hommes anatomiquement modernes. En tant que preuve de l’existence du symbolisme chez les hommes de Néandertal, aucune d’entre elles ne fait l’objet d’un large consensus, bien qu’il en aille de même pour les hommes anatomiquement modernes du Paléolithique moyen.
— Le pollen de fleur retrouvé sur le corps du pré-Néandertalien de Shanidar 4, en Irak, a été considéré en 1975 comme étant le signe d’un enterrement avec des fleurs. Jadis très populaire, cette théorie n’est désormais plus acceptée.
— Les ossements d’oiseaux qui ont été retrouvés ont servi à démontrer qu’ils avaient été plumés, dans une étude de 2012 qui passait en revue 1699 sites antiques connus en Eurasie, des ossements d’oiseaux que les auteurs de cette étude ont utilisés pour démontrer que les Néandertaliens se servaient de plumes d’oiseaux comme ornements personnels.
— De profondes rayures ont été découvertes en 2012 sur un sol de caverne sous-jacent à la couche néandertalienne, dans la grotte de Gorham, à Gibraltar, des sillons que certains ont interprétés comme étant de l’art.
— Deux structures en anneaux composées de stalagmites vieux de 176 000 ans, faisant plusieurs mètres de large, ont été signalées en 2016 à plus de 300 mètres de l’entrée de la grotte de Bruniquel, en France. Les auteurs de la découverte pensent qu’un éclairage artificiel a été nécessaire, car cette partie de la grotte est située hors de portée de la lumière du jour et que les structures en question ont été faites par les premiers Néandertaliens, les seuls humains d’Europe à cette époque.
— En 2015, une étude a soutenu qu’un certain nombre de serres d’aigle vieilles de 130 000 ans trouvées dans une cache près de Krapina, en Croatie, avec des ossements de Néandertaliens, avaient été modifiées pour être portées en pendentifs.
Il ne s’agit néanmoins que de découvertes isolées, mais en 2018, en recourant à diverses méthodes de datation à l’uranium, des symboles peints en rouge comprenant un scalariforme (une forme d’échelle), un pochoir négatif et des lignes rouges ainsi que des points figurant sur les parois de trois grottes espagnoles distantes de 700 km ont été datés d’au moins 64 000 ans avant notre ère. Si la datation est bonne, ils ont donc été peints avant l’époque où les hommes anatomiquement modernes sont censés être arrivés en Europe. Le paléoanthropologue John D. Hawks soutient que ces découvertes montrent que les Néandertaliens étaient capables d’un comportement symbolique auparavant considéré comme étant propre aux hommes modernes.
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Croisement avec Homo sapiens. Une alternative à l’extinction est que les Néandertaliens ont été absorbés dans la population de Cro-Magnon par métissage. Cela irait à l’encontre des versions les plus strictes de la récente théorie de l’origine africaine, puisque cela impliquerait qu’au moins une partie du génome des Européens (30 % mis bout à bout) descendrait des Néandertaliens. Jusqu’au début des années 1950, la plupart des scientifiques pensaient que les Néandertaliens ne faisaient pas partie des ancêtres des humains actuels. Thomas H. Huxley en 1904 a néanmoins identifié chez les Frisons la présence de ce qu’il croyait être des caractéristiques squelettiques et crâniennes néandertaloïdes. Hans Peder Steensby en 1907 dans son article intitulé Études raciales au Danemark a évoqué un métissage. Il a insisté sur le fait que tous les êtres humains actuels étaient issus de métissages et a soutenu que cela correspondrait mieux aux observations, tout en contestant l’idée largement répandue alors que les Néandertaliens étaient semblables aux singes ou inférieurs. En se fondant essentiellement sur des données crâniennes, il note que les Danois, comme les Frisons et les Hollandais, présentent des caractéristiques néandertaloïdes et pensent qu’il est raisonnable de supposer « que quelque chose en a été hérité » et que les Néandertaliens « font partie de nos ancêtres ».En 1962, Carleton Stevens Coon a estimé vraisemblable, vu les données crâniennes et la culture matérielle, que les populations néandertaliennes et du Paléolithique supérieur se métissaient croisaient ou que les nouveaux venus reprenaient les techniques néandertaliennes « dans leurs propres types d’outils ». Christopher Thomas Cairney, en 1989, est allé plus loin en développant les raisons expliquant cette hybridation et en discutant plus largement des caractéristiques physiques, tout en ajoutant des commentaires sur le métissage et son importance pour les phénotypes adaptatifs européens.
Au début des années 2000, la plupart des chercheurs soutenaient l’hypothèse de la Sortie d’Afrique, selon laquelle les humains anatomiquement modernes auraient quitté l’Afrique il y a environ 50 000 ans et remplacé les Néandertaliens avec peu de métissage voire pas de métissage du tout. Certains chercheurs plaidaient néanmoins encore en faveur de l’hybridation avec les Néandertaliens. Erik Trinkaus, de l’Université de Washington, fut le plus ardent défenseur de cette hypothèse de l’hybridation. Trinkaus a revendiqué divers fossiles comme résultant de populations hybrides, y compris l’enfant de Lagar Velho, un squelette trouvé au Portugal et ceux de Peştera Muierii en Roumanie.
En 2010, les généticiens ont annoncé que des croisements avaient probablement eu lieu, un résultat confirmé en 2012. Les génomes de tous les non-Africains incluent des parties d’origine néandertalienne, une partie estimée en 2014 à 3 %. Cet ADN est absent chez les Africains subsahariens (peuples Yoruba et San). Ötzi l’homme des glaces, la plus ancienne momie d’Europe, avait un pourcentage encore plus élevé d’origine néandertalienne. Les trois pour cent d’ADN néandertalien chez les Européens et les Asiatiques ne sont pas les mêmes chez tous les Européens ou Asiatiques en question : Des études génétiques effectuées en 2012 semblent suggérer que des hommes modernes se sont peut-être accouplés avec « au moins deux groupes » d’humains archaïques : les Néandertaliens et les Denissoviens. Certains chercheurs suggèrent une proportion de 30 % d’ADN néandertalien mis bout à bout chez les hommes modernes d’origine non africaine. Les détracteurs de cette théorie ont soutenu et continuent de soutenir que les prétendus indices du croisement avec des néandertaliens peuvent être dus à l’ancienne sous-structure africaine et pas le résultat d’un métissage. John D. Hawks a soutenu que cette similarité génétique avec les Néandertaliens pouvait venir à la fois de la sous-structure africaine et d’un croisement, et non de l’un ou de l’autre seulement.
Alors que certains ADN nucléaires humains modernes ont été reliés aux Néandertaliens disparus, aucun ADN mitochondrial d’origine néandertalienne n’a été détecté, ADN mitochondrial qui, chez les primates, est toujours transmis par la mère. Cette observation a conduit à l’hypothèse selon laquelle alors que les femmes s’accouplant avec des Néandertaliens étaient capables d’engendrer des enfants fertiles, les descendants des Néandertaliennes qui s’accouplaient avec des hommes étaient soit rares, soit inexistants, soit stériles.
Selon une étude réalisée en 2014 par Thomas Higham et ses collègues sur des échantillons organiques provenant de sites européens, les Néandertaliens ont disparu d’Europe il y a 40 000 environ. De nouvelles datations dans la péninsule ibérique, où des datations de Néandertaliens remontant à – 28 000 ans ont été enregistrées, attestent de la survie de Néandertaliens dans la péninsule aux alentours de -25 000.
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L’équipe internationale de scientifiques ayant fouillé la grotte de Gorham à Gibraltar a trouvé deux couches stratigraphiques récentes. Elle a trouvé une industrie lithique de type moustérien qui caractérise les techniques employées par Homo neanderthalensis, mais les échantillons de charbon de bois retrouvés dans la grotte ont été datés de – 24 000 ans pour les plus récents et de – 33 000 ans pour les plus anciens. Ce charbon de bois se trouvait dans les mêmes couches archéologiques où l’on a retrouvé les outils de pierre attribués à Néandertal. La présence de Néandertal il y a 24 000 ans est donc présumée à Gibraltar. Pour Clive Finlayson (du Musée de Gibraltar), cela prouve donc que la caverne de Gorham est le dernier endroit sur la planète où nous savons que Néandertal a vécu. On pensait jusqu’à présent que l’homme de Néandertal s’était éteint il y a 28 000 ans. Cette nouvelle étude repousse donc de 4 000 ans la disparition d’Homo neanderthalensis. Il faut noter que cette présence tardive de Néandertal à Gibraltar ne pourra vraiment être confirmée qu’avec la découverte de restes fossiles.Les hommes anatomiquement modernes sont arrivés en Europe méditerranéenne il y a entre 45 000 et 43 000 ans, de sorte que ces deux populations humaines se sont partagé l’Europe pendant plusieurs milliers d’années. La nature exacte de l’interaction biologique et civilisationnelle entre les Néandertaliens et les autres groupes humains est débattue.
Les scénarios possibles pour l’extinction des Néandertaliens sont les suivants.
— Les Néandertaliens étaient une espèce distincte des hommes modernes, et ont disparu (à cause du changement climatique ou du contact avec les hommes modernes) remplacés par les hommes modernes qui évoluaient dans leur habitat entre 45 000 et 40 000 ans. Jared Diamond a évoqué des conflits violents avec déplacement de populations.
— Les Néandertaliens étaient une sous-espèce qui s’est métissée avec l’homme moderne et a disparu par absorption (hypothèse du croisement).
— Il y a environ 55 000 ans, le climat a commencé à fluctuer de façon considérable en passant d’un froid extrême à un froid modéré en quelques décennies. L’approvisionnement en matières premières et l’examen des restes fauniques par Adler et alii en 2006 dans le sud du Caucase, suggèrent que les hommes modernes peuvent avoir été avantagés durant cette période, car ils avaient les réseaux sociaux requis pour bénéficier de ressources venant de zones plus grandes que celle des Néandertaliens. Ces chercheurs ont observé que plus de 95 % du mobilier archéologique en pierre étaient tirés du matériel local, aussi bien à la fin du Paléolithique moyen qu’au Paléolithique supérieur précoce, ce qui tend à prouver que les Néandertaliens se limitaient à des sources plus locales.
— Les hommes modernes ont peut-être amené avec eux une maladie qui a contribué à l’extinction des Néandertaliens. Lorsque les ancêtres des néandertaliens ont quitté l’Afrique environ 100 000 ans plus tôt, ils se sont alors adaptés aux éléments pathogènes existant dans leur nouvel environnement européen, contrairement aux hommes modernes qui s’étaient adaptés aux pathogènes africains. Ce mouvement transcontinental est connu sous le nom de « Sortie d’Afrique ». Quand la jonction s’est faite entre ces humains et les Néandertaliens en Europe et en Asie, ce premier contact aurait pu être dévastateur pour la population de Néandertaliens, car ils n’étaient pas immunisés contre les pathogènes africains. Des événements historiques plus récents en Eurasie et dans les Amériques ont provoqué un phénomène similaire. L’introduction involontaire de pathogènes viraux ou bactériens dans des populations non préparées a induit une mortalité massive et une quasi-extinction de la population locale. L’exemple le plus connu est l’arrivée de Christophe Colomb dans le Nouveau Monde, qui a introduit des maladies étrangères au sein d’une population indigène qui n’était pas immunisée contre.
Nous avons vu que 30 % de l’ADN néandertalien était passé chez l’homme moderne, notamment pour ce qui est de la peau, des cheveux et des maladies modernes. Le génome humain moderne impliqué dans la production de kératine – la protéine présente dans la peau, les cheveux et les ongles – a un niveau particulièrement élevé d’ADN néandertalien. Le POU2F3 est présent chez environ 66 % des Asiatiques d’extrême orient, tandis que la version Néandertal du BNC2, qui affecte la couleur de la peau, entre autres caractères, est présente chez environ 70 % des Européens. Les mutations génétiques prédisposant à plusieurs maladies, comme le lupus, la cirrhose biliaire, la maladie de Crohn, et le diabète de type 2, sont néandertaliennes. La variante génétique du gène MC1R liée aux cheveux roux chez les Néandertaliens n’a pas été retrouvée chez les hommes modernes ; les cheveux roux sont donc peut-être un cas d’évolution convergente.
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Des recherches plus récentes suggèrent que les croisements de Néandertaliens et d’Homo sapiens sapiens semblent s’être produits de façon asymétrique chez les ancêtres des humains modernes, et que ceci est une explication possible des fréquences différentes de l’ADN spécifique de Néandertaliens dans le génome des hommes modernes.Une étude effectuée en avril 2016, a révélé des différences entre les chromosomes Y modernes et ceux de l’homme de Néandertal différences qui, selon ces chercheurs pourraient avoir eu pour conséquences que les femmes Homo sapiens sapiens faisaient des fausses couches quand elles portaient des enfants mâles ayant un père néandertalien. Ce qui expliquerait pourquoi on n’a trouvé aucun homme moderne porteur du chromosome Y néandertalien. Le fait que le matériel génomique de l’homme de Néandertal se retrouve souvent dans les gènes du système immunitaire laisse à penser que certains des métissages en question pourraient avoir conféré aux hommes modernes une plus grande résistance aux maladies, contre lesquelles les populations de Néandertaliens étaient elles-mêmes immunisées. Il y aurait eu au moins trois épisodes de métissage. Le premier se serait produit peu de temps après que les hommes modernes aient quitté l’Afrique. Le second se serait produit après que les ancêtres des Mélanésiens soient partis vers l’est – ces populations auraient ensuite donné les Denissoviens. Le troisième aurait concerné les ancêtres des Asiatiques uniquement.
En 2016, des chercheurs ont rapporté qu’ils avaient trouvé de l’ADN humain moderne dans le génome d’une Néandertalienne de la région des montagnes de l’Altaï près de la frontière entre la Mongolie et la Russie. Ils ont calculé que le métissage devait avoir eu lieu il y a environ 100 000 ans.
Les populations mélanésiennes et australoïdes attestent d’un seul métissage, ayant eu lieu probablement il y a environ 100 000 ans, au Moyen-Orient. Il y a chez les Européens les traces d’un deuxième métissage ayant eu lieu également au Moyen-Orient, il y a peut-être 50 000 ans. Les Asiatiques d’extrême orient attestent d’un troisième métissage ayant eu lieu il y a peut-être 30 000 ans en Sibérie.
ET MAINTENANT POLYGÉNISME OU MONOGÉNISME ?
Le monogénisme est l’idée selon laquelle les hommes modernes actuels sont issus d’un seul et même couple (c’est l’idée judéo-islamo chrétienne fondée sur la Bible). Variante : les hommes modernes actuels ne descendent pas d’un seul et même couple, mais ont quand même une semblable origine ; plusieurs couples donc, mais d’un seul et même clan (druidisme ou monocentrisme).
Le polygénisme est l’idée selon laquelle les hommes modernes actuels descendent de plusieurs couples (c’est l’idée raciste au sens pas nécessairement politique du terme). Variante : les hommes modernes actuels ont essentiellement une même origine, c’est-à-dire un même clan primordial (druidisme ou polycentrisme), mais avec apport génétique d’autres races humaines comme les Hommes de Néandertal, les Hommes de Denissova, les Hommes de Florès, ou autres…
Les travaux de Lamarck et Darwin vont bousculer ces modèles qui seront renommés monocentrisme et polycentrisme. Les différences entre populations humaines actuelles peuvent être tout simplement le résultat de l’évolution. Le polycentrisme repoussant alors plus loin dans le temps l’origine de ces différences observées entre les différentes populations actuelles de la Terre. L’Homo erectus se serait répandu dans l’Ancien Monde, évoluant partout en Homo sapiens, mais des échanges génétiques se seraient maintenus entre les différentes lignées. L’humanité actuelle aurait ainsi plusieurs berceaux, reliés les uns aux autres à la suite du nomadisme des populations.
L’idée qui prédomine actuellement dans le monde scientifique en ce qui concerne l’origine de l’homme moderne est celle de la sortie d’Afrique des Homo sapiens il y a environ 50 000, 100 000, ou 200 000 ans ; des Homo sapiens qui auraient remplacé les Homo erectus en Asie et les Homo Neandertalensis en Europe. Des outils découverts dans le nord de la péninsule Arabique seraient par exemple la preuve du passage dans la région de l’homme moderne, il y a 125 000 ans. Certains travaux scientifiques laissent à penser que les Hommes de Néandertal seraient à l’origine de 4 % du patrimoine génétique des Européens et que les hommes de Denissova seraient à l’origine de 6 % du patrimoine génétique des Mélanésiens. Le site de la grotte de Denissova est connu depuis les années 1970. Le site est situé dans les montagnes de l’Altaï en Sibérie. Traces d’occupation humaine : quelques dents et fragments d’une phalange d’auriculaire, exhumés en 2008, sur le site. Différentes études
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montrent que cette caverne a été utilisée par des hominidés depuis 125 000 ans. De nombreux éléments retrouvés proviennent de la transition entre le Paléolithique moyen et le Paléolithique supérieur (- 35 000 ans) : outils en pierre, perles, pendentifs, aiguilles, une coquille d’œuf d’autruche gravée et un bracelet vert. Ces divers objets sont de style moustérien.Pour plus de détails ou de précisions se reporter aux divers ouvrages scientifiques sur le sujet qui sont les seuls à faire foi en ce domaine, en ce qui nous concerne nous ne faisons que vulgariser ces notions.
En tout cas le Livre irlandais relatant les différentes conquêtes du pays (Lebor Gabala Erenn) a raison sur un point : les divers peuplements de cette région du monde viennent tous de très loin, du Sud-Est.
NB. Par contre nous ne dirons rien ici de l’Homme de Grimaldi afin de ne pas alimenter le racisme/antiracisme noir très répandu de nos jours et qui consiste à faire de ce groupe humain les premiers hommes modernes d’Europe, à l’origine de toute civilisation et dont les hommes de Cro-Magnon seraient issus par décoloration ou dégénérescence. Le racisme ne nous intéresse pas et nous laissons donc ces billevesées ou fantasmes racistes au Cheikh Anta Diop. En 1962 Pierre Legoux a définitivement réfuté les conclusions de Verneau en constatant diverses manipulations dans le remontage des fossiles faisant ressortir des caractères alors assimilés à des traits communs aux types négroïdes. Et Yves Coppens a identifié en l’Homme de Grimaldi une simple population d’hommes modernes, autrement dit des Cro-Magnon en Europe (avec l’homme de Chancelade, l’homme de Combe-Capelle, l’homme de Brno, l’homme de Mladec, et l’homme de Predmost). Désolé pour les billevesées ou fantasmes racistes/antiracistes en vogue chez les gens bien, gentils, intelligents, instruits, mais pauvres bien sûr ; car ils donnent tout ce qu’ils gagnent aux plus pauvres qu’eux évidemment ! Cela va sans dire.
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LA DERNIÈRE VAGUE HUMAINE : LE TEMPS DES « HOMMES » (DES VRAIS).Mais laissons-là les hommes de Néandertal et revenons à l’histoire de nos ancêtres directs. Ainsi que nous avons eu l’occasion de le découvrir, un être à part dans le règne animal est peu à peu apparu quelque part en Afrique de l’Est : l’Homme moderne.
N.B. Biologistes, ethnologues et paléontologistes, pensent que les derniers descendants de cette première race humaine vivent toujours sur Terre : il s’agit du peuple Boschiman, dont les derniers représentants vivent dans le désert du Kalahari en Afrique du Sud. Ils présentent en effet une morphologie primitive et un mélange de traits européens (peau fine, traits fins), africains (cheveux crépus, peau plus ou moins sombre) et asiatiques (pommettes hautes des Mongols et yeux en amande des Asiatiques). En observant ces hommes, nous découvrons à quoi pouvaient ressembler les premiers représentants d’Homo sapiens. Rencontrer ces tribus fait donc honneur à l’espèce humaine et a toujours quelque chose de très émouvant pour toutes les personnes s’intéressant à l’origine des êtres humains.
La dernière phase du peuplement de la Terre est donc celle de l’homme doublement savant (l’homo sapiens sapiens en latin. Capacité crânienne : 1 500 cm3 environ) autrement dit, celle des druides, puisque druide en celte signifie justement « très savant » (dru-wids). Dru est un préfixe intensif et wids un radical indo-européen signifiant « voir » et « savoir » (sanscrit veda, allemand wissen…) et cela se traduit notamment par une incroyable connaissance des plantes à tout point de vue. Les Boschimans de la région connaissaient des milliers de plantes ainsi que leur utilisation – soit médicinale, soit mortelle, soit mystique, soit alimentaire ou encore pour s’amuser, – tout en faisant montre d’une profonde empathie avec la faune environnante au travers d’un art (pariétal) fascinant, qui continue à intriguer.
Soulignons néanmoins encore une fois, vu l’incroyable stupidité de certains articles de presse français sur le sujet * que les actuels Africains, du nord-est de l’Afrique, ne sont pas plus que les Asiatiques les Européens ou les Américains, et dans leur ensemble, les descendants directs toujours demeurés sur place de ces premiers hommes modernes. Les actuels Africains, du nord-est de l’Afrique (à l’exception des Éthiopiens Galla ou Amhara) sont eux également issus d’immigrations très anciennes qui se sont substituées aux populations antérieures de type Pygmées ou Hottentots et Boschimans. Il y a 10 000 ans les Africains de l’Est parlaient le Khoisan (une langue à clics encore pratiquée aujourd’hui par les Boschimans et les Hottentots) et formaient de petites communautés de chasseurs-cueilleurs. Il y avait sans doute également des Pygmées. Il y a 5 000 ans commença toute une série de migrations. Les premiers arrivants furent des fermiers et des bergers parlant le couchitique, en provenance de ce qui est actuellement l’Éthiopie. Ils vivaient dans de petits groupes familiaux et amenèrent leurs traditions, perpétuées par leurs descendants jusqu’à ce jour. L’immigration suivante commença vers 1000 avant notre ère avec l’arrivée des Bantous venus depuis le delta du Niger en Afrique de l’Ouest. Grâce à leur savoir-faire en agriculture, leur travail du métal et leur production d’acier, ils absorbèrent les groupes déjà présents et devinrent la plus grande famille ethnolinguistique d’Afrique de l’Est. Plus tard, la venue de petits groupes nilotiques depuis l’actuel sud Soudan marqua la dernière vague migratoire. Cet afflux se prolongea jusqu’au XVIIIe siècle, mais les principaux mouvements eurent lieu aux XVe et XVIe siècles. La plupart d’entre eux étaient pasteurs – ils comprennent notamment les Masaï et les Turkana – et s’installèrent sur les terres les moins fertiles du sud du Kenya ou du nord de la Tanzanie. Les 300 ethnies que compte aujourd’hui cette région du monde sont donc le résultat de ces migrations et absolument pas des descendants restés sur place des premiers hommes modernes ayant vécu dans le berceau de l’Humanité.
Et pourtant, conclusion et questionnement gravissimes au niveau philosophique ou civilisationnel, quoiqu’intrinsèquement contradictoires, du journaliste, à la suite de cet article : « Au fil de sa conquête du monde, l’homme a perdu des phonèmes tout comme il a perdu de sa richesse génétique. Faut-il en conclure que l’immigration africaine actuelle est une chance pour enrichir notre langue et nos chromosomes ? »
Il est temps d’en finir avec cette mentalité d’éleveurs de chevaux fréquente chez les antiracistes en ce qui concerne la (légitime et heureuse) biodiversité de l’espèce humaine. Halte au dangereux racisme implicite dissimulé sous le masque de la provocation antiraciste, consistant à sous-entendre que les actuels Africains mélanodermes (comme les Ouolofs par exemple) seraient restés plus proches du type humain originel, donc plus de vrais hommes, que les Asiatiques les Européens ou les Amérindiens ; que ces derniers seraient des descendants ayant dévié, du type originel, en quelque sorte affadis appauvris ou dégénérés ; bref, moins de vrais hommes que les Noirs.
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Les habitants originels de ces lieux n’étaient pas des Africains de type nilotique soudanais guinéen congolais, ou bantou ; mais des Pygmées, des Hottentots ou des Boschimans, voire des Éthiopiens de type Galla ou Amhara. Les Asiatiques les Européens ou les Amérindiens sont donc autant héritiers des premiers hommes que tous ces Africains mélanodermes. Dits en d’autres termes, les Africains noirs ne sont pas plus que les Américains les Asiatiques ou les Européens des héritiers des premiers hommes, dont en réalité nous ignorons la couleur évidemment. Peut-être était-elle intermédiaire tout simplement comme celle des Éthiopiens ou ocre comme celle des Boschimans, qui sont certainement leurs descendants ayant le moins changé bien qu’ayant eux aussi évolué. Mais moins que les Noirs les Blancs ou les jaunes. Quant à savoir la langue qu’ils parlaient… une langue à clics ? Là encore, néanmoins rappelons que pour plus de détails ou de précisions vous devez vous reporter aux divers ouvrages scientifiques sur le sujet qui sont les seuls à faire foi en ce domaine, car en ce qui nous concerne, nous ne faisons que vulgariser ces notions.Encore aujourd’hui chasseurs-cueilleurs et derniers utilisateurs en Afrique, avec les Pygmées, de l’arc, les Boschimans sont les lointains héritiers des populations néolithiques qui ont laissé un peu partout dans cette région quantité de peintures et gravures rupestres. Mais si l’art rupestre de ces peuples a survécu, c’est le fruit d’une amère ironie. Ils ont été en effet pourchassés par les Européens, les Zoulous, les Basothos et plusieurs autres tribus, en raison de leur idée selon laquelle le bétail n’appartenait à personne en particulier. Ils ont été refoulés dans le désert du Kalahari et dans les montagnes du Drakensberg, dans la province du Koua Zoulou-Natal, ce qui a assuré la pérennité de leurs peintures rupestres. cf. Joseph Millerd Orpen et son article sur la mythologie des Boschimans paru en 1874.
N.B. Les Hottentots, eux, ont adopté l’élevage de bovidés de moutons et de chèvres. En fait, leur origine n’est pas claire. Ils pourraient être issus du métissage des Boschimans et d’un premier groupe bantou, ou peut-être hamite, apparu dans la région au cours des tout premiers siècles de notre ère. On les rattache parfois aux populations qui pratiquaient l’extraction et le travail du fer et du cuivre dès le IVe siècle (Sud du Limpopo et Natal actuel). Mais là encore, rien n’est sûr et il faut attendre une époque beaucoup plus récente pour que leur histoire se clarifie.
Rendons maintenant justice à ces peuples bien injustement méprisés, voire niés dans leur contribution à la formation de la première humanité, puisqu’il y a de fortes chances que nous en descendions tous plus ou moins directement.
Les Boschimans sont donc les descendants des hommes du Premier Âge de la Pierre. Leurs clans et leurs groupes de familles vaguement apparentés suivaient les migrations saisonnières des animaux entre la chaîne de montagnes et le littoral… vivant dans des grottes, sous des surplombs rocheux ou dans des abris temporaires de branches et de peaux d’antilopes. Ces peuplades nomades n’apprivoisaient pas les animaux et ne cultivaient rien, même si leurs connaissances de la faune et de la flore étaient encyclopédiques.
* « Nous parlons tous l’Africain », Le Point, 21 04 2011. Par Frédéric Lewino. Rendant compte d’une étude sur le langage parue dans la revue Science, effectuée par Quentin Atkinson de l’Université d’Auckland en Nouvelle-Zélande. Voilà ce que donnent des études manquant de rigueur du point de vue scientifique, entre les mains de semi-lettrés se donnant pourtant pour métier d’informer « les masses ».
LA DERNIÈRE VAGUE HUMAINE EN EUROPE.
Ce peuplement-là est une énigme, car il y a en quelque sorte un chaînon qui manque entre lui et son prédécesseur immédiat.
L’Homo Erectus existait encore en Europe, mais aussi en Afrique et en Asie il y a 350 000 ans.
Vu les importantes différences et le véritable saut qualitatif qu’elles représentent, la question est la suivante. L’Homo Erectus a-t-il évolué en Europe en Asie et en Afrique simultanément, pour vraiment donner naissance, VIA L’HOMME DE NÉANDERTAL EN EURASIE, à l’homo sapiens (d’Eurasie), ce qui expliquerait l’existence de différentes populations. Ou alors l’homme doublement savant (dru-wids) est-il au contraire issu d’une seule et même souche
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d’homo erectus, comme dans le mythe biblique d’Ève et Adam ; les Néandertaliens n’ayant été qu’une impasse ou qu’un cul-de-sac évolutif ?La grande quantité des centres de peuplement a contribué à la diversification relativement précoce de l’Homo Sapiens. Il reste néanmoins difficile de préciser les centres à partir desquels la dispersion a pu se produire. Pour certains auteurs, l’Homo sapiens serait apparu, il y a 100 000 ou 150 000 ans, quelque part en Palestine (chose bien vue par le Lebor Gabala irlandais) ou dans ses environs.
D’après certains spécialistes moins de 90 clans de quelques dizaines d’individus chacun à peine, seraient à l’origine du peuplement humain actuel. 36 pour l’Europe. 31 pour le nord de l’Asie. 15 pour l’Australie. Et huit restés en Afrique. On ne peut s’empêcher de penser au druide irlandais Fenius Farsaid et à ses 72 langues primitives. Les sept milliards d’êtres humains que nous sommes descendraient donc tous de ces 50 000 ou 100 000 individus, et non de différentes branches d’Homo Erectus.
Pour d’autres auteurs, chacune des principales lignées d’Homo Erectus aurait subi une évolution parallèle, et serait à l’origine d’un peuplement sapiens. Cela aurait pu même conduire à certains types humains actuels (Australiens, Veddas de Sri Lanka, Mélanésiens, Aïnous du Japon). Ainsi s’expliqueraient, en partie, la plupart des différences relevées entre les différentes populations humaines d’aujourd’hui.
Mais d’autres auteurs, comme nous avons pu le voir, penchent plutôt pour une origine paléanthropienne de l’Homo Sapiens. Celle-ci aurait pu se faire, soit à partir des Néandertaliens de Shanidar, soit à partir des Néandertaliens classiques d’Europe. La réduction du massif craniofacial ne serait qu’un simple phénomène de civilisation, et serait consécutive à l’abandon de l’usage intensif des dents de devant. Autres divergences de nos clercs (c’est comme dans le Lebor Gabala Erenn) ! Alors que certains auteurs accordent une grande importance aux évolutions sur place, d’autres supposent de vastes migrations et ont fait venir les hommes de Cro-Magnon d’Europe occidentale, des Sapiens métissés de Kafzeh ou de Skhul en Israël. La seule chose de sûre, que les paléontologues actuels peuvent constater, c’est que les Archanthropiens ou fils de Néandertal, en Europe, disparaissent brusquement pour faire place aux Cro-Magnon c’est-à-dire à l’Homo sapiens (dru-wids en celte). Mais sans que la filiation de ces derniers soit évidente.
CONCLUSION PRATIQUE : À QUOI RESSEMBLAIENT CONCRЀTEMENT NOS ANCȆTRES D’IL Y A 50 000 ANS ?
La réponse a été fournie par les dernières études scientifiques de Zlatý kůň (« le cheval d'or ») une femme qui vivait il y a un peu moins de 50 000 ans quelque part dans ce qui allait devenir la République tchèque, et dont le squelette a été trouvé en 1950 dans les grottes de Koněprusy.
En se basant sur plusieurs études et la technologie 3D, les scientifiques sont parvenus à séquencer le génome de Zlatý kůň et en analysant les données obtenues ces scientifiques ont réalisé qu'au moins 3 % * de l'ADN de cette femme avait des similitudes avec celui des Néandertaliens. Cette observation rejoint une étude publiée en 2021 par l'Institut Max Planck, établissant que Zlatý kůň n'a vécu « que » 2 000 ans après les premières interactions entre les populations néandertaliennes et Homo sapiens.
Les scientifiques travaillant à la reconstruction du visage de Zlatý kůň ont dû s'armer de patience et faire preuve de ressources car les parties du crâne, soigneusement préservées par le Musée national de Prague, n'étaient ni accessibles ni manipulables.
Depuis le CHU de Bordeaux ces scientifiques ont donc accompli un travail similaire à celui des médecins légistes, et ont reconstruit le crâne partiellement détruit de Zlatý kůň grâce à une technique radiographique nommée tomographie (ce procédé avait déjà permis de reproduire le visage du pharaon Toutankhamon, à la fin de l'année 2022).
En générant le rendu 3D final, les scientifiques ont eu la surprise de découvrir une femme aux traits étonamment assez peu différents des nôtres(Le Mag’Futura).
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Il convient néanmoins de signaler que d’autres travaux aboutissent à des résultats très différents. Les derniers chasseurs cueilleurs d’Europe auraient eu la peau sombre si l’on en croit les chercheurs de l’Université d‘Harvard dont les travaux dirigés par le Dr Iain Mathieson ont été présentés lors du 84ème congrès de l’AAAS (Association américaine d’anthropologie). Ils ont pu constater en effet que les chasseurs-cueilleurs retrouvés en Espagne, au Luxembourg et en Hongrie ne possédaient pas les gènes responsables de la peau claire !DONT ACTE.
Entre monogénisme ou monocentrisme de type biblique et polygénisme ou polycentrisme de type « païen », le débat continue donc de faire rage, et le problème n’est pas simple, paléontologie biologie et linguistique en faisant un véritable casse-tête. Ce qui est certain finalement c’est que Fenius Farsaid et ses soixante-douze clans primordiaux à l’origine de l’Humanité actuelle, eh bien ce n’était pas si éloigné que cela de la vérité ! À une nuance près ! Ce druide irlandais, au demeurant assez mythique, en faisait plutôt une question de langues et de sémantique (la langue celte élue pour sa clarté ou sa beauté…)
*Le youtubeur Stefan Milo reproduit pour présenter son étude un facsimilé de publication parlant de 72 % de gènes néandertaliens chez les Européens. Sans aller jusque là car aucun Européen ne porte en lui ou n’a à lui seul 72 % des gènes en qustion (on n’obtient ce chiffre qu’en additionnant tous les gènes néandertaliens différents trouvés chez des Européens) l’opinion personnelle du chef d’équipe ayant procédé à cette compilation est néanmoins qu’il y a bien plus de 3% de gènes néandertaliens dans le génome des Européens d’aujourd’hui mais ils ne veulent pas le reconnaître car il n’y a pas de quoi en être fier, évidemment.Même si les Néandertaliens ont constitué une lignée humaine finalement pas si différente que cela de la nôtre (habillée comme nous une néandertalienne passerait inaperçue dans le métro de New York. Je dis néandertalienne parce que ce sont surtout les femmes néandertaliennes qui ont joué un rôle dans ce processus si l’on en croit une étude publiée en 2022 par Laurits Skov et son équipe, de l’Université de Berkeley).
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LES PRÉ-INDO-EUROPÉENS I (Retour sur l’Homme de Cro-Magnon).Vers – 120 000 ans apparaît le premier des Hommes de Cro-Magnon avant la lettre, l’Homme de Fontéchevade (département français de la Charente). L’homme actuel a en effet au moins 100 000 ans. Il a d’ailleurs côtoyé un certain temps l’homme du peuplement précédent de la Terre, l’Homo Neandertalensis, comme nous venons de le voir, mais lui sera peintre, sculpteur, musicien, pasteur, potier, forgeron, et ainsi de suite.
Alors que l’homme de Néandertal s’éteignait, venant d’Afrique par le Moyen-Orient l’homme de Cro-Magnon s’implante en Europe et partout là où il peut poser les pieds. Il se distingue des Néandertaliens, outre sa morphologie, par une différence importante d’ordre génétique. Devant cet obstacle « naturel » plus d’un expert pense aujourd’hui que les hommes de Néandertal et les Cro-Magnon, même s’ils vivaient à quelques enjambées les uns des autres, n’ont jamais vécu dans les mêmes clans et partagé leur patrimoine génétique.
Sauf sous la contrainte. Car il semble évident que, devant la beauté physique des Cro-Magnon, les derniers hommes de Néandertal ont sans doute effectué quelques rapts pour conquérir des jeunes filles plus belles que nature. Mais il est peu probable que les jeunes guerriers Cro-Magnon en soient restés là, ce qui a pu également contribuer à l’extinction des Néandertaliens. Quoi qu’il en soit, de leur union n’aurait pu naître aucun petit sapiens, faute de compatibilité génétique ; à de rares exceptions près. Cela dit, dès l’époque de Cro-Magnon, tant les hommes des savanes africaines que ceux d’Asie et de Chine appartenaient à la même espèce, ils partageaient le même patrimoine génétique. Ce qui n’a fait qu’accélérer leur expansion et faciliter leur développement.
L’homme de Cro-Magnon fut le représentant européen de l’Homo sapiens ou l’homme moderne. L’homme de Cro-Magnon a été défini par A. de Quatrefages et Hamy. D’après les squelettes trouvés par hasard en 1868, sous l’abri de Cro-Magnon (près des Eyzies), lors de la construction de la voie ferrée de Périgueux à Agen (département français de la Dordogne). Il y avait là cinq squelettes : un vieillard, qui a fourni les éléments de la diagnose du type, deux adultes, une femme et un fœtus. Le « vieillard » était de grande taille : 1,82 m. Le crâne était dolichocéphale (indice : 7,37) et volumineux (1 590 cm3). Les Cro-Magnon représentent un grand et beau type d’homme qui vécut pendant le Paléolithique supérieur, le Mésolithique et le Néolithique. La voûte crânienne est élevée, les arcades sourcilières peu saillantes. La face est basse et large, les orbites surbaissées, rectangulaires, le nez long et passablement étroit. Le menton est robuste et saillant. Les membres supérieurs sont relativement longs.
Sa civilisation se développa du Périgordien (–35 000 ans) à l’Azilien (–8 000 ans). Sa vie fut créative et spirituelle. La plupart des restes ont été retrouvés dans des grottes et des abris-sous-roche. C’est au Magdalénien, entre 18 000 et 10 000 avant notre ère, qu’il laissa dernière lui une étonnante collection de pierres taillées (racloir, feuille-de-laurier, aiguille, etc.) et de magnifiques peintures rupestres ; dont les plus vieilles remontent à 31 000 ans (grotte de Chauvet). On retrouve les plus belles peintures rupestres en Espagne (grotte d’Altamira), en France (grotte de Lascaux, la Combe d’Arc) ainsi qu’en Italie (Valcamonica). On explique cette évolution de sa civilisation par le fait que Cro-Magnon vivait à une époque où la nourriture était en suffisance, ce qui lui donna le temps de réfléchir. Son intelligence lui permit d’être un technicien habile, un artisan et un artiste. C’est à cette époque que l’on trouve la première flûte façonnée dans un os. Apparemment donc à cette époque l’absence d’une loi sur les droits d’auteurs telle la loi française dite HADOPI, n’empêchait nullement la création artistique ni la vie culturelle. Ces premiers hommes essayèrent de comprendre quel était le sens de la vie et de la mort, en invoquant les puissances surnaturelles lors des cérémonies consacrées au culte des âme/esprits. Leur langage devait probablement être proche de celui des aborigènes australiens ou des chants amérindiens. Mieux même peut-être : des Boschimans d’Afrique du Sud. Plusieurs navigateurs de la fin du Moyen-Âge ont rapporté que les Guanches, anciens habitants des îles Canaries, pratiquaient, outre leur langue habituelle, un langage sifflé, connu actuellement sous le nom de silbo. Celui-ci leur permettait de communiquer de vallée en vallée sur plusieurs kilomètres. Et les habitants du village d’Aas (département français des Pyrénées-Atlantiques) communiquaient aussi en sifflant d’un flanc de vallée à l’autre. Les Guanches étaient des hommes de plus de deux mètres, à la peau claire, vivant de l’élevage et de l’agriculture avant la venue des colons espagnols. Nombre d’entre eux furent hélas vendus comme esclaves en Afrique du Nord. On ne soulignera jamais assez le mal qu’a suscité ce crime contre l’Humanité (l’esclavage). L’émigration des hommes de Cro-Magnon se fit de proche en proche, et finit par atteindre les antipodes. On retrouve ses traces en Sibérie, dans l’archipel de la Sonde (le Timor), en Australie, en
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Nouvelle-Zélande, dans le détroit de Béring, et pour finir en Amérique du Nord et du Sud. Ce peuplement de la Terre entière provoqua un accroissement numérique des populations, qui se chiffraient à plusieurs dizaines de millions d’individus, ce qui finit par diviser l’espèce en plusieurs groupes distincts. Il ne faut surtout pas imaginer à partir de cette apparition de l’Homo Sapiens, une fixation somatique définitive du patrimoine génétique. Selon certains auteurs, la divergence des patrimoines génétiques (la « raciation ») aurait commencé en effet il y a environ 120 000 ans. Le prouverait la découverte en France même de la race de Chancelade et de la race de Grimaldi, mentionnées ci-dessus. Mais nous avons vu ce qu’il fallait en penser (tous ces squelettes appartiennent en fait à l’espèce humaine moderne, connue sous le nom de Cro-Magnon en Europe). En ce qui concerne les humains, la paléontologie et, plus récemment, la biologie moléculaire, sur un autre plan, confirment des séparations. Les premières se seraient produites, il y a environ 120 000 ans ; et auraient eu lieu entre le groupe négroïde et ceux qui allaient former, 60 000 ans après, les groupes europoïde et mongoloïde, les mongoloïdes américains étant distancés ensuite, 20 000 ans plus tard, par les mongoloïdes asiatiques (Chinois, Japonais, Micronésiens). Les mongoloïdes seraient issus d’une variété d’Homo erectus venue à une forme prénéandertalienne, ayant traversé ensuite, en Sibérie du Sud, une phase néandertaloïde, pour donner finalement, après cette évolution particulière, le groupe jaune, dont la différenciation s’est poursuivie. Mais des « races » à caractères jaunes moins marqués, plus proches du type originel, se sont alors laissées distancer par les « races » dont le type mongolique allait en s’accentuant. Les Nord-Mongols, et les Sud-Mongols, qui occupent l’Asie centrale, constituent aujourd’hui les « Jaunes typiques » en ce sens qu’ils présentent des caractères asiatiques plus marqués que les peuples qui les entourent, refoulées dans les zones froides, arides ou tropicales, d’Asie. Il en est de même dans les deux autres groupes, europoïde et négroïde, où l’on constate le même processus de différenciation. Parmi les races noires, par exemple. Chez les Mélanésiens, les premières populations formées, Australiens aborigènes et Veddas du Sri Lanka, ont conservé beaucoup des caractères initiaux, mais certains groupes ont peu à peu accentué leurs traits négroïdes. Plus tardivement formés, ces autres Sud-Hominiens correspondent donc aux races noires proprement dites. Ils se sont développés en un arc de cercle entourant l’Océan Indien, de la pointe de l’Afrique à la Mélanésie, en passant par l’Inde. Le rameau dit oriental a donné les Mélanésiens et les Négritos ; par beaucoup de ses traits, il rappelle encore les Australiens. Le rameau plus occidental a donné les Mélano-Africains, avec les Pygmées, ainsi que les Éthiopiens. Ici au contraire, et particulièrement chez les Noirs d’Afrique, la spécialisation fut extraordinairement marquée : les traits « noirs » y atteignent leur degré maximum.RECTIFICATIF.
L’enrichissement du matériel génétique à travers le métissage et l’influence des conditions climatiques suscitèrent bon nombre de mutations morphologiques, qui provoquèrent la raciation (des groupes humains caractérisés par la plus ou moins grande fréquence de certains gènes affectant leur phénotype ou leur apparence physique). Ces différences de phénotype ou d’apparence physique se sont affirmées au cours des siècles. Et c’est ainsi que l’on retrouve aujourd’hui des populations négroïdes, caucasiennes, mongoloïdes, australoïdes et capoïdes (Hottentots et Boschimans), à cheveux courts ou crépus, à peau claire ou sombre, afin de mieux répondre aux sollicitations du climat. Ces différences sont elles-mêmes subdivisées à l’infini. Seules les populations isolées ont conservé leur patrimoine génétique. De nos jours cet isolement est toutefois voué à régresser dans l’immédiat devant l’augmentation de la population de notre planète et la globalisation. Avant peut-être de repartir un jour en sens inverse (dans le sens de la biodiversité) pour cause de décroissance et de relocalisation.
AUTRE RECTIFICATIF.
Communication à l’Académie des Sciences faites par M.F. Hammer le 9 mai 2000 (je résume).
« En dépit de leur long exil dans de nombreux pays, les communautés juives sont restées très proches sur le plan génétique. Les résultats de ces travaux suggèrent l’hypothèse d’un gène paternel unique pour les différentes communautés juives d’Europe, d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, et impliquent la possibilité que ces communautés juives descendent d’une ancienne population du Moyen-Orient. Ces travaux ont également montré, vu la très grande stabilité du profil génétique, que de nombreuses communautés sont restées isolées, donc
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qu’il n’y a pas eu de mélange avec le patrimoine génétique des non-juifs ». La base de cette recherche ethnologique est fondée sur l’étude du chromosome Y, qui ne change pas entre le père et le fils. En étudiant les « signatures génétiques » de plusieurs groupes de la diaspora, on peut montrer les relations génétiques pouvant exister entre les différentes communautés. Le début de cette étude a commencé par les Cohen. Ces études ont montré une grande ressemblance des profils génétiques pouvant exister entre les cohanim d’aujourd’hui et leurs ancêtres ayant vécu il y a 3 000 ans » ????????????????????????????????????????????Note de Pierre de La Crau. Un chromosome Y, qui ne change pas entre le père et le fils… Et le Saint-Esprit dans tout ça ? Il va de soi que les druides d’aujourd’hui ne peuvent que refuser ce type de foutaises, genre chromosome ou génome d’Abraham, et autres. Tant pis si nos amis juifs s’en formalisent. Si être raciste ou antisémite aujourd’hui c’est dire qu’il n’y a pas ou plus de races pures depuis belle lurette, et qu’il n’y a pas plus de race juive que de ronds carrés ou de beurre en broche comme dit un de mes correspondants parisiens ; alors longue vie au racisme et à l’antisémitisme. Et tant pis pour les égos blessés dans leur orgueil !
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LA VÉRITABLE GÉNÉALOGIE
DES GAËLS DES BRITTONS, ETC.
POUR LES DRUIDES HISTORIENS ACTUELS.
Finalement, les apocryphes irlandais n’ont pas aussi tort que cela, quand ils font de cette époque le temps des clercs (cela doit être à peu près la seule chose de vraie dans leur invraisemblable histoire d’invasions). Dernière vague de peuplement, bien protohistorique celle-là, qui impliquait des Gaulois * en général (Gaileoin) et notamment des Dumnoniens ou des Belges (Fir Domnain et Fir Bolg). Cette dernière apparition d’envahisseurs celtes, telle qu’elle est incorporée dans la mythologie irlandaise, constitue en effet une incontestable métaphore de l’Homo sapiens actuel. La date de la conquête de la Terre par cet Homo sapiens, bien entendu, par contre, n’est pas du tout celle qui est suggérée par les textes que nous avons étudiés. Nos ancêtres n’avaient qu’une vague idée de la durée de l’évolution humaine, leur mémoire collective ne remontant pas au-delà du Néolithique tardif.
* Galióin, Gaileoin, Gáileóin, Gáilióin, Gailioin.
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LES PRÉ-INDO-EUROPÉENS II.
Les derniers textes du druidisme médiéval du Livre des Conquêtes (Lebor Gabala Erenn) sont, hélas, beaucoup trop inexacts, ou disons, trop poétiques (exemple le cas du roi plutôt mythique et au mauvais sens du terme, appelé Ariomannos/Eremon, dans les apocryphes irlandais) pour être exploitables.
Les traditions brittoniques, elles, ne valent pas grand-chose non plus du point de vue de la protohistoire ; et les légendes dynastiques ne montrent qu’une ressemblance évidente entre le Prydain gallois et le Brettanos noté par les Grecs, par transcription approximative de cette tradition. Les fatras bardiques sur Menw Wyd, Menw Hen et son épouse Maws, Hu Kadarn et Kerridwen, l’enfant terrible Afagg ddu/Afang ddu, le couple Dwy Fan et Dwy Fach, ne permettent aucune donnée protohistorique sérieuse. Il y a aussi anachronisme quant à Hu Kadarn et les rapprochements que l’on peut faire avec la genèse biblique sont à l’évidence des déformations voulues par les bardes christianisés du Moyen-âge. Plus intéressante serait la légende de la neutralisation du peuple maléfique des Corraniaid, mais elle est, elle aussi, truffée d’anachronismes puisqu’on y parle du roi Arthur.
Notre propos n’étant absolument pas de faire une étude historique sur le sujet, notre propos n’étant absolument pas de faire concurrence aux historiens, mais de jeter les bases d’une réflexion théologique pouvant remplacer le judéo-islamo-christianisme ; nous ne dirons donc que quelques mots sur le sujet.
On peut considérer, artificiellement, qu’il existe deux périodes fondamentalement différentes dans l’évolution des Homo erectus, puisque c’est à eux que l’on doit la maîtrise du feu : avant le feu et après le feu.
La découverte du feu ou plus exactement l’acquisition de sa maîtrise a bouleversé l’évolution des hominidés. Elle a sans doute été le principal moteur de l’expansion territoriale dans des zones au climat trop rude pour que nos ancêtres soient en mesure de s’y installent avant sa découverte. Cette appropriation du feu a aussi entraîné un renforcement du lien social par le regroupement des individus. Le feu a également permis la modification des modes de fabrication des armes, par exemple le durcissement des pointes au feu. Il a donc participé à une plus grande efficacité des techniques de chasse, permettant ainsi de consommer davantage de viande, en tout cas de réduire le charognage au profit de la chasse.
Le feu va permettre aussi de modifier les pratiques alimentaires de façon considérable. Il assurera une meilleure conservation des produits carnés, les rendra plus digestes, et plus facilement assimilables.
Le feu va permettre enfin de consommer de façon plus aisée des substances végétales, par cuisson directe, par ébullition ou traitement équivalent, par exemple grâce à des pierres rougies et immergées dans des récipients, soit par préparation de galettes…
Les fouilles réalisées ces dernières années en Géorgie, puis en Bulgarie, permettent d’affirmer que le genre Homo existe en Europe depuis environ 1,5 million d’années. Il est en effet probable que ses représentants ont peuplé l’Europe depuis le Caucase en suivant la voie danubienne.
Chasse, cueillette et pêche ne sont pas des pratiques étrangères à l’homme de la civilisation industrielle. Si elles ne laissent jamais indifférent et peuvent même, telle la chasse à courre, déchaîner des passions, ces activités restent toutefois ponctuelles, et tranchent nettement sur tout ce qui constitue l’univers dans lequel pourtant elles sont exercées. S’y consacrer quelques jours par an n’a en effet que fort peu à voir avec chasser, pêcher et cueillir, tous les jours, pour vivre. On peut cependant diviser les sociétés de chasseurs-cueilleurs en deux tendances selon le mode de redistribution. Les sociétés inégalitaires, avec une redistribution différée. Les sociétés plus égalitaires, avec une redistribution immédiate. Les premières conservent leurs surplus, les secondes consomment leur production en un jour ou deux.
Les sociétés de chasseurs-cueilleurs tendent à ne pas avoir de structure sociale hiérarchique, mais ce n’est pas toujours le cas. Étant nomades, elles n’ont la plupart du temps pas la possibilité de conserver des surplus alimentaires. Elles ne peuvent donc pas entretenir des dirigeants, artisans ou fonctionnaires, à plein temps.
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Ces groupes ne consacraient que quelques heures par jour à la recherche de leur nourriture. Ce que l’on considérait naguère encore comme une errance anarchique était, au contraire, un nomadisme cyclique composé de trajets bien précis, jalonnés de sites choisis pour leurs ressources – animaux, fruits, baies, graminées sauvages, et points d’eau.Mais les déplacements ne sont possibles qu’à la condition d’avoir peu de choses à porter. Il ne s’agit pas de dénuement ni de pauvreté, mais bien, à l’inverse, d’un équipement léger, fait d’ustensiles et d’outils peu nombreux, parfaitement adaptés aux fonctions multiples, et pouvant être facilement fabriqués. On a également constaté que, au cours de leurs déplacements, les chasseurs-cueilleurs ne prélevaient qu’une partie des plantes et des animaux dont ils s’alimentaient et que, en outre, ils laissaient de côté nombre d’espèces végétales comestibles.
Ne pas surexploiter le milieu, privilégier la diversité en même temps que les saveurs, autant de techniques de gestion de la nature qui assurent que, lors du prochain passage, les ressources seront toujours présentes. Par ailleurs, cette façon de vivre n’entraîne pas, loin de là, un état de sous-alimentation. Que les plantes et les animaux consommés soient étrangers à nos goûts ne doit pas surprendre ni, surtout, impliquer que ce sont là des aliments immangeables et de faible valeur nutritive.
Pratiquer le stockage reviendrait bien sûr à paralyser en fait le nomadisme. Son absence a des implications sociales importantes. La nourriture rassemblée par les individus est immédiatement redistribuée puis consommée dans le groupe, pratique qui met en évidence l’égalitarisme de ces sociétés où la division sexuelle du travail – répartition des tâches entre les hommes et les femmes – constitue la seule différenciation sociale entre les individus. La chasse est l’affaire des hommes, la cueillette celle des femmes. Même si la chasse est plus valorisée, 70 % de l’alimentation provient de la cueillette, et c’est au cours des déplacements que les femmes ramassent plantes, racines et graminées sauvages, qu’elles prépareront lors des haltes. Le groupe bouge sans hâte, reste au camp un ou deux jours, parfois plus, et ne compte que peu de personnes. Il est composé de plusieurs familles, fait partie et se réclame d’une tribu qui ne se réunit qu’en des circonstances exceptionnelles.
Pour ne pas surexploiter l’environnement, il existe chez les chasseurs-cueilleurs des mécanismes de contrôle de la population et de la taille des groupes. L’espacement des naissances permet à la population de ne pas trop augmenter, et, pour contrôler la densité, les groupes se scindent, diminuant ainsi, dans une région donnée, le nombre d’individus et la pression exercée sur le milieu. À l’inverse, lorsque certaines ressources sont localement abondantes, plusieurs groupes peuvent se rassembler. Cette souplesse, scission dans un cas, fusion dans l’autre, est étroitement liée aux conditions naturelles. Mais elle doit également être socialement possible. Les règles de mariage, compliquées, peuvent être schématiquement présentées comme des mécanismes destinés à contrôler tant les relations entre les groupes que la localisation relative d’un groupe dans un territoire donné. Par ailleurs, la flexibilité qui caractérise les sociétés de chasseurs-cueilleurs doit aussi se comprendre par rapport à l’absence de pouvoir coercitif. La scission du groupe n’est donc pas seulement dictée par un impératif écologique, elle est aussi liée à la nature particulière du politique dans ces sociétés. Les règles sociales sont complexes, les rites et les mythes très élaborés ; la richesse du social et le temps qui lui est consacré contrastent avec la simplicité de la civilisation matérielle.
On divise généralement le paléolithique en quatre grandes périodes.
— Le Paléolithique archaïque (ou Très Ancien Paléolithique, entre 7 millions et 1,7 million d’années avant notre ère environ) qui correspond à l’émergence des Australopithèques, de la lignée humaine, ainsi que l’apparition des premiers outils.
— Le Paléolithique inférieur (entre 1,7 million et 500 000 années environ) défini par l’apparition du biface.
— Le Paléolithique moyen (entre 500 000 et 40 000 années environ) au cours duquel se développe la méthode de débitage Levallois, et qui voit également les apparitions de l’homme de Néandertal ainsi que de l’Homme moderne (Cro-Magnon en Europe). Le Moustérien est un complexe industriel très difficile à démêler, car s’y entrecroisent des questions de modes de vie et de technologie. En effet, d’une région à l’autre, les proportions relatives et l’aspect des différents outils varient très fortement. Le Moustérien en Europe est la culture caractéristique de Néandertal. Mais Homo sapiens taillait aussi la pierre, au Proche-Orient et au Maghreb.
— Le Paléolithique supérieur (entre 40 000 et 9000 ans à peu près) qui se définit par le développement du débitage laminaire. L’homme moderne (dont les premières traces en
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Afrique remontent à 200 000 ans) apparaît en Europe il y a 40 000 ans, illustré notamment par les hommes de Cro-Magnon. Durant la deuxième partie de la dernière glaciation (Würm), les Homo Sapiens prennent possession de l’Europe et dès que le climat le permet, à la fin du Würm, les massifs préalpins des Alpes occidentales attirent pêcheurs, chasseurs et trappeurs. Le reste de l’arc alpin reste encore pratiquement ignoré. À part de très rares sites possédant des restes du début du Paléolithique supérieur, vers – 30 000, dans quelques grottes du nord de la Vénétie, avec de l’industrie châtelperronienne (grottes de Ponte di Veja, près de Prun et du Riparo Tagliente) ; et d’un atelier de taille dans le Vercors en France, récemment découvert, de technique aurignacienne. Aurignaciennes aussi seraient quelques occupations en Slovénie, en particulier à la grotte de Potocka, qui s’ouvre à 1700 m d’altitude, ou à Mokriska Jama. Première civilisation de l’Homme moderne en Europe, l’Aurignacien se caractérise par un débitage laminaire. Ainsi que par des outils d’une forme caractéristique, comme des grattoirs faits d’une lame de forme étranglée, ou des sagaies à la base fendue pour faciliter leur emmanchement. L’art explose avec la multiplication de statuettes et la décoration des grottes (exemple la grotte Chauvet en France).Les Magdaléniens et les Aziliens, derniers chasseurs de rennes. Il faut attendre la fin des temps glaciaires, le réchauffement progressif, bien que discontinu, et la déglaciation quasi complète, pour voir les massifs préalpins abordés par les chasseurs de la fin du Paléolithique supérieur, à partir de 12 000 avant notre ère. Ce phénomène n’affecte que les Alpes occidentales ; ni la Suisse, ni l’Italie, ni l’Allemagne ne connaissent des incursions aussi profondes dans les montagnes.
Attirés probablement, eux aussi, par les ressources en silex, ils ont trouvé pendant trois ou quatre millénaires, des terrains de chasse spécifiques, à l’intérieur des massifs préalpins ou à leur pied (Vercors, Chartreuse, les Bornes) ; et dans les grandes cluses qui les séparent (cluse de Grenoble, cluse du Rhône à Pierre-Châtel). Sans jamais pénétrer plus avant à l’intérieur des massifs centraux, que le froid encore vif rendait probablement trop inhospitaliers. En Suisse les Magdaléniens sont toujours restés en dehors des massifs, campant dans des grottes au pied du Salève, près de Genève, à peu de distance du Rhône.
Partout ils retrouvaient sur les hauteurs une faune abondante et des torrents poissonneux ; tous ont installé leurs campements d’été près de l’eau. Les oiseaux d’espèces arctiques et alpines étaient très chassés, comme le gibier (surtout le bouquetin et la marmotte, plus rarement le renne, le chamois et le cerf, etc.).
Le réchauffement du climat se poursuivant, à partir de 10 000 avant notre ère, les plaines autour des Alpes voient leur couvert végétal se densifier. Les chasseurs aziliens montent dans les mêmes régions, superposant leurs outils et leurs foyers à ceux de leurs prédécesseurs magdaléniens, car ils recherchaient les mêmes abris en des temps au climat encore peu clément. La pêche est toujours pratiquée, mais aussi des chasses particulières, dont celle de la marmotte, abattue en grand nombre pour les peaux (1 200 individus dans la grotte de la Passagère à Méaudre…) En Suisse, dans l’Appenzell, près de la grotte du Wildkirchli à 1500 m d’altitude, chamois et bouquetins attirent des chasseurs saisonniers.
Le cœur des Alpes n’est pas atteint et les grands cols ne sont pas encore pratiqués, à une exception près pourtant. Dans les Hautes-Alpes un habitat de plein air, à Vitrolles, sur le bord de la Durance, en France, possède un outillage de type gravettien tardif, identique à celui habituellement rencontré dans l’Italie du Nord. Alors que les sites dont nous venons de parler relèvent de la civilisation magdalénienne ou azilienne inconnue à l’est des Alpes. Le col du Montgenèvre a donc été franchi vers 10 000 avant notre ère par quelques chasseurs venant de la plaine du Pô.
Les derniers chasseurs dans les Alpes. Les temps glaciaires sont révolus et commence l’Holocène avec les séquences climatiques reconnues par les analyses de pollens : Préboréal (de – 8 200 à – 6 800) et Boréal (de – 6 800 à – 5 500). Les Alpes se font plus attractives avec leur abondance de gibier sous un climat qui s’adoucit. Aux VIIe et VIe millénaires avant notre ère se développe de chaque côté de l’arc alpin, durant le Mésolithique, une civilisation caractérisée par ses petits silex de forme géométrique. Les chasseurs de petit gibier (oiseaux, rongeurs) installent des campements au-dessus de la limite de la forêt (presque identique à celle d’aujourd’hui) soit en plein air, soit à l’abri de gros rochers, souvent près des cols, des voies de passage ; et aussi sur les gisements de silex. Ils étaient mal connus, il y a encore quelques années. Mais les découvertes se multiplient tant en France (Chartreuse, Vercors, massif du Taillefer) qu’en Italie (Dolomites, Trentin) ou en Suisse, dans le Simmental (Oberland bernois), où les sites se comptent par dizaines au-dessus de 1500 m.
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Le cadre ainsi planté, après avoir sommairement présenté nos lointains ancêtres, il convient de se préoccuper plus précisément de leur mode de vie maintenant. C’est par un travail pluridisciplinaire conduit par des anthropologues, des paléontologues, voire des spécialistes de la sédimentologie ou de la palynologie… que l’on arrive à se faire une idée assez précise de l’environnement dans lequel ils vivaient.La chasse et la cueillette sont les premiers modes de subsistance de l’Homme. Ces activités sont directement héritées du monde animal, en particulier celui des primates. Elles consistent à prélever sur la nature ce qu’elle fournit spontanément. Elles précèdent l’élevage et l’agriculture, et peuvent forcer au nomadisme, si les troupeaux qui fournissent la subsistance principale se déplacent, ou si les ressources du pays sont épuisées. Les hommes ont donc été des chasseurs-cueilleurs jusqu’à la révolution néolithique. C’est-à-dire qu’ils ne disposaient d’aucun moyen de maîtriser la nature, et n’avaient d’autres possibilités que de s’adapter aux cycles des saisons. On peut se faire une idée de leur mode de vie, pour les zones de climats comparables, en observant les derniers peuples chasseurs-cueilleurs, par exemple les Aborigènes d’Australie ou les Indiens d’Amazonie.
Le communisme est le mode d’organisation sociale et économique qui a été dominant tout le long de ce qu’il est convenu d’appeler la « Préhistoire », jusqu’au Néolithique. C’est-à-dire au moins durant plus de 90 % de l’histoire de l’Homme moderne (Homo sapiens). Ce communisme primitif concerne globalement toutes les sociétés dites de chasse et de cueillette, qui ont pu regrouper de quelques dizaines à plusieurs centaines d’individus. Les rapports sociaux y sont égalitaires. La division du travail y est « naturelle », c’est-à-dire fondée sur les capacités physiques et intellectuelles (les goûts également) de chaque individu. Grossièrement, cela se traduit par une division sexuelle des tâches où l’homme chasse le gros gibier et assume les tâches les plus dangereuses, et la femme la cueillette et l’éducation des jeunes enfants. Elle se manifeste aussi par une division entre classes d’âge. Mais tout cela n’entraîne pas une domination des vieux sur les jeunes ni des hommes sur les femmes. Ces sociétés, par-delà leur diversité, ont toutes un point en commun : elles sont dominées par les facteurs naturels, par l’environnement. Tout leur effort tend, pour l’essentiel, à s’affranchir de cette domination, afin d’améliorer les conditions de vie et de reproduction de ses membres, depuis la création des premiers outils jusqu’aux inventions de l’élevage et de l’agriculture. Ces améliorations sont lentes du fait que la nature est vécue comme un être vivant, une force supérieure, qui se donne à l’être humain, à la condition que celui-ci la serve correctement. Dans ce contexte, toute invention technique, pour pouvoir être adoptée, ne doit jamais être considérée par le groupe comme une transgression de l’ordre naturel.
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Une deuxième façon d’aborder la compréhension de ces peuples, est d’en étudier les restes fossiles, et d’y rechercher les stigmates de maladies ou des signes révélateurs de certains de leurs comportements. Par exemple, l’étude de l’usure des dents.
Ainsi, en corrélant l’étude du milieu, les végétaux et animaux présents, l’usure des dents, les outils et leurs usages potentiels… les pathologies ayant laissé des traces sur les os fossiles ; on parvient peu à peu à une représentation de plus en plus précise du mode de vie de nos ancêtres.
Les pathologies. Durant tout le règne des Homo erectus, bien que les fossiles soient relativement rares, les pathologies semblent assez peu fréquentes, du moins pour celles qui laissent des signes osseux ou articulaires, les seules que nous puissions connaître. Presque pas d’arthrose, pas d’atteinte structurelle osseuse, pas de carie dentaire, mais des parodontites fréquentes. L’usage des cure-dents est attesté très tôt par des usures interdentaires. Très peu de tumeurs osseuses sont découvertes. Au paléolithique moyen, avec les Homo neandertalensis, apparaissent de façon beaucoup plus fréquente des arthroses avancées, des caries dentaires avec parodontites sévères, des atteintes osseuses fréquentes. Il est impossible, pour garder une réelle rigueur scientifique, d’attribuer une origine alimentaire à cette évolution. Le mode de vie de ces hommes est beaucoup plus proche de celui des Homo sapiens dont ils sont partiellement contemporains.
Au paléolithique supérieur, l’Homo sapiens, semblable à nous en tout point, ne présente pas, sur le plan des pathologies, de différence nette avec son prédécesseur néandertalien.
Toutefois, l’absence de restes porteurs de pathologies altérant la structure osseuse, ne permet aucunement de conclure à leur inexistence. La mauvaise conservation des os pathologiques, notamment déminéralisés, peut suffire à expliquer leur non-découverte.
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Le petit nombre de restes fossiles découvert, la conservation incertaine des ossements, exigent une grande prudence dans l’exploitation des données des pathologies du paléolithique.L’anthropophagie au paléolithique. Chez l’animal le cannibalisme n’est pas un comportement très répandu. Chez les insectes il n’est le fait que des abeilles, en cas de disette, et de la mante religieuse. Chez les poissons, seuls la truite et le brochet consomment volontiers leurs alevins. La découverte des premiers indices d’anthropophagie a donc déclenché de vives polémiques. Les passions se sont maintenant apaisées, de nouvelles découvertes archéologiques ont été faites, et les données fournies par l’ethnologie se sont élargies au point de fournir un contexte significatif.
Dans l’espèce humaine, le cannibalisme, s’il n’est pas la règle, est loin d’être exceptionnel. Il est en effet attesté chez les chasseurs-cueilleurs de la plupart des continents.
— En Amérique du Nord : les Iroquois, les Algonquins, les Hurons, les Cree… les Aztèques.
— En Amérique du Sud : les Guayaki, les Tupinambas, les Tupi-guarani.
— En Papouasie : les Foré.
— En Mélanésie : les Fatalekas de Malaita.
— En Afrique : les Azandés.
— En Sibérie : les Youkaghirs, les Toungouses, les Samoyèdes, etc.
Et, fait encore plus surprenant, sauf dans des cas de famine vraiment exceptionnels, il ne s’agit jamais de cannibalisme alimentaire, mais d’actes rituels très élaborés. On en distingue deux grandes formes, l’exocannibalisme où ce sont les ennemis tués au combat qui sont consommés, ou l’endocannibalisme qui concerne les membres du groupe décédés, quelle que soit la cause de leur mort. Par exemple les Tupinambas, exo cannibales, considèrent que la vengeance n’est complète que si l’ennemi est dévoré, mais en même temps il faut apaiser les morts du groupe et s’approprier les qualités de la victime. Les Guayaki, endocannibales, consomment au cours d’un repas rituel les membres décédés de leur groupe, afin de se protéger de l’influence néfaste de l’âme/esprit du mort, qui est réputée rester toujours errante si le rituel n’est pas accompli. Les faits archéologiques, sans être très nombreux, constituent néanmoins un ensemble de présomptions non négligeables. Les premiers apparaissent dès le paléolithique moyen, sous forme d’os humains brisés ou portant des traces de découpe, et souvent calcinés, retrouvés dans des sols d’habitats, parmi des ossements animaux traités de manière semblable. À Krapina (Croatie) dans les couches 3 et 4, les restes de treize Néandertaliens ont été retrouvés en tas, brisés, mais aussi partiellement calcinés. Pour leur découvreur, Dragutin Gorjanovic, il s’agit là du résultat d’un acte de cannibalisme. À Vindija, également en Croatie, un site daté du paléolithique moyen, a fourni des indices analogues. Plusieurs pièces isolées sont également signalées : à Isturitz (France Pyrénées atlantiques) un fragment de calotte crânienne porte des traces d’estafilade au couteau de silex, à Predmost (Moravie) un squelette porte des traces de découpage. À Tautavel (Pyrénées-Orientales), un crâne brisé d’Homo Erectus a été retrouvé au milieu de déchets alimentaires (sol G – 450 000 ans). À La Baume (grotte) de Moula-Guercy (département français de l’Ardèche), des os humains, néandertaliens (six individus, dont deux adultes et deux enfants de 15 à 16 ans) brisés, mais aussi présentant des traces de découpage, figurent parmi des déchets alimentaires manifestes. À Maszycka (Silésie polonaise), les restes regroupés, mais incomplets, de seize individus, ont été retrouvés. Ils présentaient des ébréchures, et des traces de mâchonnement qui, selon les inventeurs, ne sauraient être imputées aux animaux carnivores. Les victimes auraient été décapitées puis démembrées hors de la grotte, un certain nombre d’ossements auraient été ramenés puis enterrés après un repas rituel. À la Grande Doline d’Atapuerca (Espagne) – 800 000 ans), des indices de consommation d’êtres humains ont aussi été relevés : traces de décapitation, stries de boucherie (marques de percussion ou de découpe) sur 50 % des restes, fractures intentionnelles des os comme faites avec les mains. Pourquoi manger son semblable ? Au total, si l’existence du cannibalisme au paléolithique ne peut être prouvée objectivement, elle peut cependant, compte tenu du contexte ethnologique, être considérée comme possible ou probable. Il s’agissait certainement d’un cannibalisme rituel. Les documents disponibles ne permettent pas, bien entendu, de trancher entre exo et endo cannibalisme. La pratique du cannibalisme semble très ancienne, elle a concerné aussi bien les Sapiens primitifs que les Néandertaliens, peut-être même les Erectus. Les documents bien datés ne sont pas, en revanche, suffisamment nombreux pour permettre de suivre la disparition de ce comportement, d’autant plus que quelques indices semblent exister pour des périodes
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tardives, mésolithique et néolithique. Le cannibalisme ne serait ainsi ni un signe archaïque ni une manifestation de sauvagerie.L’alimentation au paléolithique. La connaissance de l’alimentation pendant le paléolithique est à présent assez précise. De très nombreuses études, fondées sur l’analyse des comportements (en particulier de la chasse), et l’exploitation des ressources, des restes… permettent de définir les conditions alimentaires. Nous n’aborderons ici que le paléolithique moyen et le paléolithique supérieur qui correspondent à des conditions d’alimentation que l’on peut essayer de reproduire aujourd’hui. Les peuples sont alors tous chasseurs-cueilleurs, donc strictement limités à l’exploitation des ressources naturelles, avec des possibilités de conservation des denrées très limitées, du fait de leur mode de vie non sédentaire. Les ressources alimentaires sont d’une part le gibier, d’autre part les végétaux. Les hommes du paléolithique coupent et arrachent les plantes, déterrent les racines, cueillent fruits et baies. Cette ressource a été utilisée de façon variable en fonction des rigueurs du climat. Les fluctuations climatiques chaudes et froides, ainsi que sèches et humides ont en effet entraîné des variations importantes dans le couvert végétal. Néanmoins, en tout temps, des végétaux consommables étaient présents dans les zones habitées, ce qui rend cohérentes les données retenues pour l’alimentation au paléolithique. La consommation végétale chez les hominidés a représenté, au paléolithique inférieur, la majeure partie de leur alimentation. Mais au paléolithique moyen et au paléolithique supérieur, les hommes vont en réduire progressivement cette proportion dans leur ration alimentaire. Elle remontera au néolithique avec la production agricole. Il convient de noter que la ration végétale ne sera jamais nulle, même chez les Inuits. Il faut souligner aussi qu’au paléolithique supérieur, les fluctuations climatiques ont conduit à des périodes extrêmement rigoureuses, dites glaciaires, au cours desquelles on estime que les produits d’origine animale représentaient en fait 80 % ou plus de la ration alimentaire. Les végétaux, en dehors des légumineuses et des noix, ont des teneurs en glucides réduites. Un régime composé de 35 % de produits animaux et de 65 % de produits végétaux correspond à 700 grammes de viande et 1 300 grammes de végétaux, avec un apport énergétique représenté pour 50 % par les glucides. Si le régime alimentaire ne comporte que 20 % de produits végétaux, on arrive à 1 700 grammes de viande pour 400 grammes de végétaux, les glucides ne fournissant que 14 % de l’énergie quotidienne. Le métabolisme est alors réorienté vers la néoglucogenèse à partir des lipides. Ce régime se rapproche de celui des chasseurs-cueilleurs du Grand Nord. Les fibres alimentaires, apportées par les seuls végétaux, chez les chasseurs-cueilleurs contemporains, représentent de 30 à 50 % du poids sec des coprolithes étudiés. L’analyse de ces données permet de déterminer que, pour une ration alimentaire apportant 65 % de l’énergie d’origine végétale, les fibres représentent, selon les végétaux, de 37 à 60 grammes. Ces éléments permettent de considérer que les paléolithiques avaient, même sur ce plan-là, une alimentation satisfaisante. Chez les Inuits pour qui 90 % des apports énergétiques sont d’origine animale, l’absence de fibres végétales est parfaitement compensée par l’absorption de biopolymères non digestibles (petits os, dents, cuir, poils, peau, écailles de poisson…). Les protéines végétales ne sont pas à négliger dans cette approche de l’alimentation. Cependant, elles sont de moins bonne qualité que celles d’origine animale et pour certains acides aminés (tryptophane, lysine, méthionine) les végétaux sont très pauvres. Cependant, l’association de plusieurs sources peut partiellement compenser cette déficience.
Aucune trace objective ne permet de considérer que le miel fut une source de sucre au paléolithique.
On peut donc très légitimement considérer que la ration alimentaire des êtres humains devait être très différente de celle que nous connaissons aujourd’hui. Les produits carnés devaient être largement majoritaires et peut-être même, comme chez les Inuits aujourd’hui, en périodes glaciaires, représenter la quasi-totalité des apports nutritifs.
Le gibier. Le feu augmente, par déshydratation, la teneur calorique des viandes et leur teneur en protides, sans trop abaisser la teneur en lipides. Les fibres de collagène sont transformées en gélatine et, bien sûr, les acides aminés, les glucides et certains lipides interagissent, créant ainsi les arômes et le goût de la viande rôtie. À partir de son apparition, la consommation de viande a donc radicalement changé. Des modèles théoriques ont été mis au point, tenant compte des conditions environnementales. Il y aurait ainsi des périodes d’abondance au cours desquelles une chasse sélective est effectuée, sur une ou deux espèces seulement, avec en outre consommation d’adultes (plus gras que les juvéniles) et prépondérance d’un sexe (pour les mêmes raisons). Par opposition, dans les périodes de pénurie, la chasse perd son caractère sélectif. De très nombreuses espèces sont chassées,
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sans distinction d’âge ou de sexe, la petite faune étant alors, elle aussi, consommée. La fragmentation des os pour en extraire la moelle est systématique, et les épiphyses très riches en lipides sont rarement retrouvées. Mais la proportion de l’apport énergétique représenté par les produits carnés semble être demeurée entre 35 et 50 % pour les groupes étudiés en période climatique tempérée (interglaciaire). La consommation a donc toujours été supérieure à celle du néolithique ou celle d’aujourd’hui, avec des animaux à viande plus riche en protides que les animaux d’élevage. Et pendant les périodes glaciaires, les aliments carnés ont pu constituer 80 % voire plus des rations alimentaires. Le gibier a par ailleurs une teneur en lipides toujours inférieure aux animaux d’élevage. Les graisses animales varient aussi avec les saisons, le rut et la remontée dans les rivières des saumons faisant par exemple perdre 25 % de masse corporelle à ces animaux. Cet aspect de l’apport énergétique est loin d’être négligeable, car il conduit à la sélection des parties des animaux devant être mangées ou transportées dans les habitats. Ce sont en effet les meilleurs quartiers qui ont été les plus consommés. De même, la recherche de moelle osseuse, très riche en lipides, est attestée par la fracturation des os longs quasi systématique dans certains gisements. Les épiphyses des os longs, que l’on retrouve rarement, sont également utilisées par concassage, comme cela fut prouvé sur d’anciens campements du nord de l’Alaska. Il se peut que les hommes paléolithiques aient agi de même, y compris en réalisant des bouillons gras. Il faut noter que la paléopathologie ne révèle aucune trace de goutte, malgré la forte consommation de gibier. La consommation d’œufs n’a laissé aucune trace. Il n’est donc pas possible de l’évoquer. De même, l’absence d’élevage ne permet pas de concevoir une consommation de lait autre qu’anecdotique, lors de la chasse d’une femelle allaitante par exemple. Les données paléoenvironnementales ne permettent pas d’évoquer des problèmes de restriction hydrique, d’autant que les habitats étaient toujours implantés à proximité de ressources en eau. Le sel, pour une ration composée à 35 % de produits carnés, apporterait un équivalent de 1,7 gramme de chlorure de sodium par jour, ce qui est suffisant. Les fruits, noix, légumes et racines, étaient généralement consommés quelques heures après avoir été cueillis, après avoir subi peu ou pas de transformation, et souvent crus. On peut donc en déduire que les apports en vitamines et en minéraux excédaient largement nos apports quotidiens recommandés.En conclusion. Si une espèce animale a su se maintenir et avoir une évolution qui lui a donné des « avantages » par rapport aux autres espèces, c’est qu’elle a bénéficié d’un faisceau de facteurs favorisants. L’hominisation est donc la preuve, par son terme actuel, que les êtres humains, sans maîtriser leur environnement comme ils le firent à partir du néolithique, ont su bien utiliser les richesses de la nature à leur profit. Leur relative fragilité, leur vulnérabilité, ont été compensées par trois grands facteurs.
— La fabrication des outils.
— La maîtrise du feu.
— La vie sociale.
— Un quatrième facteur doit être ajouté, lié au mode de vie très simple de nos ancêtres, c’est leur alimentation. Celle-ci, naturelle par définition, variée, mais strictement liée aux changements saisonniers, sans doute fortement carnée avec des périodes de consommation quasi exclusive de viande, a été un facteur indéniable du développement ubiquitaire de notre espèce.
Telle est donc la légitimation du régime dit aujourd’hui « paléolithique », qui n’est qu’une prise en compte de la nécessaire harmonie entre l’Homme et la Nature ainsi que la satisfaction de ses besoins par des aliments naturels. Si le XIXe siècle a posé un regard un peu méprisant sur ce mode de vie jugé primitif, on se rend compte aujourd’hui qu’outre le fait qu’il nous renseigne sur les débuts de l’Humanité, il s’avérait peu contraignant. Et permettait de développer une vie culturelle en harmonie avec l’environnement. D’aucuns idéalisent même cette façon de vivre. Ce qui est certain c’est que les bouleversements de la société dans les domaines de l’alimentation, de l’environnement, de la pollution, du non-respect de la nature, des cultures et de l’élevage, nous conduisent à un mal-être général.
— Le syndrome de fatigue chronique.
— Le stress généralisé. Or que recherchons-nous tous si ce n’est le bien-être et la santé, tout cela dans un corps sain et bien proportionné.
Le régime paléolithique nous rappelle la voie menant à cet objectif. Nous avons oublié les fondamentaux de la vie et de la nature, et cette piqûre de rappel est nécessaire pour en retrouver le chemin. Les principales conclusions que l’on peut déduire de l’analyse du régime
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paléolithique, riche en protéines, en fibres, pauvre en sucre et en certaines graisses, sont en effet qu’il conviendrait…Pour les viandes.
— D’augmenter leur proportion globale au moins à 35 % (voire bien au-delà) de la ration énergétique, mais en choisissant les viandes les moins grasses.
— D’augmenter la proportion des viandes sauvages, le gibier devant être privilégié, de restreindre les viandes d’élevage.
— De majorer aussi la consommation de poisson, même ceux qui sont considérés comme gras.
— Et enfin d’éviter de les accompagner de sauces plus ou moins sucrées, de moutardes ou de mayonnaises.
Pour les végétaux.
— De diversifier leur consommation.
— D’augmenter la part des fibres végétales.
— De favoriser la consommation de fruits secs et de baies.
— D’augmenter la proportion de végétaux riches en cellulose et en amidon.
— Tout en évitant les apports glucidiques qu’ils peuvent représenter.
Pour les lipides. La ration doit être modérée, apporter peu d’acides gras saturés, mais beaucoup d’acides gras polyinsaturés.
Pour les glucides. Les sucres rapides doivent être réduits et idéalement éliminés, dans la ration alimentaire, au profit des sucres lents apportés en quantité modérée.
Un tel bouleversement de notre alimentation est évidemment assez difficile à mettre en œuvre de nos jours. Mais des cures de régime paléolithique peuvent être envisagées à certains moments de la vie des individus. Il faut aller chercher les aliments riches en vitamines en mangeant 5 à 10 fruits et légumes par jour, les aliments riches en minéraux et oligoéléments à travers la consommation de produits de la mer. Et en particulier de coquillages et de crustacés riches en zinc ou en sélénium. Mais il ne faut pas oublier les eaux minéralisées pour l’apport en magnésium et en calcium, dont l’assimilation est supérieure au lait de vache. Cependant, concernant les micronutriments, notre mode de production a tellement changé que par rapport à la quantité de nourriture actuelle ingérée (2 200 kilocalories pour un homme au lieu de 3 500 kilocalories au Paléolithique) nous n’avons plus ce qui est souhaitable. La prise d’un complément nutritionnel serait donc nécessaire tous les jours. Avec ce régime, il n’est pas nécessaire par contre de compter les grammes de glucides ou même les calories que l’on consomme. La principale règle est de cesser de manger dès que l’on est rassasié. Le régime paléolithique peut donc nous aider en nous indiquant le chemin de l’équilibre nécessaire pour notre bien-être et notre santé. Mais il faut l’adapter en recourant à des compléments corrects, le cumul de risques de notre société n’étant plus le même qu’il y a 15 000 ans. Il est donc conseillé de s’octroyer deux ou trois repas « néolithiques » par semaine afin d’éviter les carences. Dernière question enfin : nos aïeux mangeaient-ils cru ou cuit ? La cuisson est apparue au paléolithique, il y a environ 40 000 ans, mais il semble que nos ancêtres mangeaient surtout les aliments crus, la cuisson n’ayant probablement eu qu’un rôle limité. Elle aurait surtout concerné les viandes et les poissons, et aurait été relativement brève.
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LA SPIRITUALITÉ DES PEUPLES PRÉHISTORIQUES.
D’après Léon Marillier (1862-1901). Religion des peuples non civilisés.
« Le Seigneur Dieu [en fait un pluriel dans le texte hébreu : les Élohim] planta un jardin en Éden, à l’Orient, et y plaça l’homme qu’il avait formé. Le Seigneur Dieu [Élohim] fit germer du sol tout arbre d’aspect attrayant et bon à manger, l’arbre de vie au milieu du jardin et l’arbre de la connaissance… mais de l’arbre de la connaissance tu n’en mangeras point, car dès l’instant où tu en consommeras tu connaîtras la mort » (fable sumérienne).
« La terre qui tremble, qui se fend, qui engloutit l’homme et son œuvre ; l’eau qui se soulève et inonde ou noie toute chose, la tempête qui emporte tout devant soi… Voilà ce que nous savons depuis longtemps être dus aux manifestations d’autres êtres vivants ; et enfin l’énigme douloureuse de la [mort, de la mort à laquelle aucun remède n’a été trouvé jusqu’ici et ne le sera sans doute jamais. Avec ces forces, la nature se dresse contre nous, sublime, cruelle, inexorable, elle nous rappelle notre faiblesse, notre détresse, auxquelles nous espérions nous soustraire grâce au labeur de notre civilisation… Ces Puissances vagues, ces forces vivantes et mouvantes dont l’Homme se sentait entouré, il est fort vraisemblable qu’il ne les personnalisait pas tout d’abord assez complètement pour leur attribuer à son égard de la bienveillance ou de la colère. Elles lui apparaissaient comme redoutables, mais non pas comme hostiles. Et d’autre part, il ne concevait point, autant qu’il semble, comment il aurait pu se dérober à leur action ou lutter contre elles ; il n’avait pas d’elles une idée assez nette pour imaginer quelles armes il pourrait employer. Il n’avait donc pas devant elles cette peur abjecte que l’on peut éprouver devant un péril bien défini. Cette peur qui a terrassé et qui abat encore des tribus entières de modernes sauvages au pied de leur dieu-ou-diable sanguinaire, quel que soit son nom (Yahvé Sabaoth ou Allah). Mais, autant qu’on le peut conjecturer, il ressentait cette angoisse. Cette attente troublante, cette terreur imprécise, qui, unies au sentiment de la force sans limites et de l’omniprésence d’êtres surhumains, de l’étroite dépendance où se trouve l’individu envers ces Puissances qui l’entourent et qu’il ne connaît pas ; mais aperçoit toujours ; engendrent dans les âmes ou les esprits une émotion proprement religieuse.
Cette émotion, c’est la matière à laquelle la conception, que l’humain réussira ensuite à se faire du monde qui l’entoure et de lui-même, imposera une forme. Dès qu’il aura pu faire, de la réflexion, un apprentissage assez complet pour penser ces images en des ensembles cohérents. Et leur prêter assez d’attention pour qu’ils subsistent, pareils à eux-mêmes, en sa mémoire devenue capable de discerner les uns des autres les souvenirs, et de ne plus les laisser se confondre. La nature lui apparaîtra dès lors comme composée d’êtres vivants qu’il ne pourra concevoir comme autrement que lui-même ; elle ne sera pas peuplée d’âme/esprits, mais vivante et agissante, ou faite plutôt de vivants, dont l’arbitraire et capricieuse volonté réglera le cours des événements, qui ne seront que leurs actes. Vivante sera la forêt ! Vivantes seront les eaux fécondantes et dévastatrices, vivantes les plantes nourricières et meurtrières, la mer grondante, vivants les rochers durs et forts, le feu agile, le vent qui brise les arbres, le ciel lumineux, les nuages chargés de pluie, le soleil dévorateur et créateur. Et ce n’est pas la vie seulement qu’il prêtera donc à ces êtres et à ces objets divers ; ce sera une volonté semblable à la sienne et une intelligence du même ordre, donc les mêmes sentiments, les mêmes désirs, les mêmes affections, les mêmes haines. Ces attributs de l’être humain, il en investira tout d’abord les animaux, qui ne lui apparaissent séparés de l’Homme par aucune infranchissable barrière et qu’il conçoit souvent comme plus intelligents et plus puissants que lui. Personne n’a plus heureusement que Guyau (1854-1888) caractérisé ce moment de l’évolution religieuse. La cause qui produit chez eux le mouvement étant un désir, ils supposent que tout mouvement dans la nature, comme le mouvement des hommes et des animaux, s’explique également par quelque désir, quelque intention. Leur conception de la nature est ainsi anthropomorphique, comme le sera celle qu’ils imagineront pour Dieu ou le Démiurge plus tard. Le terme d’origine grecque « panthélisme » exprime heureusement cet état de l’intelligence humaine ; qui voit tout d’abord dans la nature non pas des âme/esprits plus ou moins distincts des corps, mais simplement des intentions, des désirs, des volontés inhérentes aux objets mêmes. En résumé, la représentation la plus simple ou la plus primitive, que l’Homme puisse se former
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de la nature, c’est d’y voir non pas des phénomènes dépendant les uns des autres ; mais des volontés peu ou prou indépendantes et douées d’une puissance extrême, pouvant agir les unes sur les autres, et sur nous. Le monde est conçu comme un ensemble de volontés, physiquement et socialement puissantes. Mais ce ne sont pas seulement les objets ainsi que les êtres de la nature que l’Homme, à ce stade de son développement, se représente comme des volontés, ce sont aussi les actes, parce qu’ils lui apparaissent comme des objets. Le déploiement de toute énergie physique ou mentale s’accompagne de variations de l’état affectif, qui provoquent, à leur tour, l’apparition de telles ou telles images. Ces images symbolisent l’acte, le représentent, l’incarnent en quelque sorte. Et, de même que les actes, les passions qui entraînent les hommes, les désirs qui les sollicitent, se personnifient, ou revêtent de formes sensibles, et cela spontanément, sans qu’intervienne nulle tendance consciente et réfléchie à l’allégorie. Le langage d’ailleurs achève l’œuvre commencée par les images et les émotions, et confère à ces êtres de pensée une pleine et entière réalité ou presque. Dès lors, l’Homme lui-même, comme la nature entière, est à ses propres yeux une sorte de république de Puissances plus ou moins confusément représentées, mais identiques en leur apparence aux multiples objets qui se révèlent dans leur perception antérieure. Et ces images objectivées, il les sent comme des forces, comme des énergies. Par là se fait plus complète l’identification entre la nature qui l’enveloppe, et l’homme qui vit d’elle, mais aussi en elle.On n’insistera jamais trop d’ailleurs sur le rôle essentiel joué, dans le développement de la notion de vie des choses ; par la connaissance que les primitifs ont des animaux, et les conceptions qu’ils se font de leur nature intime. Ils sont trop analogues à l’homme en toutes leurs démarches, en toutes leurs manières de se comporter, envers lui et vis-à-vis les uns des autres ; pour qu’il ait pu songer à les ranger en une catégorie différente de celle où il s’est lui-même placé. Pourtant, ils diffèrent, à tel point de lui – certains d’entre eux du moins – par leur apparence ; qu’ils ne lui semblent guère apparentés de plus près que les plantes, les eaux qui se meuvent et qui parlent, elles aussi, et les rochers où quelque chose de sa forme semble parfois être demeuré. C’est une raison de plus pour qu’il estime que tous ces êtres sont, comme lui, des vivants, et des vivants qui veulent. Suivant une très pénétrante remarque du grand philosophe écossais que fut Édouard Caird, l’homme s’est à la fois conçu à l’image des objets de la nature, et a conçu la nature à l’image de sa volonté ; les choses et les hommes sont d’essence comparable, investis des mêmes attributs, de pouvoirs de qualité semblable, sinon de même étendue. [Note de la rédaction. Et cela concerne aussi bien évidemment le dieu-ou-diable des trois monolâtries, qui n’est qu’un superhomme !] Ce qu’il importe ici de remarquer, c’est que ces attributs et ces pouvoirs, selon une telle conception du monde, sont très différents des attributs et des pouvoirs humains tels que nous les concevons de nos jours. Ils sont bien plus variés, bien plus nombreux. L’action de l’Homme s’exerce, d’après eux, en mille domaines que nous savons maintenant soustraits à l’empire de sa volonté. Il peut agir sur la pluie et sur les nuages, sur le vent et sur le soleil, faire croître les plantes ou se dessécher les feuilles ; il peut à son gré revêtir la forme qui lui agrée ou l’imposer aux autres. L’homme primitif croyait pouvoir tout cela, et les autres volontés, pareilles à la sienne, dont est faite la trame du monde, le pouvaient aussi, selon lui, tout pareillement. Pour l’homme primitif, les êtres sont tous magiciens, mais ce sont des magiciens d’inégale puissance et aussi de science inégale. Le don naturel, le mana qui ne s’acquiert point (le mot de mana désigne en Mélanésie l’ensemble des dons naturels et surnaturels dont un homme est investi, l’ensemble des pouvoirs qui lui appartiennent sur les hommes et sur les choses) ainsi que la connaissance, des bonnes règles, de bonnes recettes ; tels sont les éléments qui permettent à certains de commander en maîtres au tonnerre, à l’océan, ou aux animaux des forêts. Pour l’homme primitif, il n’y a dans les phénomènes, nulle règle, nulle succession uniforme. L’idée de loi naturelle est absente de son esprit. La causalité, telle qu’il arrive à la concevoir, est une causalité capricieuse et incertaine. Il ne se figure pas l’univers comme une super-unité dont toutes les parties sont liées ; mais comme une collection de personnes toujours en lutte et dont tantôt l’une l’emporte, tantôt l’autre, sans que l’on puisse savoir d’avance à qui restera l’avantage. Il se le représente comme livré aux impulsions sans cesse changeantes de passions sans frein. Et nul être n’est assujetti à un rôle fixe et déterminé d’avance, nul être ne possède de fonction spéciale, à laquelle seulement il serait propre. Il peut tout faire, et cela d’autant plus sûrement qu’une vertu plus efficace, qu’un mana supérieur, est en lui. Chaque « volonté », chaque « puissance », se manifeste de mille manières différentes, et nul domaine particulier ne lui est assigné à l’exclusion de tous les autres. La « vie », qui est au cœur de l’if et du chêne, et fait
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verdoyer leurs branches, prédit l’avenir, guérit les maladies, fait tomber la pluie ou périr les animaux ; et cela non pas parce qu’elle a usurpé un pouvoir qui ne lui appartenait pas, mais seulement parce qu’un vivant peut partout faire rayonner sa vie. Et ces pouvoirs, l’homme se les attribue à lui-même comme aux autres êtres de la nature, et il en use ; s’il échoue souvent dans ses entreprises, il ne s’en étonne pas ; il sait qu’ils ne sont pas également accordés à tous, et l’explication lui suffit. Les magiciens n’hésitent jamais à tout tenter : ils croient de bonne foi influer sur les astres et le cours des saisons ; nos lointains ancêtres assignent une puissance efficace sur les éléments, à certains membres de leurs tribus. Si le chaman échoue à réaliser l’objectif qu’il s’était lui-même imposé, il en conclut non pas que son entreprise était hors du cercle des choses qui sont accessibles au pouvoir de l’humain ; mais seulement qu’il s’est heurté à plus fort, à plus savant, à plus habile que lui.Les premiers cultes. On peut dès lors comprendre quels rapports durent s’établir entre les dieu-ou-démons, qui n’étaient que les plus puissants d’entre ces êtres dont étaient fait le monde, et les hommes. Ou plutôt entre les hommes et la nature vivante, dont ils devaient tour à tour chercher à se concilier les bonnes grâces, et à plier à la leur les multiples volontés. Cette bienveillance des dieux, on peut la gagner, soit par des services effectifs, soit en contractant avec ceux dont on veut s’assurer la protection, une alliance qui les fait devenir avec vous membres d’un même corps ; et les lie à vous par les étroites obligations qu’impose la conscience collective aux hommes d’un même clan, d’une même famille, et plus tard d’une même cité. D’autre part, parmi ces redoutables Puissances, qui environnent l’Homme de toutes parts, et l’enveloppent de leur incessante activité comme d’un réseau invisible, mais aux mailles serrées ; il en est beaucoup qu’il ne réussit guère à enrôler à son service, dont il ne peut faire ses alliées ou ses protectrices, qu’il ne parvient guère à concilier à ses intérêts, par des dons ou des hommages ; celles-là, il essaiera du moins de les empêcher d’agir, de les maintenir dans l’inaction, dans une sorte de neutralité à son égard ; tantôt par des offrandes sans cesse multipliées, tantôt en exerçant sur elles une contrainte magique. Il existe d’ailleurs des dieux cruels, des dieux féroces, dont la fureur ne s’apaise jamais, qui se réjouissent des souffrances des hommes ; et dont on ne peut détourner un instant la colère qu’en leur offrant, comme en une sanglante expiation, des victimes toujours renouvelées. Mais ces dieu-ou-démons mêmes ne sont pas, eux non plus, des dieu-ou-démons tout d’une pièce, leur férocité n’est pas sans connaître des exceptions et des nuances, elle ne se manifeste pas contre tous pareillement. Ces dieu-ou-démons terribles ont des favoris, et le tribut qu’on leur paie ne va pas sans le secret espoir de s’assurer leur redoutable amitié. Enfin, il ne faut pas oublier que si ce que l’on peut tout d’abord attendre d’un protecteur surhumain, c’est qu’il veuille vous protéger, il n’est pas moins nécessaire qu’il puisse le faire efficacement ; et l’appui qu’il vous donne sera d’autant plus précieux qu’il sera lui-même plus robuste, plus vigoureux, plus intelligent, plus énergique. La conséquence évidente, c’est qu’il faut le nourrir aussi copieusement que possible, et ne le laisser manquer de rien.
Deux éléments sont toujours à prendre en considération à cette époque : la personne même de l’opérateur, et les actes qu’il accomplit. Certaines paroles, certains gestes, certaines pratiques, ont, par elles-mêmes et indépendamment de la qualité de celui qui les prononce ou les exécute, une vertu efficace. Ils agissent « ex opere operato » dira-t-on plus tard dans le christianisme. Les danses qui sont effectuées au moment de partir pour une chasse ou une expédition guerrière, et où sont mimés les mouvements des animaux ou la fuite des ennemis ; les rites agraires et fécondateurs de tous ordres, les cérémonies que célèbrent les faiseurs de pluie. Sans oublier les pratiques d’envoûtement et toutes celles qui leur sont apparentées ; au moyen desquelles on peut frapper de mort ou faire tomber malades ceux à qui l’on veut nuire, ou bien encore les vouer à la souffrance et à la misère, et notamment les defixiones.
N.B. « Defixio » est un mot latin désignant à l’origine le fait de planter un clou, puis l’opération magique par laquelle on torture ainsi un substitut (par exemple une plaque de plomb) en espérant provoquer les mêmes désagréments chez l’ennemi auquel on pense fortement. Cette procédure magique, telle que nous la percevons en Grèce et à Rome, inclut la mise par écrit, sur la tablette, du nom de l’ennemi visé. Le texte inscrit peut d’ailleurs être développé avec l’invocation de puissances surnaturelles, censées mettre en œuvre cette malédiction, et diverses stipulations portant sur les motifs de la condamnation ou les divers tourments qui serviront de punition. Il s’agit d’un type de procédure magique qui est attesté à travers tout le bassin méditerranéen, durant l’Antiquité. Si dans certains cas (à Chamalières en France par exemple) les très-sachants ont cru devoir employer la langue celtique dans ce dessein ; c’est peut-être parce qu’ils adressaient le message magique à des entités surnaturelles celtes, sur
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des sites celtes. N’oublions pas non plus les philtres par lesquels on peut contraindre quelqu’un à aimer. Les multiples recettes de médecine populaire, les rites de préservation et de purification ainsi que les exorcismes dont l’accomplissement minutieux tient à distance les influences dangereuses, ou permet du moins de s’en délivrer. Le port des amulettes qui préservent du mauvais sort et assurent le succès dans les entreprises. Parmi ces pratiques cérémonielles, il en est de si puissantes qu’elles agissent sur le cours même des astres ou gouvernent souverainement les vents et la mer. Tantôt elles agissent directement par leur vertu propre : elles produisent alors l’effet désiré sans l’entremise d’un personnage surhumain (ex opere operato). Et c’est le cas par exemple de la plupart des rituels célébrés par les indigènes d’Australie pour faire se multiplier les animaux dont ils mangent la viande ; des pratiques utilisées par les faiseurs de pluie africains, des recettes de magie médicale, des philtres d’amour, de tous ces meurtres à distance que tentent les sorciers. Tantôt elles exercent une action contraignante sur un dieu-ou-démon, sur un astre, sur un animal, sur la terre, le ciel ou la mer divinisés ; sur un être, en un mot, investi d’un pouvoir surhumain, d’un pouvoir le plus souvent très supérieur à celui du magicien ; et l’obligent ainsi à obéir à ses désirs, à faire ce qu’il souhaite. Il semble que ce soit là l’interprétation qu’il faille donner de bon nombre des sacrifices rituels, et l’on a pu soutenir avec de très solides arguments que c’était ainsi qu’il fallait comprendre le sacrifice brahmanique. Le chamanisme mongol, les pratiques des angekoks inuits, des tohungas maoris, des jossakeeds amérindiens, nous fournissent des exemples très nets de cette seconde classe de rituels. Il faut remarquer que les talismans sont en étroite relation avec ce groupe de pratiques. Ce sont en effet précisément des objets en lesquels réside une vertu particulière ; qui donne la mainmise sur une âme/esprit ou un groupe d’âme/esprits ou, d’une façon plus générale, d’êtres surhumains, et permet de les enchaîner à son service. Bien que tous ces actes rituels ne puissent pas être indifféremment accomplis par le premier venu ; et que certains d’entre eux requièrent même impérieusement, pour être utilement effectués, que le célébrant soit revêtu d’un caractère sacré, ou se trouve en des conditions déterminées de pureté légale et cérémonielle ; qu’il ait subi certaines épreuves d’initiation ou se soit préparé spécialement à s’acquitter de sa fonction redoutable de maître des dieu-ou-démons ; au moyen d’un patient assujettissement à une rigoureuse austérité, prolongée pendant une période plus ou moins étendue : ils produisent toujours des effets certains et des effets puissants, par le seul fait qu’ils ont été effectués. Ne dit-on pas encore chez certains chrétiens que les sacrements confèrent la grâce ex opere operato (par la puissance du rite sacramentel achevé), et non par la sainteté du prêtre lui-même ? Ces effets peuvent d’ailleurs être nuisibles à l’officiant et se retourner contre lui ; s’il a par exemple omis les précautions nécessaires, et n’a pas su se prémunir contre les périls qui entourent la création ou la mise en liberté d’une force surnaturelle. Il y en a certaines, du reste, pour l’accomplissement desquels nulle qualité particulière de l’agent n’est requise, et ce sont celles-là surtout qui agissent directement sur les phénomènes sans l’intervention d’aucun personnage surhumain. Mais si les incantations et les actes magiques ont par eux-mêmes une efficacité ou une valeur, il est, d’autre part, certains individus qui sont investis d’une puissance magique. Qui commandent aux éléments, qui guérissent les maladies, grâce à une simple imposition des mains sur le malade, qui font par leurs paroles luire le soleil, ou pousser les feuilles, qui peuvent tuer d’un geste, qui à volonté revêtent la forme de tel ou tel animal, qui savent d’une parole rendre la vie à un mort. Et dont la seule présence dans une armée apporte la victoire, la seule présence dans une communauté d’agriculteurs la fertilité des champs. Cette force, cette vertu, est un don individuel inhérent à la personne. Un don comme l’agilité à la course, la vigueur musculaire, l’acuité de la vue ou la profondeur de l’intelligence ; et dont la possession confère à celui qui en est investi, des privilèges parfois très étendus, ainsi que l’exercice d’un réel pouvoir sur tous ceux qui l’entourent.Et à son tour ce mana, qui fait d’un homme plus qu’un homme, qui l’égale, sinon par l’étendue de son pouvoir, du moins par sa nature, aux dieu-ou-démons ; résulte ou bien de ce qu’un plus grand que lui, un être divin ou à demi divin, habite en lui ; ou directement de sa nature propre qui l’assimile aux Puissances dont l’arbitraire volonté gouverne et règle toutes choses. De ces hommes, dont toute action est un acte magique, les uns sont les réceptacles d’un dieu, les autres des hommes dieux. Plus encore que des magiciens, ce sont des thaumaturges, des faiseurs de prodiges. Mais fréquemment, ce sont ces dons mêmes, dont ils sont investis et qui se révèlent par quelque merveilleuse manifestation, qui les désignent pour les fonctions sacrées dont l’exercice leur conférera un accroissement de puissance. Si certains objets, certaines plantes, certains animaux, certains lieux ont une puissance et une
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vertu magiques, c’est aussi ; ou bien parce qu’un dieu-ou-démon est en eux, qui leur communique sa nature et les transforme en ses instruments ; ou parce que par eux-mêmes ils sont des réservoirs de force, et d’énergie efficace ; la forme visible de volontés qui meuvent les choses comme la volonté de l’homme meut ses membres et qui suscitent à leur gré les événements dont est tissée la trame de l’univers. Ces êtres et ces objets possèdent des pouvoirs multiples, tantôt spécialisés en quelque sorte, et adaptés à une fin unique, tantôt et le plus souvent indéfinis et capables de produire les résultats les plus divers ; ces pouvoirs, du reste, ne résident pas seulement dans l’être ou l’objet tout entier, mais indivisément dans chacune de ses parties, dans chacun de ses fragments ; de là par conséquent la croyance à la vertu magique des éclats détachés d’une pierre sacrée, des feuilles ou des branches d’un arbre divin, de l’eau puisée à une source où demeure une vie plus qu’humaine. Ces agents d’effets merveilleux, hommes, animaux, fontaines, objets ou plantes, restes osseux de saints hommes, ne sont pas considérés comme surnaturels ni préternaturels par ceux qui ont foi en eux. Et cela pour la simple raison que la notion de surnaturel ou préternaturel ; telle que nous l’entendons ; fait entièrement défaut, non seulement aux « non civilisés », mais à toutes les sociétés qui ne sont pas encore parvenues à se faire de la nature une conception scientifique ou à demi scientifique. Le miracle n’est pas pour elles la violation d’une loi de la nature, mais seulement la manifestation d’une force, d’une puissance qui passe l’ordinaire. Il est pour eux un signe de la présence du dieu-ou-démon, mais un signe aussi peu « miraculeux », au sens moderne du terme, que les événements qui se reproduisent toujours uniformément ; que le lever et le coucher du soleil, le cycle des saisons, la naissance et la mort des animaux ou des hommes ; le fleuve qui coule. Le blé qui pousse dans le sillon est, comme la résurrection d’un mort, la manifestation d’une vie divine, moins rare peut-être et moins puissante, mais identique en son essence. La notion de surnaturel ne s’est constituée qu’à une époque très postérieure à celle où sont formées les religions de la nature ; elle n’a pu apparaître qu’avec la conception de la transcendance des dieu-ou-démons, et surtout avec l’idée d’un Cosmos gouverné du dehors par des volontés d’une puissance incommensurable par rapport à la volonté humaine. Pour qu’elle se développât dans les âmes et les esprits, la condition presque nécessaire était que la foi en la puissance de ces chamans y eût diminué. Et que le monde ne leur semblât plus une société de vivants, doués de volontés conscientes, animés de violentes et capricieuses passions (animisme), mais une société d’entités que pouvaient contraindre, à des actes qu’ils ne souhaitaient pas, des incantations et des charmes. Si ces êtres et ces objets, qui sont les agents spontanés de la vie de la nature et les instruments, dociles ou rebelles, des désirs des chamans, ne sont pas des êtres ni des objets surnaturels ; ils revêtent cependant, quand leur action est particulièrement efficace et puissante, un caractère redoutable. En eux réside la force fécondatrice et destructrice, la force qui crée ou qui tue, la force dangereuse pour qui est faible et malhabile, pour qui ne sait pas la manier ou la capter à son profit. Tantôt ils sont conçus essentiellement comme sacrés, tantôt comme impurs, mais ces deux notions, ainsi que l’ont montré Robertson Smith, et J.G. Frazer, confondues à l’origine, ne se sont que lentement différenciées l’une de l’autre. Réservoirs de force divine, ils peuvent par leur contact ou leur influence faire courir de véritables dangers à tous les êtres faibles, comme les enfants et les femmes. De là les tabous, les interdictions rituelles qui entourent, comme un filet de protection, les chefs, les sorciers, les prêtres, les membres des sociétés religieuses secrètes, les objets ainsi que les lieux sacrés. Le rôle joué par ces tabous est d’ailleurs double. S’ils protègent contre la force qui émane du chef ou du sorcier, les membres de la tribu ; ils garantissent également de contacts nuisibles ces êtres merveilleux et à demi divins, dont la santé, la vie, et la parfaite intégrité, sont la condition même de la prospérité, voire de l’existence de la société ; qui a en eux son signe visible et tangible. Mais les objets ainsi que les êtres qui sont réputés impurs, ne sont impurs que d’une impureté sacrée ; pour ceux qui savent les approcher avec les précautions rituelles qui conviennent, ils constituent au contraire des instruments magiques d’une extrême puissance. Pour bien comprendre le sens de toutes ces interdictions, il faut rappeler ici la théorie à laquelle nous faisions allusion plus haut, et qui repose sur la notion de continuité de la vie. Elle consiste essentiellement dans la double idée que toute action exercée sur une partie d’un être ou d’un objet (et le nom est considéré comme une partie de l’entité en question) est exercée sur l’objet ou sur l’être tout entier ; que par conséquent posséder une portion d’un objet, une partie d’un être, c’est-à-dire par exemple son nom, c’est avoir prise sur lui déjà. Et que, d’autre part, la force de chaque être étant tout entière là où est une de ses parties, ce dernier peut agir dans son entier, d’une façon malfaisante ou utile, là où se trouve un fragment de sa totalité ; là où, par exemple, on prononce ou on invoque son nom. Il n’est nul
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besoin d’insister pour voir que c’est dans des conceptions de cet ordre que les pratiques d’envoûtement et la plupart des recettes en usage dans les philtres d’amour trouvent leur justification. Imiter un acte, c’est déjà produire cet acte ; verser de l’eau sur une branche verte, voilà un sûr moyen de provoquer, en temps de sécheresse, une pluie fécondante ; et pour que des nuages s’amassent dans le ciel, il suffit de jeter en l’air une poignée de poussière. Remarquons néanmoins que ces pratiques imitatives s’accompagnent presque toujours également d’une incitation. Que la personnalité de celui qui les accomplit n’est pas indifférente à leur succès ; que des gestes rituels destinés à mettre en liberté une force divine sont maintes fois exécutés ; que l’on recourt assez souvent à des charmes puissants, comme l’effusion de sang, au cours de ces cérémonies. Or l’imitation de l’acte, c’est l’acte même, comme le portrait, le reflet ou l’ombre, c’est l’être lui-même ; si l’on exerce une action magique sur l’acte simulé, elle se répercutera nécessairement sur l’acte réel. À l’origine la prière n’est pas une simple demande ni le sacrifice une offrande-prière, prier c’est d’abord nommer les dieu-ou-démons et les mettre par là même dans sa dépendance temporaire ; de là l’importance de savoir le vrai nom des êtres divins, et le soin jaloux avec lequel leurs adorateurs le tiennent secret. Cette evocatio deorum subsiste dans tous les chants liturgiques de type litanie, et c’est une idée du même ordre qui conduit à la répétition mécanique et continue d’un nom divin, associé parfois aussi à une formule de demande ; considérée, à l’origine, comme une formule de contrainte. Sacrifier, c’est essentiellement, à l’origine, mettre en liberté, par la mort d’une victime et identifiée avec sa vie, une force qui va opérer sur les dieu-ou-démons, pour les plier à la volonté du sacrifiant. Les deux actes cérémoniels, en lesquels tout culte peut se résumer, sont donc, à proprement parler des actes magiques, qui ne sont pas destinés à plaire au dieu-ou-démon, à se concilier sa bienveillance ou apaiser sa colère ; mais à le réduire à l’inaction, s’il est hostile. Ou à faire de lui, bon gré mal gré, l’assistant et presque l’instrument du sacrifiant. Nos ancêtres prêtent à leurs dieu-ou-démons les passions mêmes dont ils sont animés ; ils leur attribuent les besoins qu’ils ressentent et, chose étrange, ils croient tous ou presque tous, que ces besoins, l’homme peut aider les êtres surhumains à les satisfaire. Il les tient donc ainsi en quelque mesure en sa dépendance : s’ils sont les agents de sa prospérité ou de son malheur, les maîtres de sa vie, c’est de lui qu’ils attendent leur subsistance. Il peut donc y avoir entre eux et lui un échange de services. Il est passé entre le dieu-ou-démon et ses dagolitoi (ses fidèles) une sorte de contrat. Il les protège, il assure la fertilité de leurs champs, la fécondité de leurs femmes, il leur procure le succès dans les grandes chasses et dans les guerres, il les fait agiles, intelligents, rusés et forts ; en échange ils le nourrissent. Il semble d’ailleurs que ce ne soit pas pour conquérir leur bienveillance que l’on a tout d’abord nourri les dieu-ou-démons, mais pour les rendre plus robustes et plus vigoureux. Pour les mettre mieux à même de s’acquitter des fonctions qui leur incombent. Et il arrive que l’on triomphe de ses ennemis, que l’on tue à la chasse du gibier en abondance, que les flancs des femmes de la tribu soient féconds, et que les champs donnent d’abondantes moissons. On attribue alors aux dieu-ou-démons le mérite de tous ces succès : s’ils étaient hostiles, on leur est reconnaissant d’être demeurés neutres ; s’ils étaient bienveillants, on leur est encore plus reconnaissant d’avoir été les agents de cette prospérité. Une sorte d’amitié s’établit entre les membres surhumains et les membres humains de cette société de mutuelle assistance ; et il arrive fréquemment que les repas servis aux dieu-ou-démons ainsi que les présents qu’on leur offre soient autant une marque de gratitude qu’un prix payé d’avance pour un service que l’on sollicite. Dans la prière alors, aux demandes ne tardent guère à se mêler les Actions de grâce. Mais un dieu-ou-démon que l’on aime et que l’on redoute, un dieu-ou-démon avec lequel on n’entre plus en conflit, auquel on se soumet ; mais que l’on cherche à gagner ; un dieu-ou-démon que l’on se représente comme à la fois très semblable à soi et incomparablement plus puissant ; c’est précisément le dieu-ou-démon qui peut devenir l’objet d’un véritable culte. C’est là ce qui permet de comprendre qu’en dépit de leur infériorité religieuse, leur supériorité pratique ait assuré aux cultes magiques, en nombre de cas, le triomphe que l’on connaît [voir notre essai contre le judaïsme, le christianisme et l’islam]. Et que, d’ailleurs, presque partout des incantations aient subsisté à côté des prières, souvent si intimement mêlées à elles que l’on ne sait plus trop si l’on a en l’occurrence affaire à un hymne de louange, ou à une antique evocatio deorum. De là aussi, les sacrifices expiatoires destinés à calmer leur colère et à obtenir d’eux, non pas seulement qu’ils ne frappent point le peuple, mais aussi qu’ils ne l’abandonnent pas. Ainsi que les multiples cérémonies de purification et de protection magique ou rituelle, qui ont pour but de délivrer un pays des maladies, des malheurs et des maux de tout ordre, qui le hantent ; mais aussi d’écarter des sanctuaires des dieu-ou-
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démons, et de la célébration des sacrifices, les puissances maléfiques dont la présence irriterait les protecteurs du clan ou de la tribu ; et pourrait leur faire quitter pour un lieu plus tranquille celui où ils venaient recevoir à l’accoutumée les offrandes qu’on leur apportait. Lorsqu’il s’agit des grands dieu-ou-démons cosmiques du ciel, du soleil, de la mer, de la terre maternelle, on ne craint plus de les voir fuir. Mais on redoute et à juste titre que le voisinage de ces importuns ne les mécontente. Que ces puissances négatives ne souillent les viandes du sacrifice, et qu’une rupture ne survienne ; entre ces magnanimes dispensateurs de la vie, et ceux qui tentent par l’immolation sanglante de la victime sur l’autel, et la claire flamme que font briller les libations, de provoquer ainsi que de payer à la fois, leurs bienfaits comme leurs aubaines. Parmi les êtres investis d’une puissance surhumaine, auxquels les hommes primitifs nos ancêtres rendent un culte, il en est deux catégories qui présentent naturellement ce caractère. Ce sont, d’une part, les hommes en qui se manifestent dès cette vie les signes éclatants d’une force divine, les rois dieu-ou-démons, les sorciers divins ; dont le rôle prépondérant dans certaines civilisations a été nettement mis en lumière par J.G. Frazer dans son Rameau d’or. D’autre part, les morts, magnifiés par la forme de vie nouvelle qu’ils ont revêtue, et qui deviennent les protecteurs de toute leur parenté, les agents actifs de sa prospérité. Mais le culte des chefs, en lesquels s’incarne, si l’on peut dire, la vie tout entière du clan ou de la tribu, pour répandu qu’il soit, est loin d’être universel. Et d’ailleurs, en dépit du contrôle qu’ils exercent souvent sur les éléments, leur pouvoir est un pouvoir limité. Leurs desseins sont souvent contrecarrés par l’intervention des grands dieu-ou-démons en lesquels se personnifient les astres, les objets, les événements naturels. Les morts, bien qu’ils continuent à faire partie du clan, n’en sont plus membres au même titre ni de la même manière, que les vivants. Et il faut parfois que des cérémonies soient célébrées pour conserver au lien qui les unit à leur parenté, toute sa force. Il est d’ailleurs à remarquer que les morts n’ont, eux aussi, qu’un pouvoir très limité. Qu’ils sont en lutte souvent les uns contre les autres et que leur force « surnaturelle » ou « préternaturelle » dépend dans une large mesure, de la générosité qu’ont montrée envers eux les vivants ; ou de l’abondance des repas qu’ils leur ont servis. En règle générale, le sacrifice est suivi d’un banquet rituel, grâce auquel l’union entre les membres du clan et le dieu-ou-démon, devient plus étroite et plus parfaite encore. Le banquet procure cette union par deux voies distinctes : d’une part, le dieu-ou-démon est invité à y participer, il s’assoit, invisible, parmi les membres du clan, et mange avec eux de la viande de la victime ; or toute commensalité crée un lien, analogue aux liens mêmes du sang, et fait entrer le commensal, temporairement du moins, dans la parenté de ses hôtes ; d’autre part, lorsque la victime est une victime divine, la force surnaturelle qui est en elle pénètre le groupe tout entier de ceux qui ont pris part au festin, et se sont partagé sa chair. Le repas sacré fait que le dieu-ou-démon et ses adorateurs deviennent partie d’un même être, dont le principe de vie commun est la vie même du dieu-ou-démon ; son sang chargé de vertus, qui coule maintenant dans les veines des sacrifiants et de tous ceux qui appartiennent à la même souche. Le sacrifice de communion et le repas d’alliance sont donc primitivement conçus comme des moyens de faire entrer dans une parenté, dans un clan, un personnage surnaturel. C’est ainsi qu’il faut comprendre le sacrifice totémique, ce type fort rare, après tout, de sacrifice, et qui est bien loin d’exister en tout lieu où l’on trouve cet ensemble de croyances et de coutumes qui constitue le totémisme. Lors des cérémonies d’initiation, la vie de l’adolescent est extraite de son corps et transférée à son totem qui lui infuse, en échange, sa propre vie. Il puise dans son étroite union avec l’animal divin ou la plante sacrée ; dont la vie a passé en lui, une force et une vigueur plus grandes, qui le mettent en état de lutter avec les meilleures chances de succès contre les guerriers des tribus rivales, et les artifices des sorciers. Dans une tribu totémique, le totem constitue pour chaque clan une sorte de dieu-ou-démon collectif, qui reçoit de sa parenté humaine des marques d’affection et de respect ; et il échange avec eux des services mutuels, dont l’étendue est déterminée par une sorte de contrat (d’alliance). En certains cas, pour que le lien, qui tient unis les uns aux autres les membres humains et non humains du clan, garde toute sa force et sa solidité, l’animal-totem est une fois par an, solennellement immolé. Et sa viande est rituellement mangée par le groupe entier, qui constitue sa parenté. Mais il est des sociétés dont les membres ne se rattachent nullement à un même ancêtre, ce sont des sortes de confréries religieuses, qui ont pareillement contracté alliance avec une espèce animale ou végétale. Il y a bien ici un échange de vies, une union à demi magique entre le dieu-ou-démon et ceux qui se sont partiellement identifiés à lui. Mais le groupe ainsi constitué n’offre plus aussi nettement le caractère d’une parenté. Bien moins encore si la divinité, en laquelle la petite société religieuse a mis son espérance, n’est en aucune façon une divinité collective,
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l’ensemble des animaux ou des plantes ayant la même dénomination ; mais un être individuel, investi d’aptitudes surnaturelles ainsi que d’une surhumaine puissance. Une montagne, un rocher, un fleuve, le soleil ou la mer… À l’imitation de ces cultes des confréries, semblent s’être développés les cultes d’alliance des tribus, des cités, ou des nations. À mesure que s’accentuait le sentiment de la distance qui sépare les dieu-ou-démons des hommes ; à mesure que s’atténuait ou tendait à s’effacer la primitive conception d’un même mana, d’une même force magique et divine, de qualité partout identique, éparse dans les choses ; et que, sous l’influence d’institutions sociales nouvelles, qui séparaient de la masse du peuple ses chefs et ses rois, se formait lentement la notion de la transcendance de ses maîtres surhumains par rapport au monde ; puis s’obscurcissait la signification originelle du sacrifice de communion. Il devenait peu à peu non plus le nécessaire instrument de l’établissement d’une parenté entre l’homme et son dieu-ou-démon ; mais l’agent de la communion mystique avec le divin. L’intermédiaire entre le profane et le sacré, le véhicule des désirs du dagolitos, de sa religiosité, de sa confiance, et le véhicule aussi de la protection accordée par le divin ou saint patron surnaturel, à son peuple. Lorsque le Dieu-ou-Démon apparaît comme un maître, comme un roi tout-puissant, conçu à l’image des rois barbares et des chefs de guerre, le sacrifice de communion cesse presque d’être intelligible. Il ne constitue plus guère alors que le signe visible, et en quelque sorte le sceau magique, d’un pacte, d’un contrat qui lie les deux parties par de mutuelles obligations ; mais qui les laisse sinon étrangères, du moins extérieures l’une à l’autre. C’est sous l’influence des mêmes conditions que l’ateberta ou offrande faite au dieu-ou-démon, pour se concilier sa bienveillance, se transforme en une sorte de tribut qui lui est payé sans qu’il en ait besoin ; en une sorte d’hommage exigé par un souverain de ses serviteurs. Il est facile de comprendre que la prière subit des transformations parallèles à celles du sacrifice. Dans les formes rituelles où le sacrifice est devenu essentiellement un instrument d’union mystique, la prière, elle aussi, sans cesser d’être une demande, ne consiste plus en une requête afin d’obtenir du dieu-ou-démon tels ou tels avantages déterminés ; en échange desquels on lui promet telles ou telles offrandes. Elle tend à se réduire à un effort de l’être tout entier, pour se mêler à son dieu-ou-démon et s’identifier à lui. Parce que cette union avec une force surnaturelle lui procurera donc à son tour tous les biens qu’il aurait autrement tenus de l’arbitraire bienveillance de son protecteur. En elle-même, cette prière mystique ; dont la parenté avec la prière magique, avec l’incantation, est bien plus étroite que celle de la prière de demande ; n’a pas un caractère plus désintéressé ni plus moral que la supplication qui monte vers le dieu-ou-démon afin qu’il épargne ses adorateurs. Que les requêtes mêlées de promesses, de flatteries, de louanges, grâce auxquelles on espère obtenir sa protection et ses faveurs. Mais elle est plus religieuse à coup sûr, plus noble. Elle souligne plus nettement la distance qui sépare l’homme de l’être surhumain devant lequel il se prosterne, et, cependant, elle les rapproche plus étroitement. Ce que désire le dagolitos (le fidèle), ce qu’il espère, il ne l’obtiendra que si son dieu-ou-démon habite en lui-même. Il est inévitable, lorsque la conception qu’il se fait de son dieu-ou-démon se sera moralisée ou spiritualisée, que, devenu lui-même capable de justice, il projette dans les cieux sa propre image grandie et ennoblie. Et l’identifie aux figures sacrées des Immortels. Cette intimité respectueuse avec les dieux de justice et de vérité instillera dans son âme et dans son esprit une moralité plus délicate et plus haute. Une moralité plus sacrée, plus individuelle, et plus personnelle en même temps, que celle qu’a suscitée en lui l’héréditaire déférence aux règles sociales, nées des nécessités mêmes de la vie en collectivité. Nous n’avons guère précisé la nature de ces dieu-ou-démons que les pratiques rituelles étaient destinées à mettre en communication avec leurs adorateurs ; c’est qu’à vrai dire elle importait peu, et que, d’ailleurs, elle est demeurée, semble-t-il, longtemps indéterminée. Les dieu-ou-démons, avons-nous dit plus haut, ce sont les plus puissants, les plus utiles, ou les plus dangereux pour l’homme, des objets, des forces et des événements, de la Nature ; des êtres multiples dont est fait son corps immense. À l’origine ils ne sont donc pas conçus comme des âme/esprits, mais simplement comme des êtres vivants, dans lesquels réside un mana d’une particulière excellence. Comme des êtres vivants doués de volontés plus énergiques, d’intelligences plus vastes, et mieux informées, de pouvoirs plus étendus et plus variés que ceux du commun des mortels. Les hommes, en ces lointaines périodes de l’Histoire, se représentent leurs divinités à leur image, et c’est ainsi, semble-t-il, qu’ils se concevaient eux-mêmes. Lorsque la notion d’âme/esprit également parfois identifiée avec l’ombre, parfois aussi avec le reflet, se fut formée dans les consciences, elle ne tarda guère à être étendue et de façon très naturelle ; en vertu d’un raisonnement analogique ; aux animaux d’abord, et aux plantes très probablement, puis à
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tous les objets de la nature. Dès lors, tout objet a une âme, et le monde est une immense société d’âme/esprits qui agissent et réagissent les uns sur les autres ; mais qui n’habitent pas toujours nécessairement les corps qu’ils animent, ainsi que l’a pensé J.G. Frazer. Les dieu-ou-démons, ce sont donc les âme/esprits de ces vivants, qui faisaient déjà l’objet d’un véritable culte en raison de la puissance qui se manifestait en eux. Et ces âme/esprits sont conçues, soit comme inhérentes aux êtres ainsi qu’aux choses et très étroitement unies à leurs corps matériels ou tangibles, soit comme extérieures, indépendantes, et gouvernant du dehors les événements et les êtres où elles se révèlent. Cette notion de la possibilité d’une extériorité de l’âme/esprit, a conduit à imaginer des âme/esprits auxquels nul corps ne correspond, des âme/esprits qui existent en elles-mêmes et pour elles-mêmes. Cette conception était corroborée par l’idée que le double de l’homme ou de l’animal survivait à la destruction de son corps. Les rêves qui ont une vivacité ainsi qu’une intensité remarquables, les hallucinations, les extases et les syncopes, l’ombre, le reflet sur le miroir des eaux voire toutes les surfaces polies, peut-être aussi certains faits de télépathie ; ont engendré l’idée d’âme/esprit. C’est-à-dire tout d’abord d’une sorte de décalque du corps, aussi matériel que lui, doué des mêmes énergies et soumis aux mêmes besoins. Mais fait d’une matière plus fine, plus subtile, et même dans certains cas, d’une matière impalpable et intangible. Cette âme/esprit donc, il lui semble qu’elle va faire, tandis qu’il gît sur le sol, de longs voyages ; puisqu’elle assiste à des scènes qui se passent en des lieux fort éloignés de la hutte où il s’est endormi. Elle quitte le corps et le voilà immobile et impuissant, elle est donc le principe et la cause de sa vie. Et c’est à une âme/esprit semblable à la sienne, à un double, que l’homme attribuera, par un raisonnement analogique bien naturel, la vie des autres vivants. La puissance et la force qui se manifestent en d’autres objets, en des objets manufacturés même, comme les armes ou les outils qu’il imagine, à sa propre image, comme mus par des volontés intelligentes. Mais parmi les hommes et les animaux qu’il voit dans ses hallucinations et ses rêves, il en est qui sont morts ; parmi les objets, il en est qui ont été brisés ou détruits : c’est donc que ce double survit à l’être, même au niveau physique. Peu à peu l’âme/esprit du mort acquiert une individualité plus distincte et plus précise ; ce n’est plus au cadavre, c’est à l’âme/esprit, c’est au double que vont les offrandes, les hommages et les prières. On célèbre encore des cérémonies d’un caractère funéraire, au sens strict du mot, mais les morts sont aussi l’objet d’un culte d’un autre ordre. Au foyer, des libations sont versées en leur honneur, ils s’assoient aux mêmes banquets rituels avec les vivants, ils habitent les effigies que l’on a sculptées ou peintes de leurs visages d’autrefois, tout autant que leurs reliques funèbres. Les anciennes pratiques subsistent, mais d’autres pratiques ont apparu où s’affirme l’existence d’une âme/esprit relativement indépendante du corps qu’elle animait. À l’image de cette âme/esprit de l’homme, des âme/esprits semblables et affranchies, elles aussi, de toute liaison nécessaire avec un corps que l’on puisse toucher, sont attribuées aux êtres et aux objets. D’autres âme/esprits sont imaginées par analogie, pour expliquer les phénomènes qu’on ne peut rattacher à un objet déterminé. Les âme/esprits deviennent des causes universelles. Cet ensemble d’idées ne pouvait manquer de réagir sur la conception que l’on se faisait des dieu-ou-démons : c’est dominés par elles que nos ancêtres en sont venus à se représenter les dieu-ou-démons comme des âmes/esprits. Tout d’abord, ils leur sont apparus comme des âme/esprits étroitement unies aux objets, mais ces âme/esprits n’ont pu conserver cet aspect de doubles d’une réalité première, lorsqu’il s’est agi des astres, de la terre, des eaux, de l’océan ; néanmoins il leur a fallu quand même se les représenter. Ils n’ont pu se faire d’autre image de ces âmes/esprits que celle d’êtres vivants, comme les hommes ou les animaux. L’âme/esprit des dieu-ou-démons s’est donc révélée à leur conscience sous forme animale ou humaine. Puis ces âme/esprits à l’origine inhérentes aux éléments majeurs de la nature comme le soleil la lune la terre les eaux, se sont détachées d’eux, et ont conquis à leur tour leur individualité ainsi que leur indépendance. On les a conçues alors comme des êtres distincts, gouvernant du dehors les phénomènes naturels. Sans perdre leur caractère naturel donc, les dieu-ou-démons d’alors ont peu à peu revêtu un aspect toujours plus anthropomorphique. Et dès lors, non seulement les passions et les sentiments des hommes, mais aussi leurs besoins et leurs désirs, leur genre de vie, leur ont été attribués pareillement, et l’on en est venu à se représenter la société divine comme un décalque de la société humaine. On a conçu ses membres comme étant assujettis aux mêmes habitudes et aux mêmes coutumes, limités dans leur pouvoir par les mêmes interdictions rituelles, célébrant les mêmes cérémonies, accomplissant les mêmes sacrifices. Tout est identique, institutions, organisation sociale, structure de la famille et cadre matériel, tant dans le monde sensible que dans ce monde surnaturel qui le double et qui en constitue
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l’aune collective ainsi que le principe de vie. D’où d’ailleurs la célèbre formule d’Ausone : « Divinis humana licet componere » (Églogues. Sur la raison d’être de la livre ou de la balance). « Aux choses divines on peut comparer les choses humaines ».C’est là une façon de concevoir l’univers et le divin qui est à la racine de tout le développement mythologique ultérieur et qui persiste jusque dans les légendes juives, islamiques ou chrétiennes.N.B. Il suffit de voir à quel point ce qui est considéré comme « bien » ou « bon » dans une des trois soi-disant « grandes » religions (que seraient le judaïsme le christianisme et l’islam selon leurs thuriféraires) peut être considéré comme « mal » ou comme « péché » dans au moins une des deux autres ; pour se rendre compte que ces religions ne sont nullement des religions éthiques, mais toujours des religions de type magique (qu’est-ce par exemple qu’un baptême ou une cérémonie de conversion sinon un rituel magique ??)
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Ce caractère ambivalent des dieu-ou-démons explique le caractère ambivalent des mythes où sont racontés les multiples incidents de leur surhumaine existence. Les dieu-ou-démons sont des phénomènes naturels, mais ce sont aussi des êtres humains ; tous les événements de la nature où ils sont mêlés deviennent donc des aventures humaines et, d’autre part, hommes surhumains, en relation avec les hommes de la terre, ils ont une vie semblable à celle des rois et des sorciers. Mais même au cœur de toutes les bizarres ou tragiques histoires dignes d’un roman, où l’imagination de nos lointains ancêtres les a engagés, ils ne se dépouillent jamais de leur caractère primitif. Ils demeurent, si anthropomorphisés qu’ils soient, le soleil, la lune, le vent du nord (Circios), la mer, la planète saturne (Nycturus), les nuées d’orage, l’aurore ou la nuit. Et, sinon les détails, la couleur du moins de leurs aventures résulte-t-elle, dans une large mesure, de ce caractère. Nous n’insisterons pas ici sur les différentes classes de mythes, nous voulons seulement marquer leur place dans l’ensemble des phénomènes religieux, et préciser leur fonction. La mythologie, c’est à la fois la théologie, la métaphysique et la science. Toute explication apparaît sous forme de récit, puisque les agents qui produisent les phénomènes de la nature et les êtres qui en constituent la texture sont des êtres vivants, pareils en leur essence à l’homme lui-même et aux animaux. Et ces récits sont merveilleux, puisque leurs héros sont investis de pouvoirs que nous qualifierions aujourd’hui de métapsychiques (parapsychologiques). Un mythe, c’est donc essentiellement un récit merveilleux, explicatif des événements de la nature, ou de la nature même des dieu-ou-démons. À l’imitation de ces mythes fondamentaux, d’autres mythes furent élaborés qui n’expliquent rien, mais où apparaissent les héros habituels de ces histoires surhumaines, mêlés à la vie des sociétés ainsi que des individus, intervenant sans cesse dans leur vie quotidienne. Et en ces mythes de seconde génération, qu’il vaudrait mieux appeler légendes, prennent place, à côté des dieu-ou-démons de la nature, les ancêtres divinisés. Nombre de rites consistent en une représentation mimique des actes du dieu-ou-démon, et des multiples aventures où il s’est trouvé engagé ; ici le culte n’est pas autre chose que la mise en scène d’une légende, qu’un mythe en action. À l’origine, ces représentations elles-mêmes ont une valeur efficace, et se rattachent très étroitement aux pratiques de magie sympathique auxquelles nous avons fait allusion plus haut ; plus tard, elles n’ont plus qu’une signification à demi commémorative, à demi mystique, et deviennent essentiellement des instruments d’édification. Il est à peine nécessaire de rappeler la place prépondérante qu’elles tiennent dans le rituel de la plupart des religions de masse historiques. La liturgie consiste, d’ailleurs, pour une large part, en récits plus ou moins dramatisés, souvent lyriques, qui commentent ces cérémonies et racontent, soit avec quelque détail, soit seulement par allusion, les événements que miment les gestes sacrés ».
Les mythes ont donc permis à l’Homme de se représenter sous une forme tangible et concrète, la seule intelligible pour lui à un certain stade de son évolution, les objets de ses émotions religieuses et les croyances confuses qu’elles impliquaient. En même temps qu’ils satisfaisaient à la nécessité qui s’impose à tout esprit pensant de s’expliquer à lui-même le monde où il vit. Aujourd’hui que l’on sait que les mythes de première génération ne sont que des allégories qui mettent en scène des personnifications, à l’aide desquels on tente d’obtenir une représentation, que l’on sait inadéquate ; du divin ; nous ne pouvons plus leur attribuer la signification historique et réaliste qu’ils avaient pour nos lointains ancêtres préhistoriques. La réflexion en s’exerçant sur les mythes, qui reflétaient les manières de penser ou de croire des âges antérieurs, a en effet, dès les premières périodes de la spéculation philosophique des
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très-sachants de la druidiaction (druidecht), tendu à les transformer en allégories ou en personnifications évidemment lourdes de symboles ; parce qu’au sens littéral ils ne satisfaisaient plus ni les exigences scientifiques ni les besoins religieux, d’une civilisation avancée comme le fut celle des Celtes.Léon Marillier. Religion des peuples non civilisés.
LA VÉRITABLE ATLANTIDE OU HYPERBORÉE DISPARUE.
Note de la rédaction 1.
« L’analyse de l’art celtique laténien ; confirmée par les constatations que l’on peut faire dans le domaine celtibère ; indique clairement que l’image que se faisaient les Celtes de leurs dieu-ou-démons, était très différente de la conception gréco-romaine traditionnelle, toujours anthropomorphe. L’iconographie laténienne paraît fondée sur l’idée de la capacité des dieu-ou-démons à prendre des formes différentes, appartenant aussi bien à l’humain qu’à l’animal ou au végétal. Leur invention la plus originale, la « métamorphose plastique » est une tentative exceptionnelle de représenter plusieurs de ces formes assemblées en une image unique. Ce phénomène a de très lointaines origines ». (Venceslas Kruta).
Note de la rédaction 2. Certains éléments sont troublants, comme la pratique vraisemblable du chamanisme par les populations du paléolithique supérieur ou les points communs entre imagerie paléolithique et visions chamaniques. De nombreuses grottes ornées de peintures ont été découvertes, prouvant que depuis plus de 30 000 ans, l’homme crée des images et vit dans tout un univers de symboles. Mais l’interprétation desdits symboles n’a pas véritablement progressé. Aujourd’hui, beaucoup de chercheurs se montrent sceptiques sur la possibilité d’aller au-delà de la collecte des faits pour accéder à une véritable compréhension de la signification de l’art au sein des sociétés préhistoriques occidentales. David Lewis-Williams défend l’idée qu’il ne faut pas renoncer à toute tentative d’interprétation. Il brosse un tableau synthétique des connaissances actuelles sur le mode de vie des chasseurs-cueilleurs qui peuplaient l’Europe de l’Ouest entre 35 000 et 45 000 ans avant nos jours ; c’est-à-dire au moment de l’émergence des représentations figurées en Occident.
Note de la rédaction 3. Préternaturel (du latin praeter naturalis, au-delà de la nature) : tout ce qui est au-dessus des pouvoirs d’un être bien déterminé, mais ne dépasse pas les capacités d’êtres d’ordre supérieur. L’immortalité par exemple est une propriété naturelle à l’ange, car l’ange est un pur esprit et l’esprit est, par nature, immortel. L’homme au contraire, lui, de par son corps, est mortel. D’où il s’ensuit que l’immortalité constitue un don naturel ou conforme à sa nature, pour l’ange, mais préternaturel, ou surnaturel relatif, pour l’homme. Les dons préternaturels sont présents dans l’homme depuis sa création à l’image de Dieu. Lorsqu’un être humain se rapproche de Dieu, il arrive que le Seigneur « active » les germes présents en lui, souffle sur la braise qui s’enflamme alors en un brasier ardent : ce sont les grandes manifestations accompagnant les saints (guérison, lévitation, prophéties…). À des degrés moindres, chacun peut connaître ces dons de Dieu qui se manifestent parfois dans des charismes puissants : don phénoménal pour les arts, parler en langues étrangères, intuitions brillantes, découvertes scientifiques. Il est difficile de décrire l’état d’innocence perdu par Adam et Ève, sur lequel on trouve peu d’affirmations dans la Genèse. C’est pourquoi la tradition ne caractérise cet état qu’indirectement, en remontant, à partir des conséquences du péché raconté en Genèse 3, aux dons reçus par nos premiers parents pour les transmettre à leurs descendants. Ils reçurent les dons naturels correspondant à leur condition normale de créatures et formant leur être propre. Ils reçurent également les dons surnaturels : la grâce sanctifiante, la divinisation que comporte cette grâce, ainsi que l’appel final à la vision de Dieu. La tradition reconnaît en outre l’existence, au Paradis terrestre, de « dons préternaturels » accordés au premier homme, c’est-à-dire de dons qui n’étaient pas requis par sa nature, mais la perfectionnaient, tout en restant dans le domaine de ce qui fut voulu par Dieu lors de la création de ce monde par lui et notamment des anges. Ces dons étaient l’immortalité, l’absence de douleur ou impassibilité, l’absence de concupiscence (cf. le catéchisme de l’Église catholique, 376). On y ajoute aussi traditionnellement un quatrième don, celui de la science (infuse) convenant à l’état dans lequel il se trouvait.
(Commentaires et premières manipulations d’une des trois ou quatre religions de masse actuelles, de la fable sumérienne de la création du premier homme par les dieux : les Élohim de la Bible. Un bel exemple de polythéisme au demeurant !).
Laissons tomber le chapitre sur la domination de la concupiscence (qui ne s’explique que par le sentiment de culpabilité qui s’est attaché à la sexualité dans l’esprit de ces gens du Livre, de ces gens d’un seul livre). Plus intéressant est le commentaire sur l’immortalité qui est
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d’esprit typiquement druidique (avant la lettre bien sûr). Le fait, non pas de ne pas pouvoir mourir, mais de pouvoir ne pas mourir (posse non mori). Autrement dit une situation dans laquelle le passage à un état définitif ne comporte pas la tension dramatique propre à la mort depuis l’invention de l’Enfer ou du Purgatoire. Quant à l’intervention d’un dieu créateur tout puissant infiniment bon, etc., etc. nécessaire pour en quelque sorte activer ou réactiver ces dons préternaturels, enfouis au plus profond de chacun de nous… il appartient à nos lecteurs de voir ce qu’il faut en penser ! En ce qui nous concerne, nous préférons insister sur la profonde harmonie avec la nature qui a dû caractériser, par définition, nos lointains ancêtres du clan primordial et envisager l’hypothèse d’instincts animaux très développés voire d’un « sixième sens » (commentaire d’un homme de plusieurs livres : au moins 12 comme les Fénianes. Mieux même : d’un homme qui, comme les druides antiques, préfère l’esprit à la lettre. Car rien n’est plus mauvais pour l’Homme, et c’est d’ailleurs un véritable crime contre l’esprit, que la lettre d’un enseignement, moral ou pas, qui n’a pas su évoluer avec son temps et s’y adapter). Mais revenons à nos moutons comme disaient mes ancêtres champenois (au XVIIe siècle).*David Lewis-Williams définit le chaman comme un individu doté de pouvoirs particuliers qui lui permettent, en se plongeant dans des états de conscience modifiés d’avoir accès à une autre réalité à plusieurs niveaux (mondes souterrains, sous-marins ou célestes…). Ces états peuvent être obtenus, selon les civilisations, par le jeûne, la fatigue, les stimulations auditives (battements de tambour prolongés), et/ou l’utilisation de substances psychotropes. Il constate donc l’omniprésence des pratiques chamaniques dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs. Certaines caractéristiques des représentations pariétales semblent confirmer cette hypothèse. L’imagerie paléolithique a de nombreux points communs avec celle qui est suscitée par des états de conscience modifiés. Les images sont placées sans considération de taille ou de position les unes par rapport aux autres, elles semblent « flotter » librement, indépendamment de toute référence spatiale, et les images d’animaux sont fréquemment associées à des motifs géométriques rappelant les « formes entoptiques ». Les phénomènes entoptiques sont différents des illusions d’optique, qui sont des effets de perception liés à l’interprétation faite par le cerveau. La plupart des phénomènes entoptiques ont une cause physiologique directe et connue. Cependant, comme les illusions d’optique ou les hallucinations, l’observateur d’un phénomène entoptique ne peut donner aux autres une vue directe de ce qu’il perçoit (cf. à ce sujet les travaux de Jan Evangelista Purkinje).
Compte tenu de l’ancienneté ainsi que de l’omniprésence du chamanisme dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs, il paraît vraisemblable qu’une forme de cette spiritualité a été pratiquée par les hommes du paléolithique supérieur en Europe. La privation sensorielle des grottes, associée ou non à d’autres facteurs, aurait pu provoquer chez eux des états de conscience modifiés. D’après David Lewis-Williams, l’entrée dans les grottes pouvait s’apparenter à la plongée dans le vortex mental qui mène aux expériences et aux hallucinations de la transe profonde. En y pénétrant, on s’enfonçait physiquement et mentalement dans un autre monde. Cette hypothèse peut expliquer l’utilisation des ombres et des reliefs de la paroi pour suggérer un animal. Aux divers stades des états de conscience modifiés, les chamanes auraient pu percevoir la roche comme un voile séparant le monde visible du monde des âme/esprits, et faire apparaître par leurs dessins les visions qu’ils percevaient au-delà de la roche : un peu comme des ombres chinoises en quelque sorte, mais à l’envers, vues de derrière l’écran. Les représentations de doigts et les empreintes de mains (à 6 doigts parfois) coïncident avec certaines pratiques des sociétés recourant au chamanisme.
David Lewis-Williams démontre, en s’appuyant sur deux exemples, les grottes de Lascaux et du Gabillou, que cette théorie peut également rendre compte de l’organisation générale des images dans les grottes. Les espaces d’entrée, où les peintures, de grande dimension, sont soigneusement composées, auraient pu correspondre à des espaces utilisés collectivement. D’autres espaces, plus étroits, rassemblent des figures plus énigmatiques, s’enchevêtrant parfois de façon très dense, et donnant une impression de confusion : elles pourraient avoir été utilisées par certaines personnes dans le cadre d’expériences chamaniques plus « personnelles ». Enfin, les rares représentations de figures anthropomorphes, souvent criblées de sagaies ou de flèches, pourraient être des représentations de la souffrance qui accompagne le chaman dans ses visions. (L’esprit dans la grotte).
* Quatre-vingt-dix-neuf moutons plus un champenois font cent bêtes.
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! ---------------------------------------- !« Le druidisme a émergé [quelque part en Europe Centrale] dès l’âge du bronze, à la fin du 2e millénaire avant notre ère ou au début du 1er. Au départ, les rois celtes, comme ceux de l’ancienne Rome, avaient des fonctions sacerdotales. Mais de plus en plus, sur des questions graves qui engageaient le sort de la communauté (par exemple, le moment propice pour déclencher une guerre) ils ont fait appel à des spécialistes de la divination, issus de la classe aristocratique, qui observaient la position des astres. Le même phénomène s’est produit dans d’autres sociétés indo-européennes, notamment avec les mages de Perse » (J.-L. Brunaux, les druides, des philosophes chez les Barbares ?)
Trait important de toutes ces Écoles donc : la considération accordée à la personne du très-sachant. Le respect du druide a toujours été très grand dans le monde celte, conséquence directe de la transmission orale, qui est demeurée pendant des siècles la seule forme d’enseignement connue chez eux. Dans certains cas extrêmes, on a même parfois regardé le très-sachant comme une incarnation de la divinité elle-même ; d’où l’intensité des réactions qu’il suscitait. Il n’était pas seulement l’intermédiaire transmettant la parole divine, il était le dieu-ou-démon rendu sensible à ses dagolitoi (fidèles). Mais ce respect dû au druide ne doit pourtant pas tourner à l’idolâtrie (comme dans le cas des musulmans avec leur prophète).
Vers le VIIe siècle avant notre ère, apparaissent en Grèce des personnages légendaires qui ont toutes les caractéristiques des chamanes : le jeûne, la solitude, la bilocation, l’extase. Si l’on opte pour une terminologie grecque, l’expression Theios Anêr, Homme-Dieu, rend certainement mieux compte de la personnalité de ceux qui ont appartenu à cette mouvance. Plusieurs points bien précis caractérisent ces hommes. D’une part, ils sont tous, à l’exception notable d’Épiménide, qui relève d’un autre processus, liés à des contrées lointaines ou en marge de l’Hellénisme, c’est-à-dire en contact direct avec les Barbares. Il est donc souligné, en raison même de leur origine géographique, que l’irrationnel de ces personnages est considéré comme étranger à la pensée grecque et ne pouvant être engendré par elle. Il en ira de même avec la magie plus tard. Ils se distinguent aussi par leur régime alimentaire. Abaris/Abarix avait appris à se passer de toute nourriture humaine ; quant à Épiménide, il se nourrissait à l’exclusion de toute autre chose, d’une préparation végétale à base de mauve et d’asphodèle, qui lui avait été enseignée par les nymphes. Dans les deux cas, cela dépasse le cadre de la simple ascèse. Il semblerait, mais ce point est loin d’être clarifié, que certains possédaient un tatouage, cas rare dans le monde grec en dehors des esclaves, alors qu’il était répandu chez des peuples voisins. La signification pourrait en être un signe de consécration en tant que theios anêr. Ainsi que nous l’avons déjà noté, c’est leur capacité à faire « voyager » leur âme/esprit qui retient surtout l’attention. S’il était encore besoin de s’en persuader à ce propos, citons ce passage de Pline qui réalise une sorte de synthèse du phénomène :
« Telle est donc notre condition à nous autres mortels : nous venons au monde pour subir de semblables vicissitudes de la Fortune ; à tel point que nous ne pouvons être sûrs de rien, non, même pas du fait que quelqu’un est mort. Pour ce qui est de l’âme/esprit de l’être humain [en latin anima] nous trouvons, entre autres exemples, que l’âme/esprit d’Hermotime de Clazomènes avait l’habitude de quitter son corps, et d’errer dans des pays lointains, d’où elle rapportait de nombreuses informations sur divers sujets, qui n’auraient pas pu être obtenues par d’autres que quelqu’un y ayant personnellement assisté. Son corps, pendant ce temps-là, gisait apparemment sans vie. Mais pour finir, ses ennemis, les Cantharides, ayant un jour été appelés sur les lieux, brûlèrent le corps, de sorte que l’âme/esprit [en latin anima] de retour, fut en quelque sorte privée de son enveloppe corporelle. Il est aussi établi qu’en Proconnèse l’âme/esprit [latin anima] d’Aristée fut aperçue s’envolant hors de sa bouche, sous la forme d’un corbeau ; une histoire vraiment des plus fabuleuses, au même titre que celle qui suit vraisemblablement. On raconte qu’Épiménide de Cnosse [grec Knossos], quand il était enfant, épuisé par la chaleur et la marche, tomba de sommeil dans une grotte où il dormit cinquante-sept ans ; et quand il se réveilla, comme au lendemain d’une bonne nuit de sommeil ordinaire, il fut très étonné de voir que tout avait changé autour de lui : après cela, est-il dit, s’abattit sur lui en autant de jours qu’il avait dormi d’années, mais il put vivre néanmoins jusqu’à cent cinquante-sept ans » (Pline, Hist. Nat., VII, LIII).
On retrouve d’ailleurs ce genre de miracle dans la légende islamo-chrétienne des sept dormants d’Éphèse (sourate Nº 18 dite de « la caverne »), mais en beaucoup plus fort.
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Ce pouvoir permet à certains de connaître des contrées lointaines et d’en tirer des récits ; à d’autres de connaître la Vérité. Dans le cas d’Épiménide, si sa rencontre légendaire avec Aléthéia (la Vérité) dans une caverne symbolise un don de voyance, analogue à celui du devin, il couronne également une pratique qui vise à échapper au temps ; et à par conséquent atteindre un plan du réel qui se définit essentiellement par son opposition au monde de l’oubli. Lorsqu’il entre en contact avec Aléthéia dans cette fameuse caverne, Épiménide accède à la familiarité avec les dieu-ou-démons. Le niveau d’existence d’Aléthéia est celui du divin : il se caractérise par l’intemporalité ainsi que la stabilité. C’est le plan d’existence de l’Être, immuable, permanent, qui s’oppose à celui de l’existence humaine, soumise à la génération et à la mort, rongée par l’Oubli. En agissant de la sorte, il tente de se rendre semblable à la divinité. Nous verrons dans un instant que c’est là une des grandes nouveautés qu’il est possible d’attribuer à ces personnages ». Divers auteurs, tout en soulignant les différences notables entre le dionysisme et l’homme-dieu (theios anêr), ont tenté de donner à ce phénomène une dimension à la fois religieuse et sociale ; pour eux en effet leur action a dû s’exercer aussi dans le sens d’une Réforme religieuse. Ce courant est très proche du courant dionysiaque, et il a même pu interférer avec : il y a du chamanisme parfois dans le Dionysos des Bacchantes. Le phénomène prend place à un moment précis de l’histoire grecque où le mouvement dionysiaque n’était plus suffisant. L’expérience religieuse du type chamanique n’est pas collective, elle est individuelle ; aussi paraissait-elle séduisante à l’individualisme croissant d’une époque, pour laquelle les extases collectives de Dionysos n’étaient plus entièrement suffisantes. Et il est raisonnable de supposer en outre que ces traits eurent quelque influence, sur la conception nouvelle et révolutionnaire des rapports entre l’âme/esprit et le corps, qui apparut à la fin de l’époque archaïque. En s’adressant à l’individu en tant que tel, et non plus comme simple élément d’un groupe, en lui attribuant certains pouvoirs psychiques, cette nouvelle expérience religieuse faisait de l’être humain le réceptacle d’un fragment de divinité. Car ce qu’apporte de nouveau ce mouvement à la portée religieuse et sociale, les deux allant de pair, c’est qu’il attribue à l’être humain un « soi caché » d’origine divine, ce qui était tout à fait nouveau. Ce faisant, il fournissait à l’Homme une nouvelle interprétation de son existence. L’âme/esprit a une vie indépendante du corps qu’elle habite, elle peut voyager à loisir vers d’autres contrées, vers le monde des âme/esprits, avoir une existence supra normale. Nous retrouvons bien là ce qui caractérise la personne du chaman. On peut mentionner parmi ceux qu’Erwin Rohde appelle des voyants extatiques et des prêtres purificateurs, un dénommé Abaris/Abarix. Abaris/Abarix était un druide hyperboréen ou plus exactement issu d’une antique civilisation des rives du Danube. Les légendes grecques lui attribuent souvent une flèche d’or donnée par Abellio (Apollon dans l’interpretatio graeca, qui en outre situe plutôt le pays natal d’Abarix au nord de la Mer Noire ; Abarix aurait un de ses prêtres), et à l’aide de laquelle il pouvait voyager dans l’espace et devenir invisible. Certains prétendent qu’Abarix pouvait vivre des mois sans manger ni boire, qu’il était capable de prédire, d’apaiser les tempêtes, et de chasser les maladies. Hérodote parle de la flèche qu’il portait avec lui et de son abstention complète de toute nourriture.« En voilà bien assez à propos des Hyperboréens, car je ne parlerai pas de l’histoire d’Abaris, qui est dit avoir été lui également, hyperboréen, et notamment comment il voyagea sur une flèche tout autour de la terre, sans rien manger. De toute façon s’il y a des Hyperboréens, il s’ensuit qu’il doit également y avoir des Hypernotiens. Bien que beaucoup d’auteurs aient déjà dessiné des cartes de la Terre, aucun n’a traité le sujet de façon intelligente et j’éclate de rire quand je vois qu’ils ont imaginé un Océan s’étendant tout autour d’une Terre en forme de cercle… » (Hérodote, livre IV, chapitre XXXVI).
Cette flèche attribut d’Abaris/Abarix, pose un réel problème ; il semble en effet que nous soyons là en présence de deux traditions différentes. Ici, dans une version rationaliste, le Père de l’Histoire la mentionne en tant qu’objet. Ailleurs, on apprend que cette flèche est en or et vient d’Apollon. Ce qui fera dire à Erwin Rohde (citation de mémoire) : « Portant dans ses mains la flèche d’or, signe de sa nature et de sa mission apolliniennes, il parcourait le monde, écartant les maladies au moyen de sacrifices, prédisant les tremblements de terre et les autres calamités ». La flèche fait partie de l’équipement traditionnel du chaman sibérien. Ainsi chez les Bouriates, le chaman s’assoit-il sur un morceau de tissu près du malade qui a besoin de ses services. Entouré d’objets dont une flèche, de la pointe de laquelle un fil de soie rouge mène jusqu’au bouleau situé à l’extérieur de la yourte. C’est grâce à lui que l’âme/esprit du malade est censée réintégrer son corps. Mais une autre tradition, qui allait être reprise par Héraclide du Pont et des auteurs plus tardifs, indique clairement que c’est
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monté sur cette flèche qu’Abarix arriva du nord, la flèche jouant alors le rôle du balai des sorcières dans les légendes du Moyen-âge. Cette possibilité de voyager à travers les airs n’est pas propre à Abarix. Abarix a été aussi mentionné par Pindare et quelques autres. Il aurait, avec les ossements de Pélops, réalisé une statue de Minerve afin de servir de talisman aux Troyens. Le fameux palladium qui protégeait ou rendait imprenable la ville qui l’abritait. Suidas attribue également à cet Abarix plusieurs œuvres aujourd’hui disparues : les Oracles scythes, la visite d’Apollon aux Hyperboréens, des formules expiatoires, et une théogonie en prose. Pythagore lui aurait volé ladite flèche et accompli avec nombre d’exploits merveilleux.
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LA FIN DU MONDE
DES CHASSEURS-CUEILLEURS.
DIFFUSION D’IDÉES OU COLONISATION ?
Le Mésolithique (du mot grec mesos qui signifie milieu) est la période de la Préhistoire qui succède à l’Épipaléolithique il y a 9 000 à 10 000 ans. Cette période-charnière est marquée par de nombreux changements économiques et sociaux liés notamment au développement de la forêt en Europe. Elle s’achève entre le VIIIe et le IVe millénaire avant notre ère, avec le début du Néolithique. Ce Mésolithique est caractérisé par un certain nombre de changements comportementaux des groupes humains, liés au réchauffement climatique postglaciaire et aux changements quant à l’environnement qui en découlent (reconquête forestière, disparition des grands herbivores migrateurs comme le renne…). Les groupes humains conservent un mode de vie nomade, mais l’abondance et la diversité des ressources, par rapport à l’âge glaciaire, favorise le nomadisme… sur des territoires plus restreints.
Avant que survienne la révolution néolithique, nos ancêtres vivaient dans des abris sous roche et tiraient leur subsistance de la chasse, de la pêche ou de la cueillette… Ainsi vivaient par exemple les hommes qui décorèrent les grottes de Lascaux et d’Altamira (16 000 ans avant notre ère). Nomades et peu nombreux (quelques centaines de milliers en tout et pour tout), ils parcouraient le pays en quête de nourriture. Ils bénéficiaient sans trop de difficultés des fruits de la terre, d’autant qu’après la dernière glaciation, le réchauffement du climat dans les zones tempérées avait favorisé la prolifération du gibier. Ces premiers hommes utilisaient des pierres et des os pour se défendre, découper la viande et déterrer les racines. Pour rendre ces outils rudimentaires plus coupants et plus pointus, ils les taillaient avec du silex (une pierre extrêmement dure). La diffusion de traits culturels spécifiques, sur des territoires importants, laisse entrevoir des relations entre groupes distincts. Les groupes voisins se réunissaient pour échanger des techniques et des denrées ou favoriser l’exogamie. L’emploi de l’arc et de la flèche, en particulier, se généralise. L’usage des microlithes pour les armes de chasse s’accentue par rapport à la période précédente : de petits éléments pointus en silex, souvent géométriques, sont fabriqués puis fixés sur des hampes de bois ou d’os, afin de servir de projectiles. La chasse de petits mammifères et la consommation de mollusques (escargots, etc.) se développent. Les principaux groupes mésolithiques, correspondant sans doute plus à des entités techniques qu’à de véritables civilisations, sont le Maglemosien et l’Erteboelien au Danemark ; le Sauveterrien, le Tardenoisien ou le Castelnovien en France. Dans ce cadre, certaines communautés profitent de la nourriture abondante à portée de main pour habiter à plusieurs familles dans un village permanent, plutôt que de se déplacer sans cesse et de dormir dans des abris de fortune. Ils choisissent de vivre groupés, mais sans rien changer à leur pratique de chasseur-cueilleur. Par leur sédentarité, ces groupes accrus s’enracinent dans un milieu stable, où la société des morts, dont témoignent les inhumations, renforce symboliquement celle des vivants, et peut légitimer en quelque sorte son implantation fixe.
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Il existe un mythe druidique intéressant à méditer, celui qui a trait à l’origine des plantes médicinales. Il a été consigné dans le livre des Conquêtes de l’Irlande, à l’occasion de la seconde bataille de la Plaine des menhirs ou des tumuli.
« Miach fut enterré par Diancecht, et 365 plantes poussèrent sur sa tombe, autant que le nombre de ses jointures et de ses nerfs. Airmed ouvrit son manteau et rangea ces plantes d’après leurs qualités. Mais Diancecht arriva et mêla les plantes, si bien qu’on ne connaît plus leurs effets, à moins que le Saint-Esprit ne l’ait révélé par la suite ».
Pour le baron de Longueil (le Canadien Grant Allen), l’idée de réincarnation est indissolublement liée à l’agriculture et donc à la révolution néolithique. Pour cet auteur, l’agriculture n’a été possible qu’à partir du moment où il y a eu essartage de la forêt et la
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seule occasion de ce défrichement pour les « primitifs » a été l’inhumation des morts. En outre, depuis le paléolithique, les enterrements s’accompagnaient de dépôts d’outils, d’animaux, de plantes comestibles. Sous l’action de la putréfaction du cadavre et des offrandes, des libations fréquentes au-dessus des tombes, les plantes agricoles ont émergé. Lorsque cela se fit pour la première fois, on en conclut que le mort, du fond de sa tombe, avait entraîné la croissance des plantes. Cette production agricole devint donc un don du défunt, et même en quelque sorte la nouvelle incarnation du défunt lui-même. La renaissance du mort s’était faite à travers les plantes, et en celles-ci résidait l’âme/esprit du défunt. Lorsque les effets de cette première récolte ont commencé à décroître, la nécessité d’immoler une victime pour obtenir un résultat comparable fit son apparition, car avec son inhumation accompagnée de plantes comestibles, on répétait l’acte créateur. Chaque victime nouvelle devait avoir les mêmes qualités ainsi que les mêmes pouvoirs que les précédentes ; elle devait être assimilée à l’être humain qui, le premier, du fond de sa tombe, amena la croissance des plantes bienfaisantes. L’hypothèse du baron de Longueil (Grant Allen) est plausible, mais n’a pas été confirmée ; elle est peut-être trop belle pour être vraie. En tout cas, elle rend compte de l’inextricable lien qui existe entre l’agriculture et le culte des ancêtres. En l’état présent de nos connaissances, tout ce que l’on peut dire de façon certaine c’est qu’avec l’agriculture, l’Homme du néolithique a conceptualisé le fait que les semences dans la terre perdaient à jamais leurs formes, en se putréfiant. La naissance de la plante nouvelle passait par un hiatus, une dissolution des formes accompagnée d’une réduction en eau : la vie nouvelle passait par une nécessaire mort de la semence. L’Homme du néolithique a assimilé le drame de la semence végétale à sa propre mort, et en cela il a rompu avec l’Homme paléolithique sur plusieurs points. D’abord parce qu’il n’y avait plus place pour la parthénogenèse, et parce que le chasseur-cueilleur du paléolithique, en tuant l’animal, attribuait la responsabilité de cet acte à la divinité. L’agriculteur du néolithique, saisissant mieux que les paléolithiques ce qu’est la vie, a pris ses responsabilités en tant qu’être vivant dans le monde, et les a donc assumées. Quand l’homme a eu conscience de son mode d’être dans le monde, et des responsabilités liées à cet état d’être dans le monde, une décision a été prise. La conception de ces peuples, c’est que la plante alimentaire ou médicinale est le résultat d’un meurtre primordial. Un être divin a été tué, démembrer, morcelé, puis les morceaux de son corps ont donné naissance à des plantes inconnues jusqu’alors, qui depuis, constituent la principale nourriture ou médecine des humains. D’où le sacrifice humain, le cannibalisme, et d’autres rites, parfois cruels. L’homme n’a pas seulement appris que sa condition veut qu’il doive tuer pour vivre, il a aussi assumé la responsabilité de la végétation, de sa pérennité, il a pour cela donc assumé le sacrifice humain, et le cannibalisme… du moins telle est l’opinion de Mircea Eliade.La vision du monde des hommes du néolithique fut donc profondément modifiée. Sur le plan humain, le sperme et le sang devenaient l’essence de la vie, et en exprimaient la sacralité. Et avec cette découverte de l’importance du sperme, la fécondation fut désormais de manière claire vue comme une conséquence de l’accouplement. Cette inférence, et d’autres, montraient que rien, ou presque rien, n’était donné dans la nature comme produit fini. Pour la chasse, l’animal était donné dans la nature, il « suffisait » d’aller le chercher. Pour la cueillette, la nourriture végétale était aussi donnée dans la nature et mieux que la chasse, il suffisait littéralement d’aller la chercher. Avec l’agriculture, ce n’était plus le cas, elle nécessitait des actes, du travail. Pour obtenir quelque chose, il fallait désormais une participation active de l’individu. Le cultivateur était obligé d’élaborer ses projets plusieurs mois au moins avant leur application, d’exécuter dans un ordre précis une série d’activités complexe en vue d’un résultat lointain, et surtout au début, jamais certain : la récolte. En se souciant du succès de sa récolte, le cultivateur néolithique a exploré le temps, il a fait l’expérience du temps cosmique, circulaire et cyclique. Tous ces éléments, qui ont fait irruption dans la conscience du cultivateur, n’ont pas été vains. En élaborant la structure de ses rites, le cultivateur y a consigné ses peines, ses angoisses, ses incertitudes, et ses espérances. C’est grâce à cela que nous savons aussi que la révolution agraire a eu un impact sur la vie spirituelle des Néolithiques. La connaissance empirique de la semence qui perd ses formes dans la terre a été très révélatrice. Après la dissolution des formes et la réduction en eau, il était clair qu’au sein de cet état chaotique s’organisait quelque chose, une force qui, à l’aide des travaux agricoles, faisait germer les nouvelles plantes. Ce que l’agriculture révélait, ce en quoi elle opérait une révolution, était la prise de conscience, la valorisation et l’exaltation, de cette force, de cette puissance qui fait croître, qui engendre la Vie. À travers les multiples rites de la moisson, ce n’était pas la plante elle-même qui était
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vénérée, mais cette force dont la plante n’était que l’expression merveilleuse. On peut dire que ce que l’Homme néolithique a vu, ce qu’il a compris et appris du drame des semences, la leçon qu’il en a tirée, c’est l’existence de cette force, de cette puissance qui animait la plante ; et par extrapolation la végétation et le cosmos. On a pensé pendant longtemps, et l’on pense encore parfois que l’Homme des sociétés archaïques était un imbécile heureux. Dans l’histoire de l’Humanité, ce moment d’une importance toute particulière a vu au contraire une explosion de sa créativité. Nous ignorons encore ce qui a été précisément le moteur de la révolution néolithique, mais il y a un paradoxe à vouloir à tout prix voir dans les pratiques rituelles actuelles issues de ces Néolithiques, des fourvoiements de l’esprit humain ; alors que ce sont ces mêmes Néolithiques qui ont fourni les bases de la civilisation contemporaine.Le culte des ancêtres est né à la suite de l’invention de l’agriculture, il en est une conséquence. Il est donc lié au phénomène agraire. Et l’invention de l’agriculture a eu lieu à une époque d’une grande explosion de la créativité humaine, qui a d’ailleurs précédé l’invention du phénomène agraire. Il faut par conséquent essayer de comprendre ce qui s’est passé.
C’est au Mésolithique qu’est apparue l’agriculture, qui a déclenché une si profonde révolution. Au début, avant même le Mésolithique, il fut essentiellement question de culture des tubercules, puis au néolithique, de culture des céréales. Comment s’est faite la découverte de l’agriculture ? Est-elle uniquement le résultat d’un long vécu selon le rythme de la vie végétale, ou s’agit-il d’une conclusion tirée à partir d’autre chose ? Que s’était-il passé chez les hommes du néolithique pour que la révolution agraire ait tant de répercussions dans leur vie ?
Le Néolithique est la seconde grande période de la Préhistoire, « l’âge de la pierre polie », et s’étend de – 10 000 à – 2 300, selon les lieux.
Vers – 10 000, alors que se généralisait l’adoucissement du climat, sous l’influence de peuples originaires d’Anatolie, se produisit l’éclosion d’un nouveau type de civilisation (agriculture, élevage, céramique). Le Néolithique marque un tournant décisif. Il a été associé à la sédentarisation des peuples. L’utilisation de la poterie (que l’abandon du nomadisme a permise), et celle des outils en pierre polie, en sont les traits caractéristiques. Si au Paléolithique les faciès de civilisation étaient définis par la façon de tailler la pierre, ce sera maintenant la forme et le décor des poteries qui serviront de référence. Mais plus que la sédentarisation ou l’invention de la poterie, c’est avant tout la modification des modes de subsistance des sociétés humaines durant les temps postglaciaires qui sert aujourd’hui à définir le phénomène dit de « néolithisation ». Le passage progressif d’une stratégie alimentaire fondée uniquement sur la collecte de denrées dans le milieu naturel, à une économie plus diversifiée où l’agriculture et la domestication d’animaux permirent aux hommes d’être moins tributaires du milieu dans lequel ils évoluaient ; s’est effectué en divers points du globe. L’agriculture et l’élevage qui caractérisent le mode de vie néolithique sont en effet apparus indépendamment dans plusieurs endroits du monde et à des époques différentes (Amérique centrale, Sahel africain, Asie du Sud-Est, vallée du Nil et Proche-Orient). Toujours dans des régions qui associaient un climat chaud et ensoleillé (mais avec de l’eau en abondance) et la présence de plantes ainsi que d’animaux faciles à domestiquer. Le premier foyer du Néolithique fut le Proche-Orient. C’est-à-dire essentiellement la zone du « Croissant fertile » (région qui s’étend depuis la Turquie du Sud-est jusqu’au nord de l’Irak et le long de la Méditerranée. Autrement dit vers la Syrie, le Liban, Israël et la Jordanie). Plus on s’éloigne de cette région, plus l’apparition du Néolithique est récente. La diffusion vers l’ouest s’est effectuée par contigüité ou migrations. La migration des arts, de la métallurgie, des plantes et des légumes (blé sauvage, orge, millet) a suivi ces migrations humaines. L’homme devient alors essentiellement producteur, cultivateur, et il apprend à sélectionner les plantes les plus productives ou faciles à cultiver, de même pour les animaux. L’amélioration des conditions de vie entraîne une expansion démographique. Au Proche-Orient, ce mode de vie s’installe très progressivement à partir du VIIIe millénaire avant notre ère, à la faveur des conditions particulièrement favorables du « Croissant fertile ».1. Un climat très vite devenu chaud après la période glaciaire.2. Les plaines alluviales des grands fleuves de Mésopotamie.3. La présence de plantes sauvages, céréales (orge et blé) ou légumineuses (pois, lentilles) déjà consommables avant l’apparition de leurs versions domestiques, et très faciles à récolter.4. La présence d’ongulés des steppes (bœufs, moutons et chèvres sauvages) propres à cette région en plus du bœuf sauvage (aurochs) et du sanglier à la répartition beaucoup plus large, et dont les troupeaux parcouraient ce territoire. Ces plantes comestibles et ces animaux seront les réserves naturelles des espèces domestiquées.5. La
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position géographique du Proche-Orient, qui se trouve à la croisée des continents, va faciliter la diffusion des nouvelles découvertes, parfois indépendamment des mouvements de population.Au Proche-Orient le pouvoir se définira dès lors par l’accumulation et le contrôle global des richesses, alors qu’en Europe la première place reste accordée aux individus capables d’entrer en contact avec le monde invisible et d’en maîtriser les forces (les chamans).
Le Proche-Orient a été le berceau d’un genre de vie qui s’est imposé partout dans le monde. Entre – 7 500 et – 6 200, c’est l’explosion, le « grand exode » ! Des migrants diffusent l’économie urbaine et agropastorale du Néolithique au-delà du Croissant fertile, vers l’Europe comme vers les monts Zagros (l’Iran).
L’Europe protohistorique résiste à toute tentative de caractérisation en termes strictement économiques, ce qui amène d’ailleurs certains chercheurs à s’interroger sur l’incapacité obstinée des premières sociétés européennes à se doter d’institutions complexes et de grands États, au moins avant la romanisation. À l’aube de l’Histoire, les sociétés concernées ne se donnent apparemment pas de commandement unifié ni de contrôle global du territoire disponible. Les pouvoirs des dieu-ou-démons et ceux des « chefs » n’y sont guère coextensifs : dans bien des cas, le chaman limite les pouvoirs du roi. Dans la société, les réseaux d’alliances sont extrêmement fluctuants. Par ailleurs, la forme des êtres est considérée comme instable (nombreux récits de métamorphoses) et le temps est manipulable, tandis que les séjours des dieux et des hommes ne sont pas nettement séparés. Dans cet univers social et idéologique instable, on se méfie du visible et des arts figuratifs, de même que l’on s’intéresse peu à un ancrage précis dans le temps et que l’on montre du dédain pour l’écriture. De – 6 000 à – 2000, le Néolithique s’installe en Europe. On parle de « révolution néolithique », mais, en fait, il s’agit plus d’une évolution graduelle que d’un changement brutal ; il a fallu trois millénaires pour qu’elle s’étende à la totalité du territoire européen. L’idée d’une colonisation-invasion massive et rapide n’a plus cours aujourd’hui ; l’acquisition des caractères du Néolithique ne s’est pas faite d’un seul coup, et les échanges entre premiers agriculteurs et derniers chasseurs ont dû être nombreux. Ainsi, dans le midi de la France, le mouton sera-t-il présent avant la poterie et l’agriculture. Ailleurs, la céramique a parfois précédé les nouvelles activités économiques. La colonisation a donc probablement été moins importante que la diffusion des idées dans des groupes pratiquant jusque-là, de manière intensive, la chasse et la récolte des légumineuses. Toutefois, le mot « révolution » est juste, puisqu’il s’agit d’un changement historique majeur et irréversible. La néolithisation de l’Europe a été peu à peu suivie de modifications socio-économiques considérables. L’émergence au Néolithique de la sédentarisation et de l’agriculture aura partout des conséquences incalculables sur l’organisation sociale. Dès lors qu’il y eut agriculture et aussi élevage, les populations se regroupèrent pour former des communautés villageoises (sédentarisation). Il fallut aussi que chacun se prémunisse contre le risque de se faire dépouiller de ses cultures et de ses provisions. Ainsi naquirent l’idée de propriété ainsi que le droit qui s’y attache ! Au Proche-Orient, la sédentarisation et la fondation des premiers villages précèdent l’élevage et l’agriculture ; en Europe, ces deux phénomènes sont souvent simultanés. Parallèlement à cette nouvelle organisation socio-économique, le Néolithique se caractérisera par un certain nombre d’innovations techniques majeures : la céramique, le polissage de la pierre ainsi que le tissage. En Europe occidentale le Néolithique se développe entre – 6 000 et – 2 000 et peut être découpé en trois époques dont la datation est approximative. Néolithique ancien – 6 000 à – 4 500. Néolithique moyen – 4 500 à – 3 500. Néolithique récent – 3 500 à -2 000.
Ce qui est incontestable donc c’est qu’il y a eu néolithisation, des chasseurs-cueilleurs préhistoriques. Diverses thèses s’affrontent à ce sujet. Au moins 6.
1. Les agriculteurs du néolithique ont supplanté puis éliminé (plus ou moins rapidement) les chasseurs-cueilleurs (génocide par substitution de population).
2. Les colons néolithiques réduisent, par leur pression démographique, les territoires des derniers chasseurs-cueilleurs.
3. Les chasseurs-cueilleurs avaient commencé d’eux-mêmes une lente évolution vers l’agriculture et l’élevage, qu’ils n’ont fait qu’accélérer au contact avec les nouveaux venus.
4. Le passage entre ces deux modes de vie, « chasseurs-cueilleurs » et « agriculteurs », s’est sans doute fait par assimilation, les premiers reconnaissant les avantages de la façon de vivre des seconds, même si des conflits entre groupes ont pu surgir. Les chasseurs-cueilleurs n’ont en aucune façon démographiquement décliné, mais ont appris et transmis à leur tour ces nouvelles techniques. À en croire l’étude détaillée d’ADN extrait des squelettes des
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premiers cultivateurs européens ; les hommes qui ont introduit l’agriculture en Europe centrale, il y a environ 7 500 ans, ne semblent pas en effet avoir beaucoup contribué à la constitution génétique des Européens modernes. Ce travail renforce au contraire l’idée que les personnes dont les ancêtres habitaient l’Europe centrale sont les descendants de chasseurs-cueilleurs paléolithiques arrivés en Europe, il y a environ 40 000 ans ; plutôt que des premiers cultivateurs survenus quelques dizaines de milliers d’années après, durant l’âge néolithique. Des chercheurs venant d’Allemagne, du Royaume-Uni et d’Estonie ont extrait puis analysé de l’ADN mitochondrial de 24 squelettes de cultivateurs, provenant de 16 endroits différents situés en Allemagne, en Autriche et en Hongrie. Six de ces 24 cultivateurs appartenaient à la lignée humaine « N1a », qui est extrêmement rare. Le fait que 6 des 24 cultivateurs seulement appartenaient à cette lignée rare suggère que les premiers cultivateurs n’ont pas laissé d’importantes traces génétiques dans les populations européennes modernes. Le plus vraisemblable est que ce sont de petits groupes pionniers qui ont transmis l’agriculture à de nouvelles régions en Europe. Mais une fois que l’agriculture a été adoptée, les chasseurs-cueilleurs avoisinants ont pu s’adapter à cette nouvelle civilisation, et leur nombre a ensuite dépassé celui des premiers cultivateurs. Il y aurait donc eu acculturation progressive de groupes perdant lentement leur identité.6. Les agriculteurs néolithiques sont en fait les Aryens (Colin Renfrew).7. Ce sont les chasseurs-cueilleurs qui sont à l’origine des Aryens.Il n’appartient pas aux « très-sachants » d’aujourd’hui que nous sommes de trancher entre ces diverses thèses. La seule chose importante étant de ne pas chercher à notre spiritualité d’autre origine que celle qui est vraiment la sienne (elle n’est ni extraterrestre, ni atlante, ni claironnée ou révélée par Dieu ou Diable en personne, par ses anges ou ses prophètes…).
Ci-dessous un excellent article de Venceslas Kruta consacré au sujet.
Certains de ces groupes firent preuve d’une extraordinaire précocité, anticipant nombre d’inventions généralement associées à la naissance de l’agriculture. Les différents clans de chasseurs de mammouths d’Europe centrale, qui se réunissaient régulièrement – stimulés probablement par un effet d’émulation et la nécessité de coopérer – dans des lieux choisis pour leur situation stratégique ; modelèrent vers – 27 000 les premiers objets d’argile (des statuettes de femmes nues, les « Vénus », ou d’animaux), cuits dans des sortes de fours construits à cet effet. Destinées vraisemblablement à participer à des opérations magiques, ces terres cuites ont livré des empreintes de tissus et même une empreinte digitale. Si l’on ajoute la présence d’objets en pierre polie, on voit que ces chasseurs connaissaient déjà au moins trois des principales techniques que l’on considère généralement comme indissociables de l’apparition de l’agriculture. Vers la fin du IXe millénaire avant notre ère, deux faits, intimement liés, viennent changer radicalement le paysage européen et les conditions de vie de ses habitants. La fin de la dernière période glaciaire – avec un réchauffement durable qui transforma complètement le climat – et l’invention de l’agriculture au Proche-Orient. Le changement climatique libère de grandes surfaces des énormes glaciers qui recouvraient le Centre et le nord de l’Europe, et dont les avancées ainsi que les retraits avaient modelé le paysage. Modifiant progressivement – mais radicalement – la couverture végétale, il entraîne le déplacement du gibier, le renne essentiellement, qui constituait la ressource principale des groupes de chasseurs-cueilleurs de la fin des temps glaciaires. La toundra est peu à peu remplacée par un paysage forestier, les groupes épipaléolithiques suivent la migration des rennes vers le nord ou s’adaptent aux nouvelles conditions ; ils diversifient alors leurs moyens de subsistance en se retirant sur les sites les plus favorables à ce type de chasse et à la cueillette : estuaires fluviaux, rivages de lacs, marécages, littoraux maritimes… La culture des céréales et l’élevage de bovidés, ovins, caprins et suidés, sont introduits en Europe à partir du Proche-Orient par deux voies principales : la voie maritime – méditerranéenne – et la voie terrestre, danubienne.
La première n’entraîne apparemment pas de grands déplacements humains ; il s’agit surtout d’une diffusion des techniques agricoles au sein de populations mésolithiques – vivant jusqu’alors surtout de pêche – par de petits groupes de navigateurs se déplaçant le long des côtes. C’est à partir des régions côtières que les pratiques agricoles se répandent vers l’intérieur, permettant un important accroissement démographique. Au VIe millénaire avant notre ère, la connaissance de l’agriculture atteint les rivages de l’Atlantique où se développent des communautés ; leur nombre, leur degré d’organisation, et leur mode de vie – désormais sédentaire – sont clairement attestés par de spectaculaires monuments mégalithiques.
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Le deuxième courant – danubien – correspond à la progression de générations de descendants de colons venus d’Asie Mineure, probablement vers le milieu du VIIe millénaire avant notre ère. Installés d’abord dans les Balkans, ils remontent lentement le cours du Danube en occupant les terres les plus fertiles – principalement les plateaux recouverts de lœss – jusqu’à parvenir dans le Bassin parisien vers la fin du VIe millénaire. Sans doute rencontrèrent-ils sur leur chemin des groupes de chasseurs-cueilleurs – qu’ils intégrèrent – sans que leur remarquable homogénéité ni leur filiation civilisationnelle évidente avec le foyer balkanique initial s’en trouvent modifiées. Il faudra plusieurs millénaires avant que les îles Britanniques et la Scandinavie ne soient touchées par ce phénomène. Cela représente une lente migration des idées et des hommes, d’environ 25 km par génération. Le premier néolithique européen correspond à une société encore très égalitaire, et peu différenciée, ainsi qu’à une agriculture itinérante. Globalement, ces premiers paysans semblent n’avoir porté que peu d’intérêt à la chasse, surtout ceux qui appartiennent à la tradition des poteries « rubanées ». Dans les sites du Bassin parisien où les déchets domestiques ont pu être étudiés, le gibier représente souvent moins de 20 % des restes d’animaux. À la périphérie de la zone « néolithisée », les chasseurs mésolithiques entrent en contact avec les nouveaux venus ; certains adoptent la céramique, d’autres obtiennent des animaux domestiques (mais on ne sait si c’est par troc ou suite à un vol de bétail). À l’inverse, les Néolithiques obtiennent des parures en coquillages récoltés en dehors de leur aire civilisationnelle. Rien ne permet de démontrer ou d’infirmer l’hypothèse de certains savants faisant de ces colons la première vraie vague de populations de souche indo-européenne. En aucun cas cependant, ce flux ne peut être considéré comme à l’origine de la diffusion des parlers ainsi que de la civilisation indo-européens dans de vastes régions de l’Europe occidentale et septentrionale ; le phénomène lui étant postérieur d’au moins deux millénaires. Pour mettre en évidence la double origine de ce premier peuplement sédentaire de l’Europe, il faut recourir, en l’absence de témoignage écrit, à un certain nombre de vestiges archéologiques. Les longues maisons danubiennes avec armature de poteaux plantés, que l’on retrouve jusqu’au sud de Paris ; et plus encore la terre cuite – réinventée au Proche-Orient – qui apparaît le fidèle reflet tant de la vie quotidienne que des croyances collectives. Les formes des poteries ne répondent plus seulement à des exigences utilitaires ; elles expriment désormais aussi des choix esthétiques. La grande sobriété du décor – réalisé le plus souvent par impression de la coquille du cardium caractéristique du courant maritime – est contrebalancée par des enchaînements de motifs, angulaires ou curvilignes, peints ou gravés, d’une ordonnance quelquefois très complexe ; la spirale, schéma symbolique de la course du Soleil entre deux solstices, y occupant une place privilégiée. Des colons danubiens modèlent alors également des statuettes de femmes aux attributs sexuels bien marqués – représentations d’une Grande Déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère ce vocable, la Terre nourricière – destinées à conforter la fécondité des champs et des animaux (Karanovo, Bulgarie). Ainsi, pour la première fois, ces objets de terre cuite confirment-ils l’existence et précisent-ils les contours des deux grands complexes se trouvant à l’origine du peuplement sédentaire de l’Europe. Les civilisations des premiers agriculteurs méditerranéens et atlantiques d’une part – issues de l’acculturation des populations mésolithiques de ces régions – les différents faciès de la civilisation des colons danubiens venant d’Asie Mineure d’autre part. Les premiers correspondent au fort substrat pré-indo-européen, dont on peut discerner les traces dans l’Occident européen, et dont le dernier vestige pourrait être la langue basque en Espagne et en France. L’appartenance linguistique, même approximative, du second ne peut être raisonnablement déterminée. Autant par son nombre que par son dynamisme, il constitua cependant un apport humain relativement important dans la formation des peuples de l’Europe ancienne.!---- -------------- ------------------------------------ !
Le développement qui suivit l’introduction de l’agriculture fut donc rapide et spectaculaire. Aussi bien en Europe centrale qu’occidentale, on voit surgir, dès le Ve millénaire, de grands centres cérémoniels communautaires. Leur orientation fait clairement le lien avec les connaissances astronomiques essentielles pour suivre le cours de l’année solaire, et organiser les activités agricoles. Dans le sud-est de l’Europe, là où s’installèrent les premiers agriculteurs, surgissent des agglomérations. Les simples villages, constitués de quelques maisons éparpillées construites un peu au hasard, sont remplacés par des ensembles de bâtiments, regroupés en îlots répartis selon un plan régulier, la plupart du temps
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rigoureusement orthogonal. Il n’est certainement pas exagéré de les considérer comme des embryons de sites urbains. Les communautés qui résident en ces lieux semblent avoir atteint parfois le seuil de l’usage de l’écriture ; leur structure sociale hiérarchisée apparaît clairement dans les nécropoles où figurent, dès le cinquième millénaire, les premiers objets en métal. Il s’agit non seulement d’or – obtenu par orpaillage – mais aussi de cuivre, extrait de mines locales. Le paysage est modifié, cette fois par l’action de l’Homme ; de vastes étendues sont déboisées, pour les besoins d’une agriculture extensive, qui répond à l’épuisement rapide des sols par la mise en culture de nouvelles surfaces. De grandes étendues de pâturages favorisent l’élevage, qui contribue cependant dès cette époque, surtout lorsqu’il s’agit d’ovins ou caprins, à fragiliser les terres exposées au lavage et à l’érosion. Les variations climatiques, et notamment le refroidissement qui intervient au Ve millénaire, amplifient probablement les conséquences de l’activité humaine. Le grand bond en avant provoqué par le développement de l’agriculture connaît quelquefois des ralentissements ou même des arrêts assez brutaux, notamment dans les zones les plus sensibles ; aux problèmes environnementaux – déjà ! – viennent s’ajouter les tensions engendrées par les déséquilibres socio-économiques internes ou externes des communautés. Les situations conflictuelles se multiplient, et la stabilité des sociétés néolithiques est de plus en plus souvent mise à l’épreuve. Les vestiges archéologiques ne permettent pas néanmoins d’appréhender le détail des événements, ni même souvent l’enchaînement séquentiel précis des changements dans l’espace et dans le temps (Venceslas Kruta). Le passage d’une civilisation de chasseur-cueilleur à celle d’éleveur-laboureur a provoqué le passage d’une société matriarcale à une société patriarcale. Dans la première, à l’image des sociétés d’insectes, l’homme est le guerrier et son existence est précaire, c’est une sorte d’outil, de soldat soumis, d’esclave tout juste bon à ramener la nourriture. La société se construit autour des femmes et de leur fécondité. Ces sociétés féminines sont ultraviolentes à l’image de leur forme mythique la plus aboutie, les Amazones. Mais avec la culture, et l’élevage (agriculture), l’homme devient prépondérant à cause de sa force physique, et par conséquent son espérance de vie semblable à celle des femmes. Les droits de propriété ainsi que leur transmission héréditaire, obligent à connaître le père de l’enfant (ce qui n’a aucune importance dans les sociétés matriarcales), et donc oblige à la virginité avant le mariage, voire à la fidélité de l’épouse. Le contrat de mariage « moderne » est peut-être né de ces contraintes : obligation pour la femme de garantir le père (virginité, mais aussi fidélité), en revanche obligation à long terme de l’entretenir matériellement pour l’homme (aisance et non-abandon). Durant cette période, la surface cultivée s’est étendue. Les premiers grands défrichements se font à l’aide de l’herminette, du pic et de la hache, ou par la technique de l’écobuage. Les arbres abattus sont brûlés sur place (sans doute après avoir récupéré les grumes (le bois d’œuvre : métier pratiqué par mon père avec un GMC à volant fait en bois dans les années 50) et on fait ensuite de la culture sur brûlis. L’usage d’araires est probable, au moins dans certaines régions et pour certains travaux importants. La régénération des sols implique des jachères prolongées suivies à nouveau d’essartages et d’écobuages. Les médiocres possibilités de conservation du fourrage obligent à ne garder que quelques reproducteurs durant l’hiver (ce qui a pu contribuer à accélérer la « dérive génétique » par rapport aux souches sauvages). Les hommes du Néolithique construisent des maisons qui « durent », regroupées en villages parfois fortifiés, dont le territoire est choisi en fonction des ressources qui permettront aux individus de vivre toute l’année. Le bois, l’argile et la pierre, quand le bois fait défaut, sont les matériaux les plus couramment utilisés. De plus, le torchis est un excellent isolant contre le froid, l’humidité ou la chaleur. La civilisation des deux courants migratoires se différencie par des traits économiques, par la forme des maisons, par les rites funéraires, par des modes de vie adaptés à chaque environnement, mais aussi par des modèles civilisationnels spécifiques, l’un méditerranéen, l’autre danubien. Dans le Sud-est, un style méditerranéen hérité du Proche-Orient s’impose ; avec l’élevage préférentiel des caprins et des ovins, de petites maisons de bois et de briques crues ou de torchis, des sépultures au sein de l’habitat, des céramiques peintes, des poteries à décor d’impression ; qui se propageront de la Grèce de l’Ouest jusqu’au Portugal. En Europe tempérée en revanche, le long du Danube et de ses affluents, où s’étend une vaste forêt dense que l’on essarte (défriche) à la hache ou par le feu, on élève plutôt des bovins, mieux adaptés au climat. On construit en bois et en argile de grandes maisons allongées de 10 à 50 mètres de longueur, avec toit de chaume, modèle identique dans toute l’Europe centrale jusqu’au Bassin parisien ; et l’on enterre les morts dans des espaces spécifiques, les premières nécropoles. La frontière entre ces deux blocs civilisationnels n’est pas toujours très nette, et certaines régions, comme le Bassin parisien,
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subissent une double influence. Passé le temps de la diffusion, chaque région élabore rapidement ses propres traditions, se dote d’une identité ainsi que d’une histoire. L’Europe devient donc multiculturelle, et d’autres clivages apparaissent. Vers – 4500, par exemple, on note l’apparition de niveaux sociaux différents. Certaines tombes renferment des signes évidents de prestige : objets précieux, parures. Là encore, cela se manifeste de façons différentes. En Occident, ce sont de grands tumuli dans lesquels on a retrouvé des haches d’apparat longues de plus de 30 centimètres, polies dans une roche importée des Alpes, la jadéite. Plus tard dans la même zone viendront les mégalithes qui sont des chambres funéraires. En Europe orientale, dans les sépultures, les marques de prestige sont plutôt des objets de métal (haches, armes de cuivre), des sceptres et des parures en or. Avec l’agriculture et l’élevage, le rapport à la nature s’inverse progressivement, et l’idée d’une domination de l’homme sur la nature va donc aller en se développant pour aboutir, technologiquement parlant, à l’industrie. Mais, dans le même temps, l’inversion de ce rapport va s’accompagner d’un effondrement de l’égalité sociale. Après avoir dominé la nature, les premiers paysans ont modifié le sens des relations à l’intérieur de leur propre espèce. Chez les sédentaires, la société a souvent tendance à devenir verticale ; une pyramide sociale se met en place. Les inégalités productives agricoles, selon la qualité des sols cultivés, vont progressivement transformer les rapports d’entraide des chasseurs-cueilleurs du communisme primitif en rapports de dépendance des premières sociétés, divisées en classes sociales. La limitation de superficie des terres cultivables et les inégalités sociales vont aussi conduire aux premiers affrontements sociaux entre groupes humains (lutte de classe) et à la guerre. Mais cette protection des biens ne devait en aucune façon aller jusqu’à la sacralisation de la propriété privée à la façon romaine (le droit d’user ET D’ABUSER) ; puisque la propriété des moyens de production (terres, forêts…) appartenait toujours en principe aux divinités ou à la communauté. Non à des particuliers, qui n’en avaient que l’usage ou la possession temporaires. Au début du Néolithique, les récipients sont en bois, en courge séchée (calebasse) ou en argile séchée au soleil. Notons que la poterie surgit au Japon dès le XIIe millénaire avant notre ère, et dans le Sahara au IXe millénaire, soit bien avant l’invention de l’agriculture ! La révolution néolithique n’a fait qu’en diffuser l’usage. Elle est donc présente à tous les stades de cette période, et sa forme, ses décors, ainsi que son mode de cuisson, servent à marquer les époques ou à dater les niveaux d’occupation. Apparaissent aussi alors en poterie des sortes de bouteilles à col ou à panse globulaire, de plats, d’assiettes, de jattes carénées, de coupelles en forme de « brûle-parfum », de « gobelet à socle », voire de « vase à support ». Pour faire face aux besoins de stockage ou de cuisson des céréales et d’autres aliments, la poterie s’avérera tout à fait adaptée. L’impact de cette nouvelle technologie sur les populations fut très fort, car au-delà de son aspect utilitaire, la céramique fut également un facteur d’identité culturelle, voire de cohésion sociale. Afin de décorer, ou pour permettre une meilleure tenue en main, on imprime des décors en relief à l’aide de divers objets (corde tressée, bord de coquillages, épis de blé, rayures d’ongles). Par la suite les décors imprimés sur le ventre des poteries permettront de différencier les populations les unes des autres. Ainsi la céramique cordée, qui précède l’Âge du bronze en Europe, est-elle décorée par incision à l’aide d’une cordelette. La céramique linéaire, qui est la plus ancienne céramique néolithique d’Europe centrale et orientale (VIe millénaire avant notre ère), présente des chevrons, des rubans en arcs de cercle, des spirales accompagnées d’incisions et d’impressions. Une forme particulière dite « à notes de musique » consiste à renforcer les incisions le long des impressions, les lignes parallèles ainsi créées faisant penser à des portées musicales. En Europe, ainsi que nous l’avons déjà dit, le coquillage appelé cardium a donné son nom à la civilisation à poterie imprimée, appelée aussi par conséquent poterie cardiale (VIe-Ve millénaire avant notre ère). Le décor forme des lignes en zigzag disposées en panneaux ou en lignes horizontales. Le fond est arrondi et la poterie est facilement préhensile, grâce à des boutons et des anses. La céramique néolithique était surtout destinée à un usage domestique de stockage. La forme d’un objet n’était pas issue d’un acte gratuit, mais d’un choix délibéré associé à une fonction précise (bols, pots, jarres, grands plats). Le mode de cuisson était largement maîtrisé, atteignant des températures avoisinant 700 à 800 degrés, et les décors ainsi que les formes étaient façonnés à la main, non au tour de potier, qui n’apparaîtra pour les céramiques fines que plus tard. La céramique n’a pas une fonction seulement utilitaire. On a recours à elle pour contenir des offrandes funéraires, ou comme urne funéraire (civilisation des champs d’urnes). Certaines formes, certains décors, on parle de « styles » de céramiques, avaient sans doute un rôle symbolique, au-delà de considérations purement artistiques, évident pour les
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membres de la communauté. De plus, de nombreuses figurines de « déesse-ou-démones » ou fées, si l’on préfère ce vocable, en terre cuite, jalonnent le Néolithique dans presque toutes les régions.Les pratiques funéraires. Chez les derniers chasseurs, au Mésolithique, vivants et morts se côtoient presque au quotidien, et passé ou présent se conjuguent dans les habitats. On constate cependant l’énorme importance donnée aux morts. Les sépultures se rencontrent en quantité. Ce n’est pas seulement la tombe qui est à l’honneur, c’est également toute une approche du traitement du cadavre, avec dépeçages ou prélèvements d’os. Au Néolithique, les pratiques funéraires divergent selon l’appartenance du défunt à l’un ou à l’autre des deux grands courants de civilisation, le Cardial ou le Rubané. Dans le premier les morts sont enterrés dans des fosses sous l’habitat, qui deviendront des fosses à cistes, avant d’évoluer vers le mégalithisme, avec bien sûr des variantes tant dans l’espace que dans le temps. Dans le second étaient constitués de vastes champs funéraires éloignés des habitations. Les plus grandes de ces nécropoles contenaient plus de 200 tombes. Chaque sépulture était faite d’une fosse entourée de quatre poteaux de bois et contenait un corps en position fléchie sur le côté gauche, la tête généralement tournée vers l’est et recouverte d’ocre rouge.
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LA VIE QUOTIDIENNE AU NÉOLITHIQUE DANS LES ALPES.
L’homme du Néolithique n’est ni un sauvage ni un barbare, c’est un homme, ou une femme, comme vous et votre serviteur, avec les mêmes potentiels, qu’il a commencé à exploiter. Il a une langue déjà élaborée avec laquelle il peut aborder les grandes questions qui nous hantent toujours (les garçons, les filles, l’amour, la mort, qu’y a-t-il après la mort, l’injustice, la guerre, les chefs…) ; le soir à la veillée autour du feu. Il a une technologie adaptée (il sait faire du feu avec des silex et de l’amadou, et sait se construire de vastes maisons. Ainsi que nous avons pu le voir, le bois et l’argile sont les matériaux les plus utilisés dans la construction : dans la région, ils sont très courants. De plus, le torchis est un excellent isolant contre le froid, la chaleur et l’humidité. Quand le bois est absent de la région, les hommes utilisent la pierre). Il a des Anciens fins observateurs de la nature et en outre ayant de la mémoire. Il a une mystique et une spiritualité (le chamanisme). En bref, il a une civilisation. Introduite depuis le IVe millénaire dans les Alpes, l’agriculture est donc l’activité qui caractérise par définition la révolution néolithique dans cette zone du Monde. Après déforestation comme le montre l’étude des pollens fossiles, on pratiquait la culture des céréales (blé, orge), l’élevage (chèvres, porcs, bœufs et moutons). Mais l’alimentation restait encore très dépendante de la pêche, de la chasse et de la cueillette. Les hommes de cette époque ressemblaient probablement beaucoup aux Européens d’aujourd’hui, mais ils étaient moins grands du fait qu’ils mangeaient moins de viande. Ils mangeaient aussi beaucoup moins bien durant les mois d’hiver longs et froids, et il leur est probablement arrivé plus d’une fois d’aller dormir la faim au ventre. Le site de Cuiry-lès-Chaudardes (département français de l’Aisne) a servi de modèle pour la reconstitution d’une maison néolithique typique. Datée de 4 600 avant notre ère (Néolithique moyen), elle a une forme trapézoïdale et mesure 39 m 40 de long sur 7 m 25 à 8 m 50 de large. Disposant d’une entrée orientée à l’est, offrant ainsi son plus petit côté aux vents dominants, ce bâtiment est constitué de cinq rangées longitudinales de poteaux de bois (dont trois rangées de poteaux intérieurs), qui supportent des poutres horizontales ; sur lesquelles viennent reposer des chevrons reliés entre eux par tout un système de voliges (baguettes souples en saule ou en noisetier) entrelacées, sur lesquelles sont « cousues » des bottes de chaume (paille de roseau) à l’aide de cordelettes en lin. Au sommet de la toiture, le chaume est replié de chaque côté et recouvert de torchis. Les murs, non porteurs, sont jalonnés de poteaux moins importants, reliés par des clayonnages de baguettes souples d’osier que recouvre sur leurs deux faces un torchis, mélange d’argile, de paille et d’eau. Ces murs sont protégés des intempéries par la toiture qui descend très bas. Ses dimensions imposantes lui permettent d’abriter une famille au sens large du terme, c’est-à-dire les parents, les enfants, mais aussi les frères et sœurs, les cousins, cousines, oncles et tantes… Au IVe millénaire, certains villages sont retranchés sur des éperons rocheux, protégés par un fossé ou un rempart : les futurs oppida celtiques. En plaine ou sur des hauteurs, on trouve des constructions assez énigmatiques : ce sont des enceintes, à plusieurs entrées, faites d’un fossé doublé d’une palissade. Elles ont pu servir d’habitat, de place commerciale ou de lieu de pèlerinage… voire de sanctuaires.
Le néolithique se caractérise, entre autres innovations, par l’invention des vêtements tissés, donc par un artisanat textile. Si les gisements de cette époque livrent en abondance les fusaïoles, accessoires en terre ou en pierre liés au filage ; le site de Charavines-Les-Baigneurs sur le lac de Paladru (département français de l’Isère) présente des éléments que l’eau a conservés, comme des fuseaux, des peignes à tisser, des pelotes de fil et des fragments de tissu. L’outillage de pierre est représenté par des haches polies et une grande variété de silex dont les formes sont adaptées à leur usage : par exemple des racloirs ou grattoirs. Des poignards de silex ont été trouvés encore munis de leur manche en bois. Le pasteur méditerranéen, le paysan danubien, n’utilisent pas beaucoup de silex, car les galets de rivière sont en nombre suffisant pour façonner des haches ou des herminettes. En revanche, les forestiers campigniens, eux, consomment beaucoup de silex pour leurs tranchets, leurs haches, leurs houes, qui sont toujours fabriquées avec ce matériau. Le dur travail du bois exige de gros outils. Aussi, la collecte de rognons à la surface du sol ne suffit pas. L’homme se met donc à creuser des fosses pour atteindre les profondeurs de lits de
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silex, régulièrement alignés dans les couches crayeuses. À Spiennes, dans le Hainaut, en Belgique, on creuse d’abord des galeries horizontales, à partir des versants de la vallée où les bancs de silex affleurent. Mais lorsqu’elles sont trop profondes, ces galeries deviennent dangereuses ; les mineurs ont alors l’idée de creuser des puits, à partir du plateau, pour retrouver les lits de silex. Les premières mines de silex souterraines furent creusées dans la craie grâce à des pics en bois de cerf ou en silex. Le puits pouvait atteindre 20 m de profondeur. Les mineurs se glissaient dans des galeries rayonnantes pour détacher de gros rognons de silex. Cette exploitation semi-industrielle engendrait des circuits d’exportation parfois très vastes.Les récipients en terre cuite se présentent sous des formes variées adaptées à leurs fonctions : vases de grandes dimensions pour la conservation et la cuisson, vaisselle de plus petite taille pour boire et manger.
Cette société de sédentaires connaissait les échanges commerciaux : la composition des parures (cuivre du Languedoc, calcite des Préalpes et surtout ambre de la Baltique) atteste de la circulation des biens.
Environ 2 700 ans avant notre ère, une communauté humaine remarquable s’est installée au bord du lac de Paladru (département français de l’Isère). Profitant d’une baisse du niveau des eaux, elle y a construit un village composé de grandes maisons rectangulaires et entouré d’une palissade. De grands pieux de sapin, régulièrement espacés, et enfoncés profondément dans la craie, constituaient l’armature des maisons. Entre ces pieux des baguettes verticales, en noisetier la plupart du temps, maintenaient des éléments végétaux (branches, roseaux, mousses) qui formaient les murs. La couverture du toit était, elle aussi, entièrement végétale. Des nappes d’argile étaient étendues au sol pour recevoir les foyers domestiques. On estime la population de cet habitat, composé de cinq ou six grandes maisons, à environ 30 à 40 personnes.
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Les peuples qui ont construit Stonehenge étaient loin d’être idiots, avaient déjà des élites aux connaissances relativement étendues, ainsi que le prouve la découverte faite en mai 2002 par Andrew Fitzpatrick. La tombe d’un homme ayant vécu 2 300 années avant notre ère et située à une distance de cinq kilomètres de Stonehenge, près d’Amesbury. La tombe contenait plus de 100 objets, ce qui constitue la plus riche collection jamais retrouvée pour cette période. Trois couteaux de cuivre, des pointes de flèche en silex, des protections pour les poignets, cinq céramiques campaniformes, deux tresses de cheveux d’or, ont notamment été retrouvés. Ces tresses sont les objets d’or les plus anciens trouvés à ce jour en Grande-Bretagne. L’analyse de l’émail dentaire de l’archer d’Amesbury montre qu’il était originaire des régions alpines, probablement de Suisse, d’Autriche ou d’Allemagne. Les couteaux de cuivre retrouvés dans sa tombe provenaient d’Espagne et de France. L’archer apparemment était un homme important, et comme il a vécu durant la période correspondant au début de l’édification du fameux monument mégalithique, les archéologues pensent qu’il a pu être impliqué dans sa construction. D’après Andrew Fitzpatrick, lors de cette période, la Grande-Bretagne a connu de grands changements, avec l’arrivée sur l’île, en provenance du continent, des savoir-faire nécessaires au travail des métaux. Ce qui expliquerait la construction de grands monuments tels que Stonehenge. La découverte de cet archer sur le sol britannique est importante à cet égard et confirme cette thèse. Il n’a pas été possible d’établir un lien de cause à effet direct entre l’archer en question et Stonehenge. Ce qui semble certain en revanche, c’est que la présence de sa tombe prouve que ce personnage avait un lien assez étroit avec la construction de Stonehenge ainsi qu’avec celle de Woodhenge, Durrington Walls ou Avebury. Ce devait être un personnage éminent dans la région ; et il est fascinant de penser qu’un étranger – probablement originaire de la Suisse actuelle – a pu jouer un rôle important dans la construction du site archéologique le plus célèbre de la Grande-Bretagne. La présence de la tombe de l’archer d’Amesbury semble bien être liée de très près à l’érection des pierres de Stonehenge. Peut-être a-t-il joué un rôle clé dans la construction du monument ? Ou peut-être a-t-il été attiré vers le sud de l’Angleterre justement à cause de la construction du monument ?
L’émergence de la guerre au cours des temps préhistoriques est un sujet récurrent. L’analyse synthétique des traces de morts brutales observées dans les sépultures néolithiques de
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France, et complétées par de récentes données obtenues lors de fouilles en Allemagne, en Autriche ainsi que dans la péninsule ibérique ; soulève la question de l’apparition d’un réel climat de violence collective au sein des premières communautés paysannes d’Europe.Ces tensions aboutissant à des heurts violents pouvaient répondre à plusieurs facteurs (qui ont même pu se combiner entre eux). Des causes factuelles liées à des contestations de limites de territoire. Des motivations économiques par exemple la saisie de richesses par le système des razzias. Enfin des raisons sociales, car le conflit victorieux est une démonstration de la puissance d’une communauté sur une autre, et il renforce donc toujours le prestige du groupe ou de son chef.
Les choses n’ont guère changé depuis, et les mêmes motivations qui animaient les hommes préhistoriques poussent ceux d’aujourd’hui.
On se demande bien finalement pourquoi en effet le président français de l’époque, en 2011, a choisi de soutenir Alassane Ouattara, dont certains racistes en uniforme (des forces républicaines) avaient massacré avec la complicité des Casques bleus de l’ONU en Côte d’Ivoire des centaines de malheureux, uniquement parce qu’ils étaient Guéré, notamment fin mars à Duékoué dans l’ouest du pays ; Et non Laurent Gbagbo dont les partisans, sans uniforme il est vrai, ont brûlé vifs des musulmans, et dont les forces armées ont essayé de reprendre par des bombardements aveugles le quartier d’Abobo tombé aux mains du commando invisible d’Ibrahim Coulibaly (qui sera d’ailleurs liquidé par son ex-allié Alassane Ouattara juste après sa victoire).
Certains estiment que ces exactions commises par les forces pro-Gbagbo ont fait 3 ou 4 fois moins de victimes civiles que celles commises par les troupes d’Allassane Ouattara soutenues par Nicolas Sarkozy de Nagy-Bocsa, toutes officielles et opérant donc en uniforme qui plus est. Parce qu’Allassane Ouattara était marié avec une (grosse) blanche ??? La force française Licorne qui opérait en Côte d’Ivoire sous mandat de l’ONU n’est pas exempte de reproches. Ce qu’Amnesty constate, c’est que les soldats français de Licorne n’ont rien fait quand des membres de l’entourage de Laurent Gbagbo, parmi lesquels Philippe Henri Dacoury-Tabley, l’ancien gouverneur de la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (Cbswa), ont été battus au moment de leur arrestation le 11 avril à la résidence présidentielle de Cocody. Selon un témoin de l’arrestation de Laurent Gbagbo cité dans le rapport, les Frci « se sont mis à frapper les hommes et les femmes avec des bouts de bois et avec leurs crosses. D’autres les filmaient et les prenaient en photo comme des bêtes de foire. Il y avait des soldats français de la force Licorne qui se trouvaient devant la résidence dans leurs véhicules ou dans leurs chars et ils ne sont pas intervenus. Ils étaient là comme quand on va au cinéma et que l’on regarde un film. » Après la lecture du rapport, une question cruciale reste posée, les forces internationales, se sont-elles montrées partisanes en Côte d’Ivoire ? Amnesty International ne se prononce pas. Mais on reste sur cette impression de gros malaise. Cela rappelle la tragédie rwandaise en 1994, où les Casques bleus et les Forces de l’Opération Turquoise ont pratiquement démissionné, facilitant quelque peu le génocide par leur lâcheté, leur laxisme, leur attentisme.
« Alassane Ouattara a demandé à la Cour pénale internationale d’enquêter sur l’ouest du pays. Nous, nous pensons qu’il faut enquêter sur tout ce qui s’est passé depuis 2002, si l’on veut réellement réconcilier les Ivoiriens. Si les choses restent en l’état, on prépare de nouvelles violences. On a le sentiment aujourd’hui que la crise ivoirienne est derrière nous. Or, rien n’est réglé », a fait savoir Salvatore Saguès. La vérité peut-être est qu’on ne saura jamais pourquoi, coincé (ou pas) entre la peste et le choléra Nicolas Sarkozy 1er a choisi entre ces deux maux. La peste ! Ou le choléra ! L’avenir nous le dira. Mais ce qui n’en sort pas grandi dans tout ça c’est l’honnêteté ou la sincérité des démocraties, de la France, ainsi que la crédibilité de l’ONU d’ailleurs.
En tout cas ce qui est sûr c’est qu’Alassane Ouattara, et ce avec la complicité du président français en question, a fait le pari de s’appuyer lourdement sur les Baoulés (une ethnie du Centre de la Côte d’Ivoire) et les Malinkés du Nord contre les peuples du Sud, en particulier les Bétés, qui n’ont pas voté pour lui. Et que son premier chef de gouvernement (ou Premier ministre ?), Guillaume Soro, avait beaucoup de sang sur les mains !
On peut se demander aussi d’ailleurs pour quelles raisons les grandes démocraties occidentales comme la France le Qatar l’Arabie saoudite le Royaume-Uni et les États-Unis, ont jugé bon en 2011, de faire la guerre à la Libye de Khadafi ? Pour que la langue et la culture berbères du Djebel Nefousa voire leur drapeau aient droit de cité en Libye ? Ou pour mettre au pouvoir dans ce pays d’ex-complices de Kahadafi ou des hommes issus de milieux
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réactionnaires, des islamistes, monarchistes, mûris dans des ministères, voire au sein de services secrets ?L’empressement de la diplomatie française à courtiser les insurgés après avoir courtisé Khadafi pendant dix ans est pour le moins sujet à caution. Par humanisme et pour y faire progresser les droits de l’Homme dira-t-on ! Oui, mais alors pourquoi ne pas avoir déclaré la guerre à la Chine depuis longtemps, pourquoi aussi avoir encouragé les Irakiens à remplacer la laïcité de leur constitution du temps de Saddam Hussein par la consécration de l’islam comme religion officielle de l’État irakien (l’article 2 interdit la promulgation de lois contraires aux principes de l’islam). Pour achever d’évincer de ce pays les derniers chrétiens issus du christianisme primitif ? Pourquoi enfin bombarder Tripoli ou Syrte (ville détruite par l’OTAN en 2011) et pas Damas ou Sanaa voire Riyad et Islamad ? Principe bien français du « deux poids deux mesures ». Et d’ailleurs pour commencer, pourquoi donc avoir à peine quelques années plus tôt déroulé le tapis rouge devant tous ces dictateurs (Khadafi, Bachar, Hu Jin Tao) et leur avoir serré la main en leur tapant presque dans le dos familièrement, à Paris ? Se retourner contre eux pour tomber dessus et à plusieurs (15 ? 24 ?) contre ces petits dictateurs, fait un peu lâche ou coup de poignard dans le dos (il aurait fallu ne jamais faire ami-ami avec eux !)
En tout cas le « Conseil National de Transition » qui s’est mis en place à Benghazi n’est pas composé en effet de « perdreaux de l’année ». Outre quelques personnalités du régime Kadhafi qui ont senti le vent tourner, il inclut le « Front national pour la sauvegarde de la Libye » qui a depuis longtemps son siège en Arabie Saoudite et qui est le faux-nez des intégristes, le « Comité libyen pour la défense de la démocratie et des droits de l’homme » qui a son siège à Londres et à Washington, « l’union des monarchistes » qui a son siège au Caire et fédère les intérêts de l’importante confédération tribale des Senoussi, hostile aux Khadafi. On a même vu réapparaître à la tête des militaires insurgés, sorti d’on ne sait trop où, le colonel Khalifa Belqasim Haftar que les Anglais avaient chargé dans les années 80 de constituer en Libye une force dissidente contre l’armée régulière ».
Excellent exemple de désinformation pratiquée par les journalistes, cette dépêche Reuters du 18 juin 2011 et titrée : Des combats en Libye à Nalout font 8 morts parmi les rebelles (reportage Joseph Nasser, rédaction Tim Cocks). On apprend seulement dans le corps du texte que les forces loyalistes, elles, ont eu 45 morts. Apparemment aux yeux de Tim Cocks en effet les morts loyalistes comptent moins que les morts rebelles. Plus grave : si ma mémoire est bonne, il n’y avait plus de soldats loyalistes dans Nalout depuis… depuis… S’il y a eu reconquête de Nalout entre temps par les forces khadafistes, cela n’a jamais été signalé. Le plus vraisemblable est qu’il y a eu donc une attaque des forces loyalistes sur Nalout et que celle-ci a été enrayée juste après avoir réussi à mettre un pied dans la ville. Mais les journalistes n’ont jamais présenté les choses ainsi.
Voir aussi par exemple ce qu’en a dit à l’époque Donatella Rovera, une des spécialistes d’Amnistie internationale pour cette région du monde : elle n’a pas vu de mercenaires, mais des immigrés d’Afrique subsaharienne, pas de témoignages directs pour ce qui est des viols de masse, et enfin elle signale aussi des enlèvements de membres de la sécurité intérieure, dont on retrouve par la suite les corps pieds et poings liés, une balle dans la tête, avec à côté un mot du genre « chien de Kadhafi »).
Que Kadhafi soit un dictateur fantasque et prédateur qui n’aurait pas hésité à noyer la rébellion dans le sang, cela ne fait pas de doute. Et son départ ne chagrinera personne. Mais il est loin d’être le seul au monde dans ce cas exemple à Bahreïn où les blindés saoudiens ont maté une révolte des chiites majoritaires contre leur Émir sunnite dans l’indifférence généralisée des médias occidentaux et l’Occident a bien assisté l’arme au pied sans rien dire à quantité d’autres épisodes de ce genre au Soudan, en Côte d’Ivoire, au Yémen. L’ONU a décidé de donner mandat d’intervenir en Libye, mais il en existait aussi au Soudan ou en Côte d’Ivoire. Le mandat onusien pour la Libye était relativement clair, mais son application a connu des dérives qui ne peuvent que susciter les plus grandes inquiétudes sur l’avenir de cette institution (elles ont en grande partie décrédibilisé l’ONU et l’OTAN pour longtemps). La façon dont les insurgés ont traité les immigrés d’Afrique subsaharienne (noirs) ou les éléments des troupes régulières faits prisonniers (qu’ils soient citoyens libyens ou non) est notamment épouvantable. Ils auraient dû être traités en prisonniers de guerre par les rebelles et considérés comme tels par les journalistes qui ont préféré les ignorer. Malheur aux vaincus est bien la seule loi internationale toujours appliquée y compris par les journalistes qui font lâchement barrage et agissent comme un prisme déformant, orienté suivant leurs convictions manichéennes en fait, entre la réalité de ce monde, complexe d’ailleurs, et le public (de la
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langue d’Ésope ils ne connaissent qu’un bout) tout en prétendant le contraire bien évidemment. Voir le télégramme Wikileaks de l’ambassade américaine à Paris. Cette sélection non objective et en douce des informations par les journalistes explique donc que notre Humanité d’aujourd’hui n’est toujours pas en mesure d’appréhender les plus importantes tendances lourdes la menaçant (épuisement des ressources de la planète, pollution, réchauffement climatique, disparition croissante des langues et des cultures qui font la richesse du patrimoine commun de notre espèce, montée des totalitarismes religieux, décadence, multi-culturalisme = zéro-culturalisme…).Mais comme l’a si bien dit Alain Juppé, ministre français des Affaires étrangères : « la seule négociation c’est la guerre, il n’y a que la force qui importe pour faire partir Khadafi ! » Notons au passage que le vocabulaire philosophique de l’Humanité a été enrichi de nouveaux concepts très intéressants. On ne fait plus la guerre, on fait pression pour protéger des civils ! Encore qu’il y ait de bons et mauvais civils. Les mauvais on peut les bombarder. Et enfin cette perle (du cynisme) : « Khadafi n’a pas été capable de protéger son peuple (contre qui ? Contre les bombardements de l’OTAN ?) donc il n’a plus aucune légitimité ! » Si ce n’est pas là tout fonder, notamment la légitimité, sur la puissance et la force, qu’est-ce donc ?
Mais laissons-là tous ces hommes préhistoriques d’aujourd’hui (MM. Juppé Sarkozy Cameron et Cie) ainsi que leur incroyable cynisme et revenons à ceux d’hier qui au moins n’étaient pas en plus hypocrites (moins faux-cul dirait l’ex-ministre, ou secrétaire d’État je ne sais plus, Luc Ferry) !
Les cas vraiment avérés de mort brutale ou de tueries restent finalement peu nombreux au sein des premières sociétés paysannes d’Europe occidentale, et il semble donc prématuré de vouloir qualifier de guerre, au plein sens du terme, ces rixes entre populations. Cette violence collective ne fut probablement que l’esquisse des véritables guerres qui apparurent seulement au cours de l’âge du Bronze. Lorsque se constituèrent de réelles panoplies guerrières autour d’un armement spécifique – en particulier défensif – et que s’éleva dans la société une caste militaire à part entière.
En 1991, deux randonneurs partis pour l’ascension du glacier du Similaun situé à 3 300 m d’altitude, à la frontière entre l’Italie et l’Autriche, dans le massif des Dolomites italiennes ; ont découvert dans la glace, un homme préhistorique gelé depuis plus de cinq millénaires. Nous ne saurons jamais qui était exactement l’homme de Similaun ni ce qu’il faisait à 3 300 m d’altitude, par contre, l’excellente conservation du corps, ainsi que de tous les objets retrouvés, nous ont fourni quantité d’informations. Grâce à lui, nous en savons un peu plus aujourd’hui sur la vie quotidienne des hommes du néolithique. Cette momie des glaces a révolutionné nos connaissances sur la période puisque l’homme fut extrait de la glace avec tous les objets qu’il avait. Nous avons maintenant une idée précise sur la manière dont s’habillaient les hommes à la fin du néolithique, vers 3 200 ans avant notre ère. Ötzi, au moment de sa mort, était un homme âgé d’environ 40-50 ans, d’une taille d’un mètre soixante pour un poids d’environ quarante-cinq kilogrammes. Il était assez athlétique et devait être musclé. Il avait les cheveux brun foncé, légèrement ondulés, assez courts (la longueur minimale de sa chevelure est de neuf centimètres). Quelques semaines avant son décès, il avait été victime d’un « accident » et avait eu le nez, ainsi que des côtes, cassés. On lui a découvert de l’arthrose au niveau du cou, de la hanche, des membres inférieurs, et au niveau des articulations des pieds. À tout cela vient s’ajouter une parasitose des intestins, parasitose assez courante sans doute à cette époque. Comme il devait souffrir de douleurs intestinales, il se soignait, car on a retrouvé sur lui des morceaux d’un champignon poussant sur le bouleau, le polypore (Piptoporus betulinus) connu pour détruire les vers et leurs œufs, et agir comme laxatif. L’étude du contenu des intestins d’Ötzi révèle que lors de ses deux derniers repas il avait consommé des céréales, ainsi que de la viande de cerf et de bouquetin.
Les plus anciens tatouages connus au monde. L’examen du corps a permis de détecter une quinzaine de tatouages, situés généralement dans des endroits peu visibles du corps. Ils ont été réalisés à l’aide d’un pigment noir à base de charbon de bois frotté sur des égratignures, et sont comparables à d’autres pratiques thérapeutiques analogues attestées par l’ethnographie ainsi que les sources anciennes. Il s’agissait de petits groupes de traits parallèles ou disposés en croix sur les lombaires, les genoux et les chevilles. Ces tatouages très simples (croix ou traits), sont à ce jour les plus anciens que l’on connaisse. Ces tatouages ne semblent pas être des éléments ornementaux. L’analyse de leurs positions met en évidence un fait, neuf d’entre eux correspondaient à des points d’acupuncture ! Cette découverte repousse donc peut-être de 2000 ans l’âge de cette discipline. Elle aurait existé dans différentes civilisations pour finalement n’être conservée que par les Chinois. Certains
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de ces tatouages sont situés le long du méridien des reins afin de pouvoir soigner les douleurs dorsales. Cinq autres tatouages sont situés sur les méridiens de la vésicule biliaire, de la rate et du foie, pour soigner les douleurs intestinales. Il s’agit donc peut-être de tatouages à vocation thérapeutiques, indiquant les endroits où effectuer une pression pour soigner les différents maux dont Ötzi souffrait. Mais rien n’est sûr pour l’instant. Les causes exactes de son décès sont restées pendant longtemps elles aussi assez mystérieuses. Grâce aux dernières analyses, on a pu démontrer que nombre de ses blessures avaient été faites par des armes. Il n’a aucune marque de fractures ; les blessures crâniennes ont été faites après sa mort, sans doute par un charognard. Par contre, il a une profonde blessure à la main droite, qui a été entaillée jusqu’au tendon. Il a également été touché par une flèche près de l’épaule gauche. De plus, du sang a été retrouvé sur sa cape et sur ses armes.Que faisait cet homme, en haut de ce glacier ? Il était chaudement habillé. Il avait la tête couverte d’un bonnet en fourrure d’ours brun, maintenu par un nœud sous le menton. Il portait une veste faite de peaux de chèvre cousues ensemble à l’aide de tendons d’animaux ou de fil de laine, ainsi qu’une cape coupe-vent imperméable faite de tiges d’herbes de plus d’un mètre de longueur (herbes alpines). Il avait une ceinture en peau de veau, une poche est visible sur le devant. Cette ceinture sert également à maintenir des sortes de guêtre ou jambières en peau de chèvre, qui possèdent aux extrémités une languette pouvant être introduite dans les chaussures, afin de garder la chaleur. La ceinture retient aussi un pagne fait de peau de chèvre très mince, il pend jusqu’aux genoux assurant de cette façon une protection pour la poche de la ceinture. Ses chaussures sont composées d’une semelle et d’une empeigne en cuir, l’intérieur est en herbe tressée, il contient de la paille servant d’isolant. Pour ce qui est de l’équipement, il portait une hotte ou un sac à dos constitué d’une armature en tige de noisetier. Il transporte aussi un filet dont l’usage précis n’est pas déterminé. Il est muni de deux petits conteneurs ou réceptacles cylindriques en écorce de bouleau, apparemment l’un d’eux servait à conserver des braises, des traces de charbon ayant été découvertes. Un petit sac de cuir de veau contenant trois outils en silex : un grattoir, une petite lame très effilée ainsi qu’un poinçon. D’infimes traces de duvet retrouvées sur la lame laissent penser qu’elle était utilisée pour confectionner les empennages des flèches. Un autre comprenant le nécessaire pour faire du feu : du champignon amadouvier auquel sont fixés des cristaux de pyrite, ce qui laisse penser qu’il disposait d’un briquet. Il avait aussi emporté des armes de chasse. On savait que les populations du néolithique se servaient de l’arc, mais sans en connaître les caractéristiques. Maintenant c’est fait ! L’arc d’Ötzi est un grand arc de 1 m 80 de long, en bois d’if. Son carquois est fait d’une peau de chamois et d’une baguette de noisetier, il contient 14 flèches dont certaines sont munies d’une pointe en silex. Les fûts sont en pousse de viorne, d’une longueur de plus de 80 centimètres. Détail intéressant, la partie avant est légèrement plus grosse que la partie arrière, afin d’assurer une bonne stabilité. L’extrémité de la flèche est munie d’une encoche pour recevoir une pointe. Le carquois contient également une corde de deux mètres de longueur réalisée à partir de fibre d’écorce, il s’agit probablement d’une corde pour cet arc. Les pointes des flèches sont collées à l’aide de goudron à base de bouleau, le tout est renforcé par des tendons d’animaux. Deux flèches sont complètes et possèdent un empennage de forme radiale à trois pennes, il est fixé par du goudron et un fil très fin serré en spirale. Le carquois renferme également quatre bouts de bois de cerf attachés avec de la fibre végétale, cela pourrait être une matière brute servant à confectionner des flèches. Il a un outil avec une poignée angulaire, doté d’une pointe aiguë. Elle porte encore des traces de sang, il pourrait donc s’agir d’un instrument destiné à écorcher ou vider un animal. Il possède une hache avec un manche en bois d’if. La lame est fixée au manche par une fente pratiquée dans celui-ci, le tout est entouré de lanières en cuir mouillées, qui en séchant se contractent et assurent un solide maintien de l’ensemble. Cette hache était en cuivre et non en fer, or les haches de cette époque sont en général en pierre polie et très rarement faites en métal. Par contre, à l’opposé, le poignard qu’il portait à la ceinture, lui, n’était pas en pierre polie, mais en silex façonné d’une manière assez grossière, avec un manche en bois de frêne.
Autrement dit d’un côté, il possédait un objet très précieux pour l’époque : une hache en cuivre ; de l’autre, il avait un poignard de très médiocre facture. Le fourreau du poignard était un assemblage de nattes constituées de fins morceaux de fibres végétales.
Qu’avons-nous de concret maintenant concernant « l’affaire Ötzi » ? Ötzi était équipé comme un chasseur en expédition ou… un guerrier en campagne. Cet équipement lui permet une certaine autonomie, mais il semble qu’en fait, il était incomplet. Ce qui laisse supposer qu’il n’avait pas prévu de se rendre en montagne ou que s’il la fait, il a dû prendre cette décision
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de manière impromptue, comme un pis-aller. En outre, il est seul, ce qui n’est pas normal ni dans une partie de chasse ni dans une rixe, sauf s’il est le « gibier » ou un fugitif poursuivi. Son arc était hors d’usage et il était occupé à en confectionner un nouveau avec des moyens de fortune. Son carquois était endommagé. Il a des blessures profondes à la main droite qui lui ont été infligées quelques heures seulement avant sa mort, il a également une fracture du poignet droit. Il a des blessures encore plus graves au niveau du thorax, une pointe de flèche en silex a traversé l’omoplate gauche et a pénétré dans la poitrine, cette flèche a fait un trou de deux centimètres de diamètre. On peut sans doute retenir l’hypothèse d’un combat, d’une rixe. Mais pourquoi ? Ötzi est-il un chef vieillissant et sur le déclin, dont l’autorité fut contestée par un ou des membres de la tribu plus jeunes et ambitieux ? Cette possibilité ne peut être exclue, car il avait une hache à lame de cuivre, chose rare et enviée à cette époque, mais on peut également supposer qu’il s’est emparé de cette arme lors d’un combat. Dans tous les cas Ötzi a dû faire face à une agression de probablement plusieurs hommes. Il prend des coups, se défend comme il peut, frappe avec son arc et pare avec ce dernier. Son arc se brise, il est sérieusement blessé à la main droite, son carquois ayant reçu un coup violent porté par un adversaire, il est endommagé ainsi que les flèches qu’il contient. Succombant sous le nombre, il ne trouve son salut que dans la fuite. Il a peut-être lui aussi porté des coups sévères à un ou à plusieurs adversaires dont la colère redouble, et, voyant leur proie s’enfuir, décident de le traquer comme un animal. Le temps qu’ils se réorganisent, Ötzi a pris de l’avance sur eux. Mais où peut-il aller pour échapper à ses poursuivants, il pense à la montagne, le terrain lui est familier, car durant la bonne saison, il y mène ses bêtes, il n’a d’ailleurs pas d’autre choix. Les chasseurs sont plus jeunes et plus rapides que lui, et il souffre de la blessure de sa main droite ainsi que de la fracture de son poignet, lui interdisant désormais d’engager un combat avec ses adversaires plus déterminés que jamais. Au cours de la poursuite, Ötzi se trouve un moment à portée de flèche, l’un de ses adversaires lui en décoche une alors qu’il tourne le dos et le touche à l’omoplate gauche, provoquant la blessure que nous connaissons. Il est possible qu’Ötzi ait tenté d’enlever cette flèche, mais sa pointe ébranlée par le choc ou mal fixée, reste dans la blessure. Les conditions climatiques se sont dégradées entre-temps et une neige dense tombe, limitant fortement la visibilité, effaçant les traces au sol. Les poursuivants dépités comprennent qu’ils ne le retrouveront plus et abandonnent la traque. Ötzi parvenu dans la montagne, se doute bien que ses adversaires ont lâché prise à cause de la tempête de neige, il souffre, il a froid, ses blessures l’ont fortement diminué, il est à bout. Ne pouvant plus continuer à marcher, il trouve un abri sommaire contre le vent glacé en se dissimulant dans une excavation naturelle du sol. La neige commence à le recouvrir, il est fatigué, il a besoin de dormir, il se laisse aller puis sombre peu à peu dans un état semi-comateux. À plus de trois mille mètres d’altitude en montagne, le gel transformera très vite la neige recouvrant Ötzi en sarcophage de glace. Ainsi protégé contre les agressions externes de l’environnement il ne refera surface que plus de cinq mille trois cents ans plus tard.
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L’ÂGE DU CUIVRE (CHALCOLITHIQUE OU ÉNÉOLITHIQUE).
Cuivre et pierre. Comme son nom le dit, cette période, le Chalcolithique ou Énéolithique, se partage entre la continuation du travail lithique qui reste dominant, et l’apparition de nouveaux matériaux, le cuivre, mais aussi l’or. Le passage progressif d’une stratégie alimentaire fondée uniquement sur la collecte de denrées dans le milieu naturel, à une économie plus diversifiée où l’agriculture et la domestication d’animaux permettaient aux hommes d’être moins tributaires du milieu dans lequel ils évoluaient ; a été peu à peu suivi de modifications socio-économiques importantes. Dès lors qu’il y eut agriculture, élevage et sédentarisation, les populations se regroupèrent pour former des communautés villageoises. La relative stabilité des habitats en même temps que les nécessaires regroupements périodiques pour des travaux en commun ont contribué à susciter des structures sociales complexes et à faciliter l’émergence de « chefs » ainsi que de détenteurs de savoir-faire spécialisés. Une vie communautaire poussée, liée à la reconnaissance d’individus (ou de lignages) privilégiés, va retentir sur les comportements funéraires, sur la perception du sacré ainsi que sur la définition des identités collectives. Des progrès techniques constants, une diversification et une spécialisation progressives des activités, permirent d’accroître la productivité, ce qui a d’ailleurs engendré une poussée démographique. L’essor inexorable de ces sociétés conduisit à l’avènement de la métallurgie du cuivre, d’où le qualificatif de « chalcolithiques » pour ces civilisations du cuivre.
Dès 4 500 avant notre ère, les hommes du Levant s’aperçoivent qu’en faisant fondre certaines roches (il s’agit de minerais), ils obtiennent un matériau mou et malléable à chaud, qui devient résistant et très dur en refroidissant. Quand il est bien modelé à chaud, ce matériau (le métal) est plus efficace que la pierre taillée ou polie. Les premiers essais se résument au travail par martelage du minerai rendu mou par une chauffe, mais bientôt, la maîtrise des températures élevées rendit l’homme capable de fondre des métaux de plus en plus résistants.
Le cuivre natif était chauffé pour le séparer de sa gangue dans les fours à poterie. Puis les progrès des fours permirent le moulage, ainsi qu’en témoignent des creusets iraniens, dès le IV millénaire avant notre ère. Il s’agissait cependant plus de fosses que de fourneaux.
L’art chalcolithique.
Le travail de la pierre se poursuit, avec en particulier la réalisation de très belles haches en silex, plates et allongées. En cuivre, on trouve des poignards, mais aussi des parures (tant féminines que masculines). La céramique cordée est caractéristique de cette période, en particulier des gobelets à hauts cols en entonnoir (typique du nord de l’Europe).
Comme pour la période précédente, l’art semble s’être cantonné à l’embellissement de l’individu et des objets usuels. Ciselures et travail des formes témoignent d’une recherche esthétique pour les produits de tous les jours, même si le chalcolithique moyen semble avoir été plus fruste en Europe occidentale que les deux autres périodes. On trouve dans les sépultures, des feuilles d’or et d’électrum, ce qui atteste d’un certain raffinement. N’oublions pas enfin que cette impression d’absence ou de peu d’importance de l’art, n’est peut-être que la conséquence de la perte des objets en matériaux périssables.
En fait, le passage au Chalcolithique se définit surtout par une différenciation sociale de plus en plus marquée ; visible notamment au travers de l’apparition de tombes riches et d’objets de prestige, de la construction de fortifications autour d’agglomérations structurées, l’apparition de temples et de sanctuaires et d’un réseau de commerce à longue distance. Pour transporter le minerai qui était rare, des réseaux d’échanges à l’échelle de l’Europe et de l’Asie centrale s’organisent.
En ce qui concerne le plan social, l’âge des premiers métaux semble donc marqué par une accélération de la hiérarchisation de la société. Les guerres de l’époque néolithique deviennent plus fréquentes, et la course aux armements permise par la maîtrise du métal justement.
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LES ARYENS OU INDO-EUROPÉENS.
Ce concept est né d’une constatation. Les langues de la quasi-totalité des peuples d’Europe (Slaves, Baltes, Germains, Celtes, Latins, Grecs, Albanais, Arméniens), ainsi que celles de certains peuples d’Asie (Nord de l’Inde, Iran), présentent des similitudes, tant lexicales que morphologiques ; qui ne peuvent s’expliquer que par une origine commune. Depuis le XIXe siècle, les linguistes s’efforcent de reconstituer la langue mère de tous ces parlers, que l’on appelle l’indo-européen commun. L’unité proto-indo-européenne remonte nécessairement à une haute époque très ancienne. On sait en effet que les Iraniens et les Indo-Aryens, deux branches de la sous-famille aryenne, se sont séparés au cours du IIIe millénaire avant notre ère. La sous-famille aryenne (aussi appelée indo-iranienne) était elle-même issue de la scission de l’unité proto-indo-européenne, qui devait donc dater au moins du IVe millénaire avant notre ère. L’existence d’un peuple parlant une langue dite « indo-européenne » remonte donc au néolithique. Nous avons une petite idée de ces civilisations dans les représentations qui nous en restent : par exemple, des guerriers à cheval, avec des haches de combat, des poignards… On en a une idée aussi par le vocabulaire, en particulier celui qui exprime les liens familiaux, où l’on voit que le vocabulaire de parenté demeure centré sur l’homme (le mari), et que la parenté prime sur l’alliance. La famille indo-européenne primitive est patrilinéaire (la succession se fait de père en fils), patrilocale (la femme vient s’établir chez le mari) ; l’unité se fait par les liens de parenté masculins, et le chef est l’homme le plus âgé de la branche aînée. On retrouve une prévalence du même vocabulaire dans les langues latines, germaniques, indiennes, etc. qui ont suivi, en liaison avec les mœurs. On tire aussi des enseignements du vocabulaire religieux, juridique et politique, qui montrent l’existence d’une institution royale disposant de prérogatives religieuses et juridiques. Le lexique est également riche en noms d’animaux domestiques, mais pauvre en noms d’animaux sauvages ou de plantes cultivées, ce qui suggère qu’il s’agissait d’éleveurs, et non d’agriculteurs. La région d’origine se situe au nord de la Mer Noire. Il s’agit de la civilisation dite des kourganes (en russe yamna, anglais pit graves). Le kourgane (mot russe d’origine turque) est un tumulus funéraire, une sépulture collective, contenant parfois des centaines de corps.
Les bardes irlandais qui ont composé le Livre des Conquêtes au Moyen-Âge n’auraient donc pas eu complètement tort en plaçant quelque part en Scythie (sic) le berceau de leurs lointains ancêtres celtes.
De cette région du monde seraient parties trois vagues successives d’envahisseurs, vers l’Inde et l’Europe. Il s’agissait de peuples guerriers, semi-nomades, à la société très hiérarchisée dominée par le chef de famille (le pater familias en latin). Ces hommes vont « rencontrer » les peuples déjà présents sur place en Europe entre 4000 et 3000 avant notre ère. Rencontrer, cela signifie affronter, mais pas seulement ; les deux civilisations vont plus ou moins fusionner, par exemple en ce qui concerne leurs mythologies.
En Russie, sur le cours moyen de la Volga, il a existé une civilisation dite de Khvalynsk, ressemblant à celle de Seredniï Stih II, mais plus ancienne, car datée de –5 000 à –4 500. C’est là qu’auraient vécu les Proto-Indo-Européens. Vers – 4500, ils auraient agrandi leur territoire vers l’ouest, c’est-à-dire vers l’Ukraine, où ils auraient fondé la culture de Sredniï Stog ou Seredniï Stih II. Le principal établissement connu est celui de Dereivka, sur le Dniepr. C’était un village qui fut habité de —4 200 à —3 700. Une sorte de clôture le délimitait. Les archéologues y ont trouvé deux bâtiments rectangulaires, enterrés partiellement, le plus grand mesurant 136 m (sur un autre site, il y avait des huttes semi-souterraines). On peut raisonnablement supposer que ces grandes maisons (existant également dans la civilisation d’Andronovo) étaient en réalité des étables ou des écuries et que les hommes, eux, vivaient dans les huttes. Ce qui attesterait donc la pratique de l’élevage des bovins ou des chevaux, connu de tous les Indo-Européens. Ses habitants cultivaient le blé ainsi que le millet, mais pratiquaient aussi l’élevage, par ordre d’importance des chevaux, des bovins, des moutons et des chèvres, ainsi que des porcs. On mangeait les chevaux, mais un crâne enterré présente une usure des dents due à un mors : cet animal avait donc été monté. Des mors en bois de cervidés ont d’ailleurs été trouvés. Les morts étaient saupoudrés d’ocre et enterrés dans de simples fosses parfois surmontées d’un petit tertre funéraire. Des restes de chevaux ou de bovins les accompagnaient fréquemment. C’est à partir de – 3 500 que les kourganes se
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développèrent véritablement, notamment au sein de la civilisation de Mikhaïlovka (de –3 600 à –3 000) sur le cours inférieur du Dniepr, ou plus au sud dans la péninsule de Crimée. Ces tumuli pouvaient être entourés d’un cercle de pierres, coutume typiquement indo-européenne. Il s’agissait d’une frontière séparant le monde des vivants de l’Autre Monde. La civilisation de Mikhaïlovka fait partie d’un ensemble plus vaste, celle des tombes à fosse (Yamna), datée de –3 600 à – 2 200. À son apogée au IIIe millénaire (la période « Kourgane IV » dans la terminologie de Maria Gimbutas), elle occupait une aire immense, allant à l’ouest jusqu’à l’embouchure du Danube et à l’est jusqu’à la rivière Oural. Elle avait donc une extension de 3 000 km. Une telle civilisation ne pouvait pas être uniforme, différentes variantes sont par conséquent distinguées. Outre l’or et l’argent, le seul métal connu de ces peuples était le cuivre, *ayos-. Ils n’avaient pas de mot pour désigner le fer. La civilisation des kourganes est donc par définition une civilisation du cuivre (elle ne connaissait que la métallurgie du cuivre). À la différence du bronze et du fer, l’artisanat du cuivre semble avoir coexisté très longtemps avec celui de la pierre, sans amener de réels bouleversements socio-économiques dans les civilisations qui le connaissaient. Il est aussi attesté par l’archéologie que l’utilisation du cuivre concerne des civilisations contemporaines et voisines d’autres qui l’ignorent, ou qui possèdent déjà une métallurgie du bronze. La faible incidence du cuivre sur les civilisations préhistoriques peut s’expliquer par les difficultés ou les faibles bénéfices de son exploitation. Recueilli en faibles quantités à l’état naturel, le cuivre natif est martelé avant d’être fondu et moulé à 1 000 °C environ. La production est anecdotique comparée à l’industrie lithique, et concerne principalement des pièces de dimension modeste. À la même époque, les productions lithiques sont aussi souvent plus fines.Certains établissements étaient protégés par des remparts de pierre, mais une pratique intensive de l’élevage, dans les zones de steppe, a pu entraîner l’apparition d’une forme de nomadisme. Un moyen de transport essentiel apparut : les véhicules à roues. Le tout premier a été trouvé dans une tombe, sur le Dniepr inférieur. Il est daté de – 2 900 avec une marge d’erreur de 400 ans. Les ancêtres des Indo-Européens utilisaient donc des véhicules à roues et ils avaient tout un vocabulaire qui s’y rapportait, comme *kwekwlo – « roue », dérivé du verbe *kwel – « tourner ». Tout cela donc a dû stimuler ou favoriser les mouvements de populations qui atteignent, durant le IIIe millénaire, une ampleur exceptionnelle. Il ne s’agissait plus cette fois de la colonisation d’espaces jusqu’ici pratiquement inhabités, mais de la mainmise sur des territoires qui étaient déjà occupés, au moins partiellement. La civilisation des Kourganes s’est alors étendue à la fois vers l’Europe centrale et vers l’Asie, qui explique la répartition des peuples indo-européens. C’est vers l’Asie centrale, territoire des futurs Indo-Iraniens et Tokhariens (actuelle province du Xinjiang en Chine), que cette expansion est la plus nette. Dans leur diversité, ces invasions ont des caractères communs. Elles n’ont jamais mis en branle de vastes peuples de guerriers. Ce sont plutôt de petits groupes hardis, fortement organisés, instaurant leur ordre sur la ruine des structures sociales précédentes. Visiblement ils ne connaissent ni la mer ni les villes. Ils n’ont ni écriture, ni religion compliquée, ni raffinement aucun. Ils conserveront tous, au long de leur destinée particulière, les traits distinctifs de leur communauté première : structure patriarcale de la « grande famille », unie dans le culte des ancêtres, vivant de la terre et de l’élevage ; style aristocratique d’une société de prêtres, de guerriers ou d’agriculteurs ; cultes de la nature et sacrifices royaux (dont le plus significatif est celui du cheval, l’asvamedha védique, l’epomeduos celtique) ; instinct conquérant et goût des grands espaces ; sens de l’autorité ainsi qu’attachement aux biens terrestres. Les hommes de Sredniï Stog ou Seredniï Stih II étaient en relation, à l’ouest, avec la civilisation de Cucuteni-Trypillia (Tripolié en russe) ; qui s’est constituée en Roumanie dès le VIIe millénaire et s’était développée vers la Moldavie ou le sud-ouest de l’Ukraine. Des civilisations situées plus à l’ouest, le long du Danube, lui étaient apparentées, comme celles de Gumelnitsa (en Roumanie) et de Vintcha (en Serbie). Il s’agissait d’une civilisation technique très évoluée, qui avait de véritables villes : l’une d’elles couvrait 400 hectares et comportait 2 700 maisons. Certaines de ces habitations comportaient des étages. On a trouvé des ateliers de potiers sur le site et même une sorte de quartier artisanal. Les températures de cuisson pouvaient atteindre 1 200 °C. Une application de poudre de graphite ou d’or était réalisée sur certains vases. Des bâtiments de culte sont attestés. Des statuettes féminines prévues pour être fixées debout sur des socles ont également dû avoir une signification cultuelle.
Les hommes des Kourganes ont donc interrompu le développement d’une civilisation qui aurait pu avoir un très bel avenir, mais n’étaient-ils pour autant que des « barbares » comparés aux hommes du Danube ? Le degré de civilisation ne se mesure pas seulement à
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l’aune des réalisations architecturales ni à la maîtrise de la poterie voire de la métallurgie. Le degré de civilisation peut aussi se mesurer à l’aune de la vie intellectuelle ou spirituelle. Les hommes des Kourganes ont très bien pu avoir des prêtres qui vivaient de manière rustique, mais se livraient à de profondes spéculations philosophiques, tout comme les druides plus tard. L’archéologie ne peut malheureusement pas nous renseigner à ce sujet. Au début, ces premiers Indo-européens semblent donc s’absorber dans la masse des peuples souvent plus civilisés qu’ils soumettent. Un long silence suit leur conquête. Mais bientôt, de l’ordre nouveau qu’ils fondent jaillit une civilisation, d’abord chargée d’éléments locaux, puis se développant par la suite en formes toujours plus neuves et audacieuses. Une force inventive marque ces créations, auxquelles la langue des maîtres confère l’expression la plus achevée. L’appropriation du sol par des envahisseurs toujours plus nouveaux, mais tous issus de la même souche, crée ainsi les conditions d’une organisation politique souple et assimilatrice ; les foyers d’une civilisation assez vigoureuse pour survivre à ceux qui l’ont élaborée, assez originale pour imprégner durablement même ce qui s’y oppose. (E. Benveniste. Citation d’après mes brouillons, de notes). Ces vagues de peuplement marquent le début de l’indo-européanisation de l’Europe centrale. Venus parfois de régions assez lointaines, dotés d’un armement performant, ces hommes faisaient preuve d’une grande mobilité. Ils possédaient une culture collective très structurée qui renforçait leur cohésion et assurait leur prestige auprès des populations indigènes rencontrées en chemin. Ce changement économique s’accompagne d’une restructuration des garants surnaturels de ces sociétés. Ces dernières rejettent les idéologies de leurs voisins néolithiques, où le culte de divinités féminines paraît jouer un grand rôle. Et renforcent le pouvoir de leurs morts en développant un culte des ancêtres illustré par les tombes collectives ainsi que par les offrandes qui accompagnent celles-ci. Après avoir quitté les grandes plaines de l’est de l’Europe, les populations connues sous le nom de « civilisation de la hache de combat » ou « de la céramique cordée » ; considérées généralement comme la principale vague indo-européenne ; s’installent dans différentes régions situées entre la Scandinavie et la Suisse. La civilisation des céramiques cordées ou des haches de combat est une civilisation chalcolithique ou énéolithique (= cuivre) du XXVe siècle avant notre ère, qui s’étend de la Russie à la Pologne, à la Suisse, au nord à la Scandinavie, et jusqu’aux îles Britanniques. Elle est limitée en France aux Vosges et au bassin supérieur de la Saône. De nombreux spécialistes pensent que les peuples de la céramique cordée seraient les plus vieux Indo-Européens connus. La civilisation de la céramique cordée doit son nom à la production de poterie décorée par impression de cordelettes sur l’argile crue (avant cuisson). Leurs haches sont en pierre polie, à perforation centrale. Elles pourraient être des imitations de certains modèles de haches en cuivre. Les populations de la civilisation de la céramique cordée (ou peuples cordés) sont des pasteurs (élevage du cheval) itinérants qui enterrent leurs morts dans des sépultures individuelles sous tumulus. Ils se distinguent par un rite funéraire très strict, différent selon les sexes, où le défunt est accompagné de l’arme de parade par excellence, la hache en pierre polie – parfois en cuivre – ainsi que de poteries formant un service à boisson. Le corps du défunt est en position contractée (position fœtale). L’araire et les bœufs de labour font leur apparition. La roue est de plus en plus utilisée (chars votifs en Hongrie, roues pleines en bois dans les tourbières des Pays-Bas). Ces guerriers à la hache sont attestés dès le IIIe millénaire en Ukraine, en Moldavie, dans les Balkans ainsi que dans la haute vallée du Danube, qu’ils envahissent à trois reprises ; et où ils se mélangent aux populations d’agriculteurs néolithiques, présents dès le VIIe millénaire, déjà très civilisés, vivant dans des villages ou villes, et fabriquant une belle poterie peinte (la première vague indo-européenne selon Colin Renfrew. Voir ci-dessous).Une partie de ces groupes installés en Europe centrale – connue sous le nom de « civilisation du gobelet campaniforme » – poursuivit la progression vers le Couchant et atteint successivement les rivages de l’Atlantique jusqu’au détroit de Gibraltar, les îles Britanniques et la Méditerranée occidentale. Ces habiles métallurgistes, armés d’arcs, jouèrent un rôle essentiel dans la formation des ancêtres directs des peuples historiques de l’Europe centrale et occidentale, notamment des Celtes. Le regroupement de populations connu sous le nom commun de civilisation campaniforme se définit au début par rapport à l’utilisation commune d’un style particulier de poterie, en forme de cloche inversée. L’utilisation de ces poteries pourrait avoir un lien avec la consommation d’hydromel ou de bière.
Du fait de la forme inhabituelle et pratiquement inchangée des poteries sur toute l’aire de répartition géographique de la civilisation campaniforme, cette dernière a donc été attribuée au début à un seul et même groupe de peuplement, qui se serait diffusé en Europe. Diffusion
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par migration et non par acculturation. Au début du XXe siècle, les poteries campaniformes ont été en effet perçues comme l’élément caractéristique d’une seule et même population, qui à travers des vagues d’invasion répétées, aurait apporté le travail du métal, les inhumations en position fœtale et les tumuli. En remplaçant ainsi les précédentes populations néolithiques qui vivaient là.AUTRES HYPOTHÈSES.
Ce type d’interprétation est aujourd’hui abandonné, tant il réduit un certain nombre de changements de civilisation à une seule et même cause, et ce, sur une période de plusieurs centaines d’années. En effet, il n’y a pas nécessairement de corrélation entre une civilisation archéologique et un groupe ethnique précis. Comme il n’y a pas non plus nécessairement de relation bijective entre des objets typiques issus de fouilles archéologiques et un groupe unique de population. En fait, tout matériel culturel ou toute innovation technologique peut très bien se répandre indépendamment d’une population d’origine, par diffusion civilisationnelle suivie d’un phénomène d’acculturation. Il peut s’agir d’une diffusion de proche en proche, de populations proches en populations proches. Mais aussi d’une diffusion à plus ou moins longue distance suivant les réseaux d’échanges déjà en place à l’époque du Néolithique, par exemple pour l’ambre, l’obsidienne ou le sel. Un bon exemple pourrait être celui des échanges liés à la production et à la consommation de bière, tout comme ceux qui sont démontrés par des trouvailles faites le long des routes de l’Europe atlantique. Des analyses de pollens, associés aux mouvements des campaniformes, indiquent une plus grande croissance de l’orge, qui peut être associée au brassage de la bière. Certains archéologues notent que la distribution géographique éparse du campaniforme suit principalement des axes de transports, incluant des passages à gué, des vallées fluviales, des passages montagneux… Le tout suggérant que le style paneuropéen du campaniforme pourrait être originellement dû à des marchands de bronze, qui se seraient installés parmi des populations locales du Néolithique ou de l’Âge du cuivre (Chalcolithique Énéolithique), créant ainsi un nouveau style. Une analyse fine des outils de bronze en usage au campaniforme suggère une utilisation pour commencer de cuivre venant d’Ibérie puis de minerais venant d’Europe centrale et de Bohême ; cela suppose une expansion en deux temps de la civilisation campaniforme, initialement venue du sud-ouest de l’Europe, puis s’étendant par la suite à partir de l’Europe centrale.
L’hypothèse de Colin Renfrew (en gros le contraire). Selon Colin Renfrew, le foyer originel des langues indo-européennes ne se situerait pas au-dessus, mais en dessous de la Mer Noire, en Anatolie (est de l’actuelle Turquie), et ce, dès l’époque néolithique, vers 9 000 avant notre ère. Le « moteur » de l’expansion serait l’invention de l’agriculture et de l’élevage, dans ce que l’on appelle le Croissant fertile. On sait en effet que le passage de l’état de chasseurs-cueilleurs à celui de paysan (agriculteurs-éleveurs) a permis aux populations d’accroître fortement leur nombre. Cela aurait donc engendré une très lente extension (une trentaine de kilomètres à chaque génération), vers l’est et vers l’ouest. L’Europe aurait été atteinte vers 7 000 avant notre ère, ces Indo-européens déplaçant ou assimilant les peuples non indo-européens (de chasseurs-cueilleurs) peut-être cinquante-fois moins nombreux. L’expansion et la diversification des langues indo-européennes suivraient ainsi la diffusion de l’agriculture et de l’élevage : 6 000 ans avant notre ère dans l’Ouest méditerranéen, 5 400 ans avant notre ère en Europe centrale, 3 000 en Europe de l’Ouest et du Nord.
ertile. On sait en effet que le passage de l’état de chasseurs-cueilleurs à celui de paysan (agriculteurs-éleveurs) a permis aux populations d’accroître fortement leur nombre. Cela aurait donc engendré une très lente extension (une trentaine de kilomètres à chaque génération), vers l’est et vers l’ouest. L’Europe aurait été atteinte vers 7 000 avant notre ère, ces Indo-européens déplaçant ou assimilant les peuples non indo-européens (de chasseurs-cueilleurs) peut-être cinquante-fois moins nombreux. L’expansion et la diversification des langues indo-européennes suivraient ainsi la diffusion de l’agriculture et de l’élevage : 6 000 ans avant notre ère dans l’Ouest méditerranéen, 5 400 ans avant notre ère en Europe centrale, 3 000 en Europe de l’Ouest et du Nord.
N.B. Cette hypothèse concorde avec celle du généticien d’Harvard David Reich dans son livre publié en 2018 « Comment nous sommes devenus ce que nous sommes ».
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Cette thèse rencontre néanmoins un sérieux obstacle : aucune langue indo-européenne connue ne semble être originaire du Proche-Orient. De plus, les peuples du Proche-Orient, à l’époque néolithique, ignoraient le cheval. Ils ne pouvaient pas lui accorder l’importance que l’on trouve chez les ancêtres des Indo-Européens (deux mots pour désigner cet animal, toute une mythologie qui s’y rapporte, etc.). Les restes d’animaux domestiques trouvés dans la civilisation des Kourganes proviennent en majorité de chevaux. Par ailleurs, l’existence d’un terme spécifiquement indo-européen pour désigner le cuivre montre que les Proto-Indo-Européens connaissaient ce métal. Les peuples du début du néolithique l’ignoraient.Un fait apparaît immédiatement : la guerre était l’activité principale des ancêtres des Indo-Européens. Les Proto-Indo-Européens se battaient avec des massues, des lances, des arcs et des flèches (les Yuezhi, qui étaient des Tokhariens, et les Scythes, étaient des archers d’une incroyable habileté). Les kourganes ont livré de nombreuses massues, en pierre ou en porphyre, parfois sculptées, ainsi que d’abondantes pointes de lances et de flèches. On a aussi trouvé dans ces tombes de longs couteaux en silex, qui ont plus tard évolué pour devenir des épées. La présence de tout cet armement montre que les hommes des Kourganes étaient des guerriers. Ils devaient, certes, se battre contre d’autres peuples, mais surtout entre eux. C’était pour eux la façon de vivre leur vie, d’avoir une vie et une mort dignes. Une manière de lutter contre soi-même en quelque sorte, de dominer ses peurs et ses faiblesses, voire de se moquer de la mort et donc d’être maître de sa destinée. Valère Maxime : Des dits et faits mémorables, livre II, chapitre VI, 11. « La philosophie des… mais celle des Cimbres et des Celtibères est heureuse tout autant que courageuse. Ils sautent de joie quand éclate une guerre, car ils auront là une occasion d’abandonner cette vie dans la gloire et la félicité, par contre ils se lamentent quand ils sont gravement malades, car ils risquent alors de mourir d’une manière honteuse et misérable. Les Celtibères vont même jusqu’à considérer que survivre à une bataille alors que leur chef y a trouvé la mort est un déshonneur, puisqu’ils avaient promis de le protéger à toux prix, au besoin en donnant leur vie pour lui. On ne peut que louer l’état d’esprit décidé de ces deux peuples, car les Cimbres et les Celtibères estiment qu’ils doivent assurer la sécurité de leur pays et cultiver la fidélité des soldats » (donc ainsi que les soldurii au nord des Pyrénées si nous avons bien compris). Note de l’éditeur. Ce caractère guerrier n’empêchait d’ailleurs pas les Proto-Indo-Européens d’avoir un sens de l’hospitalité très poussé. C’était même chez eux une valeur sacrée. L’Irlande nous a d’ailleurs conservé des lois très précises à sujet (cf. le terme briugu).
Mais le roi était avant tout un guerrier. Les Grecs étaient en guerre deux années sur trois, et leurs cités se battaient surtout entre elles. Le pillage était aussi considéré comme une activité normale : on organisait des expéditions chez d’autres tribus ou d’autres clans. Voler du bétail à un clan ennemi était une manière de vivre beaucoup plus noble que cultiver la terre. Voir tout particulièrement à ce sujet l’épopée irlandaise (l’enlèvement des bœufs de Cooley). Les murailles des Proto-Indo-Européens étaient probablement des levées de terre sur lesquelles des rangées de pieux étaient plantées. Elles entouraient des villages appelés *woikos.
En tokharien B, langue parlée par un peuple aujourd’hui disparu, le roi était appelé walo, terme dérivant sans doute de la racine *welh – « être fort » et correspondant au celte vlatos « souveraineté », ainsi qu’au latin valens « puissant ». Son pouvoir était peut-être plus symbolique que concret. Les décisions importantes pouvaient être prises lors d’assemblées d’hommes adultes, qui étaient tous des guerriers. Il semble qu’elles aient eu d’abord une fonction judiciaire. Le roi incarnait en quelque sorte le pays. S’il était malade ou affaibli, le peuple, voire le monde entier, pouvait en souffrir, et c’est pourquoi l’on n’hésitait pas à éliminer les vieux rois. Le pouvoir des rois était aussi limité par celui des prêtres. Une des caractéristiques fondamentales des Proto-Indo-Européens est en effet d’avoir suscité une classe de prêtres qui s’opposaient aux guerriers. Ils veillaient notamment au respect de la loi. Ils ne vivaient pas au sein de la société, derrière les remparts, mais dans la nature. Leur situation leur permettait de transcender toutes les distinctions entre clans, tribus ou peuples. Hérodote mentionne les Argippaioi, qui étaient certainement des prêtres tokhariens. Ils ne possédaient aucune arme, mais personne n’aurait jamais eu l’idée de les tuer, car ils étaient sacrés, si quelqu’un se réfugiait chez eux, il était à l’abri de tous ses ennemis. Ils vivaient en permanence au pied d’un arbre, qu’ils entouraient seulement d’un feutre en hiver. De même, Merlin, l’archétype du druide qui vivait loin du monde, dans les forêts profondes et les grottes. La tâche principale des prêtres était, bien sûr, de permettre la communication entre les hommes et les dieu-ou-démons. Ils avaient l’exclusivité des sacrifices. Ils étaient les détenteurs du savoir, qui était transmis sous une forme exclusivement orale. La parole était sacrée, voire magique. Ce ne sont pas les Indo-Européens qui ont inventé l’écriture, et
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lorsque d’autres peuples la leur ont communiquée, les prêtres l’ont refusée. Des textes sacrés comme les Vedas des Indiens, ou l’Avesta des Iraniens ont été appris par cœur pendant des millénaires avant d’être notés. Les Proto-Indo-Européens savaient cultiver la terre, mais préféraient l’élevage des animaux. La richesse se comptait en têtes de bétail. On élevait des chevaux, *markos ou *ekwos, des bovins, *gwous, des porcs, *sû-, des chiens, *kwôn-, ainsi que des caprins, mais leur nom en indo-européen commun ne peut être reconstitué. La pratique intensive de l’élevage a entraîné l’apparition de formes de nomadisme : il était nécessaire d’accompagner les animaux lors de la transhumance. Il est possible que le travail de la terre, mal considéré, ait été confié aux hommes âgés ainsi qu’aux femmes. C’était par exemple le cas chez les Germains. Des documents tokhariens mentionnent des femmes et des hommes âgés comme « travailleurs ». En été, chez les Kalash du Pakistan septentrional parlant une langue indo-aryenne, et encore polythéiste, les hommes s’en vont sur les pâturages d’altitude avec leurs troupeaux, tandis que les femmes cultivent les champs, dans les vallées, près de leurs villages. La société des Proto-Indo-Européens était fortement patriarcale, les valeurs viriles étant exacerbées. Elle était patrilinéaire : on était le fils de son père et non pas de sa mère. La religion des Proto-Indo-Européens était cosmique : elle avait pour armature une conception tripartite de l’univers, le Ciel, la Terre et les Enfers. Le grand mythographe français Georges Dumézil a démontré l’existence, chez tous les peuples indo-européens que l’on connaît, de trois fonctions à valeur classificatoire.1. La puissance spirituelle, magique, religieuse ou politique.
2. La force physique s’exerçant principalement dans la guerre.
3. La fertilité-fécondité, la séduction liée à la reproduction et la richesse.
Il n’a cependant pas relié ces trois fonctions aux Trois Mondes, alors que la correspondance entre la troisième fonction et les Enfers est évidente. Les morts « habitent » la terre et assurent par conséquent la fertilité du sol. Voir ce que César a écrit du Touta Dis Pater druidique, dieu-ou-démon des morts et de la richesse. Les prêtres, représentants de la première fonction, avaient un caractère céleste. Leur couleur, le blanc, était aussi celle généralement associée au Ciel. Les Celtes rendaient un culte à leurs dieu-ou-démons dans des bois sacrés, nemeton, dont le nom dérivait de nemos « ciel, voûte céleste ». La clairière était en quelque sorte un morceau de ciel projeté sur terre. Enfin, le fait que la Terre, fondamentalement féminine, ait été liée à la force physique explique les déesse-ou-démones de la guerre (chez les Proto-Indo-Européens, ce n’était bien sûr pas aux femmes de faire la guerre). Cette déesse-ou-démone est reconnaissable en Athéna chez les Grecs, Morrigan ou Bodb chez les Irlandais, Durga chez les Indiens. Un guerrier n’accédait à la royauté que parce qu’il se liait par un pacte solennel avec cette déesse-ou-démone, ou bonne fée, représentée réellement ou mythiquement par son épouse.
QUE DIT LA BIBLE DE TOUT CELA ?
La Bible comme le Coran d’ailleurs, n’étant certainement pas un livre dicté ni même inspiré par Dieu, pour la simple et bonne raison d’ailleurs qu’un tel Dieu ne saurait exister (les onze premiers chapitres de sa Genèse ne sont par exemple qu’une reprise se voulant une amélioration – amélioration très contestable d’ailleurs – des fables sur l’origine du Monde et de l’Homme… selon les Sumériens), mais seulement une compilation très hétéroclite de textes d’époques diverses (mais certainement pas de Moïse) de genres très divers – lois, décrets, romans, proverbes, mythes, fables, pseudo-histoire, etc. – figurant dans la bibliothèque du roi Josias (– 640 – 609) et assemblés ou remaniés à son instigation, voire carrément composés purement et simplement sous son règne par ses scribes (la première version du Deutéronome par exemple. cf. Jocelyn Rochat, journaliste au Matin Dimanche de Lausanne en Suisse et Israël Finkelstein). Nous y reviendrons.
La Bible ne nous est donc pas d’un grand secours pour retracer l’histoire de tous ces Aryens dont elle ne connaît que les Hittites (les fils de Het) ou Hivites, les Hourrites ou Horites, les Philistins, et autres (les Périzzites et les Girgashites restent, eux, par contre, plus mystérieux).
Quelques Jébuséens célèbres.
D’après le livre de la Genèse, le roi de Jérusalem du temps d’Abraham aurait été un dénommé Melki-Sédeq, et tout en étant roi il était prêtre également. Josué nous sera décrit plus tard comme ayant défait un roi jébuséen nommé Adoni-Sédeq. La première partie de leur nom signifie respectivement roi et seigneur, mais bien que la seconde partie de leurs
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noms puisse être traduite par « juste » (ce qui nous donnerait comme noms « mon roi est juste » et « mon seigneur est juste », la plupart des spécialistes pensent qu’il s’agit d’une référence à une déité appelée Sédeq, qui était le principal dieu adoré par les Jébuséens (ce qui nous donnerait alors comme noms « Mon roi est Sédeq » et « mon seigneur est Sédeq ». Certains auteurs pensent donc que le temple de Salomon fut simplement une évolution quasiment naturelle du sanctuaire païen de Melki-Sédeq.Un autre Jébuséen, Arauna (connu sous le nom d’Ornân dans le livre des Chroniques) nous est présenté dans les livres de Samuel comme ayant vendu son aire de battage au roi David, aire de battage sur laquelle ce dernier aurait ensuite élevé un autel, qui serait peut-être devenu le cœur du temple de Salomon. Arauna signifie « le seigneur » en hittite, et c’est pourquoi la plupart des spécialistes pensent qu’Arauna aurait été un autre roi de Jérusalem ; certains auteurs pensent même que la mention d’Adonias est, en fait, une référence à cet Arauna, la lettre hébraïque r ayant été changée en d. Le récit est lui-même de toute façon considéré comme étant étiologique et donc d’une historicité douteuse.
Ailleurs dans la Bible, les Jébuséens nous sont décrits d’une manière qui suggère qu’ils adoraient le même Dieu (El Elyon) que les Hébreux. Certains savants sont même allés jusqu’à émettre l’hypothèse, comme Sadoq n’apparaît dans le texte de Samuel qu’après la conquête de Jérusalem, que ce fut en réalité un prêtre jébuséen coopté par les Hébreux.
Les Livres des Rois rapportent, une fois que Jérusalem fut devenue en quelque sorte la capitale des Hébreux, que les Jébuséens survivants furent réduits à l’état de serfs par Salomon (qui apparemment ne connaissait pas encore le Dieu d’amour). Mais il ne s’agit peut-être là que d’une légende étiologique destinée à fournir une explication à l’institution du servage dans la cité. Quoi qu’il en soit on ignore ce que devinrent par la suite les Jébuséen, le plus simple est d’imaginer qu’ils furent alors assimilés. Les tenants de l’hypothèse jébuséenne avancent qu’ils finirent par constituer une faction importante du royaume de Juda, comprenant des notables comme le grand prêtre Sadoq, le prophète Nathan, ainsi que Bethsabée, la reine mère du roi Salomon. Si l’on en croit cette hypothèse, après la disgrâce d’une faction rivale lors du conflit pour la succession du roi David, la famille de Sadoq le Jébuséen serait devenue alors le seul clergé officiel de Jérusalem. La filiation aaronide attribuée à ce Sadoq serait une interpolation tardive et anachronique. Les Jébusites (les fondateurs de Yeroushalimou/Jérusalem = ville du dieu-ou-démon Shalem) sont peut-être à rapprocher des Hittites ou des Iapodes/Iapyges (un peuple celto-illyrien). Ils constitueraient donc eux aussi, et comme les Philistins, un rameau des « Peuples de la Mer » s’étant aventuré en Méditerranée orientale. Ce qui est certain en tout cas, c’est que ces Jébusites païens ont bâti leur ville (Our Shalem, la ville du dieu-ou-démon Shalem, un dieu-ou-démon cananéen du soleil, du crépuscule, ainsi que de l’étoile du matin : Vénus) à côté d’une célèbre source guérisseuse ; qui leur survivra même après son occupation par les bandes armées du roi David conduites par Joab. Ainsi que le prouve le témoignage de l’évangile selon Jean 5, 2-4. « Il existe à Jérusalem une piscine appelée la piscine des brebis [Bethesda, Bethzeta, etc. des fouilles archéologiques ont permis d’en dégager les ruines. N.D.L.R]. Un ange du Seigneur [le dieu-ou-démon de cette source guérisseuse donc, N. D. L. R] descendait par intervalles dans la piscine ; l’eau s’agitait et le premier qui y entrait, après que l’eau avait bouillonné, se trouvait guéri, quel que soit son mal ».
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Le hittite est l’une des premières langues identifiées, vers 2000 avant notre ère, suivi à l’est par l’indo-iranien, qui a engendré le persan et l’hindi. Le schéma classique correspond à la théorie de la migration. Il s’appuie sur la découverte d’une civilisation homogène, celle d’un peuple issu des steppes de l’Asie centrale, dont on a des traces au VIe siècle avant notre ère. Ces « Cavaliers des Steppes » vont ensuite se répandre vers le sud en conquérant les Asianiques d’Anau ; la fusion de cette partie des Proto-Indo-Européens et des sédentaires vaincus engendra les Aryas.
En 2017 Russel Gray, de l’Institut Max Planck (évolution linguistique et culturelle) a d’ailleurs situé l’origine des Indo-Européens il y a 8000 ans quelque part entre l’Anatolie orientale l’Arménie ou l’Iran. Pour mémoire Anau n’est qu’un site secondaire de la civilisation de Namazga (Kopet Dag, en Iran).
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Signalons néanmoins que cette hypothèse de Russel Gray sur l’origine des Indo-Européens est ultra minoritaire. Une chose est certaine, dès le début du troisième millénaire il n’y avait plus de race pure dans cette région du monde ; alors que les territoires de ces populations devaient pourtant bientôt être appelés « Airyanam vaeja » dans les écritures avestiques iraniennes, « Aryavarta » dans les écritures védiques indiennes, autrement dit l’Arie ou Arianie : la Patrie des Aryas. Au Xinjiang, en Asie centrale, les Indo-Européens se maintiendront jusqu’au Xe siècle avant notre ère, malgré les Mongols et les Chinois. En Inde, lorsque Alexandre le Grand arrive sur les rives de l’Indus, ils y sont installés depuis plusieurs siècles. Ainsi, leurs conquêtes s’étalent aussi bien dans le bassin oriental que dans le bassin méditerranéen. Ces invasions indo-européennes indiquent la fin des âges lithiques et marquent le commencement des âges du cuivre et du bronze. À l’ouest, on trouve le grec dès l’époque mycénienne (au XVe siècle avant notre ère). On situe avant l’âge du fer (VIIIe siècle) la séparation des langues italiques (latin, sabin, etc.) et des langues celtiques.
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LE CAS LIGURE.
Des habitants primitifs de l’Europe occidentale, peut-être parents des Chasséens, ou des Campaniformes ; ou des Indo-Européens ; détachés du groupe primitif de la Russie du Sud plusieurs siècles avant l’éclatement général.
Les Chasséens décoraient aussi les pierres : à l’ouest du Rhône, ils gravaient des rochers alors qu’à l’Est ils peignaient plutôt les parois des abris (ces parois étaient majoritairement exposées au sud et de couleur orangée).
Les Ligures (peuples des statues-menhirs) sont probablement les descendants des Chasséens mêlés de Mégalithiques venus des côtes atlantiques.
À la fin de la période mégalithique, ces peuples enterraient leurs morts dans des « tombes rondes ou ovales à blocs de pierre » entourées d’un muret de pierres sèches (avec puits sans couloir d’entrée).
Vers 2200 avant notre ère les Ligures adoptent l’usage des poignards triangulaires en cuivre et des gobelets campaniformes. L’élevage du cheval sera également introduit à cette époque et les dolmens seront peu à peu remplacés par des tombes à coffres de pierres sous tertre (tumulus).
Comme tous les Asianiques, les Ligures adoraient la grande déesse. Ils adoraient aussi le dieu-taureau du mont Bego ou le dieu-cerf de Val Camonica (les Celtes donneront le nom de « Cornunnos » aux deux formes de ce dieu). Ils connaissaient aussi le serpent à tête de bélier, version occidentale de la vipère cornue vénérée en Orient.
— 1800 : l’Empire des Ligures. Pays colonisés : on les retrouve là où le nom des fleuves contient la syllabe ar, et où le nom des localités se termine par sk. Allemagne, Suisse, France, Angleterre du Sud, Irlande, Italie du Nord et du Centre, Corse, Italie du Sud et Espagne, seront colonisées au millénaire suivant.
Sur la rive gauche de la basse vallée du Rhône, apparaissent ensuite des gobelets campaniformes bas décorés de motifs pointillés géométriques. Ils témoignent peut-être de l’infiltration d’une tribu étrangère (les Celtes Ségobriges ???).
Ensuite la région sera infiltrée petit à petit par les Celtes venus du Nord avant d’être enfin définitivement soumise par les Romains.
Les Ligures disparaîtront alors entièrement. Il est possible cependant que les Basques soient les descendants d’une de leurs tribus : les Vascons.
Apport civilisationnel : la charpente (ils avaient des maisons en bois). Sépultures : individuelles sous la maison.
Autre hypothèse.
Les auteurs antiques se sont représenté les Ligures comme une strate antérieure à l’arrivée des Celtes. Il en a résulté la formation d’un terme mixte dont le succès moderne a largement dépassé le succès antique. Strabon lui-même avouait que la réunion des termes Celtes et Ligures avait été construite de toutes pièces « à cause de l’ignorance où l’on était ». Bien souvent, dans les écrits antiques, les termes mixtes constituent un « moyen de résoudre les contradictions entre deux traditions issues d’états différents du savoir ». C’est pourquoi les écrits scientifiques les plus récents s’accordent sur le fait que ce terme « Celto-Ligures » ne recouvre aucune réalité. Les progrès récemment effectués par la linguistique ont permis de réétudier tout un pan des recherches sur les Ligures. On ignore encore presque tout d’une langue qui aurait été « ligure » et à laquelle on attribue tous les noms que l’on ne peut rattacher aux langues mieux connues. Cette attitude n’est pas récente, mais le corpus qui en résulte s’est considérablement réduit du fait de ces progrès de la linguistique et aujourd’hui, de nombreux noms que l’on croyait « ligures » sont traduits grâce à nos connaissances sur le celte. Prenons l’exemple des ethnonymes : on pourrait penser qu’une tribu dite « ligure » dans les textes antiques posséderait forcément un nom ligure, cependant, la plupart de ceux que les auteurs antiques qualifiaient de « Ligures » portaient en fait des noms celtiques. De plus, actuellement, plus aucune inscription n’est attribuée dans son intégralité à une hypothétique langue ligure. Il paraît de plus en plus certain que les régions prétendument ligures de Gaule du Sud et d’Italie du Nord possédaient en fait une population celtophone depuis le VIIe siècle avant notre ère. En conclusion, presque tous les noms propres que l’on
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a voulu à un moment ou à un autre, relier à un peuple ligure, sont aujourd’hui traduits par les spécialistes de la langue celtique. Il existe bien sûr un substrat linguistique antérieur à l’occupation celte et perceptible dans certains textes antiques, mais les restes de ce substrat ne correspondent pas vraiment au corpus de noms considérés comme ligures par les auteurs antiques. Il s’agit là d’un substrat que l’on appellera donc simplement préceltique et qui subsiste principalement dans les noms de rivières ou de montagnes. Ces types de noms sont en effet les plus durables, à l’image des éléments naturels qu’ils désignent. Certains chercheurs ont donc été amenés à penser que les Ligures ont eux-mêmes été des Celtes, qui auraient par contre évolué de manière différente de leurs voisins, à cause de leur situation géographique spécifique ainsi que des contacts engendrés par celle-ci. On en vient par conséquent à penser que ce terme de « Ligures » ne reflète pas l’existence réelle d’un peuple bien distinct des Celtes. Si C. Jullian affirmait que les Celtes étaient à l’origine une tribu ligure, on pourrait aujourd’hui voir plutôt les Ligures comme une tribu celtique du Sud. Ni les textes ni l’archéologie ne permettent d’appuyer la thèse d’une invasion celtique récente qui aurait submergé des populations ligures « pures », et de plus, ces Ligures autrefois bien distincts des autres peuples protohistoriques, semblent en fait fortement celtisés. Il existe donc un lien entre les Celtes et les populations protohistoriques méridionales, mais celui-ci doit remonter à un passé plus lointain que ces « invasions celtiques » en lesquelles on a longtemps cru.
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L’ARYANISATION OU L’INDO-EUROPÉANISATION
DE L’EUROPE DU NORD.
Les Finnois de la civilisation de Magelmose prolongée par celle de Kongemose semblent être le matériau humain primitif de la civilisation d’Erteboelle (nom d’un village danois). Erteboelle est une civilisation mésolithique qui s’est développée au Danemark et dans le sud de la Suède de -5300 à – 4200.
La civilisation des vases à entonnoir est une civilisation de l’Europe du Néolithique se développant approximativement de -4 200 à -2 600 dans la même région du monde.
Les apports des méditerranéens de la civilisation mégalithique et des Danubiens de la civilisation de la céramique cordée (des brachycéphales bruns) ont contribué faire évoluer ces peuples vers une civilisation protogermanique nettement individualisée vers 1700 à 1600 avant notre ère.
S’il est admis que la langue germanique est bien une branche de l’arbre généalogique d’une langue indo-européenne, il est prouvé qu’il s’agit essentiellement de l’adaptation simplifiée d’un indo-européen commun, d’après Antoine Meillet, germanisé seulement par le déplacement de l’accent et la mutation consonantique. La langue indo-européenne ainsi altérée par les futurs Germains serait selon Sigmund Feist le protoceltique. Mais d’autres linguistes pensent à la langue des populations de civilisation lusacienne. Antoine Meillet place entre le Ve et IIIe siècle avant notre ère la date de la première mutation germanique qui différencia toutes les consonnes indo-européennes, sauf l’unique sifflante s, mutation analogue à celle qui se produisit dans l’arménien : cette « paresse glottale », aurait marqué l’apprentissage de la langue des conquérants aryens par une population influencée par ses habitudes articulatoires originelles ; et de même l’accent d’intensité mis sur la première syllabe du mot principal de la phrase. Prononciation étrangère à l’indo-européen, qui aurait été une habitude des populations qui « apprirent à parler » la langue indo-européenne qui deviendra le germanique. Comme quoi la réalité des choses, comme l’allégorie de la langue d’Ésope, n’est jamais aussi simple que l’imagine la classe médiatique (par exemple dans la façon dont elle a rendu compte de la guerre en Libye, de 2011).
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DOGGERLAND – 6500 OU ATLANTIDE ?
Mythe irlandais dont on ignore s’il était partagé par les Celtes de Hallstatt qui n’étaient nullement un peuple maritime (et d’ailleurs la linguistique montre que les Indo-européens ignoraient la notion de mer, latin mare, celtique mori, au départ un simple marais pour eux).
Batar Tuathai De Danann i n-indsib tuascertachaib an domuin, aig foglaim fesa & fithnasachta & druidechtai & amaidechtai & amainsechta combtar fortilde for suthib cerd ngenntlichtae. Ceitri cathrachai ir-rabatar og fochlaim fhesai & eolais & diaboldanachtai. i. Falias & Goirias, Findias & Murias. A Falias tucad an Lia Fail bui a Temraig. Nogesed fo cech rig nogebad Erinn. A Gorias tucad an tsleg boi ac Lug. Ni gebtea cath fria no frisinti an bidh il-laimh. A Findias tucad claidiub Nuodon. Ni terládh nech dei o dobirthe asa idntiuch bodhuha, & ni gebtai fris. A Murias tucad coiri an Dagdai [Suqellos Gargant]. Ni tegedh dam dimdach uadh. Cetri druid isna cetri cathrachaib-sin. Morfesae bai a Falias. Esras boi hi nGorias. Uiscias boi a Findias. Semias bai a Murias. It iad sin na cetri filid ocar foglaindsit Tuata De fios & eolas.
Batar Tuathai De Danann i n-indsib tuascertachaib an domuin,
Les dieux de la déesse Danu (bia) étaient dans les Îles au nord du Monde,
aig foglaim fesa & fithnasachta & druidechtai & amaidechtai & amainsechta
Apprenant la science et la magie, et le druidisme, et la sagesse et l’art.
combtar fortilde for suthib cerd ngenntlichtae.
Ils surpassaient tous les sages des arts du paganisme.
Ceitri cathrachai ir-rabatar og fochlaim
Il y avait quatre villes dans lesquelles ils apprenaient
fhesai & eolais & diaboldanachtai
La science, la connaissance et les arts diaboliques.
i. Falias & Goirias, Findias & Murias.
C’est-à-dire Thulé, Gorre, Abalum et Ogygie l’île verte,
A Falias tucad an Lia Fail.
C’est de Thulé que fut apportée la Pierre de Fal.
Nogesed fo cech rig nogebad Erinn.
Elle criait sous chaque roi régnant sur la verte Érin.
A Gorias tucad an tsleg boi ac Lug.
C’est de Gorre que fut apportée la lance qu’avait Lug.
Ni gebtea cath fria no frisinti an bidh il-laimh.
Aucune bataille n’était gagnée contre elle ou contre qui l’avait dans la main.
A Findias tucad claidiub Nuodon.
C’est d’Abalum que fut apportée l’épée de Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd.
Ni terládh nech dei o dobirthe asa idntiuch bodhuha, & ni gebtai fris.
Personne ne lui échappait quand elle était tirée du fourreau de Bodua.
A Murias tucad coiri an Dagdai [Suqellos Gargant].
C’est d’Ogygie l’île verte que fut apporté le chaudron du Dagda [Suqellos Gargant]
Ni tegedh dam dimdach uadh. Aucune compagnie ne le quittait insatisfaite.
Cetri druid isna cetri cathrachaib-sin.
Il y avait quatre druides dans ces quatre villes.
Morfesae bai a Falias.
Marovesos était à Thulé.
Esras boi hi nGorias.
Esras était à Gorre.
Uiscias boi a Findias.
Uiscias vivait sur Abalum.
Semias bai a Murias.
Semias était dans Ogygie l’île verte.
It iad sin na cetri filid ocar foglaindsit Tuata De fios & eolas.
Ce sont là les quatre maîtres de qui les Tuatha Dé tenaient leur science et leur connaissance.
DIODORE DE SICILE. LIVRE IV, chapitre LVII.
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« Beaucoup d’historiens aussi bien anciens que contemporains, dont Timée, disent que les Argonautes, après s’être emparés de la toison… naviguèrent du nord vers l’ouest, en ayant la terre à leur gauche [N. D L. R. Allusion sans doute aux Némétiens, aux Fir Bolg, Gailioin ou autres, dont le souvenir nous a été conservé par la tradition irlandaise]… Comme preuve de tout cela ces auteurs remarquent que les Celtes qui demeurent le long des côtes de l’Océan adorent les Dioscures plus que tous les autres dieux, puisqu’il existe chez eux une tradition remontant à la plus haute antiquité comme quoi ces dieux seraient apparus dans leur pays venant de l’océan [N. D L. R. Allusion aux multiples allées et venues des Tuatha Dé Danann et des autres fils de la Déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère, Danu (bia), évoqués par la tradition irlandaise ?] Et que d’ailleurs la contrée qui borde l’Océan regorge de noms évoquant les Argonautes et les Dioscures ».Ce texte grec est probablement l’ultime écho des mythes pan – celtiques concernant l’Hyperborée ainsi que sa colonisation par les dieu-ou-démons, ou les humains, après de longues pérégrinations maritimes (d’où le rapprochement avec les Argonautes). La seule erreur de Diodore de Sicile est d’avoir pensé que ces légendes s’appliquaient aux régions vraiment habitées par les Celtes de l’époque. Alors qu’elles étaient à rapporter en fait un stade antérieur bien plus archaïque, de notre Humanité, celui des temps hyperboréens d’avant (d’avant le déluge ou le raz-de-marée y ayant mis fin). On se demande bien par contre quels sont les enfants de la déesse ou démone, Danu (bia), ayant pu être vus comme des Dioscures par tous ces auteurs grecs ? Enfin, peu importe ! Ce qui est sûr par contre, c’est que ce fragment de Timée en constitue sans aucun doute la suite chronologique.« Drasidae (sic) memorant re vera fuisse populi partem indigenam, sed alios quoque ab insulis extimis confluxisse et tractibus transrenanis, crebritate bellorum et adluvione fervidi maris sedibus suis expulsos » (Timagène, cité par Ammien Marcellin, livre XV, chapitre IX, 4 à 7).« Les druides affirment qu’une partie du peuple est réellement indigène, mais que les autres ont afflué d’îles très lointaines, et de régions situées au-delà du Rhin, chassés de leurs précédentes demeures par des guerres trop fréquentes, et aussi quelquefois par les inondations dues à une mer déchaînée ». Notes à propos de l’expression « insulis extimis… et… adluvione fervidi maris » qu’utilise Timagène, cité par Ammien Marcellin (livre XV, chapitre IX, paragraphe 4).
Entre – 1 650 et – 1200, notre planète fut affectée par de fortes perturbations sismiques accompagnées de volcanisme actif, avec raz-de – marée concomitants. Malgré cela, l’optimum climatique se maintenant, il semble qu’il y eut, toute proportion gardée, un « Âge d’Or » qui ne dura pas. Il s’installa une chaleur telle que la fonte des glaces arctiques fit monter le niveau des mers, dont celui de la Mer du Nord. En – 1250, c’est la catastrophe. La Mer du Nord rompt le cordon dunaire dont les îles de la Frise jalonnent l’ancien front, au nord de la Basse-Saxe et à l’ouest du Schleswig-Holstein ou du Jutland. Les basses terres sont envahies par la mer, de raz-de-marée en raz-de-marée. Une inondation épouvantable donc (confirmée par l’archéologie, et dont les traditions celtiques, tout comme l’Edda « germanique », gardent le souvenir) déclenchant la panique et des réactions en chaîne causées par la migration éperdue des populations survivantes. Ces exodes migratoires, contrecoup de cette catastrophe, déclenchèrent le mouvement des « Peuples de la Mer » qui fit des vagues jusqu’au Maghreb (origine des fameux Berbères blonds). Trente ans plus tard, alors que ces mouvements se poursuivaient, une explosion volcanique fit voler en éclats l’île égéenne de Théra (Santorin), vers – 1 220. Les Méditerranéens eux aussi bouleversés se mirent en branle à leur tour, amplifiant ainsi la migration des Peuples de la Mer. Indo-Européens et non-Indo-européens mêlés déferlèrent sur l’Égypte, qui avait la réputation d’être un pays de Cocagne à cette époque. D’où aussi un peu plus au nord-est, les fameux Philistins.
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La conclusion de leur long conflit avec les Égyptiens fut leur installation dans la bande côtière située au sud-ouest de la future Palestine, allant de Gaza jusqu’à Tel-Aviv, au XIIe siècle avant notre ère. Leurs cinq cités (Gaza, Ashkelon, Ashdod, Ekron, et Gath) ont dominé la région jusqu’à la conquête assyrienne de Teglath-Phalasar III en -732. Ils parlaient peut-être une langue indo-européenne (le nom servant à désigner leurs princes, seren, a été rapproché par certains linguistes du grec tyrannos) ; mais leurs deux principaux dieux en tout cas, Baal-Zeboub et Dagôn, sont cananéens (ils n’étaient pas racistes pour deux sous !)
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Baal-Zeboub, le maître des mouches (sic) ! On peut comprendre la véritable signification de son nom non pas grâce à la Bible, mais grâce aux nombreux textes d’Ougarit. Il s’agissait en réalité de Baal Zeboul, « Baal-Prince ». Les scribes hébreux ont écrit zeboub au lieu de zeboul pour s’en moquer (bonjour la tolérance religieuse et le dieu d’amour !) ! Chose étrange, on se souvient encore de lui au temps du grand rabbi nazôréen Jésus, mais sous son véritable nom d’origine : Baal-Zeboul (devenu le prince des démons dans les évangiles). Les Israélites eurent toujours bien du mal à ne pas honorer, en même temps que leur propre dieu, cette grande divinité cananéenne de la fertilité voire de la santé. Après une chute du balcon de son palais (2 R 1, 2-16), le roi d’Israël, Ochozias (vers – 853) alla le consulter sur ses chances de guérison.Dagon. Ce nom correspond de toute évidence à celui de Dagan, le dieu du blé, très souvent mentionné dans les textes de Mari. Les Philistins ont donc adopté un dieu local, protecteur du blé, une denrée si importante pour la survie des hommes et des animaux ; seule la prononciation de son nom subit une légère modification. Il était peut-être représenté sous l’apparence d’un homme tenant un épi ou une gerbe de blé à la main dans son temple d’Ashdod.
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Vers – 1200, fin de la période de sécheresse, et retour à un climat tempéré plutôt frais. Commence alors la dernière époque de l’âge du Bronze « lusacien », enchaînant sur celle du « Bronze Moyen ». Pour une grande partie de l’Europe du Nord, ce sera une sorte de redémarrage à zéro après la catastrophe climatique. On peut considérer que les ethnies mères des futurs groupes Thraco-illyrien, Celtique, Italique, Germanique, sont déjà différenciées ; bien que leurs langues soient encore proches du vieux fonds commun européen issu du proto-indo-européen.
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DÉBAT PRÉALABLE.
Il est vrai que je ne suis pas un vrai Français si j’en crois l’idéologie ayant cours à sujet aujourd’hui dans ce pauvre pays : être un vrai Français c’est être (dans l’ordre) : une république (rien que ça !) une terre d’accueil (quelle prétention !) une égalité (quelle abstraction !) la justice sociale (quelle hypocrisie, quelle taqiya !) et ainsi de suite… mais mes ancêtres l’étaient quand même incontestablement en 1635 (Attancourt, en Champagne) et à ce titre bien que n’étant pas un vrai Français je me permettrai de dire (aux vrais Français) ce que je pense de tout ceci ; moi qui ne suis ni une république ni une terre d’accueil à moi tout seul, etc., mais rien qu’un être humain tout simplement, pas un saint ou un ange (normal quoi, de sexe masculin, de plus de 50 ans, postier, divorcé, trois enfants, et ainsi de suite).
Un débat pitoyable et cousu de fil blanc (on voit venir de loin avec leurs gros sabots ses différents intervenants) fait actuellement rage en France à propos de l’idée d’identité nationale. Ci-dessous l’analyse de la notion d’histoire nationale et de ses enjeux par le site internet français Rue 89. Pour la critique de cette pluie de paralogismes qui s’enchaînent à la queue leu leu voir les vrais Français de branche (très bonne, mais aussi très honnête, donc satisfaisante pour l’esprit, image, pour dire Français de cœur) Éric Zemmour et Alain Finkielkraut ; qui ont bien démonté ces paralogismes (ou sophismes ?) de fond.
« Cette histoire… est aujourd’hui obsolète pour décrypter une identité française aux multiples racines postcoloniales et mondiales. D’autre part, et c’est le plus grave, l’idée d’une souche gauloise ethnicise fantasmatiquement la « véritable » nation et nie la diversité raciale et culturelle qui a constamment accompagné la création historique de la France. Le royaume en son commencement au XIIIe siècle juxtapose des pays aux parlers et coutumes différentes. Les Antilles des esclavagistes au XVIIe siècle ajoutent un nouveau volet à cette histoire. Cette lecture conditionne spatialement le passé autour du seul Hexagone, excluant de ce passé tout ce qui géographiquement lui est extérieur, comme les Antilles ou même la Corse. Elle confère à la durée de la présence sur le sol hexagonal présumé « gaulois » une vertu quasi magique au nom d’une antériorité généalogique qui serait synonyme de supériorité… »
Note de l’éditeur : Ouaouh ! Pour être plus concret, voire plus terre à terre, et pour commencer avec Hugues Capet 987 pour ce qui est des langues : au nord le flamand ou néerlandais, au sud le catalan et le basque (Lapurdi), entre les deux l’Oïllitainie (langue d’oïl, ancêtre de la langue française) et l’Occitanie (langue d’oc). Les limites linguistiques entre ces deux grands ensembles ne varieront guère par la suite d’ailleurs, à part dans le centre-ouest (Poitou, Saintonge, Aunis, Angoumois) après la guerre de Cent Ans (recul de la langue d’oc au profit de la langue d’oïl, le futur français). L’acte de naissance de la langue française est généralement considéré comme étant le serment de Strasbourg en 842, mais comme certains auteurs y voient une traduction assez maladroite d’un texte initialement écrit en langue germanique, nous mentionnerons ici la séquence ou la cantilène de sainte Eulalie vers 880 : « Buona pulcella fut Eulalia »…jusqu’à « et à lui nos laist venir par souue clementia ».
Mais la réalité la voici (toujours selon Rue 89).
Populations métissées et langues multiples : pas d’horizon « gaulois ». Ces siècles ont connu, en Europe occidentale, des brassages, des métissages de populations et une très lente transformation des parlers. Dans cette mosaïque de ruralités aux communications difficiles, les langues foisonnent, le latin demeurant celle de l’écrit, des manuscrits, des clercs et des chancelleries. De grands ensembles linguistiques encadrent cette diversité. Au sud, les langues d’oc sont fortement marquées par le latin, sauf l’insolite enclave basque des deux côtés des Pyrénées (atlantiques). Entre Loire et Meuse, les langues d’oïl, brassage de parlers francs, celtes et latin abâtardi, offrent de multiples variétés. Au nord et à l’est, les langues restent germaniques, tandis que dans l’Armor les Bretons immigrés de (Grande-) Bretagne aux IVe et Ve siècles ont (re) celtisé les parlers…
Note de l’éditeur. Mais la fameuse ligne Loth fait plus penser au recul d’une langue celtique au Xe siècle (mais laquelle ?) qu’à celle d’une avancée maximale. Bref, pour Rue 89 même situation qu’avant, mais avec en plus des langues germaniques en Alsace et en Lorraine, le breton dans la partie la plus occidentale de l’Armorique. La situation ainsi décrite correspond néanmoins à un royaume de France déjà bien agrandi. N.B. À toutes ces langues il importe
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également d’ajouter le parler dit franco-provençal (Centre Est de la France, Suisse romande à l’exception du Jura) et nous aurons là un tableau linguistique presque complet (manque le Corse), mais correspondant à un royaume de France qui s’est déjà bien agrandi par le jeu des conquêtes ou des mariages.Au fur et à mesure qu’ils poursuivent leur conquête, les Romains distinguent la Gallia cisalpina en Italie et la Gallia transalpina de l’autre côté des Alpes. Quand César, au milieu du Ier siècle avant notre ère, atteint le Rhin, il décrète que le fleuve est la frontière entre Gallia et Germania. Espace purement géographique, cette Gaule est un territoire morcelé entre des peuples nombreux et César lui-même parle de la guerre DES GAULES (avec Gaule au pluriel). Jusqu’à la chute de l’Empire romain d’Occident, la Gaule est une fiction géographique. Au IVe siècle aucune entité administrative de l’Empire ne porte ce nom.
Note de l’éditeur. Qui veut trop prouver ne prouve rien ! Qui trop embrasse, mal étreint. Il est bien vrai qu’il y avait aussi des peuples celtes ou celtisés de l’autre côté du Rhin et que c’est la romanisation qui a en réalité vraiment séparé tous ces peuples européens. Ceux de la rive gauche du Rhin et ceux de la rive droite. Par contre il y a eu plusieurs tentatives d’empire gaulois. Car les 5 siècles de paix romaine furent en réalité 5 siècles de révoltes contre le colonialisme romain (ou contre l’exploitation éhontée du territoire par Rome, ce qui revient au même).
— Le premier empire gaulois (un serment pro imperio galliarum fut prêté) sera celui de Classicus, Tutor, Civilis, et Sabinus (le mari de la célèbre Éponine) en 70.
— Le second empire gaulois fut celui de Postume de 257 à 267. À Postume succèdera Tetricus de 268 à 273. Puis Probus de 273 à 282. Après, ce Second empire gaulois sombrera dans l’anarchie. Il y aura des empereurs gaulois dissidents (Proculus, Bonosus) et même des empereurs bagaudes : un dénommé Lélien en 283 et un certain Amand (Salvius Amandus) en 286.
— Le troisième empire gaulois fut celui de Carausius de 287 à sa mort survenue en 293. S’ensuivra là aussi une longue période d’anarchie.
— Le quatrième empire gaulois sera celui de Constantin en 407. Appelé plus tard Constantin l’usurpateur pour le distinguer de Constantin le Grand et du pauvre Constantin II. Dès qu’il eût pénétré dans Arles, il fit savoir à Ravenne (la nouvelle capitale de l’Empire romain d’Occident) que la Gaule désormais n’enverrait plus un homme, ne livrerait plus ni même ne vendrait plus, de chevaux ou de ravitaillement, quel qu’il soit ; et que les impôts et les taxes iraient désormais à l’Empire des Gaules.
— Le cinquième empire des Gaules. Début du Ve siècle émergera un autre Maxime qui sera dit le tyran afin de le distinguer de l’autre. Assassiné en 422. Il aura été, mais pendant un temps seulement, porteur du titre d’empereur des Gaules.
— Le dernier empereur gaulois sera le révolutionaire bagaude Tibaton en 436.
Pour plus de détails, se reporter au passionnant livre de Maurice Bouvier (non non non, rien à voir avec la famille de Jackie Kennedy hormis le nom) Ajam ; sur le sujet (un spécialiste d’histoire économique et sociale de l’Antiquité). Fin de la note de l’éditeur. Retour au texte de Rue 89.
« Les grandes migrations de peuples venus de l’est et du nord, qui ont contribué à la disparition de l’Empire romain, font naître de nouvelles configurations aux limites flottantes, les royaumes dits « romano-barbares ». Citons par exemple la Burgondie (future Bourgogne), l’Aquitaine des Visigoths, l’Alémanie, l’Austrasie… Au début du VIe siècle, les Francs – l’un de ces peuples venus de l’est – réussissent, grâce aux succès militaires de Clovis, petit roi de Tournai (future Belgique) soutenu par l’Église, à imposer leur domination sur la plupart des autres royaumes… et sur le dernier pan de l’Empire romain d’Occident, le territoire entre Loire et Somme dirigé par le fils du général Aegidius (ou du patrice Aétius?) capitale Soissons (Syagrius y est vaincu et obligé de l’abandonner à Clovis en 486). Une garantie de l’unité et l’indivisibilité nationale pour les fondateurs de la République. Au XVIIIe siècle, les débats autour des « Gaulois » se modifient en devenant plus ou moins idéologiques. Ancêtres du peuple, ils s’opposent aux « Francs » qui sont les ancêtres des aristocrates. La Révolution voit donc le triomphe des « Gaulois »… Le personnage de Vercingétorix [une sorte de Boudicca continentale] est alors imaginé, à partir d’une phrase ambiguë de César, comme le premier de nos héros (inconnu avant le XIXe siècle). Il entre dans les manuels d’histoire du Second Empire puis de la République [française] ».
Concluons donc et à la suite de Rue 89, mais très prudemment, que le substrat linguistique et culturel celte, bien que dépourvu de toute unité politique, et même raciale au sens strict du terme pouvons-nous ajouter…(il n’existe pas de race française : voir notre fascicule en deux
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tomes publié en 1985 – tome 1- et 1991 – tome 2- intitulé « la vérité sur les races », et celui intitulé « le droit aux origines » publié en 1987-1988 par les Éditions Bretagne Réelle de mon vieil ami Jacques Quatrebœufs)… a jadis et jusqu’au XIXe siècle joué un grand rôle dans la formation de la nation française, qui est au départ un ensemble territorial globalement gallo-roman (catalan, occitan, oïllitain, franco-provençal ou arpitan) pimenté d’éléments divers, un peu comme du sel, voire sensiblement augmenté à sa périphérie… D’éléments non aryens comme les Basques. L’insolite « enclave » de Rue 89. Dite aussi Euscadie. D’Insulaires corses. Rue 89 a raison de ne pas l’oublier. D’éléments germaniques nombreux en Alsace et en Lorraine thioise (Thionville Bitche et Phalsbourg, Nord-est de la France).D’autres éléments germaniques en Flandres. Cf le Nord et l’Est selon Rue 89. Sans oublier le cas vraiment à part que constitue le peuplement de la Bretagne armoricaine, qui lui aussi fait l’objet d’une controverse qui déshonore les intellectuels français (quelle honte !) ou du moins qui ne fait pas honneur à leur intelligence : breton KLT, breton vannetais, gallo.Que dire encore de ce qui précède ? Du moins si nous comprenons bien cette tribune du site internet Rue89. La langue de Molière n’est pas une langue très facile, je le constate tous les jours avec mes correspondants francophones (il est souvent difficile de se comprendre), et je ne suis jamais qu’un petit-fils de la cuisinière du château des comtes ; même si ce dernier abrita aussi un temps Voltaire. Je leur concède donc sans problème maîtriser beaucoup moins bien qu’eux le français de Paris. Il est en tout cas un point sur lequel cette tribune a exactement utilisé les mots qu’il faut : à propos du breton. « En Armor, les Bretons immigrés de (Grande-) Bretagne aux IVe et Ve siècles ont (re)celtisé les parlers… ». Et ce nonobstant l’autre pitoyable débat typiquement franco-français, c’est-à-dire d’une grande vacuité, enfonçant des portes ouvertes, mais n’apportant rien, qui fait aussi rage sur internet en ce domaine. Là aussi, les arguments des uns ou des autres sont cousus de fil blanc, on les entend venir de loin avec leurs gros sabots. Le débat est faussé par des non-dits anti nationalo-britto-néo-druidisme (ou au contraire nationalo-britto-néo-druidiques d’ailleurs) qui empoisonnent toute espèce de réflexion objective. On demeure dans la pure idéologie ! Affirmer que le brittonique n’a rien à voir avec le gaulois sert à la fois les Français pour prouver que le breton est une langue d’envahisseurs venus de Grande-Bretagne semer le chaos dans une région où tout le monde parlait latin (sic) et les Bretons pour soutenir qu’ils n’ont rien de commun avec les Français. Quelques précisions donc ! Les Bretons en question sont des Britto-romains, renforcés de quelques autres Celtes christianisés d’Irlande et d’Écosse. La principauté bretonne, au sens politique du terme, n’incluait au départ ni le comté de Nantes, ni celui de Rennes, ni celui de Vannes, ni le territoire des Curiosolites (région de Corseul). La vérité enfin est qu’il n’y avait que de minimes variantes dialectales entre le celtique continental et le celtique insulaire. Du même ordre que celles pouvant exister entre l’anglais des USA et l’anglais du Royaume-Uni, l’anglais de la reine quoi, ou entre le français de Paris et le français du Canada bien sûr]. Lorsque les Bretons arrivèrent en Armorique, qui n’était pas un désert, ils trouvèrent là des populations rurales parlant la même langue qu’eux. La preuve ! Vers 460, Sidoine Apollinaire indique que la noblesse arverne de son temps commençait juste à parler latin. À une époque où l’Empire romain était à l’agonie ! En 565, Venantius Fortunatus, qui ne fréquente que les gens de cour, se fait expliquer par eux le sens des noms de lieux celtes. Ces nobles-là, tout en parlant certainement latin, comprenaient donc encore la langue indigène. Que dire alors du peuple ?
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DÉBAT PRÉALABLE SUITE.
L’appellation « Celtes » apparaît en premier chez Hécatée de Milet (vers 500 avant notre ère) puis chez Hérodote (vers 450 avant notre ère). Sous la forme grecque « Keltoï ». Ce mot viendrait de l’indo-européen « keletos », rapide, ou « kel-kol », habitant, colon. Le mot « Galate » apparaît dans la littérature grecque en 279 avant notre ère. « Galatie » est le nom de la province d’Asie Mineure où les Celtes ont fondé un royaume. En grec ancien, la Gaule se dit Gallia. Et ce nom désigne d’ailleurs toujours la France (en grec moderne). « Galli » apparaît pour la première fois en – 168 dans les « Origines » de Caton l’Ancien (en tant que traduction latine de « Galates »). Les termes de Gaulois et de Celtes sont au début synonymes. Puis les Romains réserveront le premier terme à une partie des Celtes. Ceux qui étaient installés en Gaule cisalpine (Italie du Nord) et Gaule transalpine (au-delà des Alpes vus de l’Italie, c’est-à-dire grossièrement la France d’aujourd’hui). Au IIe siècle, Dion Cassius traduira Gaulois par Galates et Celtes par Germains (ce qui évidemment est une extension du terme, les Germains étant alors en voie de celtisation). César était déjà conscient du caractère conventionnel de ces distinctions. Nous appelons Gaulois [dans notre langue] « Ceux que nous nommons Gaulois dans notre langue se nomment Celtes dans la leur ». Aujourd’hui, on réserve généralement le terme de « Gaulois » aux habitants de la Gaule à partir du IIIe siècle avant notre ère. Pour les périodes précédentes et les autres zones géographiques, on parle de « Celtes ». Conclusion : ainsi que nous l’avons déjà mentionné, la romanisation a séparé les Celtes de leurs cousins… Germains. Rappelons enfin à nos correspondants ou homologues français plus que patriotes pour ne pas dire d’extrême droite que cette étymologie n’a rien à voir avec le nom du coq (gallus). Il s’agit d’un mauvais jeu de mots faits par… les Romains. Le véritable emblème national des Gaulois était à l’époque l’alouette (ou à la rigueur le cochon sauvage ou sanglier). Le tout sans connotation sexuelle comme dans l’affaire Dominique Strauss-Kahn. Voir ci-dessous 2) !
Pauvre pays pauvre peuple. Ces Français d’extrême droite sont ceux-là mêmes qui ont signé la mort et l’effacement de leur peuple, qui fut jadis une grande nation (La Fayette, Napoléon) ; en envoyant au pouvoir en 2007, avec 53 % des voix, un homme bas et vulgaire bien à leur image, du nom de Nicolas, Paul, Stéphane, Sarközy de Nagy-Bocsa. De toute façon, la France est une nation qui s’est suicidée quelque part au XXe siècle, et que l’on peut considérer aujourd’hui comme faisant partie du passé.
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NOTES.
1) La classe politique et les intellectuels de ce pays sont devenus d’une confondante médiocrité, d’un conformisme ou d’une servilité incroyable envers les idées à la mode. Celles qui dominent ou celles qui font (en quelque sorte), partie de l’opposition de Sa Majesté… diraient nos amis anglais. L’opposition officielle des bien-pensants.
Philosophes (officiels) journalistes ou autres responsables de masses média (ce qu’il y a de terrifiant dans l’expression masse médias, c’est le mot « masse ») ; rabbins, évêques ou pasteurs, écrivains… soutiennent en occultant en censurant, en dénigrant, ou en ridiculisant, toutes les idées contraires ou simplement différentes ; les quelques idées dominantes ci-dessous.
La meilleure façon de construire l’Europe, c’est de la fonder sur le plus grand commun diviseur pouvant exister parmi les hommes, l’économie, donc l’égoïsme. Surtout pas sur une grande idée ou un grand idéal comme lors des révolutions de 1776 ou 1789. Résultat : l’Union européenne n’est toujours qu’un marché Commun sans âme.
La Russie n’est pas Européenne ! N’a rien à voir avec l’Europe. Il faut systématiquement lui être hostile, et s’en méfier, et surtout pas vivre en paix ou harmonieusement avec elle. Voir l’ahurissante ignorance (confinant à l’aveuglement volontaire ?) ou la mauvaise foi, du traitement médiatique de la partie d’échecs ayant opposé la Géorgie et la Russie en 2008. Ahurissant, ahurissant ! Moi j’ai vu la mine que faisait Nicolas Sarkozy en sortant de la négociation, comment peut-on parler de succès de sa part à ce moment-là ?? Il avait l’air de quelqu’un qui vient d’avaler une couleuvre. Et la conférence de presse qui a suivi l’a bien très mis en évidence (elle avait dû être arrangée pour ça par les Russes d’ailleurs).
La Turquie, elle, par contre, est européenne, et il faut donc absolument qu’elle soit le plus rapidement possible intégrée dans l’Union européenne. Comme Israël et le Maroc. Bref comme tout pays de la planète satisfaisant aux critères sociopolitiques requis.
Tout le monde doit être musulman, ou promusulman, ou à tout le moins neutre en ce qui concerne l’islam. Et surtout pas appeler un chat un chat quand il s’agit de cette aliénation religieuse emprisonnant deux milliards de nos frères humains. Quand des faits ne vont pas vraiment clairement dans ce sens, vite glisser dans le débat l’affirmation toute théorique ou très contestable que cela n’a rien à voir avec l’islam, le vrai, d’après telle ou telle autorité (autoproclamée ou pratiquant la taqiya) en la matière… Que d’après un tel ou un tel l’islam ce n’est pas ça ! Argument : l’islam est une religion naturelle admirable, et seuls sont à condamner certains des extrémistes qui déforment son message originel. Qui est, lui aussi, admirable de paix, de douceur, de tolérance et de liberté (voir le saint Coran).
A contrario, athées agnostiques ou non-adeptes des religions du Livre (mais de 12 comme les Fénianes) sont des êtres humains n’apportant rien à l’Humanité, à l’humanisme, à la philosophie, ou à l’éthique, et dont on pourrait par conséquent très bien se passer ; quand ce ne sont pas purement et simplement des éléments nuisibles à oublier, censurer ou éliminer par les tribunaux. On appelle ce genre d’individus des islamophobes et l’islamophobie, « ce n’est pas bien » ! Dixit le Président).
N.B. Eh oui ! L’islam fait partie des nombreux tabous du journalisme ou des médias français, au même titre que l’immigration, l’identité nationale, le libre-échange total avec la Chine, le changement climatique, la décroissance inéluctable qui nous attend, et ainsi de suite (la liste de ces tabous est longue en France).
La meilleure façon pour l’Europe de préserver son identité ainsi que son âme ou son esprit ce n’est pas d’adopter une langue internationale neutre comme langue de communication ou pour les lois européennes (par exemple l’espéranto), mais d’adopter l’anglais comme langue officielle.
La France, c’est la liberté, l’égalité, la fraternité, les droits de l’Homme, l’accueil, l’immigration… et rien d’autre. La France ce n’est surtout pas Guillaume le Conquérant, les romans de la Table ronde, Jeanne d’Arc, Versailles, le champagne et La Fayette. La France, la vraie, ne commence qu’en 1789. Avant ce ne sont pas de vrais Français. Ce sont des Français de seconde zone, indignes d’intérêt ou de commentaires (positifs) et pour tout dire des consanguins dégénérés ; n’ayant pu survivre que grâce au métissage avec des races dont ils n’auraient pu se passer pour continuer à exister (mentalité d’éleveurs de bétail de
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chiens ou de chevaux croisant leurs bêtes). Ce dénigrement systématique de la France et des Français ou racisme anti-français ne se développe pas qu’en Amérique, il se développe aussi de façon exponentielle depuis 50 ans en France même !Et tout le monde est beau, est gentil et intelligent, à quelques exceptions près ! Ceux qui ne sont pas le moins du monde papistes ou idolâtres de Mahomet (isma), si ce n’est de Moïse, les immigrés de la cinquantième ou de la centième génération, ceux qui sont contre le capitalisme financier sans limites, et votre serviteur, etc.
Ne sont donc pas de vrais Français non plus, les hommes et les femmes, les soldats et les paysans, ou artisans, et les marins, qui par leur humble labeur quotidien, ont fait vivre ce pays (ainsi qu’une bonne partie de l’Amérique du Nord du Québec à la Louisiane en passant par l’Acadie) et sa culture. Ah les chansons « cadjin » et La Nouvelle-Orléans…
La culture originelle de ces hommes ou de ces femmes (cuisine, chansons de marins, chansons populaires, feux de la saint Jean, etc.) n’a aucun intérêt. Il faut le plus rapidement possible la remplacer par la culture des autres peuples (on appelle cela un enrichissement culturel. Comme celui des malheureux Indiens qui ont été si enrichis culturellement, qu’ils ont failli disparaître à tout jamais. Qui se souvient que le site de New York découvert en 1524 par une expédition française pilotée par Verrazane – qui l’a baptisé « Nouvelle Angoulême » – a d’abord été « indien » ?).
Le territoire de ce qui allait devenir New York et notamment l’île de Manhattan était occupé au début du XVIIe siècle par des Indiens Lenni Lenapes, improprement appelés les loups par les Français du Canada : une fraction de la nation algonquine. Lenni-Lenape signifie « les hommes véritables » en Algonquin. Les Lenapes se divisaient en trois sous-groupes : les Minsi (totem le loup), Unamis (totem la tortue) et Unalactigos (totem le dindon). Les Lenapes étaient considérés comme les « grands-pères », le peuple fondateur dont tous les Algonquins s’étaient détachés. Les Lenni-Lenapes sont parfaitement représentatifs des Indiens d’Amérique du Nord que les Européens ont connus aux XVIIe et XVIIIe siècles (les Mohicans de Fénimore Cooper). Le long des rivières, ils édifiaient de gros villages entourés de champs collectifs où les femmes cultivaient le maïs, le haricot, la courge et le tabac. Ils habitaient des wigwams en forme de dôme, faits de branchages recouverts d’écorce. Une grande maison commune occupait le centre du village. Les habitations collectives ou cérémonielles étaient rectangulaires, semblables aux « longues maisons » iroquoises ou huronnes. Une forte palissade de bois doublée d’un fossé derrière lesquels pouvaient se dissimuler les guerriers décourageait les agresseurs éventuels. Chaque village était gouverné par un chef choisi pour sa sagesse et assisté par un conseil des anciens (nos modernes États prétendument démocratiques pourraient s’en inspirer). La filiation était matrilinéaire. C’est chez les Lenni-Lenapes que les Blancs ont vu pour la première fois les pipes cérémonielles qui servaient à établir des relations d’échange et d’amitié entre les hommes.
C’est au début des années 1620 que les Lenni – Lenapes et les tribus associées entreront en contact avec les Blancs.
Le clan occupant Manhattan était celui des Manhattes. L’île fut achetée en 1626 par le huguenot français Pierre Minuit, gouverneur de la Nouvelle Belgique. Pour 26 dollars dit la légende (sans doute exagérée).
William Penn sera l’un des rares Blancs à traiter les indigènes avec respect et à tenir parole. En 1738, les colons usent d’un stratagème pour contraindre les Lenni-Lenapes à céder leurs bonnes terres arables et à se retirer plus à l’ouest dans la vallée de l’Ohio. En juillet 1755, ils prennent part à la bataille de la rivière Monongahéla près de Fort Duquesne où, aux côtés des Français, des Chaouanons, Outaouais, Objibwés, Abénaquis, Hurons et Sénécas, ils infligent aux Anglais une sévère défaite (expédition Braddock : 30 morts du côté français , 450 du côté anglais, mais heureusement, ou malheureusement pour les Anglais, Georges Washington en réchappera).
Bref, ces Indiens ont été si enrichis culturellement qu’ils portent aujourd’hui le nom de Delaware (de Georges de la Ware, premier gouverneur de Virginie) ne sont plus que 2000 et n’ont plus à leur disposition qu’un petit territoire qui leur a été garanti par l’état fédéral dans l’Oklahoma (deux tribus).
Certains Lenni-Lenapes ont néanmoins pu demeurer dans le Nord-Est. Ils possèdent, sous le nom de Munsees, une réserve au Wisconsin qu’ils partagent avec les Stockbridges et une dans la province canadienne d’Ontario qu’ils occupent sous le nom de Moraviens.
20 000 âmes en 1600. 4000 en 1700. 16 000 en 2000.
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Autre élément de l’idéologie française aujourd’hui dominante. Ne plus parler d’identité française, mais d’identité républicaine (comme si les États-Unis ou la Chine n’étaient pas eux aussi des républiques, il y a même des républiques islamiques, alors ? ? ? ? !).Répéter en boucle et à l’infini l’information comme quoi une policière nommée Faïda Hamdi aurait giflé un jeune chômeur diplômé appelé Mohamed Bouazizi, à Sidi Bouzid (Tunisie), le 17 décembre 2010. Comme quoi la jeune blogueuse Amina Araf, une homosexuelle de l’opposition a été assassinée le 6 juin (2011) en Syrie. Etc.
« La vérité historique sort rarement de la bouche des hommes d’État. Claude en 48 mentait, devant un auditoire [le Sénat romain] tout à fait d’accord pour accepter ses mensonges » (Maurice Bouvier Ajam. Les empereurs). Grâce à cette nouvelle idéologie française, le vocabulaire de l’Humanité s’est même enrichi de nouveaux concepts du plus grand intérêt. On ne fait plus la guerre (en Libye ou ailleurs), on n’intervient plus en faveur d’une faction contre une autre, « on fait pression pour protéger les civils ». Maintenant me direz-vous, pourquoi larguer des bombes (humanitaires bien entendu) sur Tripoli ou Syrte (ville complètement détruite par l’OTAN) et pas sur Damas afin de protéger les civils syriens désarmés ? Parce que Khadafi, lui, plus fort que Saddam Hussein et ses armes de destruction massive ; grâce au viagra qu’il reçoit par bateaux entiers (et l’embargo alors ?), dispose d’armes de viol massif de ses opposants. Pour ce qui est de la guerre civile en Libye d’ailleurs vue par les journalistes : toujours mentionner les pertes des insurgés, jamais celles des forces armées loyalistes ; ne jamais parler du massacre de certains prisonniers (loyalistes), bien souligner pour ceux qui ne sont pas citoyens libyens (il y en avait) que ce sont des soldats payés par le gouvernement pour faire la guerre, toujours laisser penser qu’ils ont été bien traités (les blessés soignés), etc.
Nous vivons une époque formidable ! La guerre menée en Libye en 2011 par le président français de l’époque aura vraiment été une guerre livrée pour un nid d’alouettes comme celle d’Arderryd au VIe siècle (aurait pu dire Merlin)… Mais qu’on ne s’y trompe pas ! Je ne suis pas pour autant un fan de Khadafi ! Je trouverai par exemple tout à fait normal que la langue et la culture berbères du Djebel Nefoussa (de Nalout à Ghadamès) deviennent aussi officielles en Libye, et même qu’elles aient leur drapeau et leur hymne national (autonomie culturelle dans le cadre d’un État fédéral).
Cette idéologie, car c’est bien d’une idéologie dont il s’agit, et en aucune façon d’une réflexion philosophique en profondeur, mais de tabous ; est devenue si dominante qu’elle passe maintenant pour être seulement une série d’évidences de bon sens. Qui ne se discutent pas (de la langue d’Ésope en effet ils ne connaissent qu’un seul bout !)
L’intellectuel français c’est celui qui découvre une tendance lourde 30 ou 40 ans après sa naissance, et 10 ou 15 ans après les simples citoyens. Quand le sage montre la lune du doigt, l’intellectuel français… regarde le doigt. N’en déplaise à nos correspondants français, la culture française n’est plus aujourd’hui une des premières cultures du monde, mais une culture régionale de second rang, coexistant sur son sol même avec diverses cultures étrangères. Ce que les intellectuels qui gouvernent nos consciences appellent nécessairement au métissage, puisque tout doit être dit métissé aujourd’hui (principe du métissage obligatoire) ; alors que ce n’est le plus souvent qu’une juxtaposition ou une mosaïque de différences. Et que les vrais métissages (tout comme les mouvements migratoires), eux, ont toujours existé, sans être bêtement et inutilement revendiqués à ce point. Exemple les Poulains issus des croisades au XIIe siècle. Voir à ce sujet le film de Ridley Scott sorti en 2005 malgré ses anachronismes idéologiques en ce qui concerne l’état d’esprit de l’époque et son discret racisme anti templiers français (mais si Renaud de Châtillon en 1182 avait pu prendre La Mecque, la face du monde en aurait été changée !) Le phénomène a même existé entre Néandertaliens et Homo sapiens, entre Néandertaliens et Denisoviens !
Comme le dit très bien le dénommé Bardamu intervenant sur le site de Rue 89 le 23/06/2008 à 18 h 33 (car tout le monde n’était pas d’accord avec le contenu de cette tribune). Non, c’est vrai ? Alors Pharamond n’existait pas pour de vrai ? Comme je suis déçu… Sérieusement, à part enfoncer des portes ouvertes, quel est l’intérêt de cet article ? Les origines de tous les peuples sont mythiques, les grands « récits fondateurs » également… Et jusqu’au XIXe siècle, et ensuite à la grande saignée de la Première Guerre mondiale, l’immigration ne joue quasiment aucun rôle dans la démographie française. Je sais bien que la mode est à l' « inexistentialisme », et qu’il est de bon ton de contester qu’il y ait même quelque chose qui ressemble à une « identité française » (hou le vilain mot !), mais convoquer ces pauvres
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Celtes pour les besoins de l’absence de démonstration, au nom d’un cosmopolitisme de pacotille, me paraît vide de sens… Autre paralogisme ou sophisme typique des intellectuels ou journalistes d’aujourd’hui : on ne peut plus raisonnablement parler de Gaulois ou de Romains ni de Francs, car trop de changements sont intervenus depuis ; mais par contre les Français seront toujours Français quels que soient les changements qui surviendront. Or le simple bon sens commande de reconnaître qu’en matière d’évolution, à partir d’un certain niveau de changement, un ethnonyme, un gentilé, perd toute pertinence, et que continuer à l’utiliser induit plus en erreur qu’autre chose et un nouveau nom s’impose (australopithèque, néandertalien, homme moderne, etc.)La vérité, c’est que nous sommes tous des immigrés métissés biologiquement et/ou culturellement ! Mais maintenant que l’on a dit cela, en quoi sommes-nous plus avancés ? Avons-nous fait progresser, ne serait-ce que d’un pouce, la résolution ou l’apaisement des tensions qui tenaillent actuellement notre Humanité (catastrophes écologiques, bouleversement climatique, épuisement des ressources naturelles, obscurantismes et totalitarismes religieux, statut de la femme, inégalités sociales, faim dans le monde, guerres, libertés, loisirs, culture, décroissance…) ???
Moi si j’étais un vrai Français, un Français à 200 % comme ceux d’aujourd’hui, ce n’est pas du tout comme cela que je verrais les choses ; mais heureusement, je ne suis pas un vrai Français au sens devenu habituel du terme. On me l’a suffisamment fait comprendre depuis des décennies et des décennies, par tous les moyens possibles (discours, livres, émissions de télévision, commentaires d’hommes des médias, etc.).
Dieu merci, l’Amérique peut donc dormir tranquille avec de tels « Intellectuels » ou de tels « Européens » (les guillemets s’imposent). Et vive le premier amendement à la Constitution (américaine : celui garantissant la plus totale liberté d’expression) !
2) Les médias US, eux, ont eu raison (et notamment lors de l’affaire de viol ayant mis en cause le Français directeur du Fonds monétaire international en 2011 (D. Strauss-Kahn) de souligner l’incroyable servilité des journalistes français à l’égard de leurs hommes politiques (à part ceux du Front National évidemment). Une loi du silence (omerta)accompagnée de propos indignes (machistes, odieux) ne voulant voir qu’une affaire de sexe librement consenti là où il y avait manifestement viol (toute la différence c’est le consentement) commis sur une pauvre fille par un « gros blanc » un homme qui se croyait tout permis parce que faisant partie des maîtres du monde. Les défenseurs de Strauss-Kahn (dont « l’éminent » Bernard-Henri Lévy, le célèbre auteur de « L’idéologie française », encore une) apparaissent non comme des humanistes raffinés, mais comme les membres d’une clique de personnalités narcissiques dotées d’un sentiment démesuré de ce qui leur est dû (Newsweek. De mémoire. En tout cas c’était l’idée). Michelle Holdberg s’insurge aussi contre les critiques de Bernard-Henri Lévy. Si une justice criminelle refuse effectivement d’accorder un traitement de faveur à un fonctionnaire international étranger riche et puissant accusé d’agression sexuelle sur une femme de ménage, cela doit être porté à son crédit.
Le reste de l’intelligentsia française n’est pas épargnée par cette fronde. De façon générale, pour David Rieff de The New Republic, de Bernard-Henri Lévy à Jean Daniel l’éditorialiste du Nouvel Observateur, en passant par l’éminent avocat des droits de l’homme Robert Badinter, en estimant que Dominique Strauss-Kahn lui-même est la vraie victime de ce drame, les intellectuels français sont allés trop loin (de mémoire. En tout cas c’était bien l’idée). Bref, la France n’en pas, quelle honte pour elle, sortie grandie de ce psychodrame ! Car la présomption d’innocence est bien sûr un acquis important de nos États… de droit, mais cela ne doit pas conduire à faire l’impasse sur la situation ou le ressenti de la victime (elle aussi présumée), même et surtout si elle n’est que femme de chambre.
On ne doit en aucune façon assimiler le viol à de la vie privée, afin de réclamer pour les viols le légitime respect dû à la vie privée entre adultes consentants. Comme si le fait de se livrer à des relations sexuelles non consenties était normal du moment que c’est fait en privé !
Noblesse (véritable noblesse) oblige ! Mais tous ces Français déshonorent la France.… Il est mal vu maintenant d’avoir des idées précises sur ce que devrait être une société idéale, voire même simplement pour réformer, en profondeur, la société, bref un début de programme, commun (des gauches ou des droites), et la plupart de nos politiciens se veulent avant tout pragmatiques. Alors dans ce cas la légitime protection de la vie privée ne doit pas servir de
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prétexte pour cacher des pans entiers de la personnalité des femmes ou des hommes qui aspirent à diriger le pays. Nous n’avons même plus que cela pour choisir. Ce qui est reproché à ce grand socialiste (donc en principe défenseur de la veuve et de l’orphelin) français qui vit comme un milliardaire c’est d’avoir eu, comment dire, un comportement pas très chevaleresque envers une jeune veuve (son mari, fils d’un marabout peuhl, est mort peu de temps après leur mariage) qui travaillait dur pour élever sa fille. La servilité des médias français envers le pouvoir (politique) est également attestée par leur attitude, totalement approbatrice, totalement partiale, sans aucune objectivité, voire même sans aucune intelligence, tout comme celle des politiciens dans l’affaire Strauss-Kahn d’ailleurs (en fait de la propagande, pas du journalisme, mais il est vrai qu’on avait fait pire à l’occasion de la dernière guerre contre l’Iraq, avec l’histoire des armes de destruction massives). Sans oublier les autres tabous de la société française dans les médias : l’islam (on ne peut qu’être pour) l’immigration (on ne peut qu’être pour) l’Europe (on ne peut qu’être pour) le libre-échange total avec la Chine (on ne peut qu’être pour), etc., etc. La liste de ces tabous du journalisme français d’aujourd’hui est longue ainsi que nous avons pu le voir. Mais revenons à nos moutons (pas les journalistes ou les médias, les hommes politiques) !Il faut dire que les socialistes français de cette époque étaient une bien curieuse gauche, la gauche caviar et champagne, style Dominique Strauss-Kahn, dont les cercles de réflexion recommandaient de se désintéresser des ouvriers ou des employés (cf. le rapport de l’association Terra Nova). Ne manque plus que les paysans ! Les positions d’Henri De Man en 1940 (selon Zeev Sternhell) en quelque sorte. Difficile d’être plus en contradiction avec son éthique ou de trahir à ce point ses grands ancêtres. De la part de Bernard-Henri Lévy, je m’attendais à tout effectivement, mais celui qui m’a vraiment déçu en la circonstance ce fut Jean-François Kahn, le fondateur de l’hebdomadaire Marianne (il a osé qualifier ce viol de « troussage de domestique ! »)
Pour mémoire ma mère ne fut jamais que la fille de la cuisinière du château ! Je considère donc que tous ces journalistes français, par leur solidarité de caste, ont vraiment fait du mal à l’image de la France à l’étranger, car le racisme anti-français s’en est donné à cœur joie dans cette affaire : la grenouille s’en sort encore, titrait par exemple le New York Post le 21 mai ! Merci pour ce nouveau déferlement de racisme anti-français * M. Strauss-Kahn !
Le fait que les journalistes et les médias d’aujourd’hui soient un obstacle entre la réalité, toujours complexe et non manichéenne d’ailleurs, du monde (comme la langue d’Ésope), et les citoyens ; fassent écran (ou interagissent comme un prisme déformant donc) entre cette réalité du monde et les simples citoyens (en sélectionnant et manipulant ou commentant de façon non objective l’information, en douce, bien au chaud assis dans leurs fauteuils) explique les dramatiques retards dans la nécessaire prise de conscience de notre humanité, vis-à-vis des grands défis du futur : le changement climatique, la pollution, l’épuisement des ressources naturelles, l’impossibilité d’une croissance infinie dans le monde fini qui est le nôtre, le multiculturalisme qui tourne au zéro-culturalisme, donc la disparition de ce qui fait la richesse de l’Humanité : la biodiversité des langues et des cultures, etc., etc.
* Les expressions utilisées en l’occurrence étaient « dénigrement virulent de la France » et « dénigrement virulent des Français ». Mais revenons à nos ancêtres spirituels, les Celtes, sujet plus intéressant que la France d’aujourd’hui si tant est que l’on puisse encore utiliser ce terme, n’en déplaise à nos amis et correspondants parisiens.
Note des héritiers de Pierre de La Crau : fin du débat préliminaire sur les intellectuels de ce pays.
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ETHNOGENÈSE DES CELTES.Les sources les plus anciennes mentionnent les Celtes comme habitant les régions d’Europe qui vont des Colonnes d’Hercule jusqu’au Danube, au milieu du Ve siècle avant notre ère. C’est-à-dire à peu de chose près l’Espagne, le Portugal, la France, la Suisse, le nord de l’Italie, l’Allemagne et l’Autriche. Cela dit, et ces précautions oratoires ayant été prises, il va de soi que ce n’est pas parce que le mot apparaît au Ve siècle avant notre ère, que la chose (le peuple en question) n’existait pas avant. Les Celtes existaient avant l’apparition du terme « Keltoi » dans la littérature grecque du Ve siècle, cela est certain.
Comme le rappelle fort justement et fort prudemment le grand archéologue Venceslas Kruta dans une étude en espagnol… On peut affirmer aujourd’hui, sans trop de risques de se tromper, que la formation de l’Europe celtique fut un processus engagé bien avant le VIe siècle avant notre ère ; et qu’au moins une partie des civilisations anonymes de la fin de l’âge du Bronze, ainsi que du début de l’âge du Fer de l’Europe centrale et occidentale, devait appartenir à des populations celtophones (Venceslas Kruta. Revista de Guimarães, Volume Especial, I, Guimarães, 1999, p. 51- 85).
Concernant leur origine, deux explications extrêmes sont possibles, sans qu’aucune donnée historique ni archéologique permette de trancher. La théorie impliquant que les Celtes seraient la population autochtone de l’Europe de l’Ouest. La théorie des migrations. Évidemment, la combinaison ou la juxtaposition partielle de ces deux explications est également possible.
La théorie des Celtes autochtones de l’Europe de l’Ouest. Une civilisation à proprement parler « celtique » se serait lentement développée par diffusion culturelle sur un fond de peuplement préhistorique antérieur : dans ce cas, aucun bouleversement ethnique d’importance n’aurait accompagné la « naissance » des Celtes. Reste alors à expliquer le substrat basque en Euscadie et le substrat non aryen des langues germaniques (la place à part des langues germaniques dans la grande famille linguistique formée par les langues indo-européennes, qui fait penser à une indo-européanisation de populations préaryennes plutôt qu’à autre chose).
La théorie des migrations. Une vague de peuplement préceltique ou celtique de l’Europe aurait eu lieu, se superposant à un ou plusieurs peuplements ayant précédé. Le problème qui se pose alors est de savoir quand et à partir de quel foyer de peuplement se seraient produites ces migrations. La théorie des migrations s’appuie sur les caractères communs de la langue et des croyances de la famille « indo-européenne ». Mais certaines données archéologiques dans les régions danubiennes remettent en question la thèse de ces migrations qui n’ont laissé aucune trace. La théorie des migrations peine aussi à expliquer la présence précoce, à l’ouest, de peuples celtiques comme les Celtibères.
Rappels. Colin Renfrew pense qu’il y eut bien, de fait, un foyer indo-européen, mais il aurait été situé à l’est de la Turquie, à l’époque néolithique, au IXe millénaire avant notre ère. Au contact du croissant fertile et de l’invention de l’agriculture, ce foyer se serait développé puis étendu, lentement et progressivement. Vers – 7 000 ces peuples auraient atteint l’Europe en assimilant ou déplaçant vers l’ouest les peuples non indo-européens encore chasseurs-cueilleurs. Dans cette hypothèse, l’extension des langues indo-européennes suivrait donc exactement celle de l’agriculture : 6 000 ans avant notre ère dans l’Ouest méditerranéen, 5 000 en Europe centrale, 3 000 en Europe occidentale. Il n’y a aucune rupture culturelle dans l’aire géographique des Celtes en Europe, les variations de rites funéraires (inhumation-incinération) ne témoignent pas de remplacement de populations, mais uniquement d’évolutions civilisationnelles locales.
Mais Maria Gimbutas, elle, pense que les Proto-Indo-Européens sont partis du sud de la Russie, du territoire des kourganes. Cette civilisation du mésolithique située entre la Volga et les fleuves de l’Oural se distingue en effet par la domestication précoce du cheval. Qui plus est les seuls vestiges de cette civilisation, des tombeaux, dits Kourganes, indiquent qu’il s’agit d’une société patriarcale et très hiérarchisée, fondée, semble-t-il, sur une tripartition, déduite abstraitement par le Français Georges Dumézil, entre classes de guerriers, de prêtres et de pasteurs. Ces Kourganes sont en effet des tombes collectives, ce qui laisse à supposer une immolation des proches (femmes et serviteurs) en cas de décès du maître ; pratiques que l’on retrouve aussi bien dans l’Inde des brahmanes que chez les Celtes.
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Les flux et reflux successifs de ces tombeaux en Europe laissent croire à trois vagues d’invasion. La première remontant à la fin du Ve millénaire avant notre ère (vers – 4200) se serait d’abord limitée au Danube et à la Macédoine, provoquant notamment l’extinction de la civilisation de Vinça (Serbie). Pour autant cette invasion demeurera superficielle : tantôt les autochtones repoussant les envahisseurs comme ce serait le cas des premiers atteints, les peuples de civilisation danubienne, vivant sur les bords du Dniepr, tantôt se faisant assimiler par eux. La seconde vague, qui sera essentiellement le fait de peuples « kourganisés », prendra place un millénaire plus tard (vers –3300) et aura, semble-t-il, plus de succès, puisque la moitié de l’Europe est affectée : Balkans, Italie du Nord et du centre, Allemagne du Sud et de l’Est, Europe Centrale, Turquie du Nord. Si dans les marges, l’indo-européen ne se maintient pas, il s’implante par contre durablement ailleurs. CIVILISATION DE LA CÉRAMIQUE CORDÉE.
La civilisation dite de la céramique cordée est une civilisation du Néolithique final qui s'est développée en Europe du Nord d'environ 3000 à 2200 avant notre ère. Elle doit son nom à ses poteries caractéristiques, décorées par impression de cordelettes sur l'argile crue (avant cuisson).
La culture de la céramique cordée représente un changement culturel majeur en Europe centrale, septentrionale et du nord-est, entraînant des changements dans l'économie, l'idéologie et les pratiques mortuaires.
La civilisation de la céramique cordée s'est épanouie entre la Suisse et la Russie centrale en passant par l’Europe centrale et la Scandinavie méridionale (où elle est appelée « civilisation des haches de combat »).
L'unité des différents peuples qui habitaient ces régions réside dans l’ornementation commune des poteries, la forme des sépultures et l'usage de haches de guerre en pierre polie. Le rameau scandinave, qui se distingue par ses haches naviformes (à lame en forme de bateau), est désigné en allemand comme Bootaxtkultur.
On distingue trois grandes zones aux pratiques plus ou moins homogènes :
-Le bassin méridional comprend le nord-est de la France, la Hesse, l'Allemagne méridionale et la Suisse, l'Autriche, la Bohême, la Moravie, la Saxe et la Thuringe.
-Le bassin nord qu'on peut identifier avec celui des poteries à pied, des tombes individuelles et des villages lacustres occupe l'ouest et le nord de l'Allemagne, les Pays-Bas, le Danemark, la Suède méridionale, la Poméranie, la Prusse Orientale et les pays baltes.
-Le dernier bassin, celui d'Europe orientale, est assez différent des deux précédents.
Les idéologues nazis ont estimé que les populations ayant donné cette civilisation étaient d'origine nordique ; avant eux Gustaf Kossinna avait déjà fait de la civilisation de la céramique cordée le principal facteur de la dispersion des populations européennes, à partir d'un berceau situé en Allemagne du Nord, dans toutes les directions.
Kossina, mort en 1931,ne fut jamais membre du parti national socialiste des travailleurs (allemands) mais d’après Jean-Paul Demoule de par ses méthodes et les présupposés qu'il utilisait fut bien l'un des précurseurs des méthodes utilisées par les archéologues allemands durant la période du Troisième Reich et ses conclusions furent suivies par Alfred Rosenberg, ainsi que par les chercheurs engagés dans les structures qu'il contrôlait.
Les analyses génétiques les plus récentes (2015-2019) ont par contre confirmé les hypothèses des archéologues qui considéraient que la céramique cordée était l’aboutissement d’une migration de populations importantes venues de l'Est. La comparaison de l'ADN de squelettes appartenant à ces deux civilisations a montré que les squelettes de membres des populations relevant de la civilisation de la céramique cordée devaient les trois-quarts de leur ascendance à de des populations relevant de la civilisation Yamna. Cela suggère une migration massive de populations de la steppe pontique en Europe centrale, il y a environ 5 000 ans, qui aurait pu répandre une forme secondaire d’indo-européen commun.
LA CIVILISATION DES VASES CAMPANIFORMES.
La culture campaniforme (en allemand Glockenbecherkultur), est une civilisation qui s'est épanouie en Europe au cours du IIIe millénaire avant notre ère. Période concernée :le Chalcolithique et une partie du Bronze ancien, européen. Elle doit son nom aux gobelets de céramique en forme de cloche retrouvés dans les sépultures.
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L'origine et la diffusion de la civilisation campaniforme demeurent un phénomène fort complexe en raison de son développement dans l'espace et dans le temps. Les analyses génétiques faites au cours des années 2010 semblent néanmoins montrer que son origine est à chercher quelque part à l’est de l’Euope central dans une population issue des migrations de la civilisation Yamna. Cette civilisation se serait diffusée dans toute l'Europe centrale et occidentale à la suite de migrations relativement massives.La civilisation des vases campaniformes, qui couvre toute l’Europe occidentale au IIIe millénaire avant notre ère, serait donc d’origine indo-européenne et pourrait par conséquent être protocelte au sens strict du terme. Certains spécialistes néanmoins ne sont pas de cet avis, et ne voient dans les Campaniformes qu’une évolution de la civilisation de la céramique cordée. Il appartient à chacun de se reporter à ses auteurs préférés pour résoudre cette énigme. Notre seule religion est celle des vérités découlant d’une longue réflexion bien intériorisée, non celle d’une vérité venue d’en haut et révélée à grand renfort de carnyx (trompettes) comme à Jéricho.
Ce n’est qu’à partir de la troisième vague (vers – 2800), de moindre extension que la précédente, qu’ont dû commencer à se fixer les premières langues proprement indo-européennes : les langues aryennes et grecques d’un côté qui vont se tourner vers le sud, les langues italo-celto-germaniques qui vont se tourner vers le nord.
N.B. Il va de soi qu’une telle propagation géographique a dû avoir pour corollaire un début de fractionnement ethnique. La communauté des Proto-Indo-Européens se brise donc alors, et une question se pose par conséquent, à propos du groupe qui va donner naissance aux Celtes, aux Ligures et aux Italiques. Ces Vieux-Européens sont-ils encore des Proto-Celtes ou sont-ils déjà carrément des Celtes ? Cette question en entraîne une autre : et les hommes qui, descendant le Rhin, vont pénétrer dans les îles Britanniques à l’aube du second millénaire, qui sont-ils vraiment ? Leurs tumuli ronds sont des kourganes, donc à tout le moins ce sont des « Indo-européens » ; mais ont-ils déjà toutes les caractéristiques des Proto-Celtes ? Est-il permis d’anticiper quelque peu et de les appeler « Goidels », comme leurs lointains descendants ? À partir de l’arrivée de ces Indo-Européens en Europe de l’Ouest, il est possible de distinguer quelques grandes périodes, mais dans tous les cas les ancêtres des Celtes sont à rechercher parmi les premiers Indo-Européens ayant remonté le Danube et peuplé la région alpine.
L’IMPROBABLE COMMUNAUTÉ ITALO-CELTIQUE.
Certains auteurs ont émis l’hypothèse de l’existence, au IIIe millénaire avant notre ère, quelque part dans les Alpes autrichiennes (au sens large du terme) d’un vaste ensemble humain ayant regroupé les locuteurs des futures langues italiques (dont le latin) et futures langues celtes. La plupart des spécialistes pensent actuellement que le lexique ainsi que les éléments grammaticaux communs à ces deux branches, de la grande famille des langues indo-européennes (les langues italiques et le latin d’une part, les langues celtiques d’autre part) s’expliquent soit par l’existence d’une plus ou moins longue période de communauté linguistique dans cette région des Alpes, après l’éclatement de l’indo-européen commun ; soit par la persistance en leur sein et à cause d’un fort conservatisme linguistique commun aux deux groupes, de racines ou de traits archaïques remontant audit indo-européen commun ; soit par des emprunts mutuels DU FAIT DE LA PROXIMITÉ GÉOGRAPHIQUE. Cette proximité géographique…
Manque ici environ 3 pages.
L’EUROPE DE L’ÂGE DU BRONZE.
Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, l’Âge du bronze a été précédé d’une période de transition appelée Âge du cuivre ou Chalcolithique, voire Énéolithique (2500-1800 avant notre ère). La diffusion de la métallurgie du cuivre se fait par la mer Égée, l’Adriatique et les Balkans. Elle atteint l’Europe occidentale vers -2 500. Vers 1 800 avant notre ère, l’étain est ajouté au cuivre pour donner cet alliage qu’est le bronze. Il est adopté rapidement, car sa métallurgie est plus facile. Mais le bronze ne supplante pas immédiatement et radicalement la pierre : leur utilisation est simultanée pendant un certain laps de temps. Avec ce nouvel alliage, apparaissent de nouveaux objets : bracelets, colliers, premières fibules, épingles ; mais aussi de nouvelles armes telles que des haches, des poignards, des
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hallebardes ou des épées, dans un premier temps. Puis des cuirasses, des casques, des ceintures, des boucliers… Ces armes témoignent d’une période où la guerre et les guerriers, qui peuvent désormais utiliser le cheval et le char, semblent être en faveur. La multiplication des richesses agricoles, mais aussi métallurgiques a dû entraîner des convoitises. À cette époque, le guerrier apparaît vénéré. Au Bronze ancien, il repose avec son armement : poignards, arcs et pointes de flèches. Au Bronze final, il se pare de magnifiques cuirasses, se coiffe de casques impressionnants, et parade sur un palefroi (cheval) lui aussi paré de cuir et de bronze. Les hommes du bronze appartenaient à des peuples de tradition orale. Cependant, à la fin de cette période, toute une série de décors connus sur les poteries semble correspondre à des signes symboliques. Ce sont de petits personnages dansants, des chars, des chevaux, des soleils, des croix de saint André ou de saint Patrice (labarum)… Il semblerait que leur répétition et leur association correspondent déjà à des messages. Durant cette période le commerce se développera, car il faut parfois partir chercher très loin les matières premières nécessaires à la fabrication de cet alliage. L’étain vient de l’Armorique ou de Cornouailles (Sud-Ouest de l’Angleterre) et le cuivre des Alpes ou de l’Europe de l’Est. L’ambre, très prisé, provient des côtes de la Mer du Nord et de la Baltique, puis transite par le Rhin. L’introduction du bronze s’effectue néanmoins sans bouleverser les techniques agricoles ni les coutumes. Le mode de vie reste avant tout rural avec de petites communautés dont les activités essentielles demeurent l’agriculture et l’élevage. C’est à cette époque que l’utilisation de l’araire, ancêtre de la charrue, est attestée. Durant cette période, d’importantes innovations se manifestent dans les rites funéraires : l’ensevelissement des morts sous des « tumulus » révèle l’émergence d’une hiérarchie dans la société. À la fin de l’âge du Bronze, l’incinération fait son apparition : les cendres du défunt sont déposées, avec ses armes brisées, dans des urnes regroupées en cimetières, connus sous le nom actuel de « champs d’urnes ».LA VIE QUOTIDIENNE À L’ÂGE DU BRONZE par Francis Pryor, directeur des fouilles de Fengate et Flag Fen.
Les habitats sont très variés : les archéologues ont retrouvé des traces de maisons rectangulaires, rondes, et oblongues avec des sols pavés ou en terre battue. Dans le Nord, seul l’habitat de plaine est connu, et les villages sont généralement installés le long des cours d’eau. Les maisons sont souvent plus petites qu’au Néolithique et semblent avoir été regroupées en petites unités, ce qui traduit une société plus « individualiste » qu’auparavant. À la fin de l’Âge du bronze, l’apparition de l’insécurité conduit à mieux protéger les villages, et l’on voit donc apparaître des palissades faites de pieux de bois et de grands fossés. La maison de l’Âge du bronze qui a été reconstituée à Villeneuve-d’Ascq dans le nord de la France, d’après des fouilles effectuées à Seclin, est de forme ronde ; influence des Cornouailles où les hommes allaient chercher l’étain dont ils avaient besoin pour le précieux alliage ; avec un petit couloir d’accès s’ouvrant au sud-est. Elle est de taille nettement plus réduite que celle du Néolithique, et sa toiture, couverte de chaume, a une forme conique. Sept poteaux principaux enfoncés dans le sol supportent les chevrons qui se rejoignent au sommet de la toiture. Le petit couloir d’accès possède un toit à double pente et les parois sont recouvertes de torchis. Au-dessus de la porte, un clayonnage non recouvert de torchis permet un renouvellement de l’air plus important, ce qui ne suffit pas pourtant à éviter l’odeur tenace de fumée lorsqu’il y a du feu dans le foyer.
La nourriture de l’âge du Bronze était plus simple que la nôtre, et elle ne comprenait pas évidemment tout ce que les enfants de notre époque tiennent pour acquis. Spaghettis, nouilles, mayonnaise, pommes de terre, maïs doux, chocolat, sucre, thé, café ou boissons gazeuses. Des animaux qui nous sont familiers, poules et lapins par exemple, n’existaient pas encore.
Que pouvaient donc bien manger ces hommes au petit-déjeuner à l’époque ? Pour commencer, ils ne se servaient ni d’un couteau ni d’une fourchette, et mangeaient probablement avec leurs doigts. Les récipients contenant la nourriture étaient des assiettes en bois ou des bols d’argile brute, le verre n’existant pas encore. Et jamais de porc, salé ou fumé, au menu ! De toute façon, il aurait été très difficile de le couper en fines tranches. Il y avait bien des œufs, mais leur taille était plus petite, et ce n’étaient pas des œufs de poule. Les plus faciles à trouver devaient être ceux des oiseaux nichant au sol : pluviers, oies, et canards. Ces œufs étaient très nourrissants et très savoureux. En période de pénurie, on se contentait d’œufs d’oiseaux plus petits, nichant eux aussi au sol, comme les alouettes, et les enfants prenaient sans aucun doute plaisir à vider les nids des oiseaux affectionnant tout
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particulièrement les haies, tels les moineaux et les grives. Mais en hiver donc, personne ne mangeait d’œufs. Aujourd’hui, nous pouvons aller au supermarché pour y acheter en n’importe quelle saison des fruits ou des légumes qui ne poussent que l’été dans le nord de l’Europe. Les laitues, par exemple, sont cultivées en serre chauffée ou sont importées de pays chauds, comme l’Espagne ou Israël. Mais, à l’Âge du Bronze, il n’y avait pas de route asphaltée comme aujourd’hui, et les transports étaient beaucoup plus lents. Impossible donc d’importer de telles denrées, il fallait par conséquent se contenter des aliments disponibles aux différentes saisons de l’année. Qui sait, il nous faudra peut-être un jour, dans quelques décennies, revenir à un tel mode de vie (les locavores, en France du moins, appellent cela de la décroissance inéluctable, mais soutenable). À l’Âge du Bronze, la plupart des familles vivaient de l’agriculture. Les fermes étaient bien entendu beaucoup plus petites que nos actuelles exploitations agricoles, et chaque famille ne possédait probablement qu’un petit cheptel : une ou deux vaches, quelques porcs et quelques chèvres – parfois une douzaine de moutons. Elles cultivaient aussi des céréales telles que le blé, l’orge et l’avoine. Les grains étaient moulus en farine à l’aide de meules à bras faites de roches naturelles. Les moulins mus par l’eau ou le vent n’existaient pas encore. On barattait une partie du lait pour faire du beurre, et la farine servait à faire du pain, que l’on cuisait dans des fours d’argile construits avec beaucoup de précautions. Les aliments de base de l’Europe du Nord – pain et beurre – existaient donc déjà, mais ils avaient un goût bien différent, le pain étant beaucoup plus grossier que de nos jours et le beurre sans sel. Quant aux vêtements, ils étaient, eux aussi, plus simples que ceux d’aujourd’hui. Point de fermetures éclair, évidemment, ni de fibres synthétiques comme le nylon. La soie n’existait qu’en Chine et dans les régions périphériques, le coton restait à découvrir. On filait donc et on tissait la laine de mouton pour confectionner la plupart des vêtements, qui avaient par conséquent la couleur marron de la toison des moutons. Ce sera seulement vers la fin de l’Âge du Bronze que certains agriculteurs feront des essais de croisements divers entre moutons aux toisons blanche, noire et grise (l’idéologie dominante en vogue aujourd’hui et surtout en France en ce qui concerne les êtres humains c’est, non pas de s’en tenir aux simples lois de l’amour et du hasard en ce domaine, ce qui serait bien normal, mais de démultiplier un tel processus à l’échelle mondiale et pour les mêmes motifs) ; ce qui permit de tisser des vêtements aux motifs un peu plus attrayants. Chaussures et ceintures étaient en cuir, tout comme aujourd’hui. On imprégnait le cuir de graisse pour le rendre imperméable à l’eau. Le métal qui a donné son nom à cette époque de notre Histoire était chauffé dans de bas fourneaux d’argile sous l’œil attentif d’artisans hautement expérimentés. Ces hommes devaient avoir un statut social élevé. L’écriture n’existant pas, ces métallurgistes de la préhistoire se transmettaient oralement leurs connaissances, de génération en génération. Ils devaient avoir une bonne mémoire, car l’art de fondre et de travailler le bronze est difficile. Leur tâche pouvait être parfois très dangereuse : si le bas fourneau ou un moule se fendait, le métal en fusion se répandait immédiatement, pouvant causer de graves blessures. Le bronze était un matériau très précieux à cette époque, et l’on redoublait de prudence pour ne pas le gaspiller. Les enfants de l’Âge du Bronze n’allaient pas à l’école. Ce qu’ils savaient de leur village, de leur famille et de leurs ancêtres, ils l’apprenaient de la bouche des membres âgés de la communauté. Peut-être sous forme de chants ou de poèmes déclamés autour d’un feu durant les longs mois d’hiver. Pas de matière comme l’Histoire au programme d’enseignement, puisqu’il n’y avait pas de système d’écriture. Mais il était important de connaître les histoires et les légendes de sa région. Les enfants savaient qui jouait un rôle important dans leur village, et ce qui les attendait s’ils faisaient quelque chose de mal. Durant la journée, ils aidaient aux tâches ménagères, réparant les murs de pisé ainsi que le toit de chaume ou donnant un coup de main en donnant à manger aux animaux, en trayant les vaches ou en désherbant. On leur confiait vraisemblablement de plus en plus de responsabilités à mesure qu’ils grandissaient. L’enfance proprement dite se terminait à l’âge de 14 ou 15 ans par une grande fête. À la fin de la cérémonie, qui se déroulait peut-être en un lieu particulier, le garçon devenait officiellement un homme et la fille une femme. Ils pouvaient alors se marier. Il est probable qu’à la cérémonie, le garçon recevait une épée ou une lance de bronze, et la fille des objets de parure en bronze, voire en or. Cette cérémonie était organisée par le chef du village ou un grand-prêtre, et il ne fait aucun doute qu’elle représentait l’un des moments cruciaux de la vie d’un individu. Elle s’achevait par un festin et des danses jusque tard dans la nuit. N.B. Note de Pierre de La Crau. Et cela suffisait ! Point n’était besoin de plus de complications ou de chichis pour entamer une vie de femme ou d’homme digne de ce nom, pleine et entière ! Certes, la vie à l’Âge du Bronze était moins facile que de nos jours. Mais il y
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avait aussi moins de nervosité ou de dépression, et la paisible quiétude de la journée n’était pas troublée par le vacarme incessant des voitures, des camions, des trains et des avions. Des maladies sans importance, comme la grippe, étaient souvent fatales, mais il n’y avait ni bombes, ni drogues, ni armes à feu, ni pollution, ni accidents de voiture. Si vous pouviez choisir, que préféreriez-vous ?Et maintenant deux recettes pour vous donner un petit goût de l’Âge du Bronze. La Purée d’orties. Mettre des feuilles d’orties dans de l’eau bouillante et les y laisser jusqu’à ce qu’elles soient bien tendres. Égoutter soigneusement et hacher finement. Chauffer à nouveau, en ajoutant du beurre et du sel à volonté. On peut faire une purée semblable avec de l’oseille, du pissenlit, des épinards, du laiteron, du cresson, et de la cardamine des prés (si vous utilisez seulement du pissenlit et du laiteron, au goût plus amer, changer l’eau après cinq minutes d’ébullition). En faisant cuire rapidement et dans beaucoup d’eau, vous conserverez mieux les vitamines qu’en cuisant lentement et à feu doux.
Le Pain. Dix cuillers à soupe (150 ml) de farine d’orge. Dix cuillers à soupe (150 ml) de faine d’avoine. Une pincée de sel. 50 g de beurre. Du lait. Mélanger les deux farines et le sel dans un bol, puis incorporer le beurre. Ajouter graduellement le lait pour confectionner une pâte ferme, mais pas collante. Lui donner une forme ronde et plate et faire cuire lentement sur une grille au-dessus du feu.
Amis locavores, à vos marques !
ACHTUNG ACHTUNG! Terrain miné!
Les études de nos frères ennemis les savants sur les maillons reliant les civilisations précédentes et la civilisation celtique de La Tène sont toutes remises en cause par des concurrents. Le résultat final en est un Lebor Gabala Erenn à la puissance 10.
Nous ne citerons donc que pour mémoire
LA CIVILISATION D’UNÉTICE (nom tchèque) ou D’AUNJETITZ (nom germanisé).
LA CIVILISATION DES TUMULUS OU TERTRES FUNÉRAIRES.
LA CIVILISATION DES CHAMPS D’URNES (Urnenfelderkultur des auteurs allemands).
Et nous n’aborderons qu’avec prudence la civilisation de Hallstatt car d’après certains auteurs cette région d’Europe ne serait pas le foyer initial des Celtes mais le résultat d’une première expansion des peuples celtes ou protoceltes. Tant en Autriche qu’à l’est de la Hongrie (Pannonie), les toponymes celtiques semblent en effet ne former qu’un superstrat au-dessus d’une couche de toponymie plus ancienne que Peter Anreiter appelle « indo-européen alpin de l'Est ». La densité de noms de lieux à l'allure celtique dans la région des Alpes orientales est plus faible qu'en Grande-Bretagne ou en France. La nature clairsemée mais souvent militaire de ces noms de lieux orientaux suggère, selon Patrick Sims-Williams, une colonisation relativement tardive par une élite de langue celtique.Un peu comme dans la future Galatie (phénomène sur lequel nous reviendrons longuement) si nous comprenons bien!
L'hydronymie celtique est répartie dans un espace situé sur la frange alpine septentrionale le long du Danube, et s'étend jusqu'au cours supérieur et moyen du Rhin et du Rhône, y compris les affluents. La zone de départ de la culture de Hallstatt ne s'accorde pas à cette zone, même si les plus importantes trouvailles de l'Ouest Hallstatt et de La Tène précoce se trouvent dans cette zone.
LA CIVILISATION DE HALLSTATT OU PREMIER ÂGE DU FER (Entre 900 et 480 avant notre ère.)
À la suite d’influences venues de l’est et de la Méditerranée (commerce avec les Grecs et les Étrusques), la civilisation celtique proprement dite s’implante en Europe occidentale : Allemagne du Sud, Tchécoslovaquie, Autriche, France de l’Est, Espagne, Grande-Bretagne. Pour de nombreux chercheurs en effet, les origines d’un peuplement que l’on peut réellement associer au nom de Celtes sont à chercher dans la civilisation de Hallstatt qui apparaît à la fin de la civilisation des champs d’urnes. Le site éponyme de Hallstatt se situe à environ 225 km au sud de Vienne en Autriche, où une nécropole comprenant plus de 2 000 sépultures a été découverte et fouillée. Les habitants de Hallstatt exploitaient des mines de sel qu’ils avaient creusées (avec de galeries de 400 m de long). Cette nécropole de Hallstatt reflète une prospérité peu commune, attribuable sans doute à ces gisements de sel gemme de la région
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et à la proximité de la route de l’ambre. Les fouilles ont mis au jour près d’un millier de sépultures tantôt à incinération, tantôt à inhumation. Le mobilier archéologique, d’une richesse remarquable, comprend des épées de bronze et surtout de fer, des poignards, des lances, des pièces d’armures. Notamment une série exceptionnelle de vases en bronze martelé, situles, coupes, plats, qui témoignent de l’importance des relations commerciales italo-grecques. Les sépultures d’Oedenburg et de Gemeinlebarn sont célèbres par leurs urnes polychromes à décors figuratifs (chars, oiseaux). On a souvent cité comme étant un des plus beaux exemples de l’art plastique hallstattien, le char votif de Strettweg (Styrie) transportant une déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère, accompagnée de guerriers ainsi que d’animaux symboliques (cerfs). Les chariots « à situles géantes » de Peccatel (Mecklembourg) et de Milavce (Bohème) sont également célèbres (ce sont en fait des chariots transportant des sortes de chaudrons disproportionnés). Il est impossible de donner ici en quelques lignes une idée, même superficielle, de la richesse de la civilisation hallstattienne en Europe centrale. Plusieurs groupes, distingués surtout par la céramique et les fibules, ont été identifiés : un groupe Sud-Est ou Adriatique, un groupe central ou danubien, un groupe Elbe-Oder, un groupe rhénan. Au groupe Adriatique appartient l’immense nécropole de Glasinatz, en Bosnie, dont le nombre de tumulus est évalué à quelque 20 000 unités (encore plus que dans le cas de Mag Tured en Irlande). Les influences grecque et italique y sont manifestes ; on y a trouvé notamment un char cultuel ornithomorphe (en forme d’oiseau) et des cnémides ou jambières en bronze estampé, imitées des modèles grecs. L’ambre y a été recueilli en abondance. Le premier Âge du Fer ou période dite de Hallstatt (850 – 450 avant notre ère) correspond à une période de mutations profondes des sociétés rurales traditionnelles héritées de l’Âge du Bronze. Ces transformations sont marquées principalement par l’essor de sociétés de plus en plus inégalitaires, qui entrent dans la dépendance économique, et bientôt culturelle, des sociétés urbaines méditerranéennes, étrusques puis grecques. Cette civilisation-mère de Hallstatt, a été un peu arbitrairement découpée en plusieurs périodes : Hallstatt I jusqu’en –700, voire – 650 ; Hallstatt II de – 650 à – 550 selon certains auteurs, de – 700 à – 500, selon d’autres. Cette civilisation, du point de vue de l’archéologie, a également été divisée en Hallstatt occidental, œuvre probable des Celtes, correspondant au site initial ayant donné son nom à cette civilisation, et en Hallstatt oriental, imputé aux Illyro-Vénètes. En ce qui concerne le foyer hallstattien occidental, son domaine initial couvre d’abord la Bavière, les Alpes autrichiennes, la Bohême-Moravie et la Thuringe. Promptement, il s’étend jusqu’au Rhin, et, ainsi que l’atteste le recoupement de l’archéologie et de la toponymie, cette aire culturelle va devenir le berceau des Celtes au sens propre du terme. Il ne s’agit pas d’une « race » stricto sensu, mais d’une ethnie linguistique cimentée par une communauté culturelle. Par étapes on constate son expansion vers l’ouest au-delà du Rhin, pour atteindre le cours moyen de la Loire moyenne et la moitié est du Bassin parisien. Une avancée ensuite vers le sud-ouest couvrant le Massif central, pour aller buter sur les premiers contreforts des Pyrénées. Ensuite, quelques reculs de ce côté-là, sous la pression ibérique. L’avancée des populations ibères dans la vallée de l’Èbre aurait alors rompu le contact géographique direct établi depuis l’arrivée des peuples relevant de la civilisation des champs d’urnes avec les autres Celtes du nord des Pyrénées, amenant ainsi les uns et les autres à évoluer séparément (langue celtique en p au nord des Pyrénées, langues celtiques en q au sud, au centre de la péninsule, ou en p au nord-ouest de la péninsule). Bref, une situation assez compliquée, aussi compliquée que celle de la Novempopulanie au troisième siècle (un savant mélange de Celtes : Tarbelli, Convenae, Bigerri, Boiates, et de proto-Basques). Car si les Gaulois n’ont jamais existé, ce n’était pas le cas des Non-Gaulois qui eux, revendiquaient de ne pas l’être. La réalité s’avère donc toujours complexe, comme la langue d’Ésope, et un raciste convaincu doit donc toujours nuancer quelque peu ses convictions en y réfléchissant : il n’y a pas plus de race française ni de race pure que de gène d’Abraham, des Cohen, ou de beurre en broche. Le basque est d’ailleurs actuellement parlé dans des zones où jadis il était inconnu. Au Moyen-Âge, lorsque les Basques des montagnes du nord se sont installés dans les nouvelles terres gagnées contre les musulmans, le basque s’est par exemple étendu dans la région de Rioja-Burgos. Pour ce qui est des Celtes, la façade maritime du Nord-Ouest est atteinte, du Cotentin à la Frise occidentale. Une sorte de frontière ethnique se stabilise durablement entre Celtes et Germains, les premiers tenant la Silésie, la Lusace, la Saxe, le Massif du Harz, la Westphalie et les Pays-Bas ; les seconds, la Basse-Saxe, le Mecklembourg, l’Altmark, l’Anhalt et le Brandebourg. Dans cette zone de contact celto-germanique, constatation : une aristocratie celtisante ou celtophone encadre des
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communautés germaniques. Conjointement à la communauté celtique vivant à l’ouest de cette aire hallstattienne et à la communauté illyrienne vivant à l’est de ladite aire civilisationnelle, il faut également mentionner la communauté ligure, composée de substrats pré-indo-européens, assimilés par adoption de la langue des conquérants de l’Âge du Bronze. Parmi les sites archéologiques, ceux de Vix-Mont-Lassois, du Pègue, et de Mastraméla, montrent les tendances de ce groupe. Pour ces trois ethnies, Celtique, Ligure et Illyrien, le temps de la civilisation de Hallstatt paraît avoir été celui d’une sorte de marché commun, avec un réseau commercial actif : métaux, sel, produits artisanaux. C’est, grosso modo entre – 650 et – 520, un marché européen de petits états princiers. Cette communauté s’étendait ainsi de la Hongrie au nord de l’Espagne. D’une façon générale, la période est marquée par une utilisation de plus en plus importante du fer et par une plus grande maîtrise du travail de ce métal. Toutefois, les techniques et les matériaux de l’âge du bronze étaient toujours employés parallèlement et l’utilisation du bronze perdurera. Le fer est un minerai beaucoup plus répandu et plus facile à travailler que le cuivre et l’étain, il est aussi plus résistant et plus coupant. Le fer ne nécessite donc pas de grands échanges commerciaux comme l’étain et le cuivre. Le Hallstatt est caractérisé par des rites funéraires très élaborés, avec crémation ou inhumation selon les époques. Les personnages importants étaient enterrés dans des chambres funéraires sous des tumulus avec des chars d’apparat, comme à Vix ou à Hochdorf (près de Stuttgart) en Allemagne. Du VIIIe au VIe siècle avant notre ère, les sites fortifiés se multiplient. Ces villages fortifiés par des remparts de terre, de pierres et de poutres, étaient situés sur des hauteurs. Ils sont dirigés par une aristocratie qui s’enrichit en contrôlant les voies de passage des marchandises. De véritables cours princières se constituent, elles empruntent des modes de vie étrangers, par exemple la consommation de vin. La tombe de Vix est un exemple de cette époque fastueuse (tombe à char à quatre roues). Les Celtes entrent dans l’Histoire en créant une forme d’art spécifique (apparition des torques à la fin de l’âge du fer), et une civilisation qui leur est propre. L’art de Hallstatt se caractérise par des motifs géométriques répétitifs. La poterie, diverse, est souvent décorée par incision. De nombreux objets importés ont été aussi découverts, qui témoignent des relations commerciales avec les pays méditerranéens et avec le reste de l’Europe.LA CIVILISATION DE GOLASECCA.
Golasecca est une ville près de Côme dans le nord de l’Italie. Elle donne son nom à la civilisation des proto-Celtes d’Italie, au début de l’Âge du fer. L’étude de l’occupation du territoire montre l’émergence de centres urbains (Côme et Castelletto Ticino-Sesto Calende). Au VIe-Ve siècle avant notre ère, ces centres se caractérisent par la présence de plusieurs classes sociales (paysans, artisans, aristocratie commerciale) et par une distribution fonctionnelle de l’espace, articulée autour de quartiers résidentiels, artisanaux (céramique et métallurgie), commerciaux (ports fluviaux associés à des entrepôts) et de sanctuaires. Ces éléments révèlent une structure sociale complexe et organisée où cohabitent paysans, artisans, marchands aux côtés d’une élite qui bénéficie de la productivité ainsi que du commerce à moyenne et longue distance. Les Golasecchiani se distinguent principalement de la civilisation de Hallstatt par leurs nécropoles à incinération (les cendres du défunt étant mises dans une urne ou une écuelle) et surtout par l’utilisation précoce de l’écriture (première moitié du VIe siècle avant notre ère), résultant de l’adaptation de l’alphabet nord-étrusque à une phonétique appartenant au groupe des langues celtiques (voir alphabet de Lugano).. Le savoir-faire celtique en ce qui concerne la langue, l’acquisition précoce de l’écriture comme instrument de contrôle supérieur du marché, la forte activité artisanale sont les facteurs qui expliquent le succès de « la civilisation de Golasecca » dans la gestion partielle du commerce transalpin. Marchands, colporteurs, artisans parcourent ainsi l’Europe à la recherche de matières premières comme l’étain ou de matériaux plus précieux comme l’ambre. Ils assurent aussi le transbordement d’objets précieux voire de luxe qui, provenant de la Méditerranée, étaient destinés aux élites celtiques installées au nord des Alpes. Des mariages politiques viennent renforcer ces liens tissés par les Golasecchiani depuis au moins le Bronze final avec l’ensemble des partenaires les plus puissants de la protohistoire européenne : les Celtes, les Étrusques, les Grecs et les Picéniens. L’arrivée des Celtes de civilisation laténienne à la fin du Ve siècle avant notre ère n’altérera pas cette civilisation. Elle évoluera en se teintant d’aspects laténiens, mais restera distincte. Les Insubres (capitale Milan) sont considérés comme des descendants de cette première vague protoceltique en Italie du Nord…
LES CELTES DE LA PÉNINSULE IBÉRIQUE.
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Le terme Celtibère fait généralement référence aux peuples celtes ou celtisés de la péninsule ibérique, ainsi qu’aux langues que ces groupes parlaient. Mais le terme désigne spécifiquement un ensemble de peuples celtes acculturés par les Ibères. Il en existe cependant connus sous d’autres noms : Vettons, Lusitaniens, etc. L’archéologie montre que les Celtes sont arrivés dans la péninsule ibérique au cours du XIIIe siècle avant notre ère, avec la grande expansion des peuples de la civilisation des champs d’urnes, en occupant la région nord-est (la Catalogne).La civilisation des champs d’urnes du nord-est de la péninsule ibérique a vu se développer l’usage du fer voire certains éléments d’influence hallstattienne à partir du VIIIe siècle avant notre ère. Les premières traces de cette dernière civilisation ont été trouvées le long du cours inférieur de l’Èbre, puis de plus en plus en amont jusque dans la région de La Rioja et sous une forme locale jusque dans la province d’Alava en Euscadie (Pays basque). Il y a eu également expansion vers le sud de la Catalogne dans la province de Castellon, certaines influences allant même plus loin. Des retombées de cette civilisation apparaissent le long des montagnes ibériques, sans doute un prélude à la formation des Celtibères (F. Jordá Cerdá et al., Historia de España I : Prehistoria, 1986). Les différences sociales sont devenues plus visibles au cours de cette période : preuves de l’existence de chefferies locales et d’une élite dotée de chevaux. Ces transformations furent peut-être induites par l’arrivée de nouvelles vagues de peuplement venues d’Europe centrale. De ces avant-postes établis sur le cours supérieur de l’Èbre la civilisation celte a gagné le plateau central (la Meseta) et la côte atlantique. Plusieurs groupes peuvent être distingués.
— Le groupe de Bernorio-Miraveche (nord de Burgos et province de Palencia) qui rayonnera sur les peuples de la frange nord.
— Le groupe du fleuve Duero, probable précurseur des Vaccéens.
— La civilisation de Cogotas II, vraisemblablement des précurseurs des Vettons, au caractère pastoral marqué, qui s’étendra progressivement vers le sud en Estrémadure.
— Le groupe des castros lusitaniens, dans le centre du Portugal, précurseur des Lusitaniens.
— Le groupe des castros du nord-ouest, au nord du Portugal et en Galice, parent des précédents, mais avec certaines différences dues aux influences d’un substrat de l’âge du bronze atlantique. Tous ces peuples indo-européens avaient des éléments communs, comme la céramique depuis le VIe siècle avant notre ère ainsi que le même armement. À partir de – 600 la civilisation des champs d’urnes du nord-est et de la moyenne vallée de l’Èbre a été remplacée par la civilisation ibère, processus qui ne s’acheva que vers le IVe siècle avant notre ère. Cette séparation géographique d’avec leurs voisins celtes du nord explique sans doute que les Celtes de la péninsule ibérique n’ont pas connu le phénomène linguistique qu’est le brittonique, n’ont jamais relevé de la civilisation de La Tène et que leur religion, bien que celte évidemment, n’a sans peut-être pas connu l’institution du druidisme. Un « oubli » que rien n’empêche de réparer.
Les principaux peuples celtibères étaient les Arévaques, les Berones, les Carpétans (au moins en partie), les Lusones, les Turmoges, les Pelendones et les Vaccéens. Leurs voisins occidentaux, les Cantabres, les Astures, et les peuples de la Galice actuelle, ainsi que ceux qui habitaient le nord du Portugal, appartenaient aussi, au moins en partie, à la famille celtique. Le peuplement celtique de l’Europe est antérieur de plusieurs siècles à l’hypothèse classique, qui le fait remonter au VIIe ou VIIIe siècle avant notre ère. Les études de Venceslas Kruta montrent que l’invasion de l’Europe occidentale par les Celtes historiques ; c’est-à-dire ceux qui se répandirent en Europe dans la première moitié du Ier millénaire, en provenance du « berceau » celtique d’Europe centrale ; a en fait été précédée dans une grande partie du continent, au centre et à l’ouest, d’un fort substrat protoceltique, remontant à une période bien plus ancienne, d’au moins six ou sept siècles. Les Celtes historiques ont envahi des régions déjà occupées par des peuples protoceltes, ou culturellement apparentés, comme les Ligures. C’est-à-dire parlant une langue proche du celte ancien, et disposant de structures sociales et religieuses tout aussi proches de celles de leurs envahisseurs. Les Celtibères seraient donc issus d’une évolution de ces civilisations protoceltiques de l’Âge du bronze, plutôt que d’une fusion entre les Celtes historiques et la civilisation précédente. Même si les Celtes historiques parvinrent jusque dans cette péninsule, en y laissant des traces visibles de leur passage.
Il reste suffisamment de traces pour montrer que le celtibère était une langue celtique en Q (comme le gaélique), et non pas une langue celtique en P comme le gaulois (Mallory 1989, p. 106). Les plus longues inscriptions celtibères sont les tablettes en bronze de Botorrita près de Saragosse, et remontant au Ier siècle de notre ère, appelées Botorrita I, III et IV (Botorrita II
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est écrite en latin). Son écriture est une écriture paléohispanique constituant une adaptation presque directe de l’écriture ibérique nord-orientale aux particularités de la langue celtibère. Il n’y a pas de consensus quant à l’origine de ces écritures paléohispaniques : certains pensent qu’elles sont issues de l’alphabet phénicien alors que d’autres y voient des influences de l’alphabet grec.LA CIVILISATION DE LA TÈNE (deuxième âge du fer).
D’après les découvertes faites à La Tène en Suisse. Du point de vue de l’archéologie, la centaine d’années allant de – 550 à – 450 marque la transition entre la civilisation de Hallstatt et celle de la Tène (dite aussi laténienne). Après quoi l’on distingue La Tène I (jusque vers – 350), La Tène II (–350 à – 150) et La Tène III enfin (on la fait finir avec Jules César vers – 55). L’art de la Tène se caractérise par des épées de 80 cm de longueur, des frises d’entrelacs végétaux, et l’adaptation de motifs d’origine méditerranéenne. Au début du Ve siècle avant notre ère, les forteresses princières de la période précédente sont abandonnées sans que l’on connaisse vraiment les raisons de ce phénomène. La population se concentre désormais dans les régions où se situent les relais commerciaux (Rhin, Champagne…). Les tribus, commandées par des chefs locaux, se font la guerre. De grandes fermes dominent le monde rural. Les chefs guerriers sont enterrés dans de vastes nécropoles, sur un char à deux roues accompagné du harnachement des chevaux. Sur le Continent débute une période agitée de mise en mouvement des populations celtiques, devenues trop denses dans l’ancien berceau Hallstattien. Pour diverses raisons : recherche de terres cultivables, de pâturages, envies de pillage, évacuation des surplus de population, ou tout simplement esprit aventureux, les peuples sédentarisés depuis un demi-millénaire, ou plus, dans ces régions, vont se mettre en mouvement dans tous les sens. Les diverses surpopulations locales, ainsi que la recherche d’aventures et de butin, provoquent donc un demi-millénaire d’expansion tous azimuts, avec bien sûr des avances et des reculs.
Cette époque laténienne, pour laquelle les techniques de l’archéologie préhistorique sont encore nécessaires, fait déjà partie, soit de la Protohistoire, soit de l’Histoire tout court. Car les informations abondent, grâce aux historiens grecs et latins ; encore qu’il faille interpréter ces récits, souvent déformés par mauvaise compréhension des données initiales au travers de toute une chaîne d’informateurs, ou alors rendus tendancieux par racisme anti Celte (le dénigrement des Celtes). L’expansion maximale des Celtes se produit aux IVe et IIIe siècles avant notre ère, et l’on peut parler ici de Celtes au sens propre du terme. Contrairement à ce que l’on avait pu penser, ces migrations ne prennent pas un caractère massif, les Celtes s’implantent par petits groupes et s’assimilent au peuplement d’origine. Ils sont attirés par les richesses agricoles et commerciales de l’Europe de l’Ouest, ils fuient leurs terres surpeuplées ainsi qu’un climat qui se dégrade (plus froid et plus humide). Les auteurs classiques parlent de ces Celtes comme de terribles barbares (féroces), montés torse nu (pour braver leurs ennemis), mais casqués, sur de petits chevaux genre poneys, une longue épée à la main. Ils se répandent en Belgique, en Gaule, en Espagne, et franchissent la Manche. Vers 390 avant notre ère, les Celtes de la tribu des Sénons (ou des Bituriges), conduits par un dénommé Brennos ; si ce dernier n’est pas une évhémérisation à rebours d’un dieu-ou-démon de la guerre celte ayant ce nom ; pénètrent en Italie du Nord. Ils assiègent une ville étrusque : Clusium (Chiusi). Des ambassadeurs romains cessent d’être neutres ou arbitres et prennent parti contre les Celtes. Ces derniers lèvent le siège pour aller punir Rome de cette ingérence. Les deux armées se rencontrent sur l’Allia. Brennos, fort de ses 60 000 hommes, inflige aux Romains (40 000 hommes) une cuisante défaite (– 387). Les Celtes pénètrent ensuite dans Rome qu’ils incendient, à l’exception du Capitole (épisode des oies du Capitole) qui résiste sept mois. Brennos accepte alors de quitter la Ville en échange d’une rançon de mille livres d’or (« malheur aux vaincus » : adage plus vrai que jamais, l’hypocrisie et le cynisme en plus aujourd’hui, et ce y compris sur les plans politique et culturel ou linguistique). Mais une partie de ces guerriers se fixe en Italie du Nord (la Cisalpine). Le monde celtique, au cours de cette période (la Litavia ou le Celticum de Tite-Live), va connaître son expansion maximale ; amalgamant et assimilant des populations souvent préparées à cela par l’adoption de parlers protoceltiques ou autres, pas très éloignés de la « koinè » linguistique dont les très-sachants de la druidiaction (druidecht) seront les promoteurs, puis les mainteneurs.
Après la grande période d’expansion, la stabilisation des limites des « tribu-États » se fit couci-couça. Par un assez prompt retour des choses, les Celtes vont revenir sur le Bas-Danube, bien décidés à pousser à l’est. Les Illyriens sont écrasés. En 281 avant notre ère,
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trois armées celtes pénètrent en Grèce, en Thrace et en Macédoine. Delphes est pillée en – 279, mais l’hiver et la maladie obligent l’armée à se replier ; leur chef (un autre Brennos ???) se suicide. Face à la mer, ils se partagent : les uns partent vers la Thrace où ils fondent une première Gallaikè Khôrè, appellation grecque synonyme de Galloicia = Galice. Il s’agit du fameux royaume de Tylis constitué vers – 280 par Comontorios et une partie des Celtes de la « Grande Expédition » menée vers la Grèce. L’antique Tylis pourrait correspondre à l’actuel village de Tulovo (province de Stara Zagora, en Bulgarie).Polybe. Histoires. Livre IV. Chapitre XLVI. « Ces Celtes avaient quitté leur pays avec Brennus, puis, ayant survécu à la bataille qui fut livrée à Delphes, s’étaient frayé un chemin jusqu’à l’Hellespont, mais au lieu de traverser pour passer en Asie, avaient été captivés par la beauté de cette région des environs de Byzance, donc, s’y étaient installés. Ensuite, ayant vaincu les Thraces et fait de Tylis leur capitale, ils firent courir aux Byzantins les plus grands dangers. Lors de leurs premières attaques, effectuées sous le commandement de Comontorius, leur premier roi, les Byzantins les achetaient à chaque fois en leur donnant une somme s’élevant à trois mille, cinq mille, voire dix mille pièces d’or, pour qu’ils ne dévastent pas leur territoire ; mais à la fin ils furent contraints d’accepter de leur payer un tribut annuel de quatre-vingts talents, jusqu’à l’époque de Cavarus ; sous le règne duquel leur royaume connut sa fin et toute leur tribu ayant été à son tour conquise par les Thraces, anéantie… »
Mais ces Celtes participèrent aussi à la stabilité politique de la région. Polybe mentionnait par exemple le fait que Cavaros, le dernier roi de Tylis, servait de médiateur entre Prusias roi de Bithynie, et Byzance.
Polybe. Histoires. Livre IV. Chapitre LII. « Aussi quand le roi celte Cavarus se rendit à Byzance et se montra personnellement désireux de mettre un terme à cette guerre, en offrant sincèrement son amicale médiation pour cela, Prusias et les Byzantins acceptèrent cette proposition. Et quand les Rhodiens furent informés de cette intervention de Cavarus, ainsi que du consentement de Prusias, étant très désireux d’atteindre, eux aussi, leur propre objectif, ils envoyèrent alors Aridicès comme ambassadeur à Byzance, avec Polémoclès aux commandes de trois trirèmes, en espérant par là, selon leurs propres termes, envoyer ainsi aux Byzantins « à la fois des gens de guerre, mais aussi des hérauts ». Dès qu’ils furent arrivés, la paix fut conclue, l’année où Cothon, fils de Calligiton, se retrouva grand-prêtre de Byzance ».
Mais durant le règne de Cavaros, le royaume de Tylis s’effondra également sous les assauts des Thraces, vers 218/212 avant notre ère et peut-être aussi sous l’effet de l’influence néfaste de Sostrate de Calcédoine, son conseiller.
Polybe. Livre VIII. Chapitre XXIV. « Cavarus, roi des Celtes de Thrace, était d’une disposition vraiment royale et avait l’âme noble, il accorda toute sa protection aux marchands qui naviguaient sur le Pont-Euxin, et rendit aux Byzantins d’importants services dans leurs guerres contre les Thraces et les Bithyniens… Mais ce roi, si excellent à certains égards, fut corrompu par un courtisan nommé Sostrate, qui était Chalcédonien… »
Les autres Celtes (Galatai), dès – 278, après avoir subi une défaite contre le Macédonien Antigone Gonatas, passent en Anatolie et y fondent une seconde Gallaikè Khôrè, la Galatie des Romains. Vers – 250 les Britogalai et autres Celtes atteignent le Bas-Dniepr et leurs Carrodunon vont y précéder les actuelles villes de Kherson ou Nikolaïev, sur le Bug. Enfin, de – 201 à – 101, ce fut la grande affaire de la migration dramatique des « Cimbres » du Danemark. Victimes d’inondations de leurs terres par la mer Baltique, ou de famines récurrentes (en fait on ne sait pas trop) ils s’allièrent aux Teutons et aux Ambrons pour aller chercher des terres bénéficiant d’un peu plus de soleil et moins inondables. À l’issue de longues marches et contre marches vers la Pannonie ; et ensuite de la Drave au Main, du Main à l’Èbre, de l’Èbre à la Seine, puis de la Seine au Pô ; ces « Barbares » furent écrasés par les Romains de Marius. Dernière (et malheureuse) migration à grande échelle de populations celtiques ou celtisées, renforcées d’éléments germaniques. Dernière plutôt qu’avant-dernière, car la tentative d’immigration massive suivante, projet des Helvètes en – 58, tourna tout de suite au désastre. Les Helvètes et leurs alliés Rauraques, Latobriges, Tulinges et Boïens, avaient pourtant méticuleusement planifié cette dernière. Ils n’avaient rien laissé au hasard pour cela. Leur expédition est méthodiquement préparée et ne comporte aucune trace d’agressivité envers les autres peuples. Avant de s’ébranler, ils sollicitent l’autorisation de ceux qui possèdent les territoires à traverser pour gagner le territoire visé : celui des Santons de la région de Saintes et d’Oléron, qui étaient demandeurs d’un tel apport humain (369 000 personnes). Mais tout le monde n’était pas d’accord avec cette politique, et les Éduens eux-mêmes étaient partagés à ce sujet. La meilleure preuve : Dumnorix et
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Diviciacos (deux frères divisés par la question, et le prêtre ne fut pas le moins aveugle des deux). Bref, leurs sénateurs n’ayant pas réussi à empêcher légalement la mise en branle de cette immigration massive, l’armée s’y opposa donc à son tour, mais cette fois-ci par la force. Et ils en appelèrent même dans ce dessein à une puissance étrangère (Rome, évidemment !). Le résultat est connu ! Les malheureux immigrants helvètes, rauraques, latobriges, tulinges et boïens, furent massacrés, puis les survivants ramenés de force chez eux, où ils retrouvèrent les mêmes problèmes qu’avant évidemment, mais aggravés par leur exode (N.B. On risque moins aujourd’hui, excepté de se retrouver condamnés à faire les petits boulots de misère dont les immigrés de la dixième ou de la centième génération ne veulent plus, par exemple à vider les poubelles, etc.)Ce fut ensuite le tour des Suèves d’Arioviste (un roi barbare bigame et bilingue), etc., etc. L’engrenage fatal avait été mis en marche… Profitant des divisions suscitées par les événements, les légions romaines envahirent le reste du pays qui perdit ainsi son indépendance, et même son identité (son âme, son esprit). Ce fut ce que l’on appela donc la guerre des Gaules. Le devoir de remembrance (expression à la mode en ce moment, tant mieux !) implique de ne jamais l’oublier si l’on veut éviter de réitérer une telle catastrophe nationale : massacres, occupation, exploitation, esclavage, colonisation. Quel résultat pour une tentative d’immigration pacifique ! Comprenons-nous bien ! Les Helvètes ne sont pas moralement et collectivement tous à blâmer ! Même si c’est bien la tentative d’immigration de masse (369 000 personnes, dont 110 000 guerriers) imaginée par leur chef Orgetorix, qui est à l’origine de ce désastre : un million de morts et un million de prisonniers réduits en esclavage, au final, pour la guerre des Gaules. Sans parler des non-combattants massacrés ou morts de la misère résultant de la guerre. Ils étaient confrontés chez eux à de très graves problèmes, des problèmes qui mettaient en jeu leur survie même, et ils ont cru pouvoir les résoudre en partant s’installer ailleurs, ça se comprend ! Mais il aurait mieux valu peut-être, pour tout le monde, les aider à surmonter ces défis, sur place. En faisant par exemple appel, au-delà des clivages claniques ou tribaux imbéciles, à une authentique solidarité internationale de type ambicatus ou ver sacrum ambicatusien. Afin par exemple de venir en aide à ces peuples amis obligés de se livrer à une bagaude désespérée contre des envahisseurs ou des occupants germaniques. Les plus coupables ne sont donc pas ces malheureux immigrés, mais ceux (des prêtres, de Saintonge ?) qui ont cru bon de leur dire « venez » alors que le consensus était loin d’exister à ce sujet. On a souvent accusé par la suite le parti éduen de Diviciacos, de trahison, vu le résultat final (la perte de l’indépendance), mais la responsabilité du parti séquane dans ce drame est tout aussi importante. Leur discours plus ou moins explicite fut en effet un discours du type : « Venez, venez, mais surtout ne restez pas chez nous, allez vous installer chez les autres ».L’histoire tout entière de la civilisation celte tient entre ces deux migrations. L’émigration réussie de Bellovèse et de Segovèse (Italie Roumanie et Turquie, etc.) et l’immigration désastre des Helvètes, des Rauraques, des Latobriges, des Tulinges et des Boïens (dont surgira plus tard le prophète appelé Mariccos).
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MARCHES FRONTIÈRES ET CONFINSDE L’EMPIRE CELTIQUE D’AMBICATUS.
Tite-Live. Livre V. Chapitre XXXIV. « Pour ce qui est du passage des Celtes en Italie, voici ce que l’on en raconte. À l’époque où Tarquin l’Ancien régnait à Rome, le pouvoir suprême [……] était entre les mains des Bituriges ; ils fournissaient un souverain au Celticum. À cette époque-là, le roi en question était un dénommé Ambigatus. C’était un homme éminent tant par son courage et ses biens personnels que par ceux de son royaume. Durant son règne, le pays bénéficia de récoltes si abondantes, et d’une telle croissance de sa population, qu’il lui sembla quasiment impossible de gouverner une telle multitude. Devenu vieux et désireux de soulager son royaume du poids de cette surpopulation qui l’écrasait ; il fit connaître son intention d’envoyer les fils de sa sœur, Bellovèse et Segovèse, d’entreprenants jeunes gens, s’installer ailleurs, dans n’importe quelle autre contrée que les augures voudraient bien leur indiquer. Ils seraient libres d’emmener avec eux autant d’hommes qu’ils voudraient, afin que nulle nation ne puisse repousser leur approche. La forêt d’Hercynie fut assignée par le sort à Ségovèse ; à Bellovèse, les dieux montrèrent un plus beau chemin, celui de l’Italie. Bellovèse appela donc à lui le surplus de population des Bituriges, des Arvernes, des Sénons, des Éduens, des Ambarres, des Carnutes, des Aulerques ; et avec de nombreuses troupes de gens à pied ou à cheval, arriva chez les Tricastins. En ce lieu, devant lui, s’élevait la barrière des Alpes ».
Compte tenu de la durée de la civilisation des Celtes, qui s’étend de la protohistoire jusqu’au Moyen-âge, et vu les dimensions de l’espace géographique que les Celtes occupèrent en Europe ; il convient avant d’aborder la question du peuplement, de rappeler quelles furent les limites connues et communément admises pour le monde « celtique » (la Celtica Litavia).
Dans la mesure où ils facilitent une synthèse, et apportent à celles ou ceux qui s’intéressent à ces questions des renseignements, sans avoir à consulter des ouvrages très distincts, ces développements doivent aider à comprendre la nature du celto-druidisme. Par une meilleure appréhension de ses origines ainsi que de l’importance qu’il prit et conserva dans la protohistoire européenne. La celticité fut avant tout une communauté culturelle dont la cohésion était assumée par les très-sachants de la druidiaction (druidecht), grands mainteneurs de l’intercompréhension linguistique. Car le seul moyen de répondre à la question : « y avait-il une langue commune ou pas » est de répondre à la question basique : les locuteurs en question se comprenaient-ils quand même grosso modo, malgré les différences de leurs parlers ? Si non il s’agit de langues différentes ! Si oui, alors il ne s’agit que de dialectes différents d’une même langue. Un peu comme notre langue nationale et celle parlée au Canada. La distinction entre langue et dialecte est en effet fondée sur la possibilité d’une compréhension mutuelle. Les locuteurs de dialectes différents se comprenant mutuellement parlent des dialectes de la même langue. Les locuteurs qui ne se comprennent pas parlent des langues différentes ou des dialectes de langues différentes. Ceci pour répondre aux intellectuels de type Rue 89.
Et cela pour que l’on se mette bien dans la tête qu’il y a eu, non pas une Atlantide, mais une immense Celtophonie ; nullement isolée, par conséquent influencée de l’intérieur (par divers substrats) comme de l’extérieur (par divers contacts) tout autant que rayonnante, elle-même, sur son voisinage. Ainsi que l’a très bien vu en son temps Camille Jullian… « Ce qui a été, c’est que la moitié de l’Europe, au moins, entre 400 et 150 avant notre ère, a parlé celte. C’est, ensuite, que le celte se rattache étroitement à la forme la plus ancienne de l’unité linguistique de l’Europe. Connaître le celte, c’est se rapprocher davantage de la connaissance des origines européennes, de la solution de ce problème qui est le plus passionnant peut-être de l’histoire de l’Humanité. Si cela m’était possible ici, je montrerais que cette idée, que cette hypothèse, à laquelle peut-être certains linguistes feraient des objections, trouve sa confirmation, non pas seulement dans des faits linguistiques, mais dans des faits archéologiques de tout ordre. Institutions, religions, manières de combattre et de gouverner. Je découvre à chaque instant, dans le monde celtique avant notre ère, des vestiges qui me rappellent la plus ancienne Italie, et des vestiges qui me font songer à l’Indo-Européen primitif. Je ne dis pas que le Celte soit pareil à ce dernier, loin de là. Mais, entre tous les hommes du passé, il est encore celui qui diffère le moins du grand aïeul, ancêtre et fondateur des âmes souveraines de l’Humanité ». La langue celtique, langue de civilisation,
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était alors en usage même dans des régions officiellement non celtophones. Géographie et Histoire, grâce aux auteurs grecs et latins, en offrent des exemples savoureux.— Arioviste le fameux roi des Suèves, avait un nom celtique et parlait le celte.
— Adiatorix, roi de Commagène, père du grand-prêtre de Comana, fait prisonnier à l’issue de la bataille d’Actium, idem. Son nom est celte (roi du ?). Cf. Strabon, livre XII, chapitre III, 35
— Gezatorix (Strabon toujours, livre XXII, chapitre III, section 41, et Polybe) roi d’une région située au nord-est de la Galatie, mais à l’extérieur, idem également. Son nom signifie roi des Gésates. Les Gésates étaient des guerriers dont l’arme favorite s’appelait le gaïsos (une sorte de lourde javeline).
— Boiorix, roi des Cimbres, portait aussi un nom bien celtique signifiant « le roi des Boïens » ou « le roi des ? ». En 105 avant notre ère, sous l’effet de la colère, il tua Marcus Aemilius Scaurus, lieutenant du consul Mallius Maximus, qu’il avait fait prisonnier après l’avoir battu sur les bords du Rhône. Ensuite il écrasa peu de temps après l’armée romaine près d’Orange (Arausio). Mais en – 101 il fut battu à son tour avec les Cimbres à Verceil, bataille où il trouva la mort. « Parmi toutes ces façons de mourir, il y eut, rapporte-t-on, celle des deux chefs qui se ruèrent chacun sur l’épée de l’autre. Les rois Lugius et Boiorix tombèrent sur le champ de bataille, Claodicus et Caesorix furent capturés. À la suite de ces deux batailles, trois cent quarante mille Celtes périrent, et cent quarante mille furent faits prisonniers. Sans compter une multitude innombrable de femmes qui, dans un accès de folie féminine, mais en faisant preuve ainsi d’une force de caractère digne de celle des hommes, se tuèrent elles-mêmes avec leurs enfants ». (Orose. Contre les païens. Livre V chapitre XVI).
Mais parlons d’abord de l’aire celtique : la Celtica Litavia ou « Étendue Celtique ».
Les géographes et historiens qui ont, les premiers, mentionné les Celtes, étaient Grecs : ils les appelaient (au pluriel dans leur langue) Keltai ou Galatai, et ils confondaient d’ailleurs souvent ces deux appellations, sans doute interchangeables dans leur esprit.
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Europe du Nord.
Les Vénètes méritent une mention particulière, car plusieurs autres peuples avaient le même nom, ou presque. Des Uenedi (en latin) habitaient les bords de la Baltique, en Poméranie. On ne sait s’ils se germanisèrent facilement ou non, et ils semblent avoir contribué à la formation du peuple vandale par la suite. Ils semblent aussi avoir laissé à leurs voisins germaniques le souvenir de gens très différents d’eux, car, plus tard, le mot Wenden désigna, en Allemagne, différentes populations comme les Slaves Sorbes de Lusace, voire des Slovènes. Les Vénètes, dans l’actuelle Vénétie italienne, et aussi en d’autres contrées. Ce qui est certain en revanche, du point de vue de la linguistique, c’est que les Vénètes de Vénétie étaient illyrophones, et que ceux d’Armorique étaient celtophones, tout comme ceux du Gwynedd au Pays de Galles (les Venedoti). Alors, pure homonymie ou identité ? La question demeure posée. À leur sujet on a émis l’hypothèse suivante : les Vénètes, peuple de langue indo-européenne, étaient localisés vers la fin du IIIe millénaire et le début du IIe millénaire avant notre ère, aux environ de l’actuelle Pologne. À cette époque, les dialectes qui allaient donner naissance aux futures langues celtiques, italiques, germaniques et slaves, devaient être encore largement intercompréhensibles. Une partie de ces Vénètes a dû suivre vers l’ouest les Celtes, pour finalement être complètement celtisée, alors que d’autres étaient entraînés vers le sud dans le sillage des Italiques, dont ils subiront également l’influence linguistique. Enfin, certains restèrent sur place, où ils furent probablement peu à peu germanisés, avant de subir la pression des Slaves, avec lesquels ils finiront par se fondre (au Ve siècle).
Pologne. Les Celtes, au IVe siècle avant notre ère, se sont répandus dans presque toute l’Europe et notamment aussi dans le sud de la Pologne actuelle, en Basse Silésie, où le mont Sleza était leur montagne sainte, le plateau de Glubczyce, le bassin du haut San (extrême sud-est de la Pologne), un groupe mixte plus au nord dans la partie occidentale de la Petite Pologne (Maopolska). Dans cette dernière région, après une courte période du développement de la civilisation celtique « pure » s’est formé un groupe d’une culture particulière, unissant des traits de la civilisation de La Tène et ceux de la civilisation locale dite de Przeworsk. On signale également des Celtes plus au nord, en Couïavie (Kruszwica), où ils exploitaient des sources salines.
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Les Celtes en Basse Silésie. C’est de cette région que proviennent les plus anciens objets (La Tène B1) que l’on peut attribuer à une vraie colonisation celtique régulière. L’établissement des Celtes se limitait aux terres les plus fertiles de la rive gauche de l’Oder, entre Olawa et Bystrzyca, jusqu’au mont Sleza. Nous connaissons plus de trente nécropoles et quelques habitats sur ces territoires.Sur les pentes du mont Sleza et dans ses environs se trouvent de bien étranges sculptures. Il s’agit de représentations anthropomorphes et zoomorphes ainsi que des poteaux sculptés. La dimension des statues ainsi que la provenance locale des pierres qui ont servi à leur fabrication permettent de situer leur origine dans la région de Sleza. Certaines n’ont d’analogie ni dans l’art slave ni dans l’art germanique, médiéval ou postérieur, mais manifestent des ressemblances avec l’art celtique. Cette observation concerne en premier lieu deux statues de grande taille (entre 2 et 3 m) dites respectivement « Ours » et « Sanglier ». Selon certains chercheurs, une statue représentant un personnage tenant un poisson (rappelant une truite ou un saumon) serait liée au monde celtique. Pourtant, dans ce cas précis, la ressemblance qu’ils évoquent avec la sculpture d’Euffigneix est beaucoup moins frappante et les représentations de poissons sont plutôt rares dans l’art celtique.
L’enclave celtique du plateau de Glubczyce. Une autre enclave celtique sur le territoire de la Pologne actuelle se trouve sur le Plateau de Glubczyce, et cela sans doute à partir du IVe siècle avant notre ère. Les plus anciennes tombes, peu nombreuses, sont datées de la fin de La Tène B1. La plus grande concentration de tombes celtiques sur le Plateau de Glubczyce se trouve dans un grand cimetière, appartenant à plusieurs civilisations, à Kietrz. Il s’agit d’une nécropole formée de plus de 3 600 tombes, dont la plupart datent de l’âge du Bronze et du premier âge du Fer. Les tombes celtiques à inhumation constituent, dans ce cimetière, un groupement nettement perceptible, tandis que les tombes à incinération se trouvent dispersées parmi celles qui sont contemporaines de la civilisation lusacienne. Marek Gedl qui a étudié la nécropole de Kietrz suppose que dans les tombes à incinération étaient enterrés des autochtones qui avaient été en contact avec la civilisation celtique. L’inventaire des tombes celtiques comprend de la céramique, des armes, des parures, etc. Dans quelques-unes, on a identifié des restes d’animaux, et parfois aussi des noisettes. Les tombes les plus récentes de Kietrz sont datées de la phase La Tène C1, mais cela ne signifie pas la fin de la colonisation celtique dans la région.
Les Celtes dans le haut bassin du San (frontière polono-ukrainienne). Le haut bassin du San forme une autre enclave de la colonisation celtique en Pologne actuelle. Les Celtes ont occupé ces terres au début de La Tène C et ils y sont restés jusqu’à la fin de La Tène moyenne, voire peut-être même jusqu’à La Tène D1. On considère que les matériaux celtiques dans cette région témoignent d’influences venant de l’autre côté des Carpates, du bassin de la Tisza en Slovaquie orientale et en Ukraine.
Dans d’autres enclaves celtiques ainsi que dans le bassin du San, l’agriculture et l’élevage sont les principales ressources économiques, mais on ne peut pas exclure que l’exploitation de sources salées dans la vallée du San n’ait pas contribué à l’établissement des Celtes.
Petite Pologne : le groupe mixte de Tyniec. Sur les terres fertiles aux alentours de Cracovie, les Celtes étaient en relation avec une population de civilisation indigène, dite « de Przeworsk » et ils ont créé un groupe de civilisation mixte. Dans ce groupe coexistaient des éléments appartenant aux deux civilisations, mais la part des matériaux indigènes augmente dans les phases successives. Vu le caractère mixte des découvertes provenant de ces territoires de Petite Pologne, on utilise le nom « groupe de Tyniec » qui se réfère au premier habitat étudié à une échelle importante. Comme déjà mentionné, le développement du « groupe de Tyniec » est précédé par une phase de civilisation celtique « pure » datée de La Tène B2. On y inclut aussi les tombes à inhumation d’Iwanowice qui, pourtant, sont plus récentes. Les découvertes relatives au « groupe de Tyniec » contiennent presque uniquement des objets provenant d’habitats. On peut donc estimer que la population du « groupe de Tyniec » conservait un rite funéraire celtique qui, à partir de La Tène C2, prend des formes insaisissables par nos méthodes de recherche.
N.B. On admet que le déclin de la colonisation de la civilisation celtique « pure » en Pologne date de La Tène C (en Silésie) ou du début de La Tène D (dans le bassin de la San). Les dernières traces liées aux Celtes en Pologne (« groupe de Tyniec ») disparaissent au seuil du Ier siècle.
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Sur le reste du territoire actuellement polonais, il y avait aussi quelques autres celtophones plus ou moins épars, tels les Lemovii. Mais doit-on croire Tacite qui écrit que les Aestii/Estyens parlaient breton ???Les Lugii, Lugi, Lygii, Ligii, Lugiones, Lygiens, Ligiens, Lugiens, ou Lougoi, constituaient une tribu indo-européenne à la nationalité disputée : celtique, germanique, slave, ou mixte ? Ils vécurent vers – 400 – 300 quelque part en Europe Centrale, au nord de la chaîne des Sudètes, dans le bassin supérieur de l’Oder et de la Vistule. Autrement dit le Sud et le Centre de l’actuelle Pologne (Silésie, Mazovie, grande Pologne et petite Pologne, à Cracovie anciennement Carrodunum), l’Est de la Slovaquie, et la Ruthénie subcarpatique (sources du Dniestr et de la Tisza). Ce qui correspond à la civilisation dite de Przeworsk. Leur richesse était liée au transport de l’ambre. Ptolémée (Géographie, livre II, chapitre XI) nous apprend que ce peuple était composé de trois groupes distincts.
— Les Lugii Diduni, peuplade des montagnes d’Asciburgius.
— Les Lugii Omani, peuplade voisine des Bourgountas (Burgondes) et des Lugii Diduni des montagnes d’Asciburgius.
— Les Lugii Buri, peuplade voisine des sources de la Vistule. Les subdivisions décrites par Ptolémée diffèrent de celles qui sont données par Tacite sur l’origine et le pays des Germains (chapitre XLIII). « Le nom de Luges, dispersé comme il est en de nombreuses tribus, semble de loin le plus répandu. Il suffira de mentionner les plus puissantes pour finir, qui sont les Haries, les Helvécons, les Manimes, les Hélisiens, et les Naharvales. On peut voir chez eux une clairière ou un bosquet sacré de la plus haute antiquité. Un prêtre portant une robe comme une femme [en latin sacerdos muliebri ornatu : un druide ?] en a la charge. Mais ces dieux sont honorés comme les Castor et Pollux de l’interprétation romaine. La force attachée à cette entité divine porte le nom d’Alcis [l’élan ?]. Il n’y a aucune image, ni, bien sûr, aucune trace d’une superstition qui serait d’origine étrangère, mais c’est en tant que frères et que jeunes gens que ces dieux font l’objet d’un culte ».
N.B. Ces noms apparaissent majoritairement germaniques.
Selon Strabon (Géographie, livre VII, chapitre I, 3). Ces subdivisions des Lugiens diffèrent encore.
3… « En ce lieu également il y a la forêt d’Hercynie, ainsi que les tribus suèves, certaines d’entre elles habitant d’ailleurs à l’intérieur de ladite forêt, comme la tribu des Quades [grec Koldouoi], là aussi, s’étend la Bohême [grec Bouíaimon] le domaine de Marobod, où il a fait venir, non seulement plusieurs autres tribus, mais aussi en particulier celle des Marcomans, ses compatriotes. Car après être revenu de Rome cet homme, qui auparavant n’était qu’un simple particulier, avait eu la charge des affaires publiques là-bas. Étant jeune il s’était retrouvé à Rome et y avait bénéficié de la faveur d’Auguste, aussi, à son retour chez lui, s’était-il emparé du pouvoir, et avait acquis à son autorité, en plus des peuples susmentionnés, les Luges (une grande nation), les Zoumous (Didunes), les Butons, les Mougilonas (Lugi Manes), les Sibinous, et enfin les Semnons, une tribu nombreuse, fraction des Suèves »…
Ce peuple (plus particulièrement les Lugii Buri) était, selon Tacite, proche des Suèves de par son mode de vie et sa langue, ce qui en ferait un peuple germanisé.
Tacite, sur l’origine et le pays des Germains (chapitre XLIII) : « Derrière eux il y a les Marsignes, les Cotins, les Oses, et les Bures, juste à l’arrière des Marcomans et des Quades. Les Marsignes et les Bures, pour ce qui est de la langue et du mode de vie, ressemblent aux Suèves. Les Cotins et les Oses ne sont pas des Germains, ce qui est prouvé par leurs langues respectivement celtique et pannonienne ; et par le fait qu’ils sont soumis à tribut. Ce tribut leur est imposé en tant qu’étrangers, en partie par les Sarmates et en partie par les Quades. Les Cotins, combe de la déchéance, exploitent actuellement des mines de fer. Toutes ces nations n’occupent que peu de plaines, mais demeurent plutôt dans des forêts ainsi que sur des sommets montagneux. En ce qui concerne la Suévie, elle est divisée ou coupée en deux moitiés, par une chaîne de montagnes continue, au-delà de laquelle vivent une multitude de tribus ».
En l’an 20, les Lugii, alliés aux Hermondures, attaquèrent le roi des Quades, Vannius, chassé de son trône. Ce roi était allié des Romains et des Sarmates. Palpellius Hister, gouverneur de Pannonie, décida donc de protéger les rives du Danube pour bloquer les envahisseurs.
Tacite, Annales, livre XII.
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Chapitre XXIX.… Car une immense armée de Lugii, renforcée par d’autres tribus, était en train d’avancer, attirée par la rumeur courant sur les richesses de cet opulent royaume, que Vannius avait accumulées en trente ans de pillage et de tribut. La force première de Vannius était l’infanterie, et sa cavalerie venait des Iazyges de Sarmatie, une armée qui n’était pas de taille face à ses nombreux ennemis. C’est pourquoi il résolut de se maintenir dans des places fortes, et de faire durer la guerre.
Chapitre XXX.
Mais les Iazyges, qui ne pouvaient endurer un siège, se dispersèrent dans tout le pays environnant et rendirent un engagement inévitable, puisque les Lugii et les Hermundures y avaient dirigé là leur attaque. De sorte que Vannius quitta sa forteresse, et bien qu’il eut été défait en bataille rangée, malgré ce revers, il gagna en crédit auprès des siens en ayant au moins combattu personnellement et reçu des blessures, à la poitrine. Il prit alors la fuite en direction de la flotte qui l’attendait sur le Danube, et fut aussitôt suivi par ses hommes liges, qui reçurent des concessions de terre en Pannonie et s’y installèrent. Vangion et Sidon se partagèrent son royaume, puis nous furent admirablement loyaux ; et que la cause en soit due à eux-mêmes ou à la nature de la tyrannie, très aimés de leurs sujets tant qu’ils recherchaient le pouvoir, ils furent haïs dès qu’ils l’eurent obtenu.
N.B. Une tribu du même nom, Lugi, est signalée dans le nord-est de l’Écosse, partie ouest du Sutherland.
Ukraine.
Les Boïkos constituent un groupe distinct de populations habitant l’extrême ouest de l’Ukraine. Il y en avait jusque dans la région de Dolynskyi dans le centre de l’Ukraine et dans la province de Lvov, ainsi que dans les régions adjacentes du Sud Est de la Pologne et de la Slovaquie du Nord-Est. Diverses sources historiques, et notamment celles remontant à l’empereur byzantin Constantin Porphyrogénète, tendent à faire de ces Boikos des descendants de la tribu celtique des Boïens (en grec Boiki). Ainsi que nous l’avons vu plus haut, dans la Galicie, contrée mi-ukrainienne, mi-polonaise au nord des Carpates, il y avait aussi quelques communautés celtiques éparses, comme les Oses ou les Cotins. Qui parlaient donc encore une langue celte à l’époque et cela, de l’aveu même de Tacite. Le nom de « Galicie » n’a par contre rien à voir avec cette présence, puisqu’il vient du latin de chancellerie Galicie, qui désignait à l’origine le palatinat de Halicz en polonais (ukrainien Galic). Sur ce même territoire, on relève aussi la présence d’un bourg appelé Carrodunon, actuellement Zalescycki, qui appartenait peut-être aux Racatai (« Les avant-gardes ») et plus à l’est les Anarti et les Teurisci.
Il y avait des colonies celtiques sur le Bas-Danube dans la Mésie inférieure (Arrubium, Aliobrix et Noviodunum, origine de l’actuelle Isacea) ; provenant probablement de la tribu celtique des Britolages que l’on signale entre le Danube et le Dniepr, donc en Ukraine bessarabienne et transnistrienne. On trouve en effet dans la documentation historique sur la région des noms de localité : Maetonium, Vibantivarium, Eractum et Carrodunum leur chef-lieu (sur le cours moyen du Dniestr ou peut-être vers Olbia du Pont-Euxin.
Un décret rédigé sur une dalle de marbre à la fin de IIIe siècle avant notre ère (la grande inscription d’Olbia) rappelle que cette colonie milésienne s’est trouvée un temps (vers – 220 – 221) menacée par les Celtes et les Skyres. Olbia était un port de la Mer noire construit sur le rivage de l’embouchure du Boug méridional (aujourd’hui Parutino d’Otchakiv, 60 km à l’est d’Odessa, en Ukraine). Certains auteurs pensent que les Celtes en question étaient ceux du royaume de Tylis en Thrace. D’autres qu’il s’agissait de Celtes ayant survécu à l’effondrement de ce royaume. D’autres enfin songent à des Bastarnes.
La naissance d’une alliance entre les Celtes et les Skyres de la région avait en effet beaucoup inquiété la population d’Olbia. Ils avaient appris que cette alliance devait aboutir au cours de l’hiver suivant, à l’attaque de la ville par le fleuve (alors gelé en cette saison) et avaient décidé de s’organiser afin d’achever la construction des lignes de défense de la ville. Mais seul un dénommé Protogène avait accepté de participer au financement de ce rempart, d’où le décret.
Face B, 18 : « Et alors que plusieurs généreux donateurs avaient failli à leur devoir, Protogène a pris sur lui d’achever les travaux pour la cité, mais n’a causé aucune perte pour
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le peuple, ayant dépensé pour les deux murailles 1500 statères d’or et acquitté la plus grande partie en or, il fut remboursé en bronze pour 400 statères ».Revenons sur le cas particulier des Bastarnes installés près de l’embouchure du Danube, peuple mi-germain, mi-celte ; ou peut-être, comme les Cimbres et les Teutons, des Germains celtisés. Polybe et Plutarque les donnent pour Galates, mais Tite-Live est le seul auteur à donner quelques arguments recevables pour assimiler les Bastarnes à des Celtes. En effet, il nous indique que les Bastarnes partagent avec les Scordisques une langue à peu près similaire et de mêmes coutumes.
Les Peucins constituaient une partie des Bastarnes et ils étaient installés des bouches du Danube au Dniestr. cf. Strabon (livre VII, chapitre III, 17). Selon Pline (Histoire Naturelle. Livre IV, XIV, 100), les Peucins et les Bastarnes formaient le cinquième des plus importants groupes germaniques. Les Bastarnes sont le premier peuple « germanique » à être impliqué dans des conflits avec des peuples de la Méditerranée. Il est possible que ce soient les fameux Celtes évoqués par la grande inscription d’Olbia vers – 220. On les retrouve un demi-siècle plus tard aux côtés de Philippe V de Macédoine et de Persée contre les Romains et les Dardaniens. cf. Tite-Live (livre XL, chapitres V, X ; LVII-LVIII). Mithridate rechercha aussi leur alliance. Ils furent défaits par Marcus Licinius Crassus. On les assimila tour à tour à des Celtes ou à des Scythes. Strabon (livre VII chapitre III, 17) est le premier à les assimiler, de manière peu sûre, à des Germains.
Il y a eu aussi une « Gallaikè Khôrè » ou pays « gallique », en Thrace, dans le sud-est de la Bulgarie actuelle. Il s’agit du mystérieux royaume de Tylis dont le chef-lieu se trouvait sans doute vers Mézek. Profitant de la décadence des royaumes issus de la désagrégation de l’empire d’Alexandre, ils firent des incursions en Grèce proprement dite, puis ils fondèrent un ensemble de principautés fédérées, au cœur de l’Anatolie, la Galatia ou Galatiia. En gros les actuelles provinces turques d’Ankara, Cankiri et Corum, entre le Sangarios/Sakarya et l’Halys/Kizil-Irmak.
La Bohême-Moravie et la Slovaquie, la Hongrie à l’ouest de la Tisza, le nord de la Serbie et le nord-est de la Croatie (Slavonie) ainsi que l’Autriche, firent partie de cette Celtica Litavia ou Celticum ; qui s’étendait aussi sur l’Italie au nord des Apennins (sauf la Vénétie et les montagnes rhétiques du Frioul) jusqu’à Senigallia sur la côte Adriatique.
La France, sauf la Corse et les zones ibérophones d’Aquitaine, fit également partie de cet ensemble compact, avec toutefois un certain particularisme ligure en Provence, en Ligurie évidemment, et dans le sud du Piémont.
Pour ce qui est de la péninsule ibérique, la plus grande partie du versant atlantique le fut aussi : Portugal, Galice, Léon, Asturies, Castille et aussi Estramadure ; avec quelques relais celtes en Euscadie (Pays basque) et aussi quelques îlots en Catalogne.
N.B. Les Îles Britanniques furent aussi totalement celtiques ou celtisées à la même époque, bien sûr.
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MARCHES FRONTIÈRES ET CONFINS DE L’EMPIRE CELTIQUE(LETAVIA CELTICA) SUITE.
Il y avait bien sûr dans cette Litavia celtica d’alors, des réduits indigènes toujours non celtisés. Dans la Pannonie (Hongrie du sud du Danube) subsistaient alors de vastes îlots illyriens, dominés, mais non complètement assimilés. Autre exemple les Aquitains dans le sud-ouest de la France. L’actuelle aire gasconne (mais il y eut des empiétements celtes dans les Comminges et dans le Couserans, d’une part, et dans le Médoc ou le pays de Buch d’autre part). Une partie de l’actuelle Euscadie (Pays basque) était alors celtophone, aussi étonnant que cela puisse paraître. Cette zone ne fut « reconquise » par la langue basque que bien plus tard. Elle fut alors appelée « Vascongada » par les Espagnols.
Au sud des Pyrénées, après cette extension maximale, la Celtica Litavia ou Celticum se morcela sous l’effet du regain ibérique. La celticité se réduisit progressivement à la Galice, au nord du Portugal, à certaines parties du Léon, des Asturies et de la Cantabrie ; et à deux zones correspondant actuellement, l’une à la Nouvelle Castille, l’autre aux abords du bas Guadiana, non loin de Tartessos (la légendaire Tarsis biblique). Ainsi qu’à divers îlots résiduels dans l’Est ou le Centre-Sud de la péninsule
Les Teutons et les Cimbres.
Vers 500 avant notre ère, les jours prospères de l’Âge de bronze, qui fut la plus grande période de la préhistoire scandinave, arrivaient à leur fin. Cette époque était celle où les orfèvres scandinaves étaient les maîtres incontestés de toute l’Europe dans le travail du bronze et de l’or ; où les navigateurs et les bateaux scandinaves sillonnaient les mers nordiques, et où les dépouilles mortelles des riches Scandinaves étaient inhumées au milieu de leurs trésors ; dans d’énormes tumuli funéraires. Quelles furent les causes du déclin de cette splendeur ? Une nouvelle variation climatique ; une phase froide remplaça la période chaude, ce qui détériora donc radicalement les caractéristiques du milieu scandinave. En outre, l’introduction de la métallurgie du fer dans le Nord désorganisa l’économie fondée sur le bronze, tandis que les Celtes qui imposaient leur domination sur l’Europe centrale coupaient ses communications commerciales vers le Sud. Les changements provoqués par ces causes sociales et climatiques se manifestèrent d’abord par une évolution qui, sans doute, passa presque inaperçue. Vers la fin de l’Âge du bronze (entre 900 et 500 avant notre ère), le nombre des constructions de tumulus funéraires de grandes dimensions diminua, phénomène qui trahit un certain nivellement des classes sociales. Peu à peu, l’usage de l’incinération se répandit. Les ossements et les cendres furent inhumés dans de petites fosses circulaires dont l’emplacement était marqué par des dalles ou par un cercle de pierre, modestes sépultures qui étaient rapidement recouvertes par la végétation et tout aussi rapidement oubliées des vivants. Ce sont les tombes appelées « cistes » par les archéologues. L’évolution assez lente suivant laquelle une forme d’inhumation remplaça l’autre écarte l’hypothèse selon laquelle des immigrants auraient introduit d’autres coutumes, nouvelles. De plus, l’incinération constituait déjà une forme de funérailles durant l’Âge du bronze ancien. Mais l’adoption définitive de l’incinération, comme pratique régulière, traduit une évolution des croyances collectives concernant la vie et la survie, le passage, peut-être, d’une conception matérialiste à une conception spiritualiste, du monde des défunts. L’âme/esprit du défunt devait monter vers les cieux, emportée par les flammes du bûcher funèbre. Une religion de ce type peut expliquer la présence, dans une urne funéraire de la fin de l’Âge du bronze ancien, de trois paires d’ailes de corbeau freux et d’une paire d’ailes de corneille ; qui sont, comme chacun sait, des oiseaux de malheur. Les ailes ont pu être déposées dans la tombe pour aider l’âme/esprit du mort dans son voyage vers les cieux. Le déclin du travail du bronze est un autre signe que les temps changent. À mesure que l’usage de l’incinération se propage, la demande d’ornement funéraire précieux décroît. Les armes et les épées sont désormais en fer, un métal plus résistant. Quiconque possédait le fer, disposait du moyen de dominer ceux qui en étaient dépourvus. Les Scandinaves ne purent au début concurrencer les Celtes, et ces derniers continuèrent à fournir des modèles aux forgerons nordiques, jusqu’au début de l’ère chrétienne. Mais l’apparition du fer ne fut pas le seul événement qui détruisit la société scandinave de l’âge du bronze. Le coup décisif semble avoir été porté par les Celtes eux-mêmes qui envahissaient l’Europe centrale et désorganisaient ainsi les réseaux d’échanges, vieux de plusieurs millénaires, reliant la Scandinavie à la Méditerranée. Les routes du commerce de l’ambre, par exemple, si lucratif, se déplacèrent du Danemark aux rives orientales de la Baltique. Contournant l’empire celte, l’ambre était maintenant transporté vers le sud, le long de la Vistule et du Dniepr, jusqu’à la
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mer Noire et, de là, en direction de la mer Égée. Ainsi, la Scandinavie fut-elle brusquement coupée de ses relations vieilles d’un millier d’années avec le monde méditerranéen. Dans l’intervalle, il semble qu’un nouvel ordre social se soit instauré dans les régions nordiques. Les travailleurs du métal par exemple, continuèrent à occuper dans la hiérarchie de l’Âge du fer, une place privilégiée. Mais, en général, le nouveau mode de vie des Nordiques ne permit plus, désormais, les nettes distinctions entre classes sociales qui marquaient l’Âge du bronze. Dorénavant, tout le monde devait pousser à la roue et tout indique que les individus furent obligés de travailler plus dur que jamais (on dirait aujourd’hui « travailler plus pour gagner moins »). Cultiver le sol, élever le bétail, réclamait les efforts de toute la population, parce que la terre elle-même, par épuisement de sols et pour d’autres raisons, s’était appauvrie. Cette tournure des événements, y compris le déclin économique, était due à une détérioration soudaine et catastrophique du climat. Le refroidissement semble avoir débuté vers 500 avant notre ère et coïncide avec le début de l’Âge du fer. Il fut apparemment provoqué par une déviation des courants océaniques chauds, et une variation dans l’intensité des radiations solaires. Le climat quasi tropical, durant l’Âge de bronze, devint froid et humide. En l’espace de quelques siècles et peut-être de quelques générations seulement, l’été devint une saison de vent, de pluie, et de brouillard, tandis que l’hiver était plongé dans l’obscurité, les tempêtes de neige, et un froid rigoureux. Même dans les régions plus tempérées, le climat restait encore trop rude pour permettre une existence facile. C’est ce qui ressort de l’étude des vestiges d’habitation du premier âge du fer, découvertes en Scandinavie du Sud. Ces maisons solides et à l’épreuve des intempéries furent, à dessein bâties en pierre ainsi qu’en terre en Suède et en Norvège, en torchis au Danemark. En raison du climat devenu rigoureux, il fallut construire des abris pour le bétail. Désormais, les bovins, les porcs, les chevaux, et les moutons vécurent à l’étable, parfois dans les mêmes locaux que les êtres humains. Le fermier de l’Âge de fer devait travailler sans relâche pour ravitailler en fourrage son bétail et nourrir sa famille. L’âge du fer fut une période de tensions et de luttes incessantes contre des bandes qui attaquaient les troupeaux et pillaient les réserves alimentaires des autres villages. C’est alors que la première vague d’envahisseurs venus du Nord, les Cimbres et les Teutons, commença de submerger l’Europe occidentale et s’avança vers le sud, amorçant ainsi avec Rome une lutte historique. Ainsi va la vie donc ! Il y a 2000 ans ou plus les vagues d’immigrés venaient du nord, et il s’agissait de grands blonds aux yeux bleus, aujourd’hui c’est du sud ou des pays du sud que montent les hordes de malheureux en quête d’une terre plus hospitalière que celle qui les a vus naître. Les premiers, les grands blonds aux yeux bleus, finirent massacrés ou esclaves. Qu’adviendra-t-il des seconds, les petits bruns ?? Mais revenons à nos blancs moutons.La tradition fait venir le peuple des Cimbres (latin Cimbri) du Jutland, dans le Danemark actuel, d’après Pline l’ancien. On estime qu’ils étaient 60 000 à 80 000 et qu’ils habitaient des centaines de villages dispersés sur les côtes d’Europe du Nord. Si leurs origines sont sujettes à polémique, on pourrait les supposer celtes comme les Ambrons, ainsi que les Teutons, tout comme on pourrait les qualifier de germains ; il s’agit cependant là d’une simplification extrême de leur ethnogenèse. Le Himmerland où l’on a trouvé le chaudron de Gundestrup pourrait être leur région d’origine ; cependant, cela ne correspond pas à la description qu’en ont faite les auteurs romains. Leur nom se rapproche aussi du germain Kimme, qui signifie « le rivage », « le bord ». Mais les règles de mutation des langues germaniques invalident cette hypothèse. Le suicide de nombreuses femmes lors de leur défaite face à Rome en – 102 rappelle le sacrifice germanique du Blot et la femme de Haraldskær, mais leur roi portait un nom celte, Boiorix.
Les écrivains de la Rome antique nous apportent quelques lumières sur ces populations. Le climat rigoureux de leur patrie forgeait la capacité de résistance des Cimbres et des Teutons, en faisait des guerriers remarquables et sans peur. Ils ne se séparaient jamais de leurs armes, quelles que fussent leurs activités. Cependant, le port de l’épée restait strictement contrôlé, comme dans certains de nos modernes États. Pour être armé, il fallait avoir fait la preuve, devant les anciens de la tribu, de son aptitude à se servir des armes. En conséquence, le plus grand honneur de la vie du jeune « barbare » était de recevoir son premier javelot, son premier bouclier. Cette cérémonie représentait l’équivalent de la toge virile (toga virilis) pour le jeune Romain. Ils étaient généreux et très hospitaliers. Leur code du mariage n’autorisait qu’une seule épouse. Les femmes participaient de la divinité voire étaient censées jouir de certaines facultés de divination ; les hommes ne méprisaient pas leur avis, ce qui surprit Tacite. Cet auteur nous apprend aussi que la dot du mariage était apportée par l’homme ; celle-ci était faite de bétail et d’un cheval, muni d’une selle ainsi que de brides, et
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peut-être de boucliers, javelots ou épées. Quant à la contribution apportée par la mariée à son conjoint, elle comprenait habituellement des armes, symbolisant par là sa volonté d’entrer dans le foyer de l’homme et d’en partager les tribulations ainsi que les périls. L’un des sites les plus riches de l’Âge de fer se trouve dans le marais de Borremose, dans le nord de la presqu’île du Jutland. La cité cimbre de Borremose a pu être reconstituée sur ordinateur grâce aux résultats des fouilles : les fermes étaient fortifiées par un fossé, un remblai ainsi que des palissades. Les archéologues supposent que c’était une résidence royale. À proximité, dans une tourbière, on découvrit en 1950 les corps de deux femmes et d’un homme remarquablement bien conservés, à tel point que l’on pensa même un moment que leur mort était récente. En 1891, déjà, des « coupeurs de tourbe » avaient découvert, près du marais de Borremose, l’un des plus grands trésors de l’Antiquité ; le chaudron d’argent de Gundestrup, décoré en relief d’images de dieu-ou-démons, de déesse-ou-démones, de fées, de combats d’animaux et de sacrifices humains. La plupart des spécialistes estiment que ce chaudron est de facture celtique, et qu’il fut ramené dans la région, comme trophée, par des tribus revenant dans leur pays natal. Peut-être même par des guerriers cimbres, ceux-là mêmes qui avaient terrorisé l’Empire romain. On croit que les Cimbres sont originaires de la région du Jutland où le chaudron a été trouvé ; peut-être étaient-ils même des cousins ou des voisins du peuple de Borremose. Bon nombre des précisions que Tacite donne des villages nordiques ont été confirmées par les fouilles dues aux archéologues modernes. Les maisons étaient indépendantes les unes des autres, séparées par des espaces découverts, une occupation des sols totalement étrangère aux villages latins de son époque. Il s’agissait d’une précaution contre les incendies. Les Nordiques creusaient en outre des caves dans le sol, de simples trous qu’ils recouvraient de tas de fumier, mais qu’ils utilisaient, soit comme refuges en cas de danger, soit comme lieux de conservation des produits. Les maisons étaient construites sur un plan rectangulaire allongé. Au centre des cabanes, une double rangée de poteaux soutenait le toit. Le foyer se trouvait habituellement à l’extrémité ouest de la maison, partie occupée par les humains, tandis que le bétail, les chevaux, les moutons et les poules étaient généralement relégués à l’autre bout du bâtiment. On sait aussi que le mobilier se composait d’écuelles et de vases en poteries, de métiers à tisser ou d’accessoires de tissage ainsi que de meules de pierre destinées à moudre le grain. En outre, comme on a retrouvé une série de poids dans le sol de terre battue d’une de ces maisons, certains pensent que les filets de pêche devaient être suspendus à des sortes de râteliers, le long des murs. Les archéologues ont découvert l’emplacement des champs dans lesquels les fermiers de l’Âge du fer cultivaient les céréales ou d’autres plantes alimentaires. Le tracé de ces parcelles peut être reconstitué grâce aux tas de cailloux qui étaient rejetés sur les lisières du champ avant les semailles. Ou par les petits monticules de terre formés, à l’extrémité des sillons, par le retournement du soc de la charrue. Durant l’Âge du fer, les hommes accomplissaient des sacrifices, comme leurs ancêtres depuis des millénaires : ils offraient des épées, de la nourriture, des poteries ou même des objets comme le chaudron de Gundestrup. Mais, plus que jamais auparavant, des êtres humains étaient aussi noyés dans les marais. Ces sacrifices représentaient des actes de gratitude (Actions de grâce) anticipant les faveurs à venir : récolte abondante ou victoire à la guerre. Dans d’autres cas, il s’agissait de gestes de réparation. Les hommes et les femmes qui avaient offensé les dieu-ou-démons, ou qui avaient transgressé la loi commune, étaient abandonnés au fond des marais. Non seulement pour apaiser les dieu-ou-démons, mais aussi comme moyen pratique d’éliminer du village les indésirables. Tacite décrivit les rites du culte rendu à Nerthus, déesse-ou-démone de la terre, par les peuples qui vivaient au Danemark. La résidence de la déesse-ou-démone, ou de la fée si l’on préfère ce terme, était un bosquet sacré, dans une île située en pleine mer ; elle en sortait accompagnée d’une escorte solennelle à certains moments de l’année, mais il ne nous dit pas exactement quand et de quelle manière. La déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère, voyageait dans un char recouvert d’une étoffe que seul un prêtre (un druide ?) pouvait toucher. Alors commençaient des jours de fêtes et de réjouissances en chaque lieu qu’elle condescendait à visiter… La guerre s’arrêtait, chacun déposait les armes, tous les objets de fer étaient tenus à l’écart. Alors, seulement, et pour un court laps de temps, la paix ainsi que la tranquillité régnaient, l’entente était générale ; jusqu’à ce que la déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère, fatiguée de la société des humains, soit ramenée par un druide dans son île sanctuaire. À ce moment-là, le char, les vêtements, et la déesse-ou-démone ou fée elle-même, étaient plongés au fond d’un lac, puis les hommes qui avaient accompli cette tâche sainte étaient immédiatement noyés. Ainsi, conclut l’historien romain, le mystère engendre-t-il toujours la terreur, et les dagolitoi (les fidèles) n’osent pas se poser de questions sur un
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spectacle que ne contempleront que les hommes destinés à mourir. Il est presque certain que le rôle de célébrant et de serviteur de la déesse-ou-démone, ou de la fée si l’on préfère ce terme, était réservé aux principaux personnages du peuple des marais, notamment, à celui que l’on a désigné sous le nom d’Homme de Tollund (Jutland central). Il était nu, à l’exception d’un chapeau de cuir qui lui couvrait la tête, d’une ceinture de cuir autour de la taille, et d’une corde de cuir serrée autour du cou ; sans doute le lacet avec lequel il avait été pendu ou étranglé. Il gisait en position accroupie, recroquevillé, les jambes sous lui et les bras croisés, reposant sur le flanc comme s’il dormait. En raison de ses mains qui n’étaient pas celles d’un travailleur manuel, on pense qu’il s’agissait d’un druide ou d’un chef de village. Car on choisissait parfois, comme victimes de sacrifices, des individus de rang social élevé, dans l’espoir que le défunt continuerait à faire bénéficier le village de ses pouvoirs particuliers. L’autopsie révéla qu’il avait mangé un repas spécial, 12 à 24 heures avant de mourir : une sorte de gruau à base de céréales et de grains, les uns d’origine sauvage, les autres cultivés. Ces mêmes graines devaient germer, pousser puis mûrir durant le voyage de la déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère, à travers le paysage de printemps. De ces indices, on déduit que l’homme de Tollund a peut-être été l’un des druides qui guidaient ou accompagnaient la déesse-ou-démone ou la fée au cours des fêtes des semailles du printemps. Après avoir escorté le char sacro-saint, et absorbé le repas rituel, il joua son rôle jusqu’au bout et fut sacrifié afin que la terre puisse faire jaillir une nouvelle vie.Les Illyriens.
Les Illyriens sont un peuple protohistorique des Balkans, d’origine indo-européenne, parents des Thraces et des Daces (Thraco-illyriens). Leur langue, l’illyrien, ne nous est connue qu’à travers des traces laissées dans l’onomastique de la région, en particulier dans la toponymie. Le groupe thraco-illyrien fut en contact permanent avec les Celtes : il y eut donc constamment alternances de symbioses et de conflits entre les deux. Il y eut d’ailleurs des populations mixtes et probablement bilingues, comme les Scordisques ou une partie des Vénètes. Les Illyriens étaient un vaste groupe, potentiellement aussi important que celui des Celtes, mais culturellement plus morcelé, alors que leurs voisins celtophones, eux, avaient une cohésion morale et linguistique solidement entretenue par les très-sachants de la druidiaction (druidecht). Entre les deux groupes, il y avait un contentieux, car les Celtes, plus encore que les Germains, avaient supplanté les Illyriens dans leur foyer primitif. C’étaient aussi des Celtes qui avaient ruiné l’implantation des Rasenas/Étrusques en Italie du Nord, et encore des Celtes qui, ensuite, avaient cherché à s’étendre le long des côtes de l’Adriatique. Une certaine solidarité contre l’impérialisme romain aurait pu évidemment les réconcilier, mais Rome eut toujours l’habileté de les attaquer séparément. Avec les Germains, il en allait tout autrement. Les Celtes avaient été, et continuaient d’être, un modèle, pour eux ; ceci est démontré par de nombreux faits archéologiques ou linguistiques. La noblesse germanique portait volontiers des noms celtes, et lors de plusieurs grandes expéditions guerrières, notamment celle des Cimbres et des Teutons, les deux ethnies furent également représentées par d’importants contingents proches les uns des autres. Ce n’est que vers la fin de l’époque de La Tène que les Germains s’enhardirent à occuper des territoires partiellement évacués par les Celtes partis coloniser des contrées plus ensoleillées.
Par rapport à l’époque de Hallstatt, la celticité donc était déjà en recul, au profit des Germains, dans le Centre et dans le nord de l’Allemagne ainsi que dans l’est des Pays-Bas.
Lors de la période laténienne, la progression germanique s’amplifia, en atteignant le Rhin puis les rives du Danube bavarois. Elle s’attaqua ensuite à la Bohême-Moravie et en délogea les Boïens.
Les Ligures.
Il importe ici de revenir sur le cas des Ligures, dont la position ethnique exacte est encore discutée. Les uns en font des Celtes parmi d’autres, une avant-garde en quelque sorte dans leur expansion vers l’ouest et le sud. D’autres en font des cousins des Thraco-Illyriens.D’autres enfin, moins nombreux depuis que l’on étudie les bribes de toponymie ligure, en font des non-Indo-européens, presque des Cro-Magnon. Où est la vérité ? Comme tout est complexe en ethnologie, il y a du vrai dans chacune de ces trois hypothèses. Tout le monde aujourd’hui est à peu près d’accord sur le fait que leur langue était intermédiaire entre le celtique et l’illyrique, et à une époque où ces deux langues elles-mêmes étaient relativement proches, cela va presque de soi. Le Ligure semble se rapprocher du celtique, jusqu’à s’y identifier comme dans le cas du Lépontique, qui est considéré maintenant comme un parler celtique « subalpin » (cf. Benvenuto Terracini). On sait d’autre part qu’en laténien
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tardif, l’intercompréhension existait toujours entre les Celtes Ambrons et les Ligures, et qu’ils se considéraient comme consanguins (souvenir d’anciennes aventures guerrières communes d’antan). L’étude de la toponymie ainsi que des termes botaniques, montre néanmoins qu’il y eut incorporation de vocabulaire pré-indo-européen. Il s’agit donc d’un substrat néolithique, indo-européanisé, mais prédominant dans le type physique ainsi que dans les us et coutumes de ces peuples sédentaires, adonnés à l’agriculture, mais sans négliger d’autres activités. À l’époque hallstattienne, les Ligures occupaient sans doute toute la future Gaule, ainsi que quelques parties du nord-ouest de l’Espagne et de l’ouest de l’Italie du Nord. Ils furent progressivement conquis par les Celtes proprement dits, d’une part, et dans une moindre mesure par les Ibères, le long du golfe de Gêne (ligusticus sinus = golfe ligure) ainsi qu’en Aquitaine. Les Ligures contribuèrent aussi au peuplement de la Corse et de la Sardaigne, où ils furent à leur tour envahis par des Shardanes, cousins des Lydiens et des Tyrrhéniens (un autre groupe illyrique). Ils participèrent aussi au peuplement de la Sicile puisque l’on considère les Sicules/Shekelesh comme des Ligures ; d’où d’ailleurs le nom de cette île : Siculia, Sicilia. Pour compléter cette brève revue, il nous reste à parler des Italiques puisque certains avancent l’hypothèse d’une phase italo-celtique. C’est avec l’italique que le celtique avait le plus de parenté. L’Italique primitif n’est pas attesté ; par contre, on connaît plusieurs des langues qui en dérivèrent. On connaît, assez bien, l’ombrien et l’osque, et l’on ne connaît que trop le latin. La langue la plus proche du celte, à tel point qu’elle fut même considérée comme une langue intermédiaire entre celtique et italique, était l’ombrien. Les Ombriens occupaient un domaine assez restreint, infime même par rapport à l’immense Litavia celtique : à peu près la région actuelle de l’Ombrie, agrandie d’une façade sur l’Adriatique, de l’Esino jusqu’au Rubicon, donc ; plus la totalité de la province de Pesaro, la moitié de celle de Forli, les quatre cinquièmes de celle d’Ancône et la République de Saint-Marin. Les Celtes sénons envahirent d’ailleurs ce littoral et s’y superposèrent, temporairement, aux Ombriens. Derniers venus en Italie, les Ombriens avaient aussi, peut-être (ce point est très discuté) d’autres implantations ailleurs (voir les Umbranici de la Gaule méridionale : à peu près l’arrondissement de Lodève, département français de l’Hérault. Les autres Italiques étaient les Latins, et, plus nombreux, les Sabelliens, qui comprenaient Osques, Sabins, Samnites, et Hirpins, des peuples au contact des nations illyriennes occupant le littoral de l’Adriatique. Chez les Italiques, comme chez les Celtes, on constatait la dichotomie entre P et Qu : au latin « quis » correspondait l’osque « pis », etc. Entre Celtes et Italiques, beaucoup de thèmes verbaux communs, ainsi que des déclinaisons et des conjugaisons assez parallèles. Les échanges de vocabulaire, par emprunt mutuel ou maintien d’un fonds linguistique commun, étaient nombreux, mais pas au point d’assurer encore l’intercompréhension à l’époque laténienne. Le gros problème des Italiotes, non Latins, était l’impérialisme de Rome, ce qui les amena donc à plusieurs reprises à faire appel aux Celtes. Mais on sait que Rome a fini par réussir à imposer son pouvoir à toute la botte italienne. C’était chose faite avant que n’éclate la Première Guerre punique, vers – 270. Les Celtes aidèrent autant qu’ils purent les Carthaginois lors de la Seconde Guerre punique (– 217 à – 200). Victorieux après avoir frôlé l’écroulement, les Romains entreprirent donc aussitôt de les soumettre (– 200 à – 189). Le dernier soubresaut des Italiotes unis aux Étrusques et aux Illyriques fut la guerre dite « sociale » (de socii = fédérés). Une lutte d’indépendance nationale menée de – 90 à – 88, et dont Rome ne se sortit qu’en accordant la citoyenneté à tous les péninsulaires de condition libre.LA CIVILISATION CELTIQUE.
C’est à la fin du IVe siècle avant notre ère qu’apparaît, encore dans les sources grecques, le terme « Galates » pour désigner précisément les Celtes qui se heurtent aux Grecs à partir de – 310 (invasions menées entre autres par un chef appelé Molistomos). Ils traversent, non sans laisser de traces, les Balkans, et gagnent l’Asie près de Byzance. Le contexte dans lequel ce nom est utilisé laisse penser que les intéressés se nommaient ainsi. Près de deux siècles et demi après, Jules César mentionne les Gaulois, qui se nomment Celtes dans leur langue, et qui habitent une partie de la Gaule (les deux autres parties étant peuplées par les Aquitains et par les Belges). Point commun de ces trois témoignages, qui reflètent par ailleurs des réalités ou des intentions différentes, l’existence des Celtes est attestée durant ces siècles qui, d’Hérodote à César, constituent ce que les archéologues ont nommé « civilisation de la Tène ». Du site de La Tène, sur la Thielle, en Suisse. À cet empire celtique (Celtica Litavia ou Celticum dans Tite-Live) attesté par les sources historiques, il faut évidemment ajouter la Grande-Bretagne, également conquise peu après par les Romains, et dont César
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mentionnait la spécificité par rapport à la Gaule. Il faut, enfin, y ajouter l’Irlande, de l’Âge du fer jusqu’au haut Moyen-âge, telle que la révèlent l’archéologie et la tradition, ou les textes insulaires de cette dernière période.Le monde celtique n’a pas d’unité politique, ce n’est pas un empire politique ayant par exemple comme roi des rois (Ard ri) Ambicatus, mais on peut parler de civilisation celte : même mode de vie et de pensée, mêmes pratiques religieuses même langue. Par « même langue » nous voulons dire intercompréhension possible entre les différents dialectes moyennant sans doute quelques efforts évidemment (comme entre les différentes variétés de notre langue suivant qu’elle est parlée en Amérique en Europe en Afrique et ainsi de suite).
Chaque tribu-État a un oppidum qui lui sert de capitale. L’oppidum qui est la ville celtique (un gros bourg pour nous) est un lieu fortifié. Généralement, le lieu a déjà été occupé par les peuplades autochtones, et le rempart est déjà édifié. Même si les Celtes l’ont rénové ou consolidé. On trouve aussi bien l’oppidum de hauteur que l’oppidum de rivière. L’eau protège aussi bien que les hauteurs. À l’intérieur de la muraille, on trouve une grande place non bâtie, entourée d’une palissade, pour y recevoir les paysans des villages alentour en cas de conflit. Au sommet se situent la place du marché ou le fanum (le sanctuaire marqué par une tour ronde ou carrée : la cella). En contrebas, on trouve le quartier des artisans, parfois aussi un quartier des éleveurs et un pour les agriculteurs. Dans le site d’Acy-Romance en France, les quartiers en question étaient ainsi constitués : trois grandes cours d’un hectare. Les éleveurs sont dans le quartier nord-est, les agriculteurs à l’est et les artisans au sud-est. Cette organisation n’est pas le fruit du hasard, elle répond à des impératifs fonctionnels. Les éleveurs par exemple, seront à moins de 500 m de la rivière et des prés, les artisans sous les vents d’ouest dominants afin d’éviter la propagation des incendies à la totalité du village. Les agriculteurs, meuniers, mais aussi tisserands, sont entre les deux. L’importante main-d’œuvre nécessaire à l’agriculture et au jardinage sera cantonnée dans un quartier central constitué de bâtiments alignés de chaque côté de petites rues. Les quartiers d’habitat sont divisés en parcelles, de superficie égale, délimitées par des clôtures. Dans chacune s’élèvent la maison et divers bâtiments annexes, granges, greniers, appentis… Le religieux en charge du village, le très sachant de la druidiaction vivant dans une maison assez vaste à proximité du sanctuaire (du fanum), bénéficie comme les autres de constructions secondaires qui témoignent de sa position au sommet de la hiérarchie.
Les maisons à charpente de bois équarri, aux toits de chaume et murs de torchis blanchis au lait de chaux, ont fière allure et préfigurent l’habitat traditionnel en colombage. Dans les demeures nobles, il y a un étage ou pour le moins un grenier complet sur plancher. Dans l’âtre trônent des chenets à têtes de bélier en terre cuite ou des landiers (c’est un mot d’origine celte d’ailleurs : andero) et sur les étagères ou les tables basses s’empilent des vases de qualité. Il n’en est pas de même pour les demeures des ouvriers agricoles dotées d’un confort plus spartiate : une simple couche d’argile à même le sol sert de base au foyer. Mais tout le monde ne vit pas dans les oppida. On trouve aussi nombre d’habitats isolés ainsi que de hameaux. César mentionne en effet à la fois des aedificia, bâtiments agricoles isolés, et des vici, qui sont un groupement d’aedificia. Les chefs habitent, eux aussi, des aedificia, situés le plus souvent, nous dit César, dans une clairière de la forêt ou au bord d’une rivière. À côté de l’agriculture et de l’élevage, la chasse et la pêche doivent être leurs loisirs favoris. Ces aedificia, aussi bien d’ailleurs que les habitations des vici, sont des huttes de branchages enduites de terre glaise ou des maisons à charpente. « Quant à leurs maisons », écrit Strabon, « qui sont spacieuses et ont la forme d’un dôme, elles sont construites avec des planches et de l’osier, qu’ils recouvrent d’un épais toit de chaume ». Les Celtes ne connaissent en effet ni la tuile ni le mortier. La base de ces habitations est souvent consolidée de murets en pierre sèche, dans lesquels sont fixés les poteaux qui tiennent les parois et portent la charpente de la toiture. Une excellente reconstitution d’un village celte (avec même le genre de totems que les Romains appelaient « simulacra », c’est-à-dire un tronc d’arbre toujours en place et bien enraciné, mais coupé à mi-hauteur et grossièrement sculpté ; a été faite par les Allemands (Altburg bei Bundenbach). La construction des habitations varie naturellement, suivant les ressources de chaque région : en pays de forêts, huttes de branchages et cabanes de charpente ; en terrain rocheux, huttes en pierre sèche, même lorsque le bois ne manque pas aux environs. Ces cases se groupent à l’intérieur d’une cour, entourée elle-même d’un mur en pierre sèche. Dans ces demeures plus ou moins vastes et de construction plus ou moins soignée, on vit sans meuble. Le sol est en terre battue couverte de paille. La maison d’un chef [propriétaire rural] doit grouper autour d’elle, dans une vaste cour, peut-être même dans une petite enceinte semblable à une forteresse,
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les cases de ses serviteurs, de ses écuyers ainsi que de quelques-uns de ses obligés ou de ses hommes liges. Sans oublier les étables ou les écuries, les granges et autres réserves à provisions. La plèbe, elle, par contre, devait souvent partager sa demeure avec son bétail. Les maisons d’habitation des villes ne devaient pas être très différentes de celles qui étaient situées à la campagne. Entre la ville et les hameaux, il n’y a que la taille qui change.Nos ancêtres savent produire la laine, la teindre, la filer, la tisser, puis faire les vêtements : braies (pantalon), tuniques et vestes. La fibule (agrafe) est d’usage courant. Ils mangent beaucoup de viandes (rôtie sur la braise ou à la broche, et bouillie), celle qui provient de leurs animaux d’élevage, porcs, moutons, chèvres, bœufs, chevaux, poules, et chiens. Cette viande peut être consommée fraîche ou après conservation (salaison : on a retrouvé des ateliers de bouilleurs de sel). Ils mangent aussi du poisson de rivière : brochets, barbeaux, chevesnes, truites, perches… Pour ce qui est des céréales, ils consomment du blé ou de l’orge, qu’ils mangent en bouillie. Ils en font aussi des galettes. Il semble qu’ils n’aient fabriqué du pain qu’à la fin de l’Âge du fer avec la culture du froment et de l’épeautre. Ils mangent des lentilles et des pois. Pour les fruits, ils cueillent les baies sauvages, framboises, fraises, noisettes…
Ce sont de bons agriculteurs qui pratiquent la fumure (chaux, marne, fumier parfois mélangé à des cendres, lisier). Certaines tribus utilisent même des charrues à roues plus efficaces que l’araire. Ils cultivent le blé, l’orge, le seigle, et le millet, ainsi que nous l’avons dit, mais dans ce dessein adoptent souvent l’agriculture « à champs ouverts ». C’est-à-dire qu’ils divisent leur terre en trois zones afin de pratiquer l’assolement triennal. La première zone si elle est ensemencée en blé ou en seigle (céréales qui épuisent la richesse du sol) la première année, est laissée en jachère la deuxième année, puis reçoit des légumes la troisième. Les deux autres zones tournent pareillement, mais de façon à porter tous les ans des récoltes de céréales et de légumes ainsi qu’une zone en friche. Ce système exige que les agriculteurs cultivent en commun, et reçoivent à la fin de la saison leur part de récolte. Le chef se réserve la part du lion évidemment. Ainsi que nous l’avons déjà signalé précédemment, ce sont aussi de grands éleveurs, ils entretiennent des porcs pour en consommer la viande (par contre, ils mangent très peu de sangliers). Ils savent conserver la viande en la salant ou la fumant et sont d’excellents charcutiers. La pêche en eau douce fournit un complément de nourriture. Ce sont également de bons artisans qui maîtrisent l’utilisation du fer, de l’exploitation minière à la sidérurgie artisanale. Ils travaillent le bronze, l’or, l’argent, l’émail, et aussi le cuir, sans oublier le bois. Ils construisent des chars à quatre roues, inventent le vallus (une moissonneuse), construisent des navires robustes. Ils sont également les inventeurs du tonneau, plus léger, mais aussi plus pratique que les amphores, et du savon (en mélangeant de la graisse et de la soude). Si la tribu celte vit en autarcie, elle pratique néanmoins le commerce avec ses pairs. Si beaucoup de vicus se situent à proximité des cours d’eau et des fleuves, c’est non seulement pour pratiquer la pêche, mais aussi parce qu’elles sont des voies de communication qui permettent de déplacer les marchandises et les hommes. Sur les berges des rivières et des fleuves, on trouve donc des comptoirs commerciaux et des ports fluviaux. Le pays est également sillonné de chemins de terre qui relient les capitales des diverses tribus entre elles, et qui assurent la liaison avec les différents vicus. Les Celtes commercent aussi avec les peuples étrangers. Ils reçoivent très tôt de la Grèce des vases céramiques ainsi que des vases de bronze comme les stamnoi ou les œnochoés. Le vin vient aussi de Grèce. Les produits grecs empruntent deux chemins, l’un continental et l’autre maritime jusqu’au port de Massalia (nom grec de la ville de Marseille à cette époque, qui deviendra Massilia sous César). Mais beaucoup plus tardivement pour ce qui est de cette deuxième voie, vers le second siècle avant notre ère. Ces hommes commercent aussi avec la Grande-Bretagne, avec les peuples du nord de l’Espagne, avec les tribus germaniques, et aussi avec l’Italie et Rome. Les Celtes ne sont pas des inconnus pour les Romains. Le développement du commerce a permis celui des monnaies, mais assez tardivement, au début du IIIe siècle avant notre ère. Ce sont les Grecs de Massalia qui ont frappé les premiers des monnaies puis les ont introduites dans le pays celte à partir du IVe siècle avant notre ère. Précédemment, nos ancêtres utilisaient les pièces étrangères. Les Celtes du Centre et du Nord vont frapper, eux, des pièces d’or semblables aux « philippes », du nom de Philippe II de Macédoine (— 382 – 336), des pièces (statères d’or) qui circulent dans tous les pays méditerranéens et aussi chez les peuplades dites « barbares ». La société celte est constituée d’une aristocratie guerrière, des guerriers possédant un cheval et une épée de fer plus solide et plus maniable que celle de bronze. Tous les ans, l’aristocratie élit son chef, et les armées en guerre élisent leur général. Le chef qui est ainsi choisi le doit le plus souvent à
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ses obligés ou à ses vassaux. Un système qui ressemble assez au système féodal, où plus l’homme est puissant plus il dispose d’hommes qui lui sont assujettis, qu’il protège (en théorie) et qui en échange le servent. Ce n’est donc pas uniquement l’argent qui compte comme de nos jours. C’est l’importance du nombre de ses obligés ou de ses hommes liges qui détermine la puissance du notable et qui permet de le faire élire. Voir l’exemple d’Orgétorix chez nos amis helvètes de Suisse. On présume que le chef était assisté d’un conseil. Son intérêt bien compris était donc d’être toujours approuvé par une forte majorité voire un quasi-consensus afin, comme on dit, de « mouiller » le maximum de ces faiseurs d’opinions dans ses prises de décisions ; surtout pour le cas où elles déboucheraient sur un échec retentissant ! La prudence élémentaire (afin de sauver leur tête en quelque sorte) obligeait donc tous ces chefs, par réalisme et non par idéalisme, à la plus grande démocratie. Encore une fois, soulignons que c’est loin d’être toujours le cas dans nos modernes pseudo-démocraties. Certains principes semblent régir le « gouvernement » du chef : pouvoir civil et militaire distinct, élections annuelles, un seul membre du conseil ou du « gouvernement » par famille. Selon certains autres historiens, le système des chefferies héréditaires était également très courant. Les druides forment la classe religieuse et l’autre versant de l’aristocratie : ce sont des prêtres et des intellectuels. Il n’y avait pas opposition entre la foi et la raison ou la science comme de nos jours. La classe des druides, véritable clergé, élit aussi son chef. Élection qui peut entraîner des conflits et même l’emploi des armes ou de la force si l’on en croit César à ce sujet. Les très-sachants de la druidiaction (druidecht) du pays, se réunissent une fois par an. Ils ne sont pas astreints au service militaire, mais peuvent se battre aux côtés des leurs s’ils le désirent. Ils ont été « à l’école » depuis tout petit et ont étudié (jusqu’à l’âge de vingt à vingt-cinq ans environ). Ce sont des directeurs de conscience, des conseillers spirituels, et bien entendu pour les croyants des spécialistes reconnus en ce qui concerne les volontés divines, des experts dans l’art de mettre les dieux de son côté ; ce qui fait qu’ils participent aux côtés des chevaliers à la vie politique de leur tribu. La société des très-sachant de la druidiaction est composée de juges, d’avocats, de professeurs (éducation des jeunes nobles), de médecins, et de poètes (les fameux bardes). Vers la fin de la période d’indépendance, de grands bouleversements sociaux avaient commencé à se produire. Une révolte de ksatriyas en terminologie hindoue. La royauté disparaît peu à peu remplacée par la vergobreture. Les chevaliers, les nobles, deviennent les maîtres du sol. Nous voyons d’ailleurs des oppida entiers, c’est-à-dire des agglomérations urbaines, tombés dans la dépendance d’un chef comme Lucterios du temps de César. Ensuite viennent le peuple et les prisonniers de guerre (esclaves). Il semble qu’esclaves et gens du peuple, ceux qui travaillaient, n’étaient plus socialement séparés que par une assez mince barrière à l’époque. La famille celte typique joue un rôle essentiel dans la société. Elle est de type patriarcal modéré par une relative égalité pour ce qui est du rôle des femmes (disons un début d’égalité hommes/femmes joint à la reconnaissance d’une certaine sacralité chez les femmes, elles sont souvent médiums, voyantes et guérisseuses, bref en contact privilégié avec les forces de l’au-delà). Le chef de famille a néanmoins droit de vie et de mort sur sa femme et sur ses enfants. Ce caractère indo-européen est tempéré par des usages immémoriaux remontant sans doute aux tribus de chasseurs-cueilleurs. On est donc là aux antipodes de la place concédée à la femme dans l’islam. L’enfant noble est destiné à porter les armes, tandis que l’enfant « non noble » doit chercher une terre à cultiver ou un métier à exercer.
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REMARQUES À PROPOS DE LA CELTISATION.LES DIFFÉRENTES CONCEPTIONS DE L’EMPIRE CELTIQUE (LE CELTICUM D’AMBICATUS CHEZ TITE-LIVE).
Litavia est un terme signifiant à peu près en celte : « Étendue/Espace/Immensité ». Les Celtes insulaires ont d’ailleurs longtemps utilisé le terme « Litavia » pour évoquer la Celtie continentale, et les Gallois désignent toujours la Bretagne armoricaine du nom de « Llydaw » (mot dérivé de Litavia).1. Pluralité de confédérations temporaires et d’unités farouchement isolées, n’ayant guère en commun que des noms collectifs, mais sans plus d’unité, même linguistique.2. Multitude de communautés indépendantes, groupées au coup par coup en confédérations rivales et plus ou moins temporaires, mais jouissant néanmoins d’une certaine unité linguistique.3. La même chose, mais avec en plus l’unité intellectuelle d’une civilisation commune, dont la cohésion était maintenue par les très-sachants de la druidiaction (druidecht). Chacune de ces trois conceptions de l’Empire celtique pouvant s’accompagner de trois degrés linguistiques différents.A. Communauté relative du fond lexical, permettant l’intercompréhension.B. Pluralité de dialectes, mais maintenance, par les très-sachants de la druidiaction (druidecht), d’une langue véhiculaire à l’instar du globish d’aujourd’hui.C. Réelle unité de langage à un moment donné.
Une seule chose est sûre. Il y eut certainement des hégémonies temporaires, et sur des parties notables du territoire (voir l’Ambicatus de Tite-Live), mais il n’y eut jamais d’unité organique pan celtique totale, assumée par un pouvoir militaire ou politique. Parler de la Gaule au singulier par exemple est un fantasme, justement ridiculisé par les antiracistes.
Les historiens hésitent entre ces diverses hypothèses. La plus vraisemblable est la combinaison 3.C pour le noyau central ou le gros du bloc continental augmenté des deux tiers méridionaux de la Grande-Bretagne ; et la combinaison 3.B pour les zones périphériques comme la péninsule Ibérique, l’Irlande ou l’Écosse. On peut évidemment imaginer aussi d’autres combinaisons.
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Comme chacun sait ou devrait le savoir, les Celtes ne sont au départ que des immigrés venant d’un autre pays (allobroges) dont le berceau d’origine est situé quelque part en Europe centrale 1000 ou 2000 ans avant notre ère. Dans l’Ouest et l’est de l’Europe, ils font figure de conquérants ayant soumis des populations autochtones ou indigènes : des dhimmis appelés Atectai (gaélique Aithech Tuatha).
Échanges économiques, diffusion du savoir, mouvements de colonisation, conversions religieuses par la persuasion verbale ou militaire, ont entraîné la transformation progressive, de l’Âge du Bronze au Moyen-âge, de toutes les civilisations européennes.
« L’expansion danubienne du IIIe siècle avant notre ère et le déplacement du centre de gravité du monde celtique transalpin, de la Suisse vers la Bohème et la Moravie, qui en est la conséquence, ainsi que l’essor rapide des nouvelles provinces danubiennes ; constituent des événements majeurs dans l’histoire de l’Europe ancienne ; pendant longtemps sous-estimés ou mal compris. Il est clair en effet, que l’existence d’ensembles ethniques instables, mais dynamiques, capables d’absorber ou de structurer des éléments d’origine disparate ; illustrée particulièrement bien par le cas des Volques Tectosages ; parallèlement à la présence de peuples anciens, stables et enracinés depuis longtemps dans un terroir ancestral ; permet d’expliquer le caractère très diversifié du peuplement celtique et ses évolutions différentes selon les régions. L’étonnante rapidité ou efficacité de l’expansion danubienne, apparaît beaucoup plus compréhensible lorsque l’on apprécie à sa juste valeur la capacité des Celtes à trouver un modus vivendi avec les populations indigènes des terres de conquête ; qui devaient probablement être souvent majoritaires. L’illustration éloquente de cette cohabitation est l’assimilation d’éléments propres aux cultures locales qui caractérise aussi bien les Celtes de la Cuvette carpatique que le milieu scordisque de la plaine du Danube. Évidemment, ces influences ne modifièrent pas dans sa substance le fondement idéologique de l’expansion dont le reflet le plus éloquent est fourni par les images que modelèrent ou gravèrent les artistes celtes de la région. L’art des Celtes danubiens reste pleinement intégré dans le même monde d’idées qui est indissociable de l’art laténien depuis le Ve siècle ; et qui trouve au IIIe siècle avant notre ère une remarquable expression unitaire en formant le langage
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commun, la koinè culturelle, des Celtes laténiens » (Venceslas Kruta. Revista de Guimarães, Volume Especial, I, Guimarães, 1999, p. 51-85). Les rapports entre vainqueurs et vaincus [Les dhimmis de l’époque. Atectos ou atecta au singulier. Atectoi au pluriel. Atectai quand on en parle en tant que classe ou communauté, comme les Aithech Tuatha en Irlande] furent sans aucun doute encadrés par des règles précises énoncées par les très-sachants de la druidiaction (druidecht).Le rôle du roi (ou du vergobret bien sûr) celte, en Irlande ard ri (cf. Ambicatus sur le Continent), était de redistribuer les richesses du territoire soumis à son autorité. LES DROITS DU NON DRUIDISANT * VIVANT AU SEIN D’UNE COMMUNAUTÉ CELTE OU CELTISÉE TOUJOURS… EXEMPLE, CELUI DE L’ASIE MINEURE (ACTUELLE TURQUIE).
* Mise au point terminologique préalable. Bien qu’il y ait évidemment des cultes d’origine celtique dans la péninsule ibérique et en Asie Mineure (Galatie), le terme druide n’est pas vraiment attesté dans ces régions du monde. En Asie Mineure par exemple on ne connaît que le terme grec dikastes (signifiant juge) pour en parler. Certains puristes contestent donc l’usage de ces notions (de druides de druidisme ou de fidèles du druidisme) pour ce qui est de ces régions du monde (Espagne Turquie). Ils lui préfèrent le terme « druidisant » (= qui étudie le druidisme, qui est peu ou prou influencé par le druidisme).
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Installés sur les hauts plateaux d’Anatolie, les Galates qui devaient appartenir encore en majorité à la génération de la « Grande expédition », originaire d’Europe centrale ; formèrent dès le deuxième quart du IIIe siècle avant notre ère, une fédération de peuples connue sous le nom de « Communauté des Galates » (Koinon Galaton) ; qui s’inspirait probablement de modèles propres non seulement aux populations celtiques de leurs régions d’origine, mais aussi à l’ensemble des Celtes. Cette organisation est particulièrement bien décrite par Strabon.« Les Galates, donc, vivent au sud de la Paphlagonie. Il y en a trois tribus ; deux d’entre elles, les Trocmes et les Tolistobogiens, portent les noms d’un de leurs chefs, alors que la troisième, les Tectosages, porte le nom d’une tribu de Celtique. Cette région fut occupée par les Galates après qu’ils eurent longtemps erré, puis dévasté, le pays sur lequel régnaient les Attales ou des rois bithyniens ; jusqu’à ce qu’ils acceptent de leur concéder volontairement l’actuelle Galatie, ou Gallo-Grèce, comme on l’appelle. Leonorios passe pour avoir été le chef ayant conduit leur expédition en Asie. Les trois tribus parlaient la même langue et ne différaient en rien les unes des autres. Chacune était divisée en quatre parties appelées tétrarchies, chaque tétrarchie ayant son tétrarque, et aussi un druide [grec dikaste] ainsi qu’un chef militaire [grec stratophylaks], tous les deux sujets du tétrarque, et flanqués de deux commandants adjoints [en grec hypo-stratophylaks]. Le Conseil des douze tétrarques comptait trois cents membres, qui se réunissaient au Drunemeton, ainsi qu’ils appelaient ce lieu. Ce Conseil jugeait les affaires de meurtre, mais les tétrarques et les druides [grec dikastes] s’occupaient des autres. Telle était du moins la constitution de la Galatie jadis, car de mon temps le pouvoir passa entre les mains de trois chefs uniquement, puis de deux, et enfin d’un seul, Déjotarus, à qui Amyntas succéda » (Géographie livre XII, chapitre V, 1). Mis à part l’appellation grecque donnée aux différentes charges (tetrarkhia, stratophylaks, hypo-stratophylaks, dikastes) ; résultat de l’influence exercée par l’environnement hellénique ; on retrouve un type d’organisation qui montre de nombreux points communs avec celle de peuples celtes de la première moitié du Ier siècle avant notre ère. Notamment celle qui est décrite par César, de manière malheureusement moins systématique, et d’autres indications que l’on peut glaner dans les textes. La tétrarchie correspond au pagus ou comté, qui semble être le résultat de la division quadripartite d’un ensemble plus important, la confédération tribale, désignée généralement par le nom de « peuple ». On en retrouvera d’ailleurs encore le principe dans l’Irlande préchrétienne, divisée en quatre parties qui contribuent chacune à un territoire commun, la province du Milieu (Midhe), censée réaliser l’unité de l’ensemble. Son équivalent continental est le Mediolanum (« Centre du territoire »), attesté chez différents peuples celtiques par de nombreux toponymes. Toutefois, et à la différence des tribus celtes déjà urbanisées ou en voie d’urbanisation, les Galates d’Asie Mineure présentent une structure de peuplement qui semble rester foncièrement rurale. Et qui est indiscutablement très marquée par les préoccupations de nature militaire propres à des populations mobiles d’immigrés armés.
Personne en effet n’attribue auxdits Celtes l’occupation intégrale et permanente de ces provinces. Il ne faut entendre ici par le mot conquête, ni l’expropriation des habitants, ni une
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occupation du sol un tant soit peu régulière (tout comme dans le cas des premiers musulmans vis-à-vis des indigènes vaincus). Chaque clan restait retranché, une partie de l’année, soit dans son camp de chariots, soit dans une place forte ; le reste du temps, il faisait sa tournée par le pays, suivi de ses troupeaux et les villes lui payaient tribut en argent, les campagnes en vivres ; mais à cela se bornait l’action de ces conquérants ; ils ne s’immisçaient en rien dans les affaires intérieures de leurs tributaires [en cela ils préfiguraient donc le meilleur du comportement des premiers musulmans à l’égard des dhimmis dans cette région du monde)…… Bien des actes de violence durent assurément marquer ces tournées : à Éphèse les conquérants trouvèrent, dit-on, une Tarpeia. « Le roi des Galates, alors qu’il ravageait l’Asie, vint à Éphèse et s’éprit d’une jeune fille appelée Démonice. Elle promit de satisfaire tous ses désirs et aussi de trahir Éphèse, s’il acceptait de lui donner les bracelets des Galates et des parures féminines. Mais Brennus ordonna en fait à ses soldats de jeter sur cette femme cupide tout l’or qu’ils portaient sur eux. Ce qu’ils firent, et elle fut ainsi enterrée vivante sous un tas d’or. C’est ce que relate Clitophon dans le premier livre de son histoire galatique » (Pseudo Plutarque. Parallèles d’histoires grecques et romaines. Chapitre XV. Démonice et Tarpéia). Le célèbre suicide des vierges de Milet, rapporté par le vrai Plutarque, est peut-être aussi une conséquence des exactions commises par certains Galates à l’encontre des populations tombées en leur pouvoir. Mais il est certain par contre que la dynastie de Pergame ne fut pas interrompue pour autant. Memnon dit même, au sujet de ce maintien des gouvernements indigènes, qu’en définitive l’arrivée des Celtes fut favorable au pays, car les rois s’efforçaient d’anéantir la démocratie (des colonies grecques), et les nouveaux venus la protégèrent au contraire, en contenant ses ennemis (Histoire d’Héraclée, bibliothèque de Photius).Un peu plus d’un demi-siècle après leur installation sur les hauts plateaux d’Anatolie, les Galates qu’affronte l’armée romaine commandée par le consul Cnaeus Manlius Vulso, évitaient encore de s’enfermer dans les villes ; et préféraient s’installer sur des hauteurs qu’ils transformaient en forteresses de fortune. Trois ou quatre générations après leur arrivée en Asie Mineure, ils semblaient donc rester attachés à un milieu rural ; où ils pouvaient préserver sans difficulté une organisation qui leur permettait de maintenir leur cohérence ethnique par rapport au milieu indigène des atectai, qui était foncièrement urbain. Même les représentants de leur élite, pourtant très proches des aristocraties locales, semblent n’avoir résidé que temporairement dans les grands centres urbains des territoires qui étaient sous leur contrôle. Ils préféraient vivre et conserver leurs trésors dans des localités qui se trouvaient certainement à l’intérieur de territoires peuplés majoritairement sinon exclusivement par leurs congénères ; et analogues aux amsar (pluriel de misr) ou camps militaires permanents que furent quelques siècles plus tard les villes de Koufa et Bassora un peu plus au sud (dans le pays voisin). Le caractère secondaire de ces sites résidentiels ; vraisemblablement des sortes de grandes fermes fortifiées, analogues à celles que l’on trouve depuis le Ve siècle avant notre ère dans l’aire initiale de la civilisation laténienne ; explique que l’on n’en connaît jusqu’ici au mieux que le nom. L’installation en milieu rural, favorable au maintien d’un système social fondé sur les liens du sang, a certainement joué un rôle essentiel dans l’extraordinaire capacité de résistance à l’assimilation linguistique par le globish de l’époque : le grec. Le prouve le maintien de la pratique (notée par saint Jérôme), d’une langue semblable au dialecte encore parlé chez les Trévires de l’actuelle Allemagne, vers la fin du IVe siècle de notre ère. N.B. La vie de saint Euthyme écrite par Cyril de Scythopolis (aujourd’hui Bet Shéan en Israël) mentionne d’ailleurs encore un moine contemporain du saint, donc vivant au 6e siècle, nommé Procope, originaire de Galatie, et qui parfois s’exprimait encore en Galate. Il s’agit du paragraphe LV (page 77 de l’édition d’Édouard Schwartz, Kyrillos von Skythopolis, Leipzig, 1939).
La phrase exacte est « Sa langue était liée, il ne pouvait plus nous parler. S’il y était forcé, il s’exprimait dans la langue des Galates ».
Ce type d’installation fournit également l’explication de l’étonnante vigueur démographique qui permit aux descendants des vingt mille Celtes ayant franchi les détroits en l’an 278 avant notre ère de survivre en tant que groupe ethnique ; tout en participant à tous les conflits régionaux et en laissant donc des milliers de morts sur les champs de bataille. Formés à partir de groupes recrutés en Europe centrale pour une expédition militaire de grande envergure, les Galates fournissent ainsi un remarquable témoignage, grâce aux nombreux textes qui les concernent, sur le type d’organisation qui rendit possibles l’expansion historique des Celtes ; et leur installation dans différentes régions aux côtés de populations indigènes (les Atectai). Structurés
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en une sorte d’oligarchie militaire, ils vivaient apparemment en marge du peuplement urbain de la région, qui ne semble pas avoir connu des bouleversements très sensibles suite à leur établissement définitif. Les principaux contacts ainsi que les phénomènes d’intégration semblent avoir concerné uniquement une élite qui a réussi à établir un modus vivendi avec les notables indigènes. La prêtrise de la Grande déesse-ou-démone de Pessinonte fut par exemple partagée entre cinq Galates et cinq Phrygiens, illustrant ainsi une grande capacité d’adaptation des nouveaux venus aux traditions locales des Atectai et leur volonté d’éviter des changements traumatiques…[encore une fois nous sommes là sur ce point, celui de la religion, et non de l’économie ou de la simple citoyenneté, aux antipodes de ce que firent les premiers musulmans avec les fidèles des autres religions. Il suffit de compter le nombre de mazdéens devenus zoroastriens qui restent encore en Iran ou le nombre de Coptes en Égypte]. Le cas des Celtes transalpins qui firent irruption en Vénétie orientale en 186 avant notre ère, et prirent possession du territoire en fondant un oppidum, est sensiblement différent. L’entreprise coloniale, car c’est bien de cela qu’il s’agit, est alors étroitement associée à l’implantation d’un centre à vocation urbaine. Les Romains ne s’y trompèrent pas.« Lucius Julius reçut l’ordre de hâter son départ. Les Celtes transalpins, comme il a été dit plus haut, ayant pénétré en Italie par un col jusque là inconnu, étaient en train de bâtir une ville sur le territoire qui appartient aujourd’hui à a ville d’Aquilée. Le préteur avait comme instruction de s’y opposer » (Tite-Live, Histoire romaine, livre XXXIX, chapitre XLV, 6). Il faut donc admettre que les Celtes en question (des Carni ou des guerriers venant des Alpes carniques) avaient une conception de l’occupation du territoire qui était différente de celle des migrations antérieures ; qui ne semblent pas avoir envisagé l’implantation de centres communautaires autres que ceux qui étaient rendus nécessaires par leur religion, tel le sanctuaire central des Galates appelé Drunemeton (d’après Venceslas Kruta. Revista de Guimarães, Volume Especial, I, Guimarães, 1999, p. 51-85).
COMMENTAIRE DE PIERRE DE LA CRAU.
À moins bien entendu qu’il ne s’agisse-là de la tentative de construction d’une place forte quelque peu analogue à celles construites par les premiers musulmans sur le territoire de l’actuel Iraq ainsi que nous l’avons déjà dit plus haut, un misr comme Koufa (ou Bassora). N’oublions pas en outre que la notion de fondation d’une ville nouvelle n’était pas totalement inconnue des Celtes puisque, à en croire le pseudo Plutarque, ce fut le cas de Lugdunum.
« Non loin il y a une montagne appelée Lugdunum [Lougdounon dans le texte grec]. Elle changea de nom pour la raison suivante. Momoros et Atepomaros, expulsés de leur pays par le roi Seseroneos, décidèrent, conformément à une injonction divine, de fonder une cité sur cette crête. Alors que les fossés de fondation étaient en train d’être creusés, des corbeaux firent soudain leur apparition, comme venant de nulle part, et volèrent de-ci de-là en recouvrant les arbres alentour. Momoros, qui était versé dans la science des augures, appela donc cette cité Lugdunum [Lougdounon en grec]. Car ils appellent le corbeau lugus [lougos] dans leur langue, et un lieu surélevé dunum [dounon dans le texte grec], ainsi que le rapporte Clitophon dans le livre XIII des fondations ».
Première tentative de réponse à la question : des Cimbres ou Teutons aux Galates en passant par les Bastarnes de la Mer Noire, pourquoi une si rapide celtisation des populations ? Et si c’était tout simplement à cause du sens acquis de la justice, de tous ces prétendus barbares, à cause de leur sens de l’honneur, de leur générosité de grand seigneur (noblesse, véritable noblesse, oblige !). Nous parlons bien ici de leur sens acquis de la justice et non de leur sens inné de la justice.] Il y avait chez les Galates antiques des dicastes [grec dikastes juges], car la communauté druidisante dans son ensemble est solidaire dans sa responsabilité vis-à-vis de la mise en œuvre de l’éthique druidique et de l’application de ses principes dans tous les domaines, y compris ceux qui concernent les non-druidisants. Si certains individus manquent à leurs devoirs, s’écartent du droit chemin, commettent une injustice ou bien outrepassent leurs limites, il doit se trouver chez les druidisants des hommes ou des femmes pour faire savoir que c’est condamnable, les ramener au sens de l’équité, leur enjoindre d’observer les bonnes pratiques. Des hommes et des femmes qui se rangent du côté de l’opprimé quand bien même il serait d’une religion différente de la leur (voir le cas de Cavaros et de la guerre ayant éclaté entre Byzantins Thraces et Bithyniens). Le non-druidisant peut évidemment porter plainte, comme tout un chacun, s’il estime ses droits
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bafoués, voire en arriver, s’il le faut, jusqu’au plus haut degré de juridiction disant le droit, pour qu’on lui rende justice !Le premier droit dont bénéficiaient les non-Celtes survivant dans les territoires tombés entre les mains des Celtes (après défaite de leurs forces militaires) était donc, cela va sans dire, mais cela va encore mieux en le disant, celui de vivre. L’inviolabilité de leur personne et de leurs biens (une fois la paix installée). Cette règle de base devait être imposée par les très-sachants de la druidiaction (druidecht) dont une des fonctions était aussi celle de servir d’ambassadeurs, même si en Celtibérie l’existence lexicale des druides n’est pas attestée (en Asie Mineure ils étaient appelés dikastes en Grec).
Diodore de Sicile, livre IV, chapitre XIX, mentionnant une légende concernant le dieu druidique Ogmios, assimilé à Hercule par les Gréco-Romains : « Hercule ensuite remit le royaume des Ibères aux plus nobles d’entre eux, quant à lui, après avoir rassemblé son armée, il passa en Celtique et en la parcourant de long en large mit fin à la pratique illégale de l’assassinat des étrangers, à laquelle s’était accoutumé ce peuple… Hercule quitta ensuite la Celtique pour l’Italie et en passant par les Alpes il transforma en route cet itinéraire qui était jusque là rude et presque impraticable, avec pour résultat qu’il peut être suivi désormais par une armée accompagnée de son train de bagages. Les barbares qui habitaient cette région montagneuse avaient pour fâcheuse habitude d’égorger puis de piller toutes les armées qui venaient à emprunter les portions les plus difficiles ; mais il les subjugua et tua les responsables des désordres de ce genre, rendant ainsi ce voyage plus sûr pour les générations suivantes. Et après avoir franchi les Alpes enfin il entra dans ce qui est maintenant appelé Galatia et poursuivit son chemin au travers de la Ligurie ».
Nicolas de Damas. Recueil de coutumes extraordinaires. Fragment conservé par Stobée : « Chez eux, on est puni d’une peine plus rigoureuse pour le meurtre d’un étranger que pour celui d’un concitoyen : dans le premier cas, la mort, dans le second l’exil seulement. Ceux qu’ils honorent le plus, ce sont les conquérants qui ont agrandi le territoire national. Les portes de leurs maisons ne sont jamais fermées, etc. »
Tiricantam bercunetacam tocoitoscue sarniciocue sua combalces nelitomnecue [u]ertaunei litom necue taunei litom necue masnai tisaunei litom sos aucu arestaio tamai uta oscues stena uersoniti silabur sleitom conscilitom cabiseticantom sancilistara otanaum tocoitei eniuta oscues boustomue coruinomue.
Immédiatement après, en tant qu’alliés, voire simples vassaux, venait pour les vaincus (atectai, gaélique aithech tuaha) le droit d’être protégés. Une protection contre les agressions extérieures destinée à ce qu’ils puissent continuer à vivre et à travailler en toute sécurité. C’était d’ailleurs encore le rôle théorique de la noblesse au Moyen-âge vis-à-vis des roturiers du Tiers-État (les clercs, eux, étaient censés prier pour tout le monde).
En ce qui concerne les agressions extérieures, ces populations non celtes (les atectai ou aithech, appelés shoudras par les Aryens en Inde) avaient alors apparemment des droits identiques aux vrais Celtes (d’esprit ; ne soyons pas bêtement racistes, les Celtes n’ont jamais constitué une race pure). Ceci était l’intérêt bien compris des princes celtes locaux, car il était avantageux pour eux bien entendu, d’avoir le plus de sujets, d’hommes liges, ou d’alliés, possible. Voir le cas d’Orgétorix dans ce qui allait devenir la Suisse. « Au jour fixé pour son audition, Orgétorix fit venir de toutes parts, devant le tribunal, ses vassaux, soit dix mille hommes, et il y conduisit également tous ceux qui dépendaient de lui ainsi que ses débiteurs ou ses garants, dont il avait un grand nombre. Grâce à eux il put échapper à l’obligation de plaider » (César, livre I, chapitre IV). Comme l’a dit quelques siècles plus tard le Français Jean Bodin : « Il n’est de richesse que d’hommes ». Les princes celtes placés dans cette situation devaient donc, de par le pouvoir et la force militaire qu’ils détenaient, assurer cette protection à leurs atectai (les shoudras en Inde). Et cette protection devait aussi s’exercer à l’extérieur, tout prince celte qui se respecte devant défendre ses sujets ou s’en occuper, même en dehors de son territoire. Sur le plan intérieur, ce devoir de protection de tout prince celte qui se respecte envers ses sujets, quels qu’ils soient, devait comprend la protection des personnes, tout comme la protection de leurs biens. Nous l’avons vu avec l’inscription celtibère de Botorrita I. L’assassinat ou les coups et blessures contre des non-celtisants habitant un territoire contrôlé par des Celtes, étaient formellement prohibés par les dicastes ou druides de cette époque, c’est, du moins, apparemment, ce qui ressort de la citation de Diodore de Sicile et de Nicolas de Damas mentionnée plus haut. Le texte n’est pas très clair, mais on peut en déduire que ce statut des atectai/aithech tuatha en territoire contrôlé par de vrais Celtes ou Celtisés (cas des Cimbres des Teutons et des Bastarnes par exemple) contrairement au triste sort des shoudras en Inde, impliquait qu’il était interdit de
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porter atteinte à leur intégrité physique voire mentale peut-être. Même en cas de retard dans le paiement des tributs en espèces ou en nature. Les très-sachants de la druidiaction (druidecht) qui étaient très pointilleux en matière de droit, devaient y veiller. Comme on dit à Paris 99 moutons plus un champenois font 100 bêtes, mais le bon berger tond ses moutons sans les écorcher.La peine maximale dans ce cas devait être la saisie, et non l’emprisonnement (le druidisme de la Haute Époque ignore la prison, ce qui compte c’est la réparation ou la compensation, financière ou autre. Les travaux d’intérêt général pourrait-on ajouter aujourd’hui). De même que leur personne, les possessions des atectoi/aithech doivent être aussi protégées. Ce qui n’a peut-être pas toujours été le cas des shoudras en Inde, il est vrai. Mais cette protection des biens ne devait en aucune façon aller jusqu’à la sacralisation de la propriété privée à la façon romaine (le droit d’user ET D’ABUSER…) Puisque la propriété des moyens de production (terres forêts, etc.) appartenait à la communauté, non à des particuliers qui n’en avaient que l’usage.
Friedrich Engels. L’origine de la famille, de la propriété privée, de l’État. « Les plus anciennes lois celtiques qui nous sont parvenues nous montrent encore la gens en pleine vitalité ; en Irlande, après avoir été violemment détruite par les Anglais, elle vit toujours dans la conscience populaire, du moins de façon instinctive. En Écosse, elle était encore en vigueur vers le milieu du XIXe siècle, et là encore, elle ne succomba qu’aux armes, à la législation et aux tribunaux des Anglais… L’existence de la gens irlandaise (sept ; la tribu s’appelle clann, clan) est confirmée ou décrite non seulement par les vieux livres de droit, mais aussi par les juristes anglais du XVIIe siècle, envoyés pour transformer le territoire des clans gaéliques en domaines de la Couronne d’Angleterre. Jusque là, le sol avait été la propriété commune du clan ou de la gens, dans la mesure où les chefs n’en avaient pas fait leur domaine particulier. Quand un membre de la gens venait à mourir, donc quand un ménage disparaissait, le chef de cette gens (les juristes anglais l’appelaient caput cognationis) procédait à un nouveau partage de tout le territoire entre les ménages restants… La gens survit également dans les « factions ». Les paysans irlandais se divisent en effet maintes fois en partis qui reposent sur des différences apparemment tout à fait saugrenues ou absurdes, et restent parfaitement incompréhensibles pour les Anglais ; car elles semblent n’avoir d’autre but que les rixes solennelles ou fort populaires d’une faction contre l’autre. Ce sont des reviviscences artificielles, des substituts modernes des gentes démembrées, qui manifestent à leur façon la persistance de l’instinct gentilice héréditaire. Dans certains cantons, les membres de la gens sont encore à peu près agglomérés sur leur ancien territoire ; c’est ainsi que dans les années trente (1830) la grande majorité des habitants du comté de Monaghan n’avaient toujours que quatre noms de famille, c’est-à-dire qu’ils descendaient tous seulement de quatre clans ou gentes. En Écosse, la ruine de l’ordre gentilice date de l’écrasement de l’insurrection de 1745. Quel chaînon de cet ordre gentilice représente le clan écossais, c’est ce qu’il nous faut encore établir ; mais qu’il en soit un chaînon, cela ne fait aucun doute. Nous voyons vivre devant nous ce clan des Hautes Terres d’Écosse dans les romans de Walter Scott. Il est, dit Morgan : un excellent modèle de gens par son organisation et son esprit, un exemple frappant du pouvoir de la vie gentilice sur ses membres… Nous retrouvons dans leurs querelles et leur vendetta, dans leur partage du territoire en gentes, dans leur exploitation commune du sol, dans la fidélité des membres du clan à l’égard du chef et vis-à-vis les uns des autres ; les traits habituels et permanents de la société gentilice… »
Mais arrêtons là notre citation d’Engels, de peur que MacCarthy nous accuse d’être d’affreux communistes libertaires. Ce qui est évident, c’est que la tolérance des Celtes en position dominante était telle qu’ils respectaient ce qui était valorisé ou considéré comme sacré dans la religion des Non-Celtes, bien que ne figurant nullement dans le druidisme. Le cas du culte à rendre à la grande déesse-ou-démone adorée sous la forme de Cybèle, à Pessinonte, en est la meilleure preuve. Les druides (dikastes) galates en ont bien entendu fait à l’époque une interpretatio druidica conforme à leurs vœux, mais ce n’était nullement une déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère, d’apparence celte, à l’origine, puisqu’il s’agissait de la Cybèle des Phrygiens, symbolisée comme à La Mecque par une pierre noire que chacun embrassait. Mais elle fut adorée néanmoins elle aussi, au moins pour moitié, par les Galates (sa prêtrise était alors exercée à égalité entre cinq Galates et cinq Phrygiens) comme nous le rappelle très utilement Venceslas Kruta (un bel exemple de tolérance religieuse, les musulmans convaincus peuvent-ils en dire autant malgré le véritable culte qu’ils rendent à la pierre noire appelée Hajar Al Asouad lors de leur pèlerinage à La Mecque : elle est censée absorber
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comme par magie les péchés de qui la touche ou l’embrasse) ?? Autre exemple de cette tolérance des anciens Celtes en matière religieuse de type Wicca et dont les musulmans seraient bien incapables : Strabon, Livre IV, chapitre IV, 6. « Dans l’Océan, il rapporte qu’il y a une petite île, pas très loin en pleine mer, située au large de l’embouchure de la Loire, et que cette île est habitée par des femmes Namnètes [en grec Samnitôn]. Elles sont possédées par l’esprit de Dionysos et se rendent ce dieu propice en l’apaisant par de mystérieuses initiations aussi bien que par d’autres cérémonies sacrées ; aucun homme ne met le pied sur cette île, bien que ces femmes la quittent parfois en se servant d’un bateau. Elles ont alors des relations avec des hommes, et ensuite y retournent de nouveau ».Le respect des vrais Celtes quant à l’esprit pour les coutumes des atectai/aithech allait donc très loin, beaucoup plus loin que dans le cas des shoudras en Inde. Voir aussi à ce sujet l’épisode plus anecdotique de l’adultère de la femme de Partholon. La colère s’empara de Partholon, mais la belle Elugnata lui répondit ce qui suit.
Il n’est pas facile de résister à la nature. La prudence, c’est de mettre les agneaux à part Si l’on veut que ceux qui ont grandi Ne tètent plus les brebis. Il ne faut jamais laisser les petits chats Juste à côté d’un bol de lait Il ne faut jamais confier à un bûcheron La garde d’une hache de grande valeur Quand le coffre dans lequel cette hache est rangée Ne ferme pas à clé.
De rage il lapida le chien de sa femme, Sagimaros (oui, car dans le druidisme c’est le chien qui a failli à son devoir de vigilance qui est lapidé, pas la femme).
Doit-on croire, par contre, les musulmans, quand ils affirment respecter y compris le porc chez les non-musulmans ?« Si le vin et le porc sont détenus par un non-musulman, ils sont considérés comme un bien légitime pour lui, voire comme un bien parmi les plus précieux – comme l’ont signifié les juristes hanafites. Quiconque cause des dégâts à un dhimmi à cet égard est tenu de lui verser un dédommagement égal à leur valeur ». N.B. Cette opinion est-elle une idée partagée par la majorité des musulmans ?? Nous en doutons, fortement. Il y a d’ailleurs divergence entre les musulmans à ce sujet. C’est l’opinion de l’École hanafite qui est citée ici, pas une autre.
En Irlande il y avait deux types de « prélèvement » obligatoire : le tribut versé par les peuples périphériques vaincus ou en situation d’infériorité, souvent payé en bétail pour être plus facilement acheminé vers le souverain qui devait en disposer ; et les impôts (à l’époque en nature) payés par les sujets « immédiats » du grand roi, les paysans ou artisans qui habitaient les terres plus centrales placées sous son contrôle direct.
Le boroma ou borama. Une sorte d’impôt indirect, car il était collecté par le responsable de la communauté humaine soumise à ce tribut (un roi vassal en général). D’après la tradition irlandaise le premier roi des rois ayant levé le boroma ou borama serait le quelque peu mythique Teutovalos (Tuathal) Techtmar, au premier ou second siècle de notre ère.
Le Boroma Laigen en prose (c’est un manuscrit en gaélique) nous fournit une liste détaillée de ce qui devait être alors payé à ce grand roi des rois.
Is í seo immorro inn éraic.i. Tri choicait cét bó. Tri cóicait cét mucc. Trí cóicait cét lendbratt. Tri cóicait cét slabrad argit. Tri cóicait cét molt. Tri cóicait cét coire uma. Cóire mór uma i téigtís da muic déc 7 dá ag dec i tech Temrach fein. Tricha bó find óiderg col-lóegaib a comdatha 7 co nascaib créduma 7 co mbuargib créduma 7 cona cóidib creduma fair sin anuas.
Ce qui signifie grosso modo (que nos frères ou sœurs d’Irlande me pardonnent les erreurs de traduction) :
Voici en quoi consistait ce dédommagement (eric)Trois fois cinq mille vaches : Trois fois cinq mille porcs : Trois fois cinq mille manteaux : Trois fois cinq mille chaînes d’argent : Trois fois cinq mille moutons (béliers castrés) : Trois fois cinq mille chaudrons de laiton : Un grand chaudron en laiton dans lequel douze porcs et douze bœufs pourraient tenir pour la demeure royale de Tara elle-même. Trente vaches blanches à oreilles rouges avec des veaux de la même couleur, avec des longes de bronze avec des entraves bronze, et avec leurs seaux à lait (?) en bronze en outre par-dessus.
La mention de manteaux de chaînes et de chaudrons implique également que l’on mettait à contribution la classe des artisans.
La compilation intitulée Leabhar Mór na nGenealach ou Grand Livre des généalogies, effectuée par Dubhaltach Mac Fhirbhisigh au XVIIe siècle, bien que nous fournissant toute une liste des batailles gagnées par Teutovalos (Tuathal) Techtmar, ne consacre que quelques mots à ce tribut qui devait lui être payé après chacune de ses victoires.
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Iarsna cathaibh sin do rónadh Fes Teamhra la Tuathal, agus tánghattar fir Ereann agus a mná dha ionsoighidh, <agus> tugsad rátha fris na ndúl aicsidhe agus neamhaicsidhe agus gach gradh fuil fo nimh agus in neam nach ereochdaois ?na aghaidh, na in aghaidh a chloinne go brath. As íad so iomorra na tuatha as a ffuil daoirchíos for Erinn o sin ale (…) Conidh amhlaidh sin ro fodhladh na tuatha, agus do cuireadh cíos Ereann orra, conadh xlvii. tuatha re a n-áiremh uile.Après ces batailles fut célébrée la fête de Tara organisée par Tuathal, et les hommes d’Irlande ainsi que leurs femmes vinrent à lui pour jurer solennellement, sur les éléments visibles et invisibles, et tout ce qui vit sous le ciel ou dans les cieux, qu’ils ne se révolteraient jamais contre lui ni contre sa descendance. Ce sont les tribus dont est depuis exigé le tribut servile en Irlande (…) ce fut ainsi que furent traitées les tribus, et le tribut irlandais leur fut imposé, il y en a 47 au total.
Prélèvement même suivi du qualificatif d’obligatoire, n’est pas tout à fait le mot juste pour désigner ce premier type d’impôt puisqu’il s’agissait en quelque sorte d’un don, quelque peu forcé, mais d’un don tout de même, ou disons d’un rachat, chaque année, par les vaincus ou leurs descendants, de leur droit de s’administrer de façon autonome. En Irlande on appelait ce type d’impôt payé par les anciens vaincus voire par ceux qui redoutaient de l’être de nouveau en cas de conflit, le boroma (traditionnellement expliqué comme étant un composé des éléments bó « bœuf » et rim « compte »). Ce tribut était sans doute parfois aussi payé en hommes (et en femmes bien entendu, qui ont toujours valu plus cher) pour les mêmes raisons (que le bétail) : la facilité à le faire parvenir entre les mains de son bénéficiaire, un tel tribut est en effet en quelque sorte « auto » mobile par définition : encadré solidement par quelques gaillards bien armés il peut se mouvoir de lui-même vers sa destination. Encore que cette pratique soit sans doute mal distinguée de la prise d’otages au sens originel du terme. Rappelons néanmoins que l’otage n’est en aucune façon un esclave. Par la suite et après l’introduction de la monnaie le borama fut également payé en pièces d’or ou d’argent par ceux qui étaient assujettis à un tel tribut.
La dîme. La documentation manque pour ce qui est du deuxième type d’impôts l’impôt prélevé directement sur les revenus de la terre ou de l’artisanat sans doute, mais il est à noter qu’on en trouve mention dans la huitième ligne de l’inscription celtibère de Botorrita I sous la forme Tecametinas ou Tecametam (decamet… : la dixième partie, la dîme). Le texte celtibère de Botorrita I semble être en effet la mise par écrit d’une sorte de contrat entre un chef de tribu et un exploitant agricole. Et dans les nombreuses formules du genre bratoudecantem ou bratoudecanten des inscriptions grecques selon Michel Lejeune. Par exemple :
KASSITALOS OUERSIKNOS·D EDE·BRATOUD E·KANTENA.
KassitalosOuersiknosDede bratouDekantena Ala [i] nos. Kassitalos ouersiknos dede bratou dekantena.
Cassitalos fils de Versios a offert en remerciement cette dîme (ou offrande votive ?)
Au fur et à mesure que se développaient les métiers non directement liés à la fourniture de produits agricoles ou artisanaux d’usage courant (nourriture, étoffe, poterie, etc.), il y a dû avoir également des dîmes payées en argent.
Les péages. À ces deux types d’impôt il convient sans doute d’en ajouter un troisième, une sorte de péage en quelque sorte, les cadeaux que les étrangers de passage se sentaient obligés d’offrir au maître de la région en arrivant sur ses terres, si fortement établies dans les mœurs qu’on les qualifie de coutumes dans de nombreuses langues. Des cadeaux en espèces sonnantes et trébuchantes si nécessaire.
LA VOIE DE LA QUATRIÈME FONCTION.
Là où G. Dumézil voyait trois fonctions, ne faut-il pas en rajouter une quatrième, explicative à son tour de faits propres à certains récits ? Arjouna ressemble à Ulysse comme Pénélope à Draupadi tandis que Cuchulainn s’éclaire grâce à l’Odyssée voire au Mahabharata. La principale erreur, quel aveuglement, du grand mythographe français que fut Georges Dumézil, est en effet de ne pas avoir compris qu’outre les trois fonctions classiques de la civilisation indo-européenne, il en existait une quatrième, d’ailleurs mise en évidence par les frères Rees puis par Nicolas J. ALLEN, et regroupant ce qui est marginal, étrange et étranger, bref qui échappe à l’ordre aryen initial. La thèse que nous assumerons dans ce bref résumé de nos convictions est que ces récits traitant de l’altérité, valorisant la transcendance englobante au détriment du nihilisme de rejet, ne peuvent provenir que de la réflexion des druides primordiaux du monde celtique à propos du sort des populations vaincues par leurs
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princes et leurs guerriers : les Atectai/Aithech Tuatha, il y a 3000 ou 4000 ans, quelque part au nord des Alpes en Europe centrale.Il va sans dire que l’on attendait au minimum de la part des vaincus qu’ils respectent les dieu-ou-démons ou les déesse-ou-démones, ou les fées si l’on préfère, des vainqueurs. Les Celtes vainqueurs en revanche allaient jusqu’à honorer aussi les divinités des vaincus : exemple la Grande déesse-ou-démone, ou fée, de Pessinonte, connue sous le nom de Cybèle. On ignore la forme exacte que prenait l’interpretatio celtica faite par les druides (les dikastes) de cette divinité locale, mais le fait demeure : il y eut des grands-prêtres de son culte d’origine celte et même encore celtophones. Exemple Attis en – 163 puisque son frère s’appelait Aiorix, Les Celtes vainqueurs attendaient donc de la part des vaincus (atectai/aithech tuatha) qu’ils honorent de la même façon et réciproquement, leurs dieu-ou-démons ainsi que leurs déesse-ou-démones, ou fées si l’on préfère ce vocable.L’amour porté à leurs dieu-ou-démons ou déesse-ou-démones, ou fées si l’on veut, devait d’ailleurs, aux yeux des très-sachants de l’époque, suffire à justifier que l’on épargne leur vie ; et un tel amour porté aux divinités druidiques devait donc assurer le salut immédiat des vaincus : les atectai (aithech tuatha en Irlande, shoudras en Inde).
Cette volonté de la part des vainqueurs de ne pas aller plus loin et de se contenter des apparences ou des signes extérieurs en matière de culte (rendu à leurs dieux) ; de ne pas se comporter comme l’Inquisition musulmane (Mihna/Hisba) ou chrétienne, ultérieure, avant la lettre (en torturant les corps pour violer le secret des consciences) ; ne doit nullement être assimilé à de l’indifférentisme ou de l’hypocrisie, malgré son petit côté un peu casuiste ; mais comme la preuve que ces druides primordiaux avaient une telle foi en la pertinence de leurs dieux, qu’ils étaient persuadés sans l’ombre d’un doute qu’ils correspondaient bien également, à ce que recherchaient, voire croyaient avoir trouvé, les non-druidisants vaincus, lorsqu’ils adoraient leurs propres divinités. Concluons ainsi ce paragraphe sur les problèmes soulevés par l’interpretatio druidica des divinités non celtes. Nous sommes en général assez critiques envers l’islam pour reconnaître sans difficulté que l’on peut également porter au crédit des premiers tenants de cette religion l’attitude qu’ils ont accepté d’avoir à l’égard d’hommes comme Abou Soufiane, les Tulaqa, en acceptant de les traiter ainsi que des coreligionnaires comme les autres malgré le caractère quelque peu forcé de leur conversion.
« Dieu a frayé la voie de la sorte, à la conversion d’Abou Soufiane, afin qu’il retourne à La Mecque demander à ses habitants de cesser le combat. La difficulté consiste à savoir quelle est la valeur d’une conversion effectuée sous la menace. Abou Soufiane a commencé par affirmer qu’il doutait avant, un instant après, de prononcer une double profession de foi. Il n’est pas demandé au musulman au cours du combat de juger de l’authenticité de la conversion des infidèles en l’attribuant à la peur ou à la convoitise du butin, ou en lui reprochant d’être une simple simulation. Car ce que l’islam recommande ce n’est pas de sonder les cœurs et les consciences, mais seulement de corriger les erreurs visibles » (N.B. Il est vrai qu’Abou Soufiane et ses héritiers ont quand même eu le dernier mot puisqu’ils finirent par hériter de l’empire de Mahomet, voire par tuer son petit-fils préféré. Mais ceci est une autre histoire).
Soyons plus clairs que nos frères musulmans, et mettons que les druides primordiaux ont appliqué à leurs dieux la même certitude confiante que celle dont fait preuve la partie centrale du grand poème épique indien appelé le Mahâbhârata et datant vraisemblablement du IIe siècle avant notre ère. C’est un dialogue entre le dieu Krishna/Vishnou et le prince Arjouna, ce dernier hésitant à déclencher une grande bataille fratricide.
Bhagavad Gita 9, 23-29. « Toute oblation qu’avec foi l’homme sacrifie aux dieux est en fait destinée à moi seul, ô fils de Kounti, mais offerte sans le savoir, car je suis l’unique bénéficiaire et l’unique objet des sacrifices. Que l’on m’offre, avec amour et dévotion, une feuille, une fleur, un fruit, de l’eau, cette offrande, je l’accepte. Je n’envie, je ne favorise personne, envers tous je suis impartial. Mais quiconque me sert avec dévotion vit en moi et je suis son ami ».
Note de la rédaction. Nous avons traduit le sanscrit Kaunteya par « fils de Kounti », mais si quelqu’un a mieux à suggérer, qu’il nous le dise !
Ce qui est certain c’est qu’une telle forme de confiance en soi, mais appliquée à leurs propres dieux (donc en pratique de tolérance) a dû beaucoup contribuer à la diffusion de la religion druidique, de son panth-éon, de ses mythes.
Ainsi que nous avons pu le voir à de nombreuses reprises, les Celtes avaient un sens aigu de la Justice… C’est ce que l’on peut déduire de leur attitude lors des guerres puniques (le soutien aux peuples frères opprimés). Du moins d’après Tite-Live. Livre XXI. Chapitre XX.
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« Quand les ambassadeurs, après avoir exalté le renom et le courage des Romains et la grandeur de leur empire, demandèrent aux Celtes de ne pas laisser les envahisseurs carthaginois traverser leurs champs ou leurs cités, il y eut de telles interruptions de séance et de tels éclats de rire de la part des jeunes gens, que les magistrats et les anciens eurent beaucoup de mal à ramener le calme. Tous ces jeunes étaient d’avis en effet que c’était bien la plus stupide et la plus incroyable demande à faire : que les Celtes, afin d’empêcher que la guerre passe en Italie, l’attirent sur eux-mêmes et, donc, exposent leurs propres terres au danger d’être ravagées à la place de celle d’un autre peuple. Après que le calme fut revenu, les envoyés furent officiellement informés par le Conseil que les Romains ne leur avaient pas rendu de service, ni les Carthaginois fait de tort, pour qu’ils prennent les armes aux côtés des Romains ou contre les Carthaginois. En outre, ils avaient entendu dire que des hommes de leur race étaient en train d’être expulsés d’Italie, obligés de payer un tribut à Rome, ou étaient l’objet de toutes sortes d’indignités. Les ambassadeurs romains essuyèrent le même genre de refus de la part de tous les autres conseils de Celtique, nulle part ils n’entendirent un mot aimable ni même plus ou moins en faveur de la paix, jusqu’à ce qu’ils atteignent Marseille ».Autrement dit une nette condamnation de cette nouvelle méthode romaine : l’expulsion des peuples vaincus hors de leurs terres (encore une fois, rappelons-le, les Celtes laissaient vivre sur leurs terres les peuples qu’ils avaient vaincus, voir le cas des Galates) et les outrages. Mais ce sens de la justice s’appliquait aussi aux peuples non celtes. Du moins si nous comprenons bien le cas du dernier roi de Tylis (est de la Bulgarie – 273 à – 214) nommé Cavaros.
Polybe. Histoire.
Livre VIII (fragments). Chapitre XXIV.
« Cavarus, roi des Celtes de Thrace, était d’une disposition vraiment royale et avait l’âme noble, il accorda toute sa protection aux marchands qui naviguaient sur le Pont-Euxin, et rendit aux Byzantins d’importants services dans leurs guerres contre les Thraces et les Bithyniens… Mais ce roi, si excellent à certains égards, fut corrompu par un courtisan nommé Sostrate, qui était Chalcédonien… »
Livre IV. Chapitre LII.
« Aussi quand le roi celte Cavarus se rendit à Byzance et se montra personnellement désireux de mettre un terme à cette guerre, en offrant sincèrement son amicale médiation pour cela, Prusias et les Byzantins acceptèrent cette proposition. Et quand les Rhodiens furent informés de cette intervention de Cavarus, ainsi que du consentement de Prusias, étant très désireux d’atteindre, eux aussi, leur propre objectif, ils envoyèrent alors Aridicès comme ambassadeur à Byzance, avec Polémoclès aux commandes de trois trirèmes, en espérant par là, selon leurs propres termes, envoyer ainsi aux Byzantins « à la fois des gens de guerre, mais aussi des hérauts ». Dès qu’ils furent arrivés, la paix fut conclue, l’année où Cothon, fils de Calligiton, se retrouva grand-prêtre de Byzance. Le traité avec les Rhodiens était simple : « Les Byzantins n’exigeraient aucun péage des bateaux naviguant sur le Pont-Euxin, et les Rhodiens et leurs alliés vivraient alors en paix avec les Byzantins ». Mais celui qui fut conclu avec Prusias mentionnait les dispositions suivantes : Il y aura pour toujours paix ainsi qu’amitié entre Prusias et les Byzantins, les Byzantins n’attaqueront en aucune façon Prusias ni Prusias les Byzantins. Prusias rendra aux Byzantins toutes les terres, toutes les forteresses, et leurs habitants, ainsi que les prisonniers de guerre, sans rançon, sans oublier les navires pris au début de la guerre, ainsi que les armes saisies dans les forteresses ; tout comme le bois, les pierres, et la toiture, appartenant au fort du Hiéron » (car Prusias, dans sa crainte de l’approche de Tiboetès, avait fait raser ou démanteler toutes les forteresses qui lui semblaient avoir quelque valeur). « Prusias enfin obligera les Bithyniens détenant des biens pris aux paysans byzantins de Mysie, à les rendre à leurs légitimes propriétaires ».
Rendre les territoires et les places que l’on a volés, les otages et les prisonniers, les vaisseaux, les armes, le bois, les pierres et les tuiles, rendre tout ce que l’on a pris injustement… Si ce n’est pas du druidisme ça ???
« En premier lieu le débarquement des Celtes en Asie sembla ne devoir apporter que malheur et désolation à ses habitants, mais finira par tourner à leur avantage. Les rois essayaient de mettre fin à la démocratie dans les cités, les Celtes la renforcèrent, en repoussant les oppresseurs desdites cités » (Memnon. Histoire d’Héraclée. Bibliothèque de Photius, codex 224).
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Parmi les droits des atectoi (cf. les aithech tuatha en Irlande, les shoudras en Inde), il y a eu également, ainsi que nous l’avons déjà dit, la liberté de confession et de culte. Jamais en effet dans le paganisme celte on a contraint par l’épée des hommes ou des femmes à changer de religion comme ce fut le cas donc avec le prince de La Mecque appelé Abou Soufiane (il était vraisemblablement chrétien d’obédience manichéenne avant d’être obligé de se convertir à l’islam). Il faut par contre reconnaître à l’islam le mérite d’avoir maintenu l’essentiel du paganisme lié à la Kaaba, même si cela fut au prix de toute une série de beaux mensonges (l’islam prétend que ce sanctuaire a été construit par Adam et Ève – d’où le fait que les populations locales y accomplissaient leur rituel autour en état de nudité complète dans le plus pur style wiccan ? – et qu’Abraham qui, s’il a peut-être existé, n’a jamais mis les pieds dans cette partie du monde, ça, c’est sûr, l’a reconstruit après sa destruction lors du déluge afin d’y accomplir autour des circumambulations -7- en habits rituels et d’y embrasser l’idole de pierre noire magique – Hajar Al Asouad – censée absorber tous les péchés du monde).Mais puisque nous parlons du pèlerinage à La Mecque, revenons à nos moutons justement. Les Celtes ont préservé les lieux sacrés des Non-Celtes (les monuments mégalithiques par exemple, dolmens et pierres levées) et ont été attentifs à la sacralité de leurs rituels. Le prouve encore l’attitude des Galates en Asie Mineure, notamment le cas de la princesse Camma, qui, bien que Celte, participait par exemple au culte d’Artémis/Diane (de la déesse ou démone ou fée, celte, assimilée par eux à cette déité). Son histoire, tragique, racontée par Plutarque et Polyen, a été maintes fois évoquée dans le monde gréco-romain. Elle avait épousé le tétrarque Sinatus. Sinorix ayant fait périr Sinatus par trahison pour épouser sa veuve, dont il était épris, Camma feignit de se rendre à ses désirs et le conduisit dans le temple de Diane comme pour célébrer leur union. Là, elle but avec lui une coupe d’hydromel qu’elle avait empoisonné puis expira au pied de l’autel, heureuse de le faire périr avec elle. Passons sur cette tragique histoire d’amour, le fait que Camma participait elle-même au culte de Diane Artémis montre bien que la tolérance religieuse est alors une des caractéristiques du paganisme celte et non des diverses monolâtries. Le prouve également le fait que dans cette même région du monde et précisément à Pessinonte, la moitié des 10 grands prêtres de la déesse ou démone ou fée appelée Cybèle par les Phrygiens (par contre on ignore son nom dans l’interpretatio celtica qui en était faite, Arduinna, Abnoba ?)… étaient d’origine celte, et celtophones.
Notes sur papier brouillon retrouvées par les héritiers de Pierre de La Crau et insérées par eux à cet endroit.
Peut-on vraiment croire à ce sujet ce qui est écrit dans le site internet islamophile. org car cela ressemble beaucoup à un président français de notre connaissance interprétant une résolution de l’ONU sur la Libye, la numero 1973 par exemple ? « Dans les villages et lieux ne faisant pas partie des contrées musulmanes [mais qu’est-ce qu’une contrée musulmane ? Serait-ce par hasard – sic – de la taqiya que cette précision?] il n’est pas interdit aux non-musulmans de pratiquer leurs rituels religieux, d’entretenir leurs églises [et si ce ne sont pas des églises ?] de construire les bâtiments dont ils ont besoin, du fait de leur croissance démographique [pourquoi cette précision ?]. Cette tolérance pour les gens de religion différente venant d’hommes dont la vie est entièrement axée sur la religion, et qui ont obtenu la victoire et la suprématie grâce à elle est une chose extraordinaire dans l’Histoire [Merci de votre bonté : nous autoriser à pratiquer notre religion dans les territoires non musulmans]. Tout ce que le druidisme, lui, demandait aux non-druidisants vaincus ou alliés, c’était de respecter les sentiments des druidisants et de leur religion. Et pour cela ils devaient bien entendu s’abstenir de les provoquer.
L’exercice des fonctions publiques. Les non-druidisants dans ces territoires avaient le droit d’exercer les fonctions publiques au même titre que les vrais Celtes. À l’exception des fonctions de tétrarque, juge (dikastès), chef d’armée (stratophylax), chef adjoint (hypostratophylax), membre du Conseil (Boulé). Enfin à notre connaissance. Nous n’avons pas d’exemple de tétrarque, juge (dikastès), chef d’armée (stratophylax), sous-chef d’armée (hypostratophylax), ou membre du conseil (boulé), non galate, à cette époque. Et à l’exception des postes à caractère religieux purement druidique bien évidemment (les différents offices ou grades druidiques).
À ces quelques exceptions près donc, les différentes fonctions de la communauté (y compris les plus hautes) pouvaient très bien être confiées à des non-druidisants s’ils remplissaient les
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conditions requises en matière de compétence, de probité ou de loyauté. Devaient être exclus néanmoins ceux qui nourrissaient une haine manifeste envers les druidisants.N.B. Nous utilisons ici intentionnellement le terme druidisant et non de druide ou d’adeptes du druidisme, car l’existence au sens strict du terme de druides, en Galatie, n’est pas vraiment attestée. On n’y parle que de dikastes, terme grec signifiant juges.
Parler de non-droit ou d’interdiction en ce domaine est d’ailleurs un anachronisme. L’idée qu’un rabbin dise la messe ou qu’un évêque s’occupe d’une mosquée serait un non-sens aujourd’hui, alors même chose pour les Celtes de l’époque. Pour exercer une fonction druidique, la logique évidemment était au moins d’être druidisant ! Par contre, être druidisant, autrement dit d’esprit celte, n’était nullement une question de race physique, mais une question de race mentale : il fallait être spirituellement celte. Le problème évidemment est que la liste des fonctions remplies par les très-sachants de la druidiaction (druidecht) dans la société celte de l’époque, était impressionnante (juge, conseiller…)
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Le druidisme moderne se doit donc prendre ses distances vis-à-vis de ces pratiques antiques, ou plus exactement, comme en Galatie, les non-druidisants doivent jouir de la liberté de travailler ou de gagner leur vie, qu’ils soient employés ou travaillant pour leur propre compte. Ils doivent pouvoir s’engager dans toutes sortes d’activités à but lucratif ou économique au même titre que les druidisants. Les atectoi ou aithech doivent être comme les trois autres classes sociales celtes (très-sachants, guerriers, ou artisans/agriculteurs) en ce qui concerne les transactions commerciales, les différents types de contrats, ainsi que les affaires financières. À l’exception de l’usure, véritable noblesse * oblige, cette pratique étant généralement condamnée. Sauf dans la Bible. Deutéronome 23, 19-20. « Ne prête pas à intérêt à un compatriote israélite, que ce soit un intérêt en argent ou en nourriture ou de toute autre façon. Tu pourras prêter à intérêt à un étranger, mais pas à un compatriote israélite, afin que le Seigneur ton Dieu te bénisse dans tout ce que tu entreprendras dans le pays dont tu vas entrer en possession ». Et puisque nous en sommes au problème de l’usure, ajoutons ici que l’on pourrait très bien, dans les pays qui ont fixé un seuil à ne pas dépasser en ce domaine, aligner les rémunérations financières des actionnaires sur lui, voire plafonner de la même façon les salaires. Les très-sachants de la druidiaction, du troisième millénaire, pourraient très bien considérer que gagner plus du quadruple (ou du double ?) du salaire minimum du pays, peut être assimilé à de l’usure, donc moralement interdit.
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À part ces exceptions, les atectoi ou aithech d’une terre nouvellement conquise par les druidisants, à la différence des shoudras en Inde, doivent vraisemblablement jouir de la liberté d’exercer tout commerce, artisanat ou autre métier. Ce qui leur permettra ainsi de se celtiser puis d’intégrer à la longue la troisième fonction celtique, celle des producteurs ou des bo-aires (vieux celtique boarii ?). Intégration progressive, mais si bien réussie que dans la société celtique antique les atectoi ou aithech, à la différence des shoudras en Inde, finirent par disparaître et c’est tant mieux. Faire disparaître non physiquement, mais socialement parlant, la classe des atectoi ou aithech, et ne pas les traiter à perpétuité comme les malheureux shoudras indiens, peut être un des buts de tout druidisant moderne. À condition évidemment de ne pas recourir à la violence comme dans le cas de la disparition de la bourgeoisie pour le communisme non libertaire (le blanquisme ou le stalinisme).
Transposé en droit celtique quelques siècles plus tard tout cela nous donnera la fonction d’Hospitalier ou de Briugu.
N.B. Le devoir d’hospitalité a toujours été un élément important de l’éthique celtique, un trait important de la déontologie du métier de grand seigneur. En Irlande la loi des brehons imposait à tout chef de famille de fournir l’hospitalité à un homme libre (pour les prisonniers de guerre ou les captifs, de toutes sortes, par exemple en guise de châtiment pour un crime, etc. c’était au maître, ou au bénéficiaire dudit travail forcé, de s’en occuper, bien entendu). L’homme qui était le plus tenu à ce devoir d’hospitalité selon les très-sachants de la druidiaction, était d’abord le roi, qui désignait un responsable pour s’occuper de tous les problèmes d’intendance qu’impliquait le respect de ce devoir d’hospitalité pour le compte de sa tribu. En Irlande cet office fut appelé Briugu (plus tard brughad). Des terres et des
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troupeaux étaient mis à la disposition du briugu afin de lui permettre de remplir son office. Le Briugu n’avait pas le droit de refuser de s’occuper d’un homme libre ni même de sa suite. S’il le faisait, il perdait sur le champ et son titre et sa charge. Cet office était accompli généralement soit par un membre de la petite noblesse soit par un riche roturier qui avait les qualités requises. Cette fonction était très recherchée en tant que moyen d’accéder à la noblesse (au statut de nemed), mais aussi en tant que moyen de s’enrichir rapidement. D’après Fergus Kelly cet office (de Briugu) aurait survécu en Irlande jusqu’au XVIe siècle. Le rôle de l’Hospitalier ou du Briugu est ainsi écrit dans le Bretha Nemed toísech : « un chaudron toujours plein, un gîte le long de la voie publique, et la bienvenue pour chacun ». Dans le Uraicecht Becc le briugu est considéré comme ayant le même rang qu’un seigneur (flaith) dont il a le double des terres et des biens. Un briugu devait avoir une richesse « au centuple » (cetach) afin de recevoir dignement ses hôtes. Ce devait sans doute signifier qu’il devait avoir au moins cent vaches (toujours d’après Fergus Kelly). Comme il devait être difficile d’accorder une hospitalité sans limites sans posséder une grande quantité de biens et de richesses, c’était donc une condition sine qua non pour devenir briugu. L’Uraicecht Becc mentionne un briugu de rang supérieur appelé briugu leitech, qui devait avoir deux fois cette richesse au centuple (donc deux cents bêtes) et dont la maison était située au carrefour de trois grandes routes. Un briugu pouvait monter en grade jusqu’à même accéder à un rang équivalent à celui de poète en chef ou de roi de canton. Il était alors appelé briugu en chef (ollamh briugad).À ceux qui s’empressent de voir dans cette si rapide celtisation des cœurs et des esprits une odieuse dictature raciste, je ne peux que répondre cela. Ce qui fut logique quand même c’est que les postes ou charges suivants aient été réservés à des druidisants. La responsabilité suprême de la communauté des druidisants (roi ou vergobret, président, primat – principatus chez César-, tétrarque, stratophylax, hypostratophylax, etc.). Normal, non ? Les arbitrages à rendre entre druidisants (ou entre druidisants et non druidisants ??). La gestion des aumônes ou des legs et donations à des religieux d’esprit celte. Les Romains l’avaient d’ailleurs déjà reconnu en leur temps pour ce qui est des temples consacrés à Ogmios. « Nous ne pouvons faire d’aucun dieu notre héritier, à l’exception de ceux en faveur desquels il nous est permis d’agir ainsi… par exemple le Mars de Celtique… » (Ulpien. Titre XXII). On peut élargir !
Note retrouvée par les enfants de Pierre de La Crau et insérée par eux à cet endroit du manuscrit.
Rappelons d’ailleurs au passage que dans la société celtique antique d’origine, et un peu comme aujourd’hui, tout le monde avait le droit d’être armé, même les paysans, du moins d’après Venceslas Kruta (« C’est dans ce milieu de paysans armés, pour lesquels le port de l’épée était d’ailleurs probablement avant tout l’expression de leur statut d’hommes libres, et qui constituaient une véritable milice rurale, que se recruta le potentiel humain de la grande expansion » (Les Celtes).
Il devait y avoir bien sûr, comme de nos jours d’ailleurs, des limitations ici et là dans certaines chefferies, mais le principe était que ventes détentions ou port d’armes étaient libres (on peut bien entendu penser qu’il doit en être différemment aujourd’hui. Nos lecteurs sont parfaitement libres d’avoir leur opinion à ce sujet).
Mais on ne peut pas bien sûr demander à des hommes ou des femmes qui ne sont pas spécialement attachés à une communauté de se battre pour elle. Surtout quand ils appartiennent à une religion qui ne prône que la soumission à Dieu ou au Démiurge et l’amour d’autrui ou le pacifisme, comme l’islam, le christianisme, le judaïsme. À la différence des Celtes qui, par moments, se sont justement révoltés contre la dictature des dieu-ou-démons et ne sont pas pacifistes (à tout prix), mais pacifiques. Cf la bataille pour la possession de la Talantio (Tailtiu, personnification de la terre cultivée correspondant à la déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère ce terme, appelée Rosemartha sur le Continent). On peut, par contre, être pacifique (aspirer à la paix) sans être pacifiste (à tout prix). Le pacifiste en effet, place la paix (l’absence de guerre) au-dessus de tout. C’est-à-dire au-dessus, par exemple, de la justice et de la liberté. Aucun bien ne peut, aux yeux d’un pacifiste, justifier une guerre. Et c’est là toute la différence entre un pacifique et un pacifiste : tous deux aspirent à la paix, aiment la paix ; mais quand le pacifiste place la paix au-dessus de tout, le pacifique, lui, comprend que certaines situations peuvent nécessiter une guerre. La guerre menée contre le parti des travailleurs allemands socialistes et nationaux (nazis) pendant la Seconde Guerre mondiale était-elle justifiée ? La paix s’avère être la condition
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nécessaire à l’établissement de tout le reste. Mais si la liberté n’existe plus ? Mais si l’injustice devient la règle ? Il y a donc malheureusement des guerres justes et nécessaires.Bref, les non-druidisants ou les pacifistes à tout prix doivent donc être dispensés de service militaire. Ou de toute fonction impliquant le port d’une arme. Il serait injuste et inefficace de faire le contraire.
* Celle du cœur ou de l’esprit.
La Rochelle le 14 01 2009.
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NOUVELLES REMARQUES DE PIERRE DE LA CRAU SUR LA FAÇON DONT S’EST OPÉRÉE LA CELTISATIONEt insérées par ses enfants à cet endroit du manuscrit.
« Peu de temps après, comme si les dépouilles des mortels n’étaient pas assez pour lui, alors il tourna ses pensées vers les temples des dieux immortels, et plaisanta de façon blasphématoire en disant que « les dieux, étant riches, doivent être généreux envers les hommes ». Ensuite et soudainement il dirigea sa marche sur Delphes, considérant plus les richesses que la religion, et se préoccupant davantage de l’or que de la colère des dieux, « qui », disait-il, « n’ont pas besoin de richesses, accoutumés qu’ils sont à plutôt les prodiguer aux mortels »…
Brennus, quand il arriva en vue du temple, délibéra quelque temps pour savoir s’il devait aussitôt tenter une attaque sur lui, ou accorder à ses soldats fatigués de leur marche une nuit de repos… Brennus put alors disposer de soixante-cinq mille fantassins triés sur le volet ; du côté des Delphiens, il n’y avait pas plus de quatre mille hommes ; manifestant alors le plus complet mépris pour eux, Brennus, afin d’exalter le courage de ses hommes, leur fit miroiter la quantité de butin à faire qu’il y avait devant eux, en leur déclarant que les statues et les quadriges dont ils pouvaient apercevoir un grand nombre, étaient en or massif, et vaudraient encore plus cher une fois pesés qu’ils n’en avaient l’air…
Au plus fort du combat entre les deux armées, les prêtres des temples, aussi bien que les prêtresses elles-mêmes, les cheveux défaits, avec leurs insignes et leurs bandelettes, s’élancèrent en première ligne, tremblants et frénétiques, en s’exclamant que « le dieu allait venir, qu’ils l’avaient vu descendre dans le temple, par le toit entrouvert ; que, alors qu’ils étaient tous en train d’implorer humblement l’aide de la déité, un jeune homme d’une extraordinaire beauté, très au-dessus de celle des mortels, ainsi que deux vierges en armes, venant des temples voisins de Diane et de Minerve, les avaient croisés ; qu’ils ne les avaient pas seulement vus, mais qu’ils avaient aussi entendu le bruit d’un arc et le cliquetis des armes » ; et ils les conjuraient donc avec les plus vives supplications « de ne pas tarder un seul instant, puisque les dieux les guidaient, de semer la mort parmi les ennemis, et de partager leur victoire avec les puissances célestes ». Galvanisés par de telles exhortations, ils se ruèrent donc tous avec impétuosité sur le champ de bataille, où ils sentirent aussitôt la présence de la divinité ; car une partie de la montagne, ébranlée par un tremblement de terre, écrasa une armée de Galates et quelques-uns des plus gros bataillons ennemis furent dispersés, couverts de blessures, et tombèrent à terre ».
Justin. Livre XXIV. Chapitres VI à VIII. Abrégé des Histoires Philippiques de Trogue-Pompée (Trogue-Pompée qui était celte d’ailleurs, un Celte de type « collaborateur »).
« En premier lieu le débarquement des Celtes en Asie sembla ne devoir apporter que malheur et désolation à ses habitants, mais finira par tourner à leur avantage. Les rois essayaient de mettre fin à la démocratie dans les cités, les Celtes la renforcèrent, en repoussant les oppresseurs desdites cités » (Memnon. Histoire d’Héraclée. In la bibliothèque de Photius, codex 224).
Ne parlons plus ici du cas des territoires soumis par des princes authentiquement celtes de point de vue de l’ethnie ou de la spiritualité, mais athées, agnostiques, ou pour le moins relativement indifférents aux questions religieuses. Ils devaient laisser leur sujet faire ce qu’ils voulaient en ce domaine (à part Brennos bien entendu). D’après Strabon certains Celtes et notamment les Galiciens d’Espagne étaient carrément athées. Est-ce possible ou s’agit-il plutôt d’un manque de nuance de la pensée de Strabon, incapable de comprendre les subtilités de certaines Écoles druidiques de dikastes. En tout cas voici sa citation. « Certains disent que les Galiciens n’ont pas de dieu, mais que les Celtibères et leurs voisins au nord offrent des sacrifices à un dieu sans nom, chaque pleine, lune, la nuit, devant les portes de leurs demeures, et que toute leur maisonnée danse alors en chœur la nuit entière » (Strabon, Géographie, Livre III, chapitre IV). Mais en allait-il de même avec les Celtes de type dagolitos, c’est-à-dire très religieux, comme Ambicatus, le cas le plus fréquent ? La règle générale devait être, pour les adeptes de religions non druidiques vivant sur des territoires depuis peu contrôlés par des Celtes (les atectoi ou aithech, cf. les shoudras en Inde), la paix étant revenue ou s’étant installée ; qu’ils devaient avoir autant de droits que les vrais Celtes (de
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race ou d’esprit) à quelques exceptions près bien sûr, et autant de devoirs (là aussi à quelques exceptions près). On imagine mal des souverains comme Ambicatus ou Cavaros agissant différemment.N. B. Transposée aujourd’hui, cette paix « druidique » devrait aussi, bien sûr, s’appliquer à nos sœurs ou frères agnostiques voire aux athées, ne faisons pas comme les musulmans avec leurs dhimmis.Quels sont donc les devoirs auxquels la communauté celte nouvellement installée engageait fermement les non-druidisants de son territoire, en contrepartie des droits dont elle les laissait jouir (droit à la vie, droit au travail, droit d’avoir leur propre religion, etc.) ?
— Respecter les pratiques cultuelles des nouveaux venus bien évidemment.
— Respecter les principales dispositions de l’éthique druidique.
— Aider au bon fonctionnement de la communauté en contribuant au financement des devoirs dont ils étaient dispensés, pour diverses raisons toutes plus évidentes les unes que les autres. Service militaire (l’impôt du sang) atebertas ou offrandes aux dieu-ou-démons celtes, voire entretien des lieux de culte druidique (normal, non ?).
— Respecter les sentiments religieux des nouveaux venus druidisants. Le premier devoir que devaient accepter les non-druidisants, était donc évidemment celui de respecter les sentiments des Celtes de race ou d’esprit qui vivaient désormais avec eux ou à côté d’eux, voir le cas des Galates. Il ne leur était vraisemblablement permis ni de les insulter en les traitant de Barbares ; ni de parler du druidisme de façon non objective ; ni de soutenir des croyances et des idées hostiles aux principes de base du druidisme ; ni de les provoquer en vantant ou pratiquant de façon ostentatoire, devant eux, certains rites ou rituels (monuments, inscriptions, symboles, etc.) rendus obsolètes (inappropriés) par l’évolution de la situation. Et ils devaient probablement s’abstenir en public de ce qui était contraire aux valeurs de base de l’éthique druidique ; seul le non-respect par eux des points secondaires de l’éthique druidique devait être toléré (afin que tous les éléments de la nouvelle société, ainsi formée, puissent vivre plus ou moins en paix et en harmonie). Une discrétion donc qui, assez curieusement, correspond en fait à la laïcité ouverte et positive caractéristique de nos modernes états. Le deuxième devoir des vaincus atectoi/aithech ou non druidisants (voir le cas des shoudras en Inde) était sans doute de se conformer aux lois ou aux règles de droit régissant la nouvelle communauté des druidisants, ils devaient suivre ces nouvelles lois. Par contre, il n’était pas demandé aux non-druidisants, apparemment, de renoncer à ce que leur religion tolérait ou sanctifiait en matière de statut personnel et social ; comme dans le domaine du mariage (d’où le maintien de la polygamie ou polyandrie en Grande-Bretagne par exemple). Même si le druidisme désapprouvait certaines de ces pratiques évidemment. La communauté celtique admettait pour les non-druidisants ce qu’ils considéraient eux-mêmes comme normal, sans le leur interdire ni les en blâmer. Mais au Moyen-âge l’Église, après avoir condamné le remariage des veufs ou des veuves, alla même jusqu’à interdire le mariage avec des parents par le sang au septième degré, ou entre parrain et filleule, marraine et filleul. De quoi je me mêle ? La communauté druidisante, elle, ne se mêlait, par exemple, en aucune façon, des affaires du Paléolithique picte qui épousait une femme de sa parenté proche (comme sa cousine ou sa belle-mère) ; ni de celles du Ligure qui épousait sa nièce, ou sa bru, pas plus que des Néolithiques qui avaient plusieurs femmes en commun ; puisque ces dernières ne voyaient rien de mal à ces pratiques. Mais en dehors de ces affaires de statut personnel ou social, les non-druidisants devaient sans doute, tout comme les druidisants, se conformer aux préceptes ou aux principes de base à valeur universelle de l’éthique druidique ; en ce qui concerne les affaires de sang, d’argent et ainsi de suite… Bref, les non-druidisants devaient respecter les lois et usages de la communauté celte, en ne s’opposant pas de façon frontale à son éthique ou à sa spiritualité.
IMPÔTS.
Il devait y avoir trois grandes catégories d’impôts dans ce genre de société formé par la coexistence de Celtes d’origine et de peuples néolithiques vaincus. Quatre même si on compte les tributs autres que celui payé en tête de bétail.
Le tiopritom de la tablette du Larzac (eiabi tiopritom biietutu) devait être un impôt sur les personnes. Il n’avait pas de montant fixe apparemment. Manifestement composé de tio – et du substantif pritom où Léon Fleuriot reconnaît, dans tio le sanscrit tya « prix, vengeance » et dans pritom la racine kwreih « acheter ». Moyen gallois prid « paiement, prix d’achat, valeur », vieil irlandais crith « achat ».
Le boroma était sans doute à l’origine un impôt (sur la terre ou les résidences des non-druidisants du territoire ?) payable en bétail à l’époque, d’où son nom, par les vaincus ou
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leurs héritiers, en échange de leur protection par la deuxième fonction. Il appartenait donc aux dirigeants de la communauté d’en fixer le montant. Exemple Brian Borou en Irlande.La decametina était un impôt économique. Elle se traduisait généralement par le versement d’un dixième des récoltes ou des produits. Peut-être était-il payé aussi au début par les Celtes originels, en nature. Étendu aux non-Celtes le but en fut simple : aider ou contribuer à l’entretien de la communauté des vainqueurs, guerriers et druides.
La justice la plus élémentaire imposait néanmoins aux non-druidisants de contribuer d’une autre façon aux frais de la défense et de la protection de la communauté. Payer ces trois ou quatre impôts (y compris ceux acquittés par les Celtes originels) devait donc être une façon de prouver sa loyauté pour un non-druidisant, ainsi qu’une substitution financière au service militaire (l’impôt du sang) dont il était alors exempté.
On insiste aujourd’hui sur le fait que le responsable d’une communauté (exemple Ambicatus, exemple Cavaros, exemple Teutovalos ou Tuathal Techtmar) doit prendre en considération la capacité contributive de ceux qui doivent s’en acquitter, donc éviter de les accabler d’impôts. Disons que ceux qui en ont les moyens doivent payer, chacun selon sa fortune, et que les atectoi/aithech indigents ou miséreux doivent en être exemptés (à la différence par conséquent du cas des shoudras indiens) ! Mais à l’époque, bien entendu, les malheureux vaincus devaient être écrasés par les tributs qu’imposaient les vainqueurs (Vae Victebo !).
Le fait de devenir druidisant mettait par définition fin à ce tribut (ces impôts) ; puisque ceux-ci ne concernaient que les Non-Celtes vaincus, en échange du fait d’avoir eu la vie sauve ou en échange des diverses protections dont ils bénéficiaient vis-à-vis des autres tribus. L’atectos (dit aithech en Irlande, shoudra en Inde) disparaissait donc ainsi et devenait un Celtisé, membre de la troisième fonction, celle des producteurs libres (boaire en Irlande, boarii en vieux celtique). Ou de la deuxième ou de la première pourrions-nous ajouter aujourd’hui. Par contre il devait toujours continuer à s’acquitter des impôts concernant également les Celtes de pure souche, comme la dîme (decametina).
La Rochelle le 21 01 2009.
PRIX DU SANG ET IMPÔT DU SANG.
Ainsi que nous avons pu le voir, l’éthique druidique imposait aux Celtes de cœur ou d’esprit (les Celtisés) d’intervenir éventuellement les armes à la main ; pour défendre la veuve et l’orphelin, pour lutter contre l’injustice, ou pour défendre des amis dans la difficulté.
« À cause de ces traits de caractère que sont leur simplicité ainsi que leur franchise, ils se rassemblent en foule spontanément, parce qu’ils partagent toujours le sentiment d’humiliation de ceux de leurs voisins auxquels ils pensent que l’on a fait du tort » (Strabon. Livre IV, chapitre IV).
Et plus près de nous : « Ils prennent volontiers en main la cause de celui que l’on opprime. Ils ont en effet, au plus haut point, le sentiment de l’équité, du droit et de l’honneur. Ils ne peuvent souffrir que l’on manque à sa parole. La réputation de justice de certaines de leurs tribus comme les Volques Tectosages qui habitaient au-delà du Rhin, ou de rois comme Cavaros, s’étendait au loin » (Albert Grenier).
Devoir d’ingérence humanitaire avant la lettre dont les non-druidisants étaient par définition exemptés puisque non druidisants justement. Surtout ceux dont la religion était une religion d’amour pacifiste comme le judaïsme le christianisme ou l’islam, de nos jours. De toute façon, une communauté, quelle qu’elle soit, ne peut être défendue que par ceux qui croient en la justesse de sa cause, ou au bien-fondé de ses idéaux. Il a toujours et de tout temps, été jugé impensable que quelqu’un soit obligé de risquer sa vie pour une idée qu’il considère comme fausse, ou une spiritualité à laquelle il n’adhère pas. Les conceptions religieuses de ces non-druidisant pouvaient d’ailleurs très bien ; ce qui est parfaitement logique et compréhensible (un peu comme dans le cas du judaïsme ou de l’islam aujourd’hui, mais les chrétiens sont plus hypocrites, plus menteurs , voir par exemple le discours du général Bouchard commandant de l’OTAN pour justifier ses bombardements intensifs de Tripoli et Syrte en 2011 : « nous ne faisons pas la guerre, nous protégeons les civils ! » : difficile d’être plus cynique) ; leur interdire de se battre tout simplement y compris pour de justes causes. Ce n’était pas le cas des Celtes puisqu’ils étaient vraiment persuadés que la mort n’était que le milieu d’une longue, très longue, vie. D’où le développement du mercenariat chez eux, même pour des raisons purement profanes. Voir par exemple la guerre en Libye et le célèbre roman historique de Flaubert intitulé Salammbô : la crucifixion du chef mercenaire Autarite en – 237 sous les murs de la future Tunis.
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Les débouchés qu’offrait le métier de mercenaire furent vraisemblablement à l’origine de l’installation des Sénons transalpins à proximité du comptoir syracusain d’Ancône. Et c’est probablement là que furent recrutés les mercenaires celtiques qui faisaient partie, avec des Ibères, du corps expéditionnaire syracusain envoyé en – 369/368 en Grèce. On ne dispose pas d’autres informations aussi explicites sur le mercenariat celtique en Italie pendant le IVe siècle avant notre ère, mais il a dû être florissant. Et c’est sans doute dans son contexte que doit être située la fameuse ambassade des Celtes de l’Adriatique (auprès d’Alexandre en – 335) qui, s’ils étaient réellement de cette origine, ne pouvaient être que des Sénons cisalpins. Les Celtes s’étaient donc introduits, dès le IVe siècle avant notre ère, dans les principaux circuits du mercenariat dont les clients étaient les puissances économiques qui ne disposaient pas d’une force militaire correspondant à leurs ambitions. Cas de Syracuse et d’autres cités de la Grande-Grèce. C’était également le cas de Carthage. Cela devint le cas des royaumes hellénistiques lorsque le noyau militaire macédonien ne fut plus suffisant pour poursuivre la lutte acharnée qui opposait les uns contre les autres les héritiers d’Alexandre. Il y eut donc probablement des mercenaires celtes engagés dans les combats que se livraient les diadoques dès les dernières décennies du IVe siècle avant notre ère. Et ce furent probablement eux qui furent à l’origine des nouvelles ou des informations nécessaires à la préparation de la « Grande expédition » de – 280. Elle fut trop bien conçue et organisée pour être la ruée spontanée d’aventuriers lancés à la recherche aveugle de terres et de richesses, sans idées claires sur le but à atteindre, son intérêt, ou les moyens nécessaires pour y parvenir ; que l’on nous décrit habituellement. Cette « Grande expédition » eut pour résultat immédiat l’injection soudaine sur un marché en pleine expansion, de plusieurs dizaines de milliers de soldats courageux, apparemment bien entraînés, qui plus est nettement moins chers que des mercenaires grecs. D’après les informations dont nous disposons, la solde d’un mercenaire celte pouvait s’élever à un statère d’or par homme pour une campagne de plusieurs mois, tandis qu’un soldat grec, lui, recevait la même somme pour un seul mois. L’usage de la monnaie se répandit ainsi chez les Celtes transalpins. Et ce n’est certainement pas un hasard si ce furent précisément les espèces qui étaient les plus utilisées dans les paiements de mercenaires (notamment le statère d’or macédonien, le « philippe », et les émissions d’Alexandre le Grand) qui serviront de modèles pour les premières frappes celtiques. Les souverains hellénistiques profitèrent immédiatement de l’aubaine : Antigone Gonatas engagea les rescapés de la bataille de Lysimachia, Nicomède de Bithynie fit traverser les détroits aux troupes de Léonorios et Lutarios. En 277/276 avant notre ère, quatre mille Celtes étaient au service de Ptolémée Philadelphe qui, craignant leur soulèvement, les fit périr dans une île du Nil. Désormais, les mentions de contingents celtiques dans les troupes hellénistiques foisonnent, et l’on peut considérer qu’ils font partie de leurs effectifs normaux. Leur courage est réputé au point que, lorsque Pyrrhos vaincra en – 274 les troupes d’Antigone, dont l’arrière-garde celtique s’était fait tuer sans reculer, tandis que l’infanterie macédonienne par contre passait de son côté ; il considérera cette victoire sur les Celtes comme son fait d’armes le plus glorieux. Des dizaines de milliers de mercenaires celtes combattirent ainsi, et versèrent leur sang sur tous les champs de bataille de la Méditerranée. De nature aventurière, ils se lancèrent de temps en temps dans des opérations pour leur propre compte, ou se révoltèrent, comme à Mégare près d’Athènes en – 265 ; où l’une de leurs femmes a peut-être été dépouillée à cette occasion de ses anneaux de cheville ; fabriqués en Bohême ou en Bavière, et trouvés à une trentaine de kilomètres de là, dans le comblement d’un puits d’lsthmia près de Corinthe. En effet, ces contingents de mercenaires, qui comprenaient généralement deux à quatre mille hommes en armes, se déplaçaient avec leurs femmes et leurs enfants, donc un total de cinq à dix mille personnes ; ainsi qu’avec une grande quantité de chariots qui transportaient toutes leurs richesses, et servaient probablement aussi de logis lors de leurs mouvements. Cela faisait beaucoup de monde, qui vivait au contact direct de l’univers des cités méditerranéennes, entièrement nouveau pour des personnes venues des villages d’Europe centrale (Venceslas Kruta. Revista de Guimarães, Volume Especial, I, Guimarães, 1999, p. 51-85).La Rochelle le 27 01 2009.
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Notes manuscrites retrouvées par les héritiers de Pierre de La Crau, et que ces derniers ont beaucoup hésité à insérer à cet endroit ; vu son caractère contradictoire par rapport à ce qui précède. C’est-à-dire l’exemption de service militaire pour ceux qui appartiennent à des
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communautés religieuses n’envisageant que la paix, n’ayant pas les mêmes valeurs à défendre ou à promouvoir que les druidisants. Dans ces notes en effet, ce qui est envisagé, c’est une sorte de service civil ou militaire obligatoire pour eux.LE TRIBUT EN HOMMES : SERVICE MILITAIRE PENSIONNAT ET OTAGES.
« En ce temps-là, la Cornouaille devait payer tous les cinq ans un tribut à l’Irlande ; cette coutume avait été instaurée à la suite d’une guerre malheureuse… Le jour venu, le Morhout arrivait sur un navire et débarquait à Tintagel, il en ramenait trois cents garçons de l’âge de quinze ans pour faire office de valets à la cour d’Irlande ; et autant de pucelles qui étaient enfermées dans des ateliers où elles devaient travailler trois cent soixante-cinq jours par an pour le roi d’Irlande » (Tristan et Iseut). Voir aussi le tribut que les vouivres ou les anguipèdes gigantesques (dits andernas sur le Continent, fomore en gaélique) exigeaient de la tribu de la déesse-ou-démone, ou fée, Danu (bia) dans les légendes irlandaises : les deux tiers de leur blé, de leur lait, voire même de leurs enfants.
La prise d’otages est en effet vieille comme le monde des sidh. On trouve des traces de cette pratique vingt-sept siècles avant notre ère en Égypte, au Proche-Orient et en Perse, puis à Rome. Très tôt en effet, les États ont fait du système des otages un moyen de diplomatie et de gouvernement. Prévus par une clause des traités, ils garantissaient l’exécution des obligations imposées aux vaincus, leur soumission, ainsi que la neutralité des voisins, et même la fidélité des alliés. Ces otages diplomatiques étaient généralement traités comme des hôtes de marque dans le pays des vainqueurs. Leur sort ne ressemblait en rien à celui des prisonniers. Il s’agissait en effet le plus souvent de membres de familles régnantes ou des plus hauts dignitaires des États en question, qui répondaient sur leur honneur et sur leurs biens de la bonne exécution des traités. Cette définition s’est évidemment peu à peu modifiée : aujourd’hui le mot désigne l’individu que l’on capture et que l’on utilise comme moyen de pression pour obtenir quelque chose ou pour se garantir d’éventuelles représailles. Le statut d’otage a donc évolué dans le temps de « garant d’une promesse » à celui de « monnaie d’échange ». Ce sont des groupes terroristes qui organisent ces prises d’otages pour des raisons politiques. Parfois aussi ce sont des actes crapuleux qui sont le fait du grand banditisme. Du point de vue du droit international, les prises d’otages sont interdites depuis 1949 par la Convention de Genève dans les conflits militaires ou civils. Elles sont également contraires à la Convention des Droits de l’Homme.
Il est donc évident que nos ancêtres ont, eux aussi, pratiqué à grande échelle ce système durant l’Antiquité, voire au-delà. Le nom même de Niall Noigiallach, dernier roi païen d’Irlande, signifie Niall aux neuf otages. O’Rahilly a suggéré que ce surnom était lié à une prise d’otages, effectuée parmi les fils des neuf rois ulates (d’Ulster). Cette population semble correspondre, pour la période historique en question, au royaume d’Airgillia (Airgíalla = donneurs d’otages), qui fut vassal des Ui Neill après avoir été vassal des Ulaid.
Après la victoire et après la conquête, les chefs vainqueurs devaient, bien évidemment, demander qu’on leur remette des otages pour garantir la paix.
Et les druides quant à eux devaient aussi, sans doute, prendre en pension chez eux des garçons d’âge scolaire, c’est-à-dire d’environ sept ans (l’école maternelle n’existait pas à l’époque) ; afin de les former à leur science, et d’avoir en eux, sinon des successeurs, au moins des aides ou des auxiliaires.
La celtisation accélérée de ces populations vaincues, et notamment des Ligures ou des Germains, s’explique donc sans doute en grande partie par l’importance du service militaire dû par les vaincus à leurs vainqueurs ; et par la prise en pension, par les druides, des enfants les plus prometteurs des tribus vaincues.
Les chefs celtes vainqueurs ne pouvaient qu’accepter que des jeunes des populations vaincues se rallient à leurs enseignes, et portent désormais les armes pour leur compte. Il y a bien eu des juifs pour s’engager dans les armées d’Alexandre le Grand ! Pour ce qui est de ce service militaire, cela devait commencer à environ quatorze ans.
Sans compter, vu la tolérance que manifeste toujours un vrai Celte de cœur et d’esprit, qu’un tel tribut du sang fut rapidement vu par les vaincus comme un moyen d’ascension sociale. Le cas de Vercingétorix est exemplaire à cet égard (il fut tout jeune envoyé en otage chez les Romains, et même plus précisément auprès du divin Jules César). Celui du futur saint Patrice fut moins concluant (il fut placé dans la famille du druide qui gérait les troupeaux du roi ayant pillé son pays – Niall ??– dans la forêt de Foclut : un dénommé Milchu).
La Rochelle le 03 02 2009.
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Nul ne peut dire avec exactitude maintenant comment cela se passait il y a 3000 ans, mais voici en tout cas comment se passaient ces prises d’otages dans l’Empire ottoman quelques siècles plus tard. Au début, recrutement des janissaires et devchirmé furent deux choses bien différentes. Les janissaires étaient des enfants capturés dans les nouveaux villages chrétiens occupés par l’armée ottomane au fur et à mesure qu’elle avançait : en Hongrie, dans les Balkans, etc. Ces enfants puis adolescents grandissaient donc dans le cadre de l’armée. C’étaient en quelque sorte des enfants de troupe (comme moi étant jeune). Ce qui correspond évidemment aussi à la pratique des otages des ralliements ou du mercenariat que nous venons d’évoquer. Quant à la mise en pension, il est vrai que le cas du druide Milliuc apprenant les rudiments du druidisme au futur saint Patrice est assez troublant, mais il importe ici de rappeler que tout dans cette histoire demeure très hypothétique.À commencer par l’emplacement exact des bois de Foclut où le futur saint Patrice passa l’essentiel de ses 6 ans de captivité et qu’il mentionne dans sa « confession ». La localisation traditionnelle de cet endroit ne correspond pas aux indications laissées par Patrice. Ce qui est sûr par contre c’est qu’il a gardé un souvenir assez ambigu de son apprentissage chez Milliuc pour considérer ses pratiques comme de la druiderie de bas étage.
Pour ce qui est du devchirmé (cueillette ou récolte en turc), il ne s’agissait pas du même processus et le but en était différent, plus civil. Il était en outre effectué à l’intérieur de l’Empire et en temps de paix. Il correspondrait peut-être plus à la notion de pensionnat vu la brillante destinée qui attendait parfois certains de ces jeunes (Patrice, Skanderbeg).
Ces deux logiques finirent néanmoins par se confondre, et ce, assez rapidement.
Le recrutement des janissaires, d’abord effectué en retenant un prisonnier de guerre sur cinq (pencik), se fit ensuite lui aussi par le système du devchirmé, ou conscription obligatoire de jeunes enfants dans les familles des peuples vaincus. Présenter les janissaires purement et simplement comme des « esclaves-soldats » serait une erreur. Le titre de kul qui leur était attribué correspondait à une fonction honorable et non déshonorante. Au XVIIe siècle encore, être reconnu comme kul n’était pas moins estimable qu’être simplement sujet du Sultan. Une fois l’étrangeté du devchirmé passée, beaucoup de familles proposaient elles-mêmes leurs enfants pour ce qui semblait alors être une bonne carrière. Voir le cas du grand héros national albanais, Skanderbeg.
Des parents aussi bien chrétiens que musulmans ont même été jusqu’à payer des pots-de-vin pour que leurs enfants soient eux aussi acceptés dans cette corporation. Il existe des écrits attestant que de nombreux janissaires gardaient le contact avec leur famille d’origine.
Ce tribut en hommes alimentait l’infanterie et la cavalerie d’élite, ainsi que les serviteurs ou domestiques civils. Le devchirmé concernait en premier lieu les jeunes gens âgés de huit à vingt ans, issus de familles paysannes ; des individus en bonne santé, mais sans éducation plutôt que des jeunes citadins formés à « l’école de la rue ». Les familles avec un seul fils en étaient exemptes et les juifs aussi. La plupart des Grecs y échappèrent, car la majorité de ceux qui parlaient grec était alors dans les villes ou habitait des îles. Le devchirmé entraînait concrètement le recrutement d’un enfant tous les quarante foyers ; la levée se produisait à peu près tous les cinq ans. À son apogée le système alla jusqu’à concerner de 1000 à 3000 jeunes gens chaque année, en dehors du recrutement ordinaire de près de 8000 esclaves. Le devchirmé débutait par un édit du Sultan. Un officier du rang de colonel au moins, avec des lettres d’autorisation, et accompagné de plusieurs sürücü (« gardiens conducteurs ») ainsi que d’un secrétaire avec un certain nombre d’uniformes, se rendait là où le clergé avait l’obligation de rassembler les enfants mâles. Deux listes étaient alors établies. L’une était confiée à un sürücü, qui escortait alors les recrues jusqu’à Istamboul. Là, les plus intelligents étaient envoyés en tant que iç oglan ou « garçons du palais » dans les écoles du Sultan, où ils étaient destinés, pour les plus chanceux, à des postes élevés. Le reste, l’autre liste, les acemi oglan ou « apprentis » était placé dans des maisons d’hommes honorablement connus afin d’y effectuer la première étape de leur éducation.
La procédure de sélection, contrôlée par un comité d’examinateurs, était un mélange étonnant d’idées neuves et archaïques. D’un côté la croyance en la science « de la physiognomie », qui affirme que le caractère et l’intelligence pouvaient être déduits de l’apparence physique, et de l’autre des examens intellectuels ou mentaux s’apparentant à nos modernes épreuves de QI.
On en sait plus évidemment sur l’éducation de l’élite des iç oglans que sur celle du commun des acemi oglans destinés au corps des janissaires, mais les principes en étaient similaires. Il y avait des écoles à Bursa, Edirne, Istamboul et Galata, où les jeunes étudiaient pendant
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deux à sept ans tout en étant soumis à la rude discipline que le kapi agasi ou chef des eunuques blancs, imposait. Ils apprenaient d’abord des rudiments d’islam et de culture générale. L’orientation dominante de leurs études ultérieures dépendait de ce qui leur convenait le mieux, elle était soit religieuse, soit administrative ou militaire. Il y avait aussi la littérature arabe, perse et turque, l’équitation, le lancer de javelot, le tir à l’arc, la lutte, l’haltérophilie, ainsi que la musique pour les plus doués. L’accent était mis sur l’honnêteté, la loyauté, les bonnes manières ainsi que le contrôle de soi. Les meilleurs iç oglans allaient dans les chambres haute ou basse du palais du Sultan, pendant que les autres étaient affectés à la cavalerie des kapu kullari (les esclaves de la Sublime Porte).Par comparaison avec cette instruction quasi chevaleresque, celle de l’acemi oglan ordinaire était totalement militaire avec une écrasante insistance sur l’obéissance.
Le devchirmé fut arrêté dans la pratique en 1648, et en Europe une ultime tentative échoua en 1703. Dès lors, la principale source de recrutement devint les Tatars d’Ukraine jusqu’à l’annexion de la Crimée par la Russie en 1783.
L’emblème le plus connu et le plus habituel des janissaires était le chaudron en cuivre que la compagnie (orta) gardait précieusement. La ration quotidienne des hommes était préparée dans ce chaudron et ils se rassemblaient autour afin de prendre leur repas. Renverser le chaudron était un signe de rébellion et se réfugier auprès de lui équivalait à se sauver dans un sanctuaire (donc à bénéficier d’une sorte de droit d’asile). Dans la bataille, le chaudron de la compagnie servait de point de ralliement. Mais si le chaudron était perdu, les officiers qui étaient chargés de le défendre tombaient en disgrâce, et la compagnie tout entière perdait le privilège de participer aux défilés avec les autres régiments.
Mais laissons là ces toutes ces turqueries, nous, ce qui nous importe c’est le tribut en hommes tel qu’il a été longtemps pratiqué par les vainqueurs celtes, le devchirmé celte antique (otages, pensionnat, et celtisation) ; et sa version moderne revue et corrigée (un service militaire offrant une réelle occasion de promotion sociale).
Ce que l’on peut déduire de tout cela pour ce qui est des conquêtes celtes et de la celtisation qui a suivi, c’est qu’il a dû exister une sorte de devchirmé celte. On en a des traces dans la légende de Tristan et Iseut.
Car il a aussi existé…
Le brouillon de Pierre de La Crau s’arrête malheureusement ici !
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DIFFÉRENCES ENTRE ATECTAI/ATECTOI ET DHIMMI EN TERRES D’ISLAM (DAR AL ISLAM).
Le terme dhimmi, habituellement traduit par allié ou protégé, désigne en fait un sujet non musulman dans un État régi par la Loi musulmane (Charia). Ce terme est le génitif dérivé du terme dhimmah, engagement, pacte, obligation, qui conditionne le rapport entre un dhimmi et un tel État. Le terme dhimmi s’applique essentiellement aux gens du livre connu sous le nom de Bible (Ahl al-kitâb) et c’est là une différence fondamentale avec le druidisme antique. Car dans le cas des Celtes ce schéma s’appliquait à toutes les religions, définition même du paganisme. Et dans le cas du druidisme moderne, cela s’applique même à toutes les absences possibles de religion : athéisme ou agnosticisme. Les juristes musulmans considèrent bien que le meurtre d’un dhimmi est un péché capital ou majeur, mais divergent sur la question de la peine à infliger au coupable s’il est musulman. Le joumhour (la majorité) des juristes dont Ash-Shafi’i et Ahmad sont d’avis qu’un musulman ne peut être passible de la peine de mort pour le meurtre d’un dhimmi. Voir le hadith s’énonçant ainsi : « Un musulman ne peut être tué pour un mécréant » (rapporté par Ahmad, Al-Boukhari, An-Nasa’i, Abou Daoud et At-Tirmizi à propos du hadith d’Ali, ainsi que dans Al-Mountaqa et son commentaire).
Tafsir de Pierre de La Crau. Il y a là de la part de l’islam plus qu’un crime, mais une faute. On est aux antipodes de la Loi druidique antique en la matière qui stipulait tout le contraire, ce qui est plus que moralement supérieur donc puisque c’est tout simplement de la sagesse élémentaire : c’était afin d’éviter les représailles de la tribu à laquelle appartenait la victime. « Chez eux, on est puni d’une peine plus rigoureuse pour le meurtre d’un étranger que pour celui d’un concitoyen : dans le premier cas, la mort, dans le second l’exil seulement. Ceux qu’ils honorent le plus, ce sont les conquérants qui ont agrandi le territoire national. Les portes de leurs maisons ne sont jamais fermées, etc. » Nicolas de Damas. Recueil de coutumes extraordinaires. Fragment conservé par Stobée). Vu notre position sur la peine de
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mort ou la loi juive du talion, notre druidisme à nous, échappe à une telle contradiction, à une telle discrimination positive, bien caractéristique des gens d’un seul Livre : deux poids deux mesures !Ce que nous ne comprenons pas très bien non plus, nous autres très-sachants de la druidiaction du troisième millénaire, c’est la précision qui figure à la fin du verset 29 du chapitre IX du Très Saint Coran. Le chapitre IX du Saint Coran est d’ailleurs une des rares sourates qui n’est pas introduite par la formule « Au nom de Dieu clément et miséricordieux ». Au fait, pourquoi une telle formulation puisque c’est Dieu qui est censé parler par le truchement de l’archange Gabriel ? C’est en effet une omission que les commentateurs musulmans expliquent différemment.
« Tuez (qatilou) ceux qui ne croient ni en Allah ni au Jour dernier, qui n’interdisent pas ce qu’Allah et son messager ont interdit et qui ne professent pas la religion de la vérité, parmi ceux qui ont reçu les Écritures… jusqu’à (hatta) ce qu’ils paient l’impôt (aljizyata) de leurs mains (an yadin) après s’être (wahoum)… SAGHIROUNA ». Et là les traductions divergent.
« humiliés »« rabaissés »« abaissés »« disgrâciés ». Alors humiliation ou pas ? Ci-dessous l’opinion du Français Jean-Pierre Péroncel-Hugoz dans son radeau de Mahomet. Revenons à cette « société heureuse » que fut, nous dit-on de tous côtés, l’Ibérie musulmane. Les anciens chroniqueurs chrétiens ou musulmans montrent pourtant que sous plusieurs califes, les splendeurs de Grenade ou de Cordoue s’accompagnèrent d’une application rigoureuse de la loi islamique (charia) avec son cortège d’injustices. Tarragone, Tolède, Séville entre autres cités virent même au VIIIe ou au IXe siècle, leurs communautés chrétiennes décimées. À chaque révolte de sujets non musulmans, sans parler des razzias en terre non soumise à l’islam, les marchés d’esclaves en Espagne se peuplaient de chrétiens… L’histoire de l’Espagne islamique et de la Sicile est émaillée d’exécutions de chrétiens
— accusés par des témoins musulmans d’avoir blasphémé contre l’islam comme les fameux martyrs de Cordoue Parfait ou saint Euloge [accusations que l’on entend de nouveau de plus en plus devant les tribunaux même si elles ne se terminent pas toujours, heureusement, par des condamnations, voir l’affaire Houellebecq en 2002* voir l’affaire du Saint Coran sur lequel un habitant de Strasbourg avait uriné, voir l’assimilation de l’islam au nazisme et du Coran à Mein Kampf faite par Geert Wilders aux Pays-Bas en 2011saint ; par contre dans chez nos amis et alliés de la grande démocratie pakistanaise il n’en alla pas de même pour la malheureuse Asia Bibi en 2010]
et de séance publique de paiement par les Gens du Livre de leur impôt spécifique : la djiziya. Sous les huées ou sous les horions « légaux » de la populace musulmane.
* Michel Houellebecq avait fait part de son opinion sur l’Islam : « La religion la plus con ». Il avait d’ailleurs peut-être raison, mais en ce qui nous concerne nous tenons surtout à ne pas finir comme les Afrikaners du Zimbabwe ou d’Afrique du Sud : une minorité visible faisant l’objet d’une discrimination, positive ou négative selon le point de vue où l’on se place, mais en tout cas officielle, et dont le créole est ridiculisé par les antiracistes. Même si nous ne voulons pas non plus revenir à la situation de l’Espagne musulmane, ce qui constituerait une dramatique régression intellectuelle ; l’idéal étant plutôt celui ainsi décrit par Strabon :« Certains disent que les Galiciens n’ont pas de dieu, mais que les Celtibères et leurs voisins au nord offrent des sacrifices à un dieu sans nom, chaque pleine, lune, la nuit, devant les portes de leurs demeures, et que toute leur maisonnée danse alors en chœur la nuit entière » (Strabon, Géographie, Livre III, chapitre IV). De toute façon, ce que nous ne comprenons pas c’est la nécessité de s’acquitter en personne en étant humilié ou rabaissé, d’un tel impôt. En ce qui nous concerne, nous sommes convaincus que quand les Atectai/Aithech Tuatha versaient un tribut à leurs vainqueurs celtes, jadis, ils n’étaient nullement obligés de le faire après avoir été ainsi traités.
Ci-dessous l’engagement moral ou plus auquel tous les dhimmis devaient souscrire en terre d’Islam (dar al islam), appelé Pacte d’Omar II, et base de toute législation musulmane sur les dhimmis.
N.B. Ce deuxième Omar ne doit pas être confondu avec le premier, qui fut le second calife. La plupart des historiens doutent aussi fortement de l’authenticité d’un tel document, car malheur aux vaincus, uae victebo, ce sont généralement les vainqueurs qui écrivent l’histoire, et pas le contraire. Ce document est néanmoins une bonne illustration de l’état d’esprit des musulmans de l’époque. L’exact opposé du processus que nous avons appelé « la celtisation » des corps des cœurs et des esprits.
Al-Tartoushi (Siraj al Moulouk, pp. 229-230).
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« Au nom d’Allah, le miséricordieux, ceci est une lettre adressée par les chrétiens (…) au serviteur d’Allah, Omar, commandeur des croyants…Quand vous êtes venus dans ce pays, nous vous avons demandé un sauf-conduit (aman) pour nous, notre progéniture, nos biens et nos coreligionnaires, et nous avons pris par-devers vous les engagements suivants : Nous ne construirons plus dans nos villes et dans leurs environs, ni monastères, ni églises, ni cellules de moines, ni ermitage. Nous ne réparerons point, ni de jour ni de nuit, ceux de ces édifices, qui tomberaient en ruine ou qui seraient situés dans les quartiers musulmans. Nous tiendrons nos portes grandes ouvertes aux passants et aux voyageurs. Nous fournirons le gîte et le couvert à tous les musulmans qui passeront chez nous pendant trois jours. Nous n’hébergerons pas d’espion dans nos églises ou dans nos demeures et nous ne les cacherons pas aux musulmans. Nous n’enseignerons pas le Coran à nos enfants Nous ne manifesterons pas publiquement notre culte et nous ne convertirons personne audit culte. Nous n’empêcherons aucun de nos parents d’embrasser l’Islam si telle est sa volonté. Nous montrerons toujours du respect envers les musulmans et nous nous lèverons de nos sièges s’ils veulent s’y asseoir. Nous ne chercherons aucunement à rassembler à des musulmans, pour ce qui est des vêtements, ni par le port de la qalanswa (bonnet), ni par le port du turban, ni par les chaussures, ni par la manière de nous peigner. Nous ne parlerons pas comme eux ni n’utiliserons leurs dénominations (kounyas)Nous ne monterons pas sur des selles. Nous ne ceindrons pas l’épée nous ne détiendrons aucune espèce d’armes ni n’en porterons sur nous. Nous ne ferons pas graver nos cachets en caractères arabes. Nous ne vendrons pas de boissons fermentées. Nous nous tondrons le devant de la tête. Nous nous habillerons toujours de la même manière, où que nous soyons ; nous passerons le zounar autour de notre taille. Nous ne montrerons pas nos croix ni nos livres sur les chemins empruntés par les musulmans et sur leurs marchés. Dans nos églises nous ne nous servirons que de façon très discrète du battant des cloches. Nous n’élèverons pas la voix en accompagnant nos morts jusqu’au cimetière. Nous ne porterons pas de cierge sur les chemins fréquentés par les musulmans ni sur leurs marchés. Nous n’enterrerons pas nos morts à côté des musulmans. Nous n’aurons pas d’esclaves ayant appartenu à des musulmans. Nous n’aurons pas de maisons dépassant celle des musulmans pour ce qui est de la hauteur.
(Quand j’ai remis cette lettre à Omar, puisse Dieu être content de lui, ce dernier a rajouté « nous ne frapperons pas un musulman »).
Nous avons accepté ces conditions pour nous-mêmes et pour nos coreligionnaires, et en échange nous avons reçu ce sauf-conduit.
Si nous contrevenons de quelque façon que ce soit donc à ces engagements, dont nos personnes demeurent garantes, nous ne pourrons plus bénéficier de cette convention [de la Dhimma] et nous serons passibles des peines réservées aux rebelles ou aux séditieux.
Omar répondit : « Signe ce qu’ils demandent, mais ajoute deux clauses et impose-leur celles-ci en plus de celles auxquelles ils se sont déjà engagés. Ce sont les clauses suivantes : « Ils ne rachèteront personne de fait prisonnier par les musulmans » et « Qui frappera un musulman de façon délibérée ne bénéficiera plus de la protection prévue par ce pacte ».
La Rochelle le 13 02 2009.
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LA RELIGION DRUIDIQUE (évolution et révolutions).Le druidisme version reda, en acceptant les principaux cultes néolithiques, a ouvert d’autres voies, et notamment celles du sentiment ou de l’intention, faisant ainsi du druidisme une vraie religion du salut. À l’idéal aryen du guerrier accédant directement au paradis en mourant au champ d’honneur, s’ajoute le culte de Cornunnos accomplissant par son sacrifice annuel la rédemption universelle. Avec lui un plus grand nombre d’êtres humains peut aspirer au salut et, pour y arriver, l’ardeur du sentiment et la souveraineté divine ou le droit de grâce de ce grand dieu ou démon, remplacent la rude discipline militaire caractéristique de la voie du guerrier jusque là. Cette évolution a lieu parallèlement à la celtisation des peuples néolithiques les ayant précédés ; elle est marquée par un développement considérable de l’idée du mérite des grandes âme/esprits ou du salut lié à la compassion de ces Anatiomaroi (Grands initiés). Un peu comme dans le cas des bouddhakshetra.
Bouddhakshetra, terre de bouddha ou champ de bouddha, est un terme bouddhiste qui désigne un domaine de l’univers dans lequel un bouddha donné exerce son activité ou son influence. Selon le Mahavamsa, le domaine de sa vie terrestre est le jati-khetta, qui peut être impur ou mixte, comme notre monde qui est le jati-khetta du bouddha Çakiamuni (du sage des Çakias). Le domaine dans lequel s’étend son enseignement est l’ana-khetta. Le domaine dans lequel s’étendent sa sagesse et sa connaissance est le visaya-khetta, considéré comme illimité. Les deux derniers sont des terres pures résultant de ses réalisations et manifestant ses qualités ; ceux qui ont une affinité pour elles y renaissent. Toujours selon le Mahavamsa, un Bouddhakshetra équivaut à 61 milliards d’univers. Le concept est particulièrement développé dans le Mahayana, dans les soutras du Lotus et de Vimalakirti ainsi que dans ceux qui sont consacrés à certains bouddhas comme Amitabha, dont la terre pure est de loin la plus connue. Elle est en effet au centre des croyances et pratiques du courant Terre Pure, l’un des plus importants du bouddhisme. Bien que certains textes décrivent les terres pures comme des domaines éloignés de notre monde, le Lotus et le Vimalakirti affirment qu’elles naissent dans le monde impur même autour d’un bodhisattva, en vertu de la pureté de son esprit ; elles sont composées des êtres qui s’élèvent spirituellement grâce à son enseignement. Selon ces soutras, il existe une différence de qualité entre les terres pures des différents bouddhas. La terre pure d’Amitabha elle-même cède le pas selon certains auteurs à celle de Padmavati. Les courants Tiantai ou Tendai, fortement influencés par le Soutra du Lotus, envisagent quatre terres pures auxquelles on accède selon son degré de conscience : la terre de la résidence commune, accessible à tous ; la terre des moyens habiles et des autres, accessible aux auditeurs, aux pratyekabouddhas et aux bodhisattvas aux premières étapes de leur pratique ; la terre de la vraie récompense sans entrave où vivent les bodhisattvas les plus avancés ; la terre de la lumière éternellement paisible accessible aux dharmakayas.
Ci-dessous quelques autres noms de terres pures du bouddhisme.
La Terre de la parfaite béatitude (Sukhavati) du bouddha Amitabha, la plus connue, décrite dans les soutras de la Terre pure, elle serait située à l’ouest de notre monde. La Terre de la joie (Abhirati) du bouddha Akshobhya, située à l’est de notre monde. La Terre d’émeraude du bouddha Bhaisajyaguru ; décrite dans le Soutra de Bhaisajyaguru, elle serait située à l’est de notre monde. Alors pourquoi pas la Terre pure (au-delà celtique) du bouddha Cornunnos ?
Le druidisme primordial, celui d’avant l’Âge du Bronze quelque part en Europe centrale, a donc constitué une première tentative de réponses aux angoisses de l’Homme face aux phénomènes naturels : tonnerre et foudre, grêle, tempêtes, inondations, sécheresse, etc. À la peur s’ajoutait en effet l’ignorance des causes produisant un certain nombre de ces phénomènes naturels : lumière, nuit, vent, nuages, mouvement des astres, croissance des végétaux et des animaux, éclipses, maladies (notamment l’épilepsie), etc. Les très-sachants de la druidiaction (druidecht) ont apporté aux hommes de l’ère mégalithique une nouvelle spiritualité, une nouvelle conception ou vision du monde, ce qui ne signifie pas qu’ils ont fait table rase des croyances et des rites du passé. Mais cet apport indo-européen virilisa la religion européenne : le culte de la Déesse-ou-démone-Mère fut relégué au second plan, derrière celui des dieu-ou-démons mâles. Les symboles solaires (rouelle, triscèle…) ont supplanté les symboles lunaires. L’antique terreur devant l’inconnu du monde parallèle au
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nôtre appelé Au-delà, devant la déesse-ou-démone de la mort, les génies malfaisants et les âme/esprits des trépassés ; a fait place aux perspectives optimistes d’une seconde vie dans la félicité des îles d’Éternelle Jeunesse (Tir na nOg. cf. les bouddhakshetra de l’autre extrémité du monde aryen). Les modes de pensée mêmes se modifièrent. L’art et la philosophie ne furent plus dominés par des conceptions dualistes (deux est le chiffre féminin par excellence), mais par l’idéal de la triade. Le triscèle (motif décoratif composé de trois éléments tournant autour d’un même point central et figurant l’eau, la terre et le feu)… Privé des explications scientifiques de notre époque les premiers druides, les druides primordiaux, ont commencé par penser qu’il existait des puissances invisibles au cœur même du monde visible, des puissances bien évidemment supérieures à l’homme. Et ils en ont fait des dieu-ou-démons personnels, c’est-à-dire qu’ils leur ont attribué quelques-unes des caractéristiques de l’être humain, plus ou moins marquées suivant les phénomènes. Le druidisme postérieur, celui de l’Antiquité classique, en vint rapidement, lui, à souligner les effets positifs de la nature. Les fleuves et les rivières qui apportent la fertilité, les sources désaltérantes, les nuages qui dispensent la pluie garante d’une bonne récolte, la douceur du soleil après l’hiver, etc. Certaines de ces puissances immanentes de la nature devinrent des divinités plus transcendantes que l’on évoqua par un certain nombre de symboles ou de représentations, et dont il fallut rapidement expliquer la place dans l’univers. Notons aussi qu’à ce premier type de religiosité de type écologique ou naturaliste, s’en était ajouté un autre, et ce, quasiment dès le début : la croyance en la survie de quelque chose de l’individu après la mort.ÉLÉMENTS DE BASE DU VRAI DRUIDISME DE LA HAUTE ÉPOQUE.
Nous appelons vrai druidisme celui qui a réellement existé, en chair et en os, il y a 2 000 ou 2 500 ans, quelque part en Europe centrale. Non les fantasmes mensongers répandus depuis sous ce nom, par quantité d’ignares et de charlatans du genre : le vrai druidisme vient de l’Atlantide, Jésus fut un initié druidique, les monuments mégalithiques comme Stonehenge et Carnac balisent des nœuds d’énergie tellurique, etc.
Notre bonne vieille Terre (la Litavis) est, certes, un être vivant (champs magnétiques, veines d’eau souterraine, plaques tectoniques, volcanisme, etc.) ; un être vivant que nous sommes d’ailleurs en train d’assassiner. Mais personne n’a sérieusement mis en évidence jusqu’à maintenant les fameux courants telluriques en question. Les témoignages gallois sont beaucoup trop christianisés pour être vraiment utiles à notre quête du Graal en la matière. Ceci est vrai non seulement pour les fameuses triades, mais également pour les Mabinogion. Il ne faut pas oublier en effet que les Gallois ont été christianisés plusieurs siècles avant les Gaëls, et ces quelques siècles d’évolution font toute la différence. Ajoutons que les Irlandais en dépit de quelques débarquements sporadiques (peut-être à l’appel de certains indigènes : exemple à Drumanagh, à 20 km au nord de Dublin) n’ont jamais été romanisés, à la différence des Gallois ; et l’on comprendra pourquoi il vaut mieux, quand on veut vraiment avoir une petite idée de ce que fut la spiritualité druidique authentique, étudier les contes et légendes irlandais. Mais la tâche est là aussi très ardue, car à partir du Ve siècle, saint Patrice et ses successeurs ont fait disparaître des lois et des coutumes (si l’on en croit John Toland) tout ce qui était contraire à la lettre ainsi qu’à l’esprit de l’Évangile. De tout ce qui nous aurait si vivement intéressés, il ne reste plus que des traces ou des bribes fortuites, conservées ou déformées au hasard d’une transcription, parce que les scribes ne les comprenaient plus.
Qu’y avait-il dans la tête d’un Celte d’Europe centrale et occidentale à l’époque de Hallstatt, avant l’arrivée des Romains ? Dans la tête d’un Celte, disons plutôt d’un habitant moyen de l’Europe centrale et occidentale de l’époque de Hallstatt, avant l’arrivée des Romains, la vie était ainsi conçue.
1) Il existe un autre monde, qui pénètre et entoure ce monde-ci, un autre monde qui contient ou comprend tout ce qui est inconnu, incompréhensible et mystique.
2) Cet Autre Monde est la demeure d’êtres surhumains dont on ne voit, au mieux, que la face ou la matérialisation visible : la terre qu’on laboure et le pays où l’on vit, les ancêtres du peuple et du clan. Le soleil, les eaux, les arbres, les animaux. Dans ce monde et au travers de ce monde agissent ces forces et ces puissances
3) Ces êtres sont capables d’apparaître sous des formes variées, des formes étranges, monstrueuses même. Mais ils sont également susceptibles de prendre des formes d’animaux familiers ou une apparence humaine. Femmes, mères, reines ou vieilles femmes. Ils apportent sur Terre désastre ou salut, dirigent les guerres et conditionnent le bonheur. Ces
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êtres de l’Autre Monde ont une prédilection particulière pour les êtres humains, et certains sont même des ancêtres. Certains hommes connaissent quelques-unes des règles de cet autre univers, et racontent des histoires, qui permettent de comprendre un peu ce qui se déroule dans cet Autre Monde et du coup dans le nôtre4) Certains humains savent lire et comprendre quelques-uns des signes de l’Autre Monde. Ils connaissent des règles sur le comportement qu’il faut adopter face à ces phénomènes. Ils accompagnent donc la vie des hommes et des femmes de leur interprétation : jours fastes ou néfastes, etc.
5) Les habitants de l’Autre Monde privilégient certains lieux et certains moments pour pénétrer dans notre univers. Un des moments de l’année privilégié par eux dans ce dessein est le commencement de la saison sombre
6) Quand un être humain pénètre dans cet Autre Monde sans être mort auparavant, il peut en revenir. Mais il existe une autre voie menant à cet Autre Monde : la mort.
7) Le principe de la vie se trouve dans la tête.
A. Si la tête est séparée du corps avant la mort, on peut s’attendre à ce que cette tête reste vivante. Mais ça, c’est un événement très rare et regardé comme remarquable ou digne d’être noté.
B. Il est possible d’empêcher le retour d’un mort si l’on sépare la tête du reste de son corps, et si l’on fait en sorte que les deux ne se touchent plus.
C. Si la Mort mène dans l’Autre Monde, c’est de là que nous revient la Vie. Tous les phénomènes associés à la croissance et à l’abondance, mais aussi aux eaux des rivières et des lacs, au paysage et à la terre, qui offre la nourriture, ainsi qu’au soleil ; tout cela nous vient des êtres de l’Autre Monde (voir 2).
8) On raconte que certains humains sont capables de se transformer en divers animaux ou en d’autres êtres humains, momentanément.
8 bis). Un tel pouvoir est peu commun et il est d’ailleurs difficile de déterminer si ceux qui ont ce pouvoir sont des êtres humains normaux, ou des créatures de l’autre monde ayant pris forme humaine.
N.D.L.R. QUE PEUT-ON EN TIRER COMME LEÇONS POUR LE DRUIDISME D’AUJOURD’HUI ?
La vie est surdéterminée par le rythme des saisons et des répétitions qui en résultent dans la nature, dans les forêts, les champs, les eaux, les jardins, ou dans les activités des hommes et des femmes. Le jour et la nuit, la saison sombre et la saison claire, la croissance, la moisson et la jachère, le cycle des astres et des jours, les points cardinaux.
1) Existence de forces invisibles et d’un autre monde.
2) Les lois de cet autre monde déterminent notre monde.
3) La mythologie.
4) Le rôle des sages.
5) Les contacts avec l’autre monde.
6) La mort est un passage dans cet autre monde.
7) Les métamorphoses.
7bis) Prudence en matière de métapyschisme (on dit aujourd’hui parapsychologie).
8) Importance de la nature et des rythmes naturels. La vie est surdéterminée, etc.
LA RELIGION DES CELTES SELON J.- L. BRUNAUX.
« Une autre véritable révolution religieuse s’est produite, au moins dans la moitié nord, dans les années 300 avant notre ère. La plupart des peuples, après de longs périples, ont alors trouvé le territoire qu’ils ont conservé jusqu’à l’arrivée de César. Aussi les guerriers laissent-ils aux prêtres le contrôle des affaires religieuses, mais encore de l’éducation, de la justice et d’une part des affaires politiques. C’est certainement l’époque de l’apogée des druides, ces prêtres-philosophes que l’on compare parfois aux brahmanes de l’Inde, mais qui ne représentaient pourtant qu’une partie – certainement le sommet – de la hiérarchie sacerdotale. Les rituels complexes évoqués supposent qu’auprès d’eux se trouvaient de nombreux officiants spécialisés ou subalternes, sacrificateurs et devins, autrement dit les vates que signale Strabon. À l’évidence, César a fait l’amalgame entre ces différents corps pour ne retenir que les druides dont l’image qu’il donne se révèle étonnamment archaïque. Le seul connu historiquement était pourtant un contemporain et ami de César : l’Éduen
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Diviciacus, dont on sait qu’il était chef de guerre, et un des principaux personnages politiques de sa cité. Grâce à Cicéron, qui l’a reçu chez lui à Rome, nous savons que c’était un très-sachant de la druidiaction (druidecht), spécialisé dans la divination. Tout le contraire, en quelque sorte, de ces ermites en toge blanche que décrit Pline dans son fameux passage sur la cueillette du gui.Les travaux de Dumézil ont pu établir que leurs sociétés, en théorie du moins, étaient partagées en trois (ou quatre avons-nous ajouté) classes sociales bien distinctes. Une première classe sacerdotale qui a en charge le religieux et le sacré. Une deuxième classe militaire pour la guerre. Une troisième classe artisanale qui doit produire tout ce dont la société a besoin (charpentiers, forgerons, etc.). Une quatrième classe servile formée par les peuples vaincus (atectai, ou aithech tuatha, cf. les shoudras dans l’hindouisme).
LA RELIGION DES CELTES DE GEORGES DOTTIN.
Ci-dessous ce que l’historien français Georges Dottin a pu apporter comme précisions à propos des Celtes. Cet auteur ayant publié ses travaux avant ceux de Dumézil (vers 1904) il n’a donc jamais été influencé par la théorie des trois fonctions de ce dernier, en cela il demeure donc fondamental pour nous. Il développe dans ce texte une vision non dumézilienne, quoique très érudite, des Celtes. Les Celtes étaient toujours soucieux de connaître leur destinée. Ils passaient pour être les plus habiles des peuples en science augurale, et le Galate Déjotarus [Turquie actuelle] était considéré comme un augure remarquable. La divination se faisait par le truchement de divers oiseaux, le corbeau, l’aigle ; chez les [Grands] Bretons, par la course d’un quadrupède : le lièvre. Des oiseaux indiquent à des armées la direction qu’elles doivent suivre ; averti par le vol d’un aigle Déjotarus revient sur ses pas.
Note de la rédaction : nous reviendrons ultérieurement sur cette question, la possibilité ou non pour des esprits exceptionnellement doués, d’une très grande lucidité, d’anticiper ce qui va se passer ; les grandes lignes par analyse rationnelle, les détails par des songes prémonitoires toujours possibles, ou les deux par intervention exceptionnelle de Dieu ou d’Allah (voir le cas des prophètes de l’Ancien Testament).
Il reste encore à l’époque la plus ancienne, des souvenirs du culte que l’on vouait à certains animaux. Chez les [Grands] Bretons, l’oie, la poule et le lièvre sont tabous. Nous avons cité plus haut le surnom de Mercurius : Moccus, qui signifie « porc ». On sait que le sanglier, le cochon sauvage, était l’insigne guerrier des Celtes, et qu’il figure comme tel sur l’arc de triomphe d’Orange [en France]. Nennius nous parle d’un animal merveilleux, le porcus troïtus poursuivi par le dux bellorum Arthur dans une chasse assez fantastique ; c’est le twrch trwyth du roman gallois intitulé Kulhwch et Olwen, et ce porc ou ce sanglier fameux est sans doute, dans la légende celtique, un souvenir du temps où le porc sauvage était le symbole ou le totem de certaines tribus. Le petit autel du dieu tricéphale trouvé à Reims [en France donc] est surmonté d’une tête de bélier. Nous avons déjà parlé du taureau et des trois grues, du serpent à tête de bélier ainsi que des dieu-ou-démons à cornes de bélier ou bois de cerf, qui ne rappellent plus que par un détail le culte primitif des animaux sacrés… Les Celtes ajoutent foi aux indications données par les songes…
Nous savons par Pline que le chêne rouvre est l’arbre des bois sacrés chez les Celtes et que l’on n’accomplit aucune cérémonie sans son feuillage. Maxime de Tyr nous apprend qu’un chêne est la représentation (agalma) celtique de Zeus. Nous trouvons dans un passage de Pline que le lycopode sélagine (selago) protégeait contre les accidents. Et que le gui, que l’on appelait d’un nom qui signifie « panacée » en celte, était un remède contre les poisons ; qu’il donnait la fécondité à tout animal stérile. Le gui venant sur le rouvre est extrêmement rare ; aussi le regardait-on comme envoyé du ciel. La cueillette du gui, nous dit Pline, se fait le sixième jour de la lune. Après avoir préparé selon les rites, sous l’arbre, des sacrifices et un repas, on fait approcher deux taureaux blancs dont les cornes sont liées alors pour la première fois. Un prêtre, vêtu de blanc, monte sur l’arbre et coupe le gui avec une serpe d’or [en fait un vouge ou un échenilloir] ; on le reçoit sur une saie blanche ; puis on immole les victimes en priant que le dieu [ou démon bien sûr] rende le don qu’il a fait, propice à ceux auxquels il l’accorde. Les bois sacrés dont, au temps de Pline, le chêne rouvre était le principal élément sont mentionnés par les auteurs de l’Antiquité. Les Galates d’Asie Mineure avaient un sénat qui se réunissait pour juger les assassinats en un lieu appelé Drunémeton ; or, le second terme de ce mot signifie bois sacré. Ces bois sacrés tenaient-ils lieu de temples aux Transalpins ? On serait tenté de le croire, car César ne parle que de l’endroit consacré
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où, in loco consecrato, sur le territoire des Carnutes, les très-sachants de la druidiaction (druidecht) se réunissaient chaque année à époque fixe pour rendre la justice. Chez les Cisalpins, il n’est pas douteux qu’il y a eu des temples. Tite-Live nous rapporte qu’en 216 avant notre ère, les dépouilles et la tête du consul Postumius furent portées par les Boïens dans le temple le plus respecté de leur nation. Il y avait aussi chez les Insubres un temple d’Athéna. Les temples étaient-ils ornés, comme chez les Romains, de statues de dieu-ou-démons auxquels on rendait un culte ? Sur ce point, les témoignages des Anciens sont contradictoires. Les Galates, au dire de Strabon, avaient dans la ville de Tavium une colossale statue de Jupiter. D’autre part, Diodore nous rapporte que Brennos s’est beaucoup moqué de l’idée qu’avaient les Grecs, de faire des dieu-ou-démons de bois et de pierre. Les mots employés pour désigner des représentations des divinités sont souvent très vagues. Polybe parle « des enseignes d’or qu’ils appelaient les inamovibles » (Livre II, chapitre XXXII : anathémata). Lucain nous décrit dans un bois sacré, des troncs d’arbre grossièrement sculptés représentant les dieu-ou-démons : simulacra maesta deorum. Enfin, César nous fait savoir qu’il y a d’assez nombreuses représentations de Mercure : cujus sunt plura simulacra. Or, comme l’a fait remarquer Salomon Reinach, il n’est guère probable que simulacra signifie statues ; simulacra en l’occurrence a le sens vague d’image, d’indication symbolique. S’il y avait eu des statues de dieu-ou-démons antérieurement à la conquête romaine, il serait inadmissible qu’on n’en eût pas découvert quelques-unes à Bibracte ou Alésia. Or, on n’a point trouvé de représentations figurées appartenant à la période qui va de l’âge du renne à l’époque romaine. Note de la rédaction. Il en existe cependant qui ont été découvertes depuis la rédaction de cet article de Georges Dottin (1900), de la statue en bois de Bobigny (IVe siècle avant notre ère, encore un simulacrum ?) au masque de bronze de Montsiéré en passant par les dieux de Bouray ou de Saint-Maur, en tôle de bronze (une statuette de dieu guerrier découverte en 1984 dans le nord de la France et datant du Ier siècle avant notre ère). Dans les temples et les enceintes sacrées, en tois ierois kai temenesin, les Celtes entassent une grande quantité d’or qu’ils offrent aux dieu-ou-démons, et quoique tous les Celtes aiment l’argent, aucun d’eux n’ose y toucher. Les Arvernes avaient suspendu dans un temple, pros iero, l’épée que César avait laissée entre leurs mains. Et le conquérant qui la revit plus tard à cette place refusa de la reprendre, en disant qu’il fallait respecter un objet consacré aux dieux. Les dépouilles des ennemis devaient en grande partie constituer les trésors des temples. Le culte comportait des prières, des danses, des libations et des sacrifices. La reine bretonne Boudicca invoque Adrasta en levant une main vers le ciel. Les très-sachants de la druidiaction, de l’île de Mona, prient en levant les bras au ciel. Pour adorer, les Celtes se tournaient de la gauche vers la droite. Chez les Irlandais du Moyen – âge, idem. C’est par des danses que pendant la nuit, à la pleine lune, selon Strabon, les Celes de la péninsule ibérique célébraient le culte d’un dieu supérieur sans nom propre. Les Boïens de cisalpine se servirent du crâne du consul Postumius, orné d’un cercle d’or, comme vase sacré pour offrir des libations dans les fêtes. Les sacrifices étaient souvent des sacrifices humains. Ils croient, nous dit César, que la vie d’un homme est nécessaire pour racheter la vie d’un autre homme, et que l’on ne peut apaiser autrement les dieu-ou-démons immortels. Ils croient que le supplice de ceux qui sont convaincus de vol, de brigandage, ou de quelque autre crime, est celui qui plaît le plus aux dieu-ou-démons immortels ; mais quand ces sortes de victimes ne sont pas suffisamment nombreuses, ils y suppléent en sacrifiant des innocents. Dans la première moitié du troisième siècle avant notre ère, Sopatros de Paphos, cité par Athénée, accuse les Galates de tuer les prisonniers de guerre. Justin nous apprend que les Gallo-Grecs font des sacrifices avant de livrer bataille, et que si les présages sont funestes, ils égorgent leurs femmes et leurs enfants, afin de ne pas les laisser tomber vivants aux mains des ennemis. Néanmoins en Gaule, vers 40 avant notre ère, les très-sachants de la druidiaction (druidecht) attiraient à leurs autels des hommes liés par des vœux solennels et faisaient couler un peu de leur sang, mais sans les mettre à mort. Parmi les croyances religieuses, une de celles qui ont le plus étonné les Anciens, est la croyance en l’immortalité de l’âme [ou de l’esprit]. « La tradition y veut que les Celtes se prêtent de l’argent, mais que l’on peut le rembourser dans l’autre-monde. Ils font cela parce qu’ils sont convaincus que les âmes humaines sont immortelles. Je les traiterais bien de fous (note Valère Maxime) si ces hommes avec leurs braies n’avaient pas en ce domaine les mêmes idées que Pythagore dans son manteau grec ». Pour d’autres écrivains, cette doctrine leur était venue par les très-sachants de la druidiaction (druidecht). Toujours est-il qu’elle était très répandue et populaire. De là l’usage chez les Celtes de se prêter des sommes remboursables dans l’autre monde, d’admettre aussi « les enfers » comme lieu de règlement
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de leurs affaires commerciales, de brûler ou d’enterrer avec les morts ce qui sert aux vivants. On a même vu, dit Pomponius Mela, des parents se jeter volontairement sur le bûcher de leurs proches, dans l’espoir d’aller vivre avec eux. Les Celtes prétendent ne craindre ni les tremblements de terre ni les inondations : ils s’avancent tout armés au-devant des flots. C’est que la foi en une autre vie est éminemment propre à exalter le courage ; elle était sans doute aussi la cause de ces suicides à caractère religieux, que l’on a signalés chez les Celtes ; elle peut de même, dans certains cas, rendre compte des sacrifices humains, dont nous venons de parler. Il ne semble pas, bien que les textes soient obscurs et contradictoires, que cette immortalité de l’âme/esprit ait consisté en une seconde vie sur la Terre dans un nouveau corps. Ce n’est pas la doctrine pythagoricienne, d’après laquelle l’âme/esprit des méchants revenait en ce monde habiter un autre corps, tandis que l’âme/esprit des justes menait dans les espaces aériens une vie purement spirituelle. Ce n’est pas non plus les demeures silencieuses de l’Érèbe ni les profondeurs du pâle royaume de Dis que gagnent les âme/esprits en question. Le même souffle anime leurs membres dans un autre monde, la mort est le milieu d’une longue vie. La situation de cet autre monde varie suivant la localisation géographique des divers peuples celtiques. Comme l’a fait remarquer A. Le Braz, les gens du continent le plaçaient volontiers dans les îles. Une tradition fixée par écrit au VIe siècle par Procope, rapporte que les habitants du pays situé en face de la Grande-Bretagne avaient pour charge de conduire les âme/esprits des morts, du continent dans l’île. Au milieu de la nuit, ces derniers entendent frapper à leur porte, et une voix les appelle tout bas. Ils se rendent alors au rivage, sans savoir quelle force les y entraîne. Ils y trouvent des barques qui semblent vides, mais qui sont tellement chargées des âme/esprits des morts, que le plat-bord et les dames de nage s’élèvent à peine au-dessus des flots. En moins d’une heure, ils sont arrivés au terme de leur voyage, alors que d’ordinaire il leur faut une journée pour s’y rendre. Là, dans l’île des Bretons, ils ne voient personne, mais ils entendent une voix qui dénombre les passagers en les appelant chacun par leur nom. Ce n’est que d’après la littérature épique de l’Irlande que l’on peut se faire une idée de l’Élysée rêvé par les Celtes, pays merveilleux que l’on atteignait en s’embarquant sur une barque de verre. Au-delà de la mer, on apercevait une grande tour transparente aux contours indistincts ; dans les ouvertures des créneaux apparaissaient des formes qui ressemblaient à des hommes. Quiconque essayait d’aborder au pied de la tour était emporté par les flots de la mer. Au-delà de la tour s’étendaient des plaines fertiles plantées d’arbres étranges. Quelques-uns avaient des branches d’argent, auxquelles pendaient des pommes d’or. Quand on heurtait ces pommes les unes contre les autres, elles produisaient un son si harmonieux qu’on ne pouvait l’entendre sans oublier tous ses maux. Au pied des arbres coulaient des ruisseaux de vin et d’hydromel. La pluie qui rafraîchissait la terre était faite de bière ; les porcs qui paissaient dans la plaine renaissaient, une fois mangés, pour de nouveaux festins. Ici et là une agréable musique enchantant les oreilles et ravissait l’âme/esprit par ses douces mélodies. C’était bien la vie dont tout Celte avait pu rêver ici-bas. Toujours jeune, toujours beau, couronné de fleurs, il passait ses jours dans de longs festins où la bière ne cessait de couler, où la viande de porc ne manquait pas. Jamais il ne s’élevait de contestation pour savoir à qui devait revenir le meilleur morceau. Les combats étaient à ranger au nombre des plaisirs du peuple des morts ; les guerriers avaient des armes éclatantes ; ils brillaient de tout l’éclat de la jeunesse ; les batailles étaient plus terribles et plus acharnées que dans le monde des vivants, et des fleuves de sang coulaient dans la Grande Plaine [mais tout le monde ressuscitait après]. Ainsi le Celte retrouvait-il dans l’autre vie, tout ce qu’il avait aimé sur la Terre, la musique, la bonne chère, et la guerre.Note de la rédaction. Vu la multiplicité des descriptions de cet autre monde celte, les druides d’aujourd’hui sont bien obligés de constater qu’il s’agissait sans doute là de tentatives sans cesse renouvelées de décrire plus une situation ou un état de l’être, caractérisé par la félicité, qu’un lieu bien défini.
La plus ancienne mention du nom des druides se trouve chez Diogène Laerce, dans ses Vies des philosophes célèbres. Il écrit que la philosophie a commencé chez les barbares. Que les premiers philosophes ont été chez les Perses les Mages, à Babylone et en Assyrie les Chaldéens, dans l’Inde les gymnosophistes, chez les Celtes et les Galates les druides ou semnothées (Druidas ê semnotheous). Et il cite comme autorités un traité apocryphe d’Aristote, tò magikon, ainsi que Sotion d’Alexandrie (IIe siècle avant notre ère) au vingt-troisième livre de l’ouvrage intitulé Diadochê ton philosophon. Strabon mentionne que chez tous les peuples celtiques presque sans exception, se retrouvent trois classes d’hommes qui font l’objet d’honneurs extraordinaires, c’est-à-dire : les bardes (bardoi), les vates (ouateis) et les druides (druidai). César ne nous parle que des druides (druidae). Les noms de barde et
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de druide sont conservés dans les langues celtiques. L’ancienne Irlande connaissait trois ordres de lettrés : les bardes (bard), les druides (drui, druad), et les fili (vellèdes). Ces derniers, qui sont à la fois devins, juges et poètes, étaient répartis en différentes classes, d’après le nombre d’histoires épiques qu’ils pouvaient raconter. Quant aux autres noms donnés par les auteurs de l’Antiquité, aucun ne semble celtique ; semnotheous est un adjectif grec que l’auteur considérait bien entendu comme une simple explication du terme druidas. Les druides, pour les auteurs de l’Antiquité, constituent donc une des classes d’hommes qui sont le plus honorés chez les Celtes. Ils ne se confondent ni avec les bardes, ni avec les devins, ni avec les vates. Les bardes sont des poètes auteurs de panégyriques ou de satires ; ils chantent sur une lyre [une rote, Venance Fortunat, livre VII, chant 8, l’oppose aussi bien à la lyre des Romains qu’à la harpe des Barbares] les exploits des héros. Les devins prédisent par le vol des oiseaux ou l’examen des entrailles des victimes [nous y reviendrons dans un autre livre]. Les vates s’occupent des sacrifices et des lois de la nature. Les très-sachants de la druidiaction (druidecht), indépendamment de la physique et de la physiologie, professent la philosophie morale (des déontologies) et sont considérés comme les plus justes des hommes. Chez les auteurs qui ne nous parlent que des druides, ils sont confondus avec les devins et avec les vates. Le mot druide a donc, chez les écrivains de l’Antiquité, deux sens : un sens large et un sens restreint. Au sens large, on comprend sous le nom de druides à peu près toutes les professions libérales, et, nous dit César « il n’y a que deux classes d’hommes qui ont de l’importance et sont honorées ; l’une est celle des druides, l’autre celle des chevaliers ». Tandis que les chevaliers constituent l’élite de l’armée, les très-sachants de la druidiaction (druidecht) sont exempts de tout service militaire. Ils prennent part à l’exercice du pouvoir public aussi bien que les chevaliers. Diviciacus qui, à ce que Cicéron nous apprend, était un druide, mène une vie assez peu différente de celle de son frère Dumnorix, qui n’était pas druide, et qui est très mêlé aux affaires politiques de son temps. César parle dans un passage des sacerdotes, qui peuvent être différents des druides, et rien ne nous indique que les prêtres des Boïens, sacerdotes, antistes, que mentionne Tite-Live, furent des druides. Pour désigner, à l’époque romaine, les prêtres affectés aux cultes locaux, il y avait un mot qui est sans doute celtique, gutuater. Les inscriptions nous apprennent qu’il y avait à Mâcon un gutuater de Mars, et à Autun des gutuater du dieu-ou-démon Anvalos. La confusion du gutuater et du druide n’est faite que chez Ausone, qui d’ailleurs se sert dans un autre passage, pour désigner un prêtre de Belenus, de l’expression Beleni aedituus. Les fonctions religieuses des très-sachants de la druidiaction (druidecht) consistaient à surtout assister aux cérémonies et à s’occuper des sacrifices publics et privés. La divination était au nombre des sciences qu’ils pratiquaient. Diviciacus prédisait l’avenir tant par l’observation des oiseaux que par conjecture. D’après César, les très-sachants de la druidiaction (druidecht) interprètent la volonté des dieu-ou-démons : religiones interpretantur. Au temps de Tacite, les druides annonçaient que l’incendie du Capitole présageait la chute prochaine de l’Empire romain. Les très-sachants de la druidiaction (druidecht) d’Irlande nous apparaissent surtout comme des magiciens, et des prophètes. Ils prédisent, ils interprètent les volontés secrètes des dieux ou des fées, ils jettent des sorts. À l’aide de formules magiques et d’incantations, ils peuvent trouver l’endroit où se cache une personne ; accabler un ennemi de toutes sortes de maux, faire lever un brouillard épais entre deux armées, faire tomber de la neige, changer le jour en nuit, rendre grosse une femme stérile. Ils connaissent les breuvages qui font oublier. Ils ont le pouvoir d’imposer des obligations, geis ou gessa, dont il est impossible de s’écarter, mais aussi de rendre tabous certains objets. Ces gessa sont très diverses. Il était interdit à Noisé de venir en Irlande, en temps de paix, sauf avec trois hommes : Cûchulainn, Conall et Fergus. Fergus avait reçu pour loi de ne jamais refuser une invitation et de ne pas quitter un festin avant qu’il ne fût terminé. Cûchulainn était obligé de ne jamais passer près d’un foyer sans y faire une halte et y accepter à manger ; mais il lui était interdit de consommer du chien. Les prédictions des très-sachants de la druidiaction (druidecht) ont pour objet tantôt la naissance, la gloire, ou les malheurs futurs d’un enfant ; l’effet meurtrier d’une arme, une vengeance dont un vaincu menace son vainqueur.Note de la rédaction. La possibilité de prédire l’avenir pose évidemment, ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, toute une série de problèmes. Pour les événements de nature astronomique comme les solstices ou les éclipses, il devait s’agir de connaissances mathématiques. Pour les prévisions météorologiques, il devait s’agir de la combinaison d’observations et de statistiques ; on en a un indice avec les fameux trigrammes du calendrier de Coligny. Pour les autres prédictions, il devait s’agir de calculs de probabilités comme on en a l’indication dans le De Divinatione de Cicéron. Ou alors évidemment de simples
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prévisions tout ce qu’il y a de plus rationnelles, mais faisant l’objet d’une mise en scène relevant du surnaturel le plus pur genre étude des entrailles des animaux, vol des oiseaux (on dirait aujourd’hui astrologie numérologie, etc.) destinée à leur donner plus de poids psychologique encore. Sur la possibilité de prédire ou non l’avenir donc, voir nos leçons suivantes. Les animaux peuvent en effet détecter les signes avant-coureurs de certaines catastrophes naturelles, un hiver plus rigoureux que d’habitude, un orage qui approche, des tremblements de terre imminents…Il est rarement question de sacrifices en Irlande ; toutes les mentions d’atebertas ou offrandes aux dieu-ou-démons, semble-t-il, ont été supprimées des textes irlandais. Mais on trouve dans les gloses le mot gaélique qui signifie victime et sacrifice. Et dans une Vie latine de saint Patrice, il est écrit que lors de la Fes Temrach ou « Festin de Tara » ; non seulement les princes de tout le royaume, les grands, et les chefs de province, mais aussi les maîtres des druides, druidum magistri ; s’assemblaient pour immoler des victimes aux idoles. Aux funérailles d’un chef, on tue ses animaux ; c’est le même usage que du temps de César. Mais quel rapport les prodiges de contes populaires que nous venons de rapporter ont-ils avec l’ancienne religion des Celtes ? Les très-sachants de la druidiaction (druidecht), irlandais, évoluent tantôt dans un monde de féerie où l’imagination du conteur crée les prodiges les plus incroyables ; tantôt dans une société peu civilisée où les pratiques de sorcellerie semblent tenir lieu de toute croyance religieuse. Le fétichisme n’y occupe guère de place, sans doute parce que les rédacteurs chrétiens des épopées irlandaises en ont fait disparaître tout ce qui pouvait rappeler l’idolâtrie. Peut-être la religion des Gallo-Romains a-t-elle quelques traits communs avec cet ensemble de superstitions qu’avaient conservé les Irlandais des premiers siècles de notre ère. Mais il est peu probable que les très-sachants de la druidiaction (druidecht) du temps de César, n’aient été, comme leurs confrères d’Irlande, que des sorciers ou des créateurs d’illusions. Le druide Diviciacus, en tout cas, ne différait guère, semble-t-il, pour ce qui est de la culture intellectuelle, des Romains lettrés de son temps. Les Anciens avaient été frappés par les analogies que présentait la doctrine des druides sur l’immortalité de l’âme/esprit avec l’enseignement de Pythagore. Aucun d’entre eux pourtant ne dit expressément que les druides aient eu des rapports avec Pythagore, ou ses disciples. Diodore de Sicile emploie l’expression « la croyance pythagoricienne prévaut chez eux » ; Valère Maxime fait seulement un parallèle entre les deux doctrines. Le texte d’Ammien Marcellin qui a sans doute pour source Timagène est moins clair. Parmi eux il y avait les druides, des hommes d’un génie encore plus élevé, associés en fraternités conformément aux préceptes et à l’exemple de Pythagore ; leurs esprits cherchaient à pénétrer les secrets ou les plus sublimes domaines, et méprisant quelque peu les affaires humaines, ils proclamaient que les âmes/esprits [latin anima] sont immortelles. La phrase ut auctoritas Pythagorae decrevit, d’après l’usage ordinaire des Latins, doit signifier simplement que les sodalicia consortia des druides, avaient une organisation semblable à celle qu’avait mise en place Pythagore, il est peu probable qu’elle détermine l’ensemble de la phrase. L’enseignement druidique, qui fut en grande faveur tant que le pays resta indépendant, ne survécut pas longtemps à la conquête. Un sénatus-consulte, sous le règne de Tibère, supprima les druides : sustulit druidas. Officiellement supprimés, les très-sachants de la druidiaction (druidecht) continuèrent pendant quelque temps à enseigner dans les forêts. L’ouverture des écoles romaines d’Autun, de Lyon, et de Bordeaux, en France, leur enleva la clientèle des jeunes nobles. Chez les Irlandais, les très-sachants sont entourés de nombreux disciples. Catubatuos (Cathbad) avait auprès de lui cent hommes qui, sous sa direction, apprenaient le druidisme (druidecht). Dans une des légendes hagiographiques rattachées à la vie de saint Patrice, deux druides sont chargés de l’éducation des filles du roi Loégairé. En quoi consistait l’enseignement druidique ? Une glose du Senchus Mor, recueil de jurisprudence irlandaise, nous apprend que les druides irlandais affirmaient que c’étaient eux qui avaient fait le ciel, la terre, la mer, le soleil, la lune, etc. [contre-lai de Pierre de La Crau : qui expliquaient comment avaient été faits le ciel, la terre, et ainsi de suite]. Et il est possible que ce soit là le dernier mot de cette cosmogonie druidique dont, sans la connaître, on s’est plu à vanter la profondeur scientifique. Les très-sachants de la druidiaction (druidecht) ont la réputation d’être les plus justes des hommes. Aussi les fait-on juges des contestations publiques et privées. S’il y a eu un crime de commis, si un meurtre a eu lieu, si l’on se dispute à propos d’héritage ou de limites, ce sont eux qui décident, et qui déterminent les amendes et les châtiments. Si un particulier ou un homme public ne veut pas s’en tenir à leur sentence, ils lui interdisent les sacrifices. C’est là le châtiment le plus grave ; ceux auxquels a été signifiée cette interdiction sont mis au nombre des impies et des criminels ; tout le monde s’écarte
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d’eux, on fuit leur approche et leur conversation, pour ne pas recevoir quelque dommage de leur contact ; s’ils déposent une plainte, on ne leur rend pas justice et ils n’ont plus aucune fonction officielle. À un certain moment de l’année, les très-sachants se réunissent sur le territoire des Carnutes, en un lieu consacré. Là, de toute part viennent ceux qui ont des différends, et ils obéissent à leurs jugements ainsi qu’à leurs décrets. Le rôle politique des très-sachants nous est peu connu. C’est seulement chez Dion Chrysostome que nous trouvons l’affirmation que les rois ne peuvent rien décider sans les druides. Et qu’il serait juste de dire que ce sont eux qui commandent, que ces rois siégeant sur des trônes d’or, habitant de magnifiques demeures, ne sont que leurs ministres ou les serviteurs de leur volonté. César nous parle de l’accession au pouvoir de Convictolitavis nommé selon l’usage de la cité par les prêtres, per sacerdotes more civitatis. Est-ce d’une élection par les druides dont il s’agit dans ce passage ? N’est-ce pas plutôt à leur pouvoir moral qu’à leur pouvoir politique que les très-sachants de la druidiaction (druidecht) doivent d’avoir une grande autorité dans les affaires de la paix ; aussi bien que dans celles de la guerre, et de pouvoir apaiser deux armées sur le point d’en venir aux mains, en se jetant au milieu des combattants ? Rien ne vient confirmer pour l’époque ancienne l’assertion de Dion Chrysostome. Si les très-sachants avaient une influence politique, elle était sans doute due à leur situation personnelle, et ne constituait pas un privilège de leurs fonctions. Diviciacus, dans les nombreux incidents de sa carrière politique, use si peu de sa qualité de druide qu’il semble que César l’ait ignorée. Le meilleur commentaire du texte de Dion Chrysostome se trouve dans une épopée irlandaise intitulée « l’Enlèvement du bétail de Cualngé ». Cûchulainn, le héros de l’Ulster, après avoir essayé de repousser à lui tout seul l’invasion des hommes du Connaught, est grièvement blessé ; il se voit forcé alors d’envoyer quelqu’un prévenir le roi Cunocavaros/Conchobar et l’armée des Ulates du danger qui les menace. Le messager arrive en vue de la forteresse et s’écrie : « On tue les hommes, on enlève les femmes, on emmène les vaches, ô nobles guerriers d’Ulster » ! Mais il n’obtient pas de réponse. Il va sous les murs de la forteresse et renouvelle son appel : « On tue les hommes, on enlève les femmes, on emmène les vaches, ô nobles guerriers d’Ulster ! » Et toujours personne pour lui répondre. Alors, il s’avance encore une fois ; il s’arrête sur la pierre des otages dans la forteresse et il répète : « On assassine les hommes, on enlève les femmes, on emmène les vaches ». Et c’est alors seulement que le druide Catubatuos (Cathbad) ouvre la bouche pour demander : « Qui donc assassine les hommes, enlève les femmes, et emmène les vaches ? »Car, explique le narrateur, telle était la règle en Ulster : il était tabou pour les Ulates de parler avant le roi, il était tabou pour le roi de parler avant son druide.
Chez les Irlandais, il n’y a pas de druidesses, mais seulement des ban-filé qui, comme les filé, s’occupent à la fois de divination et de poésie.
Une question importante, et dont l’étude constitue la principale originalité du livre d’Alexandre BERTRAND sur la religion est l’organisation intérieure du corps druidique. César nous dit seulement que les très-sachants ont un chef qui a sur eux l’autorité suprême. Ce chef, à sa mort, est remplacé par le plus digne, et si plusieurs compétiteurs ont des titres égaux, le successeur est élu par le suffrage des druides. Quelquefois même on se dispute les armes à la main cette dignité suprême. Le texte d’Ammien Marcellin cité plus haut parle incidemment des associations corporatives de druides établies sous l’inspiration des idées pythagoriciennes. En Irlande les très-sachants agissent isolément ou par groupes de deux voire de trois. Ils sont mariés la plupart du temps et vivent en famille, chacun dans leur maison. Dans une Vie de saint Patrice, on lit qu’un jour dix druides vêtus de blanc se levèrent contre lui ; rien n’indique que ces druides constituaient une association. A. Bertrand, rapprochant le texte d’Ammien Marcellin de l’organisation actuelle des lamaseries du Tibet ; a supposé que les affiliés du plus haut grade, les très-sachants de la druidiaction (druidecht), étaient astreints à vivre en communautés, entourés de leurs disciples et des membres subalternes de la sodalité. Une pareille organisation implique évidemment l’établissement de grands centres d’habitation en commun. Comme les lamaseries du Tibet, ces espèces d’oasis religieuses auraient été des conservatoires de vieilles traditions médicales et artisanales et de lois civiles. Il y aurait eu dans ces communautés mélange de doctrines dotées d’un sentiment religieux et moral très élevé, source d’une vie cénobitique des plus sévères, avec des superstitions grossières, des pratiques barbares, un charlatanisme révoltant ; dont les chefs de ces lamaseries ont parfaitement conscience tout en se sentant par la force des choses impuissants à les détruire. Enfin de telles communautés auraient représenté en petit toute une société : prêtres, professeurs, architectes, artistes, musiciens, médecins, missionnaires. Les grands monastères d’Irlande, d’Écosse et d’Angleterre, qui
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semblent sortir de terre spontanément à une époque où la France n’en possède pas encore, ne seraient que des communautés druidiques transformées par le christianisme. A. Bertrand remarque que dans ces monastères, ce n’est pas la religion, ce sont les sciences, la littérature, bref ce qu’enseignaient autrefois les très-sachants de la druidiaction (druidecht), qui sont surtout florissantes. On y sait non seulement le latin, mais le grec ; on y calligraphie avec un art qui n’a jamais vraiment été dépassé.Note de la rédaction. Les relations entre l’Irlande et le continent européen ne datent pas d’hier. Et ce n’est sans doute pas une coïncidence si les Corcu Loegde de l’Ouest de notre moderne comté de Cork, qui ont prétendu plus tard avoir été les premiers chrétiens d’Irlande, ont pendant longtemps été importateurs de vin de Bordeaux. Il est d’ailleurs intéressant de noter que le nom de Bordgal se retrouve dans la toponymie des comtés de Westmeath et Kilkenny, et que c’est aussi un mot gaélique signifiant « lieu de rencontre ». Kuno Meyer, dans son article intitulé « les études en Irlande au Ve siècle » publié en 1913, reprenant une hypothèse du professeur Zimmer, attribue l’essor intellectuel de l’Irlande à partir du VIe siècle à l’arrivée d’érudits continentaux fuyant les invasions de Goths ou de Huns. Il se fonde d’ailleurs pour cela sur un passage de Virgile le grammairien conservé dans le glossaire de Leyde et signalant que « à cause de leurs dévastations tous les intellectuels de ce côté-ci de la mer se sont enfuis, et dans ces pays d’outre-mer, c’est-à-dire en Hibérie et partout là où ils se sont installés, le niveau d’instruction des populations s’est considérablement accru. Zimmer et Meyer proposent en effet de lire Hibernie au lieu de Hibérie. Ces literati (lettrés) du Continent ont sans doute pendant longtemps constitué une communauté bien distincte en Irlande. La Confession de saint Patrice mentionne d’ailleurs des professeurs de rhétorique qui en font peut-être partie. James F. Kenney pense d’ailleurs que les Hisperica Famina ou Discours occidentaux ont été sans doute élaborés par des descendants irlandais de ces hommes de lettres mentionnés dans le Glossaire de Leyde. Toute la question est donc de savoir quelle était la part d’éléments non chrétiens et même plus précisément d’origine druidique dans l’enseignement dispensé en Irlande par ces intellectuels venus du Continent afin de fuir les grandes immigrations barbares.
L’ingénieuse hypothèse d’Alexandre BERTRAND mérite d’être étudiée de près. En pareille matière, on ne peut arriver à la certitude. Il suffit qu’une hypothèse réunisse un certain nombre de probabilités pour qu’elle doive être retenue.
Une première question se pose. Le texte d’Ammien Marcellin a-t-il bien le sens que lui donne A. Bertrand ? Le sens de sodalicius n’est pas douteux. Il signifie « relatif à une corporation » ; les sodalicia sont le plus souvent des corporations religieuses, mais le mot désigne aussi des corporations d’artisans ; en tout cas, il ne signifie point communautés. Quant à consortium il est difficile de déterminer si ce mot est pris au sens restreint ou au sens large, car il n’est pas employé dans un autre passage d’Ammien Marcellin. En eût-on d’autres exemples chez le même auteur, qu’on ne saurait prétendre qu’il y fut toujours employé dans le même sens. Au sens restreint, consortium se dit de la communauté de biens ; il est employé ainsi par Ulpien dans son Digeste, XVII, 2, 52, et par Suétone, Claude 28. Mais au sens large il signifie simplement communauté au figuré, participation à, consortium respublicae chez Tite-Live, consortium regni chez Tacite, Annales, IV, 3 ; consortium studiorum chez Pétrone, Satyricon, 101. S’il faut entendre dans la phrase d’Ammien Marcellin le mot consortium au sens restreint, on pourra donner à l’expression consortiis sodaliciis le sens d’associations cénobitiques. Si consortium est pris dans l’acception la plus large, consortiis sodaliciis ne signifie pas autre chose qu’associations corporatives, collèges, plus ou moins analogues aux collèges sacerdotaux des Romains. Mais comment concilier l’hypothèse de très-sachants de la druidecht vivant donc en communauté avec ce que nous savons de la vie du druide Diviciacus, qui est marié, a des enfants, prend part aux affaires publiques, et même aux expéditions guerrières ?
Note de la rédaction. En somme le même problème qu’avec les moines culdées des îles britanniques au Moyen-âge.
Les compositions romanesques et mythiques du haut Moyen-âge irlandais remaniées par des rédacteurs chrétiens ; mettent en scène des héros nationaux, des magiciens ou des sorciers, en qui l’on a quelque peine à reconnaître les personnifications des forces naturelles ou des ressorts psychologiques auxquelles les anciens Celtes ont rendu un culte. Cette corporation étrange de philosophes spiritualistes, de physiciens et de naturalistes, que l’on appelle les druides, joua un rôle capital. Sans avoir rien qui ressemble à des fonctions officielles, ils occupent une grande place dans l’État. L’enseignement de la jeunesse leur appartient. On les
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prend pour arbitres dans la plupart des contestations publiques ou privées. On ne peut se passer de leur présence lorsque l’on offre un sacrifice aux dieu-ou-démons, car ils sont les interprètes naturels des pratiques religieuses ; ils peuvent prédire ; ils connaissent les vertus merveilleuses des plantes. D’autre part, ils se recrutent par une sorte de cooptation. Ils sont unis par des liens étroits, puisqu’ils ont un même chef élu par eux. Le druidisme est-il dans l’Antiquité une institution isolée dont l’analogue n’existe point ? Il semble bien que chez les Gètes ait existé quelque chose de semblable. Jornandès, citant les Gétiques attribuées à Dion Cassius, nous dit que Philippe de Macédoine ayant envahi la Mésie, quelques prêtres, de ceux que les Gètes nomment Pii, vêtus de robes blanches, les harpes à la main, s’avancèrent à la rencontre de l’ennemi ; en chantant d’une voix suppliante des hymnes en l’honneur des divinités protectrices de la nation. Et les Macédoniens, troublés par l’apparition de ces hommes sans arme, firent la paix, puis s’en retournèrent chez eux. Cette intervention des prêtres gètiques rappelle le texte de Diodore qui nous montre les bardes ou les druides apaisant deux armées face à face, et se jetant au milieu des épées tirées ou des lances prêtes à servir. Strabon nous apprend qu’un ancien esclave de Pythagore, un Gète nommé Zamolxis, revenu chez ses compatriotes, y attira l’attention des chefs par les prédictions qu’il savait tirer des phénomènes célestes ; et finit par persuader un roi de l’associer à son pouvoir. Un des successeurs de Zamolxis, Dicaineos, enseigna aux Gètes l’éthique, et la logique ; il leur apprit les noms et la course des astres, les propriétés des herbes, et par sa science leur inspira une telle admiration, qu’il commandait non seulement aux hommes d’un rang modeste, mais aux rois eux-mêmes. En effet, choisissant dans les familles royales des hommes à l’âme noble et à l’esprit sage, il les persuada de se vouer au culte de certaines divinités, mais aussi d’en honorer les sanctuaires. La corporation religieuse établie chez les Gètes par Dicaineos, l’enseignement qu’il dispensait, la mission civilisatrice qu’il remplit, tous ces faits sont-ils comparables aux collèges druidiques, à leur doctrine philosophique, à leur rôle social ? Nous ne pouvons l’affirmer. Comme le druidisme, la doctrine de Zamolxis a été rattachée par les Anciens à l’influence de Pythagore. Y aurait-il eu diffusion chez les peuples les plus divers des doctrines pythagoriciennes ; ou la doctrine de Pythagore ne serait-elle qu’un aspect particulier d’un grand mouvement d’idées qui aurait pénétré le monde civilisé six siècles avant notre ère ? Malheureusement, dans le cimetière des religions passées, les inscriptions sont rares, les tombes vides, les fosses bouleversées depuis longtemps et nous ne savons rien, sinon que nous marchons sur la poussière des morts (Georges Dottin).LE DRUIDISME POPULAIRE… POSTÉRIEUR.
« Que la doctrine des très-sachants de la druidiaction (druidecht) fût ou non d’origine étrangère, elle était distincte, semble-t-il, des pratiques religieuses fort nombreuses auxquelles s’adonnait le peuple, gens admodum dedita religionibus. En tout cas, ces pratiques religieuses n’avaient pas été apportées par les druides qui se bornaient à les interpréter, à leur trouver sans doute un sens symbolique ». Les religions interprétatives comme le druidisme ont eu pour atout majeur d’être capables de s’adapter aux évolutions des techniques et des mœurs. Elles restent en contact avec les préoccupations des individus. Il est en général de bon ton de se moquer de la piété populaire. Tel n’est pas notre cas, même si nous nous en démarquons. Cette piété populaire a été celle de nos aïeux, de nos pères, et de nos mères. Elle les a aidés à supporter les dures épreuves de la vie, et cela mérite le respect, cela mérite même d’être étudié, et donc compris, voire mis à contribution. Votre grand-mère la gardeuse d’oies ou cuisinière du château brûlait des cierges à la sainte Vierge, à sainte Rita ou saint Antoine de Padoue, et alors ? Elle n’en reste pas moins votre grand-mère, celle qui s’occupait de vous au village pendant les vacances scolaires. Elle a au moins droit de votre part à quelques souvenirs empreints de respect. Il suffit de regarder la statuaire ou les bas-reliefs caractéristiques des classes aisées d’après la conquête romaine, pour s’apercevoir que c’est dans ces milieux que la mentalité romaine a pénétré le plus rapidement et le plus aisément. Une première mondialisation en quelque sorte ! Et que c’est parmi les pauvres gens au contraire, dans le petit peuple, malgré la faible valeur des statuettes ou des objets en cause (le prix d’une assiette) que la foi druidique la plus pure s’est le plus longtemps maintenue. Malgré la trahison des clercs et des élites carriéristes, plus soucieuses de collaborer avec les puissants de l’époque que d’y résister. Tout le monde ne peut pas être Mariccos ou Georges Washington. Obligée par la conquête du divin Jules (César) de lutter contre l’influence romaine, la « Celtie profonde » va donc passer d’une religion officielle, avec druides, à une religion familiale. Sans druide, mais avec autel à l’intérieur des maisons. Le peuple continuera néanmoins de fréquenter les lieux de culte public, dans lesquels il pénétra,
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vers – 25, pour y laisser des bratou decantem ou ex-voto réalisés en tôle de bronze. Vers l’an 40, la population munira ses autels familiaux de statuettes ; et ainsi naîtra une nouvelle représentation du panth-éon ou plérôme divin druidique qui se fixera vers + 100. Au cœur de l’Empire romain, au 1er et au IIe siècle de notre ère, sur le territoire des actuelles communes d’Yzeure, Toulon-sur-Allier, Thiel-sur-Acolin, Saint-Pourçain-sur-Besbre, et de la ville de Vichy… (département français de l’Allier), ainsi qu’à Autun, des potiers (Pistillus à Augustodunum) ont réalisé des milliers de figurines en terre blanche. Les dimensions des statuettes varient de 7, 5 cm à plus de 45, mais l’immense majorité va de 10 à 20 cm, ce qui indique des autels de très modestes dimensions. Cette production très variée a été diffusée très loin, de l’Écosse à la Hongrie et correspondit par conséquent à une véritable attente des populations d’alors. Ce nouveau panth-éon ou plérôme divin resta donc le reflet des préoccupations des Celtes peu romanisés. D’où l’intérêt de son étude. Ce nouveau panth-éon reflet plus ou moins évolué de l’ancien, est presque essentiellement féminin, plus de 80 % de déesses ou démones ou fées ; à l’inverse de celui des Romains qui est masculin dans les mêmes proportions. Mais même si l’on admet les similitudes que prétend trouver le divin Jules (César) entre les dieu-ou-démons des uns et ceux des autres ; il est nécessaire dans ce cas, soit de reconnaître que le général n’est qu’un piètre hagiographe, soit que ces statuettes (qui apparaissent un siècle après la perte de l’indépendance) sont la preuve d’une évolution. La vérité comme d’habitude est peut-être entre les deux. À côté d’une aristocratie romanisée à outrance et opulente, qui en règle générale collabore avec l’envahisseur, survit donc tout un peuple, accablé. Ce pays que l’on nous présente comme calme et heureux (la fameuse pax romana), comme dans le cas de toute colonisation, ne fut ni calme (il se révolta plusieurs fois : cf. les bagaudes et ses divers empereurs) ni heureux. Le prouvent ces dizaines de milliers de figurines de terre cuite blanche (le métal du pauvre) réparties de l’Écosse à la Hongrie.Par un phénomène passé sous silence chez l’ensemble des historiens, ces guerriers si redoutables et (paraît-il) si cruels, vont, du moins dans toutes les classes populaires, s’en remettre à des femmes mythiques ; à de toutes jeunes filles souvent dénudées ; à des déesse-ou-démones mères ou à des déesse-ou-démones nourricières. Même phénomène en somme que celui des chrétiens cachés de Nagasaki au Japon, avant 1865, avec leur fameuse Maria Kannon 1). C’est dans la spiritualité, la protection divine obtenue par des intercesseurs dont la seule force est la faiblesse, que cette société cherchera les moyens de sa survie même. Il n’y a pas de statuette armée du genre de celle découverte à Saint-Maur en 1983, l’équivalent (ou presque) de la Minerve romaine, a juste un bouclier, symbole de la protection. Par contre, 60 % de la production (donc de la religiosité) se porte sur une très jeune fille nue qui a pouvoir sur les eaux apparemment (d’où son appellation ou son interpretatio « romana » en Vénus anadyomène, plus tard par-delà les siècles en Sainte Vierge). Nous ignorons s’il s’agissait des nombreuses représentations d’une même personne divine comme la Vierge Marie des catholiques ou s’il s’agissait des représentations stéréotypées d’être surnaturels propres à chaque famille, à chaque foyer, du genre anges gardiens de sexe féminin ou type fée protectrice de la famille. Nous ne connaissons pas son ou leur nom, celte (matra nessama, matra lubica ???), mais il faut admettre, en revanche, que la main posée sur un objet constitue un signe de puissance. Sa main droite serre sa mèche de cheveux mouillés par la pluie, et l’on retrouve dans ce geste la Vénus grecque. Sa main gauche, au bout d’un bras trop long, signe divin de puissance, est posée sur une source dont elle paraît commander le débit. À l’origine, devant être nue pour œuvrer, sa tunique était posée sur son poignet. Rapidement la tunique disparaît puis la source devient aussi un motif décoratif. On note également la présence, d’ailleurs assez faible, de Vénus que le XIXe siècle a baptisées « pudiques » ou « impudiques ». En fait, l’une a puissance sur le lait maternel et l’eau des sources (le lait de la terre), l’autre sur la fécondité. Ne pas pouvoir avoir d’enfants a toujours constitué un drame personnel pour les femmes. Que de cierges n’ont-ils pas été brûlés pour triompher de cette malédiction ? La religiosité populaire avait ses degrés ; les femmes ou les hommes les plus profondément pieux plaçaient les statues de leurs saints ou de leurs idoles (presque toujours des Vénus) dans des édicules.
Note de la rédaction sur ce que pourrait donner une telle pratique mystique aujourd’hui à un niveau panceltique plus synthétique. Une sorte de petite armoire en bois de chêne sculpté, s’ouvrant comme un triptyque, orné de figurations d’Ogmios, des trois Bethen, d’Épona, et avec par exemple une statuette du « Jupiter cavalier à l’anguipède » au milieu. Ou le contraire. Une figuration du « Jupiter à l’anguipède » au fond et une statuette d’Épona au
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milieu. Équivalent extrême-oriental : le kamidana ou le butsudan. Ce qui est dit du kamidana ou du butsudan pourrait très bien s’appliquer à ce genre de crèche druidique.Mais revenons à nos moutons ! De l’Écosse à la Hongrie, les collections de terres cuites blanches de Pistillus montrent bien l’influence du « goût romain » sur une clientèle pourtant très désireuse de rester celte d’esprit. On note sur la fin de cette production une simplification des formes attestant de la recherche d’une clientèle encore plus modeste que la précédente.
Il faut ajouter que 20 % de ce panth-éon ou plérôme divin celtique, est consacré à des représentations dont l’interpretatio gallica n’a pas fait des Vénus. Là encore nous ignorons leur nom en celte. Des fées de type matres lubicae ou nessamae, ou des déesse-ou-démones, nourrices (proxumae en latin) ? Sur cette problématique et cette difficulté, voir plus haut.
Elles sont amplement vêtues et semblent dénuées de toute sensibilité maternelle. Assises dans un fauteuil d’osier (dont le caractère « aristocratique » nous échappe) elles tiennent un ou deux enfants qui, encore emmaillotés dans leurs langes, ont donc moins de sept mois. Ils doivent eux-mêmes saisir le sein nourricier, d’ailleurs très symboliquement représenté comme une caverne contenant une source. C’est, semble-t-il, l’illustration de la terre nourricière, impassible, inerte, qui assure en partie la protection, mais n’accorde ses fruits qu’à ceux qui font l’effort de cultiver, de chasser, de cueillir. Cette protection peut être d’essence divine et les fortifications placées sur la tête de la déesse-ou-démone, ou de la fée si l’on préfère ce terme, en font le symbole défensif d’un groupe. D’autres vierges à l’enfant participent à ce nouvel « Olympe celte ». La déesse-ou-démone, ou fée si l’on veut, Brigindo Brigantia Brigitte, par exemple, sous forme d’une jeune fille protectrice, d’abord de deux fillettes ; qui elles-mêmes, protègent un très jeune garçon (tenant une pomme ou une grenade, deux fruits hautement symboliques), l’autre assurant de son aide deux jeunes garçons, pas encore adolescents, chacun appuyant sur son sexe la main de l’autre. On connaît au moins cinq versions de ce modèle. Elles diffèrent par des détails minimes, mais sont des copies fidèles d’un prototype antérieur dont elles respectent même la hauteur des socles. La signification de cet ensemble nous échappe. Le christianisme a repris la gestuelle, mais sans en avoir intégré le sens (une illustration de la pudeur pour les chrétiens ?) Tout est toujours affaire d’interprétation, comme dans le cas des rituels musulmans du pèlerinage à La Mecque.
Du même état d’esprit figurent dans cette production des terres cuites représentant des déesse-ou-démones ou fées de l’abondance (Rosemartha). Munies de la corne d’où s’échappent fleurs et fruits, elles traduisent aussi la nécessité de bonnes récoltes. Il est normal qu’à l’imitation des vainqueurs, les populations instituent un culte à la déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère, de l’abondance. Mais celle-ci n’a pas la majesté de son homologue romaine ; les prétentions sont bien moindres ! De la même façon que le Mercure celte, cette Rosemartha est adolescente, car le pays n’espère plus qu’en sa jeunesse. Il a perdu plus d’un million d’hommes dans la guerre. Sa population est évaluée à 12 millions d’individus, soit 6 millions du genre masculin, ce qui donne 4 millions d’adultes mâles et 2 millions en âge (15 à 30 ans) de procréer ou faire prospérer le pays. Suite l’immigration (ratée) des Helvètes, la moitié ont disparu, tués, réduits en esclavage, mutilés pour différentes raisons. Les Astérix vaincus d’Uxellodunum auxquels le divin Jules a fait couper les mains en – 51 ont dû certainement presque tous mourir de la gangrène, ou de faim, voire tout simplement de misère. Ces Rosemartha sont donc révélatrices d’un tel climat : elles sont jeunes et modestes. On est loin des fastes de la romanité des nantis et de l’autosatisfaction des auteurs latins (on dirait aujourd’hui des profiteurs de la mondialisation).
Le nombre de Rosemartha est minime face à celui des matra lubica ou nessama : l’Abondance, on n’y croit plus guère ! Les Minerve sont de la même veine, mais plus pathétiques. L’espoir d’abondance a fait place à la peur, et la corne est devenue bouclier. Pour se protéger de qui ? Les historiens, si prolixes en matière guerrière, ne se sont pas penchés sur l’angoisse du petit peuple et nous ne savons pas ce que protégeaient ces sœurs jumelles. Si notre grande reine Épona est la seule déesse-ou-démone, ou fée, druidique, adoptée par les Romains, c’est certainement parce que ces derniers n’ont jamais possédé leur propre cavalerie et ont utilisé des mercenaires en général celtes pour cela. La rigantona Épona était membre d’une famille de « femme-animal ». L’osmose avec un taureau, un sanglier, un ours a une signification très archaïque que la protectrice des chevaux a sans doute synthétisée : la domination humaine sur le monde animal.
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1) En ce qui concerne la persécution des chrétiens dans le Japon du 17e siècle, bien plus systématique que celles de l’Empire romain, il faut signaler que lesdits chrétiens n’avaient guère tardé à céder au démon de l’intolérance religieuse. Voir les destructions de temples bouddhistes dans la région de Nagasaki (plus précisément Hirado) en 1558 par Antoine Koteda et Gaspar Vilela. La pratique d’une sorte de taqiya catholique, l’orasho, face au foumi-e qu’on leur imposait, leur permit néanmoins de survivre en tant que groupe religieux. L’utilisation du terme taqiya est pertinente, car il va de soi que le diagnostic qui suit (celui de la transmission avec les idées religieuses les plus éthérées de tout un inconscient d’intolérance de mépris voire de violence raciste QU’IL IMPORTE DONC AU PLUS HAUT POINT DE PSYCHANALYSER POUR EN GUÉRIR) s’applique également à l’Islam. Il est incontestable en effet qu’avec toute idéologie religieuse sont également transmis de génération en génération des comportements ou des réflexes conditionnés parfois inconscients et non explicites voire explicitement condamnés, mais toujours bien reconnaissables à leurs effets et qui caractérisent encore plus une religion que son message officiel. Sentiment de supériorité hérité du judaïsme, intolérance, etc. Il est stupide de le nier et tout médecin des âmes digne de ce nom se doit au contraire de faire toute la lumière sur ces effets secondaires de la transmission intergénérationnelle d’une idéologie religieuse afin d’en guérir définitivement la religion en question.
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LA LANGUE ÉLUE (DES DIEUX).« Ce qui a été, c’est, je le répète, que la moitié de l’Europe, au moins, entre 400 et 150 avant notre ère, a parlé le celte. C’est, ensuite, que le celte se rattache de très près à la forme la plus ancienne de l’unité linguistique de l’Europe. Connaître le celte, c’est donc se rapprocher davantage de la connaissance des origines européennes, de la solution de ce problème qui est le plus passionnant, peut-être, de l’histoire de l’Humanité. Si cela m’était permis, je montrerais que cette idée, que cette hypothèse, à laquelle peut-être certains linguistes feraient des objections, trouve sa confirmation, non pas seulement dans des faits linguistiques, mais dans des faits archéologiques de tout ordre ; institutions, religions, manière de combattre et de gouverner. À chaque instant j’aperçois, dans le monde celtique avant notre ère, des vestiges qui me rappellent la plus ancienne Italie, et des vestiges qui me font songer à l’Indo-Européen primitif. Je ne dis pas que le Celte soit pareil à ce dernier, loin de là. Mais entre tous les hommes du passé, il est encore celui qui diffère le moins du grand aïeul, ancêtre et fondateur des âmes souveraines de l’Humanité » (Camille Jullian).
Que l’invention de la langue (celtique) ait été de tout temps attribuée au dieu-ou-démon Ogmios, est prouvé par ce que nous rapporte Lucien de Samosate de la fresque représentant ce dieu-ou-démon ; découverte par lui près de Marseille. Et le témoignage de Diodore de Sicile, lui, est aussi édifiant. Diodore de Sicile, Livre V, chapitre XXXI. « Les Celtes ont un aspect terrifiant et leurs voix sont profondes et très rudes ; quand ils se rencontrent, ils parlent en peu de mots et par énigmes, en laissant seulement deviner la plus grande partie de ce qu’ils veulent dire et en se servant d’un mot à la place d’un autre ; ils aiment recourir aux superlatifs pour se vanter ou pour rabaisser les autres [en grec hyperbolê]. Ils peuvent se montrer hâbleurs ou menaçants et sont friands de langage pompeux, mais, ils ont néanmoins l’esprit pointu et ne sont pas dénués de toute capacité d’apprendre… La coutume chez eux veut que personne ne puisse accomplir de sacrifice sans un de ces « philosophes », car les Actions de grâces doivent être offertes aux dieux, disent-ils, par le truchement de ces hommes qui ont l’expérience de la nature divine, et qui parlent, pour ainsi dire, la langue des dieux [ils sont homophonon en grec] ; c’est aussi par l’intermédiaire de ces hommes, pensent-ils, que l’on doit pareillement rechercher les bénédictions divines ». Ce thème du celtique langue élue (ou plus exactement chérie des dieux comme le laissent à penser certains textes grecs à propos des Hyperboréens) a aussi longtemps persisté en Bretagne armoricaine, au moins jusqu’au XVIIIe siècle. « Le celtique, ou breton est une langue mère originelle… la preuve de cette vérité, c’est qu’elle a été donnée par Dieu et non inventée ou composée par les hommes. Elle tire presque tous ses mots de son propre fonds… Gomer, fils aîné du patriarche Japhet, l’a transmise à ses descendants, les Gomériens, desquels les Celtes tirent leur origine, selon Callimaque, selon le cosmographe Merula et quelques autres… Avant de porter le nom de langue celtique, elle s’appela la langue des Titans, nom qu’ils se donnèrent à eux-mêmes pour se faire craindre et respecter par les autres peuples. On les nomma aussi Celtae, Galli, Galatae, termes synonymes qui tous signifient puissants, ou valeureux guerriers… De là vient que dans le teuton, ou allemand et dans les autres langues de l’Europe, il se trouve une infinité de mots celtiques qui sont plus simples que les leurs ; puisque la plupart ne sont que d’une syllabe, et que ceux des Latins qui en viennent (pour ne rien dire des autres) sont de deux syllabes… C’est une règle assez générale dans presque toutes les langues que les mots les plus longs et les plus étendus viennent des plus courts et des plus simples, qui en sont par conséquent les racines ». (Père F. GRÉGOIRE de ROSTRENEN, Dictionnaire celtique 1732). Est-il besoin de préciser que cette assertion ainsi que la suivante n’ont rien à voir avec la vérité vraie de l’évolution des langues et parlers de l’Humanité ? Demeure par contre la nécessité d’avoir de bonnes connaissances des diverses langues celtiques du passé ou du présent, voire du vieux celtique commun, si l’on veut comprendre quelque chose à notre conception de l’univers et à notre spiritualité ainsi qu’au rôle prédestiné des Celtes d’esprit dans le monde depuis la disparition d’Arthur.
Théophile-Malo Corbet de la Tour d’Auvergne, un passionné de linguistique bretonne, a lui aussi tenté, au XVIIIe siècle, de démontrer que le celtique ; qu’il croyait conservé sans grande évolution dans le breton ; était la langue mère de l’Humanité « préabélienne ». Avec plus ou moins de bonheur et non sans excès. À l’en croire en effet Adam, Ève, et le serpent auraient parlé breton dans le Jardin d’Éden, et Dieu ou le Démiurge aussi évidemment ! Au risque de nous fâcher avec certains de nos correspondants parisiens, remarquons que la France de cette époque a vraiment été la patrie des celtomanes et des druidomanes. Pour nous en tenir
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au vieux-breton, qui touche de plus près nos lecteurs, le vocabulaire abstrait que nous en connaissons a presque toujours des équivalents dans l’irlandais ; ce qui montre que les Celtes du Haut Moyen-âge irlandais, appartenant à une société peu différente de celle de l’Antique Celtie, étaient donc familiers avec des idées abstraites comme indissolubilité, opposition, compassion, négligence, privilège. Cela dit pour nous en tenir aux deux premières lettres de l’alphabet.Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, sur le Continent également le dieu-ou-démon Ogmios passait pour avoir inventé la langue, à tout le moins sa maîtrise.
« Je ne savais que penser de tout cela et je commençais même à m’en irriter quand je fus abordé en un grec admirable par un Celte qui se tenait à côté de moi, et qui en plus d’avoir des connaissances très précises dans leur science nationale, s’avéra ne pas être complètement ignorant de la nôtre. « Noble étranger, je vois que cette fresque vous laisse perplexe », me dit-il, « laissez-moi donc vous en donner la clé. Nous autres Celtes, nous n’associons pas l’éloquence à Hermès, comme vous, mais au puissant Héraklès. Ne soyez pas non plus surpris de le voir ainsi représenté en vieil homme. Car la prérogative de l’éloquence est d’atteindre la perfection avec l’âge ; du moins si nous pouvons en croire vos propres poètes, qui nous disent que…
« La jeunesse a l’esprit qui erre,
Alors que la vieillesse s’exprime plus sagement que la jeunesse ».
C’est pourquoi nous trouvons dans leurs poèmes que du miel coule des lèvres de Nestor ; et que les discours des conseillers de Troie sont semblables à des lis, qui, si ma mémoire est bonne, sont des fleurs de chez vous. En conséquence de quoi, si vous voulez bien considérer la relation qui existe entre la langue et l’oreille, vous ne trouverez rien de plus naturel que la façon dont notre Héraklès, qui est l’éloquence personnifiée, mène les hommes, les oreilles enchaînées à sa langue. Et ce n’est pas pour lui faire affront que le bout de sa langue a été percé, car je me souviens aussi des vers d’un de vos poètes comiques disant que… Il y a toujours un trou dans la langue du bavard.
Bref, nous nous attribuons tous les exploits de l’Héraklès initial, du premier au dernier, à sa sagesse, ainsi qu’à la force de persuasion de son éloquence. Ses traits ne sont rien d’autre que ses paroles : rapides, acérées, propres à toucher les âmes et à les émouvoir ». Pour conclure, il me rappela notre propre image : « Les paroles ont des ailes ».
(Lucien de Samosate, Propos : Héraklès. Héraklès, que les Celtes appellent Ogmios dans la langue de leur pays).
Ainsi que nous l’avons vu également plus haut, Diodore de Sicile (livre V, chapitre XXXI) a mentionné dans ses écrits quant à lui que la langue des Celtes et donc druides, était la langue des dieux : « Ils parlent pour ainsi dire la langue des dieux… ils sont homophonon ».
Ce thème majeur du druidisme (le celtique langue chérie des dieux, langue élue des dieux, langue inventée par un dieu, bref langue divine) a survécu jusque dans l’Irlande médiévale chrétienne.
À en croire le Lebor Gabala Erenn ou l’Auraicept na n-Éces et d’autres légendes du folklore irlandais à ce sujet ; un dénommé Fenius Farsa (Phoeniusa, Phenius, Fénius, Farsaid, Farsaidh) se serait en effet rendu, avec Goídel mac Ethéoir, Íar mac Nema et 72 disciples, dans le pays biblique de Shinar, afin d’étudier les langues résultant de la destruction par Dieu ou Diable de la tour de Babel (Nemrod). Laissons de côté le problème théologique que soulève la soudaine jalousie d’un Dieu-ou-Diable d’abord inattentif ; laissons également de côté, pour l’instant, la question de savoir pourquoi l’Éternel, à Babel, agit à la manière d’un tribunal condamnant un monopole à se scinder au nom de la concurrence et de la diversité. De toute façon, il est évident que notre époque est en train de revenir au stade antérieur. Une révolution lourde de conséquences s’est produite. Une courbe ascendante, vieille comme l’Humanité, vient d’être renversée. Les rapports ethnographiques venus de tous les continents nous confirment en effet que les langues disparaissent désormais plus rapidement qu’elles ne naissent (une tous les 15 jours : ce changement de direction s’est produit dans la deuxième moitié du XXe siècle). Et ce, contrairement aux déclarations d’intention la main sur le cœur, de tout ce que notre planète compte comme gens gentils et intelligents (les journalistes, les intellectuels, les artistes, les hommes politiques de droite ou de gauche – républicains, royalistes, démocrates – et ainsi de suite). Ils défilent chaque matin dans les rues en rangs serrés, prêts à offrir leur poitrine nue au feu des mitrailleuses pour défendre et promouvoir la diversité contre les horribles dictatures des nazo-bolcheviks ou hitléro-trotskistes. Quel courage ! Mais le soir venu, dans l’intimité concrète de leur vie réelle, leur main gauche (ou droite) défait consciencieusement dans leur mode de vie et d’être tout ce
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qu’ils ont élaboré en faveur de la diversité dans la journée, en belles paroles. Vous avez dit schizophrénie ?? Double langage ?? Hypocrisie, oui, tout simplement ! Comme lors de la guerre en Libye où l’OTAN n’a jamais fait la guerre en 2011, mais a effectué des protections intensives de civils sur Tripoli et Syrte de la part de l’ONU et de la part du ministre français de la Défense (M. Longuet) qui « abat » (sic) des chars. Qui ne les détruit pas comme vous et moi, mais qui les abat. Comme s’ils étaient en plein vol sans doute. Tels des tapis du même nom ?… Tant de saints sur terre et si peu de résultats ! La réalité, c’est que jamais il n’y a eu sur Terre une telle uniformisation des langues, des civilisations, des peuples, et que c’est à l’action concrète, dans le quotidien, de tous ces soi-disant défenseurs de la diversité, qu’on le doit. Exactement de la même façon que le déclin de l’idéal révolutionnaire sur le plan social a correspondu à la montée en puissance de l’antiracisme. Il est en effet plus facile de se battre pour de beaux principes dont la traduction concrète affecte surtout les autres, et par exemple les classes populaires, que d’accepter une modification en profondeur de sa façon de vivre : résidences secondaires, fruits importés de l’autre bout du monde, champagne, grosses voitures… et d’ailleurs un de nos meilleurs connaisseurs ne l’a-t-il pas dit : « si à cinquante ans on n’a pas une montre Rolex, on est un raté ». [Note de la rédaction. Le publicitaire Jacques Séguéla le 17 février 2009 : « Comment peut-on reprocher à un Président d’avoir une montre Rolex ? Enfin, tout le monde a une Rolex ! ». Et d’ajouter : « Si à cinquante ans on n’a pas une Rolex, c’est que l’on a raté sa vie »]. Mais revenons à l’histoire de la tour de Babel. Comme les diverses langues avaient déjà été dispersées ici et là dans le monde, Fenius envoya ses disciples à leur recherche pendant que lui restait sur place afin de centraliser le résultat des recherches. Au bout de dix ans d’efforts, il fut en mesure d’inventer une nouvelle langue, une sorte d’espéranto celte, à partir du meilleur des 72 étudiées par ses élèves, et il l’appela goïdélique (gaël) en l’honneur de Goídel fils d’Ethéoir. Il mit au point également une variété de ce goïdélique appelée Bérla Féné, ainsi qu’une autre appelée Iarmberla, du nom de son deuxième disciple, Iar mac Nema. Certains rapprochent ce nom de Iarnbelre, nom donné au celtique – P qu’auraient parlé les Hiberniens ou Erainn d’Irlande.
Variante de l’Auraicept.
Ici commencent les rudiments des poètes (Auraicept na nEces) c’est-à-dire le commencement de toute leçon. Quand Fenius envoya ses 72 disciples apprendre les langues du monde, Cai fut celui qui alla en Égypte. C’est après que ses disciples furent revenus de leur apprentissage, après qu’ils eurent relaté leurs voyages (c’est-à-dire leurs pérégrinations et leurs travaux) ; qu’ils demandèrent à ce sage un langage qui ne serait à personne d’autre et qui leur appartiendrait en propre. C’est pour cette raison que fut inventée la langue élue […] parmi les principales lettres ainsi qu’il est relaté dans le grand livre des bois ; la langue des poètes par laquelle chacun d’eux dialogue avec les autres et la langue commune qui est enseignée à chacune des nombreuses nations *, etc., etc. »
— Cest : cia berla duna di berlaibh scchtmogat rotaisealbad do Fenius tossuch ?
— Ni ansa : berla Feni.
— Question : laquelle des soixante-douze langues primordiales fut-elle révélée en premier par Fenius Farsaid ?
— Réponse : ce n’est pas difficile : la langue celtique **.
— Question : quelle est la raison pour laquelle on peut dire que le celtique ** est une langue élue ? ***
— Réponse : ce n’est pas difficile : parce qu’il a été mis au point par Fenius Farsaid.
— Question : le celtique ** existait-il avant d’être choisi ?
— Réponse : oui, puisque les 72 premières langues du monde ne se trouvent pas autrement. Tout son obscur existant dans les autres langues trouve sa place en celte ** à cause de sa clarté qui surpasse de loin celle de toutes les autres langues.
— Question : quel est le disciple de l’École de Fenius qui fut chargé de le rapporter ?
— Réponse : ce n’est pas difficile : Gaedel, fils d’Ether, fils de Toe, fils de Barcham de Scythie.
— Question : et qu’a-t-il ramené au juste de Scythie ?
— Réponse : tout, à part les obscurités que les bardes y ont rajoutées par la suite.
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* Les nations en question cela doit être l’ensemble des peuples celtophones de l’époque évidemment, vu le contexte.** Gaélique en Irlande évidemment. Ou plus précisément le berla féné dans notre texte.
*** Ou plus exactement chérie des dieu-ou-démons.
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Cest : nach fellsamnacht in Gædhealg ? Ni ansa ! Il a en effet existé une langue philosophique ou religieuse, commune à tous les très-sachants du temps de la Grande Celtie libre et indépendante, celle d’Ambicatus. L’ensemble des mots et des tournures de phrase que les druides employaient pour s’adresser aux dieu-ou-démons et aussi éventuellement, la langue dans laquelle lesdits dieu-ou-démons s’exprimaient pour parler aux hommes. Somme toute l’équivalent de la langue du célèbre chaman grec Olenos, mais pour les dieu-ou-démons du Sidh et non pour ceux de l’Olympe. Olen était, suivant la légende, lycien ou hyperboréen, c’est-à-dire né dans un pays où Apollon aimait séjourner. Il passait pour être l’auteur de l’hymne en l’honneur des vierges Opis et Arge, compagnes d’Apollon et de Diane. Il était arrivé, disait-on, à Délos, venant d’Hyperborée ou de Lycie, et c’est lui qui avait composé la plupart des anciens hymnes qui se chantaient dans cette île. On lui attribuait aussi des nomes. C’est-à-dire probablement une sorte de stances très simples, combinées avec certains airs fixes, et propres à être chantées dans les rondes d’un chœur. Enfin, c’est à Olen que quelques-uns attribuent l’invention du vers épique, ou dactylique hexamètre. Si cette opinion a quelque fondement, Olen serait antérieur même aux aèdes thraces dont nous avons parlé plus haut ; car les vers qui ont circulé sous leur nom sont précisément des hexamètres, et prouvent, authentiques ou non, que c’était une métrique dont ils avaient dû se servir. Mais il ne semble guère permis d’établir une chronologie sur des paroles aussi vagues que celles de la prêtresse Boeo, citées par Pausanias. L’épos, ou vers épique, qui donna son nom à l’épopée plus tard, est aussi ancien, d’après toute vraisemblance, que la poésie grecque elle-même. Il fut le seul vers en usage pendant des siècles et pour tous les genres de poésie, non seulement avant Homère, mais jusqu’au temps de Callinus et de Tyrtée. Si Olen a existé, il doit donc être daté du VIIIe siècle. Le nom d’Olen est lié à l’introduction dans les îles grecques du culte d’Apollon. Il aurait été le premier à exercer la fonction de prêtre de ce dieu-ou-démon, c’est-à-dire à rendre réponse en vers (hexamètres) à ceux qui venaient le consulter.
Mais revenons à nos moutons ! En Irlande cette langue a donné deux parlers distincts. Le Iarmberla ou Iarnbelre, langue brittonique de premiers Irlandais ou Erainn (Hiberniens) qui ne fut plus qu’un mot dans la tradition locale ; et le berla filid, ou « langue des Féné », la « langue des poètes », parfois dite encore berla na filid. La berla na filid, était une langue difficile et compliquée, réservée aux vellèdes et aux druides. La frontière entre cette « langue des poètes » et la langue commune du reste des hommes a été très probablement la même que celle qui séparait la langue commune et celle des dieu-ou-démons. Autrement dit l’ensemble des mots et des expressions que l’on employait pour parler aux dieu-ou-démons et aussi la langue dans laquelle les dieu-ou-démons s’exprimaient pour parler aux hommes, ainsi que nous l’avons dit.
Nous devons au hasard d’un récit ; l’Echtra Cormaic i Tir Tairngiri ocus Ceart Claidib Cormaic, « Les aventures de Cormac dans la Terre de Promesse et la décision de Cormac à propos de l’épée » ; à la fois d’après le Livre de Ballymote et le Livre jaune de Lecan, en introduction au chapitre sur les ordalies ; une opinion autorisée sur ce qui était peut-être devenu à la longue plus la langue d’une classe que celle des dieux.
« Les nobles d’Irlande déclarèrent que tout homme devait être traité selon ce qui lui était dû, qu’ils soient rois, docteurs, fous, tenanciers ou soldats. Car ils étaient sûrs que la décision prise ce jour-là était qu’ils restassent là pour toujours. Mais seuls les poètes avaient le droit de rendre la justice depuis qu’Amarogenos (Amorgen) au Genou Blanc avait rendu le premier jugement de la verte Erin, jusqu’au Dialogue, à Emain Macha, des Deux Sages*, c’est-à-dire Ferchertne le poète et Nédé, le fils d’Adna, au sujet de la robe de docteur (ollam) des druides. Très obscures en effet avaient paru à chacun les paroles échangées par les poètes à cette occasion et la décision légale qu’ils rendirent ne fut pas bien comprise par les rois et les autres poètes. Ces hommes, dirent les rois, ont leur jugement, leur art et leur connaissance bien à eux. Nous ne comprenons pas ce qu’ils disent ! Eh bien, dit Cunocavaros (Conchobar), il en ira différemment à partir d’aujourd’hui. Les poètes garderont le privilège de juger comme ils veulent de leurs affaires internes, mais pour le reste tout le monde pourra y participer.
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C’est ainsi que les poètes furent dès lors privés de leur pouvoir judiciaire, excepté en ce qui concernait leurs propres affaires. Et chacun des hommes de la verte Erin put désormais prendre part à l’élaboration de la justice ».* Le colloque des deux sages ou Imacallam in da thuarad est effectivement un texte assez obscur et difficile.
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« D’anciennes histoires relatent qu’un certain Gaidelus, petit-fils de Phénius, après la confusion des langues qui suivit l’écroulement de la tour de Babel (Nemrod), était fin connaisseur de différentes langues. À cause de cette érudition, le pharaon, roi d’Égypte, lui donna sa fille Scota pour épouse. Et puisque les Irlandais donc, à ce qu’ils disent, descendent en ligne directe de ces deux personnages et en sont issus, Gaidelus et Scota, on les appelle Gaëls et Scots. Ce Gaidelus, affirment-ils, inventa la langue irlandaise, qui est donc appelée Gaidelach, comme si elle avait été choisie parmi toutes les langues » (Giraud de Cambrie. Topographia hibernica, distinctio III, chapitre VII).
Il s’agit bien évidemment d’une fable qui mélange tout et sans aucun rapport avec la réalité historique, mais le principe traditionnel est maintenu par Giraud : le celte est toujours une langue élue.
Depuis quand les Irlandais ou les Bretons ont-ils cru à ces fables sur Fénius Farsaid, l’Égypte, Adam et Ève, etc. ? DIFFICILE À DIRE ! Ce thème du celte langue élue ou plus exactement chérie des dieux, comme le laissent à penser les textes grecs à propos des Hyperboréens, était déjà ancien en Irlande à l’époque de Giraud de Cambrie au XIIe siècle.
L’arrivée du christianisme et de sa sous-culture de troisième zone fondée sur la Bible bien sûr est la cause de la plupart de toutes ces aberrations pseudoscientifiques. Mais comment l’étude de la Bible a-t-elle pu faire dérailler à ce point nos intellectuels ? Le dogme de la révélation ? Et si ces légendes reposaient, en partie ou en totalité, sur des bases préchrétiennes, amplifiées ou déviées par le christianisme ? Par exemple sur un mythe concernant Ogmios ?
N’oublions pas que l’Auraicept mentionne non seulement le Berla Fene, mais aussi le Iarnbelre, nom donné au celtique – p qu’auraient parlé les Hiberniens ou Erainn. Il est évident que le dieu-ou-démon druidique du langage, Ogmios, a été dédoublé en Irlande, et qu’il a notamment contribué à donner le mythique Fenius Farsaid. Ce nom, en gaélique, devait sans doute être Féné Farsaid : le « Féné » Farsaid. Ce mot existe encore sous l’orthographe Fearsaid en gaeilge (irlandais actuel) avec les sens d’axe ou de broche, mais aussi de fuseau. Fhearsaid y est en outre le nom du Bouclier d’Orion. Il ne peut s’agir en la circonstance que de la christianisation d’une très ancienne conception des origines linguistiques ou ethniques. Dieu ou le Démiurge a-t-il à l’origine parlé en celte aux hommes comme Theophile-Malo Corbet de la Tour d’Auvergne le pensait ? Dieu ou Diable a-t-il inspiré mot à mot les premières réflexions druidiques sur lui ? Il est impossible évidemment aujourd’hui d’être aussi catégorique que les Français du genre de La Tour d’Auvergne, malgré toute la sympathie que les efforts de ce brave celtomane du XVIIIe siècle peuvent nous inspirer. Notre réponse à cette question aujourd’hui ne peut être que non, et oui, à la fois. Oui si par Dieu-ou-Démiurge l’on entend Ogmios. Non si par Dieu-ou-Diable l’on entend le Destin suprême qui régit les mondes. L’importante notion druidique impliquant Ogmios, ayant abouti par déformations successives à la légende de Fenius Farsaid, répondait sans doute à cette interrogation. Non, Dieu n’a pas parlé en celte, mais le vieux celtique est la seule langue à même de traduire au mieux les concepts de base de tout être humain qui se respecte et parti à la quête de son Graal. Grâce à sa précision, précision due à sa faculté d’inventer des mots composés, qui surpasse de loin celle de nombreuses autres langues. Bien des concepts théologiques obscurs ou difficiles à exprimer dans d’autres parlers trouvent leur meilleure expression en celte, à cause de sa clarté. Exemple « devogdonioseu » qui veut dire « commun aux dieux et aux hommes », lieu de rencontre avec le divin, commensalité. Caton l’Ancien. Les Origines. Livre II. Fragment N° 34. « En général, la Celtique cultive deux choses de la façon la plus assidue : l’art de la guerre et parler subtilement ». À l’instar des très-sachants antiques, de type religieux, on peut donc avancer que les mythes celtiques sont (eux aussi) des messages inspirés par la quête du divin. Il n’est certes pas question de soutenir que ces messages ont été ainsi transmis dans leur mot-à-mot littéral, puisque Dieu ou le Démiurge ne parle aucune langue humaine en particulier, que ce
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soit l’hébreu, le latin ou l’arabe (désolés pour nos amis musulmans et le Coran) ; mais seulement qu’ils ont alors été perçus, en quelque sorte de façon innée par les Celtes qui étaient prédestinés à le faire, et les druides * en furent les (meilleurs) interprètes, ensuite exprimés à leur façon dans cette langue. Exemple.Les mânes des morts n’existent pas ! Les âmes et l’univers sont indestructibles, mais un jour seuls le feu et l’eau régneront ! Ni les âmes tout comme les esprits ne peuvent périr ou aller en enfer. La mort n’est que le milieu d’une longue vie !
Il va de soi que Dieu ou le Démiurge n’a jamais utilisé exactement ces formulations, mais de toutes les sentences des langues humaines celles-ci sont encore celles qui traduisent le mieux la vraisemblance divine à ce sujet. En tout cas ce à quoi la majorité des êtres humains aspirent.
Autrement dit. Dieu ou Diable n’a pas parlé celte, car il ne parle pas en langage humain (contrairement à ce qu’affirment les juifs ou les musulmans, et les mythes druidiques primordiaux n’ont donc pas été dictés par lui, mot à mot). Mais les Celtes même après la disparition d’Arthur ont toujours constitué un peuple prédestiné à comprendre mieux que quiconque les appels divins. Et pour cela ledit celtique fut donc tenu pour une langue en quelque sorte élue elle aussi, ou plus exactement chérie des dieux, pour reprendre cette idée commune à la plupart des textes grecs traitant des Hyperboréens.
N.B. Il va sans dire qu’une telle faculté ne concernait que le message de base, ses grandes lignes, sa mystique, sa spiritualité ; non les détails ou divagations qui s’y greffèrent ensuite au cours des siècles.
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OPINION INDIVIDUELLE DU DIKASTE JEAN-PIERRE MARTIN.EN RÉSUMÉ le seul vrai Dieu des Celtes a toujours été le Destin et il n’y a de Dieu que le Destin, puisque les anciens très-sachants avaient fait du « pur hasard » (sic) un Dieu-ou-Démiurge. Du moins si l’on en croit saint Columba ou Colum Cille d’Iona *: « Je n’adore pas le chant des oiseaux…, ni LE PUR HASARD, ni un fils, ni une femme. Mon druide est fils de Dieu…, etc. » Le dieu-ou-démon Ogmios a donné aux hommes 72 langues primordiales, mais les Celtes ont été les seuls à se retrouver avec une langue où tout était clair et lumineux, et où n’existait aucune obscurité. Tout son obscur existant dans les autres langues trouve son explication en celte. Grâce en soit rendue à Fenius Farsaid ! LES CELTES SONT UNE LANGUE ÉLUE. LE CELTE EST LUI AUSSI UNE LANGUE ÉLUE, ENTRE TOUTES (de préférence à 71 autres). Et les druides ** sont ses meilleurs interprètes.
SOYONS SÉRIEUX ! Les assertions de la tradition irlandaise sont totalement fantaisistes et ne sont qu’un exemple de plus de la sous-culture de troisième zone des moines chrétiens du Moyen-âge. La seule chose ayant probablement existé c’est une possible unité italo-celtique, quelque part en Europe centrale, à une date indéterminée.
À l’époque laténienne (second Âge du Fer), la langue celte, d’après Camille Jullian, servait donc de « koinè », c’est-à-dire de langue véhiculaire, à une grande partie de l’Europe. En plus du territoire situé entre Rhin, Alpes, Méditerranée, Pyrénées, Atlantique, Manche et Mer du Nord, à l’exception de quelques zones ibérophones ; c’était aussi la langue des peuples de Grande-Bretagne, des divers Celtes du Bassin danubien et des Balkans (les Scordisques de Belgrade par exemple), des Celtes cisalpins d’Italie du Nord et aussi des Galates d’Asie Mineure (aujourd’hui Ankara). Il y avait en outre toujours intercompréhension possible et à des degrés divers, avec les autres langues celtiques en « p » ou en « q ». C’était une grande langue de civilisation, et la recherche en a apporté la preuve. Le celtique ancien, qui fut donc une des principales langues véhiculaires de l’Antiquité, n’était pas inférieur au grec, et il était même supérieur au latin sur certains points (notamment pour ce qui est de la précision des expressions). Ce n’était pas du tout un idiome de « Barbares » auxquels Rome aurait dû apporter « la Civilisation ». Le témoignage du juriste romain Domitius Ulpianus, dit « Ulpien » (v.170/228), le prouve. Pour lui en effet, les testaments rédigés en celte avaient autant de valeur que les documents écrits en latin ou en d’autres langues. « Fideicommissa quocumque sermone relinqui possunt non solum latina uel graeca, sed etiam punica uel gallicane uel cuiuscumque gentis » (Dig. Livre XXXII, tit. I, § 11).
« Les dernières volontés ou les testaments peuvent être exprimés en n’importe quelle langue, en latin et en grec, mais aussi en carthaginois, en celte, voire dans l’idiome de toute autre nation ».
Si Ulpien avait tenu le celte comme un simple patois de paysans incultes, il ne l’aurait pas ainsi inclus dans la liste des langues reconnues par lui comme valables du point de vue du droit ; et sur un pied d’égalité avec le grec ou le latin.N’en déplaise aux pseudo-antiracistes en vogue, fourvoyés dans un combat visant un but légitime certes, mais dénué de toute pertinence, par rapport audit but, de toute logique ; et qui ne peut donc que les rendre passablement ridicules, voire les déshonorer au point de vue intellectuel (pour ce qui est de la rigueur ou de l’adéquation au but visé, du raisonnement). Ce n’est pas en répétant sans cesse au citoyen lambda que les membres du Ku Klux Klan sont eux aussi des immigrés par exemple, qu’on les empêchera pour autant d’être racistes suprématistes blancs et anti noirs anti catholiques antijuifs. Car qu’ils ne sont eux aussi que des descendants d’immigrés sur cette terre, ils le savent très bien ! Nous sommes tous des descendants d’immigrés sur cette Terre d’ailleurs, et même les Amérindiens ou les Aborigènes d’Australie eux aussi ne sont que des descendants d’immigrés. Venus un peu plus tôt, voilà tout ! Cela n’empêche pas le racisme pour autant, car le racisme n’est nullement un sentiment ou une idée s’appuyant surtout, et principalement, sur l’ignorance du fait que nous sommes tous des descendants d’immigrés. Ni même sur le rejet ou la peur de l’autre (encore qu’avoir peur de ce qui peut vous nuire, voire de l’inconnu, soit une réaction bien humaine, parfaitement normale, saine et logique, et donc appelant une réponse positivement adéquate et pertinente, non un anathème). Le racisme a bien d’autres racines, bien d’autres causes plus profondes que la simple ignorance de ceci ou cela ! Nos connaissances en matière de vocabulaire ont
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beaucoup progressé depuis le XIXe siècle, époque où des universitaires de bonne foi ; mais totalement ignorants des langues celtiques encore parlées de leur temps ; pouvaient affirmer que le celte ne nous avait légué que quelques dizaines de termes (150 ou 180 ?). Et cela nous a permis de découvrir que cet idiome a transmis aux langues d’Europe occidentale beaucoup plus de mots qu’on ne l’imagine généralement. Il suffit de voir les dictionnaires étymologiques ou le monumental ouvrage de Von Wartburg, pour s’en rendre compte. Il ne s’agit pas pour nous évidemment, de prétendre que la langue de Shakespeare, voire de Lafayette et Molière n’est que du celte à peine évolué. Ou de nier l’apport du latin dans la formation de notre langue. Mais de nombreux mots latins ayant eu des équivalents celtiques quasiment identiques (exemple rex/regina en latin, rix/regena en celte, roi/reine) beaucoup de mots donc, sont en réalité à la fois d’origine latine et d’origine celte. Quand ils ne sont pas purement indigènes. Répétons-le encore une fois, le celte a joué un rôle beaucoup plus important qu’on ne le croit généralement dans la formation de notre langue. Ainsi que dans la formation du globish via l’anglo-normand d’ailleurs. Il n’y a d’ailleurs pas lieu de s’en étonner, puisque le latin et le celte étaient issus du même sous-groupe de langues indo-européennes dit proto-italo-celtique. Même constatation statistique à travers l’examen étymologique des divers dialectes et patois régionaux, tant oïllitains (langue d’oïl) qu’occitans (langue d’oc), catalans, ou franco-provençaux (Suisse, Val Aoste).Pistes à exploiter ou à confronter pour reconstituer le vieux celtique.
Les formes anciennes attestées dans les œuvres tant latines que grecques. Les apports archéologiques de divers pays européens (inscriptions et graffiti). Les propositions étymologiques des linguistes des derniers siècles et de divers pays. Les langues celtiques médiévales ou modernes. L’analyse étymologique critique des nombreux mots « bas Latins » (pour repérer les emprunts). Les nombreux noms propres attestés (beaucoup sont parlants). Etc., etc. De grands progrès ont été accomplis et les publications récentes offrent maintenant de bons aperçus. Le livre de Pierre-Yves Lambert (Éditions Errance). Le Dictionnaire de Jean-Marie Ricolfis (Cercle Lugos). Le Dictionnaire de Xavier Delamarre (Éditions Errance). Comme le gaulois ainsi que nous avons pu le voir a été une branche majeure du Celtique ancien, on peut pallier une grande partie de ses lacunes en puisant dans le trésor linguistique de sa langue mère, le Celtique ancien.
Mais que sait-on du Celtique ancien ? Beaucoup de choses si l’on utilise la même méthode que pour le gaulois proprement dit.
Dans un premier temps (et à partir du lexique gaulois ainsi établi). Les formes anciennes attestées dans les œuvres tant latines que grecques, mais relevant d’autres parlers celtiques. Les attestations archéologiques des mots d’autres parlers celtiques. Les propositions étymologiques des linguistes des derniers siècles (afin évidemment de collecter le maximum de mots celtiques, reconstitués, mais non directement attestés).
En un deuxième temps (pour enrichir encore ce lexique celtique déjà bien étoffé). Les nombreux mots ainsi élucidés de l’immense fichier onomastique antique panceltique. L’étude critique des toponymes d’origine celtique. La comparaison entre les langues celtiques médiévales et les langues celtiques actuelles.
On peut ainsi reconstituer un glossaire celtique ancien comportant une quinzaine de milliers de mots environ.
Le vieux celtique commun est la langue d’où sont sorties toutes les langues celtiques connues à ce jour. Le lépontique de la civilisation de Golasecca (Italie du Nord, région des lacs – 700 avant notre ère). Le celtibère (Espagne – 300 avant notre ère). Le gaulois (Belgique France Suisse Italie du Nord – 300 avant notre ère). Le brittonique (Grande-Bretagne + 100). Le gallois (Pays de Galles + 800). Le cornique (Grande-Bretagne, comté de Cornouailles + 800. Éteint au XVIIIe siècle). Le breton (France, Armorique + 800). Le Íarmberla ou Iarnbelre, langue brittonique de premiers Irlandais ou Erainn (Hiberniens). Le Manx ou Mannois (éteint au XXe siècle). L’Erse ou gaélique d’Écosse. Et enfin l’irlandais ou gaélique d’Irlande (oghamique + 450, vieil irlandais + 750).
Ci-dessous un exemple de texte rédigé en cette langue.
Batar Tuathai De Danann i n-indsib tuascertachaib an domuin, aig foglaim fesa & fithnasachta & druidechtai & amaidechtai & amainsechta combtar fortilde for suthib cerd ngenntlichtae. Ceitri cathrachai ir-rabatar og fochlaim fhesai & eolais & diaboldanachtai. i. Falias & Goirias, Murias & Findias. A Falias tucad an Lia Fail bui a Temraig. Nogesed fo cech rig nogebad Erinn. A Gorias tucad an tsleg boi ac Lug. Ni gebtea cath fria no frisinti an bidh il-laimh. A Findias tucad claidiub Nuodon. Ni terládh nech dei o dobirthe asa idntiuch bodhuha, & ni gebtai fris. A Murias tucad coiri an Dagdai. Ni tegedh dam dimdach uadh. Cetri druid isna
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cetri cathrachaib-sin. Morfesae bai a Falias. Esras boi hi nGorias. Uiscias boi a Findias. Semias bai a Murias. It iad sin na cetri filid ocar' foglaindsit Tuata De fios & eolas.* Ce poème attribué à saint Columban d’Iona (M’Oenuran) est souvent mis en avant, mais de façon tronquée (le christ est mon druide, etc.) par divers auteurs, afin de suggérer une bien improbable compatibilité entre druidisme et christianisme. Tout ce qu’il montre c’est que saint Colum Cille n’avait pas les idées très claires, oui !
** Les vrais.
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LES LANGUES CELTIQUESD’UN POINT DE VUE SCIENTIFIQUE.
On appelle « gaulois » la langue attestée par des citations et des témoignages antiques divers (inscriptions, etc.) et par extension ce qu’en révèle une immense onomastique (à condition d’en restituer les désinences déclinables très souvent latinisées dans les témoignages historiques). On attribue aussi à cette langue la forme antique des mots reconnus comme étant « d’origine » celtique, et relevés dans l’ancienne aire des peuplements gaulois. Autrement dit, on définit comme « gaulois » le parler celtique dont on retrouve, d’une façon ou d’une autre, des attestations sur les territoires ayant fait partie des trois Gaules (Gallia en grec). Cette langue était le principal dérivé d’un celtique plus ancien que certains linguistes tiennent pour un celtique commun (mais cette thèse de l’homogénéité ou de l’unicité d’une langue mère originelle est controversée). Cet idiome (avant son évolution accélérée du temps de l’Empire romain), était néanmoins un bon représentant de la « koinè » celtique maintenue par les très-sachants de la druidiaction (druidecht), en tant que langue véhiculaire panceltique. Il est évident par contre que cette langue celtique commune variait suivant les régions, et se différenciait ici et là, par divers emprunts aux vocabulaires des « substrats » dus aux populations antérieures. Le gaulois est une langue morte, comme le latin ou le grec ancien, à cette (considérable) différence près qu’il n’est pas enseigné dans les écoles puisqu’il manque du support d’une littérature écrite. Que savons-nous actuellement de cette langue ? D’abord sa position dans la famille des langues indo-européennes. Il appartient à la famille des langues celtiques et dans celle-ci, à sa branche dite celtique en – p, dont les descendants actuels sont le breton, le cornique et le gallois ; tandis que les deux gaéliques, l’irlandais (gaeilge), mais aussi l’écossais ou erse (gaidhelach) ainsi que le manx, sont issus de l’autre branche dite celtique en – q. Les langues celtiques font partie d’un sous-groupe dit proto-italo-celtique, dont furent issues les langues italiques, et notamment le latin ou le tokharien. Les plus proches sous-groupes « cousins » étaient le thraco-illyrique et le germanique. Ces trois sous-groupes et quelques autres appartenaient au groupe occidental dit « kentum » des langues indo-européennes, le groupe oriental ou « aryen » étant appelé « satem » (d’après leur façon de prononcer le mot « cent »). Le gaulois fut par conséquent une facette évolutive de ce celtique, dont les très-sachants ont assuré la maintenance, en jouant alors en quelque sorte pour cette langue un rôle d’académicien.
On appelle celtique ancien tout ce qui est pareillement attesté dans l’aire de la Celtophonie antique, et qui est linguistiquement homogène (indépendamment donc des différences régionales), que ce soit du gaulois proprement dit ou non. On appelle aussi celtique commun tout ce que les remontées ou inductions étymologiques à partir de langues celtiques plus récentes, ou les étymologies des emprunts au Celtique constatés dans d’autres langues, permettent de reconstituer, moyennant quelques précautions. On en arrive ainsi au quintuple de ce qui peut être recensé comme proprement gaulois. Mais il ne faut pas se leurrer : il s’agit là d’un gaulois de synthèse, comme les deux grandes langues régionales de France que sont le breton ou l’occitan, assez artificiel et obtenu en quelque sorte par distillation. Les mots de cette langue ainsi reconstituée ne sont donc pas nécessairement ceux qui furent employés par les Gaulois, qui utilisaient peut-être divers synonymes ou des tournures plus idiomatiques. Mais si c’est le cas, ces termes ainsi reconstitués par synthèse dans nos alambics en sont néanmoins très proches (puisqu’élaborés à partir du fond commun dont cette langue tirait sa substance). Et ils auraient donc sans doute quand même été compris, car les nouvelles découvertes (d’inscriptions) valident souvent ces mots ainsi reconstitués.
Que sait-on maintenant, quantitativement parlant, de cette langue ? Beaucoup en matière de vocabulaire, mais bien peu encore en matière de grammaire. Ces lacunes en ce domaine, heureusement, ne nous ont pas beaucoup gênés en ce qui concerne notre compréhension du calendrier de Coligny, puisqu’il est surtout fait d’abréviations diverses. L’inscription de Chamalières nous a livré un certain nombre de courtes phrases, et celle de La Vayssière au Larzac également, mais en gaulois plus tardif, et déjà plus ou moins contaminé par le latin. Même chose pour la tuile de Châteaubleau. Quant aux inscriptions de Botorrita, en caractères ibériques, elles ne sont pas en gaulois, mais en celtibère, et celle de Rom n’est qu’un texte en mauvais latin, exécrant des personnes aux noms celtiques. D’après ce que l’on peut en savoir, il y avait en gaulois, probablement, d’assez nombreux verbes irréguliers, ainsi que beaucoup de tournures idiomatiques. Un certain nombre de mots attestés dans les
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inscriptions ne sont d’ailleurs toujours pas vraiment bien compris des spécialistes et, en l’absence de toute nouvelle découverte, on en sait donc moins sur le gaulois proprement dit que sur le celtique ancien.Encyclopédie en ligne Wikipedia. La faiblesse des documents écrits explique qu’il soit très difficile de reconstituer la morphologie de la langue. Il paraît à peu près certain qu’il existait au moins cinq cas : nominatif, accusatif, génitif, datif et instrumental/comitatif ; l’existence d’un locatif est supposée pour la déclinaison des thèmes en – o ; le vocatif n’est pas très assuré. La déclinaison, pour ce que l’on en connaît, représente une sorte d’état intermédiaire entre le grec et le latin. Le thème en – o, le mieux attesté (qui équivaut à la seconde déclinaison latine et grecque), se décline comme ci-dessous (la déclinaison de l’instrumental pluriel est incertaine). Il est à noter que, comme dans les langues romanes modernes, les langues celtiques modernes n’ont plus de genre neutre, d’où la difficulté de définir le genre de bon nombre de termes.
Quant au verbe et à sa conjugaison, elle est encore plus mal connue. Il semble que le gaulois, comme le grec, ait conservé de l’indo-européen des verbes en – mi (athématiques) et en – o (thématiques). Il posséderait, à l’instar du grec, cinq modes : un indicatif, un subjonctif, un optatif, un impératif et un infinitif (sous la forme d’un nom verbal) et au moins trois temps, présent, futur, prétérit. La syntaxe, à ce stade, est encore quasiment inconnue. On a identifié quelques conjonctions de coordination, peut-être quelques pronoms relatifs, anaphoriques et démonstratifs. L’ordre de la phrase paraît être sujet/verbe/complément.
Les dix premiers nombres ordinaux.
1. Cintuxos (gallois cyntaf, breton kentañ, vieil irlandais cétae, irlandais moderne céad). Premier.
2. Allos (gallois ail, breton all, vieil irlandais aile, irlandais moderne eile = « autre » ou « deuxième »).
3. Tritos (gallois trydydd, breton trede, vieil irlandais treide). Troisième.
4. Petuarios (gallois pedwerydd, breton pevare, vieil irlandais cethramad, irlandais moderne ceathrú). Quatrième.
5. Pimpetos (gallois pumed, breton pempvet, vieil irlandais cóiced, irlandais moderne cúigiú). Cinquième.
6. Suexos (gallois chweched, vieil irlandais seissed, irlandais moderne séú). Sixième.
7. Sextametos (gallois seithfed, breton c’hwec’hvet, vieil irlandais sechtmad, irlandais moderne seachtú). Septième.
8. Oxtumetos (gallois wythfed, breton eizhvet, vieil irlandais ochtmad, irlandais moderne ochtú). Huitième.
9. Nametos (gallois nawfed, breton navet, vieil irlandais nómad, irlandais moderne naoú). Neuvième.
10. Decametos (gallois degfed, breton dekvet, vieil irlandais dechmad, irlandais moderne deichniú). Dixième.
Éléments de vocabulaire.
Aballo : pommier. Abolos : érable. Ago : combat. Aiu : éternité. Alauda : alouette. Alausa : alose. Alisia : alisier. Ambactos : ambassadeur. Anextlomaros : grand protecteur. Ardesia : ardoise. Bagauda : résistant, combattant. Bagos : hêtre. Balcos : bauge. Benna : benne ou banne ou chariot. Bardos : barde. Bascauda : bassin, bâche. Battuere : battre. Baua : boue. Bebros : castor. Beccos : bec. Bedu : section de canal, bief. Bertiare : bercer. Bertium : berceau. Betua : bouleau. Bilio : arbre, tronc, billot (de bois). Blato : blé. Bostia : boisseau. Bote : étable, cabane. Braca : pantalon, braie. Braciare : brasser (de la bière). Bratu decantem : ex-voto. Brogilo : petit bois. Bruca : bruyère. Bucco : bouc. Bunda : bonde, bondon. Caballus : cheval. Caio : quai. Cambiare : changer. Cambo : jante. Camminus : chemin. Carruca : charrue. Carrus : char. Cassanos : chêne. Cervesia : bière. Cnoua : noisette. Coslo : noisetier, coudrier. Crama : crème. Crosus : creux. Deruos : chêne. Drappus : tissu, drap. Druida : druide. Druto : dru. Eburos : if. Ercunia : chênaie, forêt de chênes. Ganscaria : jachère. Glisa : glaise. Gdonios : être humain. Gutuater : prêtre chargé de la conduite des prières, maître de chant. Ivos : if. Jauga : ajonc. Landa : lande. Lemo : orme. Leuga : lieue =2,5 km. Liba : lie. Loga : tombe. Maniaqes : collier. Meina : mine. Melatia : mélèze. Mesigu : petit-lait. Multo : mouton. Nauda : Creux de terrain plutôt marécageux, réservoir. Onno : frêne. Ordiga : orteil. Pario : chaudron. Pettia : pièce. Prenno : arbre. Salica : saule. Sapo : savon. Sapos : pin. Seluos : propriété (lugoseluos = qui appartient à Lug, esclave de Lug). Slodia : luge. Soccos : soc. Sonnocingos : zodiaque.
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Sudia : suie. Talo : talus, front. Tann : tanin. Tanno : chêne vert (yeuse). Taratrum : tarière. Tegia : maison. Tinca : tanche. Toma : tomme. Tonna : tonneau. Torco : torque. Uerna : aulne. Uidu : arbre, bois. Uidua : forêt. Uo-caiton : sous-bois. Vassus : vassal. Vidubion = coupe-bois : vouge. Viriola : bracelet.Quelques mots de notre bonne vieille langue nationale vraisemblablement d’origine celtique maintenant (ceci n’est qu’un bref échantillon, il y en a beaucoup plus que 150 ou 180, en tout cas beaucoup plus qu’on ne le croit : 1000 irréductibles d’après le livre publié par le professeur Jacques Lacroix aux éditions Lemme de Chamalières).
Ambassadeur (ambactos). Arpent (arepennis). Barde (bardos). Bec (becco). Bran (brenno). Brave (bragos). Braies (bracca). Broche (broccus = pointu, cf. gaélique brog = alène, poinçon, brocc = blaireau). Budget (bulga). Car/Chariot (carros). Cavalerie/Chevalerie (caballus = cheval). Chamois (camox). Changer (cambiare). Charger (carricare). Charpentier (de carros). Clan (clan, cland). Combe (cumba = vallée). Coule (cucullus habit de moine). Crème (crama). Dune (duna). Encombrer (comboro = barrage). Glaner (glanos). Gober (gobe gober gobant, de gobbos = bouche). Gonne (gunna pelisse). If (ivos)Javeline (gabalaccos). Lance (lancia). Lande (landa). Lieue (leuga=2,5 km). Losange (lausa). Luge (sludia). Mouton (multo). Palefroi (para + veredus). Pièce (pettia). Renfrogné (frogna = nez). Roche (rocca). Savon (sapo). Slogan (sluagh-ghairm). Talus (talo = front). Tanin (tann). Tanche (tinca). Tunnel/Tonneau (tonna). Truand (trougo = mauvais garçon). Valet (vassos). Vassal (vassos). Whisky (uisge-beatha).
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APERÇU DES LITTÉRATURES CELTIQUES.« Quand ils se rencontrent, ils parlent en peu de mots et par énigmes, en laissant seulement deviner la plus grande partie de ce qu’ils veulent dire et en se servant d’un mot à la place d’un autre ; ils aiment recourir aux superlatifs pour se vanter ou pour rabaisser les autres [en grec hyperbolê]. Ils peuvent se montrer hâbleurs ou menaçants et sont friands de langage pompeux, mais, ils ont néanmoins l’esprit pointu et ne sont pas dénués de toute capacité d’apprendre… La coutume chez eux veut que personne ne puisse accomplir de sacrifice sans un de ces « philosophes », car les Actions de grâces doivent être offertes aux dieux, disent-ils, par le truchement de ces hommes qui ont l’expérience de la nature divine, et qui parlent, pour ainsi dire, la langue des dieux [ils sont homophonon en grec] » (Diodore de Sicile, Livre V, chapitre XXXI). Le génie d’un peuple passe toujours par sa langue. Le fait que le Celtique était une langue élue et supérieure à leurs yeux, a eu bien entendu pour conséquence que les peuples celtes ont toujours été des peuples sûrs de leur prédestination en ce qui concerne la spiritualité. De tout temps, le Celte s’est plu à réfléchir sur le monde parallèle au nôtre, généralement désigné sous le nom d’au-delà, y compris et surtout après la mystérieuse disparition d’Arthur. Il y a, en effet, de tout cela chez les Celtes, mais il y a aussi autre chose. L’idéalisme chez eux, un idéalisme particulier sans doute, est puissant ; ils cultivent avec passion la poésie et la musique. Ils ont le goût de la spéculation intellectuelle, surtout dans le domaine du droit. Amour de la musique, de la harpe d’abord puis de l’envoûtante cornemuse, de la poésie, des fêtes, des costumes aux couleurs voyantes, goût des histoires et des symboles, des énigmes [trait déjà caractéristique des Celtes antiques, signale Diodore de Sicile, ainsi que nous avons pu le voir] ; des allégories, des triades, pratique d’une religion naturaliste, accompagnée de la croyance en un autre monde fantastique… Il n’est peut-être pas de peuple chez qui le goût de l’extraordinaire et du bizarre ait été aussi vif que chez les Celtes. Toute leur littérature, la religieuse comme la profane, est là pour attester ce trait vraiment caractéristique de leur génie. À en croire Marx et son livre sur les littératures celtiques, toute cette littérature à la fois professionnelle, aristocratique et cléricale, qui se constituait ainsi, allait peu à peu revêtir un caractère populaire de plus en plus marqué. Les figures des dieu-ou-démons et des grands héros avaient toujours dû être transmises oralement par les conteurs qui se faisaient entendre de village en village ; et aussi lors des fêtes qui, depuis l’Antiquité, avaient toujours pris la forme de célébration des morts héroïques ou héroïsés ; de sacrifices, de jeux sur des lieux consacrés, qui ressemblaient plus à des cimetières qu’à des temples. Cet autre monde féerique qui subsistait à côté du monde humain, et en marge du monde chrétien, était une tradition générale et commune à tout le monde celtique. Les héros y venaient, conduits par une fée, ou un saint ayant recueilli les attributions d’un dieu, soit par une traversée à travers les mers, vers des îles où les hommes normaux n’avaient pas accès. Tantôt ils poursuivaient la conquête d’objets merveilleux qui leur était imposée par une volonté supérieure. Une sorte d’incantation et de charme magique qui était lancée sur eux, souvent par l’appel d’un roi ou d’un messager de l’Autre Monde, qui demandait leur secours. Ce peuple féerique, aes sidhe en irlandais, même à une époque postérieure, a conservé le nom de peuple de la déesse Anu (cf. Danu-bia), les Tuatha Dé Danann, qui vivaient sous les tertres, dans des demeures et des palais souterrains. Des femmes étaient disputées qui tantôt s’attiraient l’amour de ces gens de l’Autre Monde, ou qui, vivant dans cet Autre Monde, s’éprenaient au contraire des gens de la Terre. Des combats, des expéditions y avaient lieu. Il y avait des naissances miraculeuses marquant la destinée des faiseurs de royaumes, des fondateurs de dynasties. Le don était la marque de la royauté ainsi que de la seigneurie. Mais l’aventure imposée au héros par ce charme, cette sorte de tabou positif ; le noble et le héros, esclave de sa parole, de son nom et de ses ancêtres, était tenu de s’y soumettre, plus qu’un autre, en raison de son origine. Des métamorphoses changeaient momentanément les hommes en figures animales [chamanisme ?]. De même encore dans ces récits qui nous montent des voyageurs à la recherche d’un monde merveilleux, des îles au-delà des mers où la mort n’a point accès. Dans cette littérature des imrama ou voyages, il ne fait aucun doute que les étranges traditions évoquant un Paradis terrestre ayant survécu pour les éléments d’Humanité qui n’auraient pas été atteints par le péché originel ; sont venues se mêler, ainsi que l’a vu James Carney, aux récits des voyages en pays féerique sous la conduite des dieu-ou-démons et des fées. Il y a entrelacement de la tradition cléricale, préservatrice des grands thèmes de l’antiquité classique, de la patristique et de l’hagiographie ; avec ces récits, ces thèmes de contes, ces sujets à la disposition des
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broderies des poètes, ces évocations de la nature ; qui représentaient une sorte de patrimoine traditionnel de la classe des filid, acceptée par l’Église et conservée par elle. Ces filid se perpétuaient comme classe professionnelle en raison même de l’absence d’unité politique, qui entraînait la multiplication des cours et des petits princes revendiquant la royauté. Tous ils faisaient appel à des généalogistes qui pussent appuyer leurs prétentions, évoquer les gloires, les combats, et les exploits du passé, préparer ou encourager ceux de l’avenir. Ce caractère aristocratique de la société où se développait la littérature irlandaise, n’est pas moins important que le caractère clérical du milieu qui lui fournit sa rhétorique et ses exemples. Dans les vies de saints celtiques, les saints et les rois sont en contact et en relation. Les figures des anciens dieu-ou-démons tombés au rang de héros féeriques et merveilleux se maintiennent avec leurs fils et leurs compagnons dont la tradition célèbre les exploits (Marx).Des générations entières s’adonnèrent, dans le renoncement, la pauvreté voire la continence, à une vie de grand ascétisme et à la culture des sciences sacrées. Ces hommes furent de véritables levains de la vie intellectuelle et de grands entraîneurs d’âme/esprits. Cet inexprimable mélange de ferveur et d’austérité, d’indépendance et de respect, des traditions, de rusticité, mais aussi de vives sensibilités, d’imagination refrénée tout en restant malgré tout, impétueuse, amoureuse de singularités, voire souvent portée aux fantaisies les plus excessives ; tous ces traits, qui constituent, dans leur contraste même, le tempérament religieux des anciens Celtes, exerçaient un attrait irrésistible jusque dans les pays les plus lointains. On vit des étrangers, séduits par cette ardente piété ainsi que par cette science, accourir auprès des maîtres insulaires dont ils ne pouvaient plus ensuite se détacher.
Dans les derniers siècles du Moyen-âge, quand la belle efflorescence religieuse eut cessé, les Celtes tinrent encore sous leur charme l’imagination européenne, d’une autre manière. Tous les peuples empruntèrent à l’envi à cette petite race politiquement rétrécie et vaincue, ses fictions littéraires. Arthur, Lancelot, Perceval, Merlin, Tristan et Iseut, furent connus en tout pays et enchantèrent d’innombrables générations. C’est dans l’imagination rêveuse, mélancolique et passionnée, de cette race, que se sont élaborées, sinon formées, les plus belles fictions du Moyen-âge.
NOTE SUR LA MORT DE TRISTAN.
Les commentateurs sont en général très sévères avec la deuxième Iseult, Iseult aux Blanches Mains et n’en font qu’une vulgaire épouse jalouse. Bien peu nombreux sont ceux qui ont également compati à son drame personnel. Car dans cette histoire d’amour, impossible, tout le monde sera perdant finalement ! Ce n’est pas un hasard si la pauvre s’appelle également Iseult ! Mais l’amour de Tristan pour la première Iseult, Iseult la blonde, est si prégnant qu’il sera en fait incapable d’avoir une véritable nuit de noces avec la seconde. Voir l’épisode, très psychanalytique avant la lettre (car nos bardes médiévaux n’ont pas eu besoin de Freud pour témoigner d’un peu de finesse) de l’anneau. La plus malheureuse ou la plus à plaindre dans le fond, c’est-elle ! Quant à l’histoire de la voile noire et de la voile blanche, elle est tout simplement géniale !
« Quand le roi Marc apprit la mort des amants, il franchit la mer et, venu en Bretagne, fit ouvrer deux cercueils, l’un de calcédoine pour Iseut, l’autre de béryl pour Tristan. Il emporta sur sa nef vers Tintagel leurs corps bien aimés. Auprès d’une chapelle, à gauche et à droite de l’abside, il les fit ensevelir. Mais, pendant la nuit, de la tombe de Tristan jaillit un églantier vert et feuillu, aux rameaux puissants et aux fleurs odorantes, qui, s’élevant par-dessus la chapelle, s’enfonça dans la tombe d’Iseut. Les gens du pays coupèrent l’églantier : le lendemain il renaquit, aussi vert, aussi fleuri, aussi vivace. Par trois fois ils voulurent le détruire, mais ce fut en vain. Ils rapportèrent cette merveille au roi Marc : il défendit de couper l’églantier désormais ».
Les bons trouvères de jadis, Béroul et Thomas de Bretagne, Eilhart von Oberge ainsi que Gottfried de Strasbourg, ont rapporté ce conte pour tous ceux qui aiment, et non pour les autres.
Conclusion. Les dieux (ou démons pour l’Église évidemment) irlandais, ne sont, ou plus exactement ne sont pas qu’un « petit peuple » de nains difformes ou de lutins, leprechaun ou corianeit disent mes correspondants (car les nains, ou les géants d’ailleurs, ne sont qu’une faible partie d’entre eux) ; la plupart sont au contraire grands, beaux et même élégants. Ils sont supérieurs aux hommes et aux femmes ordinaires pour tout ce qui est force physique, puissance, beauté, maintien, habillement, et ils rappelleraient plutôt les descriptions que nous
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ont laissées les écrivains classiques. Le merveilleux et le surnaturel (le préternaturel diraient les théologiens chrétiens) sont chez eux empreints de réserve et de dignité. Aucun problème de culpabilité, de châtiment ou de jugement dernier ne vient jamais troubler la sérénité de ce que Gérard Murphy a naguère appelé l’étrange beauté de la mythologie celtique. Et c’est cette étrange beauté [du diable diraient les théologiens chrétiens] de l’atmosphère de l’Autre Monde des Aos Si (Aes Sidhe) qui donne son aspect particulier au cycle mythologique irlandais. Ce que nous pouvons par conséquent écrire au minimum à propos de toutes ces légendes, c’est donc ceci. Diodore de Sicile (livre V, chapitre XXXI) a mentionné en toutes lettres, ainsi que nous l’avons dit, que la langue des druides était la langue des dieu-ou-démons. « Ils parlent pour ainsi dire la même langue que les dieux, ils sont homophonon ». Et ce thème majeur du druidisme a survécu jusque dans l’Irlande médiévale puisque, d’après l’Auraicept na nEces aussi, la langue celtique ne peut être qu’une langue élue. Ou plus exactement chérie des dieux si l’on en croit les textes grecs parlant des Hyperboréens. D’après l’Auraicept na nEces il y eut en effet 72 langues après la destruction de la tour de Babel, mais les Celtes furent les seuls à posséder un langage (le Berla Féné ? Ou le Iarnbelre ?) pouvant traduire à la perfection, par définition, le message des dieu-ou-démons. Le destin a donné aux hommes 72 langues primordiales, mais les Celtes ont été les seuls à se retrouver avec une langue où tout était clair et lumineux et où ne subsistait aucune obscurité. Tout son obscur existant dans les autres langues a trouvé sa signification en celte. Et ce, grâce à Fenius Farsaid ! Du moins si nous comprenons bien tous ces vieux textes évidemment. Il est probable en effet qu’Ogmios a été remplacé par Fenius Farsaid dans ces légendes après la christianisation.Mais qui sont donc les Celtes en définitive ? Le français officiel de Paris qui se croit la langue la plus précise du monde dans le domaine politique ou diplomatique a pourtant le défaut majeur de ne pas distinguer la nationalité de la citoyenneté (l’origine ethnique et l’allégeance étatique). C’est le même mot qui est utilisé pour les passeports. Ce qui prive en général de toute intelligence les débats tournant autour de ce sujet à Paris. Il y a pourtant eu des États (l’ex-empire austro-hongrois, l’ex-URSS) où l’on distinguait soigneusement la citoyenneté ou l’allégeance étatique et la nationalité ou appartenance ethnique. La nationalité à l’origine n’était pas un choix volontaire de l’individu, mais une origine, ethnique (le mot nation est d’ailleurs de la même racine que le verbe latin signifiant « naître » : nascio) indépendante de la volonté ou du libre choix. La célèbre définition de la nation donnée par Renan et dont se gargarisent tant les intellectuels français, ne dépasse pas les frontières de l’hexagone (elle est par exemple inconnue en Israël) et ne remonte pas au-delà de l’annexion de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine par l’Allemagne en 1870, dont elle est l’unique explication. Avant ça Renan n’aurait jamais dit ça ! L’homme de la célèbre prière sur l’Acropole n’était pas assez intellectuel français pour souscrire à une interprétation aussi stupide de ses propos. D’après Zeev Sternell son plébiscite de tous les jours ne concerne que ceux qui ont les mêmes racines. Ces incohérences de la classe journalistique française sont d’ailleurs évidentes quand il s’agit du régime de Vichy (1940-1944) qui est tantôt la vraie France tantôt pas la vraie France.
Pour ce qui est de l’histoire européenne antique en tout cas, la langue est le signe ou la marque de ce que nous appelons aujourd’hui une « nationalité » ; en dehors de la langue, il est impossible de mettre au point en ce domaine un critère d’identification exact. On se heurte alors au problème, très moderne et uniquement moderne, de la conception de la nationalité. Le nazi qui, en 1945, a fui vers les États-Unis en mentant sur son passé, peut-il être considéré comme ayant vraiment voulu en toute honnêteté, partager la destinée commune de ce pays, ou sa communauté de destinée, à la façon prônée par les modernes interprètes français de la pensée de Renan ?? Et d’ailleurs qui connaît Renan aux États-Unis à part nous ? Les Irlandais qui parlent anglais à la maison… sont-ils des Anglais ou des Américains ?? Nos compatriotes qui parlent anglais sont-ils… des Britanniques ? Les Écossais des Basse-Terres sont-ils des Anglais ?? Les Grecs appellent le pays de Jeanne d’Arc de Lafayette et de Napoléon, Gallia, les Allemands Frankreich. Les Ouolofs mourides de Saint-Louis du Sénégal qui n’ont plus voulu être français en 1960 (date de l’indépendance de ce pays avec Léopold Sédar Senghor, chantre de la décolonisation et de la négritude) doivent-ils néanmoins toujours être considérés ainsi que des Français comme les autres, bretons ou alsaciens, flamands ou catalans, voire corses ? Les Liégeois de Belgique sont-ils moins Français que les Ouolofs musulmans du Sénégal ? De même est-ce que sont Celtes ceux qui l’ont été ou qui ont voulu l’être, par la langue ou un nom hérité d’un lointain passé ?
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Ou bien est-ce ceux qui le sont encore, quand bien même, parfois, ils ne voudraient plus l’être ?Les Helvètes devenus des Suisses sont-ils toujours des Celtes quand ils parlent la langue de Lafayette et Napoléon à l’ouest de la Sarine et la langue de Goethe à l’est de ladite rivière ? Et s’ils le sont, le sont-ils plus ou moins, en fait, sinon en droit, que les Irlandais de Dublin qui ne parlent plus le gaélique, ou que les Bretons de Haute Bretagne qui parlent roman depuis dix siècles ? Et qui avant de parler roman (gallo) ont peut-être tout simplement parlé une autre langue celte (stèle de Plumergat vabros iiioovt atrebo agantobo durneogiapo, thèse du chanoine Falc’hun à propos du dialecte vannetais ou le contraire, je ne me rappelle plus très bien, j’avais 25 ans quand je me suis intéressé à la question). En tout cas ce qui est certain c’est que la fameuse ligne Loth 1 est la marque du recul d’une langue, non celle de son expansion maximale).
La couleur du cœur, la nationalité ou la non-nationalité de cœur sont un problème purement intime, psychologique, donc essentiellement politique ; aussi structurant que les très subjectives « judéité » ou « l’arabité » en Palestine. Une subjectivité que n’ont toujours pas comprise, ou ne comprennent plus, la plupart des intellectuels ou des politiciens (journalistes, etc.) français, foncièrement incapables d’empathie envers leurs compatriotes tant ils sont prisonniers de leur microcosme !
Ce qui est indubitable, c’est que les Celtes ont eu, pendant très longtemps, conscience d’une parenté linguistique traduisant et renforçant une communauté de culture et de religion. Irlandais, Bretons, Gaulois, ont eu entre eux, durant toute l’Antiquité, voire au Moyen-âge, des relations suivies. On a découvert par exemple sans surprise, des mentions de mercenaires gaulois dans les récits du Moyen-âge irlandais…
La langue demeure donc (avec ces précieux et fragiles auxiliaires que sont l’anthroponymie et la toponymie) malgré des difficultés de détail, le principal, sinon le seul critère, dont nous disposons pour déterminer la nationalité celtique d’une ethnie ou d’un individu (comme Dejotarus par exemple). Et à cet égard, nous sommes donc tous un peu des Sinn Feiners nous autres les druidisants, mais des Sinn Feiners pas très catholiques évidemment !
Plus près de nous, mais bien loin encore, deux mots maintenant sur la langue des manuscrits trouvés en Irlande ou ailleurs, mais en gaélique (plusieurs centaines : 2000 ? 3000 ?). Tous ne sont pas de la même qualité, tous n’ont pas des informations utiles à nous apporter.
Le style en est parfois défectueux ou vraiment lourd (beaucoup de répétitions, d’approximations, de mots ou de lettres manquants, d’erreurs d’orthographe : voir avec quel scrupule Windisch les signale dans ses Irische texte) pour quatre bonnes raisons. La première raison est que la façon de s’exprimer de l’époque, en relation avec sa façon de penser sans doute, était très différente de la nôtre. On en a un très bon exemple avec ce qui est des nombres : l’habitude de compter par neuf, vingt (vingtaine), ou cinquante. Le français a d’ailleurs gardé des archaïsmes datant de cette époque. Exemple 80 = quatre (fois) vingts d’où quatre-vingts *. Essayer de comprendre un antique texte de loi écrit en gaélique c’est se plonger dans un autre univers, une autre façon de penser, de concevoir le monde, bref une Atlantide plus sûrement disparue que celle de Platon. Point n’est besoin de voyager à l’autre bout de la planète (ça, c’est du tourisme superficiel la plupart du temps qu’on le veuille ou non), pour y trouver de l’étrange, de l’inconnu, de l’exotique, bref des leçons d’humanité ; il suffit pour cela de se plonger dans notre plus lointain passé, celui qui est en quelque sorte sous nos pieds, en ouvrant grand notre esprit afin de (paradoxalement) rentrer en nous-mêmes, ce qui est le plus important. Car il n’est d’aventures qu’intérieures. Comme l’a très bien dit le poète :
Teicht do Róim :
Mór saido, becc torbai !
In ri chon daigi hi foss,
Mani m-bera latt,
Ni fogbai.
Aller à Rome
Beaucoup de soucis pour pas grand-chose
Le roi que vous cherchez là-bas
Si vous ne l’emportez point avec vous,
Vous ne l’y trouverez pas !
La seconde raison est qu’il s’agissait à l’époque, même si certains Celtes ont connu l’écriture (étrusque) dès le VIIe siècle avant notre ère (les Lépontiques), d’une littérature orale, donc
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par définition sans orthographe. La troisième raison est due a fait qu’il y a eu transmission écrite par des hommes de moins en moins spécialisés dans ce domaine puisque leur énergie était principalement consacrée au latin, et en tout cas commençant de ne plus très bien comprendre la signification profonde de tous ces récits. Toutes sortes de fautes d’inattention dans la copie des manuscrits peuvent donc expliquer le plus simplement du monde, toutes ces lourdeurs. La quatrième enfin tient au fait qu’il y a eu transmission orale lors de veillées le soir au coin du feu par des hommes ou des femmes de moins en moins lettrés en gaélique voire dans la langue devenue dominante chez eux, au fur et à mesure que la langue anglaise s’imposait dans leur pays, contribuant ainsi à en fait appauvrir encore un peu plus le patrimoine culturel mondial. Et n’hésitons point à le dire, la perte du gaélique en tant que langue vivante d’une population, assez nombreuse pour continuer de créer en ce domaine, a constitué une perte irréparable pour l’Humanité. À la différence des Français du vingtième siècle, les Irlandais de l’époque ont au moins l’excuse de s’être fait imposer par l’oppression voire par la terreur à certaines époques, une telle situation. Et eux au moins n’ont pas vendu leur âme pour un plat de lentilles, tout le monde ne peut pas en dire autant.* S’il y a un autre élément numéral, après.
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LA BIBLE DU DRUIDISME.BRÈVE LISTE DES PRINCIPAUX RÉCITS MANUSCRITS D’IRLANDE.
Avertissement au lecteur. Se servir des légendes irlandaises ou galloises pour reconstituer le panth-éon (plérôme divin) ou la mythologie druidique est incontournable, mais sera toujours une véritable gageure. CAR CES TEXTES N’ONT JAMAIS ÉTÉ CONÇUS POUR CONSTITUER UN EXPOSÉ CLAIR, COHÉRENT ET MÉTHODIQUE, DE LA THÉOLOGIE DRUIDIQUE
Leurs transcripteurs, les moines chrétiens du Moyen-âge, ne les concevaient que comme des contes et légendes venant d’un lointain passé, des œuvres littéraires et romanesques comme celles qui viendront plus tard sous la plume de Chrétien de Troyes. Ce petit répertoire se limite aux principaux titres. Il en existe d’autres évidemment, à passer, eux aussi, au peigne fin. Ces récits ne nous ont été transmis par écrit que postérieurement à la christianisation, quand l’écriture fut devenue, avec la lecture de la Bible, l’unique moyen de la Révélation divine. Et encore tous ces récits n’étaient-ils destinés qu’à l’édification et à la distraction de la classe guerrière ; ce qui a pour conséquence qu’il nous manque presque toute la partie spéculative de l’enseignement des très-sachants de la druidiaction (druidecht) ; quasiment tous les récits ayant été alors épurés de ce qui était contraire aux doctrines chrétiennes, postérieurement au Ve siècle. Soulignons donc bien une chose. Les textes qui suivent ne sont donc pas de la pure littérature païenne antique, même légèrement modernisée. Ils contiennent, certes, des éléments de la plus ancienne mythologie druidique, mais inextricablement mêlés à des éléments relevant de la culture classique gréco-romaine, ou de la sous-culture judéo-chrétienne de troisième zone de l’époque. Dans ces contes de la mythologie d’Irlande, comme le cycle d’Ulster, les dieu-ou-démons et les déesse-ou-démones, ou fées, se manifestent aux vivants dans la réalité concrète ainsi que dans les rêves. Ils se montrent ou disparaissent sans que l’on puisse savoir d’où ils viennent ni où ils retournent. Ils peuvent se rendre invisibles ou intervenir dans les affaires humaines. Dans le cycle des Fianna, ils sont par exemple en relations constantes avec les chefs et les guerriers ; ils participent à leurs banquets, prennent part à leurs jeux et combattent même à leurs côtés. Toutes ces légendes nous ont été conservées, sous des formes variables d’ailleurs, dans quatre grands recueils manuscrits. Dans ces volumes, composés de feuilles de parchemin reliées, figurent côte à côte les textes les plus divers : œuvres saintes ou profanes, en vers ou en prose, récits hagiographiques, contes, catalogues de contes, histoires, généalogies, étymologies, annales, traités de médecine ou de droit, etc.
PRINCIPAUX MANUSCRITS.
Le livre de Ballymote (Lebor Baile Mota). Contient surtout des textes à dominante historique.
Le livre de la vache brune (Lebor na Huidre). Début du XIIe siècle.
Le livre jaune de Lecan (Leabhar Buidhe Lecain) ; XIVe siècle. Contient la plus ancienne version de l’enlèvement des bovins de Cooley.
Le livre du Leinster (Lebhar Laighneach ou Lebar Na Núachongbála). Compilé au milieu du XIIe siècle, mais recelant des textes plus anciens. On y trouve notamment une liste de contes du plus grand intérêt. Ce recueil contient une version complète de l’enlèvement des bovins de Cooley, ainsi que l’émouvante histoire de Deirdre.
Le livre de Fermoy (Leabhar Fermoithe). XVe siècle,
LES GRANDES BATAILLES DE LA MÉTAHISTOIRE.
Cath Maighe Tuireadh « La bataille de Mag Tured ».
Cath Maighe Tuireadh Cunga « La bataille de Mag Tured à Cunga. »
Cath Ruis na Rig « La bataille de Ruisnarig ».
Foras Feasa ar Èirinn « Histoire d’Irlande » par Geoffrey Keating. Le titre signifie en réalité « Les bases de la connaissance de l’Irlande ».
Lebor Gabala Erenn Versions I, II, et III.
Lebor Gabala Erenn Rédaction Michéal O'Cleirigh.
Lebor Bretnach Le Livre des Bretons (Nennius Irlandais).
Oidhe Chloinne Tuireann « La tragique destinée des enfants de Tuireann. »
CYCLE MYTHOLOGIQUE.
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Aislinge Oengusso « Le rêve d’Oengus. »Altrom Tige Da Medar « La pension de la maison des deux seaux à lait ».
Suidigud tellaich Temra « La constitution du domaine de Tara. »
Tochmarc Etaine « La cour faite à Etanna ».
Dindshenchas « Histoires des noms de lieux. »
Scel Tuain maic Cairill do Fhinnen Maige Bile inso sis « L’histoire de Tuan fils de Cairill racontée à Finnen de Mag Bile ».
« Le dialogue entre Fintan et le Faucon d’Achill. » Incipit « Arsaidh sin, a eoúin Accla ».
L’ANCIEN / NOUVEAU TESTAMENT DU DRUIDISME * ou le Cycle d’Ulster et les légendes concernant le Hésus Cuchulainn.
Aided Chloinne Tuirean « La mort des enfants de Tuireann. »
Aided Con Culainn « La mort de Cuchulainn. »
Aided Con Roi « La mort de Cu Roi ».
Aided Oenfir Aife « La mort du fils unique d’Aife ».
Oided mac nUisnig « La mort tragique des fils d’Uisnig ».
Oidheadh Chloinne Lir « La mort des enfants de Lir. »
Ces Ulad « La maladie des Ulates. »
Compert Conchobair « La conception de Conchobar ».
Compert Con Culaind : Feis tige Becfoltaig « La conception de Cuchulainn et le festin de la maison de Becfoltaig ».
Compert Mongan « La conception de Mongan ».
De Chopur in dá Muccida « La querelle des deux porchers. »
De Gabáil in t-Sída « La prise du sid. »
Echtra Airt meic Chuind 7 Tochmarc Delbchaeme « Les aventures d’Art fils de Conn. »
Echtra Nerai « Les aventures de Nera ». Xe siècle.
Fled Bricrend « Le festin de Bricriu. »
Fled Bricrenn ocus Foglaim Con Culain (ou Do Fhogluim Chonculainn) « Le festin de Bricriu et L’apprentissage de Cuchulainn. »
Loinges mac nDuíl Dermait annso « L’exil des fils de Doel Dermait (l’Oublié) ci-dessous ».
Loinges mac nUsnig « L’exil des fils d’Uisliu. »
Macgnimrada Conculaind « Les exploits d’enfance de Cuchulainn ».
Mesca Ulad « L’ivresse des Ulates ou hommes d’Ulster ».
Noinden Ulad « La neuvaine des Ulates. »
Scél asa mberar co mbad hé Find mac Cumaill Mongán « L’histoire où il est dit que Mongan était Vindos/Finn réincarné. »
Serglige Conculainn inso sis 7 oenet Emire « La maladie de langueur de Cuchulainn et l’unique jalousie d’Aemer ci-dessous ».
Siaburcharpat Con Culainn « Le char éthérique du Hésus Cuchulainn ».
Tain Bo Regomon ou Regamna « L’enlèvement des vaches de Regamain ».
Tain Bo Cualnge « Le vol des vaches de Cooley. »
Tochmarc Emire « La cour faite à Aemer ».
Tochmarc Ferbae « La cour faite à Ferb ».
Tochmarc Luaine 7 Aidedh Aithairne Andso « La cour faite à Luan et la mort tragique d’Athirne ».
Togail Bruidne Da Derga « La destruction de l’hôtel de Derga ».
* Cet ensemble contient certains des plus anciens documents irlandais connus et la civilisation mise en scène par le cycle d’Ulster s’apparente incontestablement à celle de La Tène en Suisse.
CYCLE DU LEINSTER OU CYCLE DES FÉNIANES (Vindos/Finn).
Acallam na Senorach « Histoires des anciens ». XIIe siècle.
Bruidean Caortainn « Le château des sorbiers ».
Cath Finntragha ann so sios.i. Oidhe Finn le fianaibh Eirionn 7 bas Duiri Duin rig an domhain moir. « La bataille de Ventry ci-dessous c’est-à-dire la mort tragique de Vindos/Finn avec les Fénianes d’Irlande ainsi que la mort de Duire Donn le roi du grand Monde ».
Cath Gabhra « La bataille de Gabhra. »
Fotha catha Chnucha « La cause de la bataille de Cnucha ».
Immacallam in da thuarad « Le colloque des deux sages. »
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Macgnimartha Find « Les exploits d’enfance de Vindos/Find. »Laoi Oisin in Tir na nOg « Ossian dans la terre de Jouvence. » (Michael Comyn 1750).
Toraigheacht Dhiarmada agus Ghrainne « La traque de Diarmat et Grannia ».
CYCLE HISTORIQUE OU CYCLE DES ROIS.
Buile Shuibhne « La folie de Suibhne. »
Tromdamh Guaire « La lourde compagnie de Guaire. »
CYCLE DE CONN ET CORMAC.
Airne Fingen « La veillée de Fingen ».
Echtra Chormaic i Tir Tarngiri « Les aventures de Cormac dans la Terre de Promesse ».
Forbuis Droma Damhghaire « Le siège de Druim Damhghaire ».
Tecosca Cormaic « Les instructions du roi Cormac ».
LES AVENTURES LES VOYAGES ET LES VISIONS.
Immram Brain maic Febail ocus a echtra andso sis « La navigation de Bran fils de Fébal et ses aventures ci-dessous ».
Immrama curaig Mail Dúin « La navigation de Maelduin. »
Immrama hua Corra « La navigation des Ui Chorra. »
Immram Snedhghusa 7 meic Riaghla « La navigation de Snedgus et de Mac Riagla. »
DIVERS.
Aislinge Meic Con Glinne « La vision de Mac Con Glinne ».
Aithbe dam bés mora « Les lamentations de la vieille de Beara ».
Auraicept na nEces « L’abécédaire du clerc ».
Bretha Nemed Toísech « Le premier jugement de Nemed ».
Cetnad nAise « Prière pour vivre longtemps ». Adressée aux sept filles de la Mer.
Cuirt an Mhean Oiche « Le tribunal de Minuit » (Brian Merriman XVIIIe siècle).
Coir Anmann « Convenance des noms ».
Crith Gablach « L’achat ramifié ?? » (Nom d’un résumé de droit irlandais, versifié).
Faeth Fida « Lorica de saint Patrice ».
Sanas Cormaic « Le glossaire de Cormac ».
Senchus Mor « Le grand livre de l’ancien droit. »
N.B. On ne peut pas non plus sans inconvénient ignorer les mabinogi gallois, le mabinogi de Pwyll, prince de Dyfed, le mabinogi de Branwen fille de Llyr, le mabinogi de Manawyddan fils de Llyr, le mabinogi de Math fils de Mathonwy.
Soulignons bien qu’il ne s’agit là que de quelques exemples de manuscrits et de récits, qu’il en existe en fait beaucoup d’autres. Répétons-le encore une fois, la liste donnée ci-dessus n’est pas exhaustive, il ne s’agit que de quelques exemples, les premiers qui peuvent venir à l’esprit. Mais qui a lu ces textes comprend tout de suite qu’il ne reste d’authentique que certains détails, ou noyaux, très archaïques, ou alors certains des thèmes récurrents de toutes ces histoires. Les récits d’origine ont été démembrés, désarticulés, malheureusement, et des pans presque entiers du récit primitif ont disparu, alors qu’étaient insérés au contraire à leur place dans la trame de ces histoires des éléments n’ayant rien à y faire, bien qu’authentiquement celtodruidiques et païens, ou venant d’autres horizons culturels comme les considérations très misogynes mises dans la bouche du druide Sencha d’après Joanne Findon, à l’occasion de la bataille de mots des femmes ulates. Que nos sœurs de la Wicca n’aient aucun doute à ce propos. Cet état désespérant de la documentation irlandaise pour qui veut reconstituer le mythe panceltique initial, a de multiples causes. La première est qu’il y a eu évolution et depuis longtemps donc, en Irlande, des récits mythologiques apportés dans l’île par les différentes vagues d’envahisseurs celtes venus de Grande-Bretagne (ou du Continent). Et ceci avant même la christianisation. La deuxième raison est due aux caractéristiques même de toute littérature orale : récitation de certains morceaux appris par cœur (et donc relativement stables), mais aussi invention ou recomposition ou recréation, des récits, par les bardes devenus conteurs ; désireux de plaire à leur public en brodant si nécessaire. La troisième raison est incontestablement la censure par le christianisme de pans considérables de tous ces récits, concrètement par des individus, bardes conteurs errants ou moines copistes, de culture chrétienne, n’ayant pas repris, ou ayant supprimé, ce qui heurtait
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leurs convictions, personnelles. Le résultat final est qu’il nous manque tellement de choses que les débris qui nous en restent, même remis bout à bout, en sont par moments devenus absurdes, voire incompréhensibles, ce qu’ils n’étaient certainement pas du tout à l’origine. Mon estimation personnelle est qu’environ 90 % du corpus originel (celui qu’avaient en tête les grands druides d’il y a deux mille ans) a disparu. Il suffit de voir ce qui nous reste des techniques martiales généralement attribuées à notre héros (le jeune seigneur de Muirthemné, nommé Sétanta = Hesus sur le Continent) pour nous en rendre compte et donc regretter qu’ait eu lieu, un tel massacre, intellectuel. La plupart des coups prises ou clés qui sont mentionnés comme étant à mettre à son actif ne sont plus en effet que des noms, souvent déformés ou ayant de nombreuses variantes, que l’on peut glaner ici et là, sans que l’on sache exactement à quoi cela peut (pouvait) bien correspondre. Les travaux de notre confrère canadien William Sayers n’ont pas réussi à beaucoup éclairer le sujet, ils ont surtout réussi à piquer notre curiosité.Principales caractéristiques se retrouvant dans ces manuscrits. La parole, le verbe, le logos, doivent leurs pouvoirs non à leur seule force incantatoire, mais à ce qu’ils sont associés à la pensée qui est une force tout aussi grande, ou parfois plus grande encore, et en tout cas inséparable de la parole, du verbe ou du logos Le fait de dire, de nommer, c’est d’un point de vue métaphysique la même chose que de faire venir au monde ou de donner vie, d’amener à l’existence.D'où d’ailleurs la technique verbale du labarum. Cette technique druidique a pour objectif de canaliser le mental discursif. Ses vertus, conjuguées à l’intention et à la concentration du récitant, sont bénéfiques. Elle peut s’effectuer concrètement dans le cadre d’un rite minimal, ou d’un rituel plus élaboré. Les chrétiens ont d’ailleurs fait quelque chose de similaire en insistant autant sur leur notion de logos ou de verbe divin.
Le célèbre roi Irlandais Labraid loingsech passe par exemple pour avoir eu des oreilles de cheval comme le roi Marc de Cornouailles. Or il existe sur le Continent trace d’une telle croyance puisque l’on a trouvé à Besançon en 1849 la représentation d’un dieu dotée d’une oreille droite animale, à comparer avec le petit bronze du Musée d’Amiens représentant le même personnage assis à la Bouddha. Cette allégorie de la parole (et de l’écoute, ou du silence) était donc connue des druides antiques d’où paradoxalement (mais le raisonnement paradoxal était très connu des druides antiques) sa qualification de sourd-muet dans certains textes : Moen, Maen, Maon (Ollam). Et c’est ensuite seulement qu’il deviendra « Labraid ».*
Autant de notions que l’on trouve esquissées dès le Véda, précisées dans les Brâhmana, les Aranyaka et les Upanishad védiques ou plus récentes. Pour la tradition indienne, il y a une correspondance directe entre les mots, les objets, leurs significations. Entre le plan créateur de la Pure Conscience et celui de la création se situe le Verbe, la Parole (Para-Vach, le labaron en celte).
Or ce qui ressort tout particulièrement de ces textes c’est la toute puissance du Destin mise en œuvre par des malédictions appelées geis/gessa en gaélique, ou tynghed en gallois si l’on en croit John Rhys dans le deuxième volume de son livre sur le folklore celtique gallois et manx. À propos du mot gallois « tynghed ».
« Je citerai ici un passage du début de l’un des plus celtes des contes gallois, celui de Kulhwch et Olwen. Le père de Kulhwch, après avoir été veuf quelque temps, se remaria, mais n’informa pas sa seconde épouse le fait qu’il avait un fils. Elle le découvrit néanmoins et le fit savoir à son mari ; aussi fit-il venir son fils Kulhwch, et ce qui suit est le compte-rendu de l’entretien qu’aura son fils avec sa belle-mère. Sa belle-mère lui dit alors : « Il serait bien pour toi d’avoir une femme, et justement j’ai une fille qui est recherchée en mariage par tous les hommes de renom de ce monde ! » « Je ne suis pas en âge de me marier », répondit le jeune homme. Alors elle lui répondit : « alors je te déclare que ton destin sera de ne pas trouver de femme qui te convienne tant que tu n’auras pas épousé Olwen, la fille d’Yspaddaden Penkawr ! » Le jeune homme se mit à rougir et l’amour de cette jeune fille se diffusa de lui-même dans tout son corps, bien qu’il ne l’ait jamais vue. Et son père lui demanda donc : « Qu’est-ce qui t’est arrivé, mon fils, et de quoi souffres-tu ? » « Ma belle-mère m’a dit que je n’aurai jamais d’autre femme tant que je n’aurai pas épousé Olwen, la fille d’Yspaddaden Penkawr ». « Cela ne te sera pas difficile », répondit son père. « Arthur est ton cousin. Va donc chez Arthur lui couper les cheveux, et demande-lui ça comme récompense ! »
… Le mot dans le texte gallois pour Destin est tynghet (anciennement tuncet), et le terme irlandais correspondant est attesté sous la forme Tocad. Ces deux mots ont tendance, comme celui de « sort » à être utilisé surtout en mauvaise part. Antérieurement, ils ont dû être
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aussi utilisés dans un sens plus propice, comme dans le cas du nom de femme Tunccetace, sur une des premières pierres gravées du Pembrokeshire. Si son nom avait été rendu en latin on l’aurait probablement appelée Fortunata, c’est-à-dire bonne fortune… Dans la partie méridionale de mon comté natal de Cardigan, la phrase en question était encore d’usage courant ces trente dernières années encore, et les pratiques qu’elle dénote sont toujours suffisamment connues pour alimenter des histoires locales… La formule tyngu tynghed, toujours parfaitement compréhensible au Pays de Galles, rappelle un autre exemple de l’importance de ce genre de malédiction, à savoir le latin fatum… Je précise ici que les Romains avaient une pluralité de fata ; mais… que l’on ignore si les Gallois de l’Antiquité avaient eux aussi plus d’une tynghed. Dans le cas de l’ancienne littérature nordique en tout cas, il apparaît que le Destin y porte un nom peut-être apparenté avec le gallois tynghed. Je fais allusion ici au personnage féminin appelé Thokk, qui apparaît dans l’émouvant mythe relatif à la mort de Balder… Dans cette ogresse (Thokk), sourde aux appels des sentiments d’affection, nous avons peut-être la contrepartie de nos celtiques tocad et tynghed, et le nom de cette dernière en tant que partie intégrante d’une des formules de l’histoire galloise, tout en nous fournissant la clé du mythe, nous montre comme les premiers Aryens ne connaissaient rien de plus contraignant que la force magique d’un serment. Cette conception de la destinée porte certes avec elle la marque de son humble origine, et l’on souscrit volontiers au mot de Cicéron (De Divinatione II, 7) quand il écrit : « Anile sane et plenum superstitionis fati nomen ipsum ». Mais d’un autre côté elle a aussi la sinistre dignité de conférer un nom au sombre et inexorable pouvoir auquel l’univers dans son ensemble est censé obéir, un pouvoir devant lequel le grand et resplendissant Zeus de la race aryenne n’est qu’une vulgaire marionnette ».Ar ro fedatar is vadh bodesin nobíad a athcinouAr rofetatár is úad fessin no bíad a athgein. Malédiction n’est d’ailleurs pas tout à fait le mot de notre langue qui convient le mieux pour traduire cette situation, car ce n’est ni une vengeance ni une punition et les effets n’en sont pas toujours immédiats. La caractéristique principale de ces geis/gessa est en effet qu’elles sont le plus souvent conditionnelles, et qu’elles sont en outre d’ailleurs le plus souvent négatives. Il est demandé à quelqu’un de faire ou plus fréquemment de ne pas faire, telle ou telle chose. Le drame se noue quand le héros, pris entre deux gessa contradictoires, se trouve dans la nécessité de violer un de ces interdits pour respecter l’autre. Nous y reviendrons. Solidarité entre le monde terrestre et l’Autre Monde. L’Autre Monde a besoin des êtres humains et intervient par conséquent constamment dans notre monde à nous. Les conflits affectant le héros ne s’expliquent d’ailleurs jamais par sa propre personne, mais par des éléments venant de cet autre monde (sorts, malédictions, gessa, etc.) L’existence d’un compagnonnage guerrier (cf. les Fénianes et les chevaliers de la Table ronde) et de communions ou commensalités (repas pris en commun) posant de délicats problèmes de préséance pouvant ruiner l’autorité du roi. D’où l’utilisation d’une table ronde comme dans les celicnon du Continent (dans le local cultuel de la corporation des forgerons d’Alise par exemple). L’obligation pour les rois d’être généreux. L’existence d’objets plus ou moins magiques, qu’il faut rapporter de cet autre monde. Le Siège périlleux (le linga désigné sous le nom de pierre de Fal, de Scone, pierre de la destinée ou de la souveraineté). Le Graal (l’olla ou chaudron du Suqellos Dagda Gargant). La lance de Lug. L’épée de Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd, symbole de la justice que tout roi doit faire régner, et ainsi de suite.
* Les légendes irlandaises nous présentent Labraid comme étant revenu du Continent ou de Grande-Bretagne avec des renforts (2200 Laigin : ainsi appelés d’après les larges pointes en acier de leurs lances) afin de reconquérir le trône de son grand-père Loégaire Lorc, et fonder ainsi avec ces hommes le Leinster, vers le VIe siècle avant notre ère, devenant ainsi le deuxième grand peuple d’Irlande (jusque dans certaines parties du Connaught) après les Erainn, Les historiens pensent qu’en réalité ce personnage légendaire correspond à une figure divine « historicisée » (évhémérisme à rebours). Pour plus de renseignements sur l’étendue de son pouvoir (la plus grande partie de l’Europe jusqu’à l’Italie) ainsi qu’à propos de l’origine exacte des Pères fondateurs du Leinster voir la courte saga irlandaise intitulée Orgain Denna Rig (la destruction de Dind Rig) : ils y sont associés à des Galioin (des Gaulois) des Bolg (des Belges) et des Domnain.
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LE RÔLE DE LA FEMME CELTE DANS CES RÉCITS.Nous ne sommes pas d’accord avec Joanne Findon dans son appréciation du dialogue de la demande en mariage d’Aemer par Cuchulainn. Les propos d’Aemer sont paradoxalement très sexistes et enferment la femme dans un rôle certes devenu traditionnel, mais qui n’était peut-être pas celui de la femme celte quelques siècles plus tôt. Là encore sans doute sous l’influence du christianisme. Nous n’en voulons pour preuve que ce qu’a noté Ammien Marcellin à ce sujet (Livre XV. Chapitre XII. Paragraphe 1). « Une troupe entière d’étrangers ne serait pas capable de tenir tête à un seul de ces Celtes s’il appelle sa femme à la rescousse, car elle est généralement très forte quand elle est folle de rage, et spécialement quand, le cou gonflé, les dents serrées, ses énormes bras blanchâtres brandis en avant, elle commence d’asséner des coups, y compris avec les pieds, comme autant de traits envoyés par une catapulte ».
Il faudra d’ailleurs attendre Adamnan d’Iona en 697 pour que les femmes soient interdites de service militaire (Synode de Birr. Cain Adamnain ou Lex Innocentium. Article 52. 7 Cumals d’amende * pour qui utilise des femmes lors d’une attaque, d’un combat, ou dans une armée).
Bien que partant d’un bon sentiment suscité par le choc des horreurs de la guerre (type Shoah par balles des années 1940 par les einsatzgruppen allemands en Russie ou atrocités de la guerre en Syrie dans les années 2010) cette loi des innocents eut néanmoins de lourds effets pervers, puisque sa conséquence à long terme fut de priver les femmes de la possibilité d’hériter d’un fief dans son intégralité (alors que jusque là elles pouvaient parfaitement avoir un fief et le diriger si l’on en croit les antiques lois d’Irlande. Tome 4. De la prise de possession légale. Pages 40 et 41). Din techtugad. « Orba cruib ocus sliasta na mathar-sunn, ocus dibugad ro-dibaighi in mathir, ocus ni fuilit mic acht ingeana nama ; ocus beraidh in ingean in fearann uili co fuba ocus co ruba, no a leth gan fuba gan ruba ; ocus comde fuirre re aiseac uaithe iar sna ré. » Din techtugad. « Héritage de main et de cuisse (c’est-à-dire provenant du testament) de cette mère, si la mère est morte, qu’il n’y a pas de fils, qu’il n’y a que des filles. La fille prend toute la terre avec attaque et défense, ou moitié sans attaque, sans défense.
La dernière partie de cette loi (la possibilité d’échapper au service militaire en se contentant de seulement la moitié du fief) a dû être ajoutée après l’adoption de la Cain Adomnain et la possibilité de choisir resta sans doute purement théorique dans un premier temps : TOUT LE MONDE PRÉFÉRANT BIEN ENTENDU HÉRITER DE LA TOTALITÉ DE LA TERRE ET NON DE SA MOITIÉ. Passons sur les kilos en trop qu’Ammien Marcellin attribue un peu méchamment (racisme ?) à ces « guerrières » à la Scathache, il n’en demeure pas moins que chez les vrais Celtes (d’esprit) exceller dans la lutte ou les arts martiaux n’est pas réservé aux hommes. Et je doute fort que nos sœurs de la Wicca veuillent vraiment me contredire à ce propos. Ci-dessous pour information (quelle mauvaise foi, on croirait lire des journalistes traitant de la guerre civile en Libye ou en Syrie ou des musulmans parlant du statut de la femme du temps de la Djahiliya, d’avant leur idole, d’avant l’isma mahométane, bref d’avant l’islam) comment l’abbé d’Iona justifie le fait d’interdire aux femmes le métier de soldat. Le moins que l’on puisse dire c’est que le texte de saint Adamnan contraste singulièrement avec celui d’Ammien Marcellin. Ils sont pourtant censés parler de la même chose : les femmes au combat aux côtés de leurs époux. Alors qui dit globalement vrai, Ammien Marcellin (IV siècle) ou saint Adomnan (VIIe siècle) ? À nos lecteurs de juger.
« 3. Ce que les meilleures avaient à faire c’était d’aller au combat et sur les champs de bataille, de participer aux affrontements, de camper, tout en combattant et bataillant (gaélique slugaid), blessant et tuant. D’un côté elle portait son sac à provisions, de l’autre son enfant. Son bâton sur le dos. Il mesurait trois (?) pieds de long et avait un crochet en fer à une extrémité, avec lequel donc elle agrippait la chevelure de quelque femme du bataillon adverse. Son mari derrière elle, avec à la main aussi un bâton afin de la battre pour qu’elle coure sus à l’ennemi. Car à cette époque c’était la tête d’une femme ou ses deux seins que l’on prenait comme trophée ».
Note de l’éditeur. Il s’agissait peut-être de cas désespérés de légitime défense face à des agressions potentiellement mortelles (avec en plus l’exagération chrétienne habituelle en ce genre de circonstance, quand il s’agit de dénigrer ce qui n’est pas eux). Par exemple de populations paysannes chassées de leurs terres (à l’initiative des très chrétiens grands propriétaires terriens) et risquant de mourir de faim (comme lors des expulsions de petits
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fermiers ou crofteurs survenues dans les hautes terres d’Écosse aux XVIIIe et XIXe siècle, et connues sous le nom de Fuadach nan Gàidheal (cf. à ce sujet la grande poétesse de Skye, Mairi Mhor nan Oran). Mais entre antagonistes de la même classe sociale (à savoir celle des misérables).N.B. Que des femmes ou des hommes acculés à une telle misère préfèrent affronter la mort plutôt que rester sans rien faire se comprend alors très bien. Que même des femmes se battent avec l’énergie du désespoir quand il s’agit de défendre leur liberté ainsi que celle de leurs enfants, leur vie et celle de leurs enfants, nous en tout cas nous le comprenons très bien. Et j’espère que nos sœurs de la Wicca le comprennent aussi très bien. Quand il s’agit de défendre le village tout le monde doit s’y mettre, et c’est d’ailleurs ce que font aussi les femmes dans de tels cas en général, elles se battent alors aussi bien que les hommes, voire avec peut-être encore plus d’énergie (comme des tigresses) quand elles ont des enfants encore en bas âge. Et c’est tout à leur honneur.
* Soit la valeur de 21 vaches laitières.
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LES VRAIS OGHAMS, LES RUNES CELTIQUES (DU CELTE RUNOS-RUNA, IRLANDAIS RUN, GALLOIS RHIN : SECRET, MYSTÈRES).Recadrage et précisions, vu les abus de maints charlatans dans ce domaine.
La plus ancienne inscription celtique en caractères « runiques » connue est celle de Casteletto Ticino (xosioiso) et date de – 575. Mais il y a aussi l’épitaphe celtique de Briona en Italie, écrite en lépontique au IVe siècle avant notre ère. Inakuitesasocoikeni tanotaliknoi kuitos lekatos anokopokios setupokios esanekoti anareuisseos tanotalos karnitus takos toutas. Cette inscription en runes celtiques (écrite avec des lettres dérivées de l’alphabet de Lugano, donc étrusque) a été suivie par beaucoup d’autres. Les interdictions ou les malédictions rédigées en feda ou lettres runiques étaient aussi gravées sur des tablettes de bois d’if appelées plus tard Fidlanna en irlandais (de fid bois, et lanna planchettes). En Italie du Nord, cette écriture celtique connaîtra peut-être d’ailleurs une survivance, mentionnée au Moyen-âge sous le nom latinisé de talamascae litterae. Enfin peut-être…
En dehors du domaine de l’enseignement, essentiellement fondé sur la mémoire et le par cœur, les druides ont donc beaucoup écrit. En général des inscriptions à caractère funéraire ou des mises en garde : comme dans le cas des inscriptions en caractères oghamiques postérieures, très postérieures (de plusieurs siècles même, vers + 300 + 700) puisqu’elles transcrivent… de l’irlandais (primitif ou archaïque) et pas du celtique commun ni du vieux celtique.
NOTES SUR LES ÉCRITURES CONNUES DES ANCIENS DRUIDES.
Les Celtes antiques ne paraissent pas avoir eu dès l’origine une écriture « indigène » commune à l’ensemble des populations celtophones. Les Celtes ont découvert l’écriture sous l’influence des Étrusques, en Italie du Nord-Ouest, où des inscriptions en langue celtique utilisent l’alphabet de Lugano. Ces « inscriptions lépontiques » proviennent notamment de la civilisation de Golasecca, celte ou celtisée à la fin du VIIe ou VI siècle avant notre ère. Le Lépontique était la langue des Lepontii, parlée dans une partie de la cisalpine du VIIe au IIIe siècle avant notre ère. La langue ne nous est connue que par quelques rares inscriptions écrites dans l’une des cinq principales variétés d’anciens alphabets italiques, dérivés de l’alphabet étrusque. Ces inscriptions furent trouvées dans une région centrée sur Lugano justement, y compris le lac de Côme et le lac Majeur. Des écritures similaires furent utilisées pour noter le rhétique et le vénète. L’alphabet runique des langues germaniques est probablement dérivé d’un alphabet de ce groupe. Depuis les travaux du grand linguiste français Michel Lejeune (1971), un certain consensus veut que le lépontique soit considéré comme une langue celte, peut-être aussi divergente que le celtibère, et dans tous les cas distincte du celte cisalpin. Ce n’est que récemment qu’est apparue la propension à identifier de nouveau le lépontique au celte cisalpin. Le lépontique fut en effet assimilé à cette langue (par les Latins) ; lors de l’installation de ces peuples au nord du Pô, et ensuite, après que la République romaine a pris le contrôle de la cisalpine, à la fin ou au cours du Ier siècle avant notre ère. Bref, les premiers alphabets utilisés par les Celtes ont donc été ceux qui ont été utilisés par les Lépontiques de la civilisation de Golasecca, et celui qui a été utilisé par les Celtes cisalpins. Tous deux dérivés de l’alphabet des Étrusques. La principale différence entre les deux étant l’orientation de certaines lettres (de droite à gauche pour l’écriture lépontique, de gauche à droite pour le celte cisalpin). Arrivée en Grande-Bretagne, l’écriture celte cisalpine y évoluera pour donner plus tard les coelbreni gallois (si ces coelbreni ne sont pas une des innombrables supercheries dues à Iolo Morganwg évidemment). En remontant la route de l’ambre, elle donnera aussi naissance aux runes germaniques proprement dites.
Cette hypothèse est confirmée par l’existence des échanges reliant l’Italie du Nord et notamment les Étrusques, aux Scandinaves et aux Germains, liens attestés par la découverte de casques portant des mots de la langue germanique, mais gravés en alphabet étrusque (harikastiteiva : B Negau). Les runes germaniques ont très certainement été phonétiques, puis divinatoires avant de devenir un alphabet sous l’influence des peuples du Sud connaissant l’écriture comme les Celtes lépontiques ou cisalpins. L’idée d’utiliser des formes comme système d’écriture, ainsi que le choix des caractères liés à des sons particuliers ; indique de façon indiscutable qu’il y a eu influence des peuples du Sud (c’est-à-dire des
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peuples d’Italie du Nord). Il est possible néanmoins qu’il y ait eu aussi influence d’idéogrammes et de symboles purement indigènes (germaniques). Fusion avec certains pictogrammes indigènes de l’Âge du Bronze tardif. Ces idéogrammes ont dû fournir la forme définitive des futures runes ; et leur ordre, ainsi que leur nombre, sont très certainement issus d’une symbolique magique locale.Bref, les Germains n’ont donc pas inventé ex nihilo leurs runes, mais ont commencé par emprunter cette façon d’écrire aux druides celtes d’Italie du Nord qui eux-mêmes, etc.
Souffrant de la même insuffisance que l’écriture étrusque, elle ne disposait que d’un seul caractère pour le b ainsi que pour le p, pour le k et le g (c et g « durs »). Et les caractères utilisés pour noter le i et le u servaient aussi de semi-consonnes, respectivement pour j et w, ils faisaient donc office à la fois de voyelles et de consonnes. Comme d’ailleurs dans l’écriture latine utilisée plus tard par les Celtes.
Les Lépontiques faisaient partie de la toute première vague celte arrivée en Italie (une vague qui, d’ailleurs, réussit à faire adopter sa langue par les Ligures, ainsi que l’a bien démontré Benvenuto Terracini).
Les Celtes de Cisalpine firent partie de vagues ultérieures, d’où leur nom de Galloi, donné par les celtophones les ayant précédés dans le pays.
LES RUNES CISALPINES.
Ainsi que nous avons eu l’occasion de le signaler, le mot rune vient du celte runo et signifie secret ou mystère. Le comrunos est celui qui a étudié les runes, qui a été initié à ses secrets. On appelle feda chacune des lettres de cet alphabet. Par chance il est très proche du nôtre du point de vue de la graphie en majuscules d’imprimerie, mais ses feda (ses lettres) ne transcrivent pas, par contre, les mêmes sons.
Correspondance entre les caractères en majuscules d’imprimerie de l’alphabet latin et de l’alphabet cisalpin. A = F (mais fortement incliné vers la droite). Nom de la rune correspondante : ansuz. B voir P.C = K. Nom de la rune correspondante : kaunan. D voir T.E (fortement incliné vers la droite avec un axe dépassant un peu vers le bas). F voir U.G voir C.H n’existe pas.I = I. Nom de la rune correspondante : isaz, le froid, la glace. J n’existe pas. K = K. Nom de la rune correspondante : kaunan. L = L (le trait du bas montant nettement vers la droite). Nom de la rune correspondante : perpo.M = M (en fait plus exactement une sorte de w à l’envers). Nom de la rune correspondante : ehwaz, cheval (celtique mandus). N = N (légèrement incliné vers la droite avec le trait oblique et le deuxième trait vertical plus courts. Une sorte de zigzag en somme). Nom de la rune correspondante : haglaz. Là aussi visible adaptation à la gravure sur bois de cette lettre cisalpine habituellement taillée dans la pierre. O = O. Nom de la rune correspondante : ingwaz. Chez les Germains la lettre a visiblement été adaptée à la gravure sur fidlanna ou coelbrenni (sur tablette de bois). Le dessin de la lettre cisalpine, lui, est resté adapté à la gravure sur pierre.P. Disons une première partie ou moitié de N. Nom de la rune correspondante : laguz. Q voir K.R = D (eh oui, du moins en cisalpin, en lépontique ce « D » est à l’envers).S = S (plus ou moins anguleux plus en moins en zigzag). Lettre notant une sifflante faible. Nom de la rune correspondante : ihaz, iwaz. T = X. Nom de la rune correspondante : gebo, le don.U = V. Nom de la rune correspondante : uruz, aurochs (celtique Uros).V voir U.W n’existe pas.X = Y (avec une petite bissectrice verticale au milieu des deux branches supérieures). Nom de la rune correspondante : algiz. Y n’existe pas.Z voir Z. Notons enfin l’existence d’une lettre que l’on peut grossièrement décrire comme une sorte de nœud papillon avec un petit trait vertical au milieu. Nom de la rune correspondante : mannaz, homme (celtique mannos). Il s’agit d’une lettre correspondant au D barré utilisé dans les textes écrits en alphabet latin, et notant un son zézayé propre au celte, l’affriquée – ts. Cette affriquée – ts a rapidement évolué vers le double « s » : ss. Autrement dit une sifflante forte. Cette lettre en forme de papillon notant la sifflante sourde = S de l’alphabet lépontique a donné la rune dagr de l’alphabet runique germanique d’après le professeur David Stifter. Voir la conclusion de son étude intitulée « Die Funktion von san im Lepontischen ». Pourquoi pas ? Ne manque donc comme noms de runes équivalentes que ceux qui devaient correspondre aux lettres E et R de l’alphabet cisalpin. Ceux qui existent et qui se déduisent sont par conséquent Ansuz (A). Kaunan (C, G, K). Purisaz (P et B). Isaz (I). Perpo (L). Ehwaz (M). Haglaz (N). Ingwaz (O). Laguz (P et B). Ihaz (S). Mannaz (SS). Gebo (T et D). Uruz (U et V). Algiz (X). À ces lettres adaptées à leur culture, les Germains ont associé un certain nombre d’idées. La rune Algiz (y), le daim sacré, symbolise par exemple Cornunnos, le Grand Cerf, l’Élan ou Alce de Tacite. La question est : ces idées ont-elles été suggérées par la forme des lettres, ou par leur son ? Comme on a pu le voir avec le cas de
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l’alphabet cisalpin, une même lettre peut en effet noter un son complètement différent. R et T de notre alphabet se transcrivant X et D en alphabet cisalpin par exemple. Anna Marinetti a montré que les légendes des monnaies celtiques de la Narbonnaise ne sont pas écrites en caractères grecs, mais en caractères lépontique. De même que celles du Noricum qui ne sont pas en caractères vénètes (les Vénètes étaient pourtant leurs voisins), mais aussi en caractères lépontiques. Dans les inscriptions celtes d’Italie, on a employé, non pas l’alphabet latin, mais l’alphabet lépontique, parce que c’était cet alphabet-là qui avait été pour ainsi dire élevé à une dimension nationale ; par une sorte de mouvement intérieur poussant à refuser les alphabets appartenant à des civilisations étrangères. On ne se sert pas l’alphabet latin parce qu’il convient de refuser la romanité : il s’agit donc là d’un choix idéologique qui conduit ces peuples celtiques à maintenir spontanément leur identité politique et culturelle (cf. Aldo Luigi Prosdocimi. In Les Celtes. Bompiani 1991).Ce ne fut donc qu’ensuite que se développa l’usage d’un alphabet grec occidental, d’abord écrit de droite à gauche et comportant toujours le digamma et le qoppa ou koppa, puis de gauche à droite. Avec comme principale différence par rapport à l’alphabet classique, l’usage de la lettre C en capitale pour noter le sigma.
On peut sans doute appliquer aux runes celtes cisalpines ce que la tradition irlandaise nous rapporte des oghams.
— Question : quels sont l’endroit, le temps, la personne, et la raison de cette invention ?
— Réponse : ni ansa, ce n’est pas difficile. L’inventeur en est Ogmios, fils d’Elatha, fils de Delbaeth (autrement dit Taran/Toran/Tuireann), frère de Bregsos… Un homme expert en langue et en poésie… La cause de son invention est que ce langage devait être la propriété réservée des érudits, à l’exclusion des rustres et des pâtres.
La tradition médiévale irlandaise ajoute : l’endroit est « Hibernia insula quam nos Scoti habitamus ».
Ce qui est archifaux ainsi que nous avons pu le voir, mais enfin quelle belle histoire à raconter aux enfants le soir à la veillée au coin du feu.
Exemples d’inscriptions en celte cisalpin (transcription dans notre alphabet).
Rappelons ici d’abord celle de Briona en Italie, pour en donner la traduction.
TANOTALIKNOI KUITOS LEKATOS ANOKOPOKIOS SETUPOKIOS ESANEKOTI ANAREUISSEOSTANOTALOS KARNITUS. Avec en plus sur le côté gauche à la verticale la mention : TAKOS TOUTAS.
Les fils de Dannotalos, Quintus, Légat, Andocombogios Setubogios, et les fils d’Essandecotos Andareuiseos Dannotalos, ce tumulus (ont érigé). Décision (tacos) de la tribu (toutas).
Inscription de Verceil (transcription dans notre alphabet). AKISIOS. ARKATOKOK… MATEREKOS. TO… O KOT… ATOS TEUOX TONION EU. Ce qui signifie : Akisios Argantocox… Materekos a donné ? A cédé ? Cette parcelle de terrain aux dieux et aux hommes, ensemble (eu).
ÉCRITURE MASSALIOTE.
C’est l’écriture de type grec utilisée par les colons phocéens de Massalia (aujourd’hui Marseille dans le sud-est de la France) et de ses diverses colonies ou comptoirs. Elle fut adoptée en Narbonnaise avec parfois quelques caractères d’origine cisalpine, surtout en numismatique.
César. B. G. Livre I, chapitre XXIX. « Des listes nominatives furent trouvées dans le camp des Helvètes, écrites en caractères grecs, et furent apportées à César ; sur ces registres figurait, nominativement, le nombre de tous ceux qui avaient quitté leur pays, le nombre de ceux qui étaient aptes à porter les armes ; et de même, mais séparément celui des enfants, des vieillards et des femmes. Il y avait au total 263 000 Helvètes, 36 000 Tulinges, 14 000 Latobriges, 23 000 Rauraques, 32 000 Boiens. Le total s’élevait à 368 000 personnes. Ceux qui parmi eux pouvaient porter les armes étaient environ 92 000. Quand fut effectué, conformément aux ordres de César, le décompte final de ceux qui rentrèrent dans leur pays, on n’en trouva plus que 110 000 personnes ».
Autrement dit plus de 70 % de pertes ! Quel génocide !
Les Celtes ont pu acquérir la maîtrise de cette écriture au contact de la cité phocéenne de Marseille, dès le VIIe siècle avant notre ère. Cet alphabet maintint plus longtemps que le grec classique le digamma F, à la fois f, v mais aussi w. Le U voyelle était tantôt noté Y, tantôt
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OY ; mais après l’abandon du digamma, le U consonne fut également transcrit OY. L’ancien qoppa Q = q, y finit aussi par être abandonné, comme en Grèce, et remplacé par le kappa K. Le Celtique n’ayant pas de [z] le zêta grec paraît avoir été utilisé comme la lettre transcrite « d barré » en caractères latins. Les inscriptions grecques (écriture avec l’alphabet grec de textes en langue celtique) sont les plus importantes sources écrites par des Celtes, qui nous soient parvenues pour la période antérieure à la conquête romaine de la Narbonnaise.N.B. Les Galates écrivaient, eux aussi, avec l’alphabet grec.ÉCRITURE ROMAINE.
Plus tard encore survint l’adoption de l’alphabet latin de base. Sans H, J, K, W, X, Y, Z ; mais avec des lettres complémentaires, notamment le tau gallicum, une lettre spéciale (en fait un d barré, un « d » issu du thêta grec) utilisée dans les textes recourant à l’alphabet latin pour noter le son zézayé propre au celte, l’affriquée – ts. Les Romains lui attribuaient, on se demande bien pourquoi, des pouvoirs magiques. Il y avait aussi le O (thêta = th ou t aspiré), ainsi que – très rare – le S barré, chuintant. Il s’agissait d’une écriture où le son x était noté par le khi grec et non par le x = ks latin, de sorte que cette biconsonne s’y écrivait donc XS. Dans cet alphabet ainsi adapté au celtique par les très-sachants de la druidiaction (druidecht), l’emploi des caractères F et Q était assez rare. En outre, en numismatique, on trouve quelques II en tant que reconduction du H grec = ê, alors qu’en épigraphie ce ii est bien effectivement un double i : voyelle puis consonne. Pour transcription dans notre alphabet ACTUEL il suffit d’utiliser le U au lieu du V pour noter u voyelle ou semi-consonne = w. L’écriture latine a en effet longtemps confondu le U et le V : la majuscule s’écrivant V et la minuscule, u, et ce, jusqu’au XVIIIe siècle. Ce n’est que tardivement que l’écriture latine a distingué le C (k). Les premiers très-sachants de la druidiaction (druidecht) écrivant à l’aide de l’alphabet latin, n’eurent donc que le caractère C pour noter ces deux consonnes.
Exemple épigraphique en lettres capitales « classiques » : l’inscription d’Alise-Sainte-Reine en Bourgogne. Transcription. MARTIALIS. DANNOTALI IEVRV. VCVETE. SOSIN CELICNON ETIC GOBEDBI. DUGIIONTIIO VCVETIN IN ALISIIA. Traduction mot à mot… Martialis [fils] de Dannotalos ai dédié à Ucuetis cet édifice et aussi les forgerons qui honorent Ucuetis à Alise.
Traduction plus littéraire. Moi, Martialis, fils de Dannotalos j’ai dédié à Ucuetis cet édifice et avec moi les forgerons qui honorent Ucuetis à Alise (« Alésia »).
À côté de l’écriture épigraphique, assez souvent soigneusement gravée dans les inscriptions, les Britto – et Gallo-Romains utilisèrent aussi, souvent, une écriture cursive (on dirait aujourd’hui « manuscrite ») d’origine latine, en y ajoutant les lettres complémentaires utiles à la transcription du celtique. Pas d’exemples soignés, mais surtout des inscriptions d’exécration et des graffitis, dus à des céramistes. On peut remarquer que le E et le II ont été confondus en une seule lettre et que les lettres H et Y ne furent pas utilisées pour transcrire du celte. Quant au F, lui, il ne le fut que pour noter des noms propres étrangers, latins ou germaniques.
Exemple de cursive : l’inscription de Chamalières. Transcription.andedion uediiumi diiiuion risunartiu mapon arueriiatin lopites snieddic sos brixtia anderon c lucion floron nigrinon adgarion aemili – on paterin claudion legiturnon caelion pelign claudio pelign marcion uictorin asiati – con addedilli etic secoui toncnaman toncsiiontio meion toncsesit bue – tid ollon reguccambion exsops pissiiumitsoccanti rissuis onson bissiet luge dessummiiis luge dessumiis luge dessumiis luxe. Ce qui signifie sans doute quelque chose comme ce qui suit. J’invoque (uediiumi) par la force (ri-sunartiu) des dieu-ou-démons chtoniens (diiiuion andedion), Mabon/Maponos/Oengus, etc., etc.
Inscription certainement due à un descendant de druide de type gutuatre (tombé au rang de caragios, cf. saint Éloi), puisque le mot uediiu est à rapprocher du nom de la parole en vieux celtique : gutu (gedit > irlandais guidid, il prie). Quant à mi, désinence de la 1re personne de l’indicatif présent déponent, cela correspond à l’agglutination du pronom « moi ». Uediiu-mi = prie-moi = je prie.
Outre ces alphabets, il y avait aussi les écritures dites ibériques, mi-syllabiques, mi-alphabétiques, pratiquées dans l’extrême sud et dans la péninsule ibérique, par les Ibères proprement dits et par les Celtibères, mais aussi par de purs Celtes. Voir à ce sujet les inscriptions de Botorrita, de Luzaga et d’Ensérune.
N.B. La chose est à souligner. Comme le prouve bien la découverte par les légionnaires du divin Jules, dans le camp de ces malheureux Helvètes, d’archives écrites en caractères
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grecs ; pour les anciens druides, il n’y avait aucune objection de principe à se servir de cette invention humaine (ou divine selon les Irlandais) qu’est l’écriture ; mais à condition que ce soit pour un usage profane, car il ne peut pas exister par définition d’Écritures saintes. Une écriture est toujours profane puisque le sacré c’est l’Esprit qui souffle où il veut et pas la lettre ! D’où l’importance du processus de mémorisation pour les druides antiques.Bible et Coran ne sont donc que des amas de mots (souvent incohérents d’ailleurs : que vient faire dans la Bible un livre quasiment athée comme l’Ecclésiaste ? Que viennent faire dans le Coran les lettres isolées qui figurent en tête de 27 sourates, comme les lettres alif lam et mim en tête de la sourate N° 2 par exemple, voire pire encore les formules où visiblement ce n’est pas Dieu qui parle, mais un être humain qui s’adresse à lui, comme pour l’invoquer ?) des mots couchés sur du papier chiffon ou des chiffons de papier, contenant rarement le meilleur. Pris au pied de la lettre Bible et Coran sont intolérables, car en matière de spiritualité le gel de la pensée par l’écriture a toujours été la pire des choses qui peut lui arriver (elle ne peut plus évoluer si ce n’est avec les plus grandes difficultés, elle est figée). Pris au sens symbolique ou allégorique on peut en faire dire autant au livre de recettes de cuisine de ma grand-mère (vous savez la gardeuse d’oies de Pont-Varin qui a été quelques années cuisinière du château). Disons au Maha Bharata ou à Bouddha.L’attitude la plus normale à leur égard est donc de respecter Bible et Coran… dans l’exacte mesure où ils respectent eux-mêmes tous ceux qui ne pensent pas comme eux, les matérialistes athées les spiritualistes athées les agnostiques les panthéistes les polythéistes en bref les mécréants de tout poil auxquels nous nous flattons d’appartenir en tant que kafir. La réciprocité positive ou négative en matière de relations humaines est le commencement de la sagesse.
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LA DIVINATION PAR LES LETTRES : PRENNI LOUDIN ou PRENNI LAG.(« Tirage des bois » dans le calendrier de Coligny. Breton prenn denn et irlandais crann chur).
On ignore en quoi consistait très précisément le crann-chur irlandais. L’hypothèse la plus couramment avancée peut-être est qu’il s’agissait de tirer au sort un petit bout de bois de couleur blanche, noire, ou rouge, caché dans une boîte avec les deux autres. Si on tirait le petit bout de bois blanc, on était innocent ; noir on était coupable ; rouge il fallait recommencer. Bref exactement le même système que celui pratiqué avec des pierres, blanche, noire, ou rouge. Mais encore une fois, répétons-le, il ne s’agit-là que d’une hypothèse extrapolée à partir des textes nous parlant des ordalies pratiquées en Irlande.
Terminons ce bref examen des écritures connues des très-sachants de la druidiaction (druidecht) avec l’ultime perfectionnement médiéval de l’écriture celte venue (peut-être) de Cisalpine, et lointain héritier (peut-être) des caractères lépontiques ou cisalpins : les coelbrenni. Le nom de coelbrenni vient de COILU = présage et PRENNIOS = bois, arbre, car il s’agissait surtout au début de caractères gravés sur des lamelles de bois tendre ou sur les faces de baguettes servant à la divination. Le tirage au sort à partir des coelbrenni devait sans doute se pratiquer un peu de la même manière qu’avec les runes cisalpines ou lépontiques en Italie du Nord. Du moins telle est notre hypothèse à nous. Elle a le mérite au moins d’être moins simpliste et de mettre en jeu plus de trois possibilités. En fait une infinité de lectures possibles de ce que nous réserve le destin. On gravait les lettres de l’alphabet en question sur des pièces de bois tendre ou des écorces, et on les jetait sur un drap blanc pour interpréter ce que cela pouvait donner. Le Barddas apocryphe de William Ab Ithel fait du Coelbren y beirdd (signes de bois ou alphabet des bardes) un support de divination ou de prédication chez les Gallois. Les variantes de ces Coelbren y Beirdd (ou Cwttws) furent très limitées (des codifications diverses).
Contrefaçon trahissant l’esprit originel ou re-création à partir d’éléments authentiquement celtes et renouant avec l’esprit d’origine (car le néo-paganisme ne doit pas être une superstition de plus à l’instar du judaïsme du christianisme ou de l’islam, qui constituent de véritables crimes contre l’esprit, qui sont autant de régressions intellectuelles
Le gros problème de ces Coelbreni, c’est qu’il s’agit là encore probablement d’une des supercheries forgées de toutes pièces dues à Iolo Morganwg. Le Coelbren y Beirdd est en effet vraisemblablement un alphabet inventé vers 1791 par Iolo Morganwg qui prétendit alors qu’il s’agissait de l’alphabet des très-sachants de la druidiaction (druidecht), antiques. Cette contrefaçon d’alphabet druidique avait 20 lettres et 20 autres signes divers pour noter les voyelles ou d’autres particularités de la langue galloise. Elles étaient gravées sur des baguettes de bois parallélépipédiques et ces baguettes à quatre faces étaient fixées dans un cadre de façon à pouvoir tourner, ce qui permettait ainsi la lecture des lettres figurant sur les quatre côtés. Le nom de cet étrange appareil en bois était peithynen. Le fils d’Iolo Morganwg, Taliesin ab Iolo, publia cette contrefaçon en 1840. Et ledit alphabet devint très vite populaire auprès de certains poètes ou néo-druides gallois de l’époque, bien qu’Edward Davies dit Celtic Davies (1756-1831) ait mis en doute son authenticité. En 1893, J. ROMILLY Allen, rédacteur adjoint de la revue Archaeologia Cambrensis, écrivit d’ailleurs au secrétaire du Gorsedd gallois pour lui exposer qu’il pensait que ce prétendu alphabet des bardes était, en fait, une pure et simple imposture. Et n’avait rien d’authentiquement druidique. Griffith John Williams a bien redit en 1948 (Traddodiad Llenyddol Morgannwg) que les rituels du Gorsedd gallois et donc de tous les groupes qui en sont issus en France ou ailleurs dans le monde étaient complètement inventés, inventés sans même tenir compte de leur esprit originel.
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L’HÉRÉSIE OGHAMIQUE D’IRLANDE.Ainsi que nous avons pu le voir, la plus ancienne écriture celte connue ce sont les runes lépontiques (le lépontique était un dialecte celte parlé en Italie du Nord et donc ayant eu pour cela recours à une adaptation de l’alphabet des Étrusques). Les Irlandais du Moyen-âge ont par contre inventé un système d’écriture ni panceltique ni antique, qu’ils ont de façon tout à fait abusive, rattaché aussi au dieu-ou-démon Ogmios (Ogma) ; au moyen de diverses légendes, où ils ont un peu tout mélangé, comme dans les légendes milésiennes relatives à l’installation des Gaëls dans le pays (le thème biblique de la Tour de Babel, l’érudition grecque avec la localisation en Scythie, etc.). Nous n’en parlerons donc ici que pour mémoire, et nous ne conseillons nullement une utilisation intensive de ce système, sauf à des fins purement oniriques ou poétiques (comme le précédent d’ailleurs). Et ce conformément aux premiers mots de ce traité, c’est-à-dire son titre même : « Incipit Auraicept na nEces.i. eraicept, ar er gach toiseach ». Incipit (ici commence) l’abécédaire des poètes, c’est-à-dire l’eraicept, le commencement des leçons, etc. Ce système d’écriture, qui ne remonte pas au-delà du premier ou deuxième siècle de notre ère, et plus vraisemblablement au IVe ou au Ve, est une transposition de l’alphabet latin. Il consiste en séries de traits ou d’encoches plus précisément, horizontales ou obliques, gravées sur l’arête d’une pierre levée, ou un pilier de bois. Les inscriptions sont toujours des dédicaces ou des éloges funèbres. À quelques exceptions près comme la célèbre fusaïole de Buckquoy (dans les Orcades) dont l’inscription de toute façon fait certainement moins païenne que le « moni gnatha gabi buddutton mon » de la fusaïole trouvée à Nevers (en France) en 1845, qui signifie quelque chose comme « viens ma fille donner un baiser, viens »). On ne trouve des spécimens de cette écriture oghamique (400 inscriptions) qu’en Irlande et dans l’ouest de la Grande-Bretagne : Pays de Galles, Écosse. Car les Pictes, influencés par les Goidels, ont eu également recours à un alphabet oghamique, quoique sensiblement différent. Il n’en existe aucun exemple sur le continent. Ainsi que nous aurons l’occasion de le voir ci-dessous, le manuscrit du livre de Ballymote, l’auraicept, contient de très nombreuses variantes de cet alphabet. Les deux autres documents à ce sujet sont le « De Duilib Feda na Forfid » (valeurs des forfeda) ainsi que le « Lebor Ogaim » ou traité des oghams. À chacun maintenant de comparer ces variantes pour se faire une idée plus exacte de ce système d’écriture médiéval. Certaines d’entre elles sont fort curieuses et ne sont pas sans faire penser à des conceptions métaphysiques ou cosmogoniques. On y trouve notamment des lettres disposées en cinq cercles concentriques (la fenêtre de Finn), mais aussi sur quatre carrés s’emboîtant les uns dans les autres, le carré central étant barré en croix (les diagonales ? Une quadruple enceinte ? ? Le plan type d’un sanctuaire ? ?). Nous n’en dirons pas plus sur ce système d’écriture, puisqu’il n’est ni pan celtique ni ancien, et pour tout dire fort suspect. L’écriture oghamique aurait été inventée avec la langue gaélique après la chute de la tour de Babel… Rien que ce détail suffit à montrer le peu de sérieux d’un tel système, inventé par un prince scythe appelé Fenius Farsaid. L’Auraicept prétend d’ailleurs que c’est aussi ce Fénius Farsaid qui aurait inventé les alphabets les plus anciens, hébreu, grec et latin (rien que ça) ; mais que c’est l’alphabet oghamique appelé par lui Beithe-luis-nuin, qui aurait été le plus réussi, puisque mis au point en dernier. Les noms que Fénius Farsaid aurait donnés à ces runes auraient été les noms de ses 25 meilleurs disciples. Assez curieusement, une autre section de l’Auraicept na n-Éces crédite le dieu-ou-démon Ogmios de la même invention. Il aurait mis au point cet alphabet pour une élite, et seulement pour cette élite, afin qu’ils puissent dialoguer entre eux sans être compris des ignorants. « Quels sont l’endroit, l’époque, la personne et la raison, de l’invention des runes oghamiques ? Ce n’est pas difficile. C’est du temps de Bress, fils d’Elatha, qu’elles ont été inventées. Leur inventeur en fut un homme fin connaisseur en langage et en poésie, Ogma [Ogmios], fils d’Elatha, fils de Delbaeth [Taran/Toran/TuireannTaranis], un frère à Bress ; car Bress, Ogma [Ogmios], etc. étaient les trois fils d’Elatha fils de Delbaeth [autrement dit Taranis]… La cause de son invention est que ce langage devait appartenir aux seuls érudits, à l’exclusion des rustres et des simples bergers. Autres questions à son sujet. Qui sont le père et la mère des runes oghamiques ? Quel est le premier nom qui fut écrit en runes oghamiques ? Avec quelles lettres fut-il écrit ? Par qui fut-il écrit ? Hic voluuntur omnia… Ogam vient d’Ogma [Ogmios], suo inventore primo, en accord avec le son, quidem ; mais ogum, c’est aussi og-uaim, une allitération parfaite dont les vellèdes (file) se servaient pour leur poésie. Le père de la rune
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oghamique est donc Ogma [Ogmios], et sa mère, c’est la main ou la dague dont il s’est servi pour cela, etc.etc. ».Le premier texte écrit en runes oghamiques aurait été ; à en croire ce traité médiéval ; une suite de 7 « b » gravés sur une écorce de bouleau, signifiant « ton épouse sera emportée sept fois dans l’autre monde, à moins que ce bouleau ne l’empêche », et destinée à Lug. Raison pour laquelle le « b » correspondant à l’arbre appelé « bouleau » serait aujourd’hui la première lettre dudit alphabet. Cette partie du traité nous explique ensuite pourquoi les noms correspondant aux lettres en question furent des noms d’arbre, et non ceux des disciples de Fenius, etc.etc. Au secours !
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CONCLUSION SUR LE DRUIDISME (ANTIQUE).
Lucain (Pharsale, livre I vers 452). « Et vous… druides… à vous seuls il est donné de connaître, comme de les ignorer, les dieux et les puissances célestes ».
Aspect sociopolitique.
Les très-sachants de la druidiaction (druidecht), antiques, dont la sodalité (sous le nom de dikastes en Asie Mineure) agrégeait l’Intelligentsia celtophone, avaient une mission de maintenance et d’instruction de la société celtique, et ils assuraient sa cohésion mentale en l’absence d’unité politique. Il leur appartenait donc à ce titre de superviser la religion de leur peuple.
Les opinions religieuses répondent à deux préoccupations quasi indépendantes. Pour une minorité, suffisamment armée intellectuellement pour s’y risquer, il s’agit d’une « quête du Graal » c’est-à-dire d’une réflexion personnelle : la recherche de la Vérité par le libre examen et la méditation. Pour le plus grand nombre, il s’agit seulement de l’adhésion à une collectivité où l’on se sent en communion de sentiments, et où l’on trouve des certitudes, des directives de conduite, ainsi qu’une certaine sérénité quant à l’après-vie ; donc le cas de la grande majorité des Celtes antiques.
« Heureux sont les peuples qui regardent la Grande Ourse à cause de cette erreur ; car ils ignorent cette peur suprême qui effraie tous les autres, de là cet esprit [en latin mens] enclin à se jeter sur le fer, cette force de caractère [latin anima] capable d’affronter la mort » (Lucain. Pharsale. Livre I).
Ces « cultes » et cette profusion de croyances peuvent être légitimement qualifiés de « religion druidique » puisque les très-sachants de la druidiaction (druidecht) en amélioraient le niveau intellectuel par leur doctrine de la longue vie des individus ou de l’univers et par une éthique exigeante. Sans renoncer à leur philosophie moniste relativiste, les très-sachants de la druidiaction, antiques, invitaient leurs compatriotes à « honorer les dieux » ; car nombre d’entre eux considéraient les différentes divinités du panth-éon comme les expressions respectables d’une perception honnête, de phénomènes pouvant être envisagés comme des « hypostases » (vyouha dans l’hindouisme) du Destin. Bref, l’ancien druidisme était au paganisme celtique ce que le Brahmanisme est à l’Hindouisme : une différence de point de vue dans un cadre commun.
Avec évidemment des variantes, la pensée druidique ancienne peut donc être résumée par le triptyque ci-dessous. Divinité cosmique à la fois immanente et transcendante (une sorte de chaudron cosmique), le Destin. Émanations et hypostases (vyouha dans l’hindouisme. Ce que les musulmans condamnent en appelant cela du chirk). Pour le peuple un Panth-éon ou plérôme et une mythologie (folklore respectable contenant un symbolisme ayant une certaine valeur).
Aspect philosophique.
Strabon, livre IV, chapitre IV, 4. « De toute façon, non seulement les druides, mais aussi tous les autres disent que l’âme, ainsi que l’univers, sont indestructibles, mais qu’un jour le feu et l’eau prévaudront sur eux ».
Malgré les apparences (la citation de Strabon à ce sujet doit être correctement interprétée), nos lointains ancêtres (spirituels) avaient su éviter le double écueil (des Charybde et Scylla de la mer bleue et profonde, de la peste ou du choléra) que sont le monisme absolu et le dualisme absolu. Il n’y avait chez eux que des monismes relatifs ou des dualismes toujours aussi relatifs. Mieux même, bon nombre d’indices montrent qu’il n’existe pas en effet, dans le paganisme celtique, de coupure absolue entre un soi-disant ou prétendu créateur (un démiurge), et des créatures soumises à son bon vouloir. Le monde, qu’il soit divin ou humain d’ailleurs, est UN et il n’y a que des états différents d’un même être (l’eau reste de l’eau, même si elle est gelée, donc sous la forme de glace, ou transformée en vapeur).
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Les différences entre panthéisme et panenthéisme peuvent être graphiquement schématisées comme suit. Deux cercles quasiment de même diamètre et concentriques : panthéisme. Deux cercles de diamètre très différent et qui ne sont pas concentriques, le plus petit englobé dans la partie inférieure du plus grand : panenthéisme. A contrario le créationnisme du démiurge judéo-islamo-chrétien pourrait être représenté ainsi : deux cercles de diamètre très différent alignés verticalement, en commençant par le plus grand (Dieu est toujours le plus grand). Bien séparés. Ou tangents. Ou s’interpénétrant plus ou moins comme dans la théorie des ensembles de Georges Cantor.Le panenthéisme est essentiellement une combinaison de théisme (Dieu est l’être suprême) et de panthéisme (Dieu est tout). Alors que le panthéisme affirme que Dieu et l’univers sont coextensifs, le panenthéisme soutient que Dieu est plus grand que l’univers et que l’univers est englobé par Dieu. D’après le panenthéisme Dieu est dans tout l’univers, mais Dieu est quand même plus grand que lui (que l’univers). Le panthéisme par contre tient que Dieu n’est pas la cause, mais « l’effet suprême » de l’univers. Les événements et les changements qui surviennent dans l’univers affectent Dieu et le changent. Au fur et à mesure que l’univers croît et apprend, Dieu aussi se développe en savoir et en étendue. Le mot panthéisme apparaît pour la première fois en 1720 dans le Pantheisticon du néo-druide John Toland.
Dans l’ontologie de type druidique ou du moins d’esprit celte, 3+ 3+3 = 10. On appelle synergie médicamenteuse pas simplement additive, mais potentialisatrice, l’interaction médicamenteuse dont l’effet thérapeutique est supérieur à celui de chacun des médicaments pris de façon isolée. Et bien de la même façon le panthéisme druidique n’était pas un panthéisme ordinaire, c’était un panthéisme de type « le tout fait plus que les parties et a des propriétés spécifiques », ce qui évidemment, sans l’égaler à ce dernier *, le rapprochait beaucoup du panenthéisme qui était d’ailleurs une doctrine également professée par certaines Écoles de très sachant de la druidiaction, antiques ; puisqu’également compatible avec la sensibilité religieuse de tous ceux qui étaient spirituellement celtes (comme les Celtibères d’Espagne les Teutons de Germanie voire les Gètes ou Daces de Thrace).
Les philosophies religieuses affirmant qu’il existe une réalité divine qui préside à la destinée du monde, considérant par conséquent que la nature et la condition humaine sont une manifestation de Dieu, relèvent donc panenthéisme « tout est en Dieu ». Dieu est considéré comme l’acteur divin qui joue simultanément les innombrables rôles des hommes, des animaux, des plantes, des étoiles et des forces naturelles. Les exposés les plus typiques du panthéisme acosmique ou panenthéisme proviennent de la tradition hindoue, dont le principal représentant philosophique fut le penseur indien Sankara.
Inversement, les avocats du panthéisme cosmique se réfèrent à la totalité des entités finies et changeantes, totalité à laquelle ils donnent le nom de Dieu. Dieu est simplement toutes les choses de l’univers. Tout ce qui existe est en Dieu et réciproquement. Le panthéisme est donc un naturalisme de la divinité de la Nature. Le naturalisme, au sens propre, peut être défini comme une doctrine athée qui ne reconnaît d’autres principes que les lois ou forces de la Nature. Le panthéisme s’identifie ainsi, sous ce rapport, à un naturalisme déiste, déterministe en cela qu’il est lié au concept de nécessité.
Il se distingue notamment sur deux points des diverses monolâtries de masse connues sous le nom de judaïsme christianisme ou islam.
Tout ce qui est, existe non seulement par Dieu, mais en Dieu. Dieu n’est pas un être personnel distinct du monde, mais lui est immanent (et cela en opposition donc, selon les métaphysiques traditionnelles, à la notion de Dieu créateur et transcendant).
Cette conception moniste du monde implique donc qu’il n’existe pas de frontière absolue ou totalement étanche entre le minéral le végétal l’animal et l’humain, voire le divin. Elle entraîne par conséquent le refus des dualismes de toute nature, le refus des antinomies résultant des simplifications plus ou moins arbitraires. Il ne faut pas confondre néanmoins le monisme relativiste des très sachants de la druidiaction antique avec le monisme absolu des philosophes indiens comme Sankara ou certains bouddhistes. Si les très sachants de la druidiaction primordiale ont très tôt reconnu l’unité de substance ou d’essence de tout ce qui peut exister, peut-être même de façon immémoriale, car l’Homme de Néandertal n’était certainement pas moins intelligent que nous, ils ont par contre toujours admis la pluralité la plus grande pour ce qui est des accidents affectant la surface de ladite substance ou essence des choses, et des êtres. Ils n’ont jamais récusé la réalité globale du fini changeant ni
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contesté la réalité du hasard ou de l’autonomie (liberté relative) des individus ; ni considéré comme purement illusoire ou fantasmatique la personnalité des individus.Il ne faut pas se tromper sur l’interprétation de la fameuse citation de Strabon, la première de ces dichotomies absolues récusées ainsi est l’opposition entre « Âme » et « Matière ». De même que la glace n’est qu’un état d’être différant de l’eau (gelée ou pas, la glace reste essentiellement de l’eau), la matière n’est qu’un état différent de l’âme universelle. Il y a par conséquent dans le druidisme antique authentique, refus du conflit entre « Spiritualisme absolu » et « Matérialisme absolu », tenus comme exclusifs l’un de l’autre. À cet égard, le druidisme nous paraît singulièrement plus compatible que le judaïsme le christianisme ou l’islam, avec la pensée moderne, qui tient ces antagonismes comme étant dépassés.
Aspect cosmologique.
Conception d’un univers ou bitos cyclique, issu de l’œuf cosmique ou œuf de serpent, un univers qui, au bout d’une certaine durée (une longue vie) aura une fin puis, peut-être, un recommencement, autrement dit : involution, explosion/éclosion, expansion, résorption cataclysmique et concentration des énergies. C’est d’ailleurs ce que proposait aussi le chrétien celte et druidisant du IXe siècle Scot Erigène, le chanoine belge Georges Lemaître avec son grand boum, et ce que le Français que Teilhard de Chardin a désigné comme étant le « Point Oméga », quoique dans une moindre mesure. Tous deux plus ou moins considérés comme hérétiques par l’Église catholique romaine, qui pourtant affirme que son Dieu est « l’alpha ou l’oméga » de toutes choses.
Concepts d’univers parallèles et s’interpénétrant, avec des paramètres spatio-temporels différents. Là aussi c’est une idée avancée, dans le cadre de la Relativité, par certains penseurs actuels…
Il n’est pas inutile à cet égard de rappeler que les sidh celtiques d’Irlande correspondent étroitement aux bouddhakshettra connus à l’autre bout du monde aryen.
Bouddha kshetra, terre de bouddha ou champ de bouddha, est en effet un terme bouddhiste qui désigne un domaine de l’univers dans lequel un bouddha donné exerce son activité ou son influence un peu comme Cornunnos chez nous…
Ci-dessous quelques noms de terres pures. La Terre de la Solennité secrète du bouddha Vairocana, décrite dans le Mitsugon kyo. La Terre pure du Pic du Vautour, où règne l’enseignement du Bouddha Çakyamouni. La Terre pure du mont Potakala, du bodhisattva Avalokiteshvara. Alors pourquoi pas la Terre pure (au-delà celtique) du bouddha Belinos Barinthus Lerognatos (Manannan chez les Gaëls) ?
Ainsi considéré, l’Univers est un ensemble vivant, formé d’éléments vivants. Et la planète Terre à l’instar des autres éléments du Cosmos (dont l’immensité intergalactique n’était certes pas soupçonnée au temps des très-sachants de la druidiaction, antiques) est considérée comme une entité vivante, issue de la matière cosmique de l’œuf de serpent primordial**.
Aspect théologique. Dans cet univers vivant et organisé, le bitos, se manifeste la présence d’un « Étant » ou plus précisément d’un « Qui est » (latin ens) supérieur, l’âme du Cosmos, si incommensurablement supérieure à l’intelligence humaine qu’elle est carrément DIVINITÉ. Dans la conception druidique de l’époque, c’est cette âme cosmique qui est à l’origine des âmes des humains. Et celles-ci, éventuellement après une ou plusieurs incarnations en ce bas monde (cas rarissimes, exceptionnels mêmes) et/ou des « séjours » en plusieurs « mondes », seront réabsorbées dans la Divinité, au plus tard lors d’une « fin de monde » encore à venir (erdathe générale). Cette conception moniste relativiste ou dualiste relativiste, de l’Univers, ou Bitos, amène à considérer cette âme cosmique comme à la fois transcendante et immanente : partout présente et en aucune façon anthropomorphe. Donc pas de nom propre qui serait l’application à son sujet d’un vocable issu d’une langue humaine. Il s’agit d’une forme de panthéisme ou à la rigueur de panenthéisme (suivant les Écoles), mais certainement pas d’un monothéisme* **.
* La réflexion des très sachants de la druidiaction a toujours évolué entre le panthéisme l’agnosticisme et le matérialisme athée (les trois pointes du triangle magique à l’intérieur duquel il tourne comme un triscèle) et on ne peut donc pas vraiment placer un signe « égal » entre le panthéisme de type druidique et le panenthéisme de type déiste.
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** Voir l’hypothèse qui intègre pour notre planète la notion de biomasse, régulée comme par une mystérieuse intelligence. Une hypothèse que l’Anglais James Lovelock aurait pu baptiser Litavis, ou Nerthus, du nom de notre bonne vieille Terre chez les Celtes, mais qu’il a préféré, on se demande bien pourquoi, baptiser Gaïa en 1970 (Gaïa est l’interpretatio graeca de Nerthus. Ou Litavis).*** Dans la mesure où l’on entend par ce terme la croyance en une divinité personnelle isolée, dotée d’un nom propre, et considérée comme unique, exclusive de toute autre ; que ce soit à l’échelon tribal ou ethnique, voire à l’échelle cosmique.
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ANNEXE N° 1.
COMMENT TIRER LES RUNES CISALPINES ?
La racine indo-européenne du mot « rune », rûn, signifie « mystère » ou « secret ». Les premiers peuples ayant pratiqué ce mode voyance ont certainement été des peuples celtes du nord de l’Italie. Les runes cisalpines ou lépontiques devaient être à l’origine essentiellement des marques verticales et diagonales avec très peu de courbes ou de traits horizontaux afin d’être plus faciles à graver sur du bois en en respectant le grain, mais elles ont dû également être utilisées pour écrire sur de la pierre du métal voire du cuir.
La méthode de divination par les runes est assez simple dans son principe (la cléromancie) et n’a rien à voir avec les hypothèses couramment avancées à propos du crann chur irlandais, mais bien entendu elle pose elle aussi tout le problème de la possibilité (ou pas) de prédire l’avenir (sur ce point, se reporter à nos leçons ultérieures).
On découpait des planchettes de bois (coiluprenni, coelbren en gallois d’aujourd’hui) que l’on gravait ensuite de lettres de l’alphabet cisalpin. Ces coiluprenni ou coelbrenni étaient ensuite éparpillés au hasard sur un drap blanc analogue à celui qui devait servir pour la cueillette du gui. La personne venue consulter en choisissait ensuite trois toujours au hasard, et ces trois coiluprenni donnaient la réponse.
Le livre des oghams irlandais (Lebor ogaim) a peut-être recueilli des restes ou des bribes de cette science disparue si l’on en croit R.A.S. Macalister et son essai intitulé « les langues secrètes d’Irlande » paru en 1937. On y trouve en effet un certain nombre de noms assez imagés, donc parlant (des symboles?) Notons tout d’abord que ce traité des oghams mentionne carrément plusieurs types d’alphabets. Dont certaines variétés servant à crypter des messages. Exemple le Runogam na fianna ou alphabet secret des guerriers Fénianes. Autres variétés d’alphabets. L'ogham du nez (sronogam). L’ogham de la paume (basogam). L’ogam du pied (cossogam).
Voici, à titre d’exemple, le court texte de l’ogham du garçon (macogam) utilisé dans la tradition irlandaise médiévale afin de déterminer le sexe de l’enfant à naître.
« Le nom de la femme enceinte est divisé par deux à moins qu’elle n’ait déjà porté un enfant. Si elle a déjà porté un enfant, c’est le nom de l’enfant qui est divisé par deux ; s’il y a une lettre de plus ce sera un garçon. Si c’est un nombre pair, ce sera une fille, qui sortira de cette grossesse ». Ce qui semble vouloir dire qu’un nom avec un nombre impair de lettres annonce un garçon, un nombre pair une fille.
Les oghams sont également regroupés en séries dont voici les noms.
L’ogham des oiseaux (enogam). L’ogham des couleurs (dathogam). Les oghams agricoles (ogam tirda). L’ogham de l’eau (ogam uisceach).L’ogham du chien (conogam).L’ogham de la vache (bo-ogam).L’ogham du bœuf (dam-ogam).L’ogham de l’art (danogam). Etc.etc.
Notons enfin qu’il y existe une bien mystérieuse fenêtre de Finn (fege Finn en gaélique). Une fenêtre sur l’autre monde??? Une habitation ?
N.B. Le gros problème des oghams est que, s’ils sont bien irlandais, malgré leur très grande force poétique, ils n’ont rien d’antique, et constituent, en fait, une adaptation de l’alphabet latin remontant au Ve siècle de notre ère.
N.B. Il est assez peu probable que les peuples germaniques aient pu inventer un tel alphabet à partir de rien quelques millénaires après l’apparition des premiers. Ils ont donc dû emprunter ce système d’écriture aux alphabets italiques nord alpins et l’ont adapté à leur langue (Seebold, Krause, Jensen et Coulmas pensent que ces Germains auraient été des Hérule ; nous ne sommes pas en mesure de confirmer ni d’infirmer une telle hypothèse) ; afin de transcrire leur propre langue, ce qui a donc donné l’alphabet proprement germanique qu’est le futhark (ou futhorc, pour en savoir plus à ce sujet voir nos frères en paganisme nordique ou germanique).
Comme dans le cas de notre moderne tarot, dont certaines cartes sont, soit dit en passant, bien étranges (le pendu, la roue de fortune, etc.) tout dépend de l’art du commentaire du voyant et de son degré d’honnêteté personnel. Un peu comme dans le monde politico-médiatique d’ailleurs.
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Nous mettons néanmoins en garde nos lecteurs contre les charlatans et les imposteurs qui prolifèrent en ce domaine. La plupart des voyants ou pseudo-voyants utilisent des énoncés qui peuvent être interprétés de plusieurs façons, ou ne peuvent pas être contredits. La majorité utilise des formulations comme « vous pouvez » ou « il se peut », etc. Tout cela relève plus de l’effet Barnum que de la voyance authentique. L’attitude de la plupart d’entre eux va d’ailleurs nettement à l’encontre de l’esprit scientifique, et ils ne remettent jamais en question leurs théories. Aucune discipline scientifique ne peut et ne prétend pouvoir prédire avec précision le futur. En affirmant posséder la connaissance de l’avenir, ces voyants se font donc passer pour des privilégiés dotés d’un don mystique, ce qui ne s’accorde aucunement avec les vraies sciences qui fondent leurs théories sur des faits naturellement explicables. D’ailleurs, ces prétendus « experts » en la matière ne s’entendent pas eux-mêmes entre eux sur l’avenir en question. En conclusion. Tout cela soulève le problème de la possibilité de connaître l’avenir. Rien n’est moins sûr. Ce qui est mis en jeu dans ces prenni lag, prenni loudin, crann chur ou tirage au sort des runes cisalpines, n’est peut-être que de la caractérologie doublée d’une extrapolation intuitive ou pas (dans ce cas c’est un pronostic) du cours des événements, s’appuyant sur un certain nombre de données considérées comme signifiantes (les signes).Fondamentalement, un caractère peut être analysé selon trois axes. L’émotivité. L’activité. L’activité est le fait d’agir délibérément, volontairement, en vue d’un but, et non sous le coup d’une émotion. L’Actif est un extraverti qui agit sur le monde : il construit, noue des relations, agit volontairement, vers des buts qu’il s’est fixé. L’obstacle le stimule. L’Inactif est un introverti qui réfléchit sur le monde : il n’agit que par nécessité. L’obstacle le fait facilement renoncer. Le degré de retenue ou pas des réactions (primarité/secondarité). Un primaire se fâchera vite, mais passera l’éponge presque aussi vite ; un secondaire peut ne pas réagir sur le moment, mais se venger avec détermination des années plus tard.
N.B. La typologie de Jung est différente. Elle repose sur une observation de l’orientation de l’énergie des individus : vers les autres pour les extravertis, vers les idées ou le corps, pour les introvertis.
La Rochelle le 13 11 2007.
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Toulon le 15 06 2006.
Mémo pour les prêtresses celtes ou les vellèdes.
Comment tirer les runes aujourd’hui (et ce, dans une optique néo-druidique, car il ne s’agit en aucune façon de retourner au druidisme antique qui est définitivement mort, et dépassé). Il n’y a pas lieu de ressusciter le druidisme antique en le clonant, mais de féconder le monde d’aujourd’hui avec ses meilleurs principes.
Pour tirer les runes celtes cisalpines, il faut disposer d’un sac en cuir ou en peau de grue (comme le sac des Fénianes irlandais par exemple), où sont rangées les 15 lettres de l’alphabet cisalpin ; d’une pièce de tissu, blanche de préférence, qui servira de support comme pour la cueillette du gui ; et d’une surface plane.C’est sur la pièce de tissu que l’on disposera les runes tirées à partir du sac ou vidées hors du sac par le consultant puisque ce mode de divination est fondé sur la cléromancie, du grec klêromanteia, de mantikê mancie et klêron sort. C’est-à-dire qu’il se sert comme révélateur des mouvements provoqués au hasard par l’être humain, le pur hasard étant considéré comme l’expression immédiate de la volonté divine. Tacite dit que l’on observait trois fois chaque morceau de bois gravé. Ce qui peut signifier que les prêtresses ou les vellèdes recommençaient trois fois leur analyse des runes disposées devant elles après avoir été tirées par le consultant. Afin de ne pas se tromper dans leur interprétation sans doute et de tenir compte de l’ensemble du message des dieux (ou démons bien sûr, diront plus tard les chrétiens, oubliant un peu vite que la Bible mentionne bien elle aussi des ourim et des thoummim).
MÉTHODES ET FIGURES.
Il existe deux grandes méthodes afin de tirer les runes. Soit le consultant les sort une par une de leur sac avant de les poser sur le drap blanc à l’endroit indiqué du doigt par le voyant pour former la figure choisie. Soit il vide le contenu du sac devant lui après avoir bien mélangé les runes à l’intérieur.N.B. En pratique cette méthode ne fonctionne vraiment qu’avec un nombre
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suffisamment réduit de runes. 3 ou 6 par exemple. Si on utilise de la sorte les 16, on peut alors se retrouver avec une sorte de mikado celtique vraiment difficile à interpréter. On appelle figure le dessin schéma ou symbole que l’on peut former avec ces runes tirées au hasard. Si le consultant a choisi la première méthode de tirage au sort. Si le consultant a préféré la deuxième méthode, le voyant dans ce cas devra se débrouiller avec. Heureusement nos ancêtres, dans leur grande sagesse, s’accordaient toujours la possibilité de recommencer le lendemain apparemment. Du moins c’est ce que l’on peut déduire du texte de Tacite.N.B. Comme nous le verrons ci-dessous, une des figures actuellement utilisée par les voyants et soumise au choix préalable du consultant, est dite « croix celtique ». Comme toute croix, celtique ou pas, elle est donc éminemment suspecte. Peut-être vaut-il mieux la réinterpréter en tant que « rouelle » solaire que l’on pourra dès lors toujours qualifier de celtique si l’on y tient, sans problème, puisqu’il y en a justement 4 de gravées sur la pierre de Briona en Italie.
1. Comment procéder ? L’interprétation peut se faire avec 3 runes certes, mais aussi avec 4, 5, 6, 7, 8… 15, ou 16, runes. Il n’y a pas de rituel particulier. Il faut cependant essayer de créer une atmosphère, une ambiance qui soit propice au recueillement ou à la concentration. Jadis, le consultant devait respecter une certaine chronologie avec des points de passage obligés. Il devait, tout en mélangeant les runes contenues dans le petit sac, commencer par s’adresser aux dieu-ou-démons en improvisant une prière de son choix. Ensuite…
— Étaler la pièce de tissu sur une table, si possible en bois. Si l’on est en pleine nature, on peut même disposer le drap blanc directement sur le sol, comme pour la cueillette du gui.
— Placer les 16 runes dans le sac en plumes ou en cuir de grue, après les avoir comptées.
— La personne venue consulter, dans le silence le plus complet, doit se concentrer, faire le vide en elle et penser à la question qu’elle souhaite poser. Cette question doit être simple, éviter les formulations négatives, et ne concerner qu’un seul sujet. Par exemple : « Dois-je prendre telle décision ? »
— Après avoir mélangé les runes, le tirage peut commencer, éventuellement les yeux fermés ou en regardant ailleurs, les yeux levés au ciel par exemple.
— La prêtresse celte ou le vellède indique ensuite au consultant où placer les runes tirées au sort afin de constituer ou dessiner la figure choisie par lui. Il doit le faire sans chercher à en changer le sens.
2. La position des runes. Au fur et à mesure du tirage, les runes sont donc ainsi disposées sur le carré d’étoffe. Leur position a une signification bien précise.
Différents cas peuvent se présenter.
— La rune peut être posée face gravée apparente et à l’endroit.
— La rune peut être posée face gravée apparente et à l’envers.
— La rune peut être posée face gravée cachée, mais à l’endroit.
— La rune peut être posée face gravée cachée, mais à l’envers.
N.B. Envers et endroit doivent s’apprécier du point de vue du consultant. C’est à lui que le message des dieux est destiné, pas au voyant qui en l’occurrence n’est qu’un interprète.
Certaines runes sont dites absolues. Quelle que soit leur position, elles auront toujours la même signification. C’est le cas de la rune WYND, ou rune blanche, équivalent de la pierre rouge des ordalies d’Irlande (les deux autres étant noire ou blanche).
Pour les autres, on peut dire qu’à l’endroit, elles auront une valeur plutôt positive, MAIS qu’à l’envers et face cachée, elles auront plutôt une valeur négative.
3. Les différents types de figures.
— La consultation des fées de type matres ou des bethen (les trois vierges) : avec trois runes. C’est la figure la plus simple et qui permet d’obtenir des réponses du genre « oui » ou « non » aux questions posées. Il suffit de disposer de trois runes sur notre pièce de tissu blanc servant à la cueillette du gui.
Le sens de lecture des lignes horizontales est de gauche à droite et s’il le faut éventuellement (s’il y a plusieurs lignes) en commençant par celles du haut. Le sens de lecture des lignes verticales (oui, sur la stèle de Briona qui a été gravée en runes cisalpines, il y a aussi une ligne verticale, pas simple tout ça) du bas vers le haut (takos toutas).
Le tout en se plaçant du point de vue du consultant, ainsi que nous l’avons déjà dit, pour la prêtresse celte ou le vellède cela doit être le contraire.
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Le consultant prend trois runes au hasard, qu’il pose sans regarder, la première à sa gauche, la deuxième juste en face de lui, la troisième à sa droite. S’il a des bethen face gravée cachée, le voyant peut les retourner.— Si les trois runes sont à l’endroit, la réponse est positive.
— Si elles sont à l’envers toutes les trois, la réponse est négative.
Dans les autres cas, deux à l’endroit et une à l’envers, ou inversement, il faudra nuancer la réponse en fonction des runes présentes dans le tirage. On considère souvent que la rune la plus à gauche représente le passé, celle du milieu, le présent et la bethen qui est la plus à droite le futur. Il faut affiner la réponse en se reportant à la signification des runes constituant les trois bethen.
Le tirage de la rouelle solaire simple : avec cinq runes.
4
123
5
Ce second type de tirage permet de faire un bilan, une analyse personnelle. Les trois positions centrales (123) correspondent au passé, au présent et au futur. Ce sont les trois bethen. La position supérieure (4) traduit l’aide que le consultant peut espérer, la position inférieure, toujours pour le consultant (5) donne une réponse à une interrogation ou à l’état d’une situation, mais sans possibilité d’interprétation et sans nuance.
Comme pour la consultation des trois bethen de la figure précédente, la figure de la rouelle solaire de base permet une interprétation qui va de trois mois dans le passé, à trois mois dans le futur, avec une dizaine de jours d’écart dans la prédiction.
Certains charlatans actuels ajoutent le tirage de la croix celtique : avec dix runes. Ce tirage a des similitudes avec le tarot *. Tout comme lui et tout comme la croix dite abusivement celtique (le vocabulaire gallois de la croix celtique est dû à Iolo Morganwg et cela le rend très suspect), il constitue par conséquent une imposture. Nous conseillons donc au comrunos de s’en tenir aux deux premières méthodes.
* Dont certaines cartes sont néanmoins troublantes : exemple le pendu, la roue de la Fortune, etc.
Mais revenons à nos moutons, les runes de l’alphabet cisalpin. Ces runes sont classées en trois familles (aicmi, pluriel d’aicme) de six, cinq, et quatre feda (lettres) chacune.
La première famille (aicme) de runes, la VETARK, est attribuée à Aesus et exprime ce qui a trait à la vie de l’Homme ainsi qu’à son quotidien. Cette première aicme représente la fertilité, la fécondité, la force de la vie et ses manifestations en l’Homme. Ici c’est le monde de l’épanouissement de l’esprit (de l’être humain) qui prime. C’est l’aicme du « Savoir ». Uruz (U et V). Fehu ou Feoh (E). Gebo, Gyfu (T et D). Ansuz ou Os (A). Raido ou Radh (R). Kaunan, Kenaz, Ken (C, G, K).
Le second groupe exprime tout ce qui a trait aux forces extérieures et aux éléments, et symbolise les puissances perturbatrices de la vie quotidienne. Il est associé au grand Cornunnos (Heimdall dans le monde germain). Cette deuxième aicme représente le monde qui nous entoure. Elle nous montre comment s’y intégrer ou y prendre part. C’est le monde intermédiaire entre les hommes et les dieux-ou-démons. C’est l’aicme du « Pouvoir ». Cette famille de fedas (lettres cisalpines) représente l’évolution de l’Homme vers un plus grand développement de son esprit et de sa magie intérieure, elle le fait grandir psychologiquement. Algiz, Eolh, Elhaz (X); Hagalaz, Haegl (N); Isaz, Is (I); Eihwaz, Eoh (S); Pertho, Peorth (L).
La troisième aicme constitue le groupe de Noadatus/Nuada/Nodons/Lludd (équivalent de Tyr dans la mythologie celtique) ; elle exprime tout ce qui a trait au sacré, au spirituel et à la foi. Cette dernière famille de fedas exprime le monde des forces divines dans leur rapport avec les hommes, mais aussi leur rôle dans la destinée. C’est l’aicme du « oser » ou encore du « faire ». Il est constitué des quatre dernières fedas (lettres) de l’alphabet cisalpin. Ehwaz, Eh (M). Mannaz, Man (SS ou D barré). Laguz, Laukaz (P et B). Ingwaz, ing (O).
La dernière rune est la rune blanche (Wynd) et, comme la pierre rouge du crann chur irlandais, ne comporte aucun signe. Elle est appelée en celte forfeda, ce qui signifie « lettre supplémentaire ») et en germanique wyrd d’un radical indo-européen – uert « faire tourner la roue, filer ». Mais quel est le celtisant qui pourra résister à la tentation d’en faire aussi une wynd ou page blanche, sur laquelle écrire notre avenir (dans ce cas wynd, du celtique vindos blanc). La rune blanche ou rune des trois fées qui tissent notre destinée (passé présent avenir). Inséparables, ces trois fées de type matres ou bethen n’existent que l’une par rapport aux autres. Cette rune appelée forfeda, dont il est bon de préciser qu’elle est de nature absolue, peut annoncer un événement inévitable ; mais dans un tel cas, il ne faut pas
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confondre inévitable et défaitisme. Ce qui est inévitable peut prendre une forme positive ou négative. En fait, tout dépend de la place de Wynd dans un tirage et d’autres lettres cisalpines qui lui ont été associées. Cette rune blanche peut également annoncer un changement radical dans un domaine particulier lié au consultant. Là encore, cela peut prendre une tournure avantageuse ou désastreuse. Enfin, une autre interprétation que l’on peut donner à Wynd, est celle de secret : la rune blanche signifie que quelque chose doit rester secret, pour le plus grand bien du consultant. Ou encore que les dieux ne veulent pas révéler à quelqu’un ce qui l’attend, car cette personne ne mérite pas de connaître sa destinée.Les différentes fedas de l’alphabet cisalpin lépontique.
— Ansuz ou Os (A). Entité associée : le dieu-ou-démon Aesus, ou Hesus ? Cette rune celte a un sens similaire à celui du terme grec logos, la parole de Dieu-ou-Diable. Elle représente le pouvoir divin, le pouvoir du contrôle et de la création. Du point de vue de la spiritualité, elle représente la prophétie et la révélation. Elle allie les idées de sagesse, de savoir, de raison et de communication. C’est donc une rune d’initiation et de bon conseil. Elle peut aussi faire référence à un examen, ou simplement un entretien. Arbre associé : le chêne. Symbolise la voix, la force vitale, la puissance, la capacité, l’influence, la sagesse, divers pouvoirs, les voyages. Cette lettre de l’alphabet cisalpin concerne le domaine de l’esprit. Elle parle de connaissance et d’apprentissage (vesus). Elle vous convie à une sorte d’examen intérieur et vous aurez peut-être besoin de l’assistance d’une personne plus experte que vous dans le domaine concerné. Conseil : étudiez la situation, réfléchissez, exprimez vos envies, mais ne décidez rien à la va-vite.
— Fehu or Feoh (E). Entité associée : le Termagant/Tervagan ou Tarvos Trigaranos (à cause de ses trois cornes). Cette rune représente le bétail. Dans les sociétés primitives, les troupeaux étaient un signe extérieur de richesse. Fehu évoque le développement de la richesse, l’argent et les biens matériels. C’est aussi la rune de l’énergie et du labeur. L’enrichissement peut prendre de nombreuses formes, il peut s’agir aussi d’une richesse spirituelle. Feoh est la rune du dieu-ou-démon de la fécondité ou de la fertilité ; la fécondité constitue un bien précieux et une force élémentaire. Fleur associée : le muguet. On peut utiliser le muguet pour traiter les peines de cœur. Arbre associé : le sureau. Un arbre qui protège. Cette lettre de l’alphabet cisalpin peut aussi désigner quelque chose que l’on entreprend. Un début, un commencement, une émergence. En tout cas, elle est en rapport avec le développement personnel et social, la fortune. Conseil : reconnaissez la source fondamentale de l’énergie qui est en nous, et dialoguez avec elle, afin de mieux connaître vos désirs les plus profonds, et libérer ainsi votre potentiel.
— Is, isa (I) ; symbolise la glace, l’arrêt, les blocages, la dissociation, la désunion. Cette lettre de l’alphabet cisalpin parle d’un obstacle, d’un refroidissement dans les relations. Au travail, cela peut être une baisse d’enthousiasme, ou la passivité qui prend le dessus. En amour, la relation manque d’ardeur, de passion. Arbre associé : l’aulne. Conseil : pour l’instant, gelez vos plans, et attendez que la situation s’améliore d’elle-même pour agir à nouveau.
— Kaunan, kenaz, ken (C, G, K). Entité associée ? Brigindo/Brigantia/Brigitte. Cette rune celte éclaire le sentier, dissipe les ombres de l’ignorance, et nous aide à voir avec discernement. Le verbe écossais « to ken » signifie à la fois voir, savoir et reconnaître. Cette rune souligne le fait que la connaissance doit nous conduire vers une certaine forme d’action, et la lumière au cœur des ténèbres indique clairement l’orientation spirituelle. Ken représente aussi la chaleur naturelle qui se dégage de l’âtre, et par conséquent c’est le signe d’une robuste et bonne santé. La lumière associée à l’action symbolise la créativité et la naissance de nouvelles idées. Fleur associée : le genêt. La couleur jaune de cette fleur symbolise la lumière de Ken et son feu créateur. Arbre associé : le pin. Un arbre qui fournit un encens purificateur et qui représente l’illumination. Cette lettre de l’alphabet cisalpin est une rune ambivalente. Elle symbolise le fait que notre flamme intérieure doit servir à illuminer la nuit de notre égarement. Comme un phare, cette flamme nous guidera en écartant les ténèbres. C’est donc une rune cisalpine optimiste, car elle présage un commencement (ou un recommencement). Si vous étiez malade, elle indique la guérison. Mais cette lettre de l’alphabet cisalpin signifie aussi ulcère, furoncle, abcès, perturbation, maladie, désordre, agitation, morbidité. Conseil : agir et surtout ne pas baisser les bras. Si c’est dans le cadre d’une aventure sentimentale, elle est le signe annonciateur d’un début de relation intime, car cette lettre de l’alphabet cisalpin évoque de bons moments.
— Pertho, peorth (L). Cette lettre de l’alphabet cisalpin symbolise l’arbre fruitier, la pensée, la communication, les liaisons, les idées, l’inspiration, les paroles, les plaidoiries, les sermons,
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les querelles, le jeu, les plaisirs, la sexualité. Cette lettre évoque aussi des événements cachés. Elle implique l’importance d’un mystère, la révélation d’un secret, la possibilité de retrouver quelque chose (ou bien quelqu’un), l’occasion d’avoir une deuxième chance, etc. Arbre associé : le tremble (peuplier) ainsi que le hêtre. Conseil : suivez votre intuition. C’est dans ce que vous ne voyez pas (mais que vous pouvez deviner) que se cachent les éléments de la solution.— Ehwaz, eh (M). Celtique mandus, cheval, poney. La vitesse, la force et la beauté du cheval ont toujours conduit à regarder cette rune comme étant bien plus qu’un simple moyen de transport. De façon métaphorique, il s’agit d’un animal sacré, le véhicule d’un progrès matériel et spirituel. Arbre associé : le frêne et le chêne. Cette lettre de l’alphabet cisalpin symbolise la situation du moment, la transformation. Cela peut indiquer un changement de travail, un déplacement professionnel, un voyage ou un déménagement. Source de progrès, cette figure vous demande une véritable ouverture d’esprit. Conseil : tenez-vous prêts à prendre les rênes, à vous adapter, à changer d’horizon. Physiquement ou spirituellement, vous devez bouger, voyager, découvrir. Débarrassez-vous des vieux problèmes et lancez-vous dans l’aventure.
— Hagalaz, Haegl (N). Semblable à une averse de grêle inattendue : symbolise une perturbation élémentaire de votre vie. Lorsque cette rune est associée à d’autres lettres de l’alphabet cisalpin, elle peut suggérer une limite, une interruption ou un report, et indique un changement total de direction. Peut également signifier une souffrance, une difficulté, une maladie ou une blessure. Fleur associée : la fougère. Cette lettre de l’alphabet cisalpin symbolise les aléas de la vie, les problèmes et les petites frustrations de la vie quotidienne. Mais aussi a contrario la joie et la chaleur après un dégel. Conseil : restez vigilants, vos plans risquent de changer de façon inattendue. Seules la prudence et la patience vous mèneront au succès, car la décision finale ne dépend pas de vous.
— Laguz, Laukaz (P et B). Celtique locos, lac. Cette lettre de l’alphabet cisalpin symbolise l’eau, la mère, l’infini, la fécondité, la créativité, la sexualité, la santé, la régénération, l’engendrement. C’est la rune féminine par excellence puisqu’elle symbolise aussi les émotions, l’intuition, les rêves, l’imagination. Bon présage donc pour tout ce qui concerne les créations artistiques. Arbre associé : le saule. Conseil : ne vous posez pas trop de questions, laissez-vous aller à des désirs profonds, ne doutez pas de vos capacités. Vos talents cachés (ainsi que ceux que vous ne soupçonnez pas encore) doivent s’épanouir au grand jour. Travaillez-y.
— Mannaz, Man (SS ou D barré). Celtique mannos : l’homme, tout être humain. Cette lettre de l’alphabet cisalpin symbolise l’être humain. Elle exprime son potentiel de générosité, d’amitié ou d’altruisme. Elle représente donc ses propres qualités, celles dont on doit se servir pour s’améliorer. Fleur associée : la digitale (pourpre). Une plante très toxique, mais si elle est utilisée correctement, elle peut soulager les problèmes de circulation sanguine. Arbre associé : le houx (petit houx, latin frisco). Il est censé protéger la maison contre les intrus maléfiques. Conseil : vous possédez un réel pouvoir sur les événements et vous trouverez la solution de votre problème en vous-mêmes. Seulement !
— Raido, Radh, (R). Celtique redia/redo, aller à cheval. Cette lettre de l’alphabet cisalpin symbolise la chevauchée, l’effort, le travail, la transformation, l’affrontement, le conflit. C’est une rune qui annonce un déplacement, un voyage. Ce sont aussi de bonnes nouvelles ou des changements. Dans le domaine professionnel, des projets voient le jour, les plans changent et des négociations amènent de nouveaux contrats. Arbre associé : le frêne. Le frêne est sacré dans toute l’Europe du Nord. C’est un arbre qui peut s’élever jusqu’à 35 m de hauteur et avoir 3 m de circonférence. Il fournit un bois blanc dur et très résistant, qui sert notamment à faire des cerceaux de tonneau ou de cuve. Conseil : tenez-vous prêts à changer de cap, à voyager, à ouvrir votre esprit à la transformation.
— Eihwaz, Eoh (S). Celtique ivos, l’if. Cette lettre de l’alphabet cisalpin symbolise la vie, l’évolution. Cet arbre est donc associé à la mort, néanmoins, il faut se rappeler que l’if est un arbre à feuillage persistant, et que la mort est la porte d’entrée pour renaître dans un autre monde. Cette lettre de l’alphabet cisalpin ne doit donc pas être redoutée, car elle symbolise aussi continuité et endurance. Les arcs de meilleure qualité ont toujours été fabriqués à partir de bois d’if ; solide, résistant et doté d’une grande flexibilité. Arbre associé : l’if évidemment ! Conseil : des changements positifs sont à prévoir. Contrôlez vos émotions, tenez-vous prêts à relever tous les défis.
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— Gebo, Gyfu (T et D). Dans la culture celte, un don en appelle toujours un autre en retour. Cette lettre de l’alphabet cisalpin peut donc également signifier un partenariat ou une union, en affaires comme en amour. Arbre associé : l’orme, plus particulièrement les ormes blancs. Cette rune celte symbolise une cause à défendre, un engagement, une vente, un abandon, un sacrifice, un renoncement, le dévouement, l’acte sexuel. C’est dans le domaine des associations que cette lettre de l’alphabet cisalpin est la plus favorable. Elle parle d’échanges, de paix ou de générosité. Dans le travail, l’action collective, la collaboration, mènent au succès. En amour, l’augure est excellent : union favorisée, liaison durable et sentiments partagés. Conseil : cette rune celte est une mise en garde contre l’hésitation et l’égoïsme. C’est en pensant à l’autre (ou aux autres), en offrant un cadeau, en faisant plaisir, que l’on obtient des succès.— Uruz, Ur (U et V). Celtique urus : l’aurochs, bovidé de très grande taille aujourd’hui disparu. Cette rune évoque la force spirituelle, le pouvoir fondamental de la virilité ou de la santé. Arbre associé : le bouleau. Un arbre qui apporte chance et abondance au sein d’un foyer. Cette lettre de l’alphabet cisalpin symbolise la puissance, la vitalité, la santé physique, l’énergie sexuelle, le dynamisme. Évolution, changement bénéfique, surtout dans le domaine professionnel. Conseil : vous devez agir avec détermination et fournir des efforts, car une progression notable de vos conditions de travail peut voir le jour. Vous devez agir avec énergie, car de nouvelles responsabilités sont à prendre. Vos capacités seront mises à l’épreuve.
— Algiz, Elhaz, Eolh (X). Celtique alcos, alces, l’élan (orignal). C’est la rune du Grand Cornu (Cornunnos) par définition. Cette lettre de l’alphabet cisalpin évoque à la fois les bois d’un cervidé, mais suggère aussi les mains levées de celui qui prie. C’est un puissant gage de protection et de spiritualité, elle symbolise l’élévation vers le divin. Cette rune celte renvoie également à l’idée de succès à travers l’effort dans une chasse, une quête ou toute autre entreprise, et symbolise donc la protection, la défense, le danger, la bête sauvage, l’aide, les faveurs.
— Ingwaz, Ing (O). Cette lettre de l’alphabet cisalpin symbolise l’équilibre, la paix, l’harmonie, l’ordre, la sérénité, l’accomplissement. L’harmonie vient de la réunion de tous les éléments qui nous composent autant physiquement que spirituellement. Ainsi s’ouvre la voie de l’épanouissement personnel. Symbole de fertilité ou de naissance, cette lettre de l’alphabet cisalpin évoque une fin heureuse, mais aussi un renouveau. C’est une fin ou un recommencement. C’est une rune qui exprime l’aboutissement, la réalisation d’un projet. Pierre précieuse associée : l’ambre jaune. Fleur associée : la gentiane. Une plante qui favorise la digestion. Arbre associé : le pommier. Conseil : vous êtes à la veille de prendre un nouveau départ. Ayez confiance.
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ANNEXE N°2.
LA VÉRITABLE HISTOIRE D’IRLANDE.
Le peu que nous savons de l’époque préchrétienne en Irlande nous vient de quelques rares mentions dans des écrits d’auteurs grecs ou romains, de la poésie et de la mythologie locale, ainsi que de l’archéologie.
Le Mésolithique (8 000 avant notre ère – 4 500 avant notre ère).
L’Histoire de l’île ne peut être étudiée en tant que telle qu’à partir d’il y a environ 8 000 ans. Avant cela, du fait de l’ère glaciaire, le niveau des mers était bien plus bas, ce qui avait pour conséquence que l’Irlande était rattachée à l’Angleterre, et l’Angleterre au continent. Il n’y avait donc pas d’île pouvant être appelée Irlande, l’Irlande n’existait pas, encore ! Il y avait donc dans ce qui allait devenir l’Irlande le même type d’hommes préhistoriques qu’en France et en Espagne ou en Europe du nord et dotés de la même civilisation mésolithique de chasseurs-cueilleurs (voir le site de Gwendoline Cave dans le comté de Clare), le maglemosien ou l’azilien, pour ne citer qu’eux. Les choses vont ensuite changer du tout au tout.
Les glaces reculèrent peu à peu, et dès – 6000, l’Irlande se retrouve isolée de l’Angleterre par la montée des eaux.
Venues de Scandinavie, des populations d’hommes vivant de chasse et de pêche traversent la Grande-Bretagne en direction des hauts plateaux de Wicklow et d’Antrim. Il est généralement admis en effet que les premiers habitants colonisèrent d’abord le nord-est de l’île en venant d’Écosse. Le site du mont Sandel près de Coleraine (Irlande du Nord) nous apprend qu’ils vivaient dans des huttes avec un foyer central, mais en dehors de cela, nous savons bien peu de choses, notamment pour ce qui est de leurs rites.
Le Néolithique (4 500 avant notre ère – 2 500 avant notre ère). La révolution que représente l’agriculture a engendré un essor de la population au Moyen-Orient, et celle-ci s’étend peu à peu vers l’Europe.
L’héritage le plus connu de ces populations est religieux. Il s’agit des tombeaux érigés pour les défunts. Les rites funéraires et l’érection de ces tombeaux mégalithiques (du grec megos, large, et lithos, pierre) exigeaient, pour un groupe tribal, un important effort d’organisation. L’augmentation de population nécessaire à leur construction peut ne pas avoir été causée par l’arrivée de nouveaux migrants, et n’a peut-être été que la simple conséquence de l’introduction de l’agriculture.
Il ne faut en aucune façon attribuer aux Celtes et donc a fortiori aux druides, la paternité des réalisations mégalithiques (à qui elles étaient pourtant attribuées jusqu’au début du XXe siècle, mais que l’archéologie et les méthodes de datation modernes ont fini par restituer aux civilisations précédentes, antérieures parfois de beaucoup). Exemple Stonehenge, que l’on a longtemps dit avoir été édifié par Merlin l’enchanteur lui-même, et qui remonte en fait à plusieurs dizaines de siècles avant notre ère. Ce ne sont pas non plus les Celtes qui sont à l’origine des alignements de Carnac en Armorique. Il faut rendre à César ce qui est à César… En outre, il ne faut pas confondre le complexe des civilisations à tumulus de l’Europe centrale avec les tumuli des îles Britanniques, comme celui de Newgrange en Irlande, qui sont de beaucoup antérieurs à l’apparition des peuples celtiques au sens strict du terme. Cela ne veut pas dire que les dolmens et autres mégalithes n’ont rien à voir avec les Celtes. Ceux qu’ils trouvèrent en arrivant prirent une importance considérable dans leur symbolique et leur mythologie. Si Stonehenge n’a sans doute pas été le lieu de culte druidique que certains se plaisent à décrire, il n’en a pas moins excité profondément l’imagination des nouveaux venus. Imaginons les Celtes face à une telle réalisation, dont leur propre tradition ne leur attribuait pas l’édification : ils eurent tôt fait d’inventer des peuples de géants, ou des dieu-ou-démons doués de forces colossales, pour en expliquer la construction. Les nombreux tumuli d’Irlande s’insérèrent dans la tradition irlandaise par le biais des hommes de la déesse-ou-démone, ou fée, Danu (bia), devenus les dieu-ou-démons d’Irlande. D’après la légende, ayant été vaincus par les êtres humains, ils acceptèrent en effet de leur abandonner la surface du sol. Et certains d’entre eux se réfugièrent alors dans des palais qu’ils bâtirent sous des tertres,
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devenant ainsi invisibles aux yeux des hommes. On comprend donc bien la signification du tumulus dans la tradition des envahisseurs celtes de l’Irlande. En arrivant sur l’île, ils y trouvèrent ces tumulus vides. Mais impressionnés par ces monuments apparemment irréalisables par des êtres humains ordinaires, ils les attribuèrent à des dieu-ou-démons invisibles (car ces tumuli apparaissant vides, leurs occupants ne pouvaient être qu’invisibles) issus de leur propre panth-éon ou plérôme ; mais qu’ils adaptèrent à la géographie de leur terre d’accueil. Au final, le résultat reste donc le même du point de vue de la religion. Les mégalithes et les tumuli d’Irlande ont été celtisés par la tradition druidique, comme le furent les rivières, lacs et montagnes des pays où ils s’installèrent. Et il n’y a rien d’abusif à s’en servir pour illustrer la première page d’un site internet sur les Celtes, par exemple…Sur le plan historique, en revanche, il faut rester précis : ce sont les peuples du néolithique et du début de l’âge du bronze, et non les Celtes, qui sont les constructeurs de la plupart des pierres levées du continent européen. Il ne faut d’ailleurs pas non plus y voir l’intervention des « extra-terrestres », comme les Français Robert Charroux et consorts le clament à l’envi. Ce même Robert Charroux, qui trouve tout de même des éditeurs en France pour publier ses démentielles vaticinations, affirme aussi que les civilisations sud-américaines ont été fondées par les Celtes…)
L’Âge du bronze (2 500 avant notre ère, 700 avant notre ère). La période précédente s’appelle le Chalcolithique ou l’Âge du cuivre, c’est la période durant laquelle la plupart des haches de Ballybeg et de Lough Ravel ont été produites.
Vers 2100 avant notre ère, de nouveaux arrivants indo-européens (Proto-Celtes) originaires du nord-ouest de l’Europe, introduisent progressivement leur hiérarchie sociale, leur religion, et leur langue (préceltique). Toutefois, ils n’auraient pas été plus de quelques milliers.
L’Âge du bronze ne commence véritablement que lorsque du cuivre est allié avec de l’étain pour produire des objets en bronze. En Irlande, cela se passa vers – 2 000, lorsque quelques haches plates et des objets semblables furent fabriqués à Ballybeg. Le bronze a été utilisé pour fabriquer à la fois des armes et des outils. Épées, haches, dagues, hallebardes, alênes, gobelets, trompettes sont parmi les objets découverts sur les sites de l’Âge du bronze. Les artisans irlandais devinrent particulièrement réputés pour leurs trompettes en forme de cor, fabriquées avec le procédé dit de la cire perdue. On en retrouve dans toute l’Europe, et l’on peut voir la représentation de l’une d’entre elles dans une sculpture grecque attribuée à Épigone, représentant un gladiateur galate mourant, et chantée par Byron (citation de mémoire).
Là devant moi gît le gladiateur : il se retient de la main. Son front consent à la mort, mais il affronte son agonie… Sa tête s’affaissant tombe lentement… Autour de lui, roule et tourne l’arène, il s’en est allé ! (Le pèlerinage de Childe Harold. Chant IV. Stance 140).
Une copie de cette célèbre statue toujours aussi émouvante peut toujours être admirée au musée de la Washington State Historical Society de Tacoma. La trompette irlandaise en forme de cor y est nettement visible. Elle figure à terre (sur le socle de la statue) de façon isolée.
Le cuivre, nécessaire à la fabrication du bronze, était alors principalement extrait du sud-est du pays, tandis que l’étain était importé de Cornouailles en Grande-Bretagne. La plus ancienne mine de cuivre connue dans ces îles est située dans la péninsule de Ross Island, dans le comté de Kerry. L’exploitation minière et la métallurgie s’effectuèrent sur place entre 2400 et 1800 avant notre ère. Une autre des mines de cuivre les mieux préservées d’Europe a été découverte au mont Gabriel, dans le comté de Cork. Elle fonctionna pendant plusieurs siècles vers le milieu du second millénaire. On estime que les mines de Cork et du Kerry ont produit pas moins de 370 tonnes de cuivre durant l’Âge du bronze. Comme les objets en bronze mis à jour ne représentent que 0,2 % peut-être de cette production, nous pouvons supposer que l’Irlande a été un des principaux exportateurs de cuivre de l’époque. L’Irlande était également riche en or à l’état natif, et l’Âge du bronze vit la première exploitation importante de ce métal précieux par des artisans irlandais. De toute l’Europe, c’est en Irlande qu’a été découvert le plus grand nombre de trésors en or de l’Âge du bronze. Des ornements de ce métal fabriqués en Irlande ont été retrouvés jusqu’en Allemagne et en Scandinavie. Au début de l’Âge du bronze, ces ornements consistaient en de simples croissants ou disques faits avec de minces feuilles d’or. Plus tard, le torque irlandais fit son apparition. C’était un collier fait d’une tige ou d’un ruban de métal torsadé, en forme de boucle. Des boucles d’oreilles en or, des disques solaires et des lunules (croissants lunaires portés autour du cou) furent aussi fabriqués en Irlande durant l’âge du bronze. Un des types de poterie les plus
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distinctifs, la céramique en forme de cloche, fit son apparition dans l’île durant l’Âge du bronze. Elle différait beaucoup de la poterie fine à fond rond du néolithique. La variante irlandaise de cette poterie est d’origine locale, et son apparition est la preuve d’une influence étrangère plus que d’une invasion. De petits dolmens (des tombeaux ??) en coin continuèrent à être construits durant l’Âge du bronze, mais les imposants dolmens ou tombes, à passage, du néolithique, furent abandonnés. Vers la fin de l’Âge du bronze apparurent les premières tombes à ciste : elles consistaient en un petit coffre en pierre rectangulaire, couvert d’une dalle, enfoui à faible profondeur. De nombreux cercles de pierre furent érigés à cette période, notamment dans le Munster et en Ulster. À la fin de cette époque, la population en Irlande dépassait probablement les 100 000 personnes, atteignant peut-être même les 200 000 individus.
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ANNEXE N°3.
LES DÉLIRES CHRÉTIENS
EN MATIÈRE D’HISTOIRE.
Nous avons pu voir avec l’incroyable méli-mélo des légendes sur Fenius Farsaid et l’origine de la langue irlandaise ; les dégâts que la sous-culture chrétienne de troisième zone additionnée à des bribes de culture classique gréco-latine ; pouvait occasionner dans les esprits, ou du moins sur des esprits faibles.
L’avènement du christianisme a en effet constitué pour l’histoire de l’Humanité une catastrophe culturelle sans précédent. Une armée d’hommes en noir (en Orient, berceau du mouvement) ou en brun (la robe de bure des moines en Occident) s’est abattue sur les bibliothèques et les monuments ; afin de mettre en place bien avant Orwell la police des pensées ou le quadrillage des esprits le plus impitoyable qui soit. L’image qui vient immédiatement à l’esprit est celle des musulmans afghans faisant sauter à la dynamite les admirables bouddhas de Bamiyan. La comparaison s’impose ! Les chrétiens de ce temps-là ont été des fanatiques de la pire espèce et le noir est d’ailleurs encore la couleur des prêtres orthodoxes grecs ou autres. Que ceux qui en doutent aillent voir l’excellent film qu’Alejandro Amenabar a consacré en 2009 à cette véritablement sainte femme (voir John Toland) que fut la malheureuse et belle Hypatie d’Alexandrie, lapidée par ces nouveaux barbares ! Il suffit de remplacer « païens » par « chrétiens » et « chrétiens » par « musulmans » ; pour avoir une étonnante anticipation de ce qui attend notre pays, et même l’Europe tout entière, dans quelques décennies à peine. Mais combien de membres de la caste de la nouvelle police de la pensée que sont les journalistes, ont-ils vu qu’il y avait dans ce film comme une métaphore de ce qui nous attend avec l’islam salafiste ? En France en tout cas aucun ! Hypatie personnifie les « chrétiens » ne croyant plus vraiment, car trop évolués, trop instruits ; mais elle se retrouve finalement sur le même bateau (il y a d’ailleurs des scènes sur un bateau dans le film) que les « chrétiens » plus convaincus, et qui tentent de réagir… mais trop tard, beaucoup trop tard, ainsi que le film nous le montre bien. Quant au préfet Oreste, c’est le prototype même du politique ou politicien, « chrétien » ou « de gauche » dit-on en Europe (les autres pratiquent la taqiya) qui « pense » que le meilleur moyen de combattre l’islam radical est encore de soutenir et encourager l’islam « modéré ». Dans son cas ce soutien ira même jusqu’à une conversion à cet islam dit « modéré ». Mais en vain ! Et nous avons même les talibans sous le nom de parabolani dans ce film prophétique ou à tout le moins prémonitoire. Une incroyable chape de plomb s’est alors refermée sur l’Humanité ! Tout comme les journalistes d’aujourd’hui dans les médias ou dans le célèbre roman d’Orwell, les moines copistes chrétiens du Moyen-âge ont censuré les œuvres qui ne se situaient pas dans leur mouvance et ont réécrit l’Histoire en introduisant de-ci de-là diverses interpolations, ou mentions antidatées, dans les manuscrits qui échappaient partiellement à leur vindicte. Voire à leur haine potentielle. Car il n’y a jamais eu rien de plus potentiellement haineux, de la vie, des forces de la vie, de la joie de vivre, que ceux qui comme les juifs les chrétiens ou les musulmans salafistes n’ont que le mot amour à la bouche ! Et rappelons bien que l’âge d’or de l’empire musulman n’est pas dû au génie de sa religion, mais à la rapide diffusion d’est en ouest sur un territoire désormais unifié (par l’épée) d’inventions venant des peuples vaincus (papier et soie de Chine, chiffres indiens, astronomie grecque, etc.)
En Irlande, le résultat fut particulièrement catastrophique. Une sous-culture de troisième zone à base de créationnisme et de biblisme échevelés. L’œuvre si harmonieuse élaborée par des générations de très-sachants de la druidiaction (druidecht) sensibles et cultivés, a été saccagée, mutilée, déformée, alourdie d’ajouts n’ayant rien à y faire, au point d’en devenir parfois littéralement incompréhensible. Notre lecteur devra donc avoir constamment présente à l’esprit cette mise en garde. Il ne doit pas s’attendre à trouver un ensemble lumineux et cohérent, à la pureté doctrinale (en matière intacte (en matière de druidisme) ; ce qui reste de l’œuvre ancestrale des fins lettrés que furent les très-sachants de la druidiaction (druidecht),
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irlandais, n’est plus qu’un champ de ruines recouvert de gravats. Il faut sans cesse deviner ou aller au-delà des apparences pour en extraire l’essentiel. Ainsi que nous avons pu le voir et le dire, le créationnisme et le biblisme des moines chrétiens du Moyen-âge ont maintenu en la matière une véritable sous-culture de seconde zone qui a duré des siècles et dont voici un exemple. Les Annala Rioghachta Eireann ou Annales des Quatre Maîtres (c’est-à-dire Michael O’Cléry, Fergus O’Mulconry, Peregrine O’Cléry, et Peregrine O’Duigenan). D’après ces chroniqueurs chrétiens, tous ces événements se déroulèrent à peu près à l’époque de la guerre de Troie. Il va de soi que toutes ces dates sont fausses et même quasiment imaginaires. Les auteurs chrétiens n’ont rien compris au caractère métahistorique ou intemporel, mais purement symbolique, de toutes ces péripéties et, obsédés par la sous-culture de troisième zone qui était la leur, ils ont tout ramené systématiquement à l’Ancien Testament.An 2242 après la création du monde. Le peuple de Cessair. Cette première histoire est un mélange ahurissant de traditions panceltiques originelles, mais aussi hébraïques, voire plus anciennes (sumériennes), dû aux moines chargés de sa retranscription. Nous y retrouvons donc des thèmes tels que l’Arche de Noé ou le Déluge universel (une fable sumérienne, voir l’histoire d’Outnapishtim dans l’épopée de Gilgamesh). Fils de Noé, Bith n’a pas été autorisé à embarquer sur l’arche. Toutefois, un dieu-ou-démon lui conseille quelque temps avant le déluge de construire son propre navire, et c’est ainsi que Bith naviguera sur les flots durant sept longues années jusqu’au jour où, enfin, il accoste une autre terre. La fille de Bith, nommée Cessair, épouse alors un dénommé Fintan. 50 jours plus tard (évident ajout chrétien), le Déluge annoncé submerge l’Irlande et toute la famille de Cessair meurt noyée, à l’exception de Fintan qui s’est transformé en saumon. Fintan survivra par la suite aux différentes invasions, toujours grâce à ses multiples transformations : cerf, sanglier, faucon, saumon ; et enfin il renaîtra sous forme d’homme dans le sein d’une femme qui l’aura mangé.
An 2520 après la création du monde. Une fois les eaux du Déluge retirées, Partholon, fils de Sera, un jeune parricide en exil, accompagné de 24 hommes et de leurs femmes, arrivera par l’ouest et envahira donc à son tour le pays ; 278 ans après le Déluge, le jour de la fête de Beltène (1er mai). D’abord plaine unique creusée de trois lacs, Partholon agrandit son territoire, qui comptera bientôt quatre plaines et sept nouveaux lacs. Ses compagnons se multiplient et se retrouvent cinq mille au bout de trois cents ans. Ce sont des agriculteurs. Ils défrichent la forêt pour leurs cultures, font surgir des lacs, des plaines et des rivières. Ils inventent le droit, les rituels, la bière, et ils excellent dans la fabrication des chaudrons (particulièrement ceux qui sont en or). Leur règne durera cinq cents ans. Ils réussissent à contenir les vouivres anguipèdes gigantesques, les célèbres Fomoire, nom signifiant : sous la mer (Andernas sur le Continent. Venus avant le déluge ? Ayant survécu au déluge ?) qui se sont réfugié dans d’autres îles. Ils descendent d’une entité appelée Domnu (l’abîme) et sont parfois dits aussi « Géants de la Mer ». Certains ont des corps sans bras ni jambes ; d’autres sont pourvus de têtes d’animaux, en majeure partie de chèvres. Ils représentent le chaos. D’une nature violente, ils sont représentés comme étant difformes : une seule main, un seul œil, un seul pied… Ils se nourrissent essentiellement de poissons, d’oiseaux ou des tributs que leur paieront par la suite les peuples qu’ils domineront. Nombreux, ils sont décrits comme affreux, inhumains et démoniaques, ou dotés de pouvoirs magiques. Autres variantes de leur nom : Fomóiri, Fomoraig, Fomhóraigh, Fomhoire, Fomorii, Fomor, Fomors, Fomoré, Fo-Muir, Foawr (en mannois ou manx).
An 2530 après la création du Monde. Les vouivres anguipèdes gigantesques (les Fomoire, également Fomore en gaélique) refont surface, emmenées par leur chef, le cyclope Cichol Gricenchos (ach), fils de Goll, fils de Garbh. Ils sont défaits par Partholon, et donc exterminés, mais ils côtoieront constamment les trois races suivantes avant d’être finalement vaincus par une quatrième, les guerriers du clan de la déesse Danu (bia).
An 2820 après la création du monde. La race de Partholon est frappée par une épidémie et s’éteint en une semaine durant Beltene (1er mai). Neuf mille Partholoniens meurent à Sean Magh Ealta Edair, c’est-à-dire cinq mille hommes et quatre mille femmes. Leur sépulture commune serait la colline de Tallaght, près de Dublin. L’Irlande est déserte pendant trente ans (jusqu’à l’arrivée de Nemed).
An 2850 après la création du monde. Trente ans plus tard, vers 2 600 avant l’ère vulgaire, Nemed (dont le nom signifie sacré) accoste en Irlande. À l’image de Partholon, cette race est faite d’agriculteurs et poursuit l’œuvre de ses prédécesseurs. Mais un nouveau fléau s’abat également sur eux. Les Némédiens survivants tombent sous le joug des Fomoire (Andernas
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sur le Continent) revenus en force, et doivent leur payer chaque Samon (1er novembre) un lourd tribut : les 2/3 du blé, du lait ainsi que des enfants (cf. le devshirmé ottoman).An 3066 après la création du monde. Attaque de la tour de Conann située sur l’île de Tory, par le peuple de Nemed. Soulèvement général contre les Fomoire que l’on appelle Andernas sur le Continent. Tuerie et massacre, il n’y a que trente survivants qui se dispersent. L’Irlande redevient déserte pendant deux cents ans.
An 3266 après la création du monde. Ici se place la plus grosse bourde des chrétiens irlandais en matière de chronologie, l’irruption des Fir Bolgs des Fir Domnann et des Gaileoin (car il y a aussi des Gaulois : en irlandais des Galióin, Gaileoin, Gáileóin, Gáilióin, Gailioin) dans l’histoire de l’Irlande vers – 2 400 avant notre ère. Alors que ceci n’a pu se faire que bien après. Dans la chronologie irlandaise du Lebor Gabala Erenn en effet, les Gaulois Fir Bolg arrivent dans le pays lors de la Lugnasade (1er août). Le nom de Bolg aurait un rapport avec la foudre. Brutalisés par les Fomoire, que l’on appelle Andernas sur la Continent, ces Bolgs et ces Galieoin deviennent des guerriers, mais sont finalement vaincus par les Tuatha Dé Danann ou peuple de la déesse Danu (bia).
Note de la rédaction. D’après O’Rahilly, les Fir Bolg seraient emparentés aux Belges historiques, du Continent ou de Grande-Bretagne, ainsi qu’aux Builg du Munster ; les Fir Domnann aux Dumnonii de Grande-Bretagne, quant aux Gaileoin ce seraient les Laigin, qui ont fondé le Leinster. À en croire O’Rahilly, ces trois groupes seraient des peuples parlant ivernien (c’est-à-dire une langue celtique en p) qui auraient habité en Irlande avant les goidélophones ou Gaëls (c’est-à-dire parlant une langue celtique en – q).
An 3303 après la création du monde. Dixième et dernière année du règne d’Eochaid, fils d’Erc. Arrivée des dieux ou démons venant des îles au nord du monde : les Túatha Dé Dánann. Le récit de ces combats, figurant dans un manuscrit du XVe, constitue le morceau le plus important du cycle de la version irlandaise du mythe panceltique originel.
Une première bataille se livre dans la plaine des piliers c’est-à-dire des pierres levées. L’évéhmérisation chrétienne irlandaise a localisé cette bataille du mythe panceltique originel à Moytura (Magh Thuireadh), près de Cong, dans l’actuel comté de Mayo. Les dieu-ou-démons de la déesse-ou-démone, ou fée, Danu (bia), en sortent vainqueurs, mais au cours de la bataille, leur roi Nuada perd la main droite. Cette mutilation entraîne sa déchéance du pouvoir souverain. Une main articulée en argent est alors forgée puis adaptée par l’habile guérisseur qu’est Diancecht.
An 3304 après la création du monde. Contraint de se démettre par les circonstances, le monarque « à la main d’argent » est remplacé par Bress, fils d’Elatha et de la princesse Eriu du clan de la déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère, Danu (bia). Les deux races ennemies s’allient par divers mariages. Bress épouse Brigit, fille du Dagda, tandis que Cian, fils de Diancecht, épouse Ethniu, fille de Balor, doté d’un œil unique, mais maléfique (il a le mauvais œil en quelque sorte). Mais Bress se révèlera très vite être un odieux tyran. Il accable le peuple d’impôts et de corvées (de travaux forcés non payés). Il se moque de Caïrbré, fils d’Ogmé, le plus grand file (barde) du clan de la déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère ce vocable, Danu (bia).
An 3310 après la création du monde. Bress est contraint à son tour d’abdiquer ! C’est Nuada qui remonte sur le trône, et il le peut, car sa main naturelle et coupée a été recousue à son poignet grâce à l’habileté et aux incantations de Miach, fils de Diancecht. Ce qui vaut à Miach d’être assassiné par son père jaloux.
An 3330 après la création du monde. Bress, cependant, tient un conseil secret dans sa demeure sous-marine. Il persuade les Fomoiré (que l’on appelle Andernas sur le Continent) de l’aider à chasser les dieu-ou-démons de la déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère ce terme, Danu (bia). Les préparatifs de la guerre durent sept ans. Années durant lesquelles grandit Lug, l’enfant prodige, « maître de tous les arts », né de l’union de Cian et d’Ethniu. Lug organise la résistance des dieu-ou-démons de la déesse-ou-démone, ou fée, Danu (bia), tandis que Goibniu leur forge des armes et que Diancecht fait jaillir une source merveilleuse qui guérit les blessures et ranime les morts. Mais des espions Fomoire/Andernas la découvrent, et la tarissent en la comblant de pierres. Après quelques duels ou escarmouches isolés, une grande bataille s’engage dans la plaine où s’élèvent d’autres pierres levées, encore plus imposantes que les premières. L’évhémérisation irlandaise du mythe panceltique originel a localisé cette seconde bataille de Moytura ou Magh Thuireadh plus au nord dans la plaine de Carrowmore, près de Sligo.
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! -------------- -------------------- ------------------------------ !Note de la rédaction. Il va de soi que dans le mythe panceltique originel cette unique (ou double) bataille était censée s’être déroulée en un lieu indéterminé, ou plus exactement peut-être en tout lieu assez exceptionnel pour être susceptible d’en avoir été le champ. Les envahisseurs celtes arrivant dans des landes couvertes de monuments mégalithiques n’ont pu considérer en effet ces lieux que comme ayant été le théâtre de gigantesques batailles entre créatures plus ou moins surhumaines. On en a la preuve sur le Continent avec la légende de saint Cornély à Carnac, en France.
Il va sans dire également qu’aucun pape de ce nom (Corneille) n’est jamais venu en ces lieux, cela constitue encore une des innombrables contre-vérités auxquelles le christianisme nous a depuis longtemps habitués, mais la légende n’en demeure pas moins intéressante pour autant ! Alors que saint Cornély, pape à Rome au IIIe siècle, fuyait les persécutions (sur la réalité des dites persécutions voir notre essai sur, ou plus exactement contre, le christianisme), ses pas l’amenèrent jusqu’en Armorique. Accompagné de deux bœufs qui transportaient ses bagages, il avait un jour d’avance par rapport aux légionnaires qui le poursuivaient. C’est ainsi qu’il arriva dans un village où il voulait s’arrêter, mais il entendit une jeune fille qui insultait sa mère et… continua sa route. Chemin faisant il vit des paysans qui semaient de l’avoine.
— Que semez-vous là ? leur demanda-t-il.
— De l’avoine, répondirent les laboureurs.
— Alors vous pourrez moissonner cette avoine demain, répondit saint Cornély. À la grande surprise des paysans, l’avoine fut effectivement mûre le lendemain, et ils s’empressèrent donc de la faucher. Le même jour arrivèrent les Romains.
— Avez-vous vu un homme avec deux bœufs ?
— Oui, alors que nous étions en train de semer cette avoine.
— Il a trop d’avance sur nous alors, nous n’arriverons jamais à le rattraper.
Les Romains, décidément très crédules à en croire cette légende chrétienne, et ne pouvant imaginer un seul instant que du grain semé la veille pouvait être mûr dès le lendemain, pensèrent donc que l’homme qu’ils recherchaient avait dû passer par là bien des mois auparavant ; et ils décidèrent par conséquent d’arrêter là pour camper. Mais non loin de là, derrière un repli de terrain, près du lieu-dit « Le Moustoir » (mot de vieux français signifiant monastère, que certains rattachent au mot irlandais muintir, en tout cas vraisemblablement un lieu sacré, et ce depuis la plus haute antiquité), saint Cornély crut tout de même sa dernière heure venue et se cacha dans l’oreille d’un de ses bœufs (?). Quand il aperçut trois des soldats romains venant dans sa direction, il prit une terrible décision et, usant de la « grande imprécation », changea tous les Romains en pierres. Telle est l’origine des alignements de Carnac, appelés depuis lors en breton « soudardet san Cornily » ou « soldats de saint Cornély ».
N. D. L. R. LA VÉRITÉ SUR LE PAPE CORNEILLE.
Pour un martyr avéré, comme, par exemple, le pape Fabien, exécuté à Rome au début de l’année 250, combien de chrétiens, même parmi les plus éminents, échappèrent à toute poursuite avec une facilité confondante ! Alors que l’édit de Dèce prévoyait, dit-on, la mort pour tous les irréductibles chrétiens, le grand saint Cyprien de Carthage se retire simplement dans sa maison de campagne et, de là, continue à diriger sa communauté ! Son collègue d’Alexandrie connaît, grosso modo, le même sort. Et tout cela donc, alors que l’édit (perdu) de Dèce ne prescrivait, paraît-il, qu’une seule peine – la mort – pour ceux qui refusaient de sacrifier aux dieux de l’Empire (considérés comme des démons, il est vrai, par les chrétiens. On y revient toujours !)
Corneille ou Cornély en breton est le vingt et unième pape et succède à Fabien en mars 251,16 mois donc après le décès de ce dernier le 10 janvier 250. De nombreux chrétiens, après les mesures prises par Dèce, avaient abjuré leur foi par peur ou par opportunisme. Ils sont maintenant nombreux à vouloir rentrer dans l’Église à nouveau. Deux attitudes s’opposent alors : les intransigeants autour de Novatien, et ceux adeptes du pardon qui réussissent à faire élire Corneille. Un nouveau schisme apparaît par conséquent aussitôt, car trois évêques italiens acceptent de sacrer Novatien alors que la quasi-totalité des autres Églises reconnaît Corneille. Un synode, réuni en automne 251, avec l’évêque Denys d’Alexandrie et Cyprien de Carthage, approuve la relative mansuétude de Corneille vis-à-vis
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de ceux qui ont abjuré par écrit (les lapsi) et par conséquent excommunie Novatien pour son intransigeance envers ceux qui ont failli à leur devoir (lesdits lapsi). Le patriarche Fabien d’Antioche, partisan, comme de nombreux autres évêques orientaux, de plus de fermeté sur le principe quand même envers ceux qui ont failli lors des événements précédents (toujours ces fameux lapsi) sera le destinataire d’une lettre envoyée par Corneille où celui-ci défend son point de vue. Les fragments que nous en possédons encore nous apprennent que Rome à cette époque (milieu du IIIe siècle) compte environ 150 ecclésiastiques chrétiens, dont 7 diacres, 46 prêtres et… 52 exorcistes [sans doute pour débarrasser tous ces malheureux de leurs dieux païens ou du moins tous ceux qui se croyaient possédés par des dieux du paganisme comme Epona ou d’autres du même genre. Beati pauperes spiritu !]. Et notre texte de préciser : « Tous nourris par la bonté divine et la charité de leurs frères »…Les persécutions officielles, sous Septime Sévère et ses successeurs, n’avaient donc pas été, somme toute, très meurtrières. Et d’ailleurs finalement, pour l’Empire, le résultat ne fut pas celui que l’on espérait, car le ralliement de tous ces « lapsi » ne fut que superficiel. Les chrétiens ayant accepté de signer les papiers officiels qu’on leur présentait ne furent toujours que des Romains de papier, leur cœur était ailleurs, à Jérusalem. Ils ne furent jamais des Romains de cœur et cela pesa lourd pour la suite des événements (les guerres à mener aux frontières, la lutte contre les barbares, etc.). Voir à ce sujet Salvien de Marseille même s’il n’avait pas totalement tort évidemment ! En tout cas il avait raison d’être anti-saint Augustin d’Hippone.
Bref, le problème des lapsi déclenchera la crise novatienne après que le pape Corneille (251 – 253) eut décidé de les réintégrer au sein de l’Église ; et par voie de conséquence, le plus grave des premiers schismes de l’Église, le schisme donatiste. Vers la fin de l’année 252, Corneille sera exilé, sur ordre de l’empereur Trébonien Galle, à Centumcellae/ Civitavecchia, où il meurt de façon naturelle, semble-t-il, sans doute en 253. Son corps est ramené à Rome et déposé dans la catacombe de Saint-Calixte. Mais revenons à nos moutons, enfin à nos guerriers changés en menhirs !
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Seconde bataille de Mag Thuireadh donc. Au cours d’une lutte acharnée, de nombreux guerriers sont défaits : Indech, le fils de la déesse-ou-démone, ou fée, Domnu, est tué par Ogmé, qui succombe à son tour. Balor « au mauvais œil » frappe Nuada de son regard fatal. Mais Lug, de sa fronde magique, crève l’œil de Balor. Démoralisés, les Fomoiré que l’on appelle Andernas sur le Continent, reculent et sont repoussés à la mer (sous terre pour les Continentaux). Bress est fait prisonnier, l’hégémonie des vouivres ou anguipèdes géants est à jamais brisée dans l’île.
An 3331 après la création du monde. Règne de Lug Lamfhada, ce qui signifie Lug à la main longue ou Lug au long bras. La langue française, langue aussi chère à notre cœur que le gaélique de nos amis d’Irlande ou que le Gallois des chœurs du même nom ; use d’ailleurs toujours de l’expression « avoir le bras long » (allusion à la fronde de Lug ??) qui signifie maintenant être capable d’agir à distance par l’intermédiaire d’amis de parents ou de relations, nombreux et haut placés. C’est sous le règne de ce Lug que la foire de Tailtiu est établie, en commémoration et souvenir de sa mère nourricière, Tailtiu, fille de Magmor, roi d’Espagne, et femme d’Eochaid, fils d’Erc, dernier roi des Gaulois Fir Bolg. Après cette victoire, cependant, la puissance des dieu-ou-démons de la déesse-ou-démone, ou fée, Danu (bia), va être affectée par un rapide déclin.
An 3370 après la création du monde. Lug Lamfhada tombe devant Mac Cuill à Caendruim. Première année du règne d’Eochaid Ollatair, aussi appelé le Dagda.
An 3471 après la création du monde. Mac Cuill, Mac Cecht et Mac Gréine derniers rois Tuatha Dé Danann régnant sur le pays.
An 3 500 après la création du monde. Ici se place la énième grosse erreur historique des moines chrétiens revisitant la mythologie druidique. Depuis le sommet d’une grande tour située sur une terre lointaine, l’Espagne, un prince nommé Ith aperçoit un beau jour l’Irlande. Il décide de s’y rendre avec 90 compagnons. Mais les dieu-ou-démons de la déesse-ou-démone, ou fée si l’on préfère ce terme, Danu (bia), le soupçonnent d’être venu préparer une invasion et le tuent. Son corps est ramené en Espagne, mais les siens y voient un prétexte pour attaquer les dieu-ou-démons de la déesse-ou-démone, ou fée, Danu (bia). Comme les précédents envahisseurs, les nouveaux immigrants arrivent le 1er mai. En marchant sur le centre de l’île, les nouveaux venus rencontrent successivement trois déesse-ou-démones, ou
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fées si l’on préfère ce terme, éponymes, de cette terre : Banba, Fotla, ainsi qu’Eriu. Chacune demande au druide Amergin, conseiller devin des fils de Milé, d’appeler l’île d’après son nom. Les Fils de Milé vaincront les dieu-ou-démons de la déesse-ou-démone, ou fée, Danu (bia), et prendront possession du pays où ils donneront naissance aux Gaëls.AU SECOURS ! AU SECOURS ! Noé, le déluge, les pharaons n’en jetez plus, tout cela est faux et archifaux, ça n’a rien à voir avec l’Histoire, la vraie !!!
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ANNEXE N°4.LE LIVRE DE LA CONQUÊTE
DE L’IRLANDE (Lebor Gabala Erenn).
On retrouve évidemment dans le livre des conquêtes de l’Irlande toutes les aberrations historiques dues à la sous-culture chrétienne de seconde zone, mâtinée d’un zeste de culture classique gréco-latine mal digérée, que nous avons relevées pour les annales des quatre maîtres. Et pour cause puisque ces dernières s’en sont inspirées.
Les Tuatha dé Danann sont les grands dieux (ou démons bien sûr) de l’Irlande païenne, mais il y a eu interpolation dans la légende : ils auraient dû envahir l’Irlande avant puisqu’ils sont antérieurs aux Celtes. Les moines ou les Irlandais ayant compilé de façon plus ou moins heureuse toutes ces informations ont, arrivés à ce point de notre histoire, commis une énorme erreur de chronologie, ou alors carrément un faux. Ils ont intercalé à cet endroit de leur récit différents fragments relatifs aux Gaulois Fir Bolg, ce qui est historiquement impossible. Les Fir Bolg qui sont des Celtophones ayant une langue en p (brittonique) ne peuvent qu’être chronologiquement postérieurs aux Celtophones de type « q » que sont les Gaëls et qui ont gardé ce son de l’indo-européen primitif (kw). Au Xe et au XIe siècle, plusieurs longs poèmes se voulant historiques furent ajoutés à tous ces récits. Des poèmes principalement dus à :
— Eochaid ua Flainn (936-1004) d’Armagh (les poèmes 30, 41, 53, 65, 98, 109, et 111).
— Flann Mainistrech mac Echthigrin (mort en 1 056), lecteur et historien de l’abbaye de Monasterboice (les poèmes 42, 56, 67, et 82).
— Tanaide (mort vers 1 075). Les poèmes 47, 54, 86.
— Gilla Coemáin mac Gilla Shamthainne (1 072 ?). Les poèmes 13, 96, 115.
Tous chrétiens bien entendu !
Le Livre de la Conquête de l’Irlande est donc une compilation rassemblant des récits entrecoupés de prose et de poésie, sur lesquels les bardes et les moines celtes ont effectué un travail destructeur. Mis à part le mérite qu’ils ont eu, de conserver par écrit certains thèmes ou certains détails, leur vandalisme à faire pâlir d’envie les musulmans les plus intégristes traitant de la Djahiliya, aura été total. Armés de cette sous-culture qui avait survécu à l’âge des ténèbres, ils ont commencé par rattacher les mythes à la Bible, ou à l’Antiquité gréco-latine. Ne comprenant pas ou plus de quoi parlaient ces histoires, ils ont fait du noyau mythologique initial un monument historique national, adaptant à tout va les péripéties aux lieux, et substituant aux généalogies divines des histoires tribales, mises sens dessus dessous. Arrivés dans ces eaux très noires, les compilateurs se sont plus d’une fois perdus dans les méandres du panth-éon ou plérôme celtique et ont multiplié les erreurs, arrivant à faire d’un fils le grand-père de son père par exemple. Voir ci-après quelques ouvrages où l’on peut puiser de-ci de-là diverses filiations plus ou moins contradictoires. Peter Berresford Ellis, The Chronicles of the Celts. Carroll & Graf Publishers, Inc., New York, 1999.T. W. Rolleston, Celtic Myths and Legends. Dover Publications, Inc., New York, 1990. Charles Squire, Celtic Myth and Legend, Poetry and Romance. Newcastle Publishing Co. Inc., 1975.
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Dates et modalités de la celtisation de l’Irlande font toujours problème. L’importance relative des invasions massives et des diffusions culturelles lentes dans l’apparition des similitudes est encore matière à débats.
On pensait traditionnellement que la celtisation était due à un dernier ban d’envahisseurs appelés Milésiens ou Gaëls. Mais de récentes études génétiques et archéologiques suggèrent maintenant que l’adoption de la langue et de la culture celtiques fut un processus beaucoup plus progressif ; porté par des échanges culturels avec des groupes celtes de l’intérieur du pays et du sud-ouest de l’Europe continentale. La seule chose assurée pourtant est la situation linguistique. Les langues celtiques parlées dans les Îles Britanniques se
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répartissent en deux familles distinctes, le celtique en Q et le celtique en P. À l’époque où apparaissent les premiers documents écrits au Ve siècle, on trouve le gaélique (celtique Q) en Irlande et le brittonique (celtique P) en (grande) Bretagne. Il fut donc naturel de supposer tout d’abord que l’Irlande avait commencé par être occupée par des locuteurs d’une langue celtique en Q ; et la Grande-Bretagne par des locuteurs d’une langue celtique en P. Alors que penser ?Les Campaniformes sont arrivés en Irlande vers 2500 avant notre ère et leurs célèbres gobelets ont disparu vers 1700 avant notre ère. En Irlande la poterie fut rarement utilisée comme mobilier funéraire par contre on la trouve souvent utilisée comme vaisselle à partir de cette époque. Contrairement au reste de l’Europe où elle se retrouvait fréquemment utilisée dans les deux cas. Les habitants de l’Île utilisaient plutôt la vaisselle ordinaire comme mobilier funéraire. Les grandes tombes communes du néolithique irlandais cessent d’être construites (bien que certaines, comme Newgrange, aient été réutilisées). L’avènement de la culture des gobelets de l’âge du bronze en Irlande va de pair avec la destruction de tombes satellites de Knowth et l’effondrement du grand cairn de Newgrange, marquant ainsi la fin de la culture néolithique des allées couvertes mégalithiques. La méthode préférée d’inhumation semble avoir été la tombe individuelle à ciste à l’est, ou les petits dolmens dans l’ouest du pays. L’incinération était également courante.
À une date impossible à déterminer si elle a jamais existé (le débat fait rage dans la communauté scientifique entre les tenants de la chronologie longue et ceux de la chronologie courte) arrivée en Irlande, en provenance du Continent, de populations protoceltiques dotées de nouveaux types d’épées ou de haches, qui finissent par dominer (ou expulser, en Écosse, etc.) les populations locales. Phénomène s’étalant sur une durée difficile à préciser, vu le caractère assez obscur (puisque protohistorique justement) de toutes ces luttes, mais qui marque en tout cas un renouvellement complet de la civilisation du bronze tardif. Accompagné de profondes transformations de la pensée religieuse et de sa traduction matérielle dans cette partie de l’Europe. Ce qui est vraisemblable, c’est que ces nouveaux venus sont arrivés en Irlande avec un clergé déjà constitué, hiérarchisé, au sein duquel se trouvaient des savants capables de réaliser des projets ambitieux. Ce clergé cela ne pouvait être que des très-sachants de la druidiaction (druidecht). Leurs constructions et les rites qui s’y accomplissaient ont bouleversé en profondeur la mentalité religieuse des populations indigènes de l’île.
T. F. O’Rahilly a proposé un modèle pour la préhistoire irlandaise, fondé sur son étude des influences sur la langue irlandaise, et une analyse critique de la mythologie irlandaise ainsi que de la pseudo-histoire (Early Irish History and Mythology. Dublin Institute for Advanced Studies, 1946). Mais ses idées sont toujours contestées.
Il distingue quatre vagues successives d’envahisseurs celtes qu’il date comme ci-dessous.
— Les Priteni ou Cruithne (vers – 700 – 500) qui ont donné leur nom aux îles Britanniques, et ont peuplé la Grande-Bretagne ainsi que l’Irlande.
— Les Hiberni Iverni, Erainn, ou Builg chez O’Rahilly (vers – 500). Des Celtes parlant une langue « brittonique ».
— Les Laigin, les Domnainn et les Gaileoin (vers – 300).
— Les Goidels ou les Gaëls (vers – 100).
Le premier peuplement du pays : les Cruithne ou Priteni (–700 – 500).
Vers – 700, apparition dans le pays de celtophones ayant une langue celtique en « p », les Pritani ou Pretani. Ces Pritani n’étaient pas les premiers habitants de l’île qui était déjà peuplée à leur arrivée. Mais leur importance sur le peuplement d’alors se déduit simplement du fait que les géographes grecs, 500 ans avant notre ère, ont qualifié les îles de « pretaniques », Britannia est un nom qui vient de Priteni. Rien ne prouve néanmoins qu’il y a eu alors « invasion ». Il vaut peut-être mieux envisager un phénomène plus lent et plus progressif, étalé sur plusieurs siècles. En (grande) Bretagne, ces Pritani furent absorbés puis assimilés par une autre vague d’envahisseurs, à l’exception de l’extrême nord du pays où ils furent appelés Pictes par les Romains. Ce qui signifiait « hommes peints » ou « tatoués », à cause des peintures de guerre qu’ils avaient l’habitude d’arborer.
Note de Pierre de La Crau retrouvée par ses enfants dans un classeur. En réalité, contrairement à ce qu’affirme O’Rahilly, on ignore à peu près tout de l’origine des Pictes : leurs ancêtres seraient venus du Continent à la fin de la préhistoire, peut-être au cours du Ier millénaire avant notre ère. La première utilisation du qualificatif de Pictes pour désigner des populations du nord de la [Grande] Bretagne figure dans le Panégyrique IV, dit de Constance,
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prononcé à Trèves le 1er mars 297, après le retour victorieux dudit Constance de son expédition de [Grande] Bretagne. Paragraphe XI : « Sans oublier qu’il s’agissait là d’une nation alors encore primitive et habituée seulement à se battre à demi nus contre des Pictes et des Hiberniens »Il s’agit d’un discours d’Eumène (rhéteur du IIIe siècle, né vers 260 à Autun, mort vers 311). En 310, une mention des « bois et des marécages des Calédoniens et d’autres Pictes » est connue : sa traduction exacte pose néanmoins problème et permet ou non de compter les Calédoniens parmi les Pictes. Peu après, Ammien Marcellin mentionne que les Pictes sont divisés en deux groupes : les Dicalydones et les Verturiones. Selon une tradition tardive (du IXe siècle ?), connue grâce à une copie sur parchemin du XIVe siècle (manuscrit colbertin ou manuscrit latin 4126 de la Bibliothèque nationale à Paris), la fondation du peuple picte remonterait à un mythique Cruithne, fils de Cinge, qui aurait régné un siècle et eu sept fils : Fib, Fidach, Fotlaig, Ce, Cait, Fortrenn et Circinn. Ces derniers divisèrent alors l’île blanche (Alban, la Calédonie) en sept clans reprenant leur nom : Fortriu, Caithness, Circind, etc. Ces informations apparaissent dans la liste des rois pictes et dans un texte intitulé De Situ Albanie, annexé à cette liste : les deux font partie de la Chronique picte. Le nom de ce fondateur a été rapproché des Pritenii ou Pretenii, nom des habitants de l’île de Bretagne prétendument rapporté par Pythéas, en – 325, et cité par Diodore de Sicile, au Ier siècle avant notre ère ; le nom latin britanni, le nom irlandais cruithni et le nom gallois prydyn, postérieur, pourraient avoir la même origine. En 600, c’est sous la plume d’Isidore de Séville qu’apparut la première référence au fait que les Pictes tiraient leur nom des tatouages qui ornaient leur corps. Cette idée a été rapprochée par les historiens modernes d’une information que rapporte Jules César à propos des Bretons :« Omnes vero se Britanni vitro inficiunt, quod cæruleum efficit colorem, atque hoc horridiores sunt in pugna aspectu ».« Les (Grands) Bretons se teignent la peau en se servant d’une plante appelée guède, qui leur donne une couleur bleuâtre, et ont de ce fait une apparence effrayante dans les combats ». Selon certains historiens, les Pictes utilisaient peut-être une langue celte, du groupe brittonique. Saint Columba d’Iona, au VIe siècle, ne la comprenait pas. Ils connurent l’écriture oghamique, dérivée de l’écriture latine, mais les inscriptions qu’ils ont laissées sont généralement inintelligibles. Des études plus récentes semblent indiquer que la langue originelle des Pictes – ou au minimum un important substrat de leur langue – ne faisait pas partie du groupe indo-européen ; même si la pauvreté du vocabulaire connu ne permet aucune conclusion certaine. Les Pictes ont laissé de nombreuses pierres dressées ornées de figures géométriques (y compris de croix suite à leur christianisation), ou figuratives : quadrupèdes, oiseaux, chaudrons, chariots à roues. Ces pierres, dites « symboliques », avaient sans doute un caractère sacré, peut-être associé à des rites funéraires. On attribue encore aux Pictes certains brochs, ces tours rondes préhistoriques qui parsèment le territoire écossais. Fin de la note.En Irlande aussi les Pritani ont dû reculer, mais ont réussi néanmoins à subsister plus ou moins en certains lieux sous le nom de Cruithne ou Cruthin, une adaptation de Priteni en celtique « q ». Ils vécurent aux côtés des puissantes tribus « belges » du royaume du Dal Riada, qui dominèrent le nord-est de l’Ulster jusqu’au neuvième siècle. Les plus célèbres des tribus Cruthin ayant survécu jusqu’au début du christianisme dans le pays furent celles des Loíges et des Fothairt dans le Leinster. Le nom de la seconde de ces tribus, modernisé en Laois, a été donné à un des comtés du Leinster connu auparavant sous le nom de Comté de la Reine. La deuxième vague de peuplement de l’Irlande : les Gaulois Fir Bolg ou Erainn (–500). Vers – 500 les Cruthin perdent leur position dominante en Irlande avec l’arrivée d’une deuxième vague d’envahisseurs parlant aussi une langue celtique en « p » : les Iverniens, Hiberni, ou Erainn, un peuple très important de l’extrême Sud-Ouest de l’Irlande (Munster). Ils sont cités par Ptolémée sous la forme « Iouernoi ». Leur capitale était Ivernis (grec Iouernis). Il est possible qu’il s’agisse, en fait, du premier vrai peuple celtique arrivé en Irlande. Il semble avoir été le peuple dominant de l’époque. D’après leurs propres traditions, les Erainn venaient de Grande-Bretagne, et il n’y a aucune raison de ne pas les croire sur ce point. La forme ancienne du nom des Builg, Bolgi, en fait néanmoins des Belges, selon notre ami Norman Mongan (Menapia Quest 1995). Leur autre nom (Iverni) est sans doute à l’origine de la désignation classique de l’Irlande. D’où le nom d’Hibernia ou Eueriio donné à l’île tout entière, ce qui donnera plus tard Eriu, Eire, Erin, Irlande. Ces envahisseurs belges colonisent la Grande-Bretagne et l’Irlande aux VIe et Ve siècles avant notre ère. Ils submergent la plupart des précédents occupants. La carte de Claude Ptolémée nous montre des Hiberniens ou Erainn un peu partout en Irlande, mais surtout dans la région de Cork et dans le Kerry. Ces tribus, aussi appelées Fir Bolg, étaient un peuple de navigateurs qui portaient des braies
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ou pantalons, avaient des armes très perfectionnées (pour l’époque) et faisaient remonter leur origine à une grande déesse-ou-démone. Ou à une fée si l’on préfère. D’après James MacKillop, étaient hiberniens les Corcu Loígde (ou Corcu Laoíghdhe), les Corcu Duibne (ou Corcu Dhuibhne) du Kerry, les Déisi de Waterford, les Múscraige, les Osraige ; et enfin, dans le nord de l’île, les Ulaid (d’où le nom d’Ulster) et les Dál Riata. Cairney cite également les Dal Fiatach (probablement connus de Ptolémée sous le nom de Darini), les Dál gCais, les Partraige, les Corcu Mordhruadh, les Conmhaicne Rein, les Uí Bairrche, les Uí Fidhgheinte, le Clan Choinleagain, les Dál Cairpre Arad, les Uaithni, les Corcu Thine, et les Uí Dauch.Les Corcu Loígde formaient un peuple établi entre la rivière Bandon et la mer, dans le sud-ouest du comté de Cork, à l’extrême sud de l’Irlande. Certains spécialistes pensent que les Iverni de Ptolémée correspondaient justement aux Corcu Loígde. Il s’agissait du peuple dominant dans le sud du Munster avant l’arrivée des Eóganachta.
Les Corcu Duibne constituaient un peuple vivant dans l’ouest du comté de Kerry, et notamment autour de la baie de Dingle. MacKillop pense que leur nom venait de celui d’une déesse-ou-démone, ou fée, appelée Dob [h] inia, et note que la Vieille de Beara (Cailleach Bhéirre) était un personnage appartenant au folklore des Corcu Duibne…
Les Uluti (Ulaid en moyen irlandais ou gaélique) étaient le peuple hibernien ayant donné son nom à la Province d’Ulster. Ils se désignaient eux-mêmes sous l’appellation de descendants du Rudraige (Clanna Rudraige). Pendant des siècles les Uluti furent la tribu dominante dans le nord du pays. Ce sont eux qui fondèrent Emain Macha (le fort de Navan), la capitale traditionnelle de l’Ulster, près d’Armagh. Pour mémoire, rappelons que c’est ce peuple qui nous a laissé la légende de Cuchulainn. Dans les périodes qui suivirent, leurs descendants furent connus sous le nom de Dál Fiatach, et furent refoulés dans la partie est du comté de Down.
Les Múscraige et les Osraige étaient les anciens peuples indigènes du nord-est du Munster.
Les Darini et Robogdii (ou Reidodioi) sont deux tribus dont le territoire se situait dans le comté d’Antrim ainsi que dans le nord du comté de Down. Ce furent probablement les ancêtres des Dal Riata ou Dál Riada de l’Histoire, qui ont colonisé l’Écosse au cinquième siècle de notre ère. Ces occupants du Dal Riada de l’Ouest de l’Antrim et du Dal Fiatach de l’est de l’Ulster étaient donc des Hiberniens ou Erainn. Et ce n’est que plus tard qu’ils furent dotés d’ancêtres gaéliques ou considérés comme Gaëls, c’est-à-dire faisant partie de la dernière vague d’envahisseurs celtes. Les Ebdani sont une tribu de la côte est dont le nom apparaît sous la forme Eblani chez Ptolémée. Leur capitale, que Ptolémée appelle Eblana, fut souvent, mais à tort, assimilée à Dublin (à cause de la similitude des deux noms).
Enfin, dans la vie de saint Greallan, patron des Ui Maine, les Gaulois Fir Bolg sont considérés comme étant le peuple indigène du Connaught.
Norman Mongan semble penser que nombre de ces Gaulois Fir Bolg auraient longtemps subsisté en tant que tribus vassales. La plupart des toponymes irlandais contenant les termes mong, muin, maion, maine, managh, monach, manach, mannog, seraient des vestiges de leur présence.
D’après certains spécialistes le celtique – p des Hiberniens ou Erainn, serait le Iarmbérla mentionné par le traité connu sous le nom d’Auraicept na nÉces ou le Iarnbélre mentionné dans le glossaire de Cormac (Sanas Cormaic) sous le nom de Iarnnbêlrae, Iarnbêlrae, ou Iarmbêrla. Selon T. F. O’Rahilly le terme viendrait de *Érn-bélre, ce qui signifierait : langue des Erainn. Cormac nous donne deux mots dans cette langue : ond (pierre) et fern (bon).
Ces Belges ont beaucoup apporté à leur pays d’adoption et notamment dans le domaine artistique : épées, torques, et vases identiques à ceux du Continent ; mais leur supériorité technique n’a guère fait évoluer le mode de vie archaïque des indigènes. Ils ont construit très peu d’oppidums en Irlande, alors que ceux-ci étaient très nombreux en Grande-Bretagne ou sur le Continent sous le nom d’oppidum justement. Ils adoptèrent par contre l’habitat indigène : des huttes en pierre rudimentaires, en forme de ruches circulaires, construites sans mortier.
Vers – 300 l’Irlande fut de nouveau sujette à une autre arrivée de locuteurs parlant une langue celtique en P. On peut distinguer trois noms dans cette invasion, mais il est impossible de savoir s’il s’agit de trois appellations différentes d’une même tribu, ou de trois groupes unis par des liens très étroits. Leurs noms, tels qu’ils apparaissent dans les documents écrits, sont Laigin, Domnainn et Gailioin. À en croire leurs propres traditions, ils venaient d’Armorique ou de Normandie. Ils auraient débarqué dans le sud-est du pays et l’auraient enlevé aux Erainn. La frontière entre l’Ulster et le Leinster devint alors la rivière Liffey. Le nom moderne de cette province, le Leinster (irlandais Laighin), conserve la mémoire de ce peuple, même si le
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Leinster avait alors une superficie notablement plus réduite que celle du Leinster d’aujourd’hui. Les Domnainn étaient apparemment un rameau des Dumnonii, un peuple celte habitant la Domnonée (Devon et Cornouailles) selon les auteurs classiques. Une autre branche des Dumnonii s’installa d’ailleurs en Écosse, où ils fondèrent Dumbarton, et le royaume connu plus tard sous le nom de Strathclyde. Ces deux invasions survinrent probablement à peu près à la même époque que l’invasion de l’Irlande par les Laginiens. Cette invasion laginienne n’eut que peu de conséquences en Ulster ou dans le Munster, mais on ne peut en dire autant du Connaught d’où ils auraient repoussé les Gaulois Fir Bolg. Les restes de nombreuses fortifications en pierre construites par ces derniers pour se défendre des attaques laginiennes, sont encore visibles dans cette région. Il ne fallut que quelques générations pour que les tribus de Laigin s’installent solidement dans le Connaught ou dans le comté de Sligo. Les O’Hara, les O’Gara, et d’autres en seraient des descendants. Ils demeurèrent néanmoins plus fortement implantés dans le sud-est du Leinster, où ils constituèrent la puissance dominante jusqu’aux époques historiques. Ils semblent avoir eu moins d’influence dans le Munster et en Ulster, ce qui tend à montrer que leur conquête se limita effectivement au Leinster et au Connaught. Une autre branche de leur peuple était les Gailioin (ou Gailenga) établis au nord de Dublin et du comté de Meath. Les tribus d’Erainn de cette province y furent souvent vaincues par eux au cours du troisième siècle. La bataille décisive eut lieu dans le comté de Sligo à Mag Tured. Un roi laginien (répondant peut-être au nom de Cairpre) y écrasa les Erainn et les chassa du Connaught.T. F. O’Rahilly pense que cette première bataille de la Plaine des menhirs ou des tumulus est une bataille historique ayant vraiment eu lieu, mais pas entre les Gaulois Fir Bolg et les Tuatha Dé Danann, entre les Erainn Fir Bolg et les Laginiens. TEL N’EST PAS NOTRE POINT DE VUE ! SELON NOUS CETTE BATAILLE EST PUREMENT MYTHIQUE ET EN AUCUNE FAÇON HISTORIQUE. Gann et Sengann sont également les noms donnés, dans la légende, à des Fomoire ou Andernas ayant vécu du temps des Némédiens puis ayant été vaincus par eux, et « fils de Dela » est également la précision qualifiant un Fomoire nommé Morc, alors ? N’y aurait-il pas eu par hasard confusion entre les vouivres anguipèdes gigantesques (que l’on appelle Andernas sur le Continent, Fomoré en gaélique) et les Gaulois Fir Bolg historiques ??? De toute façon, nous avons quelques difficultés à imaginer des Gaulois Fir Bolg ou autres construisant Dun Aengus et Dun Conor dans les îles Aran, ou Dun Bhaloir sur l’île de Tory.
La division en quatre provinces de l’Irlande remonte par contre vraisemblablement à cette époque. Les Érainn continuèrent à dominer l’Ulster ainsi que le Munster, et les Lagin avec leurs alliés devinrent la puissance dominante dans le Leinster et le Connaught. À en croire la tradition, les terres de ces quatre provinces se rejoignaient au centre du pays, marqué par la colline d’Uisneach (entre Mullingar et Athlone, dans le comté de Westmeath), un nom signifiant quelque chose comme « nombril, omphalos ou pierre angulaire ». Le territoire situé immédiatement autour de cette colline fut appelé Medion, ce qui signifie « milieu », et ce fut là l’origine du nom du comté de Meath. Jules César rapporte que les très-sachants de la druidiaction (druidecht) se réunissaient chaque année en un lieu sacré du centre du pays pour y célébrer divers rituels (De Bello Gallico VI, 13). La tradition irlandaise nous rapporte la même chose, la Mórdáil Uisnig avait lieu chaque année sur la colline d’Uisneach, le jour de Beltène, le 1er mai.
Témoigne de tout ceci l’histoire du site de Dun Ailinne. La première occupation a été très gravement affectée par une construction postérieure de l’Âge du fer : une palissade de bois (la phase « blanche ») d’environ 22 m de diamètre. Quelque temps plus tard, elle fut démantelée pour laisser place à une construction beaucoup plus ambitieuse (la phase « rose ») qui n’était pas seulement plus grande (36 m de diamètre environ) ; mais qui présentait aussi une annexe sur son côté sud et une entrée très élaborée analogue à celle du temple de Gournay-sur-Aronde en France : un véritable portail. Cette structure de la phase « rose » fut démolie, à son tour pour laisser place à la construction de la phase « mauve », plus grande encore (42 m de diamètre environ) et de plan différent. Deux tranchées de fondation, concentriques, permettent de penser à une plate-forme entre deux murs, mais l’intérieur n’est pas un espace dégagé, comme il le fut dans la phase « rose ». Au milieu de la structure de la phase « mauve » se trouvait un bâtiment circulaire, qui non seulement était construit avec des poteaux plus gros que ne le nécessitait sa petite taille (6 m de diamètre environ) ; mais qui en plus était entouré par un cercle de poteaux supplémentaires. On peut déduire de ces caractéristiques que ce bâtiment était exceptionnellement haut par rapport à sa petite surface au sol (une tour ?) et qu’il était renforcé par des arcs-boutants extérieurs.
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Dans l’espace entre cette tour centrale et le mur de palissade externe fut érigé un cercle de vingt-neuf très gros poteaux, ayant chacun environ 0,50 m de diamètre. Les nouveaux venus à l’origine de la phase « blanche » pour commencer, au IIIe siècle avant notre ère, et ensuite de la phase « rose » au IIe siècle, ont donc apporté avec eux en Irlande, non seulement des conceptions religieuses nouvelles (sanctuaires notamment) ; mais aussi des pratiques funéraires inconnues dans la région, et qui témoignent de croyances différentes en l’au-delà.L’institution druidique en Irlande remonte par conséquent au minimum également à la fin de l’Âge du Bronze ou aux premiers âges du fer (c’est-à-dire vers – 800 avant notre ère). Comme il est prouvé qu’il y a toujours eu, depuis, des très-sachants de la druidiaction (druidecht) chez les Celtes d’Irlande, cela signifie donc ; contrairement à ce qu’écrit le français Jean-Louis Brunaux dans son pourtant excellent livre sur les religions ; que cette institution remonte au moins au VIIIe siècle avant notre ère. Ces derniers venus seront progressivement assimilés par la masse des Celtophones en « q » les ayant précédés, ils seront peu à peu goïdélisés ou gaélisés. Il est néanmoins vraisemblable qu’ils ont réussi à influencer profondément le chamanisme ou le proto-druidisme de leurs prédécesseurs dans cette île, avant de disparaître. La dernière vague celtique ayant contribué à donner à l’Irlande le visage que nous lui connaissons est le peuplement gaël, aux alentours de 150 avant notre ère. Le plus grand mystère règne sur lui, ce que la légende nous rapporte de l’origine des Milésiens étant totalement inventé, en particulier ses origines espagnoles. Les légendes sur l’arrivée des fils de Mile, ancêtres des Gaëls, n’ont aucun fondement historique crédible. Mais ce qui est certain, par contre c’est l’existence depuis lors d’Irlandais parlant une langue celtique en – q.La langue celte forme une branche de la famille des langages indo-européens, au même titre par exemple que le latin, le grec, le sanscrit… ou le slovène. Les Celtes de Gaule et de Grande-Bretagne parlaient le celtique en – p, ancêtre du gallois (et du breton sur le Continent). Sans trop entrer dans des détails linguistiques, les expressions « celtique en – q » et « « celtique en – p » viennent du fait que le mot pour cheval était donc « epos » en celtique « p », mais par contre « equos » en celtique « q » (ce qui donna « ech », puis « each » en irlandais moderne). L’irlandais actuel, appelé gaélique (première langue officielle de la République d’Irlande avant l’anglais, normal), dérive du dialecte celtique en « q ». Une seule explication possible. Il n’y a pas eu d’invasion, mais une lente remontée de peuples originels, qui ont au passage achevé de se celtiser, ce qui a donné les Gaëls. Les Gaëls d’Irlande sont des autochtones ayant évolué puis ayant fini par reprendre le pouvoir. Même phénomène linguistique en somme que celui ayant donné les langues germaniques sur le Continent : l’adaptation à leur façon de prononcer et de penser, par de grands dolichocéphales blonds non aryens, d’une langue indo-européenne, le Lusacien, ainsi que le pensait Sigmund Feist pour expliquer les innovations des langues germaniques par rapport aux traits communs des diverses langues indo-européennes (conjugaisons, place du verbe dans la phrase, accent tonique, mutations consonantiques, etc.). Les premières langues germaniques seraient donc des sortes de créoles de type Afrikaans. En Irlande en tout cas ce qui est sûr c’est que le peuplement gaélophone, qui ne fut peut-être qu’une Reconquista, réussit à refouler les Laginiens. Un des groupes de Gaëls en question fut les Eóganachta et leur chef un certain Mogh (ou Mug) Nuadat. Les Eóganachta auraient débarqué à l’endroit appelé Inber Scène (la rivière Kenmare dans le Sud-Ouest). Les noms mêmes d’Eóganacht et Mug Nuadat, adoptés sans doute après leur arrivée, laissent à penser qu’initialement ils commencèrent par entretenir de très bonnes relations avec les Erainn (des alliés ??) ; puisque ces deux noms semblent venir de ceux de deux de leurs divinités. Les Gaëls méridionaux n’eurent pas de capitale fixe au départ et passèrent au contraire d’une région à l’autre avant de se fixer à Cashel. Ils s’étendirent ensuite au-delà du Shannon et donnèrent leur nom à la province du Connaught. Les Gaëls de l’embouchure de la Boyne (grâce à un roi nommé Tuathal Techtmar) réussirent à repousser les Laginiens ou Laigin dans le nord du Leinster et à établir leur suzeraineté sur Tara. Mais la plupart des tribus prégaéliques restèrent sur place et formèrent la base de la future société irlandaise, dominée par des Gaëls beaucoup moins nombreux, bien que beaucoup plus puissants. On trouve dans les œuvres de certains poètes que les tribus gaéliques, les peuples gaulois Fir Bolg et les Laigin, ont pendant longtemps coexisté, qu’il y a eu des mariages mixtes. Dans l’introduction de son livre intitulé « Leabhar I Eadhra », Lambert McKenna signale que les filidh, qui étaient aussi des généalogistes, évoquent l’existence de deux sortes de familles régnantes dans l’Irlande primitive. Les premières, les familles de conquérants gaëls qui étaient la puissance dominante. Les
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secondes, les grandes familles des autres « races » comme les Laginiens ou les Gaulois Fir Bolg, qui, bien que réduits à l’état de vassaux, avaient néanmoins gardé le droit de rester les seigneurs de leurs peuples. On attribuait à ces hommes riches et influents des liens familiaux les rattachant aux plus nobles familles gaéliques. Les annalistes de l’époque nous révèlent que les Gaulois Fir Bolg ont très longtemps survécu en tant que tribus distinctes. Dans le Connaught il y avait par exemple les Ui Maine, les Conmhaicne, les Ui Fiachra et les Ui Briuin. Dans le Leinster il y avait les Ui Failige, les Ui Bairrche et les Ui Enechglaiss. En Ulster et dans le Munster, de nombreuses tribus étaient aussi d’origine gauloise fir bolg. Et là également ces tribus coexistèrent longtemps avec leurs conquérants gaëls. À l’intérieur du pays elles surent garder leurs terres en échange de divers services de type militaire ou guerrier, bref en devenant les vassaux de suzerains gaëls. Les tribus laginiennes (Gailing) aidèrent ainsi les Gaëls à conquérir le Connaught et obtinrent de nombreux fiefs dans le comté de Mayo : la baronnie de Gallen a par exemple préservé leur nom. Le Connaught, ou extrême-ouest de l’Irlande, situé entre le fleuve Shannon et l’Océan Atlantique, était connu sous le nom de coiced Ol nEcmacht avant le VIIe siècle ; et il était peuplé de tribus ou de populations vassales appartenant à l’une ou l’autre des groupes ethniques ayant précédé les Gaëls ; mais faisant néanmoins partie, à un titre ou à un autre, de la grande famille celtique. Parmi ces tribus prégaéliques du Connaught, il y avait les Gregraige, une tribu gauloise Fir Bolg, qui occupait une grande partie de l’ouest du comté de Sligo, entre le lac Gara et les monts Ox. Il y avait aussi dans la même région les Gailenga et les Luigne dont descendent les O’Hara et les O’Gara. Les Ciarrage ou tribus « noires » occupaient la plus grande partie du Nord-Ouest du comté de Roscommon et passent pour avoir été les premiers seigneurs d’Airtech, actuelle baronnie de Frenchpark. On suppose que leur capitale se trouvait à Baslic près de Castlerea. Les Calraige, une autre importante tribu prégaélique avaient des terres dans les comtés de Sligo et de Mayo, ainsi que dans le Nord du comté de Roscommon. Ils ont peut-être été les maîtres de Moylurg avant d’être absorbés par les Sil Murray puis les MacDermot. Une autre puissante fédération de tribus était les Ui Maine (O’Kelly) dont le territoire comprenait de vastes zones de ce qui est actuellement le sud du comté de Roscommon, le Galway ainsi que le nord du comté de Clare. D’après O’Rahilly, les Ui Maine étaient des Celtes prégaéliques à qui l’on attribua plus tard, et de façon quelque peu fictive, une ascendance milésienne, par Maine Mor, fils d’Eochu… O’Rahilly précise que c’étaient des vassaux (payant tribut) des rois gaëls du Connaught. Parmi les Ui Maine il y avait notamment les Sogain, une tribu de Cruthin ou Pictes et les Dal naDruithne, une autre tribu celte pré gaélique. L’arrivée continuelle dans le Connaught, de nouveaux arrivants, et les brassages qui s’ensuivirent, rendent parfois difficile la détermination des appartenances ethniques. Certaines tribus furent complètement vassalisées, mais d’autres réussirent à maintenir une certaine indépendance et à coexister pendant longtemps avec les conquérants Gaël. À en croire les anciennes annales, le Connaught était dirigé au premier siècle avant notre ère par un roi dont le nom fut Eochaidh Feidlech. La légende veut que ce soit lui qui ait construit le grand château fort situé à Rathcroghan, la forteresse des rois du Connaught. Un de ses descendants, Fearadach, y régnait en l’an 75. Le fils de Fearadach, Fiacha, fut assassiné à Magh Cru lors d’une révolte des Aitheach Tuatha ou Attacotti, qui étaient des prégaéliques. Ils attirèrent le roi dans un piège, et lui et ses hommes furent massacrés jusqu’au dernier. Mais les Attacotti furent à leur tour vaincus par le grand guerrier qu’était Tuathal Teachtmhar, fondateur du royaume de Meath, et grand-père du célèbre Conn aux cent batailles ; le premier vrai roi des rois d’Irlande. Tuathal Teachtmhar venait d’Écosse et la tradition prétend que c’était le fils d’un roi des rois précédent, ayant été renversé par une rébellion desdits Aitheach Tuatha. Il se serait donc agi du retour victorieux d’un exilé venu reprendre possession du trône de son père. Il y a néanmoins fort à parier que ce n’était pas le cas, que cette filiation avec un haut roi d’Irlande précédent est une invention, et que Tuathal Teachtmahar fut tout simplement un chef de guerre heureux, un étranger (non irlandais), appelé Teutovalos, qui aura réussi à débarquer dans ce pays et à s’y implanter.La conquête gaélique de l’Ulster.
La tribu des Ulaid parlant une langue celtique en – P tenait encore Emain au début du quatrième siècle, leur dynastie royale prétendait remonter au légendaire roi gaulois Fir Bolg appelé Rudraige fils de Dela, et contestait toujours la suprématie sur le pays, aux clans gaëls établis dans le centre. La carte de Ptolémée, dressée vers l’an 150 à partir de sources plus anciennes, les nomme Voluntii. À leur apogée, il semble qu’ils aient été maîtres de ce qui est maintenant le comté de Monaghan, le comté d’Armagh, le comté de Down, le comté d’Antrim et une grande partie du comté de Louth. Le centre de la province était tenu par les Airgialla,
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une confédération peu structurée de tribus d’origine Cruithin, qui était vassale des Ulaid. La carte de Ptolémée mentionne deux autres tribus plus à l’ouest, les Vennikinii dans le comté de Donegal et les Erpitiani le long des Lough Erne inférieur et supérieur. Ces deux tribus étaient probablement vassales des Ulaid. La conquête gaélique de l’Ulster fut achevée par trois des fils de Niall, Conall Gulban, Eógan et Énda, qui furent récompensés par trois sous-royaumes dans l’ouest de la province. D’après O’Rahilly donc, et en résumé, l’éviction des Belges et des Laginiens d’Irlande n’était pas encore achevée au début du Ve siècle puisque les célèbres Ulates ou Voluntii gouvernèrent ce qui restait de l’Ulster, en tant que suzerains de divers princes vassaux, jusque vers l’an 425.Toutes ces immigrations successives celtisèrent complètement l’Irlande. Le substrat constitué par les plus anciens arrivés, protoceltes celtisés, entraîna quelques particularismes par rapport à la grande communauté pan celtique (Litavia, Celticum sous la plume de Tite-Live). Ce furent les « Goidels », c’est-à-dire les « frustes », à prendre comme un compliment analogue à celui de « spartiate » ou dans le sens péjoratif de « sauvage », selon appartenance ou non à ce groupe. Donc non pas un dernier ban d’envahisseurs débarquant dans l’île puis éliminant toutes les autres, mais une sorte de Reconquista des Gaéliques, une lente remontée des gaélophones, repoussant et assimilant peu à peu les GaIleoin, les Bolg, les Laginiens et autres Domnonéens. Tout en les laissant longtemps subsister en maint endroit, en particulier en Ulster (d’où l’épopée de Cuchulainn et bien d’autres éléments du corpus mythologique. Le Setanta surnommé le Chien de Culann n’est en effet en aucune façon Irlandais. Il ne se considère jamais comme Irlandais, mais passe son temps à les combattre). Ce qui est certain de toute façon, c’est qu’il existait à l’époque historique en Irlande, au moins trois tribus parlant incontestablement une langue celtique en – P. Les Briganti (comtés de Waterford et Wexford). Très certainement, une partie des Brigantes de [Grande] Bretagne (Pays de Galles), ayant fui leur territoire d’origine occupé par les Romains. Des fouilles archéologiques y ont trouvé des objets typiques. Les Ménapiens (comté de Wicklow). Peuple de l’est de l’Irlande, et très probablement une fraction des Ménapiens de la Belgique, ayant migré en Irlande. Les Corionototae ou Coriondi (nord du comté de Wexford). Nous ne savons que peu de choses sur ce peuple, il est cité par Ptolémée. Il s’agit peut-être d’une fraction des Corionototae qui aurait migré de la [Grande] Bretagne vers l’Irlande. Installé à l’origine dans le Leinster, il est probable qu’il s’agit des « Coraind » que l’on retrouve plus tard dans le comté de Sligo. Ce qui est certain en outre, c’est qu’au IVe siècle de notre ère, l’Irlande était entièrement gaélisée ou goïdélisée, à l’exception de l’Ulster, et qu’elle était politiquement divisée en quatre ou en cinq provinces/ royaumes. L’Ulster était toujours dominé par des tribus d’Erainn. Le territoire central ou Meath avec Tara, était habité par des tribus gaéliques. Le Leinster était tenu par des tribus gaélisées vassales du roi de Tara. Le Munster était aux mains de tribus gaéliques. Le Connaught était soumis à des tribus gaéliques.
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ANNEXE N°5.L’HYPERBORÉE SELON LES GRECS.
Notre vieux maître Henri Lizeray a lui aussi abordé la question dans son ouvrage intitulé « les traditions nationales retrouvées » paru en 1892 à Paris. Malheureusement pour l’associer immédiatement à l’Atlantide, ce qui ne facilite guère les choses, même si sa localisation à lui ne heurte pas la science géographique. D’ailleurs la voici.
« Denys de Milet nous fait connaître la Genèse des Occidentaux, bien plus vraie que celle des Orientaux. Il suffit de dégager le sens des personnifications et des mythes appropriés aux intelligences primitives… Il résulte du mot d’Apollodore qu’Atlas et les Hespérides étaient situés au-delà de Borée. Borée signifie le Nord et aussi la Celtique dont il fut le premier roi. Les Atlantes sont donc simplement les riverains de l’Océan atlantique, c’est-à-dire les Celtes habitant sous la constellation boréale de l’Ourse »…
Mais le meilleur résumé de la question est encore celui du dictionnaire universel d’Histoire et de Géographie, édité une première fois en 1842 (p. 864).
HYPERBORÉENS. C’est-à-dire au-delà du Borée. Nom donné par les Grecs aux peuples et aux pays du Nord. On plaça d’abord le pays des Hyperboréens au nord de la Thrace, puis on le recula jusqu’au-delà des monts Ripées ou Riphées, entre les Alpes et l’Oural. On imaginait que par-delà ces montagnes vivait un peuple chéri des dieux, qui pratiquait toutes les vertus, qui vivait sans travail et sans trouble, à l’abri du souffle de Borée, dans un climat d’une douceur inaltérable. On remarque en tout cas de singuliers rapports entre les cultes d’Apollon ou de Diane, et les traditions répandues sur les Hyperboréens. 2200 ans auparavant, Hérodote (– 484 – 420) avait déjà quelque peu stigmatisé ce flou artistique des légendes grecques concernant les Hyperboréens, et l’imprécision du terme. Il rappelait d’ailleurs qu’il y avait aussi de même des « hypernotiens » c’est-à-dire des hyper méridionaux). Outre Hérodote et Diodore, divers auteurs grecs ont aussi évoqué (en prose ou en poésie) ces huperboreioi ou huperboreoi : Aristote, Denys d’Halicarnasse, Eschyle, Hécatée d’Abdère, Lucien, Pausanias, Pindare, Ptolémée. Quelques noms de personnages issus de ce peuple émergent de tout cela : les vierges Akhaiia, Argè, Hyperokhè, Laodiké et Opis, la sage-femme Eiluthéia (Ilithye) et surtout les fameux Olènos et Abarix.
Olenos (Ailinus, Linus, Olen). Évoqué par Hérodote, Pausanias, Callimaque de Cyrène et Alexandre Polyhistor. Musicien semi-mythique considéré comme hyperboréen venu directement d’Hyperborée, ou comme Hyperboréen venu à Délos après être passé par la Lycie. Il composa des hymnes qui furent chantés dans les fêtes solennelles de Délos et de Delphes. Cela lui valut d’être considéré là-bas comme un grand pontife. Pausanias connaissait de lui des hymnes à Eiluthéia (mère d’Éros et accoucheuse de Léto), à Héra, à Akhaiia (une vierge de Délos venue, elle aussi, d’Hyperborée) et enfin à Bœo, une prophétesse venue avec d’autres Hyperboréens s’installer à Delphes selon certains auteurs. Le druide Olen est donc le premier prophète d’Abellio/Apollon connu là-bas, et il passe aussi pour avoir été l’inventeur de l’hexamètre, tout au moins en tant que formule oraculaire consacrée au dieu-ou-démon Apollon/Abellio. La mention de son arrivée dans l’archipel grec venant de Lycie (une contrée d’Anatolie) n’est en aucune façon contradictoire. Olenos peut très bien avoir été un barde ou un druide hyperboréen errant, ayant commencé par traverser l’Anatolie. À moins même que cette mention de la Lycie ne soit qu’une confusion de plus avec le nom de Lug. Olèn aurait donc été surnommé « le lugien ». N. D. L. R. Le celtique a probablement connu le nom de personne Olenos à en juger par le toponyme britannique Olenacon = « domaine d’Olenos », actuellement Ilkley. Tacite a aussi mentionné un personnage nommé Olennius en Germanie, mais cette latinisation en – us peut tout aussi bien concerner un nom germanique en – az qu’un nom celtique en – os.
Abarix/Abaris. Évoqué par Hérodote, Lycurgue, Pindare, Platon, Héraclide, Hécatée, Plutarque et Apollonios chez les Grecs. Personnage légendaire que l’on disait issu des contrées hyperboréennes. C’était un prêtre d’Apollon/Abellio à la fois théologien et thaumaturge. Ce sont les mystiques grecs des sixième et cinquième siècles avant notre ère qui ont célébré le plus son renom, quand ce n’était pas son existence même. On ne sait quand il vécut exactement : les uns en firent un contemporain d’Orphée (personnage légendaire lui aussi donc impossible à dater), d’autres un contemporain de Pythagore (— 570 – 480). Pindare, lui, le situait au temps de Crésus, qui régna de – 560 à – 545, donc à la
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même époque, d’autres encore le situèrent à une époque imprécise, mais plutôt antérieure. Hérodote en parle à propos de l’Apollon de Delphes. Abarix aurait eu avec lui une flèche très mystérieuse (celle du dieu-ou-démon ?) qui lui aurait permis de voyager dans le monde entier sans avoir besoin de manger. On pense immédiatement aux mystérieuses branches magiques irlandaises de Lug ou d’autres dieu-ou-démons analogues, permettant à leurs heureux possesseurs d’être constamment rassasiés, sans avoir besoin de manger. Selon d’autres, c’est lui qui aurait été porté par cette flèche, avec laquelle il traversait les airs. Platon mentionne Abarix comme auteur de formules magiques. Sachant prédire, il était aussi très habile en médecine, de sorte qu’il délivra plusieurs peuples de Grèce des fléaux qui les désolaient. Lycurgue (fragment 85 B1) le montre associé au culte attique d’Apollon : en un temps de peste endémique (loimos, qu’il faut peut-être lire limos = famine), Abarix aurait offert à la ville d’Athènes un grand sacrifice expiatoire (une Proèrosia). Le premier grand diffuseur ayant fait connaître la légende d’Abarix fut Héraclide du Pont ; son dialogue sur Abarix était, selon Plutarque, une lecture très appréciée de la jeunesse. On peut se demander si son récit de la chevauchée d’Abarix sur la flèche du dieu-ou-démon, ne constitue pas la version la plus archaïque de la légende d’Abarix, celle d’Hérodote étant déjà plus critique. Quoi qu’il en soit, Hécatée s’en servit aussi plus tard pour son roman hyperboréen, et les néopythagoriciens le tenaient pour un grand enseignant précurseur de Pythagore. En grec, le nom d’Abaris se déclinait de deux façons. Soit avec un génitif Abaridos, qui ferait alors penser à un nom « barbare » du genre * Abarids, soit en mode ionien : Abarios (alors parallèle aux génitifs celtiques de noms masculins en – is) et avec un accusatif Abarin, tout comme en celtique. Voici le passage d’Hérodote qui évoque la question (Livre IV, chapitres XXXIII-XXXVI).« C’est ainsi que ces offrandes sacrées parvenaient à Délos, disent-ils ; mais au début, ajoutent-ils, les Hyperboréens avaient envoyé pour transporter ces offrandes sacrées deux vierges dont les noms, nous disent les Déliens, étaient Hyperoché pour l’une, Laodiké pour l’autre. Et avec elles pour assurer leur protection les Hyperboréens avaient envoyé cinq hommes de leur nation devant s’occuper d’elles, ceux que l’on appelle maintenant Perphères et qui sont tenus en grand honneur à Délos. Mais comme les Hyperboréens finirent par réaliser que ceux qu’ils avaient ainsi envoyés au loin avec les offrandes ne revenaient pas, et l’idée de toujours envoyer ainsi de tels ambassadeurs sans espoir de jamais les revoir un jour ne leur plaisant guère, alors ils se contentèrent d’amener à leurs frontières lesdites offrandes enveloppées de paille de blé, puis de les confier à leurs voisins en les priant de les passer à leur tour à une autre nation. Elles arrivent alors ainsi transportées de proche en proche à Délos, disent-ils, et j’ai personnellement remarqué qu’il existe quelque chose de semblable à ces offrandes, notamment quand les femmes de Thrace et de Péonie sacrifient à la « reine » Artémis : elles ne lui font jamais d’offrandes sans paille de blé. Voici donc ce qu’ils font ainsi que je l’ai dit ; à cause de ces vierges venues de chez les Hyperboréens, qui moururent à Délos : garçons et filles du peuple délien se coupent les cheveux. Les filles avant leur mariage se coupent une mèche puis après l’avoir enroulée autour d’un fuseau la déposent sur leur tombe (tombeau qui se trouve actuellement sur la gauche en entrant dans le temple d’Artémis, et sur lequel pousse un olivier) ; les garçons de Délos, eux, entortillent une mèche de leurs cheveux autour de la jeune pousse d’un arbre toujours vert, et la déposent également sur cette même tombe. Les habitants de Délos rendent donc ces honneurs aux vierges dont je viens de parler, mais ils racontent également que deux autres vierges, Argé ainsi qu’Opis, du pays des Hyperboréens, seraient venues à Délos après être passées par les mêmes nations mentionnées plus haut, et ce avant même Hyperoché ou Laodiké. Ces dernières, ajoutent-ils, venaient apporter à Ilithye le tribut qu’elles offraient pour obtenir un prompt accouchement ; mais Opis et Argé vinrent avec les divinités elles-mêmes, et d’autres honneurs leur avaient été consacrés par le peuple de Délos, car les femmes, d’après eux, font des quêtes pour elles, en chantant leurs noms dans un hymne qu’Olen, un homme venu de Lycie (N. D. L. R. venant de la part de Lug ??) a composé en leur honneur, et les natifs des autres îles ainsi que les Ioniens ont appris d’eux, disent les Déliens, à chanter des hymnes louant Opis et Argé ainsi qu’à faire des quêtes en leur honneur. En fait, c’est ce Lycien (cf. Lug ? ?) appelé Olen qui aurait aussi composé les autres hymnes antiques chantés à Délos. Et ils ajoutent que quand les cuisses des animaux sacrifiés sont consumées sur l’autel, leurs cendres sont habituellement répandues sur la tombe d’Opis et Argé. Leur tombe est située derrière le temple d’Artémis, orientée à l’est, juste à côté de la salle des
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fêtes des Céiens. En voilà bien assez à propos des Hyperboréens, car je ne parlerai pas de l’histoire d’Abaris, qui est dit avoir été lui également hyperboréen, et notamment comment il voyagea sur une flèche tout autour de la terre, sans rien manger. De toute façon s’il y a des Hyperboréens, il s’ensuit qu’il doit également y avoir des Hypernotiens (c’est-à-dire de l’extrême sud. N. D L. R) ».À propos de cette mystérieuse et incroyable histoire de flèche, voici une autre évocation de cette antique légende. Apollon, après avoir massacré les Cyclopes, aurait caché la flèche dont il s’était servi dans le grand temple rond qu’il possédait chez les Hyperboréens (Stonehenge en Angleterre ? N. D L. R). Le grand prêtre hyperboréen répondant au nom d’Abarix aurait alors « parcouru toute la Terre sur cette flèche et cette même flèche se serait envolée dans les nuées pour former la constellation du Sagittaire ». Voilà donc tout ce que l’on sait actuellement des druides de Lug appelés Olenos et Abarix.
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ANNEXE N°6.L’HYPERBORÉE ET L’ORIGINE NORDIQUE DES TRADITIONS SELON PAUL LE COUR (Atlantis).
En 1890, E.-F. Berlioux a fait paraître un ouvrage intitulé : À la recherche de la nation et de la cité des Hyperboréens. Je me bornerai à signaler qu’il a fait de l’Hyperborée la Celtide du Nord, et qu’il voit dans les Hyperboréens les prédécesseurs des druides et des bardes. Bien souvent, nous avons fait allusion ici à l’origine des traditions et de la civilisation qui en provient. Les Anciens donnaient à cette contrée le nom d’Hyperborée. C’est sous cette latitude que serait née l’idée de la mort du dieu soleil (ou solstice d’hiver) et de sa résurrection au bout de trois jours. On peut suivre ainsi la descente de l’Humanité vers des contrées méridionales, au fur et à mesure que se refroidissent les contrées nordiques.
L’Hyperborée a été célébrée par les conteurs, chantée par les poètes et les musiciens ; c’est le royaume de Thulé, l’Ultima Thule. Les traditions hindoues font, elles aussi, remonter la civilisation des Aryens aux régions polaires et occidentales ; il y est question de l’île Blanche, où des sages allèrent jadis s’instruire. Cette île Blanche a été assimilée à l’Angleterre, dont le nom antique, Albio, vient d’albus, blanc, à cause de ses blanches falaises, mais en réalité il nous faut regarder plus au nord. Dans sa bibliothèque consacrée à la mythologie (livre II, chapitre V, section 11), Apollodore écrit que les pommes d’or enlevées par Hercule se trouvaient dans l’Atlantide des Hyperboréens, non en Libye. Et selon Pomponius Méla, Orphée lui-même était un prêtre hyperboréen, un prêtre du soleil, car le dieu-ou-démon de l’Hyperborée d’alors était Apollon/Abellio, surnommé l’Hyperboréen.
« Hécatée & quelques autres disaient qu’au-delà & dans l’Océan dans la direction du Septentrion, il y avait une île aussi grande que la Sicile où habitaient les Hyperboréens. Ainsi nommés parce qu’on les croyait situés au-delà du vent du nord. Le terroir de l’île est excellent ; il fournit deux récoltes par an. C’est, disent-ils, le lieu de naissance de Latone, & ils révèrent particulièrement Apollon son fils. Ils sont tous prêtres de ce dieu, & ils chantent sans cesse des hymnes en son honneur. Son superbe temple de forme ronde & toujours rempli de riches offrandes est dans un bois sacré au milieu de l’île ; la ville même est consacrée à ce dieu. Les Hyperboréens parlent une langue particulière. Ils aiment les Grecs, surtout ceux d’Athènes & de Délos, qui jadis sont venus chez eux, & y ont laissé des offrandes couvertes d’inscriptions grecques. Ils ajoutent que de leur côté Abarix vint autrefois en Grèce pour renouveler l’ancienne alliance des Hyperboréens avec les Déliens. Ils croient qu’Apollon descend dans leur île tous les dix-neuf ans 1), ce qui correspond à la révolution d’une grande année. Cette dix-neuvième année du cycle de Méton est fêtée par les Hyperboréens depuis l’équinoxe du printemps jusqu’au lever des Pléiades, & ils passent ce temps dans la joie & dans les festins. La dignité royale & sacerdotale est possédée dans cette île par les Boréades, des descendants de Borée, dont la succession n’a point encore été interrompue… 2)
… Il vit des tables d’airain qu’Opis & Hécaergé avaient apportées des pays hyperboréens, où étaient gravées des connaissances très importantes, il apprit que lorsque l’âme est séparée du corps, elle s’en va dans un lieu inconnu… Ceux qu’un bon génie [un ange gardien diraient chrétiens et musulmans] a bien conduits viennent habiter la demeure des justes, où le temps s’écoule dans une heureuse abondance… on n’y connaît ni l’hiver, ni l’été… les poètes y récitent leurs vers, les musiciens font entendre leurs chants & ces ombres fortunées respirent la paix & la sérénité d’une vie douce & immortelle… Je regarde ces premières idées comme l’ouvrage & le bienfait des Hyperboréens, parce que les Grecs l’ont dit, & qu’avec toutes sortes de raisons de contredire ce fait, ils n’auraient aucune raison de l’avancer s’il n’avait été réel. Je crois que ces idées sont primitives & antiques, parce que les Hyperboréens qui ont établi dans la Grèce le culte d’Apollon & qui particulièrement ont fondé le temple de Délos, sont aussi ceux qui avaient apporté du nord ces tables hyperboréennes. Opis & Argè sont citées pour avoir consacré ces tables, & pour avoir fait les premières offrandes à Délos *. On ne peut donc donner à ces idées sur l’autre vie une date plus récente que celle de l’institution du culte d’Apollon quinze ou seize siècles avant notre ère ». (Jean-Sylvain Bailly. Essai sur les fables et sur leur histoire. Tome 2).
Les anciennes traditions de la Suède, de la Grèce, et même de l’Inde, situent donc dans les contrées nordiques un peuple en possession de hautes doctrines religieuses, dont on fait le point de départ de la tradition primitive. En Grèce, ainsi que nous venons de le voir, on
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dépeignait les Hyperboréens comme un peuple vivant dans un pays au climat doux et fertile ; peuple doté d’une grande piété, ainsi que de mœurs très pures. L’année comportait une nuit de six mois et un jour de six mois. Serait-ce à cette origine que remonterait la légende de Proserpine passant six mois sur la terre et six mois dans le royaume des ombres ?« Ogygie fut, dit-on, une île placée au couchant de l’Angleterre ; près de cette île & vers le couchant d’été il y a une autre île où les gens du pays disent que Saturne est détenu prisonnier par Jupiter & gardé par les géants Ogygès & Briarée. Saturne y tient sa cour, au milieu de ceux qui furent ses amis pendant sa vie. Ces courtisans de Pluton sont appelés démons, mais les Anciens croyaient que ces démons étaient les âme/esprits des hommes du siècle d’or. Cette île est dans une mer qui porte le nom de Saturne » ** (Jean-Sylvain Bailly. Essai sur les fables et sur leur histoire. Tome 2).
Selon cet auteur, l’île d’Ogygie, l’Atlantide de Platon, l’Hyperborée mais aussi Spitzberg, sont une seule et même chose, et cet auteur pense que le déluge d’Ogygès était le souvenir de la submersion de l’île d’Ogygie jadis. Il semble donc que l’on entrevoit comme à travers un prisme déformant ce qui touche aux plus antiques traditions de l’Humanité préhistorique, et une fois de plus nous voyons que la légende renferme souvent des éléments d’histoire. Il faudrait donc admettre que l’homo sapiens occupait cette région, alors que le climat permettait à la vie végétale et animale de s’y épanouir et que c’est la dernière glaciation qui le fit descendre vers le 45e degré. C’est-à-dire à mi-chemin entre le pôle et l’équateur, où nous trouvons l’homme de Cro-Magnon (Paul Le Cour in Atlantis Nº 341).
* Platon. In Axiocho. Hérodote livre IV, chapitre XXXV.
** Cf. Plutarque. De facie in orbe Lunae § 33. L’attribution à Saturne de cette île est sans aucun doute due à une confusion. La mer l’entourant était appelée Cronion Mori en celtique, c’est-à-dire en quelque sorte « la mer glaciale », mais les voyageurs grecs parvenus dans ces régions crurent que ce terme (« Cronion ») était un nom signifiant « de Kronos » (Kronion) ; du nom d’une divinité assimilée plus tard à Saturne par les Latins. Fin de notre N. D. L. R.
1) Ce retour périodique se rapporte à la période astronomique appelée cycle de Méton, ce qui indiquerait des connaissances astronomiques déjà développées. Diodore de Sicile écrit aussi que, chez les Hyperboréens, la lune paraît très proche et que l’on y distingue clairement des montagnes, ce qui laisserait supposer, contre toute vraisemblance, que les télescopes y existaient déjà (sic).
2) Sans aller jusqu’à le confondre purement et simplement avec le « Borée » en question, divinisation grecque du Vent du nord, on peut quand même se demander s’il n’y a pas eu là aussi une confusion gréco-latine de plus ; due aux premiers voyageurs grecs ayant abordé la région. Voir N. D. L. R. ci-dessus : la confusion entre le celtique « Cronion » = « glacial » et le grec « Kronion » signifiant « de Kronos ».
Notre commentaire. Notre commentaire. Notre commentaire. Notre commentaire. Notre commentaire. Notre commentaire.
Ce texte tout comme le suivant contient à la fois des données sérieuses et aussi des reprises d’élucubrations périmées depuis longtemps. Dommage que les lecteurs d’Atlantis n’aient pas pu faire le tri avec quelques N. D. L. R. judicieusement insérées ici et là pour prévenir le lecteur non averti.
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ANNEXE N°7.L’HYPERBORÉE ET LES ARYENS SELON SERGE HUTIN.
Un philosophe hindou du XIXe siècle, Bal Gangadhar Tilak (1856-1920) a naguère publié un curieux livre s’appuyant sur l’Avesta et les Védas où il s’efforçait de rassembler toutes les preuves d’une origine arctique des Aryens ayant civilisé l’Inde. Selon de très vieilles traditions sanscrites en effet, c’est au voisinage de notre pôle nord que serait apparu le tout premier continent habité (sic). Il se serait effondré en laissant d’importants vestiges dans les régions situées sur la périphérie de l’Océan Arctique. Cette brutale inversion de climat s’expliquerait par un déplacement de l’axe terrestre qui, lui-même, aurait causé le changement de position des deux pôles. On conçoit qu’un tel bouleversement n’ait pas manqué de soulever un gigantesque raz-de-marée. Autre cataclysme dont les liens directs avec le premier mériteraient d’ailleurs des recherches scientifiques approfondies : celui de la glaciation, ou plutôt des glaciations, car plusieurs se sont succédé sur notre planète. Il est évident que la fonte des énormes masses liquides glacées des pôles, de même que certains glaciers, fut un phénomène très rapide. Cette fonte subite ne manqua pas d’entraîner l’engloutissement de territoires considérables, mais cette Hyperborée primitive ne fut pas complètement submergée. Diverses régions circumpolaires, la Sibérie, l’Alaska, le Groenland, le Spitzberg, l’île Jan Mayen, l’Islande, etc., peuvent être considérées comme ses vestiges. Et dans les mythes antiques, la région de l’extrême Nord se trouve volontiers considérée comme le tout premier centre civilisateur de l’Humanité. Voici ce qu’observait à ce sujet le Français René Guénon (le Roi du Monde). « Il s’agit toujours d’une région qui, comme le paradis terrestre, est devenue inaccessible à l’Humanité ordinaire, et qui est située hors de l’atteinte de tous les cataclysmes qui bouleversent le monde humain à la fin de certaines périodes cycliques. Cette région est véritablement la « contrée suprême ». Du reste, d’après certains textes védiques et avestiques, sa situation aurait été primitivement polaire, même au sens littéral du mot ; et quoi qu’il puisse en être de sa localisation à travers les différentes phases de l’histoire de l’Humanité terrestre, elle demeure toujours polaire au sens symbolique. Puisqu’elle représente l’axe fixe autour duquel s’accomplit la révolution de toutes choses ». Même après la dernière glaciation, et nous entrons alors dans la période de l’Antiquité classique, les Grecs seront encore en relations suivies avec des hommes de race blanche hautement évolués, habitant des régions arctiques. Pythagore n’avait-il pas eu pour maître un sage venu – détail révélateur – d’un pays où un jour ininterrompu régnait durant la moitié de l’année ? À l’époque de l’Empire romain, nous trouvons alors, ainsi que nous venons de le voir plus haut, le curieux témoignage de l’historien et moraliste Plutarque, dans son traité intitulé « De la face que l’on voit sur la Lune ». Il y décrit l’île d’Ogygie située à cinq journées de navigation de la [Grande] Bretagne vers l’Ouest. Plutarque parle encore de trois îles plus à l’ouest, où pendant un mois en été, les nuits durent à peine une heure. C’est dans l’une de ces vastes îles, celle de Cronos (sic ! C’est du moins comme cela que l’appelle Plutarque, il s’agit sans doute d’un dieu-ou-démon des druides) de même que dans l’île d’Ogygie, que résidaient d’autres hommes très civilisés, de souche aryenne comme les Hellènes. Plutarque devait ces renseignements précis à son gendre Lamprias, qui les avait obtenus d’un certain Sylla. Celui-ci les tenait lui-même d’un étranger rencontré à Carthage. Ce personnage arrivait justement de l’île mystérieuse de Cronos ou Saturne (ou plutôt du dieu-ou-démon celte pouvant faire l’objet d’un tel rapprochement. Voir N. D. L. R. ci-dessus). En tant que prêtre de ce dieu-ou-démon, il y avait séjourné trente années durant ; à Carthage il avait connu la célébrité pour avoir découvert toute une collection de parchemins sacrés, mis au jour lors d’une destruction de la cité, par un séisme. On ne peut refuser aux navigateurs antiques d’avoir exploré les mers septentrionales et même arctiques ; de même qu’on ne peut nier l’existence d’échanges commerciaux entre les Hellènes puis les Romains et des peuples mystérieux, mais de race aryenne également, Cimmériens, Hyperboréens, qui occupaient encore de lointaines régions septentrionales, voisines du cercle polaire. Voici de pertinentes remarques faites par René Guénon (Le Roi du Monde). Île des Quatre Maîtres… cette dénomination, de même d’ailleurs que celle d’île verte (Erin) s’appliquait antérieurement à une autre terre beaucoup plus septentrionale, aujourd’hui inconnue, disparue peut-être, Ogygie ou plutôt Thulé ; qui fut un
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des principaux centres spirituels, sinon même le centre suprême d’une certaine période. Dans la mythologie hindoue, il est fait allusion à « l’île blanche » située dans les lointaines régions boréales, et considérée comme la « Terre des Vivants », comme le « séjour des Bienheureux ». Mais que pouvait bien être l’ancienne île de Thulé ? Il semble s’agir d’une désignation s’appliquant tantôt à l’ancienne Hyperborée dans son ensemble, tantôt à une île assez importante et qui aurait survécu à l’engloutissement du continent primitif. L’île des Quatre Maîtres a pu être localisée en diverses régions septentrionales. René Guénon, toujours dans son livre intitulé Le Roi du Monde, pense que « chacune de ces régions fut, à une époque plus ou moins lointaine, le siège d’un pouvoir spirituel qui était comme une émanation de celui de la Tula primordiale ». Les terrifiants cataclysmes chtoniens, dont nous parlions plus haut, auraient pu provoquer la submersion d’une ou deux de ces îles, celles-là mêmes que saint Brandan et d’autres navigateurs irlandais pensèrent avoir retrouvées ou découvertes. Et que certains marins, par la suite, crurent, eux aussi, avoir revues, jusqu’en pleine période moderne.(Serge Hutin. Hommes et civilisations fantastiques).
Notre commentaire.
1) Les îles aperçues par Brandan et les autres navigateurs en question n’avaient sans doute rien à voir avec le contexte « hyperboréen ». Trop à l’ouest !
2) Guénon a tenté un impossible amalgame entre Tula, ancienne capitale toltèque, et Thulé. Car on ne saurait admettre un rapport de filiation entre une civilisation du Mexique précolombien (non antérieure au dixième siècle de notre ère, en outre) et Thulé ; connue par Pythéas treize ou quatorze siècles plus tôt environ, au nord-ouest du berceau des Celtes. Ce type d’errements, au nom d’une prétendue Tradition Primordiale, a d’ailleurs beaucoup nui à Guénon et à sa crédibilité en son temps.
3) Race aryenne ? Comme chacun le sait maintenant, il n’y a jamais eu de race aryenne, mais une civilisation indo-européenne comportant un fond de traditions remontant à la nuit des temps préhistoriques (la civilisation de Yamna autour de la mer noire) ; et l’appartenance à un groupe linguistique assez cohérent, malgré les évolutions divergentes et les incorporations diverses d’éléments non indo-européens. Le terme « aryen » correspond essentiellement à son groupe oriental, qui est à l’origine des langues dites « satem » (d’après leur façon de dire « cent ») autrement dit les langues iraniennes et indo-aryennes.
4) Et enfin, le déplacement des pôles n’est pas l’unique cause du processus complexe des grandes glaciations. La thèse de la brutale inversion du climat par soudain déplacement de l’axe terrestre est écartée par les scientifiques actuels. Ce qu’il y a plutôt, c’est un déplacement cyclique et continu des pôles terrestres. Le phénomène des raz-de-marée gigantesques (des tsunamis) est d’ailleurs indépendant de ce lent déplacement des pôles. Il a par contre contribué au déplacement des glaciations polaires, et donc aux dégels consécutifs des anciens inlandsis. La fonte des glaces a causé des phénomènes tectoniques isostatiques du genre effondrement de nouveaux fonds marins sous le poids des eaux, et remontée des socles libérés du poids des glaces. Ce sont surtout ces phénomènes qui ont provoqué volcanisme et séismes causant les énormes raz-de-marée en question.
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ANNEXE N°8.NOUVELLES RECHERCHES SUR L’HYPERBORÉE.
À PROPOS DE L’HYPERBORÉE ET DE L’ORIGINE DES RACES BLANCHES par Édouard Schuré, les grands initiés.
« Les quatre races qui se partagent actuellement le globe sont filles de terres et de zones diverses. Créations successives, lentes élaborations de la terre en travail, les continents ont émergé des mers à des intervalles de temps considérables que les anciens prêtres de l’Inde appelaient cycles interdiluviens. À travers des milliers d’années, chaque continent a enfanté sa flore et sa faune couronnée par une race humaine de couleur différente. Cette division de l’Humanité en quatre races était admise par les plus anciens prêtres de l’Égypte. Elles sont représentées par quatre figures à types et à teintes différents dans les peintures du tombeau de Séthi 1er à Thèbes. La race rouge porte le nom de Rot ; la race asiatique, au teint jaune, celui d’Aamou ; la race africaine, au teint noir, celui de Halasiou ; la race libyco-européenne, au teint blanc, et aux cheveux blonds, celui de Tamahou. Lenormant, Histoire des peuples d’Orient, tome I. [Les zones entourant] les glaces du pôle arctique ont vu l’éclosion de la race blanche. Ce sont les Hyperboréens dont parle la mythologie grecque. Ces hommes aux cheveux roux, aux yeux bleus, vinrent du Nord, à travers des forêts illuminées de lueurs boréales, conduits par des chefs téméraires et poussés par des voyantes. Crins d’or et yeux d’azur ; couleurs prédestinées. Cette race devait inventer le culte du soleil et du feu sacré et apporter dans le monde la nostalgie du ciel. Tantôt elle se révoltera contre lui jusqu’à vouloir l’escalader, tantôt elle se prosternera devant ses splendeurs dans une adoration absolue. Comme les autres, la race blanche dut se dégager de l’état sauvage avant de prendre conscience d’elle-même. Elle a pour signes distinctifs le goût de la liberté individuelle, la sensibilité réfléchie qui suscite le pouvoir de la sympathie, et la prédominance de l’intellect qui donne à l’imagination un tour idéaliste et symbolique. Le besoin de liberté, joint à celui de sociabilité, créa le clan avec son principe électif. L’imagination créa le culte des ancêtres qui forme la racine et le centre de la religion chez les peuples blancs.
Le principe social et politique se manifeste le jour où un certain nombre d’hommes à demi sauvages ; pressés par une peuplade ennemie, s’assemblent d’instinct et choisissent le plus fort et le plus intelligent d’entre eux ; pour les défendre et les commander. Ce jour-là naquit la société. Le chef est un roi en herbe, ses compagnons, de futurs nobles ; les vieillards délibérants, mais incapables de marcher, forment déjà une espèce de Sénat ou d’assemblée des anciens. Mais comment est née la religion ? Chez les peuples barbares, c’est la femme qui, par sa sensibilité nerveuse, pressent d’abord l’occulte, puis affirme l’invisible. Que l’on envisage maintenant les conséquences inattendues et prodigieuses d’un événement semblable à celui dont nous parlons. Dans le clan, dans la peuplade, tout le monde parle du fait merveilleux. Le chêne où la femme inspirée a vu l’apparition devient donc un arbre sacré. On l’y ramène ; et là, sous l’influence magnétique de la lune qui la plonge dans un état visionnaire, elle continue à prophétiser au nom du Grand Ancêtre. Bientôt cette femme et d’autres semblables, debout sur les rochers, au milieu des clairières, au bruit du vent et de l’Océan lointain, évoqueront les âme/esprits diaphanes des ancêtres. Devant des foules palpitantes, qui les verront ou croiront les voir attirées par de magiques incantations, dans les brumes flottantes aux transparences lunaires. Le dernier des grands Celtes, Ossian, évoquera Fingal et ses compagnons assemblés dans les nuages ».
Notre commentaire.
Ossian et Fingal ??? Rappelons néanmoins que l’œuvre de Macpherson est une supercherie littéraire même si elle n’est pas dénuée de qualités artistiques un peu dans la même veine que celle mise en valeur par notre consœur Marion (Zimmer Bradley : cf. ses magnifiques brumes d’Avallon). Édouard Schuré (né en 1841) fut d’abord un critique musical qui se consacra et avec compétence, à l’histoire de la musique (Histoire du Lied, le Drame musical). Malheureusement, il reprit à son compte ce qui n’avait été pour Fabre d’Olivet qu’un passe-temps récréatif, ou une fiction poétique sur la Tradition primordiale. Son long roman poétique sur « Ram » offrait en effet une explication séduisante, mais complètement imaginaire, des points de convergence pouvant exister entre le druidisme et le brahmanisme. Et voilà pourquoi Ram fut admis par Schuré comme l’un des « Grands initiés » à l’instar de Siddharta Gautama et du grand rabbi Yehoshoua bar Yosef dit « de Nazareth » ou plus exactement le Nazaréen ce qui n’est pas la même chose !). Tradition primordiale… Tradition primordiale ! Que de stupidités furent écrites en ton nom, René Guénon compris ! Schuré mérite par contre
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des circonstances atténuantes en matière de races, car il fut dreyfusard, contrairement à ce que l’on aurait pu attendre de sa part en un siècle encore très marqué de tous côtés par les hypothèses raciales. Il mérite aussi toute notre indulgence quant à ses assertions erronées sur les Égyptiens antiques, car l’égyptologie en était encore à ses débuts à son époque. Rot signifiait tout simplement « hommes » en égyptien. Les Aamou vivaient dans les déserts du Néguev et du Sinaï. Le grand tort de Schuré est aussi d’avoir systématiquement pensé « initiation » là où il s’agissait en fait seulement, soit de cogitation constructive, soit d’inspiration, soit d’illumination spirituelle. Et il semble avoir accepté sans réserve les « supercheries » de Macpherson ainsi que ses poèmes « ossianiques ».CONCLUSION (TOUTE PROVISOIRE).
Comme déjà expliqué, l’Hyperborée donc, est un nom venu du grec Huperboreia = (Contrée) située au nord. Grosso modo toute l’Europe continentale. Aujourd’hui c’est l’Europe du Nord-Ouest que nous désignons sous ce terme, alors que pour les Grecs antiques le nom d’Hyperboréens (Huperboreioi) était indistinctement étendu à diverses populations continentales et à des territoires bien plus vastes ; comprenant aussi bien les Balkans que l’Europe Septentrionale et la future Russie jusqu’à l’Oural (monts Riphaioi). Cette Hyperborée au sens plus restreint a été fortement mythifiée dès l’Antiquité. La principale raison en est le souvenir précis de faits récents, mais de plus en plus flous en ce qui concerne les plus anciens, dans la mémoire collective. La mémoire des traditions non écrites s’estompe toujours au fur et à mesure de l’éloignement dans le passé des événements évoqués. Les faits de l’Âge du Bronze sont encore assez fidèlement gardés, ceux de l’Ère néolithique sont bien plus flous, et ceux de l’ère mésolithique plus encore. Ces mythes antiques ont été par la suite évoqués à diverses époques. AFIN DE FAIRE LA PART DU RÊVE DANS TOUT CELA, nous avons donc tenu à présenter la facette celtique de toutes ces traditions, qui ont leur origine dans un amalgame de traditions indo-européennes et de mémoire « hyperboréenne ».
ERRATUM.
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LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE MODERNE SUR L’HYPERBORÉE.La recherche scientifique moderne a mis en évidence la progression inexorable, quoiqu’entrecoupée de régressions, de la mer envahissant le plateau continental dégagé une fois de plus à la suite de la dernière glaciation, celle de Würm. Le phénomène a commencé dès la période mésolithique (période trop lointaine pour qu’un souvenir quelconque ait pu en être gardé dans la mémoire collective de l’Humanité de la région à l’époque). Mais il s’est poursuivi au cours du néolithique et jusqu’en pleine période historique. Ce péril de la mer a donc sévi pendant près de neuf millénaires, autrement dit depuis des temps immémoriaux, mais jusqu’à l’aube de l’Histoire proprement dite. Les catastrophes que ces raz-de-marée provoquèrent, ne serait-ce que pendant les deux derniers millénaires (Âge du Bronze et Âge du Fer) sont donc restées dans les mémoires et ont nourri diverses traditions. Les spécialistes allemands et danois se sont attachés à reconstituer voire à cartographier les avatars de ce déplacement du tracé des côtes de l’Europe du Nord ; au gré des phénomènes géophysiques connexes, mais pas toujours synchrones, survenus depuis le postglaciaire mésolithique, et jusqu’à l’Âge du Fer.
Premier phénomène : le réchauffement intermittent provoquant la fonte des calottes glaciaires et provoquant la montée des eaux de la Mer du Nord, ou le rééquilibrage de celles de la Baltique, tantôt mer intérieure tantôt mer communicant avec l’Océan. Second phénomène : le mouvement isostatique de lente remontée des terres émergées, en tant que réaction différée résultant de l’allégement dû à la fonte des calottes glaciaires. Pour l’époque précédant le cataclysme ayant déclenché le mouvement des Peuples de la Mer, les principales différences étaient les suivantes. Au nord du Jutland, l’ensemble actuellement isolé par le Limfjorden comptait quatre îles et/ou îlots. Les deux îles étaient situées, l’une à l’ouest, l’autre au nord-est. Les deux îlots s’échelonnaient entre ces deux îles. Cet ensemble insulaire n’était entouré d’eau qu’à marée haute ; à marée basse, de vastes étendues de lise réunissaient les îles entre elles ainsi qu’au futur Jylland (Jutland). L’archipel danois était moins fragmenté qu’actuellement. L’île allemande de Fehmarn était par exemple soudée aux côtes du Holstein. Les alignements quasi continus des îles de la Frise occidentale et de la Frise orientale, de Texel à Wangerooge voire Mellum ; et de la Frise septentrionale, de Neuwerk et Trischen à Fanoe ; sont les ultimes témoins du tracé de ce qui constituait alors le front de mer (à marée haute) ; tandis que la laisse de marée basse découvrait des espaces de lise jusque vers – 20 mètres. La rupture du cordon de dunes dont ces chapelets d’îles sont les vestiges fut le résultat, catastrophique, de transgressions marines répétées entre –1300 et – 1250. Au large de ce front de mer, le banc d’Heligoland formait une île, nommée plus tard Hertha par les Germains (voir l’Atlantide de Jürgen Spanuth). Cette future Hertha constituant un saillant de cet alignement, fut sans doute le site fortifié de la ville royale appelée « Basiléia » (le palais royal) par Platon, dans son évocation de l’Atlantide (Critias). L’ampleur du désastre dû à cette transgression marine fut aggravée par le fait que des raz-de-marée gigantesques bloquèrent alors l’embouchure des fleuves sortant des basses plaines des futurs Pays-Bas, ou de la future Allemagne du Nord. D’où d’immenses et durables inondations. Ces transgressions majeures se poursuivirent d’ailleurs jusque vers – 800. Survinrent ensuite des à-coups plus ponctuels, jusqu’au temps du Haut Moyen-âge. Érosion des îles sableuses appelées Toliapis et Counos par Ptolémée, dont ne restent plus que les hauts-fonds constamment submergés des Godwin Sands et du Dogger Bank. Invasion maritime, transformant le lac Flevo en golfe du Zuyderzee, mais creusant aussi les baies de Jade et de Dollart ainsi que la Lauwerszee. Montée des eaux du Kattegat et du Fehmarn belt, compliquant le découpage de l’archipel du Danemark ; à tel point que cette pénétration de la Baltique fut nommée, dès l’Antiquité, Codanos * Copnos. D’où le Codanus sinus des géographes latins (dérivé de l’adjectif celtique codanos/-a/-on qui signifiait « fractionné, très ramifié »).
Pour ne citer que les transgressions marines subies par cette partie de l’Europe…
LA PART DU RÊVE TOUJOURS.
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Héligoland ne fait pas partie de la mythologie celtique, mais de la mythologie germanique puisqu’elle était consacrée au dieu ou démon * Forseti (ce qui signifie « qui préside ») interprétation germanique (Cimbre ? Teutonne ?) d’un dieu ou démon druidique mal identifié.* Du moins pour saint Willibrord (d’après Alcuin). La phrase exacte en latin est : « non est deus quem colis, sed diabolus, o rex, etc.etc. » Ce qui signifie dans notre bonne vieille langue nationale quelque chose comme : « l’objet de ton culte, n’est pas un dieu, mais un démon, ô roi, etc., etc. À nos lecteurs de voir et de choisir ! Dieu ou diable ? Ni l’un ni l’autre ? Ou les deux à la fois ?
Et venons-en donc maintenant plus précisément aux îles des dieu-ou-démons de la déesse-ou-démone, ou fée, Danu (bia) au nord du Monde dans la mythologie d’Irlande.
Murias. Comme tous les néo-druides doivent le savoir, Murias paraît dériver de mori = mer > muir en langue gaélique (son génitif vieux celtique était morios, variante goïdélique morias). Pour arriver au Murias goïdélique de la tradition irlandaise on peut supposer l’existence d’une forme celtique intermédiaire du type *Moriassos d’après un nom initial du genre *Morios. Si le sens du nom semble être assez clair, son identification géographique n’est pas assurée. Une des îles du nord-ouest de l’archipel danois est appelée Mors. Sa séparation par une petite branche du Limfjorden est due à une transgression marine relativement récente. Nous avons donc là une localisation possible, puisque le site est compatible et le nom également.
Findias. Les celtologues pensent que Findias signifiait « La Blanche », terme issu de l’adjectif celtique uindos/-a/-on = blanc. Pour aboutir au goïdélique Findias, on peut supposer l’existence d’un nom celtique intermédiaire de type *Uindiassos d’après un nom initial du genre *Uinda. Alors que l’ancienne île du nord-ouest se fragmentait, un cordon littoral de sable se constitua et souda en une seule terre émergée la future île de Thy, en englobant les deux îlots en question. Et surtout l’île du nord-ouest, l’actuel territoire de Vendsyssel-Thy, qui se termine au Cap Skagen. Ce cap fut peut-être le Promuntorium Celticae Lytarmis des géographes antiques. L’emplacement de l’ancienne île du nord-ouest est d’ailleurs encore appelé Vendsyssel, et les sables de Jammerbugt, ainsi que ceux des plages de Skagen, sont blancs. Nous avons donc là encore une très forte probabilité nous permettant d’assimiler la mythique île irlandaise de Findias à la Vendsyssel en question. Probabilité qui devient certitude quand on s’aperçoit que cette terre n’est pas très éloignée de Mors en fait. On sait par ailleurs que le Jutland voisin était appelé par ces géographes antiques Chersonnesus Cimbrica en latin, un nom lui-même dérivé du grec « è Kimmérikè Khersonnesos ». Cette arrivée de Kimmérioi, ancêtres des « Cimbres », est, certes, nettement postérieure au départ d’une fraction des Danuna ou Denyen lors de la migration des fameux « Peuples de la Mer ». Ils auraient occupé le vide relatif dû à celle-ci, lors de leur mouvement vers l’ouest sous la poussée des Scythes survenue quelques siècles plus tard. Or on sait qu’il y eut ensuite une classe noble celtophone encadrant les populations germanisées (Danois, etc.). Toutes confondues par les Romains sous l’appellation de Cimbri, due au jeu de mots celte : cimbroi = rançonneurs, voleurs, avec l’ethnonyme *Cimroi issu de l’évolution de Cimmerioi. Rien à voir donc avec les Cymri ex Combroges du Pays de Galles. Notons aussi le nom peut-être celtique donné alors au futur Jutland : Mentonomon. La mythologie irlandaise nous donne Murias comme origine du fameux chaudron, des dieu-ou-démons de la déesse-ou-démone, ou fée, Danu (bia). Or c’est au Danemark justement que l’on a retrouvé plusieurs chaudrons datant de la période cimbre, et notamment le plus beau et le mieux conservé de tous, celui de Gundestrup. Deux certitudes sur Murias et Findias nous invitent à chercher dans la même direction Falias et Gorias.
Falias. Il n’est pas trop difficile de proposer une hypothèse soutenable pour ce qui est de Falias dans cette optique. On peut en effet penser à l’ensemble formé par les îles Lolland et Falster, par simple analogie de nom (Falster) d’abord. Hypothèse, mais plausible quand même, vu la relative proximité géographique.
Gorias. Situer précisément cette île de la tradition irlandaise est plus difficile. Rappelons tout d’abord qu’il existe dans la littérature arthurienne une île de Gorre bien connue, celle du roi Baudemagu père de Méléagant. Son royaume est en effet une île puisqu’il est entouré d’eau et n’est accessible qu’en deux endroits : le « pont sous l’eau » et le « pont de l’épée ». Ce que nous en dit Chrétien de Troyes (il l’appelle le pays sans retour, le royaume dont ne revient nul étranger) évoque plutôt une île non pas située au Nord du monde, mais à une île des bienheureux située à l’Ouest. Le nom même de Baudemagu contient le celtique « magus » que l’on retrouve dans deux des autres noms de l’au-delà celtique : Mag Mell et Findmag. Une fontaine servant de porte donnant sur cet autre monde est mentionnée dans la vie de saint patrice selon Tirechan. Les deux ponts magiques permettant d’accéder au
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royaume de Gorre ressemblent d’ailleurs furieusement aux ponts évoqués par certaines visions médiévales irlandaises de l’autre monde et notamment infernal, du type Purgatoire de saint Patrice ou du type vision d’Adamnan. Mais si l’on veut rester cohérent avec les localisations acquises de Murias, de Findias, et de Falias, il nous faut chercher dans la même zone. On sait qu’il a pu exister un terme celtique parallèle à Gorias, le terme Gorta. Et l’on se retrouverait donc là en terrain connu, avec un terme géographique signifiant saillant, éperon rocheux, puisque tel est le sens du dérivé irlandais gert = éperon rocheux, parent de cert = roc. Malgré ce que nous avons pu en dire précédemment, on ne peut s’empêcher de penser à l’île anciennement appelée Bertha, puis Héligoland (Terre Sacrée). Cette île sacrée du paganisme germanique a été en effet de celles qui furent sinistrées par les transgressions marines, et en outre elle constitue le site même de la Basilia de Timée ou de la « Basiléia » de l’Atlantide de Platon, reconnue par Jürgen Spanuth.L’ancienne île, avant la submersion de ses parties basses, formait un saillant très nettement situé en avant de l’alignement côtier. De plus, sa zone haute, dont il reste une bonne partie malgré le ravage des siècles, est, elle aussi, rocheuse. Le nom de Gerta correspondrait donc à une description de cette île. La mutation de voyelle faisant passer le nom de Gert, à Gort, est probablement due à une interférence, source de confusion.Conclusion.
Les quatre îles en question de la tradition irlandaise ; Murias, Findias, Falias et Gorias ; peuvent être situées avec un degré de probabilité allant de la possibilité à la vraisemblance, dans le pays d’origine des Denen/Danen d’il y a 3250 ans. L’appellation « Îles au nord du monde » se justifiant alors, non par rapport au point de chute des émigrants (l’Irlande), mais par rapport au berceau des Celtes, l’Europe du Centre-Nord à l’ère hallstattienne. Ce qui est quand même plus logique.
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ADDENDUM Nº 1.TERMINOLOGIE EN VIEUX CELTIQUE (PROPOSITIONS ET SUGGESTIONS).
La nomenclature « irlandaise » (Homme de Partholon, Homme de Nemed, Gailioin, etc.) est quand même limitée par définition et en tout cas inapplicable au-delà du Néolithique. La première chose à faire serait, dans les récits du Lebor Gabala Erenn irlandais, de bien séparer d’une part la mythologie incorporant des divinités celtiques plus ou moins reconnaissables, et d’autre part les réminiscences de détails d’une Protohistoire particulière. Pour cela, il faudrait commencer bien sûr par rétablir le bon ordre chronologique de ces « conquêtes », assez bousculé. Le nom de « Fils de Mile » (Miletugenoi = enfants de la Mort ou de la Destruction) est peut-être un surnom évoquant les méfaits de cette vague de peuplement humain. Mileto ou Miletu signifie en effet « mort ou saccage ». Ou alors il s’agit de la même conception druidique que celle qui est rapportée par César, quand il note à propos des Celtes que ceux-ci se disent issus du dieu-ou-démon de la mort et des ténèbres. Assimilé par lui à Dis Pater (B. G. VI, 17-18). Le nom de Goïdel quant à lui signifie « les frustes ». Il faudrait aussi distinguer ce qui appartient à la tradition celtique de ce qui appartient à d’autres. Vu la manipulation forcenée à laquelle se livrèrent les clercs chrétiens du Moyen-âge, afin de raccorder les traditions ethniques celtiques avec la Genèse biblique ; les récits relatant l’histoire des premiers peuplements humains sont truffés de noms hébreux ou de références au Proche-Orient.L’important serait d’éviter le contre-exemple bien connu de la Bible hébraïque. La table ethnologique (Genèse X) qu’en tirent les exégètes monolâtres à partir des lignées des trois fils de Noé, n’évoque en effet que l’origine des populations connues de l’Empire perse ou voisines. Et pour cause, la dernière grande recension de la Bible fut dirigée par Ezra, « Esdras », sous le règne d’Artakshatrâ, « Artaxerxès Longue Main », vers – 440. Les données natio-ethniques de cette bible juive ne reflètent donc en fait qu’un schéma de répartition remontant à peine à l’Âge du Bronze, vers – 2 500. On ne soulignera donc jamais assez le mal fait à la science, historique ou autre, par cette volonté de n’avoir que la Bible ou le Coran comme seule source de toute information. On croirait voir à l’œuvre des journalistes traitant de la guerre menée en 2011 en Libye ou en Syrie. Des 72 langues de l’Irlandais Fenius Farsaid aux Bretons celtomanes français de l’An II (La Tour d’Auvergne) en passant par les fils de Gomer, quel désastre pour la pensée ! Un exposé à la manière celtique, de ces phases de la préhistoire humaine, pourrait très bien conserver le schéma du Livre des conquêtes celte à condition de prendre la notion de « conquête » au sens large. Mais comment appeler ces « conquérants » en question ? Les paléontologues ont forgé des noms scientifiques latins à base d’étymons grecs pour désigner les diverses étapes de l’hominisation. Il suffirait de suivre leur schéma en se permettant de le celtiser quelque peu. Par exemple en forgeant à notre tour des noms celtiques anciens transposant au plus juste ces termes gréco-latins, pour remplacer le schéma non scientifique du Livre des Conquêtes, vu ses insuffisances (il était trop marqué par l’idéologie dominante de son temps, tout comme les journalistes d’aujourd’hui d’ailleurs).
1 PRÉHOMINIENS.
……………… PRIMATES PAS ENCORE COMPLÈTEMENT HUMAINS.
AUSTRALANTHROPIENS……..... (Simiesques austraux)……………. DEXSOUODONICOI.
……………… Australopithecus…………(Singe austral)…………………………..Dexsouabana.
……………… Pluriel :………………………………………………………………... Dexsouabanai.
……………… Paranthropus……………(Homme à côté)……………………………Letstodonios.
……………… Plésianthropus……………(Homme voisin)………………………Nessamodonios.
2 ENFANTS DE NEMED.
……………… PROTOANTHROPIENS……...(Humains primitifs)….…………ARIMODONICOI.
………………… Protoanthropus………………(Homme primitif)……………………Arimodonios
………………… Homo Habilis…………………(Homme habile)………………… Adsedodonios.
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3 HOMME DE PARTHOLON.
………………… ARCHANTHROPIENS………(Humains archaïques)…….SENAMODONICOI.
………………… Archanthropus…………………(Homme archaïque)…………...Senamodonios.
………………… Pithecanthropus…………………(Homme-singe)…………………Abanodonios.
5. FILS DE MILE.
………………… PALÉANTHROPIENS……..…(Humains anciens)……………SENODONICOI.
………………… Homo presapiens……………(Homme présachant)………. Arevedons donios.
………………… Pluriel :…………………………………………………………Arevedontes donioi.
………………… Homo sapiens…………………(Homme sachant)………………Vedons donios.
………………… Pluriel :…………………………………………………………….Vedontes donioi.
6………………… X (chaînon manquant).
7. FIR BOLG FIR DOMNAIN ET GAILEOIN.
………………… NÉANTHROPIENS……………(Humains nouveaux)………NOVIODONICOI.
………………… Néanthropus…………………….(Homme nouveau)………..…… Noviodonios.
………………… Homo sapiens………………….(Homme sachant)… ……….Atevedonsdonios.
………………… Pluriel :…………………………………………………………Atevedontes donioi.
REMARQUES. Le nom savant du « donios » or « gdonios » (l’être humain tout court, seul réel héritier de la lignée – Sasquatch aux grands pieds ainsi que yéti étant problématique et en tout cas numériquement insignifiant —) serait donc ATEVEDONS GDONIOS OU DONIOS dans cette terminologie. On retrouverait là, dans ces conditions, la racine celtique ved-/uid – = savoir, connaissance, la même que l’on retrouve dans dru-uids, dru-uis, druis : le druide. Cette appellation correspondrait donc bien aussi au peuplement celtique préhistorique, dont les très-sachants de la druidiaction (druidecht) constituaient l’élite. Les Grecs se sont d’ailleurs fait l’écho de diverses légendes concernant les ancêtres mythiques de ce peuplement celtophone, sous les noms de Keltos, Keltinè, Galatès, Brettanos, etc. ; que les très-sachants de la druidiaction (druidecht), antiques, ont peut-être eu la faiblesse de considérer comme les premiers vrais Homines sapientes dignes de ce nom, évidemment, tout comme dans le cas du judaïsme (cf. sa dangereuse notion de peuple élu). Ce que l’on retrouve effectivement dans le Lebor Gabala Erenn irlandais, avec la conquête des Gaulois Fir Bolg, des Fir Domnain et des Gaileoin. Fir Bolg en gaélique vient de Viroi Bolcai et signifie les hommes impétueux et rapides, ou par jeu de mots, les « loups » (volcoi). Ici nous avons affaire à une formation celtique bien connue, y compris en d’autres lieux. Il s’agit d’un des groupes celtes les plus aventureux puisqu’il lança des expéditions jusqu’en Anatolie et en (future) Ukraine : les Bolcai ou Volcai, dont on transcrit généralement le nom en « Belges » ou en « Volques ». Leurs partenaires aussi sont faciles à identifier. Les Gaulois Fir Domnain, ce sont les Viroi Dumnonioi ou Dumnonioi tout court, que l’on trouve attestés en Grande-Bretagne également, où le Devon conserve leur nom. (Bien plus tard ils fonderont la « Domnonée » en Armorique, grosso modo le département français des Côtes-d’Armor). Quant aux Gaileoin, Galatai = des Gaulois et même des Galloicoi également dits Callaicoi, dont on retrouve un autre détachement dans la future Bulgarie, comme nom ethnique de l’éphémère royaume galate de Tylis ; c’était donc des « Callaïques », ancêtres des Gallegos : les Galiciens d’Espagne du Nord-Ouest. (Rien à voir avec la Galicie mi-polonaise mi-ukrainienne, rien à voir avec la Galilée palestinienne.) Les noms de leurs rois (selon la version irlandaise qui, en l’occurrence, se trompe en les attribuant de façon quelque peu anachronique au peuplement précédent) : Eberrios > Eber et Ariomanos > Eremon, sont attestés par des homonymes relevés en épigraphie continentale. Eberrios est le nom d’une divinité, Ariomanos celui d’un particulier. Il est impossible en revanche de transposer honnêtement l’appellation de Néandertaliens en celtique ancien, car le nom antique de la vallée appelée ainsi (la vallée de Neander en Allemagne) n’est en aucune façon assuré. On pourrait cependant utiliser alors l’appellation d’Homme des Cavernes, ce qui nous donnerait par exemple Balmodonioi ou * Viamodonioi ou * Cubodonioi. Il est en revanche parfaitement logique de transposer les « Cro-Magnon » en * Viserodonioi ou « Hommes de la Vézère ».
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ADDENDUM N°2.
HYPOTHÈSES SUR L’HOMME À VENIR ET LA POURSUITE DE L’ÉVOLUTION.
On ne peut conclure cet exposé des thèses du nouveau druidisme sans évoquer l’avenir de l’Humanité. Après avoir appris, si vous ne le saviez déjà, que l’Homme est, actuellement, le dernier représentant d’une aussi longue lignée, vous devez vous demander : cette évolution est-elle achevée ? L’Homme ne devra-t-il pas céder la place à un « au-delà de l’Homme » plus perfectionné (un homo-deus ou un homme-dieu en quelque sorte) ? Grâce à la thérapie génique, notre espèce va être capable de dépasser sa propre condition et l’on sait déjà aujourd’hui repérer des maladies sur l’embryon ; il est possible d’opérer des fœtus dans le ventre de leur mère. Nos enfants sont déjà de véritables mutants. L’Homme devient peu à peu maître de son évolution. Faut-il envisager de franchir certains seuils que notre morale judéo-chrétienne réprouve ? C’est un débat fortement teinté d’idéologies, de croyances religieuses et de dogmes. Bref par les réflexes conditionnés ou la non-réflexion par définition. Eugénisme est un mot forgé à partir de deux mots grecs et signifie effectivement « amélioration des populations humaines » (eu = bien et genos = naissance).
Le principe du vitalisme est que la Vie a des caractères propres, bien différents de ceux de la Matière. Sans aller jusqu’à lui attribuer une intelligence, on doit lui reconnaître une certaine force, une sorte de conscience. Tout ce qui est vivant réagit, la Vie aussi. Dans l’organisation des êtres intervient le rôle du vivant. Le cerveau, si souvent pris comme exemple, n’est lui-même que parce qu’il a réagi et contribué à se former, par une sorte de rétroaction cybernétique. L’adaptation des êtres vivants à leur milieu est due en partie à la sélection bien sûr, mais avec la participation de l’organisme. Le vitalisme suppose donc une initiative des êtres vivants, une véritable « intelligence organique » (esprit d’invention ?), mais « spécifique et non individuelle ». En cela le vitalisme rejoint Lamarck. Mais dans l’esprit des scientifiques modernes, le vitalisme est libre de toute métaphysique. C’est sur le seul plan scientifique que ses théoriciens montrent la participation de l’organisme à l’adaptation et à l’évolution ; cela devient seulement un fait à constater, sans y mêler le spiritualisme ou le matérialisme. Car le vitalisme n’implique pas nécessairement de but ni de dessein immanent transcendant. D’ailleurs, ils rejettent du plan scientifique l’idée d’un créateur ou démiurge originel, ou d’un mécanisme originel et concluent : « le moteur de l’Évolution est la nature elle-même ».
L’Homme n’est qu’un être de passage dans l’Évolution, non une fin en soi. Et voilà pourquoi il faut prévoir l’être futur qui nous relaiera, qui pensera plus vite, qui sera meilleur (?) et comprendra, peut-être, le « pourquoi » de l’Évolution. À la base de ces hypothèses, il y a un postulat : celui que l’Homme va continuer à évoluer. Assurément l’évolution future de l’Homme n’est pas certaine, et elle est seulement probable ; car l’Évolution n’est pas automatique, elle est opportuniste. Mais il est bien difficile pour un biologiste de supposer un arrêt définitif. Tout ce que l’on a vu précédemment montre que l’Évolution est un phénomène général, que l’Homme est un être temporaire, et qu’il n’y a pas de raison pour que sa lignée avorte. Différentes modalités sont à envisager pour cette évolution de l’être humain : soit elle sera rapide, soit elle sera « normale » ; elle aboutira donc à un nouveau genre, ou bien à une ou à plusieurs espèces nouvelles. Une évolution accélérée aboutirait en fait à l’apparition prochaine d’un successeur de l’Homme, d’un nouveau genre zoologique. Celui-ci ne serait peut-être pas très différent de nous du point de vue de la morphologie, mais il aurait surtout des structures mentales tout autres. Brummelkamp admet que l’évolution cérébrale se fait par bonds, par des discontinuités, avec augmentation de la taille globale, de la durée de croissance, et du poids relatif, du cerveau. Le coefficient de céphalisation est multiplié par 1,414 à chaque étape ; comme il est actuellement chez nous de 2,74, on peut prévoir que ce genre futur, ce Sur-Homme (sic ! Les druides, eux, préfèrent le terme d’homme-dieu, devogdonios en vieux celtique, homo-deus en latin) aurait un coefficient de céphalisation de 3,87. On peut imaginer que cette transformation soit due à une augmentation du nombre des
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neurones cérébraux ; le successeur de l’Homme actuel aurait un cerveau plus gros parce qu’il aurait plus de neurones. Bien sûr, ce n’est là qu’une hypothèse, de même que celle de Jerison. Pour cet auteur, le degré d’évolution biologique tiendrait à des neurones spéciaux, sans lien avec la masse corporelle ; mais les chiffres qu’il avance correspondent aussi à des sauts successifs de l’ordre de 1,4. Si bien que l’on en revient à une augmentation qualitative du cerveau. Les facultés intellectuelles de ce Sur-Homme (de cet « Homme-Dieu ») seront difficilement imaginables. Par exemple, concevoir la quatrième dimension, acquérir un sixième sens, avoir une conscience morale infiniment plus développée que la nôtre et surtout des qualités spirituelles inaccessibles à notre entendement. Laissons aux esprits imaginatifs le soin d’inventer quels seront la morphologie corporelle, l’intelligence extraordinaire, et les actes incompréhensibles pour nous de l’être à coefficient de céphalisation de 3,9.Voici ce que le Français Guy de Maupassant a par exemple écrit en 1887, sur cet homme-dieu du futur (sur cet homo deus futurus).
« Un être nouveau ! Pourquoi pas ? Il devait venir assurément ! Pourquoi serions-nous les derniers ! Nous ne le voyons pas, tout comme les autres créés avant nous ? C’est que sa nature est plus parfaite, son corps plus fin et plus abouti que le nôtre. Que le nôtre si faible, si maladroitement conçu, encombré d’organes toujours fatigués, toujours forcés comme des ressorts trop complexes. Que le nôtre, qui vit comme une plante et comme une bête, en se nourrissant péniblement d’air, d’herbe et de viande, machine animale proie des maladies, des déformations, des putréfactions, poussive, mal réglée, naïve et bizarre, ingénieusement mal faite ; œuvre grossière et délicate, ébauche d’être qui pourrait devenir intelligent et superbe […] Seul peut-être le temps a prise sur cet Être Invisible et Redoutable. Pourquoi ce corps transparent, ce corps inconnaissable, ce corps d’esprit, s’il devait craindre, lui aussi, les maux, les infirmités, la destruction prématurée ? […] Le règne de l’Homme est fini. Il est venu, Celui qu’exorcisaient les prêtres angoissés ; que les sorciers invoquaient par les nuits sombres, sans le voir apparaître encore ; à qui les pressentiments des maîtres passagers du monde prêtèrent toutes les formes monstrueuses ou gracieuses des gnomes, des fantômes, des génies, des fées, des esprits familiers. Après les grossières conceptions de l’épouvante primitive, des hommes plus perspicaces l’ont pressenti plus clairement. Mesmer l’avait deviné en son temps et les médecins depuis dix ans déjà, ont découvert d’une façon précise, la nature de sa puissance, avant qu’il l’eût exercée lui-même. Ils ont joué avec cette arme du nouveau Seigneur, la domination d’un mystérieux vouloir sur l’âme humaine, devenue esclave. Ils ont appelé cela magnétisme, hypnotisme, pouvoir de suggestion… et que sais-je encore ? Je les ai vus s’amuser comme des enfants impudents avec cette horrible puissance ! Malheur à nous ! Malheur à l’homme ! Il est venu, comment se nomme-t-il déjà ?… le… il crie son nom… J’écoute… je ne peux pas… répète… J’ai entendu… le Horla *… le Horla c’est lui… le Horla est venu ! »
* Nom qui signifiait sans doute dans l’esprit de l’auteur quelque chose comme « l’au-delà », le « hors – là »… sous entendu… de l’Homme. Mais la nouvelle a été sous-titrée : les fantômes modernes. On se demande bien pourquoi.
Nos successeurs seront des voyants pour les aveugles que nous sommes. Mais leur venue n’est pas pour demain. Les genres zoologiques se forment tous les cinq ou six millions d’années. Comme le genre Homo date d’environ un demi-million d’années (apparition du Pithécanthrope : Homo Erectus), nous avons donc encore plusieurs centaines de millénaires à patienter, si l’Évolution est « normale ». Bien sûr, il est possible que l’Homme soit capable un jour de produire sur lui-même cette mutation « supra-hominisante » ou en quelque sorte « surhommisante », sans respecter les délais que l’on peut extrapoler de la paléontologie ; mais d’ici là, nous avons le temps, et le devoir, d’essayer de prévoir ce qui se passera. Il est plus raisonnable de se contenter d’envisager l’épanouissement complet du genre Homo. Il est logique de prévoir son buissonnement, c’est-à-dire sa diversification en espèces contemporaines ou successives. Il y a eu l’Homo Erectus, puis l’Homo Neandertalensis, enfin l’Homo Sapiens. Peu importe la nature de leur filiation, mais il est normal de s’attendre à l’apparition d’un Homo futurus, ainsi nommé parce que nous ne savons pas de quelle particularité le qualifier [les druides eux l’appellent Devogdonios : l’Homme Dieu]. Il ne sera pas plus différent de nous que nous le sommes des espèces humaines précédentes. Il est possible aussi qu’il ne soit pas seul, qu’apparaissent plusieurs autres espèces humaines, chacune ayant progressé de façon inégale ; mais nous n’en sommes pas là ! Les lois de Le Gallic prévoient un délai de 300 000 à 600 000 ans pour la formation d’une nouvelle espèce d’un genre donné. Donc, si l’Homo Sapiens ne date vraiment que de 100 000 ans, nous avons encore beaucoup de temps devant nous ; mais si l’Homme de Néandertal fait partie de
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l’espèce Homo Sapiens, alors l’Homo Futurus [appelé Devogdonios par les druides, ainsi que nous l’avons déjà vu, Homo Deus en latin] surviendra bientôt. Il y a d’ailleurs une autre raison de le penser : c’est l’accélération évolutive. Et il ne s’agira pas d’une accélération naturelle, mais du fait que l’Homme agira très bientôt sur sa propre évolution. Actuellement l’Homme diffère du Singe par la conscience, parce qu’il sait qu’il évolue. Mais le progrès technique est trop rapide pour que l’on puisse imaginer que l’Homme continue à rester le spectateur de sa propre évolution ; il provoquera bientôt des mutations ou s’entourera d’un milieu sélectif (la vie urbaine mondialisée par exemple) qui l’obligera nécessairement à évoluer. Il est dans la nature de l’Homme d’agir sur sa nature et sur la Nature.Jean Hiernaux (l’avenir biologique de l’Homme, Bruxelles, 1964) estime que la vision d’une Sur-humanité de fait est moins hasardeuse que la prédiction d’un Sur-Homme à plus gros cerveau ; en quoi il a raison, bien qu’il s’agisse de deux phénomènes différents : un Surhomme surviendra peut-être un jour, mais nous ne sommes pas assez intelligents pour le concevoir. La prévision d’une Surhumanité, par contre, est une notion en apparence plus accessible ; elle sous-entend que l’Homme n’est déjà plus un animal comme les autres, que son évolution sera particulière.
Hiernaux fait l’analogie avec l’émergence de la Vie à partir de la Matière, puis de l’Homme à partir de cellules vivantes ordinaires. Il est ainsi conduit à penser que notre prochain seuil évolutif sera un état où les hommes auraient individuellement les mêmes propriétés humaines banales que ceux d’aujourd’hui ; mais dont l’ensemble organisé représenterait un bond en avant qualitatif, aussi radical que le passage de la matière inerte à la vie, et celui de la Vie à l’Homme. Cependant, l’on imagine difficilement ce que produirait l’accession à un certain niveau d’organisation débouchant sur un état qualitativement différent, doué en soi de qualités ou de propriétés nouvelles. Cette évolution serait donc essentiellement civilisationnelle, et non plus génétique. L’interdépendance de plus en plus étroite des êtres humains, condition de leur évolution puisque celle-ci est désormais basée sur la communication de la connaissance.
Arrivés à ce point de notre exposé il sera intéressant de dire quelques mots de l’œuvre de Teilhard de Chardin (mort le 10 avril 1955 à New York) ; car la pensée de cet auteur, bien qu’officiellement chrétienne (encore qu’il n’ait guère été en odeur de sainteté au Vatican) se rapproche beaucoup d’un panthéisme de type hindou. Beaucoup de ses idées en effet se retrouvent par exemple sous la plume de Sri Aurobindo. Pour cet auteur il existe donc un principe immanent-transcendant englobant matière et vie. L’Évolution mise en exergue en tête de cette partie de notre livre n’est qu’une cause seconde, et n’explique que le déterminisme strictement mécanique. Mais la science doit-elle vraiment ignorer à ce point les causes immanentes et transcendantes ? L’évolution humaine semble bien résulter de la poussée de psychisme, de la « montée de conscience » que l’on constate dans le règne animal, quand on va des êtres inférieurs jusqu’à nous. Or l’Homme ne se caractérise pas seulement par une intelligence plus grande, mais aussi par l’émergence de l’Âme/Esprit hors de la Matière. L’Évolution a eu l’Homme pour fin (peut-être pour une fin temporaire… une finalité conçue au sens large du terme, qui admet les tâtonnements, les essais, les erreurs et les échecs de la Nature). De toute façon, la plupart des organismes, les corrélations fonctionnelles, la nature même de la vie, nécessitent un principe originel : « il y a un minimum de finalité dans la nature ». L’adaptation est la réalisation d’une organisation répondant à un but… orientée vers un but.
Bien entendu, Teilhard de Chardin est finaliste, mais il l’est d’une façon très particulière, qui ressemble beaucoup à une fatalité. Il ne s’y intéresse pas d’ailleurs. Son raisonnement part de l’idée que la Vie est sortie de la Matière, tout en gardant sa base matérielle ; et pour lui le dualisme finaliste traditionnel n’existe pas : l’âme et la matière sont les deux faces d’une même réalité. La Vie a ensuite adopté une organisation de plus en plus poussée. Pour Teilhard, il s’agit d’emblée de Conscience et d’Esprit, même chez les êtres les plus inférieurs et même dans les pierres ! [On croirait entendre du paganisme celtique expliqué par un druide de type philosophe !] Ainsi, y a-t-il continuité entre la genèse du monde et celle de la vie ; l’Homme n’est qu’un moment de l’Univers, en mouvement vers plus d’Esprit par plus de « complexification ». Teilhard déborde l’évolution biologique traditionnelle, puisqu’il parle de pré-vie et qu’il envisage le prolongement de l’Évolution, sa fin qui n’est point l’Homme, mais Dieu. Son évolution est un mouvement universel de la totalité des choses et des êtres, un mouvement de « complexité-conscience ». On remarquera que c’est là un mouvement total, Teilhard ne parle pas de conscience individuelle, mais de conscience globale, dont chacun de nous détiendrait une parcelle. Pour lui l’Homme indique la direction de l’Univers, il est la
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flèche du mouvement vers l’infini : l’auteur veut dire vers Dieu ; point ogham (eabadh)* de l’Espace et du Temps que Teilhard définit comme suit. « Le foyer universel, non plus d’extériorisation et d’expansion physiques, mais d’intériorisation psychique, vers où la Noosphère terrestre en voie de concentration (par complexification) semble destinée à se fondre dans quelques millions d’années ». Une formule que l’on peut élargir à celle-ci : « ascension de l’univers vers la divinité » (pourquoi en effet se limiter à la Terre ? Ce qu’implique cette notion de noosphère chez Teilhard).* Eabadh… Point Ogham ! Point Oméga sous la plume de Teilhard de Chardin évidemment ! Ce que les bardes de l’Île de [Grande] Bretagne ont plutôt défini comme le point d’équilibre entre toutes les oppositions (lle bo cydbwys pob gwrth) si l’on en croit le texte de la première des triades bardiques ou théologiques du Barddas de Iolo Morganwg.
Quelques extraits du texte proprement dit de Teilhard de Chardin, très intéressant malgré sa phraséologie encore conformiste (par rapport au christianisme) à certains moments (Dieu, amour du Christ, etc.) seront donc cités ci-après. Traduttore traditore disent toujours mes correspondants italiens. Des traducteurs qui viennent récemment d’être reconnus comme co-auteurs des œuvres qu’ils font passer d’une langue dans une autre tellement ils la trahissent. Le texte aura donc été revu et corrigé par deux de mes correspondants plus au fait que moi des subtilités de la langue française en matière de philosophie, mais qui ne sont pas d’accord avec les choix opérés jusque là pour rendre compte de la pensée de ce grand philosophe (à cause notamment de ses nombreux néologismes). Comme je maîtrise infiniment moins bien qu’eux la langue française (je n’ai nulle honte à le reconnaître, car le français en particulier celui utilisé pour parler de philosophie est une langue assez difficile) et qu’en outre Teilhard de Chardin n’est pas un auteur facile à comprendre, je leur ai donc fait confiance pour améliorer le texte traditionnellement utilisé jusque là pour vulgariser la pensée de ce grand penseur auprès de nos concitoyens.
Mais il sera intéressant de lire avant les critiques opposées alors à Teilhard par les tenants de la doctrine chrétienne classique. Nous ne l’en apprécierons que davantage. On touche là du doigt la programmation mentale du christianisme : comme dans toute idéologie dominante, y compris aujourd’hui, l’exigence de conformité obéissante à la Révélation qui passe avant tout. Ces critiques ne démontrent nullement, par raisonnement ou argumentation scientifique, que Teilhard a tort ; ils lui opposent des passages de la Bible ou des dogmes issus des cogitations des Pères de l’Église. À partir de cela, ils dénoncent le péril de tomber dans le monisme, la tendance au « panpsychisme » ; l’accusent de ne pas être nettement monogéniste, de « minimiser la substance doctrinale » ; de paraître oublier le Mal par excellence, c’est-à-dire le péché, la révolte de l’Homme sous l’impulsion de Satan contre son Dieu ; d’avoir des idées proches ici de celles de Pélage, là de celles de Jean Scot Érigène [deux théologiens chrétiens celtes proches du Druidisme. N. D L. R]. Ses détracteurs enfin dénoncent son « manque d’approfondissement biblique et patristique »…
À lire ces critiques, on se conforte dans l’impression que finalement Teilhard était peut-être, lui, assez proche de la pensée druidique la plus authentique. Il n’avait certes pas fait de recherches sur le Druidisme, mais l’on peut évoquer à son sujet le célèbre adage : « LES GRANDS ESPRITS SE RENCONTRENT ».
On retrouve chez les objecteurs chrétiens à Teilhard, la même attristante pauvreté d’argumentation que celle qui fut opposée jadis à Pélage, puis à Jean Scot Erigène, comme on peut s’en rendre compte dans l’ouvrage du Français Dom Gougaud consacré aux chrétientés celtiques. Pas de raisonnement logique, mais des rappels à l’obéissance aux dogmes promulgués avec citation de tel ou tel « Père de l’Église », ou canon conciliaire, ou déclaration papale en ce qui concerne ceux d’entre eux qui étaient catholiques.
LES BASES POSSIBLES D’UN CREDO HUMAIN UNIVERSEL (Dieu et/ou le Monde ?)
Avant tout il me paraît clair que, si l’on met de côté d’innombrables divergences mineures, et si l’on écarte en même temps la masse inintéressante et inerte de ceux qui ne croient en rien du tout ; le conflit psychique dont l’Humanité souffre aujourd’hui vient de la division des esprits et des cœurs, en deux catégories fortement tranchées : A) D’une part le groupe de ceux qui projettent leurs espérances dans un état spirituel ou une finalité absolue située au-delà et en dehors du Monde.B) D’autre part le groupe de ceux qui espèrent en un achèvement interne de l’Univers tangible […]. Tout au long de l’histoire humaine, il y a eu conflit entre les « serviteurs du Ciel » et les « serviteurs de la Terre ». Mais c’est seulement depuis la naissance de l’idée d’Évolution (divinisant donc en quelque sorte l’Univers) que les
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fidèles de la Terre se sont mis en marche et ont fait de ce à quoi ils vouaient un culte une véritable forme de religion, chargée d’espérances illimitées, d’effort et de renoncement. Devons-nous dédaigner ce monde et le laisser derrière nous en quelque sorte ? Ou bien rester dans le Monde pour le maîtriser voire le porter à la perfection ? Notre Humanité se trouve actuellement déchirée entre ces deux conceptions ou mystiques antagonistes, et par suite sa puissance vitale d’adoration se trouve donc affaiblie d’une façon désastreuse […]Deux forces quelconques, pourvu qu’elles soient toutes deux de signe positif, sont toujours a priori capables de grandir en se composant. Foi en Dieu, foi en ce Monde : ces deux énergies, sources l’une et l’autre d’un magnifique élan spirituel, doivent certainement pouvoir s’accoupler […] Depuis deux siècles, la Physique, absorbée par ses recherches analytiques, avait vécu dominée par l’idée de dissipation d’Énergie (entropie) et de désintégration de la Matière (Gustave Le Bon : La matière, supposée jadis indestructible, s’évanouit lentement par la dissociation continuelle des atomes qui la composent). Rappelée maintenant par la Biologie à la considération des effets de synthèse ; elle commence à s’apercevoir que, parallèlement aux phénomènes de désagrégation corpusculaire, l’Univers historiquement parlant montre un deuxième mouvement, aussi général et fondamental que le premier. Je veux dire celui d’une concentration graduelle de ses éléments physico-chimiques, en noyaux d’une complexité grandissante, chaque étape ultérieure de concentration et de différenciation matérielle, s’accompagnant d’une forme plus avancée de spontanéité, mais aussi d’énergie spirituelle […]. Le croyant au Monde se voit donc amené à faire une place grandissante, dans sa vision du futur, aux valeurs de personnalisation et de transcendance. De personnalité puisqu’un Univers en voie de concentration psychique est identiquement un Univers qui se personnalise. Et de transcendance : puisque la phase ultime de personnalisation « cosmique », pour être suprêmement consistant et unifiant, ne se conçoit pas autrement qu’émergé par son sommet des éléments qu’il super-personnalise, tout en se les unissant.D’un autre côté le croyant au Ciel, ayant admis la même perspective, à savoir qu’il y a une genèse cosmique de l’Esprit ; devra comprendre que la transformation mystique dont il rêve présuppose et consacre toutes les réalités tangibles, ainsi que toutes les laborieuses conditions du Progrès humain.Pour être sur-spiritualisée en Dieu, l’Humanité ne doit-elle pas préalablement naître et grandir, en conformité avec le système entier de ce que nous appelons « évolution » ? […] Dieu nous attend au terme de l’Évolution : s’élever au-dessus du Monde ne signifie donc pas le mépriser ni le rejeter, mais le traverser en le sublimant. L’amour de Dieu (ce terme on ne saurait faire plus anthropomorphique, est effectivement toujours utilisé par Teilhard. N. D L. R) exprime et couronne l’affinité foncière qui, depuis les origines du Temps et de l’Espace, rassemble et concentre les éléments spiritualisables de l’Univers […]. C’est la Vie elle-même, la Vie dans la totalité de ses aspirations, de ses luttes et de ses conquêtes, qu’il se doit d’embrasser […] Le sens de la Terre s’ouvrant puis éclatant, vers le haut, en Dieu ; et le sens de Dieu s’enracinant pour se nourrir vers le bas, dans la Terre. Le Dieu personnel transcendant [et immanent à la fois] ainsi que l’Univers en évolution, ne formant plus deux centres antagonistes d’attraction, mais entrant tous deux en conjonction hiérarchisée pour soulever la masse humaine dans une marée unique[…] La grande affaire, pour l’Humanité d’aujourd’hui, est de réussir une percée décisive en forçant quelque seuil de plus grande conscience[…] L’Union sacrée, le front commun de tous ceux qui croient que l’Univers avance encore, et que nous sommes chargés de le faire avancer ; ne serait-ce pas là en fait la minorité active, le noyau solide autour duquel doit se développer l’unanimité de demain ? [……] La foi en l’avenir n’est pas morte dans nos cœurs. Bien mieux, c’est elle qui, approfondie et même épurée, paraît devoir nous sauver. En effet, non seulement l’idée d’un éveil possible de nos consciences à un état de super-conscience, s’affirme chaque jour, à la lueur de l’expérience scientifique, comme étant mieux fondée ; mais encore, poussée jusqu’au bout de sa propre logique, cette même idée apparaît la seule capable de frayer la voie au grand événement que nous attendons tous. L’apparition d’un geste synthétique d’adoration où s’uniront et s’exaltent mutuellement, un désir passionné de conquérir le Monde, et un désir passionné de rejoindre Dieu : l’acte vital spécifiquement nouveau, correspondant à un Âge nouveau de l’histoire de la Terre […] Une nouvelle substance a récemment surgi au cœur du magma pensant, un nouvel élément, non encore répertorié, mais d’une importance suprême. L’Homo progressivus, pourrait-on l’appeler, c’est-à-dire l’homme pour qui l’avenir terrestre importe plus que le présent… tous ceux que possède le démon (ou l’ange) de la Recherche (Norman Denny. L’Avenir de l’Homme).
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POSTFACE À LA JOHN TOLAND.
Les pseudo-druides à la filiation initiatique mirobolante (la fameuse et inénarrable tradition primordiale) s’étant multipliés depuis quelque temps ; il nous a paru nécessaire de mettre à la disposition de tout un chacun ces quelques notes, hâtivement rédigées un soir de novembre, afin de donner à nos lecteurs envie d’en savoir plus sur le vrai druidisme. Ce travail se veut honnête, mais en aucune façon neutre. Il s’est donné pour objectif de défendre ou de réhabiliter la cluto (renommée) de cette antique religion.
Rien ne remplace la méditation personnelle y compris sur les lais obscurs ou incompréhensibles parsemant ces livres et qui ont été insérés à dessein afin de vous obliger à réfléchir pour trouver votre propre voie. Ces livres ne sont pas des dogmes à suivre aveuglément et à la lettre. Ainsi que vous le savez sans doute, il faut se méfier comme de la peste de la lettre. La lettre tue, seul l’esprit vivifie. Rien ne remplace non plus l’expérience personnelle et c’est en cheminant que l’on trouve le chemin. Ne comptez donc que sur vos propres forces pour cette quête du Graal. Ce qui compte c’est l’attitude à adopter dans la vie et non les détails du dogme. Le druidisme a moins d’importance que la druidiaction. (Jean-Pierre Martin).
Ces quelques feuillets griffonnés à la va-vite ne sont néanmoins en aucune façon LES LIVRES À LIRE SUR LE SUJET, ils n’en sont qu’un pâle reflet. La seule bibliothèque druidique digne de ce nom n’est pas en effet composée de seulement 12 (ou 27) livres, mais de plusieurs centaines.
Les quelques opuscules constituant cette mini-bibliothèque ne constituent pas un approfondissement et ne sont que quelques manuels destinés aux écoliers du druidisme. Ces résumés simplifiés destinés aux cours primaires de druidisme, seront remplacés par des cours d’un niveau quelque peu supérieur, pour ceux qui voudront vraiment l’étudier de façon plus pertinente.
Cette petite bibliothèque est par conséquent un premier essai d’adaptation (destinée aux jeunes adultes) des diverses réflexions sur le savoir et la vérité druidiques, auxquelles ont abouti les premiers résultats de la nouvelle laïcité positive et ouverte, mondiale, en train de s’instaurer.
À la différence du judaïsme, du christianisme, et de l’islam, qui fourmillent littéralement, à propos de l’Être supérieur, d’anthropomorphismes puérils pris au pied de la lettre (fondamentalisme) ; notre druidisme, lui, n’en utilisera que très peu, et s’en tiendra, en ce domaine, au minimum absolu.
Mais pour parler de Dieu-ou-Diable nous allons bien être obligés, nous aussi, d’utiliser un langage, et donc un certain nombre de ces anthropomorphismes. Ou alors il faudrait totalement renoncer à en discuter.
Ce premier rayon de notre future bibliothèque consacrée au sujet a pour objet de montrer avec précision l’harmonieuse authenticité de la volonté et du savoir néo-druidiques. De montrer à quel point ses grandes thèses actuelles ont des racines anciennes, car la Mythologie, c’est notre Bible à nous. Les adaptations de ce bref exposé, exigées par les différences de culture, d’âge, de maturité spirituelle, de situation sociale, etc. seront à faire par les druides concernés (les vellèdes et les autres ?).
À noter cependant. Important ! Ce que ces quelques notes, hâtivement jetées sur le papier au cours d’une trop courte vie, ne sont pas (en vrac). Une révélation divine. Une loi (toujours aussi divine). Une loi (profane ou laïque). Une loi (scientifique). Un dogme. Un Ordre ? Ce que je cherche surtout à faire partager c’est un état d’esprit, rien de plus. Ainsi que l’a très bien dit un jour notre vieux maître :« NOTRE CIVILISATION N’A PAS LE CHOIX : CE SERA LE CELTISME OU CE SERA LA MORT » (P. Lance).
Ce que ces quelques notes, hâtivement jetées sur le papier au cours d’une trop courte vie, sont. Du rêve. Une aventure. Un voyage. Une évasion. Un cri de révolte contre la laideur morale et matérielle de cette société. Une tentative d’atteindre à l’universel en partant du particulier. Un défi. Un obstacle fécond à surmonter. Une incitation à la réflexion. Un guide pour l’action. Une carte. Un plan. Une boussole. Une étoile polaire ou l’étoile du berger là-haut dans la montagne. Un feu la nuit dans une clairière ?
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Ce que le rassembleur de ce noyau de bibliothèque, Pierre de La Crau, n’est pas.— Un dieu.
— Un demi-dieu.
— Un quart de dieu.
— Un petit saint.
— Un philosophe (reconnu, officiel, et breveté ou patenté, comme ceux qui passent à la télévision. Sauf évidemment à prendre le terme en son sens originel, qui est celui d’amateur de sagesse et de savoir).
Ce qu’il est : un homme, et rien de ce qui est humain ne lui est donc étranger. Pierre de la Crau n’a aucun pouvoir surhumain ou exceptionnel. Rien de ce qu’il a dit écrit ou fait ne saurait avoir de valeur intemporelle. Tout au plus espère-t-il que son extrême lucidité à propos de notre société et de son idéologie dominante (voir ses philosophes officiels, ses journalistes, ses masses médias et le politiquement correct des bien-pensants) ; ainsi que son non-conformisme, et son franc-parler, alliés à un solide esprit de contradiction (qui lui ont d’ailleurs valu pas mal de déboires ou d’avanies) ; pourront être utiles.
La présente petite bibliothèque pour débutant « contient la dose d’humanité exigée par l’état actuel de la civilisation » (Henri Lizeray). Elle n’est d’ailleurs qu’un rassemblement de matériau attendant l’architecte ou le maçon ad hoc.
Prochainement paraîtra toute une série de fascicules approfondissant ces éléments de base. Cette présentation différente du savoir druidique préservera néanmoins l’unité et la profonde harmonie entre ces divers exposés d’un seul et même paganisme philosophique et réfléchi : une spiritualité digne de notre époque, une spiritualité pour notre époque.
Cas des traductions dans une langue étrangère (espagnol, allemand, italien, polonais, etc.) Les fautes d’orthographe de grammaire de style, ainsi que l’écriture des noms propres, pourront être corrigées. Toute autre amélioration du texte pourra également être apportée si nécessaire (par ajout suppression ou modification, de détails) ; Pierre de La Crau ayant toujours regretté de ne pouvoir atteindre à la perfection en ce domaine. Mais à condition de n’altérer ni trahir en rien la pensée de l’auteur de cette compilation raisonnée. Toute illustration sans légende peut être changée. De nouvelles illustrations peuvent être apportées. Mais les illustrations ayant une légende ne devront être qu’améliorées (par substitution d’une bonne photo à un mauvais croquis par exemple ?).
Il va de soi que le coordonnateur de cette rapide et sommaire compilation raisonnée, Pierre de La Crau, ne prétend nullement avoir inventé (ou découvert) lui-même, tout ceci ; qu’il ne prétend en aucune façon que ceci est le fruit de ses recherches personnelles (sur le terrain ou en bibliothèque). Ce qui suit est en effet essentiellement issu des excellents ouvrages ou sites internet référencés en bibliographie et dont la consultation directe est fortement recommandée. Nous n’insisterons jamais assez sur notre volonté de ne pas être les hommes d’un livre (du Livre), mais d’au moins douze, comme les Fénianes d’Irlande, pour d’évidentes raisons d’ouverture d’esprit, la vérité étant notre seule religion. Encore une fois, répétons-le ; le coordonnateur de la mise par écrit de ces quelques notes hâtivement jetées sur le papier ne prétend nullement avoir passé sa vie dans la poussière des bibliothèques ; ou sur le terrain, dans la boue des fouilles archéologiques de sauvetage ; afin d’exhumer des témoignages inédits sur le passé de l’Irlande (ou du Pays de Galles ou des Indes ou de la Chine ?)
PIERRE DE LA CRAU NE SE VEUT DONC EN AUCUNE FAÇON L’AUTEUR DES TEXTES QUI PRÉCÈDENT. IL N’ESSAIE NULLEMENT DE S’EN ATTRIBUER LES MÉRITES. Il n’en est que l’éditeur ou le compilateur. Il s’agit pour la plupart de documents diffusés sur internet à quelques exceptions près. IL EN REVENDIQUE PAR CONTRE TOUS LES DÉFAUTS ET TOUTES LES INSUFFISANCES. Pierre de La Crau ne revendique qu’une chose, les fautes erreurs ou imperfections diverses de ce livre. Lui seul est à blâmer dans ce cas. Mais il fait confiance à ses contemporains (la nature humaine étant ce qu’elle est) pour les lui signaler avec vigueur.
Note retrouvée par les héritiers de Pierre de La Crau et insérée par eux à cet endroit.
J’avoue tout de suite afin de faciliter le travail de mes juges que les hommes comme moi étaient chrétiens à Rome sous Néron, païens à Jérusalem, sorciers à Salem, hérétiques anglais, catholiques irlandais, et aujourd’hui racistes, sexistes, homophobes, islamophobes, en attendant d’être demain koufar ou de nouveau chrétien l’antéchrist le plus bestial de toutes les apocalypses, etc. Bref ainsi qu’on l’aura compris je suis pour le néant la mort la maladie la
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souffrance…… Par respect pour l’Humanité, afin de gagner du temps, et ne pas lui en faire perdre, je vais faciliter le travail de ceux qui tiennent absolument à être du bon côté de la barrière en combattant (héroïquement bien sûr) afin de sauver le monde de mes griffes (mes idées ou mes penchants, mes tendances). À ces courageux et implacables détracteurs, dont la profondeur de réflexion digne d’un marquis de Vauvenargues n’a d’égale que l’ampleur de la culture générale d’un Pic de la Mirandole, je dis… Prenez une feuille de papier, un traitement de texte si vous préférez, mettez-y par ordre d’importance les 20 caractéristiques qui vous semblent les plus graves, les plus odieuses, les plus haïssables, dans l’histoire de l’Humanité, depuis les hommes préhistoriques et Nabuchodonosor, selon vous… ET DITES-VOUS BIEN QUE JE SUIS TOUT LE CONTRAIRE DE VOUS, CAR JE LES AI TOUTES ! On a toujours besoin de boucs émissaires ! Hérétique au Moyen âge, sorcière à Salem au 17siècle, raciste au 20e siècle, lézard extraterrestre au 21e, je suis l’homme que vous aimerez haïr pour vous sentir meilleur (gentils et intelligents). Je suis au choix et dans l’ordre d’importance que vous voulez : athée, sataniste, stupide, mongolien, bestial, homosexuel, pervers, homophobe, communiste, nazi, sexiste, philatéliste, menteur pathologique, voleur, suffisant, psychopathe, un monstre d’orgueil faussement modeste, et que sais-je encore, à vous de voir suivant la mode du moment. Voilà, je ne peux pas faire mieux (pour vous aider à sauver le monde).[À la différence de mes contempteurs qui sont tous des gens bien, c’est-à-dire jeunes ou modernes et dynamiques, courageux, positifs, gentils, intelligents, instruits, ou du moins qui savent ; faisant preuve de beaucoup de recul dans leur méditation en profondeur sur les tendances lourdes de l’Histoire ; et sur le plan moral ou éthique : généreux, altruistes, mais pauvres évidemment (c’est là leur seul défaut), car donnant tout aux autres ; en outre profondément respectueux de la volonté de Dieu et de la Constitution… Moi je suis un vieux réactionnaire ankylosé, conformiste, déconnecté de son temps, parano, schizophrène, incohérent, capricieux, jamais content, méchant, bête, n’ayant fait aucune étude ou du moins ignorant tout sur le sujet en question ; coutumier des jugements à l’emporte-pièce fondés sur des préjugés dénués de toute réflexion ; égoïste et riche ; suppôt de Satan et nazo-bolchevick ou stalino-hitlérien de nature. On disait hitléro-trotskiste quand j’étais jeune. En bref un criminel psychopathe dès le petit-déjeuner… ce qui me permet donc de penser ce que je veux, mes critiques aussi d’ailleurs, et d’essayer de le faire savoir à la cantonade].Signé : le coordonnateur des travaux, Pierre de la Crau dit Hésunertus, chercheur en druidisme. Un homme à qui rien de ce qui est humain ne fut étranger. Chômeur, facteur, divorcé, sans domicile fixe, vagabond, contribuable, justiciable, et électeur cocufié… bref un des neuf milliards d’êtres humains ayant transité sur ce vaisseau spatial donc. Né sur la planète Terre le 13 janvier 1952.
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BIBLIOGRAPHIE DES GRANDES LIGNES.
Pour ce qui est de la bibliographie des détails, voir annexe de la dernière leçon, car, comme le dit si bien Henri Lizeray, les traditions, ça doit s’interpréter. C’est là toute la différence qu’il peut y avoir entre ancien druidisme et néo-druidisme.
— Le Lebar gabala ou Livre des invasions. Paris 1884 (William O’Dwyer)
— Base de l’église druidique. Le druidisme restauré. Henri Lizeray, Paris, 1885.
— Les traditions nationales retrouvées. Paris 1892.
— Aesus ou la doctrine secrète des druides. Paris 1902.
— Ogmios ou Orphée. Paris 1903.
TABLE DES MATIÈRES.
Qu’est-ce que la vérité ?
Rappels sur l’ancien druidisme
Totémisme et Homme primordial
Rappels sur la cosmogonie
HHistoire de la Terre et de la Vie
Les véritables origines du genre Homo
La dernière vague humaine : le temps des hommes (des vrais)
Les Pré-Indo-Européens I (retour sur l’Homme de Cro-Magnon)
La véritable généalogie des Gaels des Brittons etc.
Les Pré-Indo-Européens II
La spiritualité des peuples préhistoriques
La véritable Atlantide ou Hyperborée disparue
La fin du monde des cueilleurs-chasseurs
La vie quotidienne au Néolithique dans les Alpes
L’Âge du cuivre (Chalcolithique ou Énéolithique)
Les Aryens ou Indo-Européens
Aryanisation ou Indo-Européanisation de l’Europe du Nord
Doggerland -6500 ou Atlantide ?
L’Empire celtique d’Ambicatus
Remarques à propos de la celtisation
Nouvelles remarques sur la façon dont s’est opérée la celtisation
La religion druidique (évolutions et révolutions)
La langue élue (des dieux)
Opinion individuelle du dikaste Jean-Pierre Martin
Les langues celtiques d’un point de vue scientifique
Aperçu des littératures celtiques
La Bible du druidisme : brève liste des principaux récits manuscrits d’Irlande
Rôle de la femme celte dans ces récits
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Les vrais oghams : les runes celtiques
La divination par les lettres
L’hérésie oghamique d’Irlande
Conclusion sur le druidisme (antique)
Annexe N°1. Comment tirer les runes cisalpines ?
Annexe N°2. La véritable histoire d’irlande
Annexe N°3. Les délires chrétiens en matière d’Histoire
Annexe N°4. Le Livre de la conquête de l’Irlande
Annexe N°5. L’Hyperborée selon les Grecs
Annexe N°6. L’Hyperborée selon Paul Le Cour
Annexe N°7. L’Hyperborée selon Serge Hutin
Annexe N°8. Nouvelle recherche sur l’Hyperborée : l’Hyperborée de Schuré
Erratum. La recherche scientifique moderne sur l’Hyperborée
Addendum N°1. Terminologie en vieux-celtique (propositions et suggestions)
Addendum N°2. Hypothèses sur l’Homme à venir
Postface à la John Toland
Bibliographie des grandes lignes
1 Citations des auteurs antiques parlant des Celtes ou des druides.
2 Généralités liminaires diverses sur les Celtes.
3 Histoire du pacte avec les dieux tome 1.
4 La Bible du druidisme : histoire du pacte avec les dieux tome 2.
5 Histoire du pacte avec les dieux tome 3.
6 Histoire de la paix avec les dieux tome 4.
7 Histoire de la paix avec les dieux tome 5.
8 Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande science qui illumine » tome 1.
9 Textes apocryphes irlandais.
10. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande science qui illumine » tome 2.
11. Des Fénianes aux Culdées ou « La Grande Science qui illumine » tome 3.
12. Les cent voies du paganisme. Science et philosophie tome 1 (mythologie druidique).
13. Les cent chemins du paganisme. Science et philosophie tome 2 (mythologie druidique).
14. Les cent chemins du paganisme. Science et philosophie tome 3 (mythologie druidique).
15. Le grand Camminus : éléments de théologie druidique tome 1.
16. Le grand catéchisme : éléments de théologie druidique tome 2.
17. Le plérôme druidique : anges djinns ou démons tome 1.
18. Le plérôme druidique : anges djinns ou démons tome 2.
19. Mystagogie ou théâtre sacré des Celtes antiques.
20. Poèmes celtes.
21. Le génie du paganisme celte tome 1.
22. Le complexe de Roland.
23. Au pied de la lanterne des morts.
24. Les secrets du vieux druide de la forêt ménapienne.
25. Le génie du paganisme celte tome 2 (liberté réciprocité simplicité).
26. Rhétorique : la trahison des clercs).
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27. Petit dictionnaire de théologie druidique tome 1.28. Des philosophes antiques au druide irlandais.
29. Judaïsme christianisme et islam : première partie.
30. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome 1.
31. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome2.
32. Judaïsme christianisme et islam : deuxième partie tome 3.33.
Troisième partie tome 1 : Qu’est-ce que l’Islam ? Bref historique de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
34 Troisième partie tome 2 : Qu’est-ce que l’Islam ? Premières approches de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
35 Troisième partie tome 3 : Qu’est-ce que l’Islam ? Les 5 vrais piliers de l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
36 Troisième partie tome 4 : Qu’est-ce que l’Islam ? Coups de sonde dans l’ensemble COR. HAD. SIR. et CHAR. FIQ. MAD.
37. Couiro anmenion ou Petit dictionnaire de théologie druidique tome 2.