Espérant ainsi se frayer un passage par la force des armes jusqu’à Crixus.Assuré de mourir, il cherchait désespérément à se couvrir d’une gloire
Dont il ne jouirait jamais de son vivant.
Teutalus, blessé à l’aine, tomba devant lui,
Et la terre trembla sous son poids gigantesque ;
Et Sarmens ensuite, qui avait promis, en cas de victoire
De t’offrir ô Gradivus [Mars], ses mèches aussi blondes que de l’or,
Ainsi que le chignon éclatant qu’il avait sur le crâne.
Mais son vœu ne fut pas exaucé,
Les Parques [les fées de la destinée] l’on tiré par ses cheveux toujours intacts
Jusque dans les profondeurs du sombre séjour des Mânes
Un sang fumant inonde son corps blanc comme neige
Et la terre imbibée a tourné au rouge.
Mais Ligaunus, nullement arrêté par la javeline qu’il avait reçue,
Se rua sur Quirinus, leva son épée de toute sa hauteur devant lui
Et lui en asséna un coup très violent juste à l’articulation de l’épaule.
Le bras gauche fut coupé net par ce coup d’épée ;
Mais resta un instant accroché à la bride qui s’était mise à flotter,
La main serrant toujours mécaniquement les rênes
Comme si elle avait voulu en quelque sorte continuer
Le geste familier du cavalier gouvernant le frein de son cheval.
Alors Vosége [latin Vosegus] coupa la tête qui ne se tenait plus droite
Et attacha donc à la crinière de son cheval le casque avec la tête encore dedans,
Ensuite il poussa un cri de triomphe en l’honneur de ses dieux ancestraux.
Pendant que les tribus celtes semaient ainsi la mort sur le champ de bataille,
Le consul fait sortir du camp ses troupes en toute hâte
Et s’élance le premier sur l’ennemi juché sur son blanc coursier.
…
LIVRE XIII.
Et Scipion répondit :
« Ô toi le plus noble descendant de l’antique Clausus,
Aucune de mes tâches (et j’en ai pourtant de très lourdes à effectuer)
N’aura le pas sur ta requête.
Partout dans le monde les pratiques en ce domaine diffèrent,
La variété des opinions donne naissance à des façons variées
d’enterrer les morts et de disposer de leurs cendres.
En Espagne m’a-t-on dit (c’est une très ancienne coutume)
Les corps des défunts sont laissés en pâture à d’immondes vautours.
Quand un roi meurt en Hyrcanie, l’usage veut qu’on laisse les chiens dévorer son cadavre.
Les Égyptiens enferment leurs morts debout dans un cercueil de pierre et lui rendent un culte,
Ils admettent des spectres anémiés à leurs banquets.
Chez les peuples du Pont-Euxin, la coutume est d’enlever le cerveau du crâne
Et d’introduire dedans divers médicaments pour l’embaumer.
Les Garamantes creusent un trou dans le sable et y enfouissent les morts nus,
Alors que les Nasamons de Libye confient leurs morts aux cruelles profondeurs marines.
Les Celtes se plaisent à évider les crânes, les sertissent d’or et s’en servent, quel sacrilège,
Comme coupes à boire lors de leurs festins.
Les Cécropides ont adopté une loi disposant que ceux qui sont morts dans une bataille pour défendre le pays
Doivent être brûlés ensemble sur un même bûcher funèbre.
Chez les Scythes les morts sont attachés dans des arbres jusqu’à ce qu’ils pourrissent
Et c’est le temps finalement qui se charge de la sépulture de leurs corps ».
Mais pendant qu’ils parlaient ainsi le fantôme de la Sibylle s’approcha
Et Autonoé les pria de bien vouloir arrêter de pérorer plus longtemps :
« Voici » dit-elle, « voici la grande prêtresse, la fontaine de vérité ».